Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 46 - Témoignages du 2 mars 1999
OTTAWA, le mardi 2 mars 1999
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 h 45 pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada (commerce électronique).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs, chaque témoin nous fera un bref exposé, après quoi nous passerons à une discussion générale avec tout le groupe.
Pour votre gouverne, j'aimerais rappeler aux honorables sénateurs que nous avons entrepris cet examen du commerce électronique, en grande mesure, parce que ce sujet est revenu à plusieurs reprises au cours d'autres séances tenues ces dernières années sur les institutions financières, les amendements à la Loi sur les sociétés par action, et cetera. Nous étions nombreux au comité à avoir l'impression de ne pas très bien connaître ce domaine très technique. Puisqu'il s'agit d'un secteur commercial en évolution rapide, et puisque ce comité examine la quasi-totalité des projets de loi qui touchent le secteur des sociétés, nous avons décidé qu'il fallait nous renseigner à ce sujet.
Au même moment, le gouvernement a présenté le projet de loi C-54, un projet de loi sur la protection de la vie privée dans le contexte du commerce électronique. Notre comité sera saisi de ce projet de loi lorsque la Chambre des communes aura terminé son étude. Le but initial de la réunion d'aujourd'hui était d'aider les membres du comité à se renseigner, mais elle pourra également servir, du moins en partie, comme séance d'information en vue de l'examen du projet de loi C-54.
Madame d'Auray, nous allons commencer par vous entendre. Je vous en prie.
Mme Michelle d'Auray, directrice exécutive, Groupe de travail sur le commerce électronique, Industrie Canada: Mesdames et messieurs, je suis heureuse de pouvoir commencer afin qu'ensuite, les autres puissent critiquer ce que fait le gouvernement.
Vous avez copie des diapositives de mon exposé qui présentent la stratégie globale du gouvernement dans le domaine du commerce électronique. La deuxième diapositive à la première page explique en partie pourquoi nous considérons les transactions électroniques sur réseau ouvert d'une telle importance pour notre économie et la société. Les transactions sur l'Internet comportent tous les éléments essentiels de l'évolution vers l'économie du savoir, c'est-à-dire la mondialisation, l'évolution de l'information et la capacité à transférer de l'information de façon efficiente et efficace.
Par exemple, si vous regardez la rentabilité d'utiliser l'Internet plutôt que le télécopieur, vous constatez que pour transmettre un document de 42 pages à Tokyo, ce sera 720 fois plus rapide et 260 fois moins cher que la livraison par messagerie 24 heures. Certains de mes collègues ont affirmé que seul un fonctionnaire expédierait un document de 42 pages à Tokyo par télécopieur. Toutefois, c'est un exemple utile pour montrer la rentabilité des réseaux ouverts.
L'objectif du gouvernement en matière de commerce électronique découle d'une vision plus vaste qu'on appelle la connectivité. Nous sommes persuadés qu'en augmentant le niveau de connectivité des Canadiens à l'Internet, nous augmenterons leur capacité dans le domaine du savoir et de l'information. Il en résultera des citoyens mieux informés et peut-être une compétitivité accrue menant à une société plus dynamique et à une économie plus forte. Voilà pourquoi nous avons élaboré un programme en six volets que certains parmi vous connaissent peut-être. On l'appelle «Pour un Canada branché».
À la page 3 apparaissent certains des objectifs que nous nous sommes fixés afin de nous assurer que le Canada devienne un des pays les plus branchés au monde. D'ici la fin du mois, toutes nos écoles et nos bibliothèques seront branchées. Au niveau suivant, il y a le branchement des salles de classe qui se fera d'ici la fin de l'année financière 2000. Aux termes du programme Centres d'accès communautaire, nous aurons mis sur pied 10 000 centres d'accès public d'ici la fin de l'année financière 2000. C'est ce que nous considérons être l'équivalent d'une cabine de téléphone publique pour l'Internet.
D'ici la fin de l'année financière 1999, nous aurons aménagé le réseau optique le plus rapide au monde. À la suite du dernier budget, nous espérons être en mesure de lancer un projet pilote appelé Collectivités ingénieuses qui nous permettra de vérifier ce qui arrive sur le plan économique et social à une localité lorsque toutes ses institutions essentielles et ses principaux intervenants sont branchés à l'Internet.
Enfin, et surtout, le mandat du groupe de travail que je dirige est de faire du Canada un chef de file mondial en commerce électronique d'ici l'an 2000.
Nous ne sommes pas le seul pays qui tienne à devenir un chef de file en commerce électronique. Par conséquent, nous avons mis au point une stratégie globale pour le secteur privé qui inclut des organisations représentant les entreprises et les consommateurs. Il s'agit d'une stratégie en deux volets de nature nationale et internationale. Comme le commerce électronique, est une activité mondiale, ce que nous faisons à l'échelle nationale doit fonctionner à l'échelle internationale. De plus, ce que nous faisons à l'échelle internationale aura une incidence marquée sur le Canada. Le premier ministre a annoncé la stratégie nationale au mois de septembre 1998. Sur la scène internationale, le Canada a accueilli la Conférence ministérielle de l'OCDE sur le commerce électronique, tenue au début octobre à Ottawa.
J'aimerais mentionner les résultats de la conférence ministérielle de l'OCDE. Essentiellement, cela a joué sur deux fronts. Tout d'abord, le Canada a fait sa marque sur la scène internationale en commerce électronique. Il en est ressorti à l'intention de l'OCDE un plan de travail fort dynamique dans les domaines de la fiscalité, de la protection de la vie privée, de la protection du consommateur et de l'authentification. Nous avons également réussi à amener les entreprises et les pouvoirs publics à travailler ensemble pour élaborer un plan d'action sur les obligations contractuelles et l'utilisation de technologies afin de faire progresser le commerce électronique. Pour la première fois, nous avons réuni toutes les principales organisations internationales qui s'intéressent de près ou de loin au commerce électronique. Depuis lors, le programme de travail sur le commerce électronique de l'OMC a débouché sur plusieurs activités intéressantes. Essentiellement, à bien des égards, la conférence a servi de catalyseur.
Le Canada étant une nation commerçante, il est tout à fait dans notre intérêt de nous assurer que l'on facilite le commerce électronique à l'échelle mondiale et que nous tirions parti de cette situation. Ainsi, nos prochaines initiatives viseront surtout la zone-échange des Amériques et de l'OMC.
Nous avons élaboré un programme national en quatre volets thématiques, à la suite d'une entente intervenue à l'issue des discussions que nous avons eues avec les organisations représentant le secteur privé et les consommateurs ainsi qu'après un examen de ce qui se passe sur la scène internationale. Pour la croissance du commerce électronique au Canada, il nous faut instaurer la confiance dans le marché numérique.
Je suis persuadée que Mme Lawson abordera cet aspect plus particulièrement du point de vue des consommateurs.
Il nous faut également clarifier les règles applicables au marché en partant de l'hypothèse que la plupart des lois actuelles s'appliqueront, et le cas échéant, nous apporterons les modifications nécessaires. Manifestement, si nous voulons augmenter la capacité et l'utilisation du commerce électronique au Canada, nous devons nous assurer que nous possédons une infrastructure appropriée et que tous puissent en profiter. Ainsi, le quatrième thème porte sur la concrétisation des possibilités.
Nous avons préparé de la documentation sur support électronique et également sous forme d'études. Il y a des documents préparés en vue des consultations entreprises avec le secteur non gouvernemental, dans lequel j'inclus les milieux d'affaires et les organisations de consommateurs.
Plus précisément, en vue d'instaurer la confiance dans le marché numérique, le gouvernement voulait s'assurer que les citoyens avaient accès à toutes sortes de méthodes de transaction sécuritaires, au nombre desquelles les logiciels de cryptographie sont les plus importants. C'est ainsi que nous avons déposé, le 1er octobre 1998, une politique en matière de cryptographie qui nous permet d'utiliser toute la force de la cryptographie au Canada sans imposer de régime de récupération des clés obligatoire.
En ce qui concerne la protection de la vie privée, nous avons déposé le projet de loi C-54. Fondé sur la norme de protection de la vie privée de la CSA que nous avons intégrée complètement dans la loi, ce projet de loi prévoit certains recours et des mécanismes de redressement par l'entremise du Bureau du commissaire fédéral à la protection de la vie privée.
Dans le domaine de la protection des consommateurs, nous travaillons avec le milieu des affaires et les organisations de consommateurs afin d'élaborer des lignes directrices d'application volontaire pour que les consommateurs jouissent de la même protection dans le monde branché que dans le monde physique.
Afin de préciser les règles applicables au marché, Revenu Canada a constitué plusieurs groupes consultatifs dans le but de définir les principales questions à régler en matière de politique fiscale. Il en est essentiellement ressorti qu'il fallait assurer la neutralité fiscale au niveau des médias et de la technologie. Dans sa réponse, le gouvernement s'est montré disposé à adopter cette voie et il a constitué, ou est en train de le faire, quatre autres groupes de travail qui examineront certaines des grandes questions entourant la fiscalité et le commerce électronique, notamment l'application et l'administration.
En ce qui concerne les cadres juridiques, si nous voulons nous acheminer vers un monde électronique et utiliser des signatures et des documents électroniques, il faut étoffer notre cadre juridique, du moins au niveau fédéral. Il existe ce que nous appelons un préjugé en faveur des transactions papier. Nous avons examiné environ 600 lois fédérales dont approximativement 335 semblent privilégier les transactions papier. Elles exigent un témoin, un sceau, un document signé; on partait du principe qu'un document papier était indispensable. C'est pourquoi nous avons défini ce qu'on appelle une formule de participation, déposée dans le cadre du projet de loi C-54, qui reconnaît essentiellement la validité d'une signature électronique ainsi que d'un document électronique et qui permet au ministère et au ministre de participer une fois qu'ils sont prêts et disposés à entreprendre des transactions électroniques.
En ce qui concerne la propriété intellectuelle, il ne fait aucun doute que l'univers numérique présente certains défis à cet égard. Le Canada est signataire des traités l'OMPI qui ont récemment été conclus et nous sommes en train d'entreprendre des discussions concernant la mise en oeuvre de ces traités et la question de la responsabilité pour les fournisseurs de services Internet. Par exemple, s'il y a effectivement atteinte au droit d'auteur, qui est chargé de déterminer où s'est produit ce délit et qui en est responsable?
Pour ce qui est de consolider l'infrastructure de l'information, CANARIE, le Réseau canadien pour l'avancement de la recherche, de l'industrie et de l'enseignement, a lancé CA Net III avec son consortium du secteur privé pour créer le premier réseau optique au monde pour Internet, et trois unités sont maintenant opérationnelles.
Les normes sont également un élément indispensable et nous sommes en train de préparer en collaboration avec le secteur privé, travail que nous avons d'ailleurs presque terminé, un ensemble de normes destinées à assurer l'intéropérabilité des réseaux et des systèmes.
Enfin, nous arrivons au dernier élément, auquel je consacrerai quelques minutes de plus, à savoir la concrétisation des possibilités. De toute évidence, nous pouvons établir le cadre stratégique qui convient, mais il faut que les citoyens et les entreprises puissent l'adopter assez rapidement. Pour l'instant, le gros des transactions commerciales électroniques, c'est-à-dire 80 p. 100, sont des transactions d'entreprise à entreprise.
Nous avons été le premier pays du G7 à nous doter d'une structure efficace en matière de commerce électronique. En fait, nous sommes l'un des seuls pays à avoir travaillé sur tous les fronts simultanément, et à pouvoir déclarer que nous possédons en fait une structure exhaustive qui appuiera et facilitera le commerce électronique d'ici le milieu de 1999.
Pour ce qui est des avantages, nous devons encourager la croissance. Nous pouvons avoir le meilleur cadre stratégique au monde, mais si les entreprises n'y adhèrent pas et si les citoyens hésitent à s'en servir, cela compromettra l'essor de cette industrie au Canada. D'autres pays -- notamment notre plus important partenaire commercial, les États-Unis -- sont en train d'adopter des mesures dynamiques à cet égard. Nous avons beaucoup entendu parler des ventes au détail -- comme par exemple, Amazon.com. Il existe certains exemples canadiens, mais l'adhésion n'est certainement pas aussi rapide ni aussi impressionnante. Cependant, nous pouvons faire fond sur nos atouts car nos coûts d'accès à Internet sont parmi les plus faibles. Nous affichons également un taux de pénétration élevé pour ce qui est de l'utilisation de l'Internet.
En ce qui concerne les institutions financières, qui d'après ce que je crois comprendre constituent un aspect qui vous intéresse, on constate au Canada une forte tendance de la part des citoyens à utiliser la technologie. En 1997, environ 12,5 millions de Canadiens ont effectué au moyen d'Interac et de leurs cartes de débit environ 1 milliard de transactions représentant une valeur de 44 milliards de dollars. Il s'agit de l'utilisation par habitant la plus élevée au monde.
