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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 47 - Témoignages du 18 mars 1999


OTTAWA, le jeudi 18 mars 1999

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures pour étudier la situation actuelle du régime financier du Canada (financement par actions).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, nous recevons aujourd'hui M. Michel Ré, premier vice-président, Marchés émergents, de la Banque de développement du Canada. Il comparaît aussi devant nous en tant que président de Réseau Capital, un organisme québécois qui réunit les principaux acteurs de l'industrie de l'investissement au Québec.

Après avoir discuté du sujet avec le témoin, nous nous réunirons brièvement à huis clos afin de finaliser la lettre à l'intention du ministère de l'Industrie au sujet de la responsabilité solidaire.

Monsieur Ré, veuillez présenter votre mémoire. Nous vous poserons ensuite des questions.

M. Michel Ré, président, Réseau Capital et premier vice-président, marchés émergents, Banque de développement du Canada: Nous avons préparé une trousse d'information comprenant une étude, commandée par la BDC, sur les retombées économiques des placements de risque au Canada. On y trouve aussi des brochures sur les activités de la BDC ainsi que mon mémoire.

Monsieur le président, je suis heureux d'être ici aujourd'hui à titre de président du Réseau Capital pour vous entretenir de la situation du capital de risque au Canada et plus précisément au Québec. Le Réseau Capital est une association d'investisseurs en capital de risque et de professionnels québécois tels que des avocats, des comptables, des courtiers et des banquiers. Notre association regroupe 460 membres individuels et leur permet de nouer des liens qui facilitent les projets d'investissement et l'accès des petites et moyennes entreprises à des fonds. Environ la moitié des membres du Réseau Capital proviennent d'entreprises de capital de risque situées au Québec et qui voient à la gestion d'un capital de 4 milliards de dollars.

À la Banque de développement du Canada, je suis responsable de la Division du capital de risque et des activités de quasi-fonds propres. Nous gérons un portefeuille dépassant 5 milliards de dollars et constitué de prêts, de quasi-fonds propres et de capital de risque consentis à de petites et moyennes entreprises canadiennes.

Le président: Monsieur Ré, normalement je n'interromps pas les propos liminaires, mais vous venez d'utiliser un terme que je ne comprends pas. Pourriez-vous définir pour nous ce que vous entendez exactement par l'expression «quasi-fonds propres»?

M. Ré: Longtemps, il n'y a eu que deux sortes d'instruments financiers sur le marché, les prêts à terme et, à l'autre extrême, le capital de risque. Vers le milieu des années 70, quand il y a eu le problème associé aux taux d'intérêt, on a mis au point un nouveau type d'instrument appelé sous-créance. Il s'agit d'une créance sans garantie corporelle. Habituellement, elle est assortie de ce qu'on appelle une clause de participation. C'est une créance où le prêteur a droit à une certaine participation dans la société. Voilà ce que nous entendons par sous-créance. Quand nous parlons de quasi-fonds propres, nous englobons tous les instruments financiers autres que le véritable capital de risque et les prêts à terme.

Le président: Autrement dit, il s'agirait d'un instrument qui ne serait pas, à proprement parler, une créance ou un instrument de fonds propres, et qui serait typiquement une sorte de créance subordonnée, assortie d'un droit de conversion en actions participantes dont l'option reviendrait probablement au prêteur et non à la personne qui emprunte l'argent. Est-ce exact?

M. Ré: En effet.

Le président: Vous pourriez peut-être continuer de faire votre exposé. Nous pourrions revenir là-dessus après et vous poser des questions.

M. Ré: Je ne répéterai pas toutes les statistiques nationales sur le sujet, puisque vous en avez déjà pris connaissance ou que d'autres vous en feront probablement part. J'aimerais toutefois mentionner que le Réseau Capital appuie les recommandations émises par l'Association canadienne du capital de risque. Nous appuyons particulièrement les recommandations à l'égard du régime national d'entiercement proposé et des règles des compagnies associées.

Au Québec, il existe au moins 94 entreprises de capital de risque, soit le nombre d'entreprises de capital de risque représentées au Réseau Capital. Les montants investis dans les PME s'échelonnent entre 2 500 $ et 25 millions de dollars. Les investissements de moindre importance proviennent surtout de divers fonds d'investissement parrainés soit par le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, la Caisse de dépôt et placement ou Desjardins.

Nous ne disposons pas pour le moment de données relatives aux investissements effectués l'année dernière. J'ai cependant en main quelques données qui montrent la tendance de croissance dans le capital sous gestion et le capital disponible pour investissement. Je vous réfère au graphique 1. Une croissance est également remarquée dans les investissements au Québec, comme le montre le graphique 2.

Au cours des neuf premiers mois de 1998, 303 investissements en capital de risque ont été effectués au Québec, soit 43 p. 100 de tous les investissements réalisés au Canada. Si nous examinons de plus près les montants qui ont été effectivement versés, nous constatons que les entreprises québécoises ont bénéficié d'un financement totalisant 389 millions de dollars au cours des neuf premiers mois de 1998, soit 36 p. 100 de tous les fonds déboursés au Canada.

Fait important à noter, les investissements de moindre importance représentent une fraction non négligeable de ce secteur d'activité. Je le signale parce qu'un de vos documents de référence souligne la difficulté d'obtenir du financement en capital de risque de moins de un million de dollars. C'est peut-être le cas dans d'autres régions du pays, mais au Québec, deux investissements en capital de risque sur trois ne dépassent pas un million de dollars. En fait, l'investissement moyen se situe à environ 300 000 $.

Monsieur le président, ces chiffres démontrent qu'au Québec, l'industrie du capital de risque est l'une des plus dynamiques du pays, et que les entreprises québécoises plus petites dont les besoins financiers n'excèdent pas un million de dollars peuvent obtenir du capital de risque. Je me permets d'ajouter qu'en regroupant des investisseurs et des professionnels au service des PME, le Réseau Capital facilite les rapports de ce marché en progression.

J'aimerais maintenant aborder l'impact des activités de la Banque de développement du Canada dans le marché des fonds propres et des quasi-fonds propres. La BDC a mis sur pied son groupe de capital de risque en 1983, alors que le Canada comptait peu de sources d'investissement de ce type. Les rares investisseurs en capital de risque se concentraient principalement dans le sud de l'Ontario. Le sénateur Kroft, qui siégeait au conseil d'administration de la BDC, a joué un rôle important dans la création du groupe. Les principes fondamentaux qu'il a aidé à établir sont la principale raison du succès continu de la Banque.

Depuis 1983, les activités d'investissement de la BDC ont évolué en tenant compte des nouvelles sources de capital de risque sur le marché. Deux constantes demeurent toutefois. D'abord, la BDC est restée un joueur de premier plan dans ce secteur en misant sur l'innovation pour répondre aux nouveaux besoins des PME en pleine croissance et en incitant d'autres entreprises à suivre ses traces. Ensuite, le taux de rendement obtenu par le groupe du capital de risque, depuis sa création, est demeuré supérieur au coût des fonds du gouvernement, respectant en cela son mandat. Ainsi, le groupe a réussi à investir quatre fois les 55 millions initialement accordés par le gouvernement pour une valeur totale d'investissement de 228 millions de dollars. La BDC a également généré plus de 800 millions de dollars en investissements conjoints avec d'autres investisseurs.

J'aimerais vous donner deux exemples de la place qu'occupe la BDC dans l'industrie du capital de risque, grâce à la création d'instruments novateurs qui répondent aux entreprises des marchés émergents.

