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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 49 - Témoignages du 20 avril 1999


OTTAWA, le mardi 20 avril 1999

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 9 h 30 pour examiner la situation actuelle du régime financier du Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, nous tenons ici ce matin notre réunion semestrielle avec le gouverneur de la Banque du Canada pour parler de diverses questions concernant l'économie du Canada. Certains d'entre vous veulent peut-être poser au gouverneur des questions concernant l'étude que nous réalisons aussi actuellement, qui porte notamment sur les avantages et les inconvénients, le pour et le contre, d'une monnaie nord-américaine commune.

Comme d'habitude, le gouverneur rencontre notre comité dans les semaines qui suivent la présentation du budget pour parler de la politique macro-économique du pays dans son ensemble, et nous avons commencé l'année dernière à avoir également une réunion avec lui en automne.

Bienvenue, gouverneur, et merci beaucoup de venir nous rencontrer.

Sénateurs, outre M. Thiessen, nous accueillons aujourd'hui M. Paul Jenkins, sous-gouverneur de la Banque du Canada.

Veuillez commencer, s'il vous plaît, monsieur Thiessen.

M. Gordon Thiessen, gouverneur, Banque du Canada: Monsieur le président, c'est avec plaisir que nous nous présentons aujourd'hui devant votre comité pour faire le point sur la situation économique et la politique monétaire, ainsi que pour vous entretenir d'autres questions concernant la politique économique. Comme la Banque du Canada a déposé récemment son rapport annuel devant le Parlement, je serai également heureux de répondre à vos questions sur la façon dont elle mène ses opérations.

Lors de notre dernière rencontre, en novembre, une grande incertitude planait sur l'évolution des marchés financiers internationaux et de l'économie mondiale, mais elle semblait toutefois se dissiper lentement. Je vous ai alors indiqué que la croissance de l'économie canadienne en 1999 dépendrait de la persistance de cette incertitude et de la rapidité avec laquelle les marchés financiers intérieurs se stabiliseraient. C'était particulièrement important, car l'intensification de l'agitation financière de l'automne dernier avait ébranlé la confiance des ménages et des entreprises dans le pays.

Je vous ai également fait remarquer que le Canada était en meilleure posture que par le passé pour faire face à la crise internationale, du fait des progrès que nous avions accomplis en restructurant notre secteur privé pour le rendre plus compétitif, en mettant de l'ordre dans nos finances publiques et en maintenant l'inflation à un niveau bas et stable.

Depuis novembre, les perspectives se sont améliorées, même si l'incertitude persiste dans certains secteurs. Les réductions de taux d'intérêt opérées aux États-Unis à l'automne, puis dans d'autres pays industriels, ont contribué à apaiser les marchés financiers internationaux et à soutenir l'activité économique. Les plus récentes diminutions ont eu lieu au début d'avril, lorsque la Banque centrale européenne et la Banque d'Angleterre ont abaissé leur taux directeur respectivement de 50 et de 25 points de base. Ces dernières mesures, qui devraient contribuer à maintenir la confiance et à alimenter les dépenses intérieures partout en Europe, sont toutefois aussi de bon augure pour l'économie mondiale en général.

De plus, le prix des produits de base s'est raffermi au premier trimestre de cette année.

[Français]

Le facteur externe positif le plus important pour le Canada était peut-être la tenue remarquable de l'économie américaine. À la fin de 1998, celle-ci était beaucoup plus robuste qu'attendu. Par conséquent, le dynamisme affiché par l'activité économique aux États-Unis au début de 1999 va au-delà des estimations de la plupart des prévisionnistes.

L'économie canadienne a aussi repris de la vigueur au cours des trois derniers mois de 1998. Même si ce regain était dû en partie à la fin des arrêts de travail du troisième trimestre, le principal moteur de la relance aura été le bond enregistré par les exportations. De plus, la progression de l'emploi a été particulièrement forte durant les derniers mois de 1998.

Grâce à ces facteurs, à une plus grande stabilité financière et à l'amélioration de la confiance des consommateurs, il semble bien que l'économie canadienne ait continué à croître à un bon rythme durant la première partie de 1999.

L'inflation au Canada a fluctué aux alentours de la limite inférieure de la fourchette de 1 à 3 p. 100 visée par la banque. Ce faible taux d'inflation et la stabilité accrue des marchés financiers ont incité la banque à réduire les taux d'intérêt à quatre reprises entre septembre et mars.

Ces réductions ont annulé complètement la hausse de un point de pourcentage du taux d'escompte en août dernier. La banque avait effectué cette hausse pour soutenir la confiance des investisseurs à la suite d'une accentuation de la volatilité sur la scène financière internationale.

Pour ce qui est de l'avenir, la vigueur continue de l'économie américaine et le bas niveau du dollar canadien devraient continuer à stimuler la croissance de nos exportations. Le retour de la stabilité sur les marchés financiers et les conditions monétaires expansionnistes devraient favoriser une augmentation de la dépense des ménages et des entreprises au Canada.

Néanmoins, la stagnation de l'économie japonaise et l'incertitude qui persiste en Amérique latine, alimentées par les difficultés financières qu'affronte le Brésil, ont pour effet de freiner l'activité économique mondiale et la reprise sur les marchés des produits de base qui sont si importants au Canada.

Tout compte fait, même s'il reste de l'incertitude, les perspectives économiques au Canada et dans le reste du monde sont meilleures qu'en novembre dernier.

[Traduction]

Tout compte fait, les perspectives sont désormais meilleures.

Enfin, monsieur le président, je sais que le succès du lancement récent de l'euro -- la monnaie commune des 11 pays membres de l'Union économique et monétaire européenne -- a amené votre comité à examiner les différents régimes de change. Nous serons heureux, mon collègue et moi-même, de répondre à vos questions sur ce sujet, mais il serait bon que je vous rappelle d'abord brièvement le point de vue que j'ai déjà exposé publiquement à ce sujet.

Mais je dois dire que l'introduction sans heurts de l'euro représente sans nul doute un remarquable accomplissement, tant du point de vue politique, qu'administratif et technique. L'euro ne constitue toutefois pas, à mon avis, un modèle pour une union monétaire nord-américaine. On ne retrouve pas ici les puissantes forces politiques qui soutiennent depuis plus de 50 ans l'idée d'une plus grande intégration en Europe.

La zone euro se compose de trois grands États et de huit autres pays de petite et moyenne taille, ce qui ne serait pas le cas d'une union monétaire nord-américaine, dans le cadre de laquelle le Canada devrait certainement adopter la devise américaine. Par ailleurs, le régime de taux de change flottants en vigueur au Canada aide de façon importante notre pays à s'ajuster aux chocs économiques qui le touchent différemment des États-Unis. Les plus fortes perturbations de ce type ont été les fluctuations des cours des produits de base.

À cause de leur recul marqué durant les deux dernières années, le Canada se retrouve, dans l'ensemble, relativement moins prospère qu'il ne l'était auparavant. C'est une réalité à laquelle nous devons faire face et nous ajuster, quel que soit le régime de change en place. Si le cours du dollar canadien peut varier pour tenir compte de cette réalité, le processus d'ajustement n'en sera que plus facile et plus rapide. Dans le cas contraire, l'ajustement devrait s'opérer principalement par un abaissement des salaires et des prix, ce qui aurait des conséquences fâcheuses pour la production et l'emploi.

Nous avons tendance au Canada à penser que les mouvements du dollar canadien sont la cause de nos problèmes économiques, alors qu'ils en sont la conséquence. J'estime que le régime de taux de change flottants en place au Canada nous est très utile.

M. Jenkins et moi-même répondrons avec plaisir à vos questions.

Le président: Comme d'habitude, mes collègues seront nombreux à vouloir vous poser des questions.

Le sénateur Kelleher: Je voudrais souhaiter la bienvenue une fois de plus à notre témoin favori.

Ces derniers mois, nous avons entendu des informations contradictoires concernant le fait que le Canada aurait ou non des difficultés en matière de productivité. Le ministre de l'Industrie dit, par exemple, que nous devons maintenant améliorer notre compétitivité qui se dégrade depuis 25 ans, alors que le premier ministre semble minimiser le problème. Nous avons entendu des rumeurs selon lesquelles le prochain budget mettrait l'accent sur la productivité, mais, aux dernières nouvelles, il sera principalement axé sur les enfants.

Nous avons maintenant appris l'existence d'un rapport récemment remis aux sous-ministres intitulé «Croissance, développement humain et cohésion sociale». D'après un article publié le 19 avril dans le National Post, ce rapport sert à préparer le programme du gouvernement pour la deuxième moitié de son mandat. Il indique que nous sommes en retard par rapport aux États-Unis et à nos autres principaux partenaires commerciaux et que l'écart s'accroît. Il établit un lien entre la mauvaise croissance de la productivité du Canada et différents problèmes sociaux qui, si on ne lutte pas contre eux, pourraient contribuer à une détérioration croissante de l'économie.

Le gouverneur est-il d'accord avec ceux qui pensent que le Canada a un grave problème en ce qui concerne la productivité ou avec ceux qui pensent que ce problème n'est pas si grave?

M. Thiessen: Vous me faites craindre de m'aventurer dans des eaux politiques que je préférerais éviter.

Le sénateur Kelleher: Loin de moi l'idée d'essayer d'attirer le gouverneur de la Banque dans ces eaux agitées. Ce n'est pas ma nature!

M. Thiessen: Il ne fait aucun doute que la croissance de la productivité a fortement diminué depuis le début des années 70. C'est vrai non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis. Nous ne savons pas exactement pourquoi. Nous ne savons pas exactement si nous devrions chercher à déterminer pourquoi la croissance de la productivité est très faible depuis le début des années 70 ou si la période comprise entre la Deuxième Guerre mondiale et le début des années 70 a été tout à fait exceptionnelle et si la croissance rapide de la productivité que nous avons connue à ce moment-là était en quelque sorte spéciale et impossible à maintenir. Nous n'en savons rien.

Comme vous l'avez signalé, les statistiques récentes concernant la productivité donnent à penser que la différence qui, d'après les études antérieures, semblait exister entre les taux de croissance du Canada et des États-Unis au cours des 20 à 25 dernières années ne semble réellement plus exister. Ces taux de croissance sont apparemment, en gros, comparables. Je parle des taux de croissance, pas des niveaux de productivité. On confond souvent ces deux notions. Il est tout à fait clair que le niveau absolu de productivité aux États-Unis continue d'être nettement plus élevé qu'au Canada. Ces calculs sont difficiles à faire. Vous devez comprendre qu'ils révèlent une certaine marge de probabilité relativement à toute estimation de la productivité.

Il y a une différence constante pour ce qui est du niveau de productivité. Pourquoi n'avons-nous pas en partie réduit cet écart? Nous le faisions pendant les années 60, quand la productivité augmentait légèrement plus vite au Canada qu'aux États-Unis. Toutefois, nous n'avons guère comblé cet écart depuis lors. Pourquoi? On aurait pu s'attendre à ce que nous le fassions. Je pense qu'il y a encore des énigmes à cet égard.

À mon avis, il n'est pas justifié d'avancer, comme vous l'avez entendu dire, que nous sommes dans une phase de dégradation à la suite de laquelle nous nous retrouverons très fortement appauvris. Cela dit, la productivité est importante. C'est elle qui permet à un pays d'augmenter très lentement son niveau de vie.

Je n'ai peut-être pas répondu à votre question, mais, à ma connaissance, il n'y a pas moyen d'y répondre de façon simple et catégorique.

Le sénateur Kelleher: Vous êtes quand même mon témoin favori.

Je voudrais vous interroger à propos de quelque chose dont nous avons déjà discuté précédemment, vous et moi. Je suis sûr que vous attendiez cette question. Pensez-vous que la faiblesse relative de notre dollar dissimule le problème que semble poser notre manque de productivité, même si nous ne savons pas pourquoi il se pose?