Les institutions financières au Canada ont pris des mesures assez énergiques pour s'adapter à l'ère de l'électronique. Nous affichons également un taux de croissance assez important pour ce qui est de l'utilisation d'Internet. Nous avons dépassé le stade de l'adepte précoce. Nous nous apprêtons à passer au marché de masse.
Forrester Research a mis au point une méthode pour calculer ce que l'on appelle l'étape de l'hypercroissance. Le Canada demeure à la traîne des États-Unis. D'après le cadre d'analyse de Forester, il y aura croissance dynamique ou ordinaire selon qu'il y aura ou non collaboration des gouvernements et du secteur privé pour assurer la croissance du commerce électronique. Nous pensons avoir les ingrédients nécessaires ici au Canada pour tirer profit de la situation.
Pour ce qui est de la stratégie de croissance, nous avons certains adeptes précoces, comme je l'ai indiqué. Le secteur des services financiers a manifesté une adhésion assez importante à cet égard, tout comme les entreprises de télécommunications. Le secteur de l'automobile a opté pour un type élargi d'activité EDI, que l'on a appelé le réseau d'échange de données informatisées de l'industrie de l'automobile. Il reste toutefois certaines possibilités qui n'ont pas encore été exploitées. Par conséquent, la prochaine étape pour le gouvernement, après qu'il aura mis l'accent sur l'élaboration des politiques, consistera à encourager l'adhésion de la part des entreprises canadiennes, aussi bien les fournisseurs, pour qu'ils mettent au point de nouvelles applications, que les utilisateurs, pour en accélérer l'utilisation et la croissance.
Au cours des prochains mois, la tâche du groupe de travail consistera à améliorer notre base de connaissances sur l'adhésion au commerce électronique de la part des entreprises canadiennes, afin de déterminer quels sont les obstacles et les éléments positifs. Nous avons l'intention de promouvoir systématiquement le commerce électronique et d'y sensibiliser davantage non seulement les entreprises mais aussi les citoyens, à l'aide de nos programmes d'accès communautaire et d'autres moyens.
Nous avons l'intention d'utiliser CANARIE, qui est le consortium d'entreprises des secteurs privé et public, et de travailler directement avec lui pour accélérer la mise au point d'applications de réseaux, car les réseaux sont vraiment la clé de l'utilisation du commerce électronique. Nous avons l'intention de mettre le commerce électronique au centre de nos activités commerciales et d'investissement, et de travailler en collaboration avec des chercheurs dans les écoles et les universités pour accélérer la sensibilisation au commerce électronique. À cette fin, vous avez peut-être lu récemment que l'Université Dalhousie a mis sur pied un programme de subventions pour le commerce électronique.
Nous considérons qu'il s'agit d'un secteur qui présente d'énormes possibilités si le gouvernement et le secteur privé unissent leurs efforts. Si nous nous y prenons bien, nous pouvons accroître la portion du commerce électronique au Canada pour qu'elle représente environ 33 milliards de dollars d'ici l'an 2002. Si nous ne faisons rien, elle atteindra environ 13 milliards de dollars. Je terminerai ici.
Le président: Cela soulève de nombreuses questions, mais nous laisserons d'abord tous les témoins présenter leurs exposés.
M. Robert Crow, vice-président, Politiques, Association canadienne de la technologie de l'information: Nous vous sommes reconnaissants de cette occasion de vous communiquer les vues de l'industrie de la technologie de l'information et des télécommunications du Canada pendant cette séance importante. Je suis accompagné aujourd'hui de Bill Munson qui fera lui aussi des remarques préliminaires ce matin. Je vous transmets les salutations de notre président-directeur général, qui est en mission commerciale en Asie. Il est désolé de ne pouvoir être présent aujourd'hui.
Pour nous situer dans le contexte, l'ACTI est le porte-parole de l'industrie canadienne de la technologie de l'information et des télécommunications. Avec nos organisations qui sont nos partenaires d'un bout à l'autre du pays, nous représentons plus de 1 300 entreprises dans les secteurs du matériel, du logiciel informatique et des télécommunications, des services et de l'électronique. Notre réseau d'entreprises représente plus de 80 p. 100 des 418 000 emplois du secteur; 70 milliards de dollars en recettes annuelles; 3 milliards de dollars en dépenses de R-D; et 21 milliards de dollars en exportations annuelles qui représentent la contribution de la technologie de l'information à l'économie canadienne.
Tout comme le sujet que nous abordons ce matin, le commerce électronique, notre association est le résultat de la convergence de l'informatique, des télécommunications et de la médiatique. En fait, depuis ses origines dans les années 50 en tant qu'association de fabricants de matériel commercial et de fournisseurs de mobilier pour l'entreprise, l'ACTI a d'abord pris de l'expansion en regroupant les fabricants d'ordinateurs, les fabricants de matériel de télécommunications et les fournisseurs de services, puis a fusionné avec une association d'organisations de logiciels et de services informatiques. Plus récemment, l'ACTI a accueilli au sein de son organisation les chefs de file des nouveaux médias, les secteurs des communications sans fil et de la médiatique.
Nous considérons que le commerce électronique offre au Canada une importante occasion d'obtenir plus que sa part d'un marché mondial important et en pleine croissance. En effet, nous avons déjà fait preuve d'un leadership considérable en matière de commerce électronique, comme en témoignent les importantes initiatives stratégiques que nous avons prises sur le plan international, décrites plus tôt par Mme d'Auray, telles que les initiatives ministérielles prises dans le cadre de l'OCDE et ainsi de suite. Cela est également manifeste au niveau de l'activité électronique. Selon la société International Data Corporation of Canada, chargée d'évaluer le marché canadien du commerce électronique, la part canadienne du marché du commerce électronique mondial, qui représentait 13 milliards de dollars en 1997, était d'environ 5,3 p. 100 -- plus du double de notre part du PIB mondial. Nous aimerions faire en sorte que la part du Canada connaisse la croissance la plus forte possible.
Nous avons de la concurrence, et c'est une très bonne. Par exemple, jeudi dernier, j'ai visité le service de soutien technique d'IBM en République d'Irlande. Il s'agit d'un service à la fine pointe de la technologie qui assure un soutien technique à l'échelle mondiale pour les produits clés d'IBM. Dans cette installation, des employés extrêmement spécialisés et bien formés -- qui sont au nombre de 600 -- règlent les problèmes des clients en direct ou par téléphone, n'importe où dans le monde, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. La bonne nouvelle, c'est que ce centre, pour l'instant, est jumelé au centre téléphonique d'IBM Canada à North York. En fait, ces deux centres travaillent de façon tellement étroite -- et c'est le monde du commerce électronique -- que si les temps de réponse dans un centre deviennent trop longs, les appels sont automatiquement acheminés au centre téléphonique qui se trouve à cinq fuseaux horaires de là. Voilà le commerce électronique tel qu'il se pratique à l'échelle mondiale.
Sachez qu'en tant que Canadiens, nous sommes fiers d'assurer notre présence au sein de cette industrie et que nous exerçons une concurrence soutenue. Cependant, la mauvaise nouvelle, c'est que le tout dernier centre téléphonique de soutien technique d'IBM, que j'ai visité la semaine dernière, ne se trouve pas à North York, il se trouve à Dublin en Irlande. En fait, il s'agit d'un important ajout au centre qui existe déjà en banlieue de Dublin. Il y a plusieurs raisons à la présence de ce centre à cet endroit; certaines sont indépendantes de notre volonté, mais il y en a d'autres que nous pouvons et que nous devons contrôler si nous voulons influencer si nous voulons maintenir et accroître notre part du marché mondial du commerce électronique.
Mme d'Auray a déjà décrit quatre démarches thématiques ou initiatives clés, et dans un instant, je demanderai à M. Munson de vous parler des mesures que nous entendons prendre également à cet égard.
La coopération entre le gouvernement, les entreprises et les consommateurs pour établir un cadre de réglementation en matière de commerce international a été sans précédent, tant dans son ampleur que dans ses réalisations avec le temps. Nous sommes très fiers d'être ici en compagnie de nos partenaires avec qui nous sommes en train d'établir ce cadre important. Cela dit, j'ajouterais un cinquième pilier structurel au positionnement du Canada dans l'industrie du commerce électronique, à savoir que le cadre général de l'investissement tel qu'il existe à l'heure actuelle ne permet pas d'appuyer notre position.
Selon certains calculs, nous ne le cédons à quiconque pour ce qui est d'imposer le secteur des services commerciaux. Le sort que nous réservons à nos employés spécialisés des technologies de l'information en matière d'impôt personnel est également bien documenté. Notre part à la baisse de l'investissement étranger témoigne de ce malheureux positionnement, tout comme la perte d'un trop grand nombre de nos employés spécialisés au profit d'autres pays. Le commerce électronique est un secteur de service qui, selon nous, offre d'énormes débouchés. À moins de prendre des mesures qui les font fuir, nous possédons les personnes compétentes capables de faire le travail. Il ne fait aucun doute que nous possédons la technologie et nous travaillons d'arrache-pied avec nos partenaires au gouvernement et au sein du mouvement des consommateurs pour établir un cadre de réglementation approprié.
De grâce, ne tuons pas la poule aux oeufs d'or avant qu'elle ait même pondu. Maintenant que le budget est équilibré, nous vous demandons ainsi qu'à d'autres de nous aider à inscrire la réforme de l'impôt des sociétés et des particuliers à l'ordre du jour afin que nous puissions ajouter ce cinquième pilier qui est indispensable au développement du commerce électronique et du reste de notre économie.
Je demanderai maintenant à M. Munson de vous présenter nos initiatives en cours.
M. Bill Munson, directeur, Politiques, Association canadienne de la technologie de l'information: Tout d'abord, j'espère que vous avez devant vous des exemplaires de deux rapports produits par l'ACTI au cours des deux dernières années, à savoir «Overcoming Barriers to Electronic Commerce» et «Maximizing the Benefits of Electronic Commerce». Chacun de ces rapports a été préparé avant une conférence de l'OCDE sur le commerce électronique, la première ayant eu lieu en Finlande il y a quelques années et la deuxième ayant eu lieu à Ottawa l'autonome dernier. Nous sommes très heureux d'avoir pu contribuer à ces événements.
À bord du train hier en me rendant ici, je me suis rappelé lorsque j'avais une dizaine d'années au milieu des années 60. Ce Noël-là, j'ai reçu le Guinness Book of World Records. Comme j'étais jeune et minutieux, j'ai passé beaucoup de temps à essayer de trouver des records canadiens. Il n'y en avait pas beaucoup. Mais j'ai découvert qu'à l'époque nous étions -- et nous le sommes d'ailleurs restés pendant plusieurs dizaines d'années -- les gens les plus bavards sur terre. Nous passions plus de temps au téléphone par habitant que n'importe qui d'autre sur la planète. Cela indique que nous avions une infrastructure solide à l'époque et que nous avions aussi de nombreux services qui étaient offerts et que les clients étaient heureux d'utiliser ces services.
Ces piliers de ce que vous pourriez appeler désormais le «commerce électronique» demeurent nécessaires. Nous avons toujours besoin d'une infrastructure solide et d'acheteurs et de vendeurs de services de qualité. Dans l'ensemble, nous les avons.
Mme d'Auray et M. Crow ont tous deux parlé de l'évolution de ce secteur et de la nécessité pour nous de nous tenir à l'avant-plan; nous n'avons peut-être pas le plus grand nombre d'utilisateurs d'ordinateurs par habitant sur la planète, mais c'est certainement un objectif à atteindre.
Pour maintenir notre infrastructure, notre industrie et notre pays ont besoin de plusieurs choses. De toute évidence, nous avons besoin de technologies; et nous devons les mettre au point à l'échelle nationale, à l'aide de la R-D dans ce pays. Nous devons également avoir accès aux technologies étrangères sans aucun obstacle, qu'il s'agisse d'obstacles réglementaires ou d'obstacles tarifaires. C'est un facteur important. Nous nous apprêtons à entamer les négociations de l'OMC et de la ZLEA visant à démanteler d'autres obstacles tarifaires auxquels notre industrie et d'autres secteurs font face.
Nous avons besoin d'argent, donc nous avons besoin d'un régime fiscal qui récompense l'innovation. Nous devons avoir accès à l'investissement étranger pour tenir notre infrastructure à jour. Nous avons besoin de beaucoup d'argent. Cet argent n'existe pas sur les marchés financiers du Canada qui sont sollicités par tant d'autres secteurs. Nous devons avoir accès à ces capitaux étrangers. C'est un problème qui existe depuis un certain temps dans ce pays.
Nous avons besoin de gens spécialisés, capables de construire et d'administrer ces systèmes dont nous avons besoin. M. Crow en a parlé lui aussi.