Jusqu'à tout récemment, les entreprises spécialisées dans la technologie à l'étape du prédémarrage pouvaient difficilement trouver du capital. Ces entreprises étaient à toutes fins pratiques inexistantes pour les investisseurs de capital de risque. Au courant de ce problème, la BDC ne pouvait pourtant pas y remédier seule, en raison de ses ressources financières limitées. Il y a trois ans, elle se joignait à d'autres entreprises d'investissement et les persuadait d'établir de nouveaux fonds spécialisés de capital de prédémarrage. Dans l'Ouest canadien, la Banque de Montréal, BC Pension Fund, Ventures West et Cascadia se sont unis à la BDC pour lancer un fonds de capital de prédémarrage de 25 millions destiné aux entreprises de technologie. Peu après, la BDC formait un partenariat avec SOFINOV et Innovatech pour créer au Québec un fonds de capital de prédémarrage de 62,5 millions de dollars baptisé Fonds T2C2. Enfin, une autre alliance avec la Banque de Montréal voyait naître le Fonds de l'Est de 25 millions de dollars, englobant l'Ontario et le Canada atlantique.

[Français]

Voici comment la banque reste en première ligne dans l'industrie du capital de risque et souscrit de façon proactive à la recommandation formulée par le Groupe de travail MacKay, voulant que les institutions financières poursuivent leurs initiatives à l'intention des industries du savoir, en mettant l'accent sur le capital de prédémarrage et le capital de risque, et en favorisant un taux d'investissement élevé dans ces industries novatrices.

L'influence exercée par la BDC dans la création de fonds de capital de prédémarrage ne se limite pas aux entreprises avec lesquelles nous sommes engagés directement. Nous avons ouvert la voie avec nos partenaires et nous assistons actuellement à la création de fonds de prédémarrage par d'autres entreprises de capital de risque, et ce, sans la participation de la BDC.

De même, la BDC se maintient comme chef de file dans le secteur du financement sous forme de quasi-fonds propres destinés aux petites et moyennes entreprises. Nombre de PME en croissance rapide sont incapables de générer le taux de rendement normalement associé au capital de risque ou plus simplement refusent de partager la propriété de leur entreprise avec des investisseurs extérieurs. Parce qu'elles croissent à un rythme accéléré, leurs besoins financiers dépassent de loin le financement conventionnel qui leur est offert.

Reconnaissant que l'industrie du capital de risque ne répondait pas de façon adéquate à ces besoins, la BDC a créé des instruments innovateurs de quasi-fonds propres pour compléter le financement de capital de risque qu'elle-même fournissait. Les prêts à redevances, le capital patient et le Fonds de croissance à l'exportation de la BDC, produits mieux connus sous le nom de créances subordonnées, tiennent le haut du pavé sur le marché. Ils visent à combler tout particulièrement les besoins financiers des petites entreprises du savoir et de l'exportation.

Le marché des créances subordonnées réservé aux PME n'est pas encore très exploité. Plus de 70 p. 100 du financement par quasi-fonds propres offert au Canada provient de la BDC et ne dépasse pas un million de dollars. Il représente moins de la moitié du marché total par montant investi avec une moyenne de 300 000 dollars.

Lorsque la Banque s'est orientée vers ce type de capital de risque il y a quatre ans, les autres fournisseurs de créances subordonnées ne visaient essentiellement que des investissements supérieurs à un million de dollars. Depuis, à l'instar de la BDC, d'autres entreprises, dont certaines banques à charte, ont opté pour le marché des créances subordonnées peu élevées.

[Traduction]

Le fait d'être un chef de file du marché et d'encourager les autres à pénétrer de nouveaux marchés émergents s'inscrit parfaitement dans notre mandat. Il s'agit là d'un rôle valable pour le gouvernement et les entreprises d'État. C'est exactement ce que fait la BDC dans l'industrie du capital de risque. Ce rôle a amené la Banque à multiplier par neuf ses engagements financiers envers les PME quant aux fonds propres et aux quasi-fonds propres, au cours des cinq dernières années, et à développer de façon considérable les sources de financement offertes dans le secteur.

Maintenant, monsieur le président, je voudrais parler de défis pour l'ensemble du secteur industriel. Au fur et à mesure que les entreprises canadiennes de technologie sont devenues de plus en plus actives et prospères sur les marchés internationaux, leurs besoins de capitaux ont augmenté en conséquence. L'entreprise à risques élevés typique consomme aujourd'hui quelque 14 millions de dollars de capitaux privés avant d'en arriver à l'étape du premier appel public. Les entreprises de biotechnologie en consomment encore plus, soit près de 20 millions de dollars. Compte tenu de son appétit pour les capitaux, le secteur canadien du capital de risque aura du mal à répondre à la demande de ses propres clients, à moins de continuer à attirer de nouveaux fonds sur le marché au même rythme qu'il l'a fait au milieu des années 90. Et il semble que ce pourrait se révéler une tâche difficile.

Le secteur gère plus de 8 milliards de dollars de capitaux, mais le quart seulement de ces capitaux sont disponibles pour de nouveaux investissements. Cela suffit pour un peu plus qu'une année d'investissements. Récemment, il a déboursé plus de fonds qu'il n'a pu en rassembler. La mobilisation de nouveaux capitaux demeure donc un défi de taille.

D'autres défis du secteur sont liés au besoin croissant de capitaux dans deux nouveaux groupes de petites entreprises. Beaucoup d'entreprises prospères en arrivent au point où leurs propriétaires veulent vendre, par manque de relève familiale ou pour d'autres raisons. Au Canada, le financement de l'acquisition partielle d'une entreprise par son encadrement/le financement du rachat d'office n'est pas aussi développé qu'aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Il s'ensuit que des groupes de direction ne peuvent habituellement pas acheter des entreprises qu'ils exploitent déjà. Aujourd'hui, davantage de groupes de direction choisissent d'acheter des entreprises, et la demande de capitaux pour ces groupes est appelée à croître, selon nous.

Un autre groupe dont la demande de capitaux est à la hausse est celui des petites entreprises qui ont connu beaucoup de succès en exportant leurs produits. Pour un certain nombre de ces entreprises, la prochaine étape consiste à prendre de l'expansion à l'étranger afin de tirer profit de possibilités encore plus grandes du marché. Comme elles sont relativement inconnues des sources de financement étrangères, elles dépendent de sources canadiennes pour leurs besoins de capitaux. Plus nombreuses seront les entreprises canadiennes à prospérer sur les marchés étrangers, plus forte sera la demande de capitaux de ces entreprises auprès du secteur du capital de risque.

Je terminerai ici, monsieur le président, mais je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du comité.

Le sénateur Kroft: Il est plutôt rare qu'on nous accorde de l'attention. J'en suis interloqué.

Le marché dynamique du capital de risque ne cesse de m'intéresser, surtout dans la province de Québec. Je sais que, au fil des années, une politique fiscale particulièrement agressive et originale a favorisé ce dynamisme au niveau du secteur de la petite entreprise.

Si elles sont toujours valables, vos statistiques montrent que la Colombie-Britannique est l'autre région qui publie des données sur le capital de risque portant fruit pour les petites entreprises, données qui sont complètement déphasées par rapport au reste du pays.

Pourriez-vous nous dire quels sont, à votre avis, les éléments responsables de ce dynamisme au Québec?

M. Ré: La moitié de l'argent qui est disponible au Canada, à l'heure actuelle, se trouve au Québec. Par conséquent, il y a une masse critique, qui est importante, car elle a tendance à se spécialiser et à pénétrer davantage les régions. Pendant longtemps, les activités de capital de risque ont été surtout concentrées dans les grands centres urbains. Aujourd'hui, les fonds de capital de risque sont plus spécialisés, en technologie de l'information, en biotechnologie et ainsi de suite, par exemple.

Les fonds régionaux donnent aussi d'excellents résultats, car les fonds parrainés par le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec et Desjardins ont des activités dans toutes les régions du Québec. Pour les affaires de moins de 1 million de dollars, cela aide certes le genre d'activités que le Québec a à l'heure actuelle. Les activités dans les régions relèvent d'une longue tradition au Québec. Au début, la Banque nationale, le Fonds de solidarité, Desjardins et la Caisse de dépôt ont collaboré pour créer des fonds régionaux. Après quatre ou cinq ans, certains ont trouvé l'expérience tellement concluante qu'ils ont décidé de créer leurs propres fonds régionaux. Les premiers fonds régionaux sont plus ou moins tombés en panne. Nous nous sommes retrouvés avec davantage de groupes ayant davantage de fonds régionaux et davantage de transactions.