M. Thiessen: J'ai du mal à accepter les arguments selon lesquels la faiblesse du dollar est à l'origine de la faiblesse de la productivité.

Le sénateur Kelleher: Ce n'est pas ce que je vous demande.

M. Thiessen: Je pense que c'est le contraire qui se passe. Si la productivité n'est pas très bonne, cela a tendance à se refléter sur la monnaie.

J'ai du mal à croire que mettre l'accent sur le dollar et suivre une politique de relèvement du dollar réglerait l'un quelconque de ces problèmes. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, la faiblesse du dollar résulte de ces choses-là et n'en est pas la cause.

Le sénateur Austin: Vous êtes aussi bienvenu de notre côté que de l'autre. Vous avez indiqué dans votre exposé ce matin que, l'automne dernier seulement, les gens qui parlent constamment de l'économie étaient convenus qu'une des plus longues périodes d'expansion économique était peut-être en train de prendre fin. Elle durait depuis huit ans.

Ce qui était préoccupant, l'automne dernier, était la diminution des profits de l'industrie manufacturière et des exportations. La Russie était en défaut de paiement et offrait deux ou trois cents aux banques commerciales qui lui avaient consenti des prêts, le Brésil était au bord du gouffre et serait même tombé dedans sans l'aide de la communauté internationale, l'économie européenne était stagnante et l'est encore, et l'économie japonaise connaissait une croissance négative. En fait, le Japon se trouve encore dans cette situation et il n'arrive pas à sortir du trou noir de la déflation. Ce que tout le monde s'attendait à voir se produire en Amérique du Nord ne s'est pas produit. L'économie des États-Unis a à peine marqué une pause, et son taux de croissance est maintenant en train de s'accélérer. Il se situe à environ 4 p. 100 du PIB, et le chômage et l'inflation sont à des niveaux inconcevables selon les idées qui avaient cours depuis une vingtaine d'années.

Les consommateurs du monde entier font preuve d'une certaine prudence, mais ceux des États-Unis dépensent plus que le taux d'épargne intérieur du pays. Les ventes au détail y dépassent de 6 p. 100 les chiffres mensuels de l'année dernière, une fois l'inflation prise en considération. Les consommateurs américains ne semblent absolument pas craindre que leurs revenus cessent d'augmenter à un moment quelconque au cours des prochaines années.

Dans ces conditions, je dirai ce qui suit. Les consommateurs américains savent-ils quelque chose que les économistes ne savent pas? Trouvez-vous préoccupant que les dépenses de consommation aux États-Unis dépassent de plus en plus le taux d'épargne intérieure?

L'indice Dow-Jones a augmenté de 39 p. 100 depuis août. Est-ce une exubérance irrationnelle?

Si la Réserve fédérale décide qu'un rappel à la prudence est nécessaire pour l'économie américaine et augmente les taux d'intérêt, le Canada, avec son taux de croissance économique beaucoup plus lent, peut-il maintenir ses taux d'intérêts? Si nous devons les augmenter, craignez-vous la déflation plus que l'inflation?

M. Thiessen: Sénateur Austin, les consommateurs américaines consomment certainement une bonne partie du revenu actuel, mais ils se sont également beaucoup enrichis à cause de l'augmentation du prix des actifs, en particulier sur le marché boursier.

Il ne faut pas seulement tenir compte de la dernière hausse du marché boursier. Cela fait longtemps qu'il est en hausse. La façon dont les gens jugent la valeur de ces actifs a quelque peu changé, et pas seulement à cause d'un excès d'exubérance. C'est dû en partie à la stabilité beaucoup plus grande de l'économie américaine et au faible niveau des taux d'intérêt, qui permet de mieux planifier l'avenir. C'est en partie parce qu'on s'attend à ce que les gains de productivité soient plus importants que par le passé. C'est en partie à cause de l'idée que les taux d'intérêt vont rester plus faibles que par le passé. Quand on envisage ce qu'une entreprise pourra rapporter à l'avenir, on en calcule la valeur actuelle en utilisant un taux d'intérêt beaucoup faible qu'on aurait pu le faire il y a cinq ou dix ans. Tout cela fait augmenter au moins une fois la valeur de ces actifs. Dans une certaine mesure, les consommateurs dépensent une partie de cette augmentation de valeur.

Même si j'hésite à me prononcer très fermement, je dois reconnaître qu'à mon avis, le marché boursier américain envisage l'avenir de façon extrêmement positive et pense que, fondamentalement, il est impossible que les choses tournent mal. À ma connaissance, on ne peut pas avancer pour le moment que, si le marché boursier évoluait autrement, la consommation s'écroulerait automatiquement. Je ne pense pas qu'on puisse dire que les consommateurs ont déjà dépensé l'équivalent de cette dernière augmentation du prix des actions.

On peut tout simplement être un peu plus détendu à ce sujet. Je ne voudrais pas rejeter cette possibilité ou refuser de la prendre en considération, mais je ne pense pas que ce soit aussi inquiétant que vous en avez peut-être donné l'impression, sénateur.

L'économie américaine atteint les limites de sa capacité, c'est hors de doute. S'il n'y a aucun ralentissement, la réserve fédérale resserra les taux d'intérêt à un moment donné. Dans le proche avenir, la véritable question est de savoir si l'économie ralentira d'elle-même ou si un resserrement de la politique monétaire sera nécessaire. Pour le moment, la plupart des gens parient que l'économie ralentira d'elle-même. Les marchés financiers ne prévoient pas, pour le moment, d'augmentation importante des taux d'intérêt. Ils ne pensent pas que la réserve fédérale devra procéder à un resserrement. Ils pourraient se tromper.

M. Paul Jenkins, sous-gouverneur, Banque du Canada: Quand on envisage l'économie des États-Unis et sa situation d'un point de vue cyclique, il est important de le faire dans un contexte global. Elle fonctionne à un niveau de capacité très élevé, mais ce qui est surprenant est qu'on n'y observe encore aucune pression sur les prix et les coûts. C'est dû notamment à l'excédent de l'offre mondiale. C'est en partie à cause de l'Asie et, certainement, de la situation du Japon.

L'Europe est plus lente, mais je ne pense pas que je serais aussi négatif à son sujet que vous l'avez été dans votre déclaration liminaire. Si ces pressions inflationnistes commençaient à se manifester aux États-Unis, il faudrait que ce soit dans le contexte de progrès commençant à s'accélérer fortement dans d'autres pays, en particulier au Japon. Cela commencerait à changer grandement la situation, non seulement pour le Canada, mais pour l'économie mondiale.

Il faut envisager l'ensemble de la situation actuelle d'un point de vue mondial, et non pas seulement en fonction de ce qui se passe aux États-Unis. La situation mondiale a un effet très important sur les pressions qui s'exercent sur les prix et les coûts dans le monde entier.

Le sénateur Austin: Si l'économie japonaise commence à se redresser et à avoir besoin de capitaux pour sa relance, le prix des capitaux va augmenter dans le monde, ainsi qu'aux États-Unis, et cela aura tendance à ralentir l'économie américaine, n'est-ce pas?

M. Jenkins: Il faudrait envisager ce type de scénario.

M. Thiessen: Cela changerait également la situation pour nous, parce qu'une des choses qui maintient les prix des produits de base à un niveau relativement faible, même s'ils se sont stabilisés, est l'économie japonaise. S'il y avait une hausse au Japon, on constaterait probablement aussi une hausse du prix des produits de base, ce qui stimulerait l'économie canadienne.

Le sénateur Austin: Cela aurait-il aussi des conséquences sur le taux de change?

M. Thiessen: En effet.

Le sénateur Austin: Notre dollar augmenterait-il par rapport au dollar américain?

M. Thiessen: Oui.

Le sénateur Austin: Qu'est-ce que cela donnerait pour nos résultats économiques globaux?

M. Thiessen: Il faudrait examiner à nouveau la situation et dire que les prix des produits de base sont en hausse, ce qui donne l'impression que l'économie canadienne est un peu plus forte. Le niveau du dollar canadien est-il approprié? Est-ce qu'il limite trop l'activité économique au Canada ou crée une souplesse excessive? Il faudrait alors ajuster les taux d'intérêt pour compenser cela.

Le sénateur Oliver: Il est extrêmement important que les points de vue que le gouverneur de la Banque du Canada exprime à propos de diverses questions économiques soient cohérents. Chaque fois que vous avez comparu devant notre comité, vous avez dit la même chose au sujet des politiques que vous présentez et que vous appliquez. Il en va de même aujourd'hui.

Vous nous avez dit aujourd'hui que notre régime actuel de taux de change flottants contribue fortement à faciliter notre ajustement à des chocs économiques qui n'ont pas les mêmes répercussions au Canada et aux États-Unis. En mars de cette année, notre comité a organisé un séminaire avec quatre économistes éminents. Ils ont eu un débat sur le taux de change et ont examiné la possibilité d'une monnaie commune avec les États-Unis. Ce débat était brillant. J'ai des questions qui découlent de certains des points de vue adoptés par les participants à ce débat.

Tom Courchene, professeur à l'Université Queen's, pensait que nous devrions envisager de nous orienter vers une monnaie commune. Mes questions ont toutes un thème commun: quel problème y aurait-il si nous avions une monnaie commune avec les États-Unis ou des taux de change fixes?

Je pourrais peut-être vous présenter les idées avancées par trois penseurs ou économistes, et vous pourriez les réfuter. Vous pouvez nous donner votre avis, et nous verrons si, comme je le pense, vous êtes toujours conséquent.

En premier lieu, Herb Grubel, de l'Université Simon Fraser, a comparu devant notre comité en mars et a dit que, s'il y avait une monnaie commune, l'élimination du risque auquel le taux de change expose les investisseurs entraînerait une diminution des taux d'intérêt au Canada qui pourrait atteindre 1 p. 100. Êtes-vous d'accord avec cette prévision, ou la jugez-vous raisonnable ou excessive, et pourquoi?

Rick Harris, professeur à l'Université Simon Fraser, a signalé que le libre-échange nécessite des taux de change prévisibles et stables. La prévisibilité, soulignait-il, est particulièrement essentielle si le volume d'échanges est élevé et si un pays commerce très activement avec un autre, comme le Canada avec les États-Unis. Vu le degré d'ouverture de l'économie du Canada et son intégration croissante avec son voisin du Sud, n'est-il pas grand temps de réduire l'instabilité du taux de change et d'ajuster davantage notre dollar sur le dollar américain?

Le dernier penseur est Robert Mundell, de l'Université de Chicago, qui a signalé qu'une politique de dévaluation et de réaction à des chocs négatifs ne peut pas marcher indéfiniment.

Pouvez-vous réfuter ces trois idées et rester cohérent avec votre politique?

M. Thiessen: J'espère certainement pouvoir le faire, sénateur, même si je sens que ce n'est pas facile.

La première idée était que, si nous adoptions une monnaie commune avec les États-Unis, nous aurions des taux d'intérêt beaucoup plus faibles. Je pense que la situation actuelle réfute fondamentalement cela. Même avec une monnaie commune, les taux d'intérêt que différents gouvernements et d'autres emprunteurs doivent payer restent différents. Par exemple, quand la province d'où je viens, la Saskatchewan, emprunte, elle doit payer entre 40 et 50 points de base de plus que le gouvernement du Canada. De même, quand le gouvernement du Canada emprunte en dollars américains, il paie 50 points de base de plus que le Trésor américain.

On a l'impression que le gouvernement fédéral du pays qui émet la monnaie a généralement le meilleur taux. Il en sera encore ainsi avec une monnaie commune. De la même façon que la Saskatchewan n'obtient pas le même taux que le gouvernement du Canada, si le Canada avait une monnaie commune avec les États-Unis, son gouvernement n'obtiendrait pas le même taux d'intérêt que le Trésor américain.