L'autre côté de l'équation, ce sont les acheteurs et les vendeurs de services. Nous avons de toute évidence besoin d'acheteurs et de vendeurs qui ont accès à cette infrastructure. D'après les chiffres, le Canada affiche un taux de pénétration extrêmement élevé pour ce qui est des téléphones et de la télévision par câble. Notre association estime que dans l'ensemble, le marché permettra de s'assurer que des services d'excellente qualité sont offerts aux Canadiens à un coût abordable. Nous avons dit que lorsque cela n'est pas le cas -- c'est-à-dire lorsqu'il faut desservir les régions éloignées ou défavorisées --, nous reconnaissons que l'octroi de subventions pourrait être approprié. Quoi qu'il en soit, au niveau des acheteurs et des vendeurs, nous avons besoin de compétences.
Nous avons besoin d'exploitants spécialisés, de développeurs de services et d'exploitants de services. Nous avons également besoin d'un public averti, qui est à l'aise avec la technologie et qui n'a pas d'hésitation à utiliser les services par le biais de technologies du commerce électronique.
Sans doute ce dont nous avons le plus besoin à l'heure actuelle c'est d'un régime de réglementation qui instaure la confiance. Nous avons mentionné la conférence de l'OCDE qui a eu lieu en octobre dernier. J'ai assisté et j'ai été absolument stupéfait de constater à quel point la nécessité d'instaurer la confiance était la question de l'heure. Pratiquement tout le monde -- les entreprises, les groupes de consommateurs, l'industrie, les conférenciers invités, les participants au colloque -- ont parlé de la nécessité d'instaurer et de maintenir la confiance. Si nous voulons que le commerce électronique prenne son essor, nous devons nous assurer qu'il inspire confiance aux consommateurs éventuels.
Il est important d'établir des lignes directrices sur la protection du consommateur tant au niveau national qu'international. Notre association est très heureuse de faire partie du groupe qui est en train d'élaborer les principes de protection du consommateur pour le Canada. Nous sommes également fiers d'avoir été parmi les premiers groupes de l'industrie dans ce pays qui ont réclamé des dispositions législatives en matière de protection de la vie privée. Nous reconnaissons que, fondamentalement, les Canadiens doivent savoir que leurs intérêts sont protégés, et pour ce faire, des dispositions législatives solides en matière de protection de la vie privée sont nécessaires. Nous faisons partie du groupe qui a établi le code s'inspirant du modèle de la CSA sur lequel le projet de loi C-54 est fondé. Nous comparaîtrons devant le Comité de l'industrie de la Chambre des communes plus tard cette semaine pour discuter de notre appui du projet de loi, et nous nous ferons un plaisir de discuter de cet aspect et d'autres aspects qui se rattachent à toute cette question de confiance, avec vous plus tard aujourd'hui ou à l'avenir.
Il ne fait aucun doute que notre grande priorité est l'instauration de la confiance. Je vous laisse deux documents généraux. Cependant, nous avons préparé des documents plus précis, comme des mémoires à l'intention du gouvernement sur la cryptographie, sur la protection de la vie privée et sur un certain nombre d'autres questions liées au commerce électronique, et nous nous ferons un plaisir de vous les communiquer.
Mme Philippa Lawson, Centre pour la promotion de l'intérêt public: Le Centre pour la promotion de l'intérêt public est un organisme à but non lucratif constituée en personne morale au palier fédéral qui, depuis les années 70, défend les intérêts des consommateurs de télécommunications et d'autres secteurs. Depuis un an ou deux, nos efforts ont beaucoup porté sur des dossiers ressortissant au commerce électronique, et notamment la protection des renseignements personnels.
Vous ne trouverez probablement pas beaucoup de désaccord entre les témoins ce matin, du moins pas pour les grandes questions. Nous appuyons vigoureusement les initiatives du gouvernement dans ce domaine, et particulièrement pour ce que je considère être les trois principaux sujets de préoccupation des consommateurs.
Le premier, c'est l'accès. Mme d'Auray a parlé de la volonté du gouvernement de lier le Canada aux divers programmes existants pour essayer d'améliorer l'accès à Internet. Je pense que nous savons tous qu'il y a un problème, un écart qui se creuse entre les riches et les pauvres et qu'il existe un danger réel que le recours accru à la technologie et aux ordinateurs pour les communications et la prestation de services va simplement élargir cet écart encore plus. Il est donc absolument essentiel de redoubler d'effort pour obtenir des points d'accès pour les gens qui ne peuvent pas se permettre d'avoir accès à Internet à partir de chez eux. Actuellement, je pense que 20 p. 100 des ménages canadiens ont accès à Internet à domicile. Il est important que ceux qui n'y ont pas accès chez eux puissent se rendre dans des endroits où ils pourront profiter de ce service. Dans le secteur des télécommunications, nous constatons une augmentation des taux pour le service de base et nous savons que cela crée des problèmes pour les Canadiens à faible revenu. Nous risquons de voir s'accroître le nombre de familles sans accès au service téléphonique de base et, à plus forte raison sans accès à Internet.
Le deuxième grand sujet de préoccupation, c'est la protection des renseignements personnels. Nous appuyons fortement l'initiative du gouvernement, le projet de loi C-54, même si, à notre avis, il y aurait moyen de l'améliorer à certains égards. Il est absolument critique qu'une loi protégeant les renseignements personnels des particuliers, dans le secteur privé aussi bien que dans le secteur public, soit adoptée. C'est un domaine où l'auto-réglementation ne fonctionnera simplement pas.
Le troisième grand sujet de préoccupation, c'est la protection générale du consommateur. Je vais passer en revue certains des éléments essentiels de la protection du consommateur pour lesquels nous pensons qu'il faut agir très rapidement.
En général, le commerce électronique est porteur de grandes promesses pour les consommateurs et pour les Canadiens: plus d'information, plus de choix, des aubaines, plus de commodité. Tout cela est merveilleux, et les Canadiens montrent qu'ils sont prêts à se livrer au commerce électronique. À l'échelle mondiale, je pense que nous sommes au nombre des premiers à s'adapter à ces innovations. Toutefois, cela ne va pas aboutir si, comme l'on dit d'autres témoins, les consommateurs sont méfiants, s'ils continuent d'entendre parler, dans les médias, de problèmes à faire frémir et de l'utilisation abusive de renseignements personnels à l'insu des intéressés. Nous devons donc nous doter d'un cadre stratégique solide, pour protéger les consommateurs contre les abus commerciaux qui peuvent se produire en commerce électronique.
Il faut que les consommateurs puissent être sûrs que leurs renseignements personnels seront protégés. De plus, ils n'accepteront pas de se livrer au commerce électronique s'ils continuent d'être inondés de courrier électronique non sollicité, du «courriel poubelle» comme on dit. Les commerçants et les consommateurs reconnaissent qu'il convient de prendre des mesures sérieuses pour corriger la situation. Nous souffrons tous de cette utilisation abusive d'Internet.
Permettez-moi de parler rapidement de huit importants sujets de préoccupation pour les consommateurs. La plupart d'entre eux se traduisent par une série de principes de protection des consommateurs de commerce électronique que le Bureau de la consommation d'Industrie Canada a préparés en collaboration avec une table ronde d'intervenants de tous les secteurs, y compris le CCCE et de nombreux autres représentants des entreprises et des consommateurs.
La première préoccupation, est celle d'avoir de l'information complète, exacte et ponctuelle. Le commerce électronique est différent des autres formes de commerce, en ceci que le consommateur n'a pas de contact direct avec le vendeur. Il est difficile de juger de la véracité, de la fiabilité ou de l'intégrité de la personne avec laquelle vous traitez sur le Net. Comment pouvez-vous être sûr que l'information que l'on vous communique est exacte? Selon un dicton populaire qui a cours c'est temps-ci, sur Internet, personne ne sait que tu es un chien. Nous pensons qu'il faut établir des règles claires en vertu desquelles quiconque vend quelque chose sur le Net doit avant tout fournir des renseignements sur son identité et sur son emplacement. Il doit fournir des renseignements complets et exacts sur les produits ou les services qu'il vend et une liste claire et complète des conditions contractuelles auxquelles il invite le consommateur à souscrire. Il doit séparer l'information publicitaire des dispositions contractuelles.
Le consommateur doit pouvoir obtenir une copie du contrat au moment de la transaction afin de pouvoir dire plus tard: «Je pensais que nous étions d'accord pour que cela me coûte 10 $.» Il faut avoir des preuves de ce genre de choses. Il faut que ces règles soient établies.
La deuxième préoccupation porte sur les moyens de contrôler l'établissement du contrat. Là encore, le commerce électronique est fondamentalement différent, parce qu'il est très facile de faire une erreur avec la souris. Vous pouvez cliquer sur une case et vous rendre compte ensuite que vous ne vouliez pas faire cela. Vous ne vous rendez peut-être pas compte que vous avez accepté un contrat d'achat de service. Nous proposons que l'on exige des vendeurs qu'ils se servent d'un processus de confirmation en ligne, à étapes multiples, pour être absolument certain que le consommateur a bien l'intention de faire ce qu'il dit vouloir faire. Il y aurait un processus de triple clic. Premièrement, le consommateur confirme être intéressé à acheter; ensuite, il clique pour confirmer les conditions précises du contrat; enfin, il confirme séparément qu'effectivement il veut acheter le produit en question. Si ce processus n'est pas respecté, il faut alors avoir une période raisonnable d'annulation, vu le potentiel d'erreur.
La troisième préoccupation est celle de la protection des renseignements personnels, dont j'ai déjà parlé. C'est une préoccupation importante pour toutes les transactions commerciales, mais jamais autant que dans le monde électronique, vu la puissance des technologies informatiques et la facilité actuelle de recueillir, de manipuler et d'échanger des données personnelles sans le moindre coût.
Comme je l'ai déjà dit, le projet de loi C-54 est, à cet égard, une initiative tout à fait opportune et attendue.
Je voudrais parler du fait que l'autoréglementation n'est vraiment pas envisageable. Le CCCE n'est pas en désaccord avec cette loi, mais nous savons qu'aux États-Unis il y a de graves problèmes. Là-bas, l'approche est très différente. Ils ne semblent pas vouloir adopter de loi portant sur cette question.
Voyons les choses du point de vue du consommateur. Il est constamment confronté à des formulaires contractuels normalisés: «Vous signez ceci ou, si vous ne signez pas, si vous n'acceptez pas de fournir vos renseignements personnels, nous ne vous offrirons pas le service demandé.» Le vendeur assure souvent au consommateur, à tort, que les renseignements qu'il communique ne seront pas divulgués ou utilisés à d'autres fins. Dans bien des cas, le consommateur n'est tout simplement pas informé du tout des utilisations ultérieures que l'on fera des renseignements qu'il a fournis. Il est tout simplement dans l'ignorance, et ne peut ni se plaindre ni refuser.
Enfin, il y aura toujours des pirates informatiques. Même si l'on obtient de la majorité des entreprises qu'elles souscrivent à un code d'autoréglementation, il y aura toujours des filous qui voudront tirer avantage pécuniaire des renseignements personnels dont ils disposent.
La quatrième grande préoccupation est celle de la sécurité des transactions. Le projet de loi C-54 traite d'un grand nombre de ces questions. Nous appuyons vigoureusement la politique gouvernementale relative à la cryptographie dont a parlé Mme d'Auray, qui donne aux consommateurs la possibilité de mieux protéger leurs renseignements personnels et de mieux assurer leur sécurité.
La cinquième préoccupation est celle de la protection contre la responsabilité pour les transactions non autorisées. Comme je l'ai dit plus tôt, en matière de commerce électronique, on ne sait pas avec qui on fait affaire. Il y a le danger que des enfants, par exemple, obtiennent la carte de crédit de leurs parents et fassent des transactions. Il est important que le vendeur ait l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que la personne avec qui il traite est bel et bien la personne qui dit être en ligne.
La sixième préoccupation est celle des recours offerts aux consommateurs. Là encore, le commerce électronique est différent de la plupart des autres formes de commerce en raison de l'immense potentiel de fraudes. Par exemple, on évalue à environ 10 p. 100 le nombre de fraude dans le domaine du télémarketing.
Il y a également un grand risque de recours à des pratiques de marketing frauduleuses. Même des entreprises bien intentionnées peuvent, en utilisant Internet, offrir par leur publicité des services qui dépassent leurs possibilités. Tout à coup, cela se trouve annoncé dans le monde entier. L'entreprise se retrouve inondée de commandes qu'elle ne peut simplement pas remplir.
Nous devons donc avoir des procédures qui permettent aux consommateurs d'avoir des recours lorsque leurs transactions ne sont pas respectées et nous cherchons des méthodes de règlement extrajudiciaire des différends qui puissent être utilisées à l'échelle internationale en cas de différends.
Les deux dernières préoccupations sont controversées. Elles portent sur la loi et l'instance auxquelles il faudrait recourir en cas de différend entre des consommateurs et des vendeurs relevant de juridictions différentes.
Les principes de protection du consommateur dont j'ai parlé plus tôt ont été agréés par les entreprises, les consommateurs et le gouvernement; ils seront bientôt rédigés; en fait, nous espérons qu'ils seront rendus publics dans environ un mois. Toutefois, nous avons dû laisser tomber ces deux dernières préoccupations. Nous n'en avons simplement pas tenu compte parce que nous n'arrivions pas à nous accorder s'il fallait tenir compte de la perspective du consommateur.