Le gouvernement provincial a joué un rôle, car il a financé les dépenses d'exploitation des fonds régionaux parrainés par le Fonds de solidarité. Ce faisant, il a encouragé les activités dans les régions. Cela constitue certes un début d'explication, avec la masse critique, le fait qu'il y a une spécialisation accrue et le fait que l'argent se rend désormais dans toutes les régions du Québec.

Le président: Je suis curieux de savoir ce qui a amené la création de la masse critique. Le sénateur Kroft a parlé de «politique fiscale agressive». Est-ce quelque chose dans la politique fiscale ou la politique gouvernementale ou le régime d'épargne-actions du Québec ou est-ce le fait que vous êtes les seuls à avoir une caisse de dépôt? Compte tenu des statistiques, il est manifeste que quelque chose dans l'environnement de l'entreprise ou dans l'environnement de la politique publique au Québec a amené la création de cette masse critique. Si l'on savait ce que c'est, on pourrait envisager de l'exporter dans le reste du pays.

M. Ré: Nous avons les deux plus importantes entreprises de capital de risque au Canada, la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité. Les raisons politiques sous-jacentes sont suffisamment explicites.

Au Québec, la richesse n'est pas vraiment fondée sur les individus comme c'est le cas ailleurs au Canada. La richesse des Québécois réside davantage dans les institutions. Cela pourrait s'expliquer en partie du fait que, au Québec, les institutions subissent probablement plus de pressions pour participer au financement. L'autre point est que le Fonds de solidarité est le tout premier fonds parrainé par des travailleurs à avoir jamais existé. Je le répète, c'est une question de tradition.

Au fil des années, tous les ordres de gouvernement se sont vraiment efforcés de favoriser la régionalisation, de privilégier la politique régionale. Au Québec, la tradition veut que les régions soient importantes. La tradition veut aussi qu'une grande partie de la richesse soit dans les institutions. Il y a une longue tradition au Québec pour ce genre de financement.

Le sénateur Kroft: Je voudrais que l'on parle maintenant des entreprises de capitaux d'amorçage qui ont été créées. Vous avez cité les groupes qui ont collaboré à cet égard. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont ces entreprises fonctionnent, leurs seuils-limites et leur degré de succès?

M. Ré: Il y a environ trois ans, nous avons reconnu qu'il existait sur le marché une niche pour le financement des bonnes idées scientifiques. Nous offrions des capitaux d'amorçage en fonctionnement normal, mais nous réagissions aux situations au lieu d'être proactifs, tout simplement parce que le financement d'amorçage vient au tout début du développement des entreprises. La plupart du temps, ces entreprises se composent d'un seul scientifique ou d'un seul inventeur avec un produit n'ayant pas encore de caractéristiques commerciales. Il faut bâtir une entreprise autour des sciences et des scientifiques.

Je peux seulement parler pour la BDC, mais je dirais que tous les autres investisseurs ont eu la même réaction. Nous recherchions des situations où les besoins en main-d'oeuvre étaient minimaux. Beaucoup de démarches ont été rejetées seulement parce qu'elles étaient à haute intensité de main-d'oeuvre.

Nous avons dit à beaucoup de gens sur le marché que nous voulions être proactifs dans ce genre de financement. Évidemment, nous avons consulté beaucoup d'autres entreprises de capital de risque. À l'époque, il y en avait qui disaient aussi avoir l'intention d'entreprendre des activités de ce genre, mais elles craignaient comme nous que ces activités ne soient trop à forte densité de main-d'oeuvre.

Nous avons d'abord lancé le Western Technology Seed Investment Fund, à Vancouver, avec Ventures West et Cascadia Pacific, une entreprise de Seattle qui fait du financement d'amorçage. En outre, nous avons comme commanditaires la Banque de Montréal et la caisse de retraite de la Colombie-Britannique. Cela fonctionne comme ceci: nous communiquons avec le CNRC, divers laboratoires, universités et hôpitaux pour trouver les meilleurs projets scientifiques qui, d'après nous, ont un certain potentiel commercial. Le premier financement se situe habituellement entre 100 000 $ et 150 000 $.

Le sénateur Kroft: Par proactivité, voulez-vous dire que vous vous adressez au CNR ou aux hôpitaux et ainsi de suite dans le cadre de votre diligence raisonnable à l'égard d'une possibilité d'affaire qui vous a été soumise? Ou vous adressez-vous à eux à la recherche de possibilités?

M. Ré: Nous essayons de trouver des possibilités d'accords d'investissement. Les membres de ces fonds que nous engageons sont aussi des scientifiques, et ils savent où se fait la recherche scientifique sérieuse. La plupart du temps, ils connaissent aussi personnellement les scientifiques qui la font. Si nous agissons ainsi, c'est moins pour faire preuve de diligence raisonnable que pour trouver des possibilités d'accords d'investissement.

Lorsque nous trouvons un projet sérieux, nous faisons une première injection de capital, qui va habituellement de 100 000 $ à 150 000 $ et qui sert à protéger la propriété intellectuelle et, souvent, à soutenir la recherche ou à faire passer les travaux de développement à une autre étape, et à établir le plan d'entreprise. Ces sommes durent de six mois à un an. Nous nous rendons bien compte que de nos jours, un an et 150 000 $ ne suffisent pas; mais une fois cette première étape passée, c'est-à-dire une fois que le plan d'entreprise est établi, nous pouvons passer à la première injection de capital de risque.

Ces fonds, où qu'ils se trouvent au Canada, ont pour objectif de trouver les projets scientifiques sérieux, de protéger la propriété intellectuelle et de jeter les bases d'entreprises en procédant de telle sorte qu'elles puissent devenir commercialement rentables.

Le sénateur Kroft: Une fois que la semence est plantée et que vous en êtes à la première injection de véritable capital de risque, en quoi consiste l'entente, ou comment est-elle structurée? En général, l'entreprise ne peut avoir beaucoup de biens immobiliers.

M. Ré: À l'étape du financement de lancement, il y a au moins deux injections de capital, car nous savons bien que 150 000 $, ce n'est pas assez. Nous tendons de plus en plus à faire plus d'une injection et à injecter entre un demi million et un million de dollars en capital de lancement. C'est pas mal plus que 150 000 $.

Le sénateur Kroft: Prenez-vous une option sur actions?

M. Ré: Oui, sénateur, à titre d'avoir propre.

Le sénateur Kroft: Et avec le temps, devenez-vous propriétaire de certains biens immobiliers?

M. Ré: Oui, rien que pour avoir une bonne idée de la situation de l'entreprise. Habituellement, la première injection de capital de risque est d'environ 3 millions de dollars. L'investisseur possède l'entreprise dans une proportion d'environ 60 p. 100, les 40 p. 100 qui restent appartenant au scientifique qui fait la recherche ou au CNR ou à l'hôpital ou au laboratoire où il les fait. Voilà, grosso modo, la structure de l'entreprise après la première injection de capital.

Le sénateur Kroft: J'ignore depuis combien de temps la BDC finance des travaux de recherche scientifique, mais les États-Unis ont fait mieux que n'importe quel autre pays à ce chapitre. Dans presque tous les pays, on considère que le financement de la recherche scientifique incombe aux gouvernements, mais les Américains ont compris que les projets scientifiques sérieux, comme vous dites, peuvent présenter des possibilités commerciales fort intéressantes, une conception des choses qui s'est parfois révélée très fructueuse.