Toutefois, quand il emprunte en dollars canadiens, le gouvernement actuel paie un taux plus faible que le gouvernement américain, quand celui-ci emprunte en dollars américains. Par exemple, s'il émet une obligation à terme de 10 ans, le gouvernement du Canada, s'il emprunte au Canada en dollars canadiens, paie 20 points de base de moins que le gouvernement des États-Unis, s'il emprunte en dollars américains aux États-Unis. En fait, en empruntant en dollars canadiens plutôt qu'américains, le gouvernement du Canada économise actuellement 70 points de base.

Je ne suis pas d'avis que le fait de faire venir des dollars américains au Canada en adoptant le dollar américain comme monnaie canadienne rapporterait énormément.

Ces choses varieront avec le temps. Si les taux d'intérêt sont actuellement plus faibles au Canada qu'aux États-Unis, c'est notamment parce que notre taux d'inflation est plus faible et que notre économie n'atteint pas les limites de sa capacité comme la leur. Si la situation était inversée, cela aurait des répercussions parfaitement légitimes sur nos taux d'intérêt.

Je ne pense pas que cela rapporterait énormément.

Toutefois, prenons l'exemple de l'Argentine, qui, dans un passé récent, a eu d'énormes difficultés à juguler l'inflation et à mettre de l'ordre dans ses affaires budgétaires; même en adoptant le dollar américain ou en instituant une caisse d'émission, comme c'est maintenant le cas, elle a bien du mal à faire baisser ses taux d'intérêt. Il est question qu'elle adopte officiellement le dollar américain, mais c'est à cause de ses tristes antécédents.

Le sénateur Oliver: Qu'en est-il du Brésil et du Mexique? Vous devez aussi ajouter les autres pays.

M. Thiessen: Là encore, la situation est semblable. Leurs politiques gouvernementales n'ont traditionnellement pas été aussi crédibles que celles du Canada.

La deuxième question était que le libre-échange nécessite des taux de change prévisibles et stables. Le commerce entre le Canada et les États-Unis est sans doute le plus actif dans le monde entre deux pays voisins. C'est un des flux commerciaux les plus importants, sinon le plus important, depuis très longtemps. Nous avons eu un taux de change flottant pendant la plus grande partie de cette période. Sur la totalité des 55 années écoulées depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, nous avons eu un taux de change flottant tout le temps, sauf pendant 14 ans. Cela n'a pas empêché le plus gros flux commercial du monde de se développer.

Le sénateur Oliver: Y avons-nous perdu quoi que ce soit?

M. Thiessen: En toute franchise, c'est difficile à démontrer. Les gens qui pratiquent le commerce peuvent tenir compte des mouvements du taux de change. Il y a des moyens de se prémunir contre eux. Je ne pense pas qu'on puisse affirmer à juste titre que le libre-échange nécessite un taux de change fixe.

La dernière question était qu'on ne peut pas avoir recours à la dévaluation pour assurer la prospérité. Évidemment que non. Pour les prix des produits de base, nous parlons de réagir aux fluctuations. Il est vrai que ces prix ont connu une tendance à la baisse, mais ce qui est véritablement important est de réagir face à ces fluctuations. Ces prix peuvent aussi bien augmenter que baisser.

Je vous rappelle que, quand nous avons adopté un taux de change flottant en 1950, puis à nouveau en 1970, c'était à cause de l'augmentation des prix des produits de base. Dans les deux cas, nous l'avons fait pour permettre un redressement du cours du dollar canadien. Cela peut aller dans les deux sens.

Quand on dit que les taux de change flottants permettent de faire face aux chocs, cela veut dire que ces chocs peuvent être positifs ou négatifs. Ils se produisent de temps à autre, et la monnaie réagit en conséquence.

Le sénateur Oliver: Aux États-Unis, il y a 12 districts différents de la Réserve fédérale. Même si un problème se pose au Texas, en Californie ou en Nouvelle-Angleterre, il faut s'en tenir à la position établie par la Réserve fédérale, si bien qu'il n'y a rien pour absorber les chocs. Or, ils ne s'en tirent pas trop mal.

M. Thiessen: Non, en effet. Je ne dis pas que c'est impossible. Toutefois, il est néanmoins vrai que, si on compare le Canada et les États-Unis dans leur ensemble, quand les prix des produits de base augmentent, cela se solde pour nous par un gain, et pour eux par une perte. Quand les prix des produits de base diminuent, c'est l'inverse. Pour le pays dans son ensemble, c'est avantageux pour nous. Cela ne veut pas dire qu'il est impossible de fonctionner avec un taux de change fixe, mais, en fin de compte, c'est avantageux pour nous.

Si le dollar canadien avait été maintenu à 72 cents pendant toute la durée du choc asiatique, comment nous en serions-nous tirés? Je pense que nous aurions eu des difficultés bien supérieures à celles que nous avons déjà connues.

Le président: Pourrais-je poser la même question que le sénateur Oliver, mais de façon légèrement différente?

Dans votre réponse, vous avez insisté sur l'importance de la souplesse. Dans notre pays, certains croient que nous n'avons pas beaucoup de souplesse, qu'elle existe en théorie, mais pas en pratique. Ils croient que, si nous pouvons théoriquement avoir notre propre politique monétaire, vu le rapport étroit que nous avons avec les États-Unis, le fait est que notre marge de manoeuvre est extrêmement limitée.

J'aimerais savoir dans quelle mesure la réponse que vous avez donnée au sénateur Oliver est fondée sur cette souplesse théorique plutôt que sur la réalité pratique du degré de souplesse que nous avons en réalité.

M. Thiessen: Le problème qu'ont beaucoup de gens quand ils parlent d'une politique monétaire indépendante, est qu'ils parlent souvent d'un taux d'intérêt qui, d'une façon ou d'une autre, n'a aucun rapport avec ce qui se passe dans le reste du monde et, en particulier, aux États-Unis. Cela ne peut jamais se passer ainsi. Les marchés financiers internationaux sont étroitement intégrés. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas avoir une politique monétaire indépendante. La politique monétaire influence au fil du temps le niveau des prix et le taux d'inflation. Un taux de change flottant nous permet de choisir en toute indépendance comment nous voulons que l'inflation et les prix évoluent dans notre pays.

Du début des années 70 au début des années 90, nous avons eu un taux d'inflation supérieur à celui des États-Unis, et, depuis lors, il est inférieur. Il me paraît tout à fait évident que le taux de change flottant s'ajuste à tout cela, et, en fait, permet cet ajustement. Je pense que c'est comme cela qu'on définit une politique monétaire indépendante. N'oubliez pas que les taux d'intérêt ne sont pas les seuls éléments de la politique monétaire qui ont des répercussions sur l'économie; il en va de même du taux de change.

Il est vrai aussi, je dois le dire, que, sans un taux de change flottant, il est encore plus difficile d'avoir des taux d'intérêt différents. Je vais vous donner une brève explication technique: c'est seulement si le dollar canadien baisse et est considéré comme sous-évalué qu'on peut avoir au Canada des taux d'intérêt plus faibles qu'aux États-Unis, parce que les investisseurs comparent les possibilités d'investissement dans les deux pays. Pourquoi accepteraient-ils le taux d'intérêt canadien plus faible que celui des États-Unis? Ce serait parce qu'ils pensent que le dollar va augmenter. Un taux de change flottant permet d'avoir des taux d'intérêt légèrement différents. Sinon, il est très difficile d'avoir la moindre différence.

M. Jenkins: Si vous me permettez d'ajouter quelques commentaires, monsieur le président, je pense que ce que le gouverneur a dit au sujet de ce qui aurait pu se produire si le Canada avait eu un taux de change fixe durant les événements récents est très important. Cela se compose de deux éléments. L'un d'entre eux est le type de choc que nous avons subi, qui concernait en l'occurrence surtout les prix des produits de base. Nous sommes encore un important producteur de produits de base; les États-Unis en sont un important consommateur. C'est une différence importante. Il fallait absorber d'une façon ou d'une autre le choc subi par l'économie canadienne.

L'ajustement peut se faire de deux façons. Un régime de taux de change fixe aurait fait baisser l'emploi et les salaires. Il nous aurait été beaucoup plus difficile de rétablir notre compétitivité au plan international qu'avec un taux de change flottant. Celui-ci permet d'absorber ce choc d'une façon beaucoup plus uniforme et efficace que si nous avions eu un taux de change fixe, parce que nous aurions dû alors avoir des taux d'intérêt plus élevés et réduire le nombre d'emplois et le montant des salaires. Le processus d'ajustement aurait été beaucoup plus difficile. D'une façon ou d'une autre, l'économie aurait dû s'ajuster à ce choc.

Le président: En quoi cela aurait-il été beaucoup plus difficile?

M. Jenkins: Ce que je veux dire est qu'il y aurait vraisemblablement eu une réduction du nombre d'emplois. Il y aurait eu des pressions considérables à la baisse sur les salaires et les prix dans l'ensemble de l'économie.

Le sénateur Kolber: Quand on n'est pas parmi les premiers à intervenir, les bonnes questions ont déjà été posées. Toutes les miennes l'ayant été, je voudrais donc essayer quelque chose d'un peu différent que je n'ai réellement pas préparé, mais je vous demande de me laisser faire. Ce n'est pas terriblement scientifique.

Hier soir, j'ai dîné avec deux collègues. Nous avons, en tout, sept enfants adultes, qui ont tous reçu une formation excellente, et dont six vivent maintenant aux États-Unis et ne reviendront jamais. J'ai parlé de cette question au téléphone avec des PDG de tout le pays pendant quelques semaines, et ils m'ont tous dit la même chose. La plus grosse difficulté qu'ils ont concerne les cadres qui veulent être relocalisés à un endroit où ils peuvent obtenir ce qu'ils considèrent comme un meilleur niveau de vie avec un meilleur régime fiscal, etc. Cela préoccupe-t-il la Banque du Canada? Il est certain qu'à long terme, cela deviendra nécessairement un important sujet de préoccupation pour notre pays.

La situation se détériore à cet égard. J'ai l'impression que nous définissons des politiques à court terme. Même Robert Brown, qui est consultant auprès du ministère des Finances, a dit, lors d'un séminaire il y a dix jours, que les considérations politiques empêchaient d'appliquer une bonne politique fiscale. Je ne sais pas si cela préoccupe la Banque du Canada. Si c'est absurde, n'hésitez pas à me le dire, mais si cela vous préoccupe, veuillez me dire si la Banque du Canada peut faire quelque chose pour remédier à cette situation.

M. Thiessen: Bien entendu, sénateur, cela doit nous préoccuper. La perte de Canadiens qui ont reçu une bonne formation est une perte importante pour le Canada. On ne voudrait pas que cela arrive. Partir de là pour déterminer quoi faire est une décision très importante et qui n'est pas facile à prendre.

Vu la force de l'économie américaine, et le fait qu'elle est remarquablement forte depuis longtemps, ce pays est véritablement très attrayant, et non pas seulement pour les Canadiens, mais pour les gens du monde entier. Il y a énormément de gens qui vont aux États-Unis précisément pour cette raison. Je ne pense pas que, de ce point de vue là, nous sommes les seuls.

Nous voulons réellement que tout cela fasse en sorte que l'économie canadienne soit plus forte, qu'elle encourage les gens à rester ici. Je dois dire que nous sommes sur la bonne voie pour y parvenir. Je pense que nombre des changements qui se sont produits au Canada pendant les années 90 y contribuent, mais le processus est lent. En chemin, nous avons subi ce gros choc -- la crise financière asiatique -- et ses répercussions sur les prix des produits de base. Cela a véritablement empêché notre économie d'être aussi prospère qu'aux États-Unis.