Selon nous, le commerce électronique va mener à une augmentation des transactions transfrontalières et des ventes à distance. Par conséquent, il y aura augmentation des différends et des problèmes transfrontaliers. Mais à quelle loi ou à quel tribunal recourir au cas où le consommateur veut se plaindre devant un tribunal? Nous estimons que, vu leur relative vulnérabilité, les consommateurs ne devraient pas être privés de la protection que leur offrent leurs propres lois ou de la compétence de leurs propres instances judiciaires en cas de différend; toutefois, cela ne suffira pas si nous ne disposons pas d'accords réciproques de mise en application entre les diverses sphères de compétence.
Nous cherchons également à obtenir la collaboration des États pour l'application des décisions judiciaires.
En conclusion, nous sommes tous d'accord sur certains principes généraux qui figurent au document dont j'ai parlé, et qui devrait paraître bientôt. Un de ces principes, c'est que le consommateur du commerce électronique devrait avoir la même protection que celle dont il jouit dans d'autres formes de commerce. Il faut qu'il y ait harmonisation des lois de protection du consommateur entre les diverses sphères de compétence et qu'il y ait une certaine uniformité internationale.
La dernière question qu'aborde le document faisant état des principes, est celle de la conscientisation des consommateurs et du fait que les gouvernements, les entreprises et les consommateurs eux-mêmes ont un rôle à jouer, celui d'informer le public des risques possibles, des mesures qui peuvent être prises pour réduire ces risques au minimum et pour se prémunir contre les escrocs. Autrement dit, si vous êtes consommateur, que devez-vous éviter et comment pouvez-vous prendre des décisions d'achat en ligne sûres et bien informées?
Je m'en tiens à cela et j'espère que nous aurons une discussion un peu plus tard.
M. Bob Binns, vice-président, Secteur public, Cebra Inc.: Merci de me donner la possibilité de vous adresser la parole ce matin. Ce qui est intéressant lorsqu'on est témoin dans une tribune comme celle-ci, c'est qu'on entend ce que les autres pensent. Ce qui est regrettable, c'est que l'on constate que les préoccupations autour de la table sont plutôt communes. J'ai donc un peu de difficulté à ajouter des éléments nouveaux à la discussion. Toutefois, j'avais préparé un petit mémoire qui sera distribué et nous pourrons ensuite passer aux questions.
Je suis responsable des initiatives relatives au secteur public mondial. Personnellement, j'ai participé à de nombreux travaux innovateurs dans le secteur de l'information en Amérique du Nord au cours des 20 dernières années. À mon sens, aucune innovation n'a été aussi saisissante qu'Internet et que ce nouveau commerce que nous découvrons maintenant. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas Cebra, nous sommes une entreprise de commerce électronique qui s'occupe principalement de relations entre entreprises sur Internet. Nous sommes une filiale à 100 p. 100 de la Banque de Montréal. Je représente plus de 150 employés qui oeuvrent au coeur du commerce électronique au Canada.
Nos clients incluent de nombreux gouvernements, je dirais même la plupart des gouvernements au Canada, par l'entremise de notre service électronique national de dépôt de soumissions, qui représente l'un des trois systèmes électroniques de réponse aux appels d'offres les plus avancés dans le monde. Nous collaborons également avec Postes Canada pour offrir un nouveau service Internet à tous les Canadiens dans les entreprises, permettant aux utilisateurs de choisir le type de courrier qu'ils souhaitent recevoir dans leur boîte postale électronique, de régler leurs factures et d'effectuer des transactions à partir de leur boîte postale électronique. Pour régler les problèmes du courriel poubelle et du courrier non sollicité, nous avons pensé devoir nous fier aux choix effectués par les consommateurs. Nous avons également, dans les secteurs des services financiers et de l'assurance, des entreprises clientes qui fournissent ces services par l'entremise du Web.
La stratégie canadienne en matière de commerce électronique est, selon moi, plutôt exhaustive. Elle témoigne d'une énorme convergence ponctuelle entre l'industrie, les gouvernements et les décideurs. Je suis heureux de voir que cette stratégie pourrait faire de nous des chefs de file mondiaux, à condition bien sûr que nous puissions exécuter le travail, l'exécuter rapidement, parce que, comme on l'a dit, la vitesse est essentielle. Si nous y parvenons, nous serons très bien placés pour être des chefs de file mondiaux.
Je voudrais me concentrer sur trois questions pour offrir un contexte supplémentaire; ensuite, nous pourrons passer aux questions.
Ce que j'ai à dire en premier lieu a déjà été dit, mais mérite d'être souligné: les entreprises et les gouvernements canadiens, à tous les niveaux, ont la possibilité de très bien se positionner au moyen d'une plus étroite collaboration ou de partenariats innovateurs entre secteur public et secteur privé. Je pense que ce type de collaboration est en très bonne voie. Nous sommes déjà des chefs de file de la création de partenariats publics-privés innovateurs au moyen de nouveaux modèles d'approvisionnement. La récente conférence de l'OCDE est un excellent exemple de collaboration.
À l'échelle mondiale, où nous pouvons faire avancer les dossiers relatifs au commerce électronique, MERX, qui m'est particulièrement cher, est le résultat d'une nouvelle approche d'approvisionnement axée sur des avantages, le secteur privé effectuant des investissements en capital. Nos gouvernements accordent le droit d'utiliser l'information et les utilisateurs du système paient pour les services au moyen de droits de transaction.
L'un des avantages que l'on peut tirer de ce type d'initiative est un vaste accès à d'énormes quantités d'informations pour les entreprises et pour les particuliers. Ces initiatives permettent d'économiser des sommes énormes -- littéralement, des milliards de dollars -- pour les secteurs privé et public, grâce à leur collaboration. Des processus rationalisés et la réduction des formalités administratives permettent de rendre le gouvernement beaucoup plus accessible.
Ces initiatives offrent également des améliorations massives de l'efficacité, contrairement aux améliorations graduelles ou organisationnelles, et je crois que nous pouvons protéger l'intérêt du public pendant les étapes préliminaires si nous collaborons dès le début.
Le deuxième moyen de devenir des chefs de file du commerce électronique, tant pour les entreprises que pour les consommateurs, c'est de rendre notre infrastructure publique plus sûre. J'implore les gouvernements d'adopter rapidement des mesures législatives assurant la protection des renseignements personnels, donc le projet de loi C-54.
Toutefois, permettez-moi de m'écarter un peu du consensus et de dire que certaines personnes estiment que la façon la plus efficace d'assurer technologiquement la protection des renseignements, c'est de permettre à l'utilisateur de définir les modalités d'accès et le droit d'utiliser les renseignements qu'il fournit. L'utilisateur peut obtenir des niveaux accrus de protection s'il peut présenter des niveaux accrus d'authentification identitaire. Cela nous amène à la biométrie, dont je ne fais pas nécessairement la promotion, mais il y a là toute une théorie à examiner.
Nous devons encourager le recours à des autorités tierces d'accréditation, afin que les identités et les intentions puissent être validées à l'avance. Je soutiens que la plupart de nos institutions publiques et privées peuvent jouer le rôle critique de convaincre le public et d'établir les éléments de confiance qui répondront à la méfiance du public dans ce domaine. Nous devons fournir aux consommateurs un système de recours en cas d'utilisation abusive des renseignements personnels. Nous devons trouver le moyen de signaler rapidement aux consommateurs les activités frauduleuses, les escroqueries les plus récentes. Nous avons la capacité de mieux informer les gens. On a dit que la facilité du commerce électronique tient au fait qu'il peut atteindre directement la collectivité, et nous pouvons nous servir de cet avantage comme moyen accéléré d'avertissement.
Par ailleurs, et cela a déjà été dit, les gouvernements doivent adopter une position de neutralité fiscale et résister à la tentation de percevoir des taxes supérieures à celles qui ont cours hors du cyberespace.
Ce qui m'inquiète, c'est de savoir quand nous pourrons être prêts. Nos concurrents sont en train de rédiger des règles. Les États-Unis ne s'activent pas particulièrement à la préparation de mesures législatives. Ce qui me préoccupe, c'est que le monde du commerce électronique et d'Internet est à la portée de tous. Tout à coup, les lois et la question de savoir quelles lois s'appliquent à telle ou telle transaction deviennent d'une extrême importance. Si nous adoptons des lois, ma préoccupation est de savoir si nous pourrons les appliquer.
Mais les concurrents que je ne peux pas voir aujourd'hui m'inquiètent également. Je ne sais pas quelle solution législative est possible, mais il y a trois ans personne n'aurait cru qu'une banque hollandaise puisse venir s'installer au Canada et attirer une part considérable des dépôts canadiens en offrant un numéro 1-800 et des économies de 1 p. 100. Et pourtant, c'est ce qui s'est produit. Personne ne s'y attendait, et maintenant, j'ai des insomnies et je me demande quels sont les concurrents dont je ne connais pas l'existence.
La troisième façon d'être à l'avant-garde c'est de s'assurer que nos politiques et nos lois contiennent des règles simples, des règles qui fonctionnent bien. Pour ce faire, il me semble indispensable de ménager un accès universel aux réseaux. Ces réseaux doivent être intégrés, et nous devons mettre en place des normes le plus rapidement possible. Le temps de la discussion est passé, c'est maintenant le temps des normes.
Nous devons encourager la prolifération des corridors d'information. Trop souvent, on entend parler de Silicon Valley North, mais pourquoi ne parle-t-on pas de la vallée dont il s'agit en réalité? Nous devons encourager les entreprises à considérer le Canada comme un centre du commerce électronique. Si vous lisez la documentation, vous verrez que nous avons un avantage concurrentiel énorme. Je viens de lancer un service aux États-Unis qui nous offre d'énormes débouchés. Nous avons des revenus en monnaie étrangère mais nos coûts sont en dollars canadiens, ce qui nous donne un énorme avantage pour l'exportation.
Nous devons créer des alliances avec d'autres pays pour encourager la coopération internationale. La conférence de l'OCDE a été une excellente occasion dans ce sens. Je pourrais signaler le service de courrier électronique sécuritaire de Postes Canada, une initiative très intéressante qui regroupe le service postal canadien, le service postal américain et le service postal français et permet d'acheminer le courrier électroniquement et dans des conditions de grande sécurité.
Nous devons adopter des lois très sévères sur la propriété intellectuelle pour protéger nos inventeurs et leurs idées. J'ai eu l'occasion de voir ce qui se passe également en Extrême-Orient et là-bas, on voit à quel point la piraterie des logiciels peut avoir un effet négatif sur nos bilans financiers. Nos modèles commerciaux comprennent les ventes internationales, et si nous ne réussissons pas à attirer ces types de revenus, ce sont nos modèles commerciaux qui en souffriront.
Si nous pouvons accomplir les choses dont on a parlé ce matin, je pense que le Canada occupera une position extraordinaire. Quand je voyage je constate que nous avons une réputation d'innovateurs. On me dit sans cesse que les Canadiens ouvrent la voie et innovent. C'est le premier qui arrive sur le marché avec une offre raisonnable qui l'emporte, je pense que le Canada a cette possibilité.
Une dernière observation au sujet de notre compétitivité en dépit de notre taille ou de notre situation géographique. C'est un point sur lequel il faut insister. Ce n'est pas une question d'échelle. Cebra est présent sur les marchés nord-américains et internationaux et remporte des succès démesurés par rapport à sa taille. Nous sommes une petite compagnie, mais grâce au commerce électronique et à l'Internet, nous pouvons concurrencer efficacement des compagnies qui sont littéralement 100 fois plus importantes que nous. Elles ont des succursales dans le monde entier, et pourtant, c'est nous qui remportons certaines de ces batailles. Cela nous encourage beaucoup.
Si nous agissons suffisamment vite, ce que nous avons à offrir, c'est notre ingéniosité canadienne et les méthodes commerciales innovatrices et intéressantes que nous utilisons, à la fois dans les secteurs public et privé. Cela mérite d'être encouragé.
Le président: Merci à vous tous pour ces exposés fascinants, pour ne pas dire étourdissants.
Le sénateur Angus: Je ne sais vraiment pas où commencer, c'est vraiment étourdissant comme sujet, et je regrette que les médias n'assistent pas à cette séance car on vient de nous expliquer tout cela aussi efficacement que succinctement. À propos de l'autoroute électronique, vous avez fait le lien entre les secteurs public et privé et les intérêts des consommateurs, vous nous avez expliqué comment le Canada, en prenant très tôt sa place à la barrière, s'était assuré d'un avantage pour le reste de la course. Ce que je retire de vos observations à tous, c'est que le Canada est en excellente posture pour gagner la course: nous avons une infrastructure sans pareille, mais malgré cela, nous commençons à nous heurter de front à un problème qui n'est pas nouveau pour le Canada.