Allons un pas plus loin dans l'examen d'un exemple typique, si vous pouvez nous citer des cas réels. Voudriez-vous nous dire ce que vous faites ensuite?

M. Ré: Il importe d'établir qu'il existe différents modèles d'entreprise, surtout quand il s'agit d'industries fondées sur le savoir. Si vous fabriquez du matériel de technologie de l'information, il est certain que vous aurez mis au point un produit après la première injection de capital. Comme nous la faisons assez tôt à l'étape du développement, le produit a habituellement une personnalité fort distincte quant il arrive sur le marché. Mais il ne pourra pas soutenir l'entreprise à lui seul. Il sera plus une plate-forme technologique qu'autre chose.

À l'étape de la première injection de capital, soit au cours des douze à dix-huit premiers mois, nous travaillons avec un ou deux produits pour voir comment le marché réagit. Ensuite, nous adaptons les produits et commençons à concevoir la prochaine génération qui sera fabriquée. Nous procédons ainsi pendant environ deux ans. Puis, nous injectons une somme plus importante, soit 7 ou 8 millions de dollars, par exemple. À chaque injection, la position du scientifique et des laboratoires ou du CNR est moins importante. Mais à la fin, la valeur de l'entreprise a considérablement augmenté.

Prenons l'exemple d'un autre modèle d'entreprise, dans le domaine de la biotechnologie, par exemple. Nous trouvons un composé ou quelque chose d'autre qui est encore très loin d'être un médicament. Je dirais qu'alors, nous sommes presque dans le monde de la recherche fondamentale. Donc, nous trouvons quelque chose de prometteur. La première injection de capital est d'environ 3 millions de dollars. Ces 3 millions permettront aux scientifiques concernés de faire leurs recherches précliniques et cliniques, s'ils sont efficients et s'ils n'éprouvent pas de difficultés trop graves. Habituellement, avec ces 3 millions, l'investisseur peut savoir si le filon est vraiment prometteur. Ensuite, on passe à la première étape, puis à la seconde et, enfin, aux essais cliniques afin de présenter le produit à une société pharmaceutique qui développera le médicament. Il y aura deux ou trois injections de capital. Ici encore, le modèle d'entreprise est fort différent.

Aux diverses étapes, au lieu de tirer des recettes des ventes, vous en tirez des grandes sociétés pharmaceutiques qui signeront des ententes avec vous pour détenir les droits sur votre découverte. Vous recevez des recettes de l'extérieur, et à la deuxième étape, celle des essais cliniques, vous pouvez aller sur les marchés financiers publics. L'entreprise de capital de risque récupère alors ses capitaux et les investit ailleurs. Ce sont là les deux façons dont nous procédons le plus souvent.

Le sénateur Kroft: Diriez-vous que suffisamment de nouveaux venus acceptent de jouer ce jeu, qui est à long terme et exige de la patience? Ce marché se développe-t-il à votre satisfaction?

M. Ré: Celui de la biotechnologie?

Le sénateur Kroft: Celui du financement de la recherche scientifique.

M. Ré: Quand on examine la tendance de l'investissement au Canada depuis cinq ans, on constate que les entreprises fondées sur le savoir attirent une part de plus en plus grande de l'investissement. C'est un marché en croissance. À ce niveau, nous finançons la créativité. Il n'y a presque aucune limite à ce qui peut en sortir. Et la qualité de nos scientifiques et de nos universités étant ce qu'elle est, la tendance n'est pas sur le point de se renverser.

Le sénateur Kroft: C'est un secteur d'investissement des plus important.

Le sénateur Austin: Voudriez-vous nous expliquer, monsieur, l'incidence qu'aura sur votre industrie le milliard de dollars qui seront versés au cours des cinq prochaines années dans le cadre du nouveau programme d'innovation du gouvernement fédéral? Votre instinct vous dit-il qu'il s'agit de fonds concurrents qui bousculeront l'industrie de l'investissement en capital de risque jusqu'à un certain point, ou croyez-vous que ce milliard sera une merveilleuse amélioration et créera de nouvelles possibilités dans les marchés financiers?

M. Ré: Le Canada étant en concurrence avec les autres pays, les fonds que nous injectons dans les industries fondées sur le savoir, à tous les niveaux, profiteront à notre économie et nous garantiront un avenir plus prospère. Nous avons parrainé une étude d'incidence économique pour montrer l'incidence du capital de risque dans l'économie canadienne. Compte tenu de la rapidité avec laquelle les industries fondées sur le savoir créent des emplois, font des ventes et paient des impôts, tout ce qu'on peut faire pour soutenir cette industrie et lui faire prendre de l'expansion est profitable. Je ne vois pas ce programme comme une concurrence pour nous, parce que cet argent portera la science là où le capital de risque peut lui permettre d'aller et l'accompagnera jusqu'à ce que les découvertes scientifiques se transforment en produits commerciaux. J'espère que ce milliard de dollars contribuera à multiplier les projets de financement.

Tout à l'heure, il a été question des Américains. Nous avons aussi parlé de masse critique. Ce milliard de dollars augmentera la masse critique en technologie. En tant que fournisseurs de capital de risque, nous courons parfois des risques avec une ou deux technologies. Imaginez ce qui se passerait si nos sociétés pouvaient regrouper davantage de technologies disparates pour devenir plus fortes. J'y vois quelque chose de positif et même d'indiqué, si le Canada tient à demeurer compétitif sur le plan mondial.

Le sénateur Austin: Si j'ai bien compris votre réponse, ce programme va stimuler l'industrie du capital de risque parce qu'il aidera à développer plus de technologies et à créer plus d'entreprises technologiques qui voudront commercialiser les produits qu'elles auront développés. Et il nous faut en fait plus d'instruments de capital de risque pour soutenir et développer les occasions de plus en plus nombreuses dont vous prévoyez l'apparition au cours des cinq prochaines années.

M. Ré: C'est exact, et la somme de capital de risque que les entreprises fondées sur le savoir consomment avant de se présenter sur les marchés financiers publics augmente chaque année. Il y a quelques années, elles avaient besoin en moyenne de 12 millions de dollars. Maintenant, il leur en faut 14. Nous ignorons comment les marchés financiers réagiront. Parfois, ils sont tout disposés à soutenir ces entreprises, mais parfois, ils ne le sont pas du tout. S'ils ne sont pas là pour les aider quand elles en auront besoin, les sociétés d'investissement en capital de risque devront soutenir ces entreprises un peu plus longtemps. De toute évidence, les besoins en investissements sont énormes.

Le sénateur Meighen: Il est clair qu'il faut plus de capitaux, et l'appétit des entreprises fondées sur le savoir va devenir de plus en plus vorace. Je présume que ces capitaux pourraient provenir d'investisseurs en capital de risque étrangers et canadiens.

En ce qui a trait au capital de risque de l'étranger, est-il utile de pouvoir compter sur la BDC à titre d'investisseur national ou cela n'a-t-il pas d'importance? Est-il nécessaire d'avoir un principal investisseur national dans ces cas?

Dans le cas du capital de risque étranger, je sais que vous avez appuyé les recommandations de l'Association canadienne du capital de risque. Ces recommandations comprenaient un certain nombre de suggestions, dont certaines modifications à la politique fiscale. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet et nous dire si notre politique fiscale globale sur le capital de risque a eu des répercussions sur ce que l'on considère comme étant notre position d'infériorité face aux Américains à ce chapitre? Je me rends bien compte que les États-Unis peuvent compter sur une économie d'échelle et qu'ils ont l'avantage de leur taille. Comment pouvons-nous obtenir davantage de capital, à la fois de sources nationales et étrangères?

Enfin, quel sera, à votre avis, le rôle de la BDC au fur et à mesure que les activités et le financement augmenteront dans ce domaine?

M. Ré: Les investisseurs en capital de risque préfèrent en général investir près de chez eux parce qu'ils participent beaucoup au développement de ces compagnies. Plus la compagnie est jeune, plus l'investisseur voudra en être proche parce qu'il est plus facile de contrôler ce qui se passe si l'on est tout près.

