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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 50 - Témoignages pour la séance du matin, le 28 avril 1999


TORONTO, le mercredi 28 avril 1999

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est réuni aujourd'hui à 9 heures afin d'examiner l'état actuel du système financier au Canada (financement par actions).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, afin de poursuivre notre discussion sur le financement par actions, nous accueillons ce matin deux groupes de témoins. Dans le premier groupe, nous recevons le professeur Jeffrey MacIntosh, de l'école de droit de l'Université de Toronto. Nombre d'entre vous se souviendront que le professeur MacIntosh avait rédigé à notre intention un article sur la gestion du fonds de pension. Mme Mary Macdonald est présidente de sa propre entreprise, et elle a témoigné devant le comité à au moins deux reprises, et je me souviens qu'elle était intervenue à propos de questions relatives à la petite entreprise. M. Brien Gray, le premier vice-président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, a aussi témoigné devant le comité en rapport avec d'autres mesures législatives et études. Merci beaucoup à tous de vous être présentés.

Je suggère que chacun de vous preniez de cinq à 10 minutes pour exposer l'essentiel de vos positions, et nous vous interrogerons ensemble par la suite. Jetons d'abord les idées sur la table, et nous procéderons à partir de là.

M. Brien Gray, premier vice-président, Politique administrative, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante: Honorables sénateurs, c'est un grand plaisir pour moi d'être ici, et je félicite le comité d'entreprendre l'examen de l'apport de capital des petites entreprises au Canada. De toute évidence, ce secteur a été trop peu étudié et passablement négligé par les décideurs au Canada.

Vous vous souvenez peut-être que, lors de mes interventions précédentes devant vous et d'autres en rapport avec le grand débat sur la dette bancaire, j'ai suggéré l'idée que, lorsque nous parlons de capital dans ce pays, nous devons vraiment parler d'une stratégie sur deux fronts. La dette bancaire forme une partie de l'équation, mais les capitaux propres forment l'autre. Nous avons tendance à concentrer notre attention sur la dette bancaire, mais si l'on ne tient pas compte des capitaux propres, on se concentrera toujours sur le capital bancaire. Je crois que si nous voulons développer des entreprises dans ce pays au rythme souhaité, nous devons réaliser qu'il faut examiner l'apport de capitaux propres pour le marché des PME, et amener de nouveaux outils à ce secteur.

Afin de comprendre la perspective que j'essaie d'apporter au débat aujourd'hui, il est important de comprendre la présence unique et les caractéristiques particulières du marché des petites entreprises au Canada. Je parlerai seulement du point du vue des consommateurs en bout de ligne de ce que j'appelle le «continuum des besoins en capitaux propres».

Comme vous pouvez le voir à l'annexe A, 78 p. 100 de toutes les entreprises canadiennes comptent cinq employés ou moins. Environ 94 p. 100 des entreprises ont 20 employés ou moins, tandis que 97 p. 100 en comptent 50 ou moins. Le secteur des services financiers n'est pas concentré à Toronto, que ce soit pour notre organisation ou pour les petites entreprises en général. Il y a de petites entreprises partout au pays. Donc, toute politique que vous élaborez doit être construite et fondée sur des solutions qui conviennent à l'ensemble du Canada.

Pourquoi donc l'offre de capitaux propres est-il devenu si important pour les petites entreprises au Canada? Je dois dire que l'accès aux capitaux propres n'est pas une problématique qui se pose uniquement Canada; au contraire, c'est un problème dans la plupart des nations développées du monde. Toutefois, la question au Canada est devenue un peu plus problématique ces derniers temps, en partie parce que les gouvernements ont changé l'orientation de leurs politiques en matière d'investissement et de fiscalité durant les deux dernières décennies, mais sans avoir examiné l'incidence cumulative de ces politiques sur la restriction du flux de capitaux propres sur le secteur des petites entreprises.

Lorsque nous avons demandé à nos membres d'identifier la source la plus appropriée de capitaux propres pour leur entreprise, 56 p. 100 ont indiqué l'épargne personnelle, 45 p. 100 ont indiqué des réductions d'impôt qui entraîneraient une augmentation des bénéfices non répartis et 19 p. 100 ont parlé d'un traitement plus favorable des gains en capital. Vous trouverez cette information à l'annexe B.