Pratiquement tous les gens qui ont comparu devant notre comité ces dernières années nous ont dit qu'il était nécessaire de restructurer notre économie, de repenser la façon dont nous faisons les choses, bref, de cesser d'être exclusivement des coupeurs de bois et des porteurs d'eau. Ce secteur est un exemple classique d'une initiative gouvernementale -- le premier groupe de travail -- qui a donné des résultats formidables.
Notre comité est une sorte d'intermédiaire entre le gouvernement et le secteur privé, et pour cette raison, nous sommes tous -- je pense que mes collègues partagent cette opinion -- fascinés par les problèmes que vous avez mentionnés. On nous répète souvent que l'environnement fiscal est hostile, qu'il y a une pénurie de capital dans ce secteur, le capital indispensable pour créer un réseau d'usagers et de fournisseurs.
Ce que vous dites, et en particulier les deux derniers intervenants, c'est que la réglementation représente un risque. Nous devons créer les conditions nécessaires à l'élaboration d'un réseau canadien d'usagers et de fournisseurs pour que ce secteur contribue à notre croissance industrielle. Si nous ne le faisons pas, nous risquons de voir tous ces efforts annihilés par un exode des cerveaux ou par une invasion d'Américains, d'Irlandais ou de Hollandais.
À votre avis, est-ce qu'il y a deux ou trois mesures que le gouvernement pourrait prendre pour rendre cet environnement plus accueillant?
Mme Lawson: Le gouvernement peut faire beaucoup sans légiférer ou réglementer. Le gouvernement peut aider les entreprises en facilitant l'élaboration de mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends, ou encore en aidant les entreprises canadiennes à élaborer des normes ou à mettre en place des organismes d'accréditation qui pourront garantir aux consommateurs que «telle entreprise respectera votre vie privée et appliquera les règles fondamentales de protection du consommateur», et cetera.
D'un autre côté, il est important d'informer les consommateurs, c'est-à-dire de les prévenir des escroqueries qui existent pour qu'ils puissent faire preuve de prudence lorsqu'ils achètent en ligne.
Le sénateur Angus: Madame Lawson, vous avez fait des observations qui valent pour tous les pays. La sécurité, la menace de voir les communications disparaître dans un trou noir, et tous les autres risques sont des risques pour tout le monde, et tous les pays se démènent pour trouver une solution. Le gouvernement s'inquiète, le secteur privé s'inquiète, et votre groupe également. Cela inquiète aussi les consommateurs que vous représentez, mais nous aimerions traiter avec des Canadiens. Nous aimerions beaucoup être assurés qu'il s'agit d'une bonne industrie canadienne. Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour encourager ce secteur à investir ici, au Canada?
M. Munson: Vous avez cité M. David Johnston tout à l'heure; au cours des années, il a porté plusieurs casquettes, mais vous avez dit qu'il a été également président de l'Agence d'informatique et conseiller spécial auprès du ministère de l'Industrie pour tout ce qui a trait au commerce électronique. En fait, il est possible qu'il occupe encore ce poste officiellement.
J'ai eu l'occasion d'entendre M. Johnston parler à plusieurs reprises. Il est toujours très positif quand il parle de ce qu'il appelle «la démarche canadienne traditionnelle», quand il explique à quel point cette démarche a donné de bons résultats pour le commerce électronique. Cela signifie que le gouvernement, le secteur privé et les groupes de consommateurs se concertent. À mon avis, ces trois groupes collaborent très efficacement et il y a entre eux beaucoup de respect mutuel. Le temps des accusations vicieuses est passé. En tout cas, si on veut être typiquement canadien. C'est une attitude qui nous servira bien dans l'avenir comme elle nous sert bien actuellement.
M. Binns: C'est une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre car il reste tellement de travail à faire. Nous assistons à un glissement fondamental des méthodes commerciales traditionnelles au commerce électronique, et à ce sujet, j'aimerais faire une ou deux observations.
Premièrement, vous avez dit que tous les pays avaient les mêmes inquiétudes. Prenons certaines choses qui inquiètent particulièrement les Canadiens. Pour donner au Canada un avantage unique, commençons par nous intéresser aux choses qui sont importantes pour les Canadiens. Deuxièmement, fixons-nous un calendrier. Pour certaines mesures, il est déjà trop tard.
Il nous faudrait des portiques canadiens. Pourquoi n'y a-t-il que les portiques Amazon.com, Excite et Lycos sur Internet? Par exemple, MERX est un portique pour les approvisionnements sur Internet qui pourrait avoir une vaste diffusion à l'échelle mondiale.
Selon moi, il est urgent de saisir l'occasion. Le plan d'action doit comporter des dates butoirs. Dès lors, le gouvernement deviendrait un chef de file, s'engageant à respecter ces dates et veillant à ce que certaines activités soient concrétisées en temps opportun. Le trimestre dans le milieu des affaires représente trois mois mais dans l'environnement Internet, il représente effectivement une année. Des changements spectaculaires peuvent se produire en trois mois. J'ai lancé MERX dans le secteur il y a 18 mois.
Le sénateur Hervieux-Payette: Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est un portique? Vous en avez parlé pendant cinq minutes et mon collègue et moi-même souhaitons que vous nous expliquiez ce que c'est.
M. Binns: Un portique est un point d'accès à une collectivité sur Internet. Par exemple Amazon.com est un point d'accès pour l'achat et la vente de livres sur Internet. Lands End pourrait être un portique pour le commerce des vêtements sur Internet. Un portique est une fenêtre d'accès à un groupe d'intérêts, à un groupe de particuliers ou d'entreprises sur Internet. Autrement dit, c'est un point d'entrée. Voilà ce qu'est un portique. Comprenez-vous?
Le sénateur Hervieux-Payette: C'est comme un annuaire téléphonique pour chaque secteur, n'est-ce pas?
M. Binns: C'est cela. C'est une bonne analogie.
L'essentiel est de prévoir un calendrier, des dates butoirs, des jalons, et s'y tenir.
M. Crow: Le problème est épineux mais si nous voulons que le Canada puisse jouir d'une participation plus importante que celle qui correspond à sa taille, il faut consentir un double effort. Il faut que les Canadiens mettent les bouchées doubles. Il faut donc leur fournir l'accès, un climat de confiance et les outils nécessaires. Nous avons expliqué ce qu'il faut faire à cet égard.
Par ailleurs, il faut qu'un grand nombre de «destinations» sur le marché électronique soient basées au Canada. C'est alors que le climat économique fondamental qui est un facteur important pour attirer les investisseurs s'imbrique dans l'équation.
Le sénateur Angus: Comment y parvenir?
M. Crow: J'hésite énormément à préjuger des dispositions budgétaires. Nous en revenons aux choix fondamentaux qu'il faudra faire au fil de l'évolution de la situation.
Le sénateur Austin: Je tiens à vous remercier, tous les cinq, des exposés fort intéressants que vous avez faits ce matin. Le comité commence à peine à aborder la question de façon systématique. Par conséquent, notre apprentissage ne fait que s'amorcer.
Il est vrai que le comité est animé d'un grand enthousiasme à l'égard du commerce électronique et de son potentiel, mais il incombe au comité de tenir compte de certaines inquiétudes au sujet du bien public, dont vous avez parlé, et de prendre en compte d'autres éléments. Cela explique les questions que je vais vous poser maintenant.
Tout d'abord, vous avez utilisé le mot «outils» et j'aimerais que nous parlions de l'incidence du commerce électronique sur notre régime socio-économique. On craint que cela creuse encore davantage l'écart qui existe entre les diverses communautés économiques au Canada. D'une part, il y a ceux qui ont les moyens d'acquérir les outils et la formation, alors que d'autres seront laissés pour compte en raison de leur position économique, ou encore peut-être, leur position culturelle risque de constituer une entrave. Pouvez-vous nous dire comment l'on pourrait universaliser l'outil? Par exemple -- je suis ici un peu malicieux -- la laverie à libre service a donné au public accès à cette technologie. Il en va de même pour les téléphones publics.
Envisagez-vous que l'on donne le même genre d'accès à ces 30 à 40 p. 100 de la population qui n'ont pas les moyens de se doter du matériel nécessaire pour qu'ils apprennent à s'en servir et deviennent des consommateurs dans le marché du commerce électronique?
Mme d'Auray: Le gouvernement fédéral en partenariat avec les gouvernements provinciaux et le secteur privé est en train d'élaborer certains programmes, activités et initiatives pour donner au public accès à Internet -- quelque chose de comparable à des cabines téléphoniques, si l'on veut.
Le Programme d'accès aux collectivités permet au public des localités rurales et éloignées d'accéder à 5 000 postes Internet. Dans la phase suivante de ce programme, on en mettra 5 000 autres à la disposition des quartiers démunis dans les régions urbaines.
Toujours en partenariat, nous avons donné un accès Internet à toutes les écoles et les bibliothèques publiques du Canada. Le Volnet, qui relie 10 000 organismes bénévoles à Internet, est un programme qui permet à ces organismes d'avoir accès à un nouveau type de branchement Internet pour échanger des renseignements et tisser des liens entre les organismes qui ont un intérêt commun.
Une des initiatives les plus emballantes est l'idée des Collectivités intelligentes. Que va-t-il se passer quand il y aura un lien numérique au sein d'une collectivité, reliant entre eux les partenaires clés -- sociaux et économiques? Que va-t-il se passer grâce à ce pouvoir de l'information et à la possibilité d'offrir des outils et des services économiques et sociaux? Même si cela ne signifie pas un lien universel numérique au Canada dans tous les cas, c'est un grand pas en avant et cela témoigne du pouvoir du partenariat entre le secteur public et le secteur privé, ce qui est une valeur véritablement canadienne. Notre situation fait l'envie du monde entier, même des États-Unis. En fait, nous avons connu un tel succès à cet égard que nous avons constitué ce que nous appelons le NetCorps, pour que les pays en développement bénéficient de cette approche.
Le sénateur Austin: Comment avons-nous financé ces programmes d'accès au Canada?
Mme d'Auray: Le budget d'Industrie Canada a bénéficié de crédits, et les compagnies de télécommunication et de câblodistribution de même que les services satellites ont fourni des fonds et des services.
Nous avons également pu profiter de dons d'ordinateurs usagés. Ainsi, grâce au Programme d'ordinateurs pour les écoles et aux Pionniers du téléphone au Canada, nous avons prévu des entrepôts où sont déposés des ordinateurs d'occasion, qui avant d'être donnés aux écoles qui n'ont pas les moyens d'acheter le matériel, sont remis à neuf.
Le sénateur Austin: Les provinces participent-elles à ce programme sur le plan financier aussi bien que technique?
Mme d'Auray: Le Réseau scolaire canadien peut compter également sur des contributions provinciales. Nous avons des accords avec la plupart des provinces à cet égard. La composante urbaine du Programme d'accès aux collectivités est également une initiative fédérale-provinciale-privée.
Le sénateur Austin: Quel pourcentage de la population scolaire canadienne bénéficie de ces programmes en ce moment?
Mme d'Auray: À la fin du mois, toutes les écoles seront branchées.
Le sénateur Austin: Les écoles élémentaires et secondaires?
Mme d'Auray: Toutes les écoles qui souhaitent être branchées. Certaines écoles ont refusé. Toutes celles qui ont accepté seront branchées.
Le sénateur Austin: Cela représente-t-il plus de la moitié des écoles?
Mme d'Auray: Il y a 16 500 écoles et environ 98 p. 100 d'entre elles seront branchées. Parmi elles, les écoles des Premières nations, même si environ 75 p. 100 des écoles des premières nations ont refusé d'être branchées.
Le sénateur Austin: Je voudrais vous poser une question concernant les frais de transaction. C'est une question également d'ordre général.
Le gouvernement doit-il intervenir par réglementation pour ce qui est de barème des frais? Il est vrai que l'on a rappelé que les services Internet et du commerce électronique étaient offerts à très bon marché, mais je me demande si les frais exigés pourraient limiter l'accès du public ou encore être l'occasion de bénéfices excessifs? En d'autres termes, doit-on prévoir un organisme de réglementation pour ce service public afin de protéger le public contre des coûts démesurés ou excessifs?
Mme Lawson: Je dirais que non. Pour ce qui est de l'accès aux fichiers ISP, la concurrence est actuellement très serrée. Il s'agira de la maintenir. Nous devons surveiller les choses de très près à cet égard.
Pour répondre à votre dernière question, sénateur, le problème comporte divers aspects et éléments. Une ligne téléphonique est indispensable, et c'est là qu'intervient encore la disposition concernant le monopole -- car une compagnie de services publics doit fournir le service qui est réglementé par le CRTC. Toutefois, mes clients s'inquiètent de plus en plus de l'augmentation des prix. Ensuite, il faut payer le fournisseur du service Internet. Comme je l'ai dit, la concurrence est suffisamment serrée actuellement mais cela ne signifie pas qu'il en sera toujours ainsi. Il faut donc surveiller les choses de près. Il faut également prendre en compte ce que coûte le matériel et le logiciel. La question se pose plus au niveau mondial mais il est indéniable qu'il faut maintenir la concurrence à cet égard.