À l'heure actuelle, sur les marchés, après sa mise sur pied, une compagnie fait l'objet de deux ou trois rondes d'investissements nationaux avant que l'on se tourne vers les réseaux américains pour la distribution. Nous nous rendons alors aux États-Unis pour présenter ces compagnies et tenter d'attirer des fonds. C'est de cette façon que l'on fonctionne, de par notre passé et notre histoire.

Les investisseurs étrangers prendront-ils une part plus importante au Canada? Je le crois, parce qu'ils sont de plus en plus conscients de la qualité scientifique que nous sommes en train de développer au pays dans certains domaines technologiques de classe internationale. Ils s'intéressent davantage à nous parce qu'ils se rendent compte que notre niveau d'activités est semblable au leur sur une base individuelle.

Au chapitre des impôts, vous avez vu les recommandations de l'Association canadienne du capital de risque sur ce que nous pourrions faire avec des sociétés en commandite et des gains en capital. J'aimerais souligner également que ces compagnies sont construites par des personnes. Il y a un obstacle important qui nous empêche de recruter des Américains pour travailler pour nous. Je lisais dans un article paru dans La Presse d'hier que quatre ou cinq compagnies n'arrivaient pas à pénétrer le marché américain avec leurs logiciels tout simplement parce qu'ils ne faisaient pas partie de la « bande ». À l'heure actuelle, il est impossible pour nous d'attirer des gestionnaires étrangers. Cela pourrait être utile parce que ces derniers connaissent leurs marchés beaucoup mieux que la plupart des Canadiens. Je pense que tout le monde pourrait profiter d'une réduction d'impôts. C'est plus difficile sur une base individuelle, parce que nous ne sommes pas en mesure d'attirer les experts dont nous aurions besoin pour développer nos compagnies.

Le sénateur Meighen: Est-ce que cela a des conséquences importantes sur votre capacité à attirer des capitaux? Je vous le demande parce que j'imagine que le domaine auquel vous vous intéressez est très vulnérable mais qu'il peut également être très lucratif. Toutefois, si l'on n'obtient pas un rendement intéressant, il est difficile d'être très enthousiaste face aux risques en cause.

M. Ré: Tout se tient. Lorsqu'on parle des critères relatifs au capital de risque, on parle toujours de gestion. Il est évident que dans bon nombre des compagnies que nous développons à l'heure actuelle, il est serait bon de pouvoir attirer des étrangers sur une base plus régulière. C'est impossible pour le moment. Ce n'est pas uniquement en raison des impôts, mais cette question fait bien sûr partie du problème.

J'aimerais parler des gains en capital et des diverses façons de réduire les impôts à des fins bien précises. Parlons des fonds de lancement par exemple. Nous savons tous qu'ils présentent des risques élevés. Serait-il possible de prévoir des déductions fiscales pour les gens ou les sociétés qui sont prêts à investir dans ce genre d'activités? Les impôts peuvent être un outil utile en matière de développement. Ce fut le cas par exemple du Fonds d'investissement des travailleurs.

Le sénateur Kroft: Dans le contexte de la discussion fiscale soulevée par le sénateur Meighen, je crois que vous vouliez souligner tout particulièrement la difficulté d'attirer des gens au Canada pour effectuer ce travail. Que savez-vous des difficultés du Canada à ce chapitre ou même de son incapacité à garder ses experts, puisque les Canadiens quittent de plus en plus le pays dans la foulée de ce qu'on a appelé «l'exode des cerveaux»? Ces personnes ne partent pas uniquement avec leurs connaissances, ils emmènent également leurs projets avec eux. Sont-ils forcés de se tourner vers les États-Unis uniquement pour leur rétribution personnelle ou le font-ils également pour financer leurs recherches ou leurs projets?

M. Ré: Si nous ne sommes pas en mesure de garder nos propres experts ici en raison de ce que les États-Unis ont à offrir, on peut certainement se demander comment on peut penser attirer des étrangers pour nous aider à gérer nos sociétés? Je vais vous donner un exemple. À l'heure actuelle, pour attirer un vice-président au marketing, la plupart des petites compagnies oeuvrant dans le domaine de la technologie devraient presque lui accorder un poste de PDG tout simplement parce qu'il est très difficile pour elles de recruter ce genre de compétences. Compte tenu de la valeur de notre dollar et des impôts qui sont prélevés, il est presque impossible d'attirer des ressources étrangères au pays.

La dernière partie de votre question avait trait au rôle que la BDC peut jouer. Il faut avoir beaucoup de capital pour pouvoir investir parce qu'on ne peut investir de l'argent emprunté. Dans ce genre d'activités, la banque a toujours eu tendance à miser son argent. Toutes nos opérations sont effectuées par syndicats financiers, à moins qu'il nous soit impossible de trouver des investisseurs pour investir avec nous parce qu'ils considèrent que les risques sont trop élevés. Nous insistons toutefois pour qu'on ait recours à la syndicalisation.

Le rôle de la banque au chapitre du capital de risque pourrait être étendu. Il n'y a pas beaucoup d'investisseurs qui opèrent au niveau national. L'expérience que nous avons réunie et le réseau que nous avons mis sur pied au fil des ans nous ont beaucoup aidé. Si nous avons les fonds nécessaires, nous pouvons faire un bon travail. Nous nous occupons officiellement de cette entreprise depuis 1983, et nous avions participé à un projet pilote un peu avant cela. Au cours des années, nous avons vu des joueurs s'ajouter pendant les beaux jours et nous en avons vu d'autres disparaître. Quand à nous, nous avons toujours été là, beau temps mauvais temps. Il s'agit d'avoir des fonds. Nous avons les ressources nécessaires pour faire le travail et nous l'avons prouvé par le passé en générant des profits.

Le sénateur Meighen: M. Ré, quel est votre rôle principal? Êtes-vous un participant à long terme ou plutôt un agent de stimulation? Êtes-vous en concurrence avec d'autres organismes de capital de risque ou servez-vous plutôt de promoteur de l'industrie en général?

M. Ré: Au chapitre des investissements, depuis 1983, nous avons eu affaire à l'échelle nationale à des entreprises établies depuis longtemps et basées sur la connaissance. Pour vous donner un exemple, à l'heure actuelle, environ 60 p. 100 des fonds disponibles sont investis dans le domaine de la technologie. Nous avons adopté cette orientation il y a environ 15 ans. Notre portefeuille est orienté vers la technologie dans une proportion de 95 p. 100.

J'ai parlé des fonds de lancement dans mon exposé. Ce genre de fonds n'existait pas en tant que tel au Canada. C'est plus ou moins nous qui avons lancé ce marché. En adoptant les quasi fonds propres, nous avons plus ou moins mis sur pied un marché de près d'un million de dollars.

Nous étudions régulièrement les besoins des compagnies et nous tentons d'y répondre. Nous travaillons avec nos partenaires parce que même si ce n'est pas là à vraiment parler une politique, j'insiste beaucoup sur cet aspect. Nous sommes devenus au cours des ans un important pourvoyeur de fonds et nous avons pu innover au besoin. Nous pouvons poursuivre dans cette voie. Nous avons pu identifier deux autres rachats d'entreprises par des cadres ou des gestionnaires externes. Nous sommes d'avis que d'ici cinq à dix ans, les besoins à ce chapitre seront énormes si nous ne voulons pas que nos entreprises passent sous contrôle étranger. Nous avons également identifié des exportateurs parce que nous mettons sur pied des entreprises de classe internationale. Nous devons leur offrir notre appui quand elles se rendent à l'étranger parce que nous voyons de plus en plus de compagnies qui ont davantage d'employés à l'étranger qu'au Canada. Toutefois, toute la propriété intellectuelle se trouve ici, tous les cerveaux sont ici. Ce sont des points qui seront importants à l'avenir. La BDC peut certainement jouer un rôle important à ce sujet.