Quand il y aura un redressement, s'il y en a un -- et je pense que oui --, je pense que la situation paraîtra meilleure au Canada qu'aux États-Unis. Les gens chercheront toujours à faire des comparaisons. Ils examineront les revenus, les impôts et le panier de biens publics dans les deux pays, et ils se demanderont si c'est mieux au Canada qu'aux États-Unis. Ils réagiront en fonction de cela. À long terme, une économie canadienne solide et plus forte contribuera à réduire ce problème.

Le sénateur Kolber: Ce n'est pas la réponse que j'espérais recevoir, mais merci beaucoup.

Le sénateur Angus: Il est rafraîchissant de constater que vous avez encore une perspective très optimiste, plus encore que vous ne le disiez en novembre. Je suppose donc que vous considérez que les éléments fondamentaux de notre économie sont encore bons, n'est-ce pas?

M. Thiessen: Oui.

Le sénateur Angus: Comme vous le savez, dans la mesure où je pouvais le faire lors de nos séances précédentes, j'ai toujours mis l'accent, dans mes discussions avec vous, sur le fait que, comme vous le croyez et continuez de le dire, les éléments fondamentaux de notre économie sont bons. J'essaie de comprendre ce qui vous amène à penser ainsi. Je me sens ensuite tout à fait rasséréné, mais après cela, je reviens à la réalité. Nous représentons tous des régions différentes du Canada, et, comme l'a dit le sénateur Kolber, les gens me disent que nous sommes confrontés à un exode des cerveaux inquiétant. Je ne vais pas entrer dans les détails. C'est en première page de presque tous les journaux, magasines et périodiques économiques. Nos médecins, nos infirmières et nos étudiants en médecine, qui ont reçu une formation poussée, partent dans d'autres pays, en particulier aux États-Unis. Notre système d'éducation est en crise. Nos revenus stagnent, et même diminuent au niveau des familles. À ma connaissance, les consommateurs sont endettés pour plus de 100 p. 100 du revenu familial. Je pourrais ajouter encore bien des choses.

Les Canadiens peuvent comprendre les façons dont on mesure apparemment l'ampleur de ce problème, c'est-à-dire le fait que le niveau de vie des Canadiens moyens est passé du troisième au neuvième rang parmi les pays de l'OCDE. Ils ressentent tous un certain malaise, et je le constate partout où je vais et dans tout ce que je lis à ce sujet.

Cela ne paraît pas être conforme à votre déclaration selon laquelle les éléments fondamentaux de notre économie sont bons. Les gens ne semblent pas être aussi enthousiastes que vous au sujet du bon état de notre économie. Il semble avérer que notre économie donne des résultats insuffisants. Pourquoi? Vous avez pourtant réussi à réduire l'inflation. Je ne comprends pas.

M. Thiessen: Cela peut être attribué en grande partie à la chute des prix des produits de base sur laquelle je reviens constamment. Ces prix ont baissé de 20 p. 100 au cours des deux années 1997 et 1998.

Le sénateur Angus: Pardonnez-moi si je vous interromps brièvement à ce sujet, mais la dernière fois que vous étiez ici, je vous ai interrogé au sujet des prix des produits de base. J'ai dit que je pensais que notre économie reposait sur ces produits. Vous avez répondu: «Non, sénateur. C'était ainsi il y a des années. Nous sommes dans une nouvelle économie. Les éléments fondamentaux sont bons; notre économie ne repose pas sur les produits de base.»

En vous écoutant tout à l'heure, j'ai eu l'impression que vous aviez changé d'avis. Nous le faisons tous, et je ne vous le reproche pas. Toutefois, j'essaie de comprendre pourquoi vous présentez un message positif alors que notre pays est apparemment en si mauvaise posture.

M. Thiessen: Je le répète, nous ne dépendons pas complètement des produits de base. Nous en dépendons moins qu'autrefois. Il ne fait aucun doute que nos exportations de produits manufacturés augmentent rapidement. Néanmoins, les produits de base représentent 30 p. 100 de nos exportations. Si on inclut certains des produits de base les plus transformés, on peut arriver à 40 p. 100. C'est une partie importante de notre produit intérieur brut. Ces prix, comme je l'ai dit, ont beaucoup diminué, ce qui fait que notre pays est moins riche qu'il ne le serait autrement.

Cela fait partie de ce que vous constatez et ressentez, même s'il y a aussi d'autres choses. Je dis que les éléments fondamentaux sont bons. Cela signifie que nous sommes mieux placés pour obtenir de bons résultats à l'avenir. Je ne prétends pas que notre économie fonctionne parfaitement à l'heure actuelle. Bien entendu, je ne pourrais pas le prétendre.

Le sénateur Angus: Je pense qu'il est important de le dire.

M. Thiessen: Ce n'est pas le cas.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, nous avons fait face à ce choc et aux difficultés occasionnées par la crise financière asiatique beaucoup mieux cette fois-ci que par le passé parce que ces éléments fondamentaux sont beaucoup plus solides. Nous avions eu plus de mal à surmonter la crise monétaire mexicaine, par exemple, à la fin de 1994 et en 95 que cela n'a été le cas cette fois-ci.

Le sénateur Angus: Gouverneur, je pense que, quand une bonne partie de notre économie est encore fondée sur notre capacité à extraire de l'eau, c'est un élément fondamental négatif. Nous avons beaucoup de retard par rapport à certains de nos partenaires commerciaux quant à notre adaptation à la nouvelle économie. Notre pays est terriblement à la traîne parce que notre secteur manufacturier n'a pas mis sa technologie à niveau pour profiter de ces nouvelles choses.

Le sénateur Kelleher a parlé d'un sujet dont les penseurs et les économistes nous rebattent les oreilles en ce moment, c'est le fait que le taux de change flottant atténue les conséquences de la faiblesse de notre productivité et des éléments fondamentaux de notre économie. Notre régime fiscal, le plus répressif de tout le monde industrialisé, est apparemment un mauvais élément fondamental, et certainement une mauvaise politique. Je pense que cela aura des conséquences.

J'aurai du mal aujourd'hui à partir d'ici rasséréné, comme en d'autres occasions, parce que les gens se plaignent très vivement et très fortement des impôts et de toutes les autres choses que j'ai énumérées.

M. Thiessen: Je ne veux pas dire qu'il n'y a aucun problème et qu'il n'y a aucune possibilité d'amélioration; bien entendu, il y en a. Je persiste toutefois à croire que si, par exemple, notre situation budgétaire échappait à notre contrôle et était déséquilibrée et si le ratio de la dette au PIB ne diminuait pas, nous serions dans une situation beaucoup plus difficile. Si notre taux d'inflation se situait entre 6 et 8 p. 100 plutôt qu'entre 1 et 2 p. 100 ou près de 1 p. 100, nous serions dans une situation bien pire. Si nous n'avions pas investi comme nous l'avons fait dans de nouveaux équipements et des technologies nouvelles au cours des dernières années, nous serions aussi dans une situation bien pire. Je pense que ce sont les bases de notre économie. Si elle n'était pas en bon état, nous ne serions pas en mesure de tirer profit de la croissance potentielle de la productivité et de l'ouverture des marchés mondiaux.

Le Canada est en partie influencé par les États-Unis, qui connaissent une des périodes de croissance économique les plus sensationnelles de leur histoire. C'est tout à fait remarquable. Leur productivité augmente et leur taux de chômage diminue. Les choses se passent extraordinairement bien.

Le sénateur Angus: Ils ont de bons éléments fondamentaux et des impôts peu élevés.

M. Thiessen: Oui, ils ont de bons éléments fondamentaux. Ils ont profité de ce qui s'est passé dans le reste du monde, ce qui leur a permis de maintenir leur taux d'inflation à un niveau plus faible qu'autrement. C'est toujours à eux que nous nous comparons. Cela a tendance à rendre les Canadiens légèrement plus moroses qu'ils ne le seraient autrement. Je ne suis pas en train de dire qu'il ne faudrait pas faire ces comparaisons, mais il serait peut-être instructif d'examiner aussi d'autres pays. Par comparaison, nous paraîtrions beaucoup plus forts.

Le sénateur Angus: Nous sommes exactement dans la même zone économique. En toute franchise, nous ne devrions pas dire: «Bon, la situation est excellente aux États-Unis; la nôtre est donc comparativement mauvaise.» La situation économique est assez uniforme dans les principaux pays de l'OCDE membres de la Communauté européenne, même si je conviens avec vous que ce n'est pas une analogie parfaite.

Nous avons eu l'autre jour un débat sur le concept d'une union monétaire dans notre continent. La plupart de ces questions se sont fait jour, y compris la productivité et l'idée selon laquelle un taux de change flottant dissimule certains des problèmes fondamentaux qui existent dans notre structure économique canadienne. Je me rends compte que la politique monétaire peut faire face à certaines choses, alors que d'autres choses que je considère fondamentales ne relèvent pas de vous. Toutefois, il y a fondamentalement quelque chose qui ne va pas dans notre pays à l'heure actuelle. Les gens qui vivent dans la circonscription sénatoriale d'Alma, d'où je viens, par exemple, ne sont qu'à quelques miles de la frontière. Ils vont aux États-Unis le dimanche et font des comparaisons et ils disent: «Nous avons des problèmes ici.»

M. Thiessen: Je ne dirai pas que nous n'avons pas de problème, mais je pense qu'il est facile de les exagérer. Je ne suis certainement pas d'accord pour qu'on dise que, d'une façon ou d'une autre, nous les réglerions si nous adoptions un taux de change fixe. Je ne crois tout simplement pas que cela soit juste. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que le taux de change est une conséquence, et non pas une cause.

Le sénateur Angus: Je ne dis pas qu'il s'agit du taux de change. Je dis qu'il y a des problèmes graves qui concernent les éléments fondamentaux dans notre pays.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Lorsqu'on parle de productivité, on parle de concurrence, de meilleur prix et donc de compétitivité sur les marchés étrangers. Des études des secteurs financiers ont été faites. Certains joueurs du secteur financier s'inquiètent un peu de la venue de nouveaux arrivants. On sait que le rapport Mackay du Sénat et celui de la Chambre des communes ont recommandé une ouverture du marché des télécommunications à la compétition. Des milliards de dollars ont été investis au Canada. On a amélioré le service. On a les prix les plus bas au monde.

Sur le plan de la productivité, un meilleur système de télécommunications a un impact sur les entreprises. Je fais l'analogie avec le secteur financier. On commence la première ronde de négociations avec l'Organisation mondiale du commerce.

Quel serait le conseil que pourrait donner le Banque du Canada lorsqu'elle voit tout cela dans son ensemble? On a fait des concessions dans le domaine de l'agriculture. Nos partenaires n'ont pas nécessairement suivi. Ils n'ont pas été aussi rigoureux que le Canada pour ouvrir les marchés. Donc on a été pénalisé et nos agriculteurs sont en très grandes difficultés financières. Le Québec a été pénalisé dans le secteur des matières premières, par exemple dans le domaine du bois d'<#0139>uvre. Ce marché, tout en étant ouvert, ne l'est pas complètement.

Il y a quelques années, tout le monde se souvient que dans la chaussure et le textile nous avons abandonné à toutes fins pratiques les protections. L'impact a été tel que cela a donné des régions où le chômage n'est pas encore résorbé au Québec.

L'autre question concerne les investissements. Nous avons une bonne main-d'<#0139>uvre. Mes collègues pensent que tous les gens partent, mais il reste quand même quelques personnes bien formées ici.

Nous avons des matières premières disponibles à peu près illimitées et des services concurrentiels. Nous avons un système de transport efficace. La fiscalité sociétés est également concurrentielle.

D'une part, il faut augmenter l'assiette au Canada pour favoriser l'emploi parce que même si nous sommes en bas de 10 p. 100, il est toujours possible d'améliorer la situation. Pour améliorer la productivité, il faut de nouveaux investissements et la modernisation des équipements dans le secteur primaire.