Le sénateur Austin: Dans l'entreprise, il faut reconnaître que les grosses marges bénéficiaires donnent lieu à des fusions. Les gros investisseurs ont le pouvoir d'acquérir les plus petites compagnies, réduisant ainsi le nombre de fournisseurs, qui ne pouvant plus les concurrencer, se retirent de la course. Si j'ai bien compris, vous envisagez qu'à un moment donné, les tarifs de service devront sans doute être réglementés.
Mme Lawson: Je pense qu'il faut surveiller les choses de très près, effectivement.
Le sénateur Austin: En terminant, je pense que les États-Unis adoptent une attitude très différente de celle du Canada en ce qui concerne la cryptographie. Certains services gouvernementaux américains ne sont pas prêts à ce que l'on bloque totalement l'accès. Cela réduit-il la concurrence des Américains? Cela est-il à notre avantage? Si je ne m'abuse, nous sommes prêts à défendre sans réserve la cryptographie pour le service que nous fournissons.
Mme d'Auray: D'après la politique que nous avons adoptée, on peut utiliser à l'échelle nationale à sa guise une cryptographie plus ou moins secrète. Entre le Canada et les États-Unis, il n'existe aucune restriction pour l'échange ou le commerce des produits cryptographiques. Les États-Unis font face à une situation nationale particulière et en fait, on y a imposé des limites à l'utilisation nationale. On a tendance à préférer le recours à des outils de récupération des clés. Au Canada, ce n'est pas le cas, même si nous encourageons ces techniques que nous considérons comme des pratiques exemplaires.
Le président: Pouvez-vous définir ce que l'on entend par récupération des clés.
Mme d'Auray: Quand une clé, c'est-à-dire une série de chiffres est utilisée pour coder et décoder de l'information, il s'agit d'en confier la clé à une tierce partie de confiance, de sorte que si un problème surgit, le décodage est possible. C'est la police qui réclame cela car si toutes les clés étaient déposées en un seul endroit, advenant un problème, advenant la nécessité d'avoir accès à l'information, on pourrait y avoir accès.
Le sénateur Austin: On peut s'adresser au tribunal et demander une ordonnance pour décrypter certains renseignements. La police doit faire la preuve devant un juge qu'elle a un motif justifié.
Le président: Tout comme dans le cas de tables d'écoute.
Le sénateur Austin: Oui, sauf qu'au Canada, nous n'exigeons pas que la clé soit déposée auprès d'une tierce partie.
Mme d'Auray: C'est exact. Nous avons étudié les arguments des entreprises à cet égard. La plupart des entreprises utiliseront des produits cryptographiques, mais elles pourront fournir des clés de sauvegarde, auxquelles la police aura accès en vertu d'un mandat, car il s'agit de renseignements privatifs codés, qu'elles ne veulent pas risquer de perdre. Toutefois, nous ne voyons pas l'utilité que chaque particulier qui utilise des produits cryptographiques en dépose la clé auprès d'une tierce partie de confiance. Si j'envoie un courrier électronique encodé à mon frère, parce que je ne veux pas que ma mère puisse le lire, je ne vois pas l'intérêt que la clé en soit confiée à une tierce partie. Il n'y a pas là d'intérêts commerciaux en jeu. Si la transaction échoue, s'il y a un pépin, je n'aurai qu'à envoyer le message électronique de nouveau.
Le sénateur Austin: Cela permet, par exemple, de transmettre du matériel pornographique entre tiers sans que quiconque puisse le lire, si bien, comme le disait mon vieux professeur de philosophie, par une parodie de raisonnement, qu'il est possible de corrompre totalement des règles de la société sur les normes de comportement. La cryptographie pourrait rendre inintelligible toutes sortes de documents, comme des documents racistes, pornographiques ou autres qui menacent la stabilité sociale, des documents qui, par exemple, pourraient faciliter la préparation de plans par des terroristes. Vous avez évoqué ces problèmes et ce n'est pas la première fois que j'en entends parler. Ma question est la suivante: ne devrions-nous pas mettre sur pied un système qui permet à la société de protéger ses intérêts?
Mme d'Auray: C'est ce que nous faisons déjà en grande partie. Nous en avons discuté à de nombreuses reprises lorsque nous préparions la politique sur la cryptographie. Une douzaine de ministères et d'organismes, dont des organismes d'application de la loi et de sécurité nationale, y ont participé, si bien que cette politique n'est pas uniquement le fruit d'Industrie Canada. C'est l'aboutissement d'une discussion entre organismes qui a duré 18 mois.
En quelques mots, je répondrai -- sans vouloir faire une plaisanterie -- que les pornographes et les blanchisseurs d'argent sale ne confient leurs clés à personne. Ils n'utiliseront pas un tiers en qui ils ont confiance s'ils enfreignent la loi sciemment.
Le sénateur Austin: Mais vous pourriez exiger de quiconque demande ce service auprès d'un fournisseur de services de confier une clé à un tiers de confiance. C'est une règle qu'il faudrait peut-être imposer. Cela ne nous profiterait pas sur le plan économique, mais pourrait présenter un avantage sur le plan social.
Mme d'Auray: Les États-Unis ont, jusqu'à un certain point, préféré cette option, mais elle n'a pas mis un frein à la transmission de documents illicites, pas plus qu'à la transmission de blanchiment d'argent ou d'activités de ce type. Cependant, ces activités se font désormais à l'étranger et il est encore plus difficile d'essayer de savoir ce qui se passe, car les organismes d'application de la loi d'un certain nombre de pays ne partagent pas les données et les plans qui peuvent être mis sur pied sans avoir accès aux données de chiffrement ou aux documents encodés.
Pour ce qui est du Canada, si l'on pèse le pour et le contre, sur le plan du développement économique, je dois dire que nous collaborons assez bien avec les fournisseurs de services de télécommunication et les producteurs de matériel de cryptographie; nous avons également d'assez bonnes pratiques commerciales qui permettent aux organismes d'application de la loi d'avoir accès aux données dont ils ont besoin en temps voulu.
Le sénateur Austin: Je trouve tous ces renseignements fort utiles. On pourrait discuter de ce sujet pendant longtemps sans en arriver à des conclusions bien précises.
Le président: Nous aurons tout le temps voulu pour le faire lors de notre examen du projet de loi C-54.
Le sénateur Tkachuk: Cette technologie suscite un peu moins d'enthousiasme chez moi. En vieillissant, et c'est là le seul avantage, on se souvient des choses du passé. Je me souviens du temps où on disait que la télévision allait détruire l'industrie du cinéma, allait remplacer les enseignants en classe et allait rendre les gens plus intelligents. Or, si les postes de télévision disparaissaient, je ne crois pas que les gens seraient plus pauvres sur le plan culturel ou social. Ce pourrait même être le contraire. À mon avis, l'Internet est vraisemblablement le moyen de vente directe le plus perfectionné et le service de messagerie le plus rapide du monde. Il se peut que quelque chose m'échappe, vous êtes peut-être au courant de toutes ces choses-là et pas moi, mais pouvez-vous me dire quelle différence existe entre placer une annonce sur la chaîne CNN pour vendre dans le monde un produit, comme des livres ou des disques, et le faire sur le Web?
Mme Lawson: Pour vous répondre brièvement, jusqu'à présent du moins, le Web exige une certaine initiative de la part du consommateur. La technologie pourrait changer pour qu'elle ressemble davantage à la télévision, mais la télévision est une activité passive. Le consommateur se contente de regarder.
Le sénateur Tkachuk: Mais pourquoi pousser le consommateur à consommer sur le Web?
Mme Lawson: Vous vous demandez pourquoi nous voudrions encourager ce phénomène. C'est précisément la question que notre groupe s'est posée dès le départ. Le gouvernement encourage-t-il une forme de commerce par opposition à une autre, et est-ce justifié? Sur le plan purement commercial, nous ne proposons pas d'encourager les consommateurs, mais l'Internet, et c'est bien plus que le simple commerce. Lorsque le premier groupe de travail sur l'inforoute s'est réuni, c'est la circulation de l'information entre les citoyens qui était au coeur du débat. Par conséquent, nous nous efforçons à tout faire pour qu'il y ait un espace public non commercial sur l'Internet. Mais c'est là une question tout à fait différente et excusez-moi si je m'éloigne du sujet.
M. Crow: Je suis tout à fait d'accord. L'expression commerce électronique n'est qu'un sobriquet, une formule abrégée, si vous voulez, qui englobe un vaste éventail d'activités qui font appel au transfert de valeurs. Le transfert de valeurs peut prendre la forme d'un partage de points communs par des gens qui sont séparés par des continents, le partage d'information par des familles qui, grâce au courrier électronique, se retrouvent, comme c'est le cas de ma famille sur notre propre réseau, peu importe le pays ou le fuseau horaire.
À l'heure actuelle, les avantages que présente cette forme de communication sont examinés de près pour voir si elle peut être utilisée pour le télétriage et les soins médicaux. Cela nous permet de faire abstraction de l'heure et de la distance dans ce vaste pays. Il est manifeste que le web présente certains avantages sur le plan commercial, et effectivement, la publicité c'est de la publicité quel que soit le moyen d'expression, avec la réserve qui a été faite. L'Internet est une activité non passive et se rapproche donc vraisemblablement davantage du moyen d'information qu'il est censé être.
Le sénateur Tkachuk: Prenons les agences de voyage comme exemple. Ces agences ont en réalité été mises sur pied par les compagnies aériennes. Elles ont investi dans l'infrastructure et ont embauché du personnel. À l'heure actuelle, les compagnies aériennes réduisent les commissions en vue d'économiser de l'argent en disant que les gens peuvent faire leurs réservations sur l'Internet. C'est ce que je fais, je fais tout le travail, j'obtiens mon billet et cela ne coûte que 1 $ à la compagnie aérienne. Auparavant, elle versait 100 $, 200 $ ou 300 $ à l'agence de voyage. Je n'y vois aucun avantage et en plus c'est moi qui fait tout le travail.
On peut établir le même parallèle avec le secteur bancaire, où tout est devenu électronique, et il devait y avoir de quoi faire rêver les consommateurs. Or, le seul avantage que j'y vois, c'est que je peux retirer de l'argent alors que les banques sont fermées. Je dois dire que le reste n'a pas changé. Ce n'est ni plus facile ni plus rapide. Je ne suis pas mieux renseigné. En fait, c'est pire lorsqu'ils me disent: «Vous ne pouvez pas avoir ce chèque parce qu'il nous faut ce petit bout de papier. C'est mieux pour vous», ce qui est faux. Maintenant, à la fin du mois, vous recevez 50 bouts de papier au lieu d'une grande enveloppe.
Qu'en retirons-nous effectivement? Je sais qu'il faut y réfléchir, mais quel avantage en tire le consommateur? Comment le commerce électronique a-t-il rendu la vie plus facile à celui ou à celle qui travaille en ville?
M. Crow: Vous avez plus de choix côté fournisseurs et moyens.
Le sénateur Tkachuk: Comme la télévision?
M. Crow: Rien ne vous empêche d'aller voir un agent de voyage si vous le désirez. Personne ne vous oblige à passer par l'Internet. Vous pouvez toujours aller voir votre agent de voyage. Vous avez un choix -- par exemple, l'heure à laquelle vous voulez faire ce que vous avez à faire. Une société civile qui ne veut pas que sa population travaille 24 heures par jour peut fort bien permettre à certaines personnes de parler à des machines plutôt qu'à des gens pendant les heures de fermeture.
Le sénateur Austin: Nous trouvons un peu contradictoire -- du moins c'est mon cas -- que nous poursuivions toutes sortes de programmes visant à encourager les petites et moyennes entreprises. La réponse que vous nous donnez me rappelle une discussion que nous avions eue entre nous et où nous avions conclu que le commerce électronique créerait un énorme avantage concurrentiel pour ceux qui fournissent des produits en grand nombre. Ces gens peuvent acheter des produits en vrac et les livrer -- ce qui signifie qu'ils ne manquent pas de capitaux -- et peuvent présenter leurs produits à l'échelle nationale et internationale. Il faut faire quelque chose dans ce domaine. Apparemment, deux politiques mises en place par Industrie Canada suivent des chemins différents.
Mme d'Auray: Sur ce plan-là, nous avons constaté avec intérêt que les petites et moyennes entreprises étaient devenues des adeptes de l'Internet et des transactions ou applications commerciales électroniques. Elles sont devenues des adeptes beaucoup plus rapidement et de façon beaucoup plus novatrice que les grosses entreprises.
Le CDI a mené récemment une enquête sur le taux d'adoption au Canada. Les grosses et moyennes entreprises s'intéressent moins à Internet que les petites entreprises. En fait, l'accès à Internet et son adoption par les petites entreprises ont augmenté de 52 p. 100 de 1997 à 1998, ce qui représente un bond énorme. Elles estiment qu'elles peuvent rayonner dans le monde entier à partir de leur port d'attache au lieu d'avoir à créer une infrastructure, ce que les grosses entreprises doivent faire, et de transformer leurs activités commerciales afin de pouvoir livrer leurs produits dans les délais requis, les distribuer et les implanter sur le marché.