Mme Mary Grover-LeBlanc, directrice des relations avec le gouvernement, Banque de développement du Canada, Ottawa: J'aimerais parler aussi de certains autres intervenants dans l'industrie du capital de risque. La banque a servi de catalyseur au fils des ans. Pour chaque dollar que nous investissons, nous en attirons trois de plus. Nous ne nous lancerions pas seuls dans une opération de capital de risque. Nous sommes toujours heureux de collaborer avec d'autres. La banque a joué un important rôle de catalyseur et elle a été considérée comme un important investisseur au fil des ans.

Le sénateur Meighen: Votre mandat prévoit-il que vous deviez faire vos frais ou non? Quelle est la tendance à ce sujet?

M. Ré: On nous demande de couvrir les frais pour ce qui est des fonds gouvernementaux. Depuis 1983, notre rendement a été d'environ 7,1 p. 100. Une bonne partie de ces fonds, particulièrement aux États-Unis, ont une durée de vie limitée, ce qui signifie qu'ils ne rapportent pas beaucoup d'argent. Ils ne sont pas reconductibles. Lorsqu'ils ont besoin d'argent, ils y font appel et à la fin de la période, ils s'en départissent. Dix ans plus tard, si c'est là la durée de vie estimée, ils calculent le rendement obtenu.

Dans notre cas, nous jouissons d'une tacite reconduction et pendant un certain temps, nous avons fait plusieurs opérations qui ne nous ont pas donné le rendement que nous avions escompté. Dans ces cas seulement, le rendement a été supérieur à 12 p. 100.

Le sénateur Callbeck: J'aimerais revenir à la question du capital de lancement quelques instants. Cela ne s'applique qu'aux entreprises spécialisées dans la technologie. Avez-vous d'autres fonds de lancement spéciaux?

M. Ré: De façon générale, sur le marché, les fonds de lancement sont plutôt spécialisés. Il existe des fonds de lancement pour la biotechnologie, pour les logiciels ou pour la technologie de l'information. C'est ce qui est arrivé aux États-Unis parce que la masse critique est très importante. Au Canada, les fonds de lancement que nous avons mis de l'avant visent uniquement la technologie. Nous n'avons pas de fonds de lancement pour les entreprises traditionnelles.

Le sénateur Callbeck: Vous avez souligné qu'il existe un fonds de lancement de 25 millions de dollars pour l'Ontario et le Canada atlantique. Comment cela fonctionne-t-il dans les provinces de l'Atlantique? Je crois qu'on l'a mis sur pied il y a trois ans. A-t-il remporté un certain succès?

M. Ré: Le dernier fonds de lancement qui a été créé est le Eastern Technology Seed Investment Fund à Toronto. Il est sur pied depuis 18 mois, mais je dirais qu'il n'est vraiment opérationnel que depuis un an. À l'heure actuelle, quatre transactions sur dix ont lieu dans les provinces de l'Atlantique. Pour vous dire franchement, au début, nous n'aurions jamais pensé que près de la moitié des transactions effectuées viendraient des provinces de l'Atlantique. Une fois l'argent disponible, on peut obtenir des services scientifiques de qualité n'importe où. Le Eastern Technology Seed Investment Fund mène de bonnes activités dans les provinces de l'Atlantique.

Le sénateur Callbeck: Ces quatre transactions représentent combien d'argent environ?

M. Ré: Je dirais qu'elles représentent près de 250 000 $ environ pour le Fonds de lancement. Dans certains cas, nous avons des partenaires.

Le sénateur Callbeck: Je feuilletais le document de la Banque de développement du Canada intitulé Retombées économiques: Un sondage. Vous soulignez à la dernière page qu'il y a 590 compagnies réparties au Canada. Vingt d'entre elles se trouvent dans le Canada Atlantique. Cela représente 3 p. 100 de toutes les compagnies. Savez-vous quel pourcentage de l'investissement total est effectué dans le Canada atlantique?

M. Ré: Je n'ai pas la réponse en main, mais je peux certainement vous le faire savoir plus tard. Je dirais que cette somme est légèrement inférieure à la moyenne parce que je crois que les compagnies situées dans cette partie du pays sont un peu plus récentes que celles d'ailleurs au pays. Monsieur le président, je vous transmettrai cette information un peu plus tard.

Le sénateur Callbeck: À la page 7 de votre mémoire, vous parlez d'entreprises si prospères que leurs propriétaires pourraient vouloir les vendre. Vous poursuivez en disant qu'au Canada, le financement des rachats d'entreprises par les cadres et les gestionnaires externes n'est pas aussi développée qu'aux États-Unis et au R.-U. Pouvez-vous me donner quelques exemples ou m'expliquer un peu ce que vous entendez par là?

M. Ré: Aux États-Unis, le marché du rachat constitue une entreprise en soi. Il existe une association de compagnies qui le font sur une base spécialisée. Certains fonds sont entièrement voués aux rachats d'entreprises par des cadres et des gestionnaires externes. La même situation existe au R.-U. Ils se concentrent tout particulièrement sur ces rachats. Toutefois, au Canada, ce secteur n'existe pas encore.

C'est un peu la même chose qui s'est passée lorsque nous avons entrepris nos activités au chapitre des créances de rang inférieur. Nous sentions qu'il y avait un marché, mais nous étions incapables de l'évaluer. En ce qui a trait à ce genre de rachats, nous savons qu'il y a un marché qui ne manquera pas de grandir, mais à l'heure actuelle, il n'y a personne qui se concentre sur ce point en particulier. La situation est un peu la même que dans le cas des fonds de lancement, c'est-à-dire qu'on réagit aux projets qui sont déposés plutôt que de jouer un rôle proactif.

Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, il s'agit d'un secteur actif. Au Canada, nous n'avons pas de fonds prévus spécialement pour ces rachats.

Le sénateur Kelleher: Nous avons reçu mardi des représentants de l'Association canadienne du capital de risque. Ils nous ont affirmé que le pourcentage de la valeur nette servant à alimenter le fonds variait de 5 à 50 p. 100, pour une moyenne se situant aux alentours de 30. Je sais que c'est difficile à croire pour le pauvre gars qui a mis sur pied un logiciel bien complexe. Puisque le Québec semble s'occuper de cette question depuis plus longtemps que les autres provinces et qu'il a probablement un peu plus de connaissances dans le domaine, quelle partie de la valeur nette les fournisseurs du Québec demandent-ils pour ces fonds?

M. Ré: Il n'y a pas vraiment de différence à ce niveau. Les négociations se font au même niveau. Il arrive souvent qu'une société de capital de risque de l'Ontario vienne investir au Québec. Nous devons pouvoir nous appuyer sur une convention unanime des actionnaires. Ce qui est convenable pour le Canada l'est également pour le Québec. Nous sommes tous dans le même bateau.

Le sénateur Kelleher: Lorsque je ne porte pas mon chapeau de sénateur, je travaille dans un très grand cabinet d'avocats. Nous sommes probablement le plus grand cabinet de spécialistes de la propriété intellectuelle. Nous sommes présents d'un bout à l'autre du pays. Compte tenu de nos antécédents, nous attirons bon nombre de personnes qui cherchent à obtenir des fonds. Nous nous sommes rendu compte que d'un bout à l'autre du pays, lorsque des gens viennent nous rencontrer, ils peuvent être de grands spécialistes en ce qui touche un projet de biotechnologie ou un logiciel en particulier, mais dans le domaine des affaires, le mieux que l'on puisse dire c'est qu'ils n'y comprennent pas grand-chose. Ils ne savent pas ce qu'est un plan d'affaires et ils sont franchement consternés lorsqu'on leur dit combien de capitaux propres ils devront s'en départir dans bien des cas pour obtenir ces fonds.