Comment se fait-il qu'avec tous les facteurs positifs de l'étude de KPMG, les investisseurs étrangers ne se sont pas présentés en grand nombre? Est-ce que l'incertitude politique qui règne au Canada a pénalisé tout le Canada et particulièrement le Québec?

Doit-on débuter les négociations avec inquiétude avec l'Organisation mondiale du commerce? Nous négocions toujours de bonne foi. Il me semble que les phases antérieures ont été quand même assez pénalisantes pour le Canada, lorsque nous respections les règles et que les autres ne les respectaient pas.

Quelles sont les garanties ou les exigences que le Canada devrait avoir pour ne pas être le seul à ouvrir ses frontières aux produits étrangers sans être pénalisé?

M. Thiessen: Je ne suis pas expert dans les règles du commerce international.En général, on peut dire qu'une économie concurrentielle est peut-être la meilleure chose pour augmenter la productivité. Si les autres ne suivent pas les règles, que doit-on faire au Canada? Cette baisse de l'investissement international au Canada est due à la chute du prix des produits de base. Les investisseurs internationaux ne sont pas très attirés lorsqu'une chute des prix des matières premières affecte nos industries. L'incertitude politique n'aide jamais. Il est toujours mieux pour un pays d'être dans une situation politique toujours très stable. Je trouve difficile d'en dire plus que cela.

[Traduction]

En général, j'ai toujours du mal à faire des commentaires à propos de l'incertitude politique. Les commentaires risquent toujours d'être facilement mal interprétés. De façon générale, je peux simplement dire que l'incertitude politique n'est pas à notre avantage. Je m'excuse d'avoir du mal à en dire plus, mais, pour être cohérent, comme dit le sénateur Oliver, je dois m'en tenir là.

Dans le domaine général du commerce international, je ne me sens pas compétent pour faire des commentaires. Ce sont des questions difficiles. Pour y répondre, il faut quelqu'un qui soit meilleur expert en la matière que moi.

Le sénateur Meighen: Bienvenue, monsieur Thiessen et monsieur Jenkins. Je m'abstiendrai de toute déclaration ayant des incidences politiques, ce qui sera quelque chose de nouveau pour le gouverneur et pour moi.

Je vous remercie pour les réponses que vous avez données. Je pense vous avoir entendu dire: «Bon, nous avons peut-être un peu de mal à être à la hauteur des Américains, qui connaissent une prospérité absolument extraordinaire et sans précédent; toutefois, nous ne nous en tirons pas si mal par rapport à d'autres économies.»

L'année dernière, de décembre à décembre, le dollar -- qui représente, je suppose, une certaine façon de mesurer nos résultats -- a chuté de 4,5 cents ou de 6,5 p. 100 par rapport au dollar américain. Il s'est quelque peu redressé depuis lors, mais c'est ce qui s'est passé l'année dernière.

Pendant la même période, l'année dernière, notre dollar a chuté de 13 p. 100 par rapport au schilling autrichien, au franc belge, au franc français et à la leva bulgare. Je ne vais pas insister lourdement là-dessus pour l'Europe occidentale, mais allons voir ailleurs. Il a chuté de légèrement moins de 19 p. 100 vis-à-vis de la couronne tchèque et du yen japonais; de 11,6 p. 100 par rapport au peso philippin et de 28,4 p. 100 par rapport au baht thaïlandais.

Le président: Vous avez oublié la livre irlandaise.

Le sénateur Austin: Je pense que ma démonstration est suffisante.

Gouverneur, pouvez-vous nous dire pourquoi nous obtenons apparemment des résultats aussi désastreux par rapport à d'autres économies en ce qui concerne la solidité de notre dollar?

Je vais glisser une autre question brève, si vous me le permettez. Dans quelle mesure pensez-vous que c'est dû à la différence entre les États-Unis et nous pour ce qui est du ratio de l'endettement net au PIB? L'écart est passé de 10 p. 100 en 1972 à 65 p. 100 en 1997. Dans quelle mesure cela a-t-il une incidence sur le taux de change de notre dollar par rapport à celui des États-Unis?

M. Thiessen: Sénateur, on peut toujours trouver différentes périodes à propos desquelles on peut avancer ce que vous avez dit. Néanmoins, il se trouve que, vu le choc que nous avons absorbé, le fait que notre monnaie s'est ensuite quelque peu redressée montre que l'évolution de cette monnaie a reflété une certaine situation. Quand le choc subi par les prix des produits de base s'est atténué, vous avez constaté que notre monnaie se redressait. C'est exactement ce que l'on peut souhaiter.

Il ressort implicitement de votre question que cette faiblesse va durer éternellement. Je ne le crois pas. Je crois qu'il y aura un certain redressement des prix des produits de base. Je crois que notre économie continuera à s'améliorer, mais peut-être pas aussi rapidement que nous le souhaiterions. Cette amélioration aura des répercussions sur notre monnaie.

Je ne veux pas donner l'impression d'être aussi indifférent à nos problèmes que vous avez peut-être laissé entendre que je l'étais. Je reconnais qu'il y a des questions difficiles que nous devons régler. Je reconnais certainement que les Canadiens compareront généralement notre situation à celle des États-Unis. Je réagis face à l'impression que tout est perdu, que nous avons de terribles difficultés et que nous nous demandons comment nous allons redresser notre situation. Je ne crois pas que cela la décrive correctement.

Comme je l'ai dit au sénateur Angus, je répète que les bases de notre économie sont plus solides qu'elles ne l'ont été depuis longtemps. Le secteur privé canadien semble plus à même d'affronter ses concurrents internationaux que pendant une bonne partie des années 70 et 80. C'est extrêmement important. Notre politique budgétaire et monétaire est bien meilleure que par le passé.

Ce sont des choses importantes qui nous permettront de surmonter ce choc difficile et de nous retrouver ensuite avec une économie plus solide. C'est une raison de se montrer positif.

Le sénateur Meighen: Je serai clair moi aussi. Je partage votre optimisme fondamental. Je suis troublé par l'ampleur des répercussions que la chute du prix des produits de base a apparemment eues sur notre économie, la valeur de notre dollar, etc. Vous expliquez de façon très convaincante que ces événements étaient peut-être plus graves que nous n'en avions eu l'impression initialement au moins ici et que ce qu'on appelle la crise asiatique a eu un effet très prononcé sur notre économie, dont nous commençons à peine à nous relever.

Je voudrais passer de la crise asiatique à un autre événement «noir», un autre domaine d'un intérêt constant: la question de l'inflation. Nous luttons contre elle et depuis plus longtemps que la Fédération mondiale de lutte ne passe à la télévision, et nous avons obtenu de bons résultats dans notre lutte contre l'inflation.

Certains craignent de plus en plus que notre obsession de l'inflation ne nous mène à la déflation, dont vous êtes mieux à même que moi de commenter les conséquences. Quand la Banque du Canada, fin mars, a procédé à une réduction de 25 points de base, un économiste a dit que cet abaissement du taux était nettement en contradiction avec vos déclarations récentes d'après lesquelles vous étiez convaincu que l'inflation tendancielle allait bientôt réintégrer la fourchette-cible.

L'inflation est-elle trop faible au Canada, gouverneur? Risquons-nous de connaître une véritable déflation, surtout si le dollar remonte, ce qui entraînerait vraisemblablement une chute des prix? Qu'est-ce qu'un taux d'inflation inférieur à la fourchette-cible pourrait signifier pour notre économie?

M. Thiessen: Sénateur, la Banque du Canada est déterminée à chercher à maintenir l'inflation à l'intérieur d'une fourchette de 1 à 3 p. 100. Nous serions tout aussi inquiets si le chiffre était inférieur ou supérieur à cette fourchette, c'est-à-dire s'il menaçait de dépasser 3 p. 100 ou de descendre au-dessous de 1 p. 100.

Notre tâche est de fournir la plus grande stabilité et la plus grande certitude possible au sujet de l'avenir à la population canadienne et aux gens qui doivent prendre des décisions économiques dans leur vie quotidienne à titre individuel ou pour leur entreprise. Ces décisions relatives à l'avenir seraient tout autant compromises par une augmentation rapide des prix que par leur chute rapide. Nous essayons d'éviter ces deux cas de figure.

Si le taux d'inflation est faible, nous devons nous demander s'il a des chances de réintégrer la fourchette-cible ou s'il risque de descendre encore plus bas.

Certaines interprétations erronées sont dues au fait que la politique monétaire doit toujours être tournée vers l'avenir. Nous disons: «Que va-t-il se passer dans un an ou deux et que devrions-nous faire face à cela?» Nous ne nous posons pas de questions au sujet de l'inflation actuelle, même si elle peut fortement influencer la façon d'envisager l'avenir, mais nous nous demandons ce qu'elle sera dans un an ou deux et si elle se situera à l'intérieur de la fourchette. C'est l'élément essentiel. Sera-t-elle plutôt élevée ou plutôt faible? Nous calibrons la politique monétaire en fonction de cela.

Lors de la dernière réduction des taux d'intérêt, nous avons essayé de profiter de l'effet qu'avait eu la dernière augmentation que nous avions entreprise en août, quand les marchés financiers étaient si gravement troublés et volatiles. Ayant réagi face à cette volatilité, et maintenant qu'elle a disparu au moins en majeure partie, nous nous sentions capables de procéder à nouveau à une réduction.

M. Jenkins: Si vous me le permettez, je ferai une autre observation: dans le cadre général de notre politique, il est important de mesurer de différentes façons les attentes en matière d'inflation. En ce moment, selon les différentes mesures qu'on examine, on peut constater que ces attentes, que ce soit d'après les prévisions du secteur privé ou celles des marchés financiers, se situent toutes à peu près à 2 p. 100 ou à un niveau légèrement inférieur. Ce chiffre ne donne tout au moins pas l'impression que l'inflation a tendance à baisser.

M. Thiessen: Je n'ai pas répondu à la question du sénateur Meighen au sujet de l'écart de la dette. Je dois dire que je ne l'ai pas comprise.

Le sénateur Meighen: Ma question était la suivante: dans quelle mesure la taille de notre dette a-t-elle une incidence sur la faiblesse de notre dollar vis-à-vis du dollar américain?

M. Thiessen: Parlez-vous de la dette publique ou de la dette internationale?

Le sénateur Meighen: Je fais référence à la dette publique. En d'autres termes: si, d'un coup de baguette magique, nous pouvions réduire notre dette de moitié, le dollar réagirait-il, à votre avis, de façon spectaculaire?

M. Thiessen: Certains craignent que le niveau d'endettement augmente et ne diminue ensuite plus. C'est à ce moment-là qu'il y a de fortes répercussions, comme au début de 1995 à l'occasion de la crise monétaire mexicaine. C'est à ce moment-là que les niveaux d'endettement ont de grosses répercussions. Ils vous rendent vulnérable quand le monde est dans une situation difficile.

Je pense que nous nous en sommes mieux sortis parce que beaucoup ont l'impression que la proportion de notre dette publique par rapport à la taille de notre économie, le ratio de la dette au PIB, diminue et que cette baisse continuera. J'aimerais que cette baisse se poursuive encore. À de tels niveaux, si nous avions une autre crise importante dans le monde, je ne pense pas que nous serions aussi bien protégés ou aussi isolés de cette crise que j'aimerais que nous le soyons, et je pense qu'un ratio plus faible de la dette au PIB serait à notre avantage.

Le président: En ce qui concerne votre réponse au sénateur Meighen, vous avez dit qu'un abaissement de l'inflation au-dessous de la limite de 1 p. 100 de la fourchette vous inquiéterait tout autant que le dépassement de la limite supérieure de 3 p. 100. Ces 10 ou 15 dernières années, les Canadiens ont mis uniquement l'accent sur la réduction de l'inflation. La population est généralement d'avis qu'en fin de compte, ce serait absolument merveilleux si elle baissait complètement et devenait nulle. C'est ce dont il a toujours été question dans la politique gouvernementale et dans les discours.