Qu'est-il arrivé à ces sources d'apport au cours des 25 dernières années? Les changements apportés à la composition des recettes fiscales imposés par le gouvernement aux entreprises sont un élément qui a nui à l'offre de capitaux propres. Il y a 20 ans, nous avions un système d'imposition relativement progressif qui était fondé sur l'impôt sur le revenu des corporations, tandis qu'aujourd'hui le régime fiscal fait davantage appel à l'impôt ne s'appliquant pas au bénéfice, comme les charges sociales et l'impôt sur le capital.

La croissance du régime fiscal ne s'appliquant pas au bénéfice décrite dans l'annexe C démontre ce fait. Depuis le début des années 80, ce type d'impôt a augmenté énormément, tandis que l'impôt s'appliquant au bénéfice a graduellement diminué. L'effet sur les entreprises qui dépendent des bénéfices non répartis pour grossir l'avoir des actionnaires est évident: des bénéfices plus faibles, moins de bénéfices non répartis, une capacité restreinte à augmenter l'avoir des actionnaires de l'entreprise, ainsi qu'une possibilité de croissance limitée.

Sans doute, l'une des raisons pour laquelle la période de création d'emplois postrécession a produit moins d'emplois que ce que le gouvernement attendait est que les entreprises qui ont eu la chance de survivre ont dû puiser abondamment dans l'avoir des actionnaires. Le recours grandissant à l'impôt ne s'appliquant pas au profit rendra les choses plus difficiles aux entreprises qui veulent renflouer leur capital-actions.

Quoi d'autre a changé lors des deux dernières décennies? Deux développements importants se sont produits. Tout d'abord, étant donné que le seuil de déduction accordé aux petites entreprises n'a pas été modifié depuis 1981, la valeur de la déduction a été sérieusement grugée. Deuxièmement, il y a eu un resserrement du système d'imposition des gains en capital, dont une augmentation du taux d'inclusion de 50 à 75 p. 100.

Les effets de l'insuffisance des capitaux propres sont nombreux et variés, dépendant de la taille de l'entreprise et de son stade de croissance. Les effets sont, entre autres: dépendance trop forte ou inadéquate à l'égard des capitaux d'emprunt; vulnérabilité accrue de l'entreprise; faible marge de manoeuvre pour financer les risques de perte; accès limité au fonds de roulement pour financer la R-D, la mise en marché, les stocks ou l'exportation; croissance sous-optimale; productivité, croissance et emplois sous-optimaux. Nous entendons beaucoup le mot «sous-optimal» ces jours-ci.

Trop souvent dans le passé, les débats entourant l'offre de capitaux propres dans les entreprises canadiennes se sont concentrés sur les marchés publics et le capital de risque. Cela se comprend. Ces intervenants dominent leurs marchés. Il est aussi juste de dire qu'ils servent très bien leurs marchés. Cependant, il est important de remarquer que ces joueurs ne servent en grande partie pas notre marché.

En effet, l'annexe B démontre ce point. Cinq pour cent des membres font appel à des sociétés à capital de risque de travailleurs ou à des investisseurs en capital de risque. Les marchés publics ne sont tout simplement pas une option, et des études répétées ont démontré qu'il y a un sérieux problème d'accès aux capitaux propres dans les catégories de petite envergure, particulièrement chez les moins de 1 million de dollars.

Par exemple, quelles sont les possibilités réelles d'une entreprise à la recherche de 50 000 dollars à 1 million de dollars? Au Canada, nous avons essayé sans grand succès divers programmes. Nous devons analyser cette question conceptuellement selon notre perspective, en fonction d'un continuum des besoins, c'est-à-dire en tenant compte du besoin par rapport à la taille de l'entreprise et à son stade de développement. Nous devons mener une sérieuse analyse de l'écart, et des solutions appropriées doivent être développées pour combler cet écart.

D'aucuns diraient que nous devrions nous soucier uniquement des entreprises à forte croissance, d'exportation ou à technologie de pointe. Nous croyons que ce serait une grave erreur. Nous avons besoin d'une approche équilibrée. Il est insensé de venir en aide à la somptueuse reine des abeilles si les abeilles ouvrières ne survivent pas. Du reste, lors des étapes préliminaires, il est impossible de prévoir quelles entreprises croîtront rapidement et quelles entreprises suivront la voie d'une croissance plus modeste. Nous avons besoin des deux types d'entreprises ainsi que de la richesse et des emplois qu'elles créent afin de bâtir une économie efficace et de maintenir un équilibre régional dans la croissance économique de ce pays.