Pour en revenir au sénateur Angus, qui demandait ce que le gouvernement pouvait faire pour aider les entreprises commerciales, je dirais que les entreprises pourraient s'aider elles-mêmes en augmentant leur taux d'adoption de la technologie. Il existe un écart de 30 p. 100 entre ce taux au Canada et aux États-Unis. Cette différence est énorme. La faiblesse de notre dollar nous a permis d'enregistrer des gains de productivité, mais nous faisons désormais face à un environnement concurrentiel à fondement technologique, et les entreprises canadiennes ne suivent pas au même rythme.
Les entreprises qui s'installent avec force sur l'Internet en tirent des avantages. De nombreuses entreprises canadiennes, comme Canadian Tire et Nygard International, à Winnipeg, ont implanté un important centre de distribution et de production au bon moment, ou comme l'Automotive Network Exchange, réseau sur lequel des entreprises canadiennes sont branchées, et Pratt and Whitney, dont presque toutes les installations de conception sont sur Internet. Comme ces entreprises sont plus compétitives dans le monde, d'importantes économies peuvent également être transmises.
M. Crow: Pour en revenir à notre secteur, nous participons au commerce électronique non seulement en notre qualité de marchands, de détaillants, et cetera, mais également en tant que fournisseurs de la technologie, des systèmes et de l'infrastructure nécessaires. En fait, ce secteur, composé de petites et moyennes entreprises, devient de plus en plus dynamique dans notre pays et ailleurs. Je crois que le Canada est bien implanté dans le domaine de la réalisation de sites web et des différents outils qui y sont associés.
Le sénateur Austin: Le matériel qui sert au commerce électronique au Canada est-il en grande partie fabriqué au Canada?
M. Crow: Non; on peut se procurer la plupart des logiciels d'application auprès de vendeurs canadiens.
Le sénateur Austin: Mais le matériel est donc en grande partie importé?
M. Crow: Oui, c'est un produit de base maintenant.
Mme d'Auray: Le matériel de commutation du réseau est canadien. Il y a des logiciels, qui sont des logiciels d'application, mais le matériel de commutation du réseau est maintenant intégré au matériel tout court, qui est en grande partie canadien.
Le sénateur Tkachuk: Je ne suis pas un adversaire de la technologie; je crois que les débouchés économiques sont énormes. Le Canada concentre ses efforts sur l'infrastructure, entre autres. Je crois que beaucoup de choses se replaceront d'elles-mêmes. Je dois féliciter le gouvernement canadien de ce qu'il a fait jusqu'à présent.
Le gouvernement, et c'est là le plus gros problème auquel nous devrons faire face, doit s'intéresser, bien qu'il refuse de le faire, au fait que la technologie a permis à la population d'être plus habile. Le gouvernement ne doit pas avoir peur d'agir. En créant toutes ces zones commerciales, en facilitant le commerce électronique, en donnant aux enfants les moyens de rester en contact avec leurs parents par courrier électronique et aux parents le moyen d'envoyer des photos de leurs enfants, et cetera, on a l'impression d'être tout près. Cependant, en ne s'attaquant pas aux problèmes les plus importants, notre pays perd ses cerveaux les plus brillants. La concurrence est vive, et ces personnes n'ont pas peur d'aller là où elles seront le mieux rémunérées. Une personne qui a un quotient intellectuel élevé et qui connaît très bien ce secteur d'activité n'a pas financièrement intérêt à demeurer au Canada alors qu'elle peut gagner 20 p. 100 de plus -- et dans certains cas 30 p. 100 -- aux États-Unis, même après avoir tenu compte de l'assurance médicale à payer et du reste. C'est le problème le plus important que doit résoudre notre pays. Par le passé, les gens déménageaient dans d'autres provinces pour bien gagner leur vie; maintenant ils émigrent.
Je ne voudrais pas ressasser ce point, mais si nous perdons ces gens-là, tout le reste n'aura plus d'importance. En fait, plus rien n'aura d'importance, car l'industrie que nous aurions pu avoir n'existera pas. Au lieu de cela, nous aurons réussi ce que nous avons déjà fait dans toutes sortes d'autres secteurs: ces gens-là vont partir chez nos concurrents au sud de la frontière. Est-ce que vous êtes d'accord?
M. Crow: Absolument.
Le sénateur Tkachuk: Que pouvons-nous faire?
M. Crow: En février prochain, nous devrions choisir différemment.
Le sénateur Tkachuk: Aux prochaines élections, peut-être.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je vous remercie d'être venus nous faire profiter de vos lumières.
La première fois qu'on m'a initiée à l'EED, c'était grâce à un organisme de Montréal qui a beaucoup travaillé dans ce domaine. Je suis un peu surprise de ne pas les voir représentés ici ce matin, mais ce premier contact remonte à 1993-1994; cinq ou six ans se sont donc écoulés depuis lors.
Après notre conversation, après avoir lu toute la documentation, j'ai eu du mal à comprendre, car il m'a semblé qu'on avait élargi la définition de «commerce électronique.» Pour ma part, j'avais toujours pensé que le commerce électronique, c'était une «opération commerciale», c'est-à-dire une transaction, et que cela se faisait exclusivement dans le secteur des affaires. Par contre, quand on parle d'écoles, d'éducation, de R-D, de laboratoires virtuels dans tout le pays, il n'y a rien là que j'associe à du «commerce». Pour moi, c'est autre chose.
Si nous décidons d'examiner cette question en notre qualité de législateurs, il faudrait commencer par savoir de quoi nous parlons. Quand on change les règles, qu'il s'agisse de l'imposition, de la TPS, et cetera, c'est plutôt l'aspect commercial véritable de l'application qui est en cause. Je suis peut-être la seule à avoir ce problème, mais au début du commerce électronique, en 1993-1994, cela avait trait à des transactions, c'est-à-dire l'achat et la vente par l'entremise d'un réseau, ce qui économisait beaucoup de papier, de temps et d'argent. Peut-être pourriez-vous m'expliquer comment cela a évolué.
Après l'étude sur l'autoroute électronique, j'avais cru que le gouvernement fédéral s'efforcerait avant tout de favoriser la construction de cette autoroute, de financer le développement de matériel, et qu'en même temps les provinces devaient jouer un rôle en produisant des logiciels pour l'éducation, et cetera.
Un troisième sujet: apparemment, il y a trop d'argent dans notre régime de pensions, et nous sommes forcés de l'investir à l'étranger, mais, malgré cela, vous me dites que vous êtes obligés d'aller chercher du capital à l'étranger. Soit nous avons trop d'argent, soit nous n'en avons pas assez. Pouvez-vous nous donner des exemples de projets qui ne se sont pas réalisés faute d'argent? Je n'en ai pas vu jusqu'à présent.
[Français]
Mme d'Auray: Nous avons des liens avec la directrice générale de l'Institut EDI, maintenant transformé en Institut sur le commerce électronique, lequel est situé à Montréal. Il s'agit tout simplement de la représentativité du nombre d'organismes autour de la table. Je ne veux pas parler de l'activité de l'organisation.
On a mêlé les écoles au commerce électronique parce que ce sont des transactions commerciales sur des réseaux ouverts. La transaction peut avoir un élément de paiement mais pas nécessairement. Il y a un échange, il y a un contrat ou une activité quelconque.
Cela dit, la raison pour laquelle j'ai parlé des écoles et des sites d'accès communautaires, c'est qu'il y a effectivement un défi, c'est-à-dire de fournir l'accès à Internet à un éventail plus vaste de citoyens canadiens. Donc si on veut bénéficier au Canada des possibilités qu'offre le commerce électronique, surtout au niveau des consommateurs, il faut que les gens puissent avoir accès à Internet d'une part, et d'autre part, puissent être en mesure d'être bien informés sur les bonnes pratiques sur Internet, ce qui marche ou ne marche pas et notre façon de le faire, est de brancher les écoles et de créer des sites d'accès public.
Je ne voulais pas créer une confusion entre l'activité commerciale et l'activité de branchement public, mais les deux sont interreliés si l'on veut qu'il y ait une croissance du commerce électronique au Canada.
J'en viens donc à votre deuxième question à savoir ce que font le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Dans la plupart des activités d'élaboration de politiques, nous avons travaillé avec les provinces, que ce soit au niveau du Code canadien en matière de protection de la vie privée et de l'élaboration de la loi. Toutes les provinces ne sont pas d'accord évidemment sur la tournure que le projet de loi C-54 a pris. Pour ce qui est des mesures en matières commerciales, les discussions se sont faites soit par l'entremise de conférences ou de discussions fédérales-provinciales, soit par la conférence canadienne sur l'uniformisation des lois ULCC. Il y a effectivement beaucoup de travail.
Au niveau de la croissance de l'entreprise comme telle, on ne peut pas dire qu'il y ait une division si catégorique entre le logiciel ou le progiciel qui va aux provinces et l'équipement qui va au fédéral. Il y a beaucoup de travail qui se fait en compagnonnage entre le fédéral et les provinces pour augmenter la capacité des compagnies canadiennes à fournir du logiciel.
Les gouvernements sont aussi de grands utilisateurs, donc on travaille en collaboration surtout au niveau de l'infrastructure publique. Si nous avons une telle infrastructure pan-canadienne, il serait souhaitable qu'elle soit interopérable. Si un citoyen veut transigner avec un certain palier du gouvernement, il faut qu'il puisse le faire avec plusieurs niveaux de gouvernement en même temps.
Est-ce que la collaboration est parfaite? Non. Est-ce qu'elle se fait à tous les niveaux? Non. Est-ce que plus devrait se faire? Absolument.
Dans les secteurs pointus, il y a une collaboration importante mais je dirais encore plus importante au niveau de la commercialisation des capacités canadiennes à l'étranger. Nous avons une excellente collaboration sur l'émission autant en investissement que pour la promotion à l'exportation.
[Traduction]
Le sénateur Hervieux-Payette: Pouvez-vous répondre à ma dernière question sur le capital étranger?
M. Crow: Il y a deux aspects à cette question; d'une part, un problème auquel nous nous heurtons depuis très longtemps, la difficulté qu'il y a à trouver du capital pour les petites et moyennes entreprises axées sur la technologie, des compagnies qui prennent de plus en plus d'expansion au Canada. Nous commençons à faire des progrès, et le budget a ouvert de nouvelles possibilités grâce aux fonds d'investissement des travailleurs.
Le capital étranger est un investissement étranger direct, et dans ce cas-là, il faut déterminer la structure des coûts pour le Canada. Le capital existe; reste à savoir s'il choisira le Canada comme destination.
Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que vous faites allusion au pourcentage de propriétés étrangères dans les compagnies de télécommunication qui est limité à 80-20? Est-ce cela que vous n'aimez pas, ou bien est-ce autre chose?
M. Crow: Selon la façon dont on mesure les résultats, notre système d'impôt sur les sociétés en ce qui concerne les services d'affaires est au premier, second ou troisième rang dans le monde, et cela décourage les investissements étrangers dans ce type de secteur.
Le sénateur Callbeck: Je suis d'une petite province, une province peu peuplée, et je pense au coût de l'infrastructure. Les lignes existent déjà. Cela veut-il dire que la province ne devrait pas se préoccuper des coûts d'infrastructure, ou bien faudra-t-il un jour ou l'autre agrandir le réseau?
M. Crow: Est-ce que vous parlez du réseau de télécom?
Le sénateur Callbeck: Oui.
M. Crow: Les grandes lignes qui relient les provinces et les grands centres sont deux phénomènes distincts. Pour commencer, nous faisons de plus en plus appel à la technologie optique pour ces lignes. Deuxièmement, grâce à certains progrès dans le domaine du génie, nous apprenons à utiliser plus efficacement et plus intensivement la capacité de ces lignes.
Sur ce plan-là, donc, tant que nous aurons de bons programmes pour acheminer ces lignes à haute capacité vers nos communautés, et cela est le cas depuis 10 ans, la situation ne sera pas trop mauvaise. Toutefois, là où nous avons des problèmes, c'est lorsqu'il s'agit d'une petite communauté passablement éloignée. Dans ce cas-là, les technologies sans fil deviennent très attrayantes. En fait, il y a actuellement beaucoup de recherches sur de nouveaux produits, ce qu'on appelle la troisième génération de services sans fil, qui pourraient fort bien acheminer les mêmes services vers n'importe quel point de la terre, et cela, d'ici très peu de temps.
Mme d'Auray: Les technologies sans fil et par satellites font partie de la solution. À l'heure actuelle, l'Île-du-Prince-Édouard est une des provinces où le réseau est le plus complet. Il y a là-bas deux projets pilotes particulièrement intéressants dans le cadre d'un programme d'accès communautaire: un groupe de communautés sont reliées entre elles, et il y a également un projet pilote avec la carte à microprocesseur. Cette petite province pourrait donc être à l'avant-garde d'un certain nombre de développements intéressants.