Puisque notre réunion est diffusée sur CPAC, il serait utile que vous expliquiez en termes compréhensibles par les Canadiens moyens pourquoi réduire l'inflation à 1,5 p. 100 est une bonne chose alors que la réduire à 0,5 p. 100 est une mauvaise chose. La population canadienne a l'impression que 0,5 p. 100 serait beaucoup mieux que 1,5 p. 100.

M. Thiessen: Monsieur le président, comme je l'ai dit tout à l'heure, le véritable problème concerne la stabilité et la prévisibilité. Nous sommes actuellement déterminés à maintenir l'inflation dans une fourchette de 1 à 3 p. 100. Nous nous sommes entendus avec le gouvernement sur cette fourchette et nous nous sommes entendus au début de l'année pour la maintenir jusqu'à 2001.

Nous nous sommes engagés à donner aux Canadiens le sentiment de sécurité que le maintien de l'inflation dans cette fourchette leur fournira. C'est un degré de prévisibilité. Les gens d'affaires doivent prendre des décisions. Quand on envisage d'investir dans une machine ou une nouvelle usine qui sera utilisée pendant plusieurs années, on doit se demander: «Quel type de taux d'inflation devrais-je prendre en considération? Comment cela influencera-t-il les taux d'intérêt à l'avenir?» Nous disons qu'un chiffre compris entre 1 p. 100 et 3 p. 100, avec une valeur moyenne de 2 p. 100, est le genre de valeur à utiliser relativement à l'évolution des prix au moment de prendre des décisions.

Nous restons déterminés à long terme à assurer la stabilité des prix. Quelle en est la meilleure définition? Notre engagement est d'y parvenir enfin d'ici l'an 2001. Je pense que nous serons alors en mesure, d'une certaine façon, de nous prononcer sur un engagement à plus long terme et plus catégorique. Dans l'intervalle, nous nous sommes engagés à respecter cette fourchette de 1 à 3 p. 100, et la plupart des banques centrales du monde entier ont pris un engagement identique.

Le sénateur Callbeck: On a récemment beaucoup parlé d'une réforme du système financier international. Une idée qui a retenu beaucoup l'attention est ce qu'on appelle la «taxe Tobin», la taxe sur les transactions financières internationales.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Avez-vous l'impression qu'elle contribuera à contrôler les flux de capitaux spéculatifs? Dans l'affirmative, comment pensez-vous qu'on pourrait l'appliquer?

M. Thiessen: Je dois admettre que je ne suis pas en faveur de la taxe Tobin. En fait, je pense que c'est une mauvaise idée. Elle ne donne pas les résultats qu'en attendent ses partisans.

Le problème est qu'on ne peut pas imaginer qu'une taxe sur les transactions financières internationales puisse être d'un niveau élevé. Elle découragera les flux spéculatifs de capitaux qui sont sensibles à de très faibles différences de taux d'intérêt ou aux changements prévus de ces taux. Ce sont précisément les flux spéculatifs de capitaux qui nous sont utiles.

Pensez au cas du Canada, qui continue d'exporter des produits de base. Ces exportations sont souvent plutôt ponctuelles. Nous pouvons, par exemple, expédier une grande quantité de blé au milieu de l'hiver, ce qui nous rapporte beaucoup de devises -- en fait plus que nous n'en avons besoin pour les importations que nous voulons acheter. Si rien d'autre ne se produisait, cela pourrait imposer sur notre devise une forte pression à la hausse qui persisterait jusqu'à la réception de toutes ces devises. Dans l'intervalle, les gens qui doivent importer ou exporter d'autres choses seraient dans une situation difficile. Les mouvements spéculatifs de capitaux aident à créer un équilibre.

Lorsqu'il y a une grosse vente de blé et que le dollar a tendance à augmenter, beaucoup de gens disent que ce n'est pas permanent. Ils vendent alors des dollars canadiens pour l'empêcher de monter. De même, quand il y a une pression à la baisse, ils en achètent. Ils contribuent à stabiliser la monnaie. C'est une spéculation stabilisatrice. Une taxe Tobin découragerait vraisemblablement cela.

Les spéculateurs comme ceux que vous n'aimez peut-être pas -- c'est-à-dire les gens qui croient, dans le fond, que vos politiques économiques sont fondamentalement erronées et que votre monnaie va baisser et qui en vendent pour qu'il en soit bien ainsi -- s'attendent à faire d'énormes gains, et une petite taxe ne les découragera pas.

La taxe Tobin est absolument perverse. Elle décourage les bons flux de capitaux, mais pas ceux qui ne pourraient pas être utiles. Il y a également les questions concernant sa mise en oeuvre. À moins que tout le monde ne s'y associe, on ferait simplement partir à l'étranger de nombreux investisseurs internationaux. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

M. Jenkins: Il serait peut-être utile que j'explique certaines des initiatives qu'on prend actuellement au niveau international pour faire face à certaines des questions qui vous préoccupent, sénateur.

Pour ce qui est des crises internationales passées, on a fait référence à l'Asie du Sud-Est, à la Russie, au Brésil et au Mexique. Il y a actuellement un énorme travail qui se fait dans la communauté internationale. Le gouvernement du Canada y participe très activement, tout comme la Banque du Canada. Nous nous sommes notamment penchés sur des questions comme l'augmentation de la transparence et la publication de renseignements ainsi que la façon de mieux informer les marchés financiers afin de leur permettre d'être plus efficaces. Un excellent exemple de cela est le cas de la Thaïlande, où le gouvernement avait conclu des contrats à terme sur le marché des devises dont personne n'était au courant avant la crise. Nous nous penchons sur les questions de transparence, de publication de renseignements et de renforcement de l'information, afin que les marchés financiers, les emprunteurs et les prêteurs puissent évaluer raisonnablement la situation.

Beaucoup d'efforts sont également entrepris pour mettre en place des systèmes bancaires plus solides dans tous ces pays. Les décideurs du monde entier, y compris du Canada, ont mis au point des normes. Les organisations comme le FMI et la Banque des règlements internationaux commencent à les mettre en oeuvre pour renforcer les systèmes bancaires dans ces pays, et elles examinent également des façons d'améliorer, de façon plus générale, les mesures incitatives liées au fonctionnement des marchés -- par exemple les questions concernant les régimes de change.

Il n'est pas surprenant, à bien des égards, que nombre des pays qui ont connu des difficultés avaient des taux de change fixes qui suscitaient une spéculation unilatérale dans beaucoup de ces marchés. Beaucoup de choses se font pour essayer de régler le problème que vous avez signalé.

Le sénateur Callbeck: Je voudrais poser une brève question au sujet du Canada atlantique. J'ai lu qu'en 1998, les quatre provinces Atlantiques avaient connu une déflation d'environ 0,5 p. 100. Cela vous a-t-il beaucoup inquiété? Comment peut-on faire en sorte que la politique monétaire tienne compte des besoins des régions?

M. Thiessen: Je ne pense pas qu'il soit possible d'établir une politique monétaire distincte pour chaque région. Une des raisons de ce faible niveau d'inflation est, peut-être, que son niveau négatif au Canada atlantique tenait à l'harmonisation des taxes sur les ventes avec la TPS dans cette région, ce qui a entraîné une diminution des taxes indirectes. C'est à cause de cela que l'indice des prix à la consommation a été particulièrement bas.

Même si nous ne pouvons pas appliquer une politique monétaire distincte dans toutes les régions, nous devons tenir compte de leur situation. Il faut tout additionner. La politique monétaire doit fonctionner au niveau national. On ne peut tout simplement pas avoir des taux d'intérêt ou des taux de change différents d'une région à l'autre. Quand nous établissons la politique nationale, nous devons veiller à tenir compte de la moyenne de l'ensemble du pays, en prenant en considération chaque région et son poids relatif dans notre économie. C'est ce que nous faisons.

Le sénateur Tkachuk: Ma question concerne ce que nous avons dit tout à l'heure au sujet du taux de change flottant et de ce que je crois être un manque de confiance dans notre dollar canadien, même si vous attribuez cela à la baisse du prix des produits de base. Il me semble que nous avons un taux de change flottant pour absorber nos chocs, comme vous l'avez dit. Toutefois, en même temps, peut-être les dissimule-t-il.

Si le dollar canadien est faible à cause de la chute des prix des produits de base, les fabricants de produits et les exportateurs devraient alors apparemment bénéficier d'un avantage qui compenserait cela. Par conséquent, notre dollar ne devrait pas chuter aussi brutalement qu'il l'a fait -- on pourrait tout au moins, théoriquement, le penser. Pourquoi cela ne s'est-il pas produit?

M. Thiessen: En fait, c'est ce qui s'est produit. Du début 1997 à la fin 1998, les prix des produits de base ont diminué d'environ 20 p. 100, et le taux de change, d'environ 8 p. 100. La compensation n'était pas complète, mais cela veut dire que les producteurs de produits de base connaissent encore certaines difficultés. Ils n'ont pas été à l'abri de ce choc. Toutefois, l'industrie manufacturière du Canada est devenue ainsi plus concurrentielle. Nous avons constaté une croissance très rapide de nos exportations. C'est précisément une des raisons pour lesquelles l'économie canadienne s'est aussi bien tirée d'affaire à ce moment-là.

Nos industries axées sur les produits de base ont souffert -- vous le constaterez si vous allez en Colombie-Britannique --, alors que le secteur manufacturier, en particulier dans le centre du Canada, a bien tiré son épingle du jeu. C'est exactement ce à quoi on pouvait s'attendre. Cela prend un certain temps. Quand il se trouve soudain confronté à un taux de change plus faible et à une situation plus concurrentielle, le secteur manufacturier met un peu plus longtemps à prendre les mesures appropriées. Nos exportations se renforcent progressivement. Nous nous attendons à ce que cela continue tout au long de 1999. Le processus est en cours, mais il prend simplement un peu de temps.

Le sénateur Tkachuk: Au lieu d'un choc infligé au système qui force les gens à réagir, nous avons cette influence artificielle. À mon avis, nos exportations ont augmenté, mais pas beaucoup, compte tenu de l'avantage compétitif que donne notre dollar. En même temps, les citoyens de notre pays paient plus cher les importations, qu'elles viennent des États-Unis ou d'autres parties du monde, comme l'a signalé le sénateur Meighen, alors que notre dollar baisse par rapport à d'autres monnaies.

Les Canadiens subventionnent donc indirectement nos efforts visant à nous rendre plus concurrentiels, n'est-ce pas? Nous devons importer des marchandises en contre-partie de celles que nous exportons. Toutes nos importations coûtent plus cher, et nous payons plus pour elles que nous ne devrions le faire. Au lieu d'améliorer leur productivité, les fabricants s'habituent à un taux de change qui leur donne un avantage compétitif. Au Canada, nous payons nos importations beaucoup plus cher. Ce n'est pas bon pour notre pays, n'est-ce pas?

M. Thiessen: N'oubliez pas que nous avons subi un gros choc. Nous devons y réagir. Demandez-vous ce qui se passerait si nous maintenions le taux de change à 72 cents. C'est un exercice mental auquel vous devez vous livrer.

D'un seul coup, les prix des produits de base ont fortement chuté pour tous nos producteurs. Maintenant, tout à coup, nos exportations nous rapportent beaucoup moins qu'autrefois parce que les prix de tous les produits de base exportés ont diminué.

Nous devons compenser cela, sinon, le déficit de notre compte courant sera beaucoup plus élevé. Si on maintient le cours du dollar en l'empêchant de s'ajuster, on doit faire baisser les prix et les salaires dans l'ensemble de l'économie canadienne jusqu'à ce que nous soyons devenus superconcurrentiels et puissions compenser cela. Voilà les choix qu'il faut faire. Il me semble que, face à un tel choix, la meilleure solution est le taux de change flottant.