Nous devons examiner de nouvelles approches pour satisfaire les besoins en capitaux propres des petites entreprises. La FCEI, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, croit que, à l'extrémité inférieure du continuum, des changements dans la politique fiscale seraient l'approche la plus efficace. À mesure que l'on se déplace vers l'autre extrémité du continuum des besoins, des outils différents peuvent être utiles. Nous devons trouver des méthodes pour stabiliser nos entreprises, pour les hisser jusqu'aux marchés des capitaux les plus fiables. Pour accomplir cela, nous avons besoin d'approches nouvelles pertinentes pour la petite entreprise, et j'inclus dans le document quelques-unes des recommandations faites en 1994 par le comité de travail sur la petite entreprise.

J'aborde aussi d'autres questions connexes comme la pénurie de consultants, et comment les lois sur la responsabilité influent sur ce phénomène, ainsi que la question des investisseurs avertis. Je n'entrerai pas ici dans le détail de ces questions.

Nous parlons aussi des causes et des conséquences du fait d'avoir un secteur sous-développé pour les entreprises de taille moyenne au Canada. Il est réellement néfaste pour nous, en tant que nation, de voir que des entreprises qui passent dans la catégorie de taille moyenne sont achetées par des compagnies étrangères, pour ensuite utiliser du capital étranger pour se développer. Je pense que M. Doyle a effleuré ce sujet hier.

Au Canada, comme dans la plupart des pays développés, le marché de l'investissement officieux est inférieur en taille au marché public. Malheureusement, le potentiel est demeuré largement inutilisé. Des approches fiscales novatrices doivent être développées pour amener l'argent à des fins productives. Une telle stratégie doit être une approche équilibrée. Le cadre de politique devrait contribuer à déplacer l'argent où il est nécessaire, sans égard à la taille, au secteur ou à la situation géographique. Les stratégies seront différentes selon la taille de l'entreprise et les montants nécessaires. En bout de ligne, nous demandons une approche qui va servir le continuum des besoins en matière de capitaux propres des plus petites jusqu'aux plus grandes entreprises.

Nous savons que vous êtes au début de vos procédures, et nous voulons offrir quelques observations et des recommandations préliminaires. De plus, dans les prochains mois, la FCEI effectuera des recherches approfondies pour documenter l'aspect de la demande du point de vue des PME. Les contributions de tous sont les bienvenues.

Comme pour les statistiques sur les prêts bancaires, il est important de diffuser tous les détails concernant l'activité des fonds de capital de risque de travailleurs et des autres investisseurs de capital de risque, particulièrement lorsque ces entités sont soutenues par des mesures fiscales. La FCEI appuie une campagne d'éducation sur les sources de capital pour les PME, mais aimerions vous prévenir qu'une telle campagne ne devrait pas créer d'attentes irréalistes.

La FCEI encourage le Sénat à entreprendre des recherches ou des analyses d'écart originales et complètes, qui tiennent compte des besoins de l'offre dans diverses catégories d'investissement dans le secteur des PME.

La FCEI insiste énergiquement pour que tous les paliers de l'administration publique laisse tomber les formes d'imposition ne s'appliquant pas au profit. Nous recommandons que vous pensiez à augmenter la déduction pour petites entreprises à 400 000 dollars sur une période de cinq ans. La FCEI appuie les mesures visant à encourager l'investissement dans le secteur des PME du Canada, et les mesures incitatives actuelles sont axées surtout sur les sources de sociétés et les fonds de capital de risque de travailleurs. Nous croyons que vous devriez penser à abaisser le taux d'inclusion et que vous devriez aussi penser fixer à un taux plus faible pour les entreprises, pour les investissements qui sont faits pour plus de cinq ans dans une SPCC, une société privée sous contrôle canadien. Assouplissez les restrictions au REER, et vous pouvez envisager une augmentation du seuil d'investissement admissible de 25 000 à 50 000 dollars. Nous pensons que vous devriez examiner la possibilité de déduire les pertes d'investissement du revenu.

Nous pensons que vous devriez examiner l'efficacité de ACEnet, du service de liaison électronique de la U.S. Small Business Administration, afin d'envisager une éventuelle imitation au Canada.

Enfin, nous voulons dire que vous engagiez le secteur de la consultation à devenir plus actif pour ce qui est d'aider leurs clients à être «prêts à investir», à identifier des sources de capital et à faciliter la conclusion d'ententes.

Pour conclure, nous félicitons le comité permanent d'entreprendre cette consultation. Cet examen s'impose depuis déjà longtemps, et nous vous encourageons à prendre le temps d'examiner les aspects de l'offre et de la demande du marché unique que sont les PME. Les clés des possibilités de développement de notre secteur sont entre vos mains. Les dirigeants de petites entreprises de tout le pays espèrent que vous trouverez les bonnes solutions, et nous sommes déterminés à vous aider.