Le sénateur Callbeck: Je comprends cela. Toutefois, de plus en plus de gens vont utiliser l'Internet: va-t-il falloir un jour ou l'autre étendre l'infrastructure?
Mme Lawson: Cela pourrait se produire tout naturellement. Le CRTC a élaboré un cadre pour la concurrence des télécommunications locales, et ce cadre est conçu pour encourager la concurrence sur le plan de l'infrastructure, qu'il s'agisse des technologies avec ou sans fil. Je ne sais pas dans quelle mesure l'Île-du-Prince-Édouard est câblée pour la télévision, mais pour beaucoup de foyers, c'est un deuxième réseau de fils qui pénètrent dans la maison.
Dans ce secteur, les coûts continuent à diminuer. On espère que si la concurrence continue comme on s'y attend, il n'y aura pas de doubles emplois aussi coûteux qu'inutiles.
Le sénateur Callbeck: Ma seconde question porte également sur les coûts, et il s'agit de la petite entreprise. Ce matin, on a dit que l'Internet était une bonne ressource pour les petites entreprises. Pensez-vous qu'un jour pourrait venir où l'Internet pourrait coûter trop cher aux petites entreprises?
Mme d'Auray: On en fait déjà un cas. Étant donné que les avoirs des entreprises virtuelles sont considérés comme étant virtuels, et non pas réels, les marchands qui fonctionnent exclusivement par Internet paient leurs numéros de marchand et leur adhésion à une carte de crédit un peu plus cher que les autres.
Effectivement, on peut prévoir des différences de coûts dans l'avenir, et il peut certainement y en avoir d'autres.
Le sénateur Meighen: J'aimerais revenir sur les questions posées par le sénateur Angus. Bill Gates, un homme qui semble omniprésent, a déclaré à la fin de la semaine dernière qu'à son avis le commerce électronique devait jouer un rôle très important dans les discussions de l'OMC. Je suis arrivé en retard ce matin; peut-être avez-vous déjà abordé ce sujet. Ces discussions auront lieu à Seattle à l'automne. Apparemment, ces derniers temps, nous avons eu un peu de mal à nous accommoder des politiques de l'OMC. Est-ce qu'il y a des sujets particuliers que nous devrions surveiller pendant ces discussions? Quelle position le Canada doit-il adopter? Devons-nous nous contenter de nous intéresser aux questions que vous avez soulevées ce matin, les taux d'intérêt, l'imposition, les tarifs douaniers, et cetera, ou bien y a-t-il des secteurs que nous devons protéger en priorité, ou encore des questions que nous devons éviter?
M. Munson: Dans un avis publié au début du mois dans la Gazette du Canada, on demande aux Canadiens leur opinion sur les pourparlers à l'OMC et à l'ALE. On y cite plusieurs catégories de sujets qui pourraient être abordés lors des négociations, et on mentionne spécifiquement le commerce électronique. Le commerce électronique est aussi un élément de plusieurs autres secteurs, y compris la propriété électronique et les ententes sur les informations technologiques relatives à des produits spécifiques. Il existe actuellement une entente de l'OMC sur les services financiers, les services de communication, et les services de consultation, et dans tous ces cas le commerce électronique joue un rôle.
La personne qui a préparé cet avis savait certainement à quel point ces questions sont importantes pour le Canada. En tout cas, elles sont importantes pour notre secteur. Je ne sais pas si pendant les pourparlers à l'OMC on a vraiment besoin d'un casier intitulé «commerce électronique», mais il ne faut certainement pas oublier l'importance d'un grand nombre de ces catégories pour le commerce électronique. Dans mes observations j'ai parlé de l'accès à la technologie et de la nécessité de poursuivre nos efforts pour supprimer totalement les barrières tarifaires, ce qui nous permettrait d'importer le genre de machines dont nous avons besoin pour gagner notre vie. Je ne parlais pas seulement de notre secteur, mais de l'ensemble du pays. Cela vaut pour tous les secteurs, et non pas seulement pour le secteur de la TI. C'est important en foresterie, en exploitation forestière et minière, tous ces secteurs qui peuvent tirer de gros avantages des technologies de l'information.
Mme d'Auray: Le gouvernement du Canada participe à une remise en question de toutes les obligations et de toutes les ententes en vigueur actuellement dans le cadre de l'OMC, du GATT et d'autres organismes. L'OMC a amorcé un programme d'étude du commerce électronique. Cet organisme a demandé aux divers pays d'examiner les ententes en vigueur et de voir si elles couvrent véritablement tout ce qui peut être couvert ou bien si certaines questions devraient être traitées à part. On leur demande s'il est nécessaire de libéraliser encore le régime pour permettre le commerce électronique dans certains secteurs. Nous n'avons pas encore terminé notre examen, mais jusqu'à présent notre position a été la suivante: «Quelles sont les conditions dont le Canada a besoin dans l'environnement mondial pour faciliter le commerce électronique? Quelles sont les barrières qui existent actuellement et qui devraient être supprimées? Quelles sont les questions qui ne sont pas traitées par les ententes actuelles, les obligations qui devraient être mentionnées?».
La plupart des gens vous diront que presque toutes les ententes et obligations nous permettent de dire que le commerce électronique est véritablement mondial. Il reste peut-être un ou deux obstacles, mais l'important, c'est de faciliter le commerce électronique, et non pas de commencer à relever des barrières que nous devrons abattre dans 10 ans.
Dans le contexte de l'OMC, le plus difficile est de faire comprendre aux pays en voie de développement les avantages qu'ils peuvent en tirer; pour l'instant, ils voient souvent cela comme une menace. Automatiquement, ils se mettent à ériger des barrières et à endiguer la circulation de l'information et de la technologie.
Le Canada travaille directement avec ces pays pour leur faire mieux comprendre le potentiel de ces technologies. Ils ne sont pas obligés d'installer directement un réseau de lignes: ils peuvent utiliser les technologies sans fil. En fait, certains exemples intéressants montrent qu'il y a eu des progrès. Non seulement des services très intéressants sont acheminés, mais certains de ces pays conçoivent des services et des activités qu'ils vendent au reste du monde.
Le sénateur Meighen: À votre avis, va-t-il y avoir un acteur principal, ou bien l'industrie sera-t-elle fragmentée? Va-t-il y avoir une sorte de Microsoft, une institution ou un groupe d'institutions financières, ou bien la situation sera-t-elle différente d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre?
Mme Lawson: Si nous n'imposons pas des mesures de protection de la vie privée, des mesures généralisées, les consommateurs risquent de faire confiance à des grandes marques qu'ils connaissent déjà. La véritable promesse du commerce électronique, pour les marques inconnues, les petits protagonistes, les débutants, ne se concrétisera pas. En fait, on a prétendu que c'est la raison pour laquelle les États-Unis s'opposent tellement à la réglementation de la protection de la vie privée. C'est parce qu'ils ont déjà de grandes marques.
M. Crow: Je suis tout à fait d'accord. Je ne prévois pas une domination économique qui aboutirait à des abus de pouvoir. Je pense que les principaux acteurs seront de grosses et de très grosses compagnies. Toutefois, c'est un environnement très mouvant où quelqu'un peut passer très vite de l'obscurité la plus totale à un rôle de premier plan.
Le sénateur Meighen: J'imagine qu'il est important que cela reste mouvant.
M. Crow: Oui. C'est peut-être une caractéristique inhérente.
Le président: Je tiens à vous remercier tous d'être venus. Ces deux heures ont magnifiquement commencé un exercice auquel le comité va dorénavant se livrer régulièrement.
J'ai demandé au personnel d'élaborer avec vous un bon résumé de la séance d'aujourd'hui, un catalogue des questions que vous avez soulevées. Nous distribuerons cela non seulement aux membres du comité, mais aussi à tous nos collègues du Sénat.
J'aimerais maintenant poser, pour qu'elles soient consignées, cinq ou six questions auxquelles je vous aurais demandé de répondre si nous en avions eu le temps.
Madame Lawson, cela m'intrigue toujours quand les gens viennent nous dire qu'un projet de loi leur plaît beaucoup, mais qu'ils aimeraient voir quelques améliorations y être apportées. Vous avez répété que le projet de loi C-54 vous plaisait beaucoup, mais ce qui m'intéresse, ce sont les suggestions pour l'améliorer que vous ne nous avez pas faites.
Ma question suivante s'adresse à M. Binns.
Étant un vieil habitué du marketing, je suis convaincu de la vertu des marques, et je ne comprends pas qu'une banque canadienne s'aventure sur ce terrain sans profiter de son nom de marque. Je vous soumets cette réflexion.
Comme vous le savez, notre comité a étudié les services financiers; tout le monde nous dit à quel point les caissiers et les caissières coûtent cher, à quel point tout irait mieux si on pouvait convaincre les gens d'utiliser les guichets automatiques. Je suis convaincu qu'avant un an un représentant d'une banque va venir nous dire à quel point les guichets automatiques coûtent cher et que tout irait mieux si on pouvait convaincre les gens de faire leurs transactions bancaires par Internet ou par téléphone.
J'aimerais avoir une idée approximative du coût des différentes transactions, selon le mode utilisé. À une extrémité il y a les caissiers et les caissières, mais quel mode se trouve à l'autre extrémité? Dans quel sens les choses vont-elles évoluer?
Si je regarde les données de Michelle d'Auray, où l'on voit que les Canadiens s'adaptent très vite aux nouvelles technologies, on constate aussi d'après les études de marchés effectuées depuis 10 ans que les transactions bancaires par téléphone étaient vouées à l'échec. Cela n'intéressait absolument personne. Or, trois ou quatre ans après l'introduction du système, toutes sortes de gens l'utilisent, y compris des gens qui avaient prétendu ne jamais vouloir y toucher. Dans l'ensemble, comment votre industrie envisage-t-elle l'avenir de ce segment des services financiers?
Quand j'ai entendu les observations de M. Munson sur les investissements et les questions fiscales, j'ai pensé, au risque d'être un peu cynique, que tout le monde cherchait une fois de plus un traitement de faveur. Toutefois, j'ai ensuite changé d'avis en vous écoutant, et je me suis dit que vous aviez des arguments solides.
En ce qui concerne la question des impôts, vous vous êtes cantonné dans des généralités et des évidences, et j'aimerais que vous me disiez ce que vous voulez vraiment.
Vous devez savoir que ce comité, en collaboration avec le ministère de l'Industrie, entreprend une étude sur les programmes gouvernementaux qui pourraient favoriser les investissements dans le capital-actions des petites et moyennes entreprises. Vous pourriez axer une partie de votre réponse sur cet aspect-là. En fait, nous pourrions fort bien vous demander de comparaître comme témoin.
Le sénateur Meighen: Ou encore les programmes qui peuvent être supprimés.
Le président: J'ai des questions pour Mme d'Auray.
Sur une de vos diapositives, vous avez dit que le gouvernement du Canada s'était engagé à offrir tous ses services en ligne lorsque c'était approprié. J'imagine que vous devriez avoir un document qui fait le point sur ces services et qui fait des prévisions. Dans certains autres domaines, vous êtes très douée lorsqu'il s'agit de préparer des calendriers et de les respecter. J'aimerais savoir où en sont les choses.
En juillet 1997, les États-Unis ont publié un cadre pour le commerce électronique global, et ce cadre s'accompagnait d'une directive présidentielle sur le commerce électronique. Cette directive est différente de votre document stratégique sur le commerce électronique. J'imagine que vous devez avoir un document de comparaison, et cela pourrait nous être utile.
Dans votre stratégie canadienne sur le commerce électronique, à la page 13, il y a un tableau qui soulève un certain nombre de questions. Il s'agit du tableau où il est question des enjeux pour les entreprises, et cetera. Je suppose que vous suivez de très près les progrès réalisés pour chacune des boîtes de ce tableau, et nous souhaiterons peut-être en discuter avec vous.
Enfin, et je dis cela un peu à la blague, le dernier mot à la mode pour décrire les relations entre les entreprises et le gouvernement, c'est «partenariat». Tout ce qu'on ne sait pas décrire se retrouve dans la catégorie «partenariat entre les secteurs public et privé». Chacun évite scrupuleusement de définir cette notion, de sorte que tous les interlocuteurs peuvent lui prêter le sens qu'ils veulent.
Ce comité a l'habitude de ces expressions à la mode. «Jouer à armes égales» en est une autre. C'est l'expression qui sert à décrire tout ce qui nous avantage. «Jouer à armes égales» est une expression parfaitement subjective. Est-ce équitable ou non?
J'ai remarqué que, sauf Mme Lawson, vous avez tous utilisé l'expression «partenariat entre les secteurs public et privé». À maintes reprises, mais dans des contextes différents. Je serais curieux de voir si nous nous entendrions sur une définition commune. Est-ce simplement une fleur de rhétorique que nous n'avons pas à prendre au sérieux?
Après cette liste de sujets de réflexion pour l'avenir, je souhaite remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui. La matinée a été fort intéressante. J'estime que nous avons fait un petit pas dans la bonne direction.
La séance est levée.