Le sénateur Tkachuk: Je ne suis pas d'accord avec vous, parce que je pense que cela rend les fabricants moins concurrentiels. Ils n'ont pas à faire concurrence à d'autres. Quand le dollar baisse, leurs exportations coûtent moins cher. Les pays qui ont des dollars plus forts, comme les États-Unis, restent concurrentiels avec un dollar nettement plus élevé que le nôtre. À long terme, les problèmes seront beaucoup plus graves que s'ils s'étaient manifestés soudainement. Nous ne sommes peut-être pas d'accord à ce sujet, mais c'est ce que je pense.

M. Jenkins: Je vais vous citer quelques chiffres, même si je reconnais qu'ils sont quelque peu sélectifs. Voyez ce qui s'est passé pour les données comme la production par secteur. Depuis la mi-1997, le début de la crise asiatique, la production est restée pratiquement stagnante dans le secteur des ressources. Je parle du volume de production. Dans le secteur manufacturier, il y a eu une augmentation de plus de 8,5 p. 100, et de 5 p. 100 dans l'ensemble de l'économie. Les statistiques sont analogues pour l'emploi. Vous constaterez également que les exportations manufacturières des secteurs autres que l'automobile ont augmenté, par rapport à l'année précédente, d'environ 15 p. 100.

Ces données montrent clairement que ces secteurs en ont tiré profit. C'est le processus d'ajustement auquel le gouverneur faisait référence.

Le sénateur Tkachuk: Êtes-vous sur la même longueur d'ondes que le ministre des Finances à propos de la taxe Tobin?

M. Thiessen: Je n'en sais rien, mais c'est certainement quelque chose que nous avons examiné à la Banque. Je pense réellement que ce n'est pas une bonne idée.

Le sénateur Tkachuk: J'espère qu'il est à l'écoute.

Le président: Vous avez répondu au sénateur Tkachuk que l'avantage d'une politique fondée sur un taux de change flottant est qu'elle donne à l'économie le temps de s'ajuster. On prend donc pour hypothèse que les fabricants procèdent à un ajustement. Cela soulève plusieurs questions. Premièrement, en a-t-on la moindre preuve? Il me semble que, la nature humaine étant ce qu'elle est, si le taux de change flottant permet temporairement à un fabricant d'échapper à un problème, ce fabricant ne sera pas nécessairement enclin à procéder à cet ajustement.

Pour revenir à vos commentaires antérieurs, si l'économie japonaise se redresse, les fabricants canadiens seront-ils plus concurrentiels? Profiteront-ils de la période actuelle pour apporter les ajustements nécessaires afin de devenir plus concurrentiels? En avons-nous la moindre indication? Se pourrait-il que, quand l'économie japonaise se sera redressée, nos fabricants deviennent moins concurrentiels parce qu'ils n'auront pas effectué les ajustements nécessaires? En d'autres termes, dans quelle mesure la protection dont ils bénéficient actuellement les amènera-t-elle à constater que cette protection n'était pas souhaitable parce qu'ils n'ont pas profité de l'occasion qui s'offrait à eux?

Le sénateur Austin: D'après votre modèle économétrique, à quel niveau se situe le point d'intersection entre la monnaie canadienne et la compétitivité du secteur manufacturier? En d'autres termes, quand le dollar augmente, jusqu'où doit-il augmenter avant que cette protection vis-à-vis des concurrents ne disparaisse?

M. Thiessen: Cette dernière question est plus difficile. Je ne crois pas pouvoir y répondre. Cela changerait d'un produit et d'une société à l'autre. En général, nous ne protégeons personne contre quoi que ce soit ici.

Suite à la chute des prix des produits de base, même si notre monnaie a baissé, la situation de leurs producteurs est pire qu'auparavant. Ils ne vont pas étendre leurs activités, mais vraisemblablement les réduire.

Donc, dans ce processus, on veut que les emplois perdus par ces sociétés qui se contractent se retrouvent dans des domaines présentant un potentiel d'expansion. En même temps, les exportations nettes se sont détériorées parce que les revenus à l'exportation des industries primaires sont plus faibles. Il faut donc générer davantage de revenus à l'exportation dans le secteur manufacturier.

Comment faire en sorte que cela se fasse avec le moins de heurts et aussi rapidement que possible? Un taux de change flottant permet réellement de le faire. Il encourage énormément l'expansion du secteur manufacturier parce que, disons, ses prix sont restés constants en dollar américain. Le dollar canadien a baissé, ce qui les encourage fortement à élargir leurs activités et à attirer certains des employés qui travaillaient dans les industries liées aux produits de base.

Comme le disait M. Jenkins en citant certains de ces chiffres, ce processus se déroule actuellement. Le résultat n'est pas instantané, mais on l'obtient certainement beaucoup plus facilement ainsi que si on cherche à l'obtenir par la force en faisant baisser les salaires. Pour faire baisser les salaires afin d'être plus concurrentiel, on porte le niveau de chômage à un niveau très élevé.

Le sénateur Joyal: Je reviens à la page 3 de votre mémoire, qui porte sur la question de la monnaie commune. Comme vous le savez, notre comité a appris certaines choses lors d'une table ronde le mois dernier. On y a parlé des avantages et des inconvénients ainsi que de l'importance de différentes méthodes. Dans les opinions favorables ou défavorables exprimées à cette occasion, y a-t-il quelque chose qui vous a paru nouveau ou qui vous a incité à réexaminer votre point de vue?

M. Thiessen: Non. Je pense que nous avions déjà entendu tous les arguments auparavant. Nous avions déjà pris connaissance des travaux de M. Courchesne et de M. Harris. Nous avions lu aussi certains de ceux de M. Grubel. Non, il n'y avait rien de nouveau dans tout cela. Sénateur, nous avons examiné attentivement ce domaine au fil des ans. C'est une question importante pour le Canada. Le taux de change est une chose importante. Nous avons consacré beaucoup de temps -- plusieurs années -- à nous pencher très attentivement sur ces questions.

Lorsqu'on a commencé à parler d'une union monétaire européenne, nous avons cherché attentivement à comparer la situation en Europe et la nôtre. Si ces pays jugeaient une union monétaire attrayante, y avait-il quelque chose dans leur situation dont nous devrions prendre conscience? Y avait-il quelque chose de différent qui faisait qu'une union monétaire était bonne pour eux mais pas pour nous? Nous avons examiné toute cette gamme de questions. Ce n'est pas quelque chose qui nous a pris par surprise. Nous y avons beaucoup réfléchi.

Non, je n'ai rien vu de nouveau dans cette discussion. J'ai lu la transcription.

M. Jenkins: Sur la base de ma lecture de la transcription et de l'examen de l'expérience acquise au cours de ces dernières années à propos des événements qui se sont produits dans les marchés émergents, je pense que le choix présenté ici n'inclut pas des questions telles que les taux de change fixes. Regardez ce qui s'est passé en Europe au début des années 90 et regardez l'Asie et le Brésil. Les pays qui avaient un taux de change fixe n'ont tout simplement pas pu le maintenir pour diverses raisons.

Nous avons observé très attentivement les différentes questions qui ont été discutées à propos des initiatives entreprises en vue d'une union monétaire européenne.

M. Thiessen: En fait, les deux options sont, d'une part, un taux de change flottant, et, d'autre part, une union monétaire ou une caisse d'émission; il n'y a pas grand chose entre les deux.

Le sénateur Joyal: Vous est-il possible de publier toutes vos réflexions et les études que vous avez réalisées afin que le public ait accès à ces renseignements? Vous avez dit que vous avez consacré beaucoup de temps à y réfléchir. Ne serait-ce pas utile pour la population canadienne, puisque la thèse des partisans de l'autre option est tout à fait disponible et largement diffusée?

M. Thiessen: Une bonne partie en a déjà été publiée. Je dois reconnaître que certains éléments, comme c'est généralement le cas en économie, sont plutôt de nature technique.

M. David Laidler, de l'Université Western Ontario, travaille avec nous pour un an à titre de conseiller, et il est sur le point de publier, ou l'a déjà fait, un examen complet des régimes de taux de change et de la politique monétaire qui, je pense, couvre toute la question et la couvre plutôt bien. Je dois admettre, sénateur, que, comme cela arrive généralement avec les économistes, ce qu'il dit n'est pas toujours aussi simple et aussi direct qu'on pourrait le souhaiter.

M. Jenkins: Nous pourrions certainement mettre des exemplaires du document de travail de M. Laidler à la disposition du public. Il est sorti la semaine dernière. C'est un de ceux qui ne comportent pas d'équations. De ce point de vue, il est tout à fait lisible.

Le sénateur Joyal: Pour ce qui est de la politique monétaire, vous avez parlé de ses répercussions régionales avec le sénateur Callbeck. Serait-il juste de dire que, si vous représentiez le Canada au sein de la nouvelle banque interaméricaine ou continentale, appelez la comme vous le voulez, vous auriez peut-être aussi peu d'influence sur les décisions de cette banque en matière de politique monétaire qu'en a le Canada atlantique pour ce qui est de l'établissement de la politique du Canada?

M. Thiessen: Non, je ne le pense pas. Il faut tenir compte de toutes les parties du pays, et on en tient compte en fonction de leur poids économique. C'est quelque chose que je pense que nous faisons plutôt bien. De toute évidence, plus le poids économique d'une région est grand, plus elle a d'influence sur les statistiques nationales que nous devons prendre en considération.

Je dois toutefois vous dire que je ne peux pas imaginer une banque centrale interaméricaine. Je ne crois pas qu'elle puisse exister. Si on envisage une sorte d'union monétaire, elle consisterait simplement à permettre aux gens d'utiliser le dollar américain en toute indépendance.

Le sénateur Joyal: En ce qui concerne le secteur des services financiers, est-il juste de dire que, si le dollar était notre monnaie, d'énormes pressions s'exerceraient sur le secteur financier pour qu'il soit plus ouvert aux intérêts américains qu'à l'heure actuelle avec la limite de 10 p. 100 et la protection que nous assurons à ce secteur?

M. Thiessen: Je ne sais pas si cela aurait nécessairement une telle conséquence. Il est intéressant de constater qu'en Europe, par exemple, les fusions visant à mettre les entreprises en mesure de survivre dans la zone d'union monétaire, se produisent à l'intérieur de la France plutôt qu'au niveau international. Je ne sais pas s'il y aura en fin de compte beaucoup de mouvements transfrontaliers. C'est une question difficile. Je ne peux pas facilement vous répondre à ce sujet.

Le sénateur Ghitter: Messieurs, bien que, vu ma jeunesse, je ne sois pas membre de ce comité, je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer. J'attends toujours avec impatience cette occasion et j'essaie d'être là parce que je trouve que cette discussion est très enrichissante et vaut la peine.

Je dois toutefois dire qu'aujourd'hui certains des commentaires me paraissent inquiétants, à cause de votre détermination et de votre parti pris consistant à privilégier la question du prix des produits de base. Venant de l'Ouest, je sais ce que ces prix peuvent faire à une économie. On avait l'impression que vous indiquiez constamment que les prix des produits de base constituaient le problème fondamental et la cause de nombre de nos problèmes. Je suis d'accord avec cela dans une certaine mesure, mais, s'il en est ainsi, cela veut dire que nous avons depuis quelques temps dans notre pays des politiques économiques vouées à l'échec.