Mme Mary Macdonald, présidente, Macdonald & Associates Limited: Je suis ravie d'être ici aujourd'hui. Ainsi que je l'ai mentionné au sénateur Kirby avant que nous ne commencions, j'ai lu votre exposé, et je dois avouer que je suis un peu jalouse de ce que vous ayez eu la chance de prendre du recul et de regarder ce que je considère comme une question cruciale. Je faisais autrefois passablement de recherche et d'analyse de politique dans ce domaine en adoptant une perspective conceptuelle, et j'ai aussi passablement écrit et publié par l'entremise du Conseil des sciences. Je crois que le fait que notre société spécialisée dans l'information soit maintenant si affairée est un signe de ce qui se produit dans l'industrie du capital de risque, mais j'ai très rarement la possibilité de prendre un recul significatif pour examiner la situation.

Je crois que la meilleure manière d'utiliser mon temps de ce matin est de parcourir brièvement de l'information. Je crois que vous avez tous reçu une copie de cette brochure. J'ai rassemblé des données sur les activités du secteur du capital de risque du marché boursier qui à mon avis donnent un contexte utile et font référence à nombre de questions qui sont ressorties de vos discussions antérieures.

Ainsi que le signifiait M. Gray à propos d'un continuum, je crois que l'un des vrais défis pour ce qui est du capital-actions pour les PME est d'être en mesure de se distinguer au sein du monde des PME. C'est une chose toujours particulièrement difficile dans un environnement politique.

D'un point de vue simplifié, comme vous le voyez dans le premier graphique, on peut diviser les petites et moyennes entreprises en trois catégories basées sur le potentiel de croissance. La nature de leur potentiel de croissance déterminera en grande partie le type de capital dont elles auront besoin pour se développer.

Gordon Sharwood en parlera plus en détail plus tard, mais, je crois que le principe fondamental est que les PME ne sont pas toutes les mêmes et que leurs besoins financiers diffèrent. Les compagnies à faible croissance, que nous appellerions des compagnies de type «mode de vie», qui sont des entreprises de 3 ou 4 millions de dollars; elles sont extrêmement importantes pour l'économie, mais ne seront pas candidates au financement par actions externe.

Les compagnies à croissance moyenne qui peuvent atteindre jusqu'à 10 ou 12 millions de dollars nécessitent quant à elles du financement par actions. Elles représentent un défi particulièrement intéressant. Bien que nous ayons suivi l'évolution de produits qui sont presque du financement par actions, qui ont fait l'objet de vos discussions, le segment du capital de risque du marché, le produit pur du financement par actions, est axé principalement sur les sociétés à forte croissance, c'est-à-dire des sociétés qui aujourd'hui sont petites mais qui ont le potentiel de devenir des entreprises de 30, 40 ou 50 millions de dollars. De toute évidence, c'est là que se concentre le marché du capital de risque.

Pour ce qui est de l'offre de capital et du besoin de financement par actions, du point de vue de la politique gouvernementale, je crois qu'il est très important de distinguer entre ces différents types de sociétés. Le résultat, bien sûr, est que toutes les PME ne seront pas candidates. Avec certitude, je dirais à vue de nez que peut-être 3 ou 4 p. 100 des petites et moyennes entreprises seraient en fin de compte candidates pour le capital de risque. Toutes les PME ne seront pas non plus candidates au financement par actions.

Le second graphique vous indique la provenance du capital destiné à l'industrie du capital de risque durant les cinq ou six dernières années. Au Canada, les particuliers ont été une source déterminante. Nous avons eu chaque année des influx de nouveaux capitaux assez forts, de l'ordre de plus de 1 milliard de dollars depuis 1994. En 1998, nous avons eu 1,949 milliard de dollars de nouveau capital mais, ainsi que je l'ai mentionné, il provenait largement de particuliers. Du milliard de dollars qui a été investi par des particuliers en 1998, une partie importante provenait du véhicule des fonds de capital de risque de travailleurs. Sans aucun doute, ils ont été déterminants pour la stabilité de l'offre au cours des années 90. Nous commençons à voir des changements à ce niveau, avec d'autres sources parvenant au marché depuis quelques années.

Les acteurs sociétaires au Canada sont principalement les banques, qui ont des activités de capital de risque distinctes, et les filiales de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui oeuvrent particulièrement dans le marché du capital de risque. Nous incluons ce dernier groupe dans le groupe des sociétés afin de ne pas être obligés de les traiter séparément. Comme vous pouvez le voir, l'apport des sociétés a aussi été très important.