Les cabinets d'avocats et les avocats eux-mêmes ne sont pas de grands professeurs et nous-mêmes, nous ne nous occupons pas d'enseignement ou de formation. Il nous semble, à notre cabinet, que ces gens devraient pouvoir obtenir une certaine formation dans le domaine. Je ne suis pas tout à fait convaincu que le problème concerne un de manque de fonds. Je pense plutôt qu'une bonne partie du problème a trait à l'alimentation de ces fonds et aux connaissances connexes. Il ne sert à rien de dire que nous tiendrons un séminaire à ce sujet dans trois mois et qu'ils pourront y assister. Ils ont besoin de cet argent maintenant pour pouvoir poursuivre leurs travaux.

Y a-t-il des organismes, un service gouvernemental ou un service de votre banque qui offrent des séminaires d'une demi-journée sur ces sujets? Y a-t-il des brochures d'information? Voilà le problème. Ils ne savent pas du tout vers où se tourner pour obtenir des renseignements. En fait, je suis désolé de devoir l'admettre, mais nous ne le savons pas non plus.

M. Ré: Il existe bon nombre de sources d'information. À la banque, il existe un groupe de consultation et il y a des gens qui peuvent faire un peu d'encadrement et enseigner les rudiments de la question. L'Association canadienne du capital de risque et le Réseau Capital organisent de nombreuses activités dans le but de transmettre des renseignements sur le fonctionnement des marchés financiers. À la BDC, nous avons considéré que la meilleure façon de le faire était d'engager des spécialistes, des scientifiques. Les deux-tiers de nos directeurs des investissements ont une expérience technique dans le domaine des sciences de la vie ou de la technologie de l'information. Au moins nous parlons le même langage. Le reste de nos membres ont une expérience dans le domaine des finances et des affaires.

Au cours des négociations, les gens sont souvent étonnés parce que le fait d'avoir un visiteur étranger dans une compagnie change tout. Déjà les chiffres correspondant aux pourcentages pourraient être étonnants, mais ils le sont encore davantage lorsqu'on divise les rôles en deux parties, d'un côté actionnaires et de l'autre employés. Il faut en arriver à conclure une convention d'actionnaires et les considérations d'affaires doivent obligatoirement être prises en compte.

C'est évidemment une préoccupation, mais bon nombre d'investisseurs en capital de risque savent que le partenariat avec ces gens sera de longue durée et ils essaient de rendre les choses les plus claires possibles. Cela pourrait être un choc, mais ils essaient de mettre les cartes sur table aussi clairement que possible pour voir s'il pourrait y avoir des possibilités d'affaires. Perdons-nous des chances en raison d'un manque d'information? Très franchement, je n'en sais rien. On pourrait parler de ce sujet pendant longtemps, mais cela ne nous vient pas à l'esprit tant que nous ne sommes pas confrontés à la situation. Là encore, l'explication qui est fournie aux experts scientifiques importe grandement. C'est une chose de posséder un brevet au complet. Ça en est une autre de posséder ne serait-ce que 5 p. 100 d'une compagnie qui vaut 200 millions de dollars.

Le sénateur Austin: Pour ce qui est de votre dernier point, je dois dire que j'ai moi aussi déjà participé à des investissements de capital de risque et de mises de fonds par des «anges». La reconnaissance du moi, l'amour propre, la réputation et le patronage de la technologie sont plus importants que l'argent. Pour certaines personnes, il est très difficile d'accepter un partenaire ou des responsabilités parce qu'ils ont l'impression d'abandonner un peu de leur identité. C'est un problème culturel. Je suis persuadé que vous devez évaluer ce point lorsque vous traitez avec les gens.

J'aimerais soulever deux points bien précis en ce qui touche la stratégie de sortie. Quand il s'est présenté devant nous, M. Begg nous a dit que l'émission initiale d'actions ne constituait pas une partie importante de la stratégie de désinvestissement et qu'ils préféraient risquer l'investissement et passer ensuite à des prises de contrôle ou à de nouveaux consortiums privés. Êtes-vous également d'avis que l'émission initiale d'actions ne constitue pas une importante partie de la stratégie de désinvestissement de capital de risque?

M. Ré: Je n'ai pas de chiffres précis en main, mais je dirais qu'il n'y a pas plus d'une entreprise sur cinq qui deviendra une société anonyme détenue par le grand public.

Le sénateur Austin: M. Begg a avancé les mêmes chiffres.

M. Ré: Une étude menée il y a quelques années aux États-Unis a démontré que cela se produisait dans 18 p. 100 des cas. Il semble donc que le pourcentage varie de 18 à 22 p. 100.

Nous tentons toujours de transformer l'entreprise en une société anonyme puisque cela permet en général d'obtenir un meilleur rendement. Nous achetons une société dont les activités sont indifférenciées, puis nous essayons d'accroître le volume des ventes, la différentiation et la propriété intellectuelle. Nous prenons une société dont le chiffre d'affaires est de 200 à 500 000 $ et nous tentons de le faire passer à 45 ou 50 millions. Lorsqu'on inscrit la société à la bourse, cela signifie que les gens qui seront prêts à investir dans la société s'attendront à des chiffres d'affaires de 500 millions de dollars. C'est tout un défi. Tout au cours du processus, on se rend vite compte que tout cela peut être très difficile et que l'on pourrait commettre de graves erreurs.

L'émission initiale d'actions constitue l'objectif ultime, mais dans la réalité, il y a bon nombre d'autres moyens pour nous de désinvestir.

Le sénateur Austin: M. Begg nous a dit que sur dix entreprises risquées, deux échouent, six font leur argent et deux remportent du succès sur le marché. Êtes-vous d'accord avec ces chiffres?

M. Ré: Oui.

Le sénateur Austin: Pour en revenir à l'émission initiale d'actions, est-il possible pour vous de mettre vos investissements en commun dans un des fonds propres? Je ne parle pas des deux projets qui échoueront, mais peut-être d'un ensemble qui réunirait les six survivants et les deux qui accéderont au marché public pour pouvoir répartir le risque? Pouvez-vous offrir au marché un ensemble de projets de capital de risque à titre d'émission initiale d'actions représentant une moyenne des meilleurs dossiers de votre portefeuille? Je sais que cela a déjà été fait au moins une fois. Une société connue sous le nom de Quorum a conclu que le marché ne lui offrait pas le rendement auquel elle croyait avoir droit. Elle a donc décidé de devenir une société fermée.

Est-ce trop difficile de demander au public d'accepter une partie du risque associé à la mise sur pied d'une entreprise en permettant un regroupement? N'y a-t-il pas de marché? Peut-on développer un marché? Je crois qu'il y a deux principales raisons qui ont principalement trait à des questions de politique publique. La première doit permettre d'obtenir des gains sur les marchés financiers. La seconde doit permettre d'établir avec les investisseurs une culture qui facilite l'adoption de ce genre d'entreprises. Pensons par exemple aux obligations à risques élevés ou à tout autre chose que personne ne serait prêt à acheter avant que l'on crée une culture qui faciliterait la reconnaissance de ces projets. Est-ce possible de penser à quelque chose de ce genre?

M. Ré: Suggérez-vous que nous réunissions un portefeuille limité qui pourrait être offert au public?

Le sénateur Austin: Au lieu de présenter une société sur le marché public, je propose de regrouper le capital engagé -- dans les dossiers qui à votre avis ont fait des progrès satisfaisants -- et de consolider tout cela. Cela pourrait prendre dix ans avant de donner des résultats. On pourrait avoir des sociétés de cinq ans ou de six ans, presque comme une bonne bouteille de scotch, coupé et mis en marché.

Le président: Le sénateur Austin propose essentiellement un fonds commun de placement spéculatif. On présenterait un portefeuille d'investissements et les investisseurs achèteraient alors des parts du portefeuille et non des sociétés individuelles.

Le sénateur Austin: C'est exact. C'est ce que Quorum a tenté de faire.