Notre pays s'en tirerait certainement beaucoup mieux si nous ne nous reposions pas autant sur la vente de nos ressources et si nous cherchions à obtenir davantage de valeur ajoutée. Je trouve très préoccupant que, même aujourd'hui, nous entendions le gouverneur de la Banque du Canada laisser entendre que les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont dus à la chute des prix des produits de base. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Ma deuxième question porte sur les commentaires de mon collègue, le sénateur Oliver, à propos de la cohérence dont la Banque a fait preuve au cours de ces dernières années. Je me rappelle être venu à cette même réunion il y a trois ou quatre ans et être intervenu en faveur d'une réduction des taux d'intérêt. Si ma mémoire est bonne, on nous a dit à ce moment-là qu'il fallait se montrer très prudent en matière de réduction des taux d'intérêt parce que cela aurait des répercussions sur notre dollar, alors que nous devions le défendre.

Je me rappelle également qu'on m'a dit, après cette réunion, que nous devrions faire attention à ce que notre dollar ne chute pas trop parce que, si cela se produisait, cela encouragerait un manque d'efficacité et de productivité dans nos industries et dans notre pays. Il me semble que vous présentez maintenant un argument quelque peu différent, et j'aimerais également savoir ce que vous en pensez.

M. Thiessen: Je dois expliquer cela plus clairement que, de toute évidence, je ne l'ai fait jusqu'à présent. Je ne vous dis pas, sénateurs, que la chute des prix des produits de base est à l'origine de tous les problèmes de nature économique auxquels le Canada est confronté, mais que notre économie serait plus forte qu'elle ne l'est actuellement si nous n'avions pas subi le choc qui a frappé ces prix. En fait, à mon avis, notre économie fonctionnerait maintenant à plein régime si ce choc n'avait pas eu lieu.

L'autre chose que je vous dis est que notre monnaie aurait un cours plus élevé que maintenant si nous n'avions pas été frappés par cette baisse des prix des produits de base. Je ne dis pas que toutes les questions qui peuvent être liées à la croissance à long terme de la productivité, à la fiscalité ou à la taille du gouvernement sont rattachées d'une façon ou d'une autre aux produits de base.

Je dis que notre économie serait actuellement dans une phase plus forte de son cycle et que notre monnaie vaudrait davantage, si ce n'était des prix des produits de base. C'est là tout ce que je vous dis, et rien d'autre.

Le sénateur Ghitter: Quels conseils donnez-vous au gouvernement ou à la population du Canada quant à la façon dont notre pays pourrait moins dépendre des prix des produits de base?

M. Thiessen: C'est une question intéressante. Si nous ne pouvons pas les produire, les exporter, réaliser un bon profit, créer de nombreux emplois et verser des salaires raisonnables, nous devrions laisser tomber les produits de base, et cela se fera automatiquement. Si, toutefois, nous continuons de nous débrouiller assez bien à cet égard et si nous pouvons générer de bons revenus pour les Canadiens en les produisant, je ne vois pas pourquoi nous devrions nous tourner vers autre chose.

Oui, les prix des produits de base évoluent de façon cyclique. Toutefois, si, en moyenne et au fil du temps, ce cycle permet à notre pays d'être plus riche qu'il ne le serait autrement, je ne vois pas pourquoi nous devrions nous en plaindre. En fait, à mon avis, le Canada ne serait pas aussi riche qu'il l'est actuellement si nous n'avions pas la chance de posséder une grande quantité d'industries liées aux produits de base. Il se peut fort bien que le déclin de ces industries continue au fil des ans parce que nous pouvons gagner plus d'argent et devenir plus prospères en faisant d'autres choses. Si c'est vrai, c'est ce qui se passera. Je ne suis toutefois pas convaincu que la politique gouvernementale devrait favoriser l'abandon de ces choses-là, sur lesquelles repose fondamentalement la richesse du Canada.

Le sénateur Ghitter: Je ne pense pas que qui que ce soit propose déjà cela. Je viens d'une région où nous avons des ressources non renouvelables en voie d'épuisement. Nous devons avoir des politiques économiques favorisant une diversification afin que nous dépendions moins de ces ressources non renouvelables. À long terme, il est important pour le pays que nous ayons des politiques qui nous permettent de moins dépendre des produits de base et qui mettent davantage l'accent sur l'ensemble de nos activités économiques. À en juger par vos observations de ce matin, c'est peut-être ce qui manque.

M. Thiessen: Il est certainement vrai qu'il faut gérer très prudemment les ressources non renouvelables. Je suis certainement d'accord. Il faut tenir compte du fait qu'elles sont non renouvelables. Je n'ai rien à redire à cela.

Je réagis simplement un peu à l'idée selon laquelle, étant donné que nous sommes actuellement dans le bas du cycle des prix des produits de base, ce serait une mauvaise chose d'avoir ces produits et d'être capables de les produire de façon efficace et d'en tirer un profit.

J'espère, sénateur, que vous avez déformé ce que j'ai dit à une autre occasion à propos de la question des taux d'intérêt et de la défense du dollar parce qu'en toute franchise, ce n'est pas précisément comme cela que j'expliquerais la chose. La valeur du dollar canadien est importante pour notre économie. Nous l'examinons tout le temps. Comme je le disais tout à l'heure, nous essayons constamment de déterminer si l'effet combiné du niveau des taux d'intérêt et du cours du dollar canadien permettra à notre économie de s'orienter vers un fonctionnement à plein régime sans pression inflationniste. Voilà ce que nous essayons de faire. Nous examinons donc toujours la situation du dollar canadien.

Si le dollar devait chuter fortement et si nous avions l'impression que cela risquerait d'entraîner une expansion incroyablement rapide de notre économie et de se traduire par des pressions inflationnistes, nous réagirions alors face à cette situation, et vice-versa.

Le sénateur Ghitter: En vue des discussions que vous pourrez avoir avec le ministre des Finances, je vous signale une motion dont le Parlement a été saisi au sujet de la taxe Tobin. Sa teneur était que le gouvernement devait promulguer une taxe sur les transactions financières en concertation avec la communauté internationale. Je remarque que le ministre des Finances a voté en faveur de cette résolution. Cela peut vous intéresser, monsieur.

Le président: Je ne pense pas qu'une réponse soit nécessaire.

Le sénateur Austin: Je voudrais mentionner brièvement deux choses. Premièrement, vous nous avez invités à commenter la façon dont la Banque du Canada est administrée. Je voudrais vous poser une question au sujet de votre conseil d'administration et vous demander si vous le consultez au sujet des questions comme celles qui ont été mentionnées autour de cette table. Discutez-vous avez ses membres du scénario concernant les taux d'intérêt? De la question du taux de change? Avez-vous, par exemple, discuté, au cours des 12 derniers mois, des avantages respectifs d'un taux fixe et d'un taux flottant? Je ne veux pas entamer une telle discussion; mais quel genre de discussion y a-t-il au niveau du conseil d'administration?

M. Thiessen: La Loi sur la Banque du Canada prévoit que mes collègues du conseil de direction et moi-même sommes responsables de la politique monétaire. Le conseil d'administration est chargé de la gestion d'ensemble de la Banque et de la façon dont elle administre les deniers publics. Cela veut dire qu'il essaie de se faire une idée de la qualité de notre gestion de la politique monétaire, de la monnaie et des autres choses que nous faisons.

Si on prend l'exemple de l'industrie chimique, on ne dit pas que tous les membres du conseil d'administration d'une entreprise doivent être des chimistes. Ce qu'ils doivent savoir est si la direction prend ou non de bonnes décisions. C'est ce que notre conseil d'administration cherche à déterminer. Nous parlons de toutes ces questions avec lui, mais les décisions sont prises par le gouverneur et le conseil de direction.

Le conseil d'administration doit essayer d'établir des points de repère au sujet de notre travail. Ce n'est pas trop difficile pour ce qui est de la gestion des ressources humaines ou des ordinateurs, mais ça le devient un peu plus quand on parle de politique monétaire. Non seulement nous indiquons à ses membres ce que nous faisons en matière de politique monétaire et pourquoi nous le faisons, mais nous lui communiquons les jugements portés par le Fonds monétaire international et l'OCDE sur la politique monétaire canadienne. En fait, il y a un an, le conseil d'administration s'est réuni à huis clos avec deux dirigeants du Fonds monétaire international, qui ont donné leur avis sur la qualité de l'analyse économique utilisée pour établir notre politique monétaire.

Le sénateur Austin: Je vous remercie de votre réponse, monsieur.

Certains pensent que la direction de la Banque du Canada ne reçoit aucun conseil en ce qui concerne les régions. Je suis sûr que ce n'est pas réellement le cas. Je suis sûr que les membres du conseil d'administration qui viennent de la Colombie-Britannique ou de la Saskatchewan expriment un point de vue régional quand vous débattez de ces questions. Toutefois, convenez-vous qu'on n'a pas l'impression que les régions jouent un rôle ou exercent une influence et pensez-vous qu'il y a une façon de faire en sorte que la composition du conseil d'administration permette aux régions en question de se sentir mieux représentées? Votre conseil en a-t-il discuté?

M. Thiessen: Non. Notre conseil est plus actif et mieux connu dans les régions d'où viennent ses membres que vous ne voulez peut-être le reconnaître. Nous sommes probablement parfois plutôt discrets. Nous avons des représentants régionaux. Il y a des représentants de la Banque du Canada en Colombie-Britannique, dans les Prairies, en Ontario, au Québec et dans le Canada atlantique. Leur travail est de nous tenir au courant. Comme vous le dites à juste titre, nos administrateurs n'hésitent pas à nous dire s'ils pensent que nous ne nous rendons pas tout à fait compte de ce qui se passe dans leurs régions.

Nous essayons également de nous y rendre aussi fréquemment que possible. C'est ainsi que Paul Jenkins va aller à Vancouver, à Victoria ou dans l'Okanagan pour rencontrer notre administrateur et nos représentants de cette région afin de discuter avec eux de ce qui se passe dans l'économie et de la politique monétaire. Le dernier endroit où il s'est rendu était Prince George. Une partie de notre travail consiste à essayer d'aller sur place pour faire en sorte que nous comprenions ce qui se passe.

Le sénateur Austin: Je suppose qu'à votre avis, aucun changement de fond n'est nécessaire pour le moment.

M. Thiessen: Je suis plutôt satisfait de la façon dont les choses se passent à l'heure actuelle, oui.

Le sénateur Austin: Il n'y a donc aucun changement fondamental. En ce qui concerne l'impression qui a cours, pensez-vous que le message que communique la Banque du Canada est qu'elle est à l'écoute des préoccupations des régions?

M. Thiessen: J'espère que ce message deviendra plus clair et plus manifeste à l'avenir.

Le sénateur Austin: Je vous donne l'occasion de le faire.

Mon autre question concerne le rôle de l'or comme valeur de réserve. Ce rôle a apparemment diminué de façon spectaculaire, dans le sens où l'or est devenu un produit comme n'importe quel autre. Pourriez-vous dire ce que vous pensez du rôle de l'or?

M. Thiessen: Il diminue certainement. L'époque où les gens sentaient la nécessité de posséder une certaine quantité d'or pour garantir leur papier monnaie n'est plus. On a annoncé cette semaine la disparition du dernier vestige qui subsistait en Suisse. C'est peut-être le dernier pays industriel qui a le moindre lien de cette nature.

La plupart des banques centrales et des gouvernements possèdent encore une certaine quantité d'or. C'est essentiellement par souci de ce qui se passerait si le système financier international se démantelait complètement. Il y a des chances infimes que cela arrive, mais, bien entendu, ce serait alors catastrophique. L'or pourrait bien être une monnaie internationale utile dans un tel cas. Donc, la plupart des banques centrales, la plupart des pays, continuent à posséder une certaine quantité d'or. Beaucoup de pays pensent que cette quantité n'a pas à être très importante. Beaucoup se débarrassent de ce qu'ils considèrent comme des stocks d'or excessifs.

Le président: Je tiens maintenant à remercier le gouverneur et le sous-gouverneur d'avoir passé deux heures très intéressantes avec nous. Nous vous en sommes reconnaissants.

La séance est levée.


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