Les fonds de pension ont été une source très limitée de capital au Canada, même s'ils étaient un acteur clé au milieu des années 80. À la fin des années 80, ils se sont retirés du marché au Canada, comme ils l'ont fait aux États-Unis. La différence est que, aux États-Unis, ils sont revenus sur le marché en 1991, alors qu'ils ne sont pas revenus ici. Je crois qu'un éventail de raisons liées à la performance et à la structure expliquent ce fait. Je suppose que vous avez discuté du rapport que le Centre canadien du marché du travail et de la productivité a produit en janvier dernier -- «Prudence, patience et des emplois: Les placements des caisses de retraite dans une économie en évolution». J'ai travaillé à une bonne partie de la recherche pour ce rapport. Il y a des enjeux importants dont les fonds de pension ont à tout le moins commencé à débattre, et nous pouvons en discuter plus en détail si vous le souhaitez.

À l'exception de quelques fonds d'investissement étrangers -- qui pourraient faire l'objet d'un autre débat -- il n'y a pas d'investisseurs étrangers qui investissent spécifiquement dans les véhicules de capital de risque canadiens. En fait, certaines règles de retenue fiscale rendent difficiles les choses pour un fonds de pension américain lorsqu'il est question d'investir dans un véhicule canadien de capital de risque. Les règles risquent de gâcher le partenariat et de désarçonner tout le monde. Il y a donc clairement une mesure dissuasive ici, à mon avis.

Le prochain graphique compare la structure qui résulte de ces sources de capital à la situation qui prévaut aux États-Unis. Le véhicule traditionnel de capital de risque est ce que l'on appelle un fonds privé indépendant. C'est un groupe d'investisseurs en capital de risque qui s'adresse aux fonds de pension du marché privé, aux compagnies d'assurance, et cetera, pour augmenter son capital. Aux États-Unis, 75 p. 100 de l'industrie -- qui gère présentement 84 milliards de dollars -- est formée de fonds indépendants privés. Le chiffre correspondant au Canada est 19 p. 100. À l'évidence, nous devons affronter des enjeux structuraux concernant la mise en valeur de cet argent institutionnel.

Les fonds de capital de risque de travailleurs constituent 50 p. 100 des 10 milliards de dollars investis actuellement au Canada. Ainsi que je l'ai mentionné, ils ont joué un rôle déterminant ces dernières années. Leur importance relative commence à diminuer, et je crois que l'on assiste à l'évolution d'un marché plus équilibré.

Pour revenir aux fonds de pension quelques instants, des 22 milliards de capitaux frais qui sont entrés dans l'industrie l'année dernière aux États-Unis, 60 p. 100 provenaient de fonds de régime de pension. Sur un peu moins de 2 milliards de dollars de nouveau capital qui est entré dans l'industrie l'année dernière au Canada, 6 p. 100 provenait de fonds de pension. Je crois que, étant donné la taille du marché canadien, il est très improbable qu'il attire une aussi large proportion des nouveaux influx du secteur des fonds de pension, mais il y a ici un enjeu qui exige de plus amples discussions.

Ceci dit, et étant donné l'importance relative des particuliers, je crois qu'il est assez clair que pour la stabilité et la sécurité de l'offre dans l'avenir, il est très important que le gouvernement maintienne une certaine stabilité dans ses programmes existants. Les fonds de travailleurs se sont établis comme jouant un rôle central et on ne voudrait pas déstabiliser cette situation pour attirer d'autres sources de capital.

À l'égard des individus en tant que source de capital, je voudrais parler brièvement du fait que, depuis quelques années, nous avons vu une poignée de petites sociétés d'investissement de capital de risque mises sur pied grâce à l'engagement de capital effectué par des personnes fortunées. Sans aucun doute, vous entendrez parler plus longuement de cela aujourd'hui, étant donné les gens qui témoignent devant le comité. En fait, les prochains témoins, Barry Laver, Brad Ashley et Vernon Lobo, ont tous trois créé ces dernières années des véhicules de capital de risque qui ont été établis principalement au moyen d'engagements de 5 à 10 millions de dollars par des personnes détenant des actifs nets élevés qui étaient prêtes à mettre cet argent en jeu. Dans certains cas, ces personnes ont amassé un capital additionnel à partir de cette base. Je crois que David Latner, de XDL, témoignera aussi. Après que Delrina Corporation, le créateur de WinFax, ait été vendu à Symantic, Dennis Bennie a pris une part considérable de capital pour créer XDL.