M. Ré: Tout est possible. Compte tenu de l'apparition au cours des dernières années de divers outils financiers comme les options et les bons de souscription, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait le faire. Toutefois, cela signifierait que l'on reconnaît que les marchés boursiers ne sont pas aussi rentables que nous le voudrions.

Le sénateur Austin: C'est le point final. Nous voyons maintenant les marchés boursiers s'orienter vers un nouveau type d'organisation, une nouveauté. Si on peut parler d'un marché de capital de risque connu sous le nom de marché Alberta-Vancouver-Winnipeg, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait mettre sur pied un marché Montréal-Toronto-Halifax, compte tenu de ce que les progrès électroniques nous permettent de faire.

S'il y a consensus à ce sujet, j'aimerais que le comité recommande que l'on reconnaisse au moment de l'organisation de ces marchés que le produit dont nous avons parlé est un produit légitime. Réseau Capital serait le commanditaire, le promoteur de cet ensemble. Il y aurait un risque, mais au moins, nous connaissons les compétences des gens qui présenteraient cet ensemble sur le marché. Il s'agit davantage d'une observation que d'une question, je suppose.

M. Ré: Monsieur le président, nous nous sommes penchés sur un modèle de Réseau Capital, mais nous l'avons étudié davantage pour nos propres membres, pour voir s'il ne nous serait pas possible d'accroître nos possibilités de désinvestissement au sein de notre société et de créer un marché plus restreint ou un genre de mini-bourse des valeurs sur une base quasi privée. Bien sûr, il ne faut pas oublier que les membres de Réseau Capital travaillent de façon bénévole, et il est difficile d'établir cela. Ce qui est certain toutefois, c'est qu'il est important pour les investisseurs en capital de risque que nous examinions attentivement les divers outils possibles pour mettre un terme à notre participation. Si nous pouvons accroître les fonds pour l'expansion des entreprises, ce serait certainement un avantage.

Le sénateur Austin: Si c'est possible, cela a l'avantage d'étaler le risque pour l'investisseur. Au lieu de s'engager face à une seule société qui peut échouer, l'investisseur obtient un ensemble de projets qui s'équilibrent et cela permet de créer une culture de capital de risque au pays. Les investisseurs en viennent à considérer qu'ils devraient investir 5 p. 100 de leur portefeuille dans ce domaine et risquer d'obtenir un succès à la Ballard ou à la Ventures West.

Le sénateur Meighen: Cette participation de 5 p. 100 nous a été fortement recommandée à Vancouver dans le cas du Régime de pensions du Canada. Ne parlez-vous pas d'un fonds d'investissement des travailleurs?

Le sénateur Austin: Je décris leur comportement, mais j'essaie également de passer aux marchés financiers. À l'heure actuelle, la plupart de ces produits ont toujours relativement peu d'actionnaires.

Le président: Monsieur Ré, d'après vos données, il semble que la BDC a joué un important rôle de catalyseur au Québec. Dans cette optique, y a-t-il des changements qui pourraient être apportés à son mandat, aux fonds qui lui sont disponibles ou encore à sa structure organisationnelle, notamment en vue d'en accroître la représentation régionale, changements qui lui permettraient de jouer le même rôle de catalyseur à l'extérieur du Québec? Je sais bien que d'un point de vue juridique, vous devez jouer le même rôle ailleurs, mais les données indiquent clairement une préférence régionale. Je ne m'y oppose pas. Toutefois, j'aimerais que vous me disiez quels changements on pourrait apporter à la BDC pour lui permettre de jouer le même rôle ailleurs.

Vous connaissez bien les facteurs qui incitent les gens à réagir dans ce domaine. Certaines des questions posées et certains de vos commentaires touchaient le rôle que peut jouer la politique fiscale pour inciter les gens à réagir autrement. Quels changements non reliés à la BDC -- celle-ci étant un cas à part -- pourraient être apportés à la politique fiscale pour inciter davantage d'entreprises privées à investir dans ce genre de projets? Par exemple, avons-nous une structure différente d'imposition du revenu du capital? Encourage-t-on les investisseurs en leur permettant de garder une bonne partie de l'argent, exigeant d'eux beaucoup moins d'impôts s'ils décident d'investir dans certains genres d'industries basées par exemple sur la biotechnologie ou les connaissances, ou de maintenir leur investissement pendant plus longtemps, et ainsi de suite?

Nous aimerions que cette étude propose non pas que les gouvernements fédéral et provinciaux commencent à investir dans le capital-actions, mais plutôt qu'ils modifient la structure des mesures d'incitation en vue de favoriser les particuliers et les entreprises du secteur privé à accroître leurs activités dans ce domaine. Que pouvons-nous offrir aux investisseurs pour modifier leurs comportements?

Si vous pouviez réfléchir à ces deux points et nous donner votre opinion là-dessus plus tard, nous vous en serions reconnaissants.

M. Ré: Nous le ferons.

Le président: Sénateurs, il n'est pas nécessaire de nous rencontrer à huis clos pour discuter de la lettre au sous-ministre.

Le sénateur Austin: Si je comprends bien, le test de la valeur intrinsèque permettrait d'établir la différence entre ceux qui investissent au-dessus et au-dessous du seuil établi. À quel moment se fait l'évaluation? Est-ce au moment où l'on effectue l'investissement?

Le président: C'est plutôt au moment où l'action est entreprise, ce qui renvoie à une longue discussion que le sénateur Meighen et moi avons eue avec des représentants du gouvernement et de l'ICCA.

Le sénateur Austin: Tout cela me laisse perplexe.

Le président: Je suis désolé. La question du jour de l'évaluation est la seule qui n'a toujours pas été réglée.

Comme vous le savez, nous avons effectué cette étude. Le gouvernement a fondamentalement adopté notre proposition dans son entier. Bien qu'elle ne jouisse pas d'un appui universel au sein de la bureaucratique, le gouvernement l'a acceptée. Le ministère de la Justice a soulevé certaines questions de droit en rapport avec la façon dont nous avions tout d'abord proposé de fixer la délimitation.

La proposition dans la lettre satisfait le ministère de la Justice, et l'ICCA comme le ministère de l'Industrie sont prêts à l'accepter. Le sénateur Meighen et moi-même avons assisté à toute une série de rencontres avec des représentants du gouvernement et de l'ICCA. La proposition satisfait au magnifique critère canadien de l'équilibre du mécontentement en ce sens qu'elle répond à environ 80 p. 100 des attentes de chacun et qu'elle ne satisfait pas aux 20 p. 100 qui restent et qui diffèrent selon les cas. On semble croire de façon générale que c'est là un équilibre raisonnable. J'aimerais que le comité m'autorise à signer cette lettre en son nom et à l'envoyer au ministre.

Le sénateur Austin: Je n'ai aucune objection à signer cette lettre, bien que je ne saisisse pas bien le critère objectif que vous recherchez pour établir une distinction entre les catégories.

Le président: Le critère objectif sera un plafond de 20 000 $. La discussion en cours a trait à la date exacte. Ce critère repose-t-il sur les coûts ou sur les mécanismes du marché? S'il est basé sur le marché, quelle sera la date? Les avocats poursuivent des discussions d'ordre technique à ce sujet.

Le sénateur Austin: Le critère basé sur les coûts est facile à déterminer et est objectif.

Le président: C'est exactement pourquoi nous le privilégions. Un certain nombre de représentants du ministère préféreraient un critère basé sur le marché, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la question n'a pas encore été réglée.

Le sénateur Austin. Si j'avais investi 500 000 $ dans une société et que cet investissement valait 5 000 $ aujourd'hui, serai-je couvert?

Le président: Le sénateur Meighen et moi-même avons assisté à un certain nombre de rencontres sur la question et nous sommes tout à fait d'accord avec vous. C'est là raison pour laquelle on discute toujours.

La séance est levée.


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