Il est important d'écouter attentivement ce que ces gens ont à dire, parce que nous sommes enfin en train de bâtir un groupe d'entrepreneurs canadiens qui ont fait beaucoup d'argent grâce à leurs efforts. Nous voulons certainement disposer d'un environnement fiscal qui encourage ces individus à recycler ces gains.

Après qu'il a eu mis sur pied XDL, Dennis Bennie a affirmé que si l'impôt sur les gains en capital avait été plus bas, il aurait probablement accru le montant d'argent qu'il a placé dans XDL. Le montant que nous leur laissons pour travailler détermine le montant qu'ils réinvestissent en fin de compte. Voilà un enjeu important.

Les quelques graphiques qui restent révèlent la perception qu'il y a une énorme offre excédentaire sur le marché. Certains témoins ayant comparu devant ce comité ont abordé la question de l'argent qui dort dans de grands coffres-forts et qui n'est pas utilisé. Dans ce graphique, nous avons pris le montant de capitaux réunis chaque année, y compris l'argent entrant dans les fonds de travailleurs, et nous avons soustrait les 30 p. 100 qu'ils ne sont pas censés investir en tant que capital de risque. En fait, ce pourcentage varie. Au Québec, c'est 40 p. 100, et 20 p. 100 en Colombie-Britannique, donc nous utilisons 30 p. 100 comme moyenne. En tous cas, étant des fonds mutuels, il y aura une marge qui n'est pas vouée à être utilisée dans des véhicules de capital de risque. Si vous la soustrayez, vous voyez que, en fait, pour les trois dernières années, la demande a facilement absorbé, sinon excédé l'offre. Encore une fois, à mon avis, cela souligne l'importance d'une politique gouvernementale qui dans tout contexte encourage et assure la stabilité de l'offre pour l'avenir.

Les entrepreneurs canadiens ont commencé à croire qu'ils peuvent accéder au capital s'ils représentent des sociétés à forte croissance. Il y a cinq ans, si vous étiez une compagnie de logiciels et que vous aviez besoin de 3 millions de dollars, il y avait de bonnes chances que vous ayez des problèmes pour les obtenir. Aujourd'hui, si vous êtes une compagnie de logiciels avec un potentiel de croissance, vous pouvez non seulement trouver trois millions de dollars mais encore, vous pouvez avoir accès à des lots additionnels et obtenir les 10 ou 12 millions de dollars dont vous avez besoin pour faire une souscription initiale.

Je crois que lorsque Michel Ré s'est présenté, il a déposé le sondage d'impact économique que nous faisons pour eux chaque année. Ce sondage indique très clairement le fait que ces quantités de capital sont disponibles si une compagnie se rend jusqu'au marché de l'émission publique initiale.

Étant donné qu'il y a eu des discussions à propos de l'investissement de démarrage, j'ai inclus un graphique pour vous montrer que, en fait, les investissements en capital de démarrage sont en hausse au Canada. Nous avons vu quelques fonds: le Eastern Technology Seed Fund, le Western Technology Seed Fund, et le Fonds de découvertes médicales canadiennes. La Banque Royale a mis sur pied trois ou quatre nouveaux fonds de démarrage. De toute évidence, le capital de démarrage est en évolution au Canada. Ces fonds se concentrent particulièrement sur des occasions d'investissement dans la technologie à des étapes très préliminaires du développement, des entreprises ayant un potentiel commercial significatif. Encore une fois, ces fonds ne sont pas destinés à se concentrer sur des sociétés qui nécessitent moins de 1 million de dollars, parce que ces sociétés ne croîtront que jusqu'à une taille relativement petite. Plutôt, ils forment les lots à haut risque des sociétés à fort potentiel de croissance.

Le dernier graphique montre que, si nous avons parcouru un bon bout de chemin, nous avons toujours du travail à accomplir. C'est simplement une comparaison per capita du Canada et des États-Unis sur le plan des déboursés. Je ne peux vous fournir les chiffres exacts, mais l'écart était beaucoup plus grand il y a cinq ans. Il se rétrécit, et je crois que nous avançons à un bon rythme.

Pour terminer, je ferai cette observation: le marché du capital de risque est, contrairement à ce que diront la plupart des théories économiques, l'endroit unique où, dans une certaine mesure, l'offre étire vraiment la demande. Il y a de trop nombreux risques à bâtir une compagnie à forte croissance pour s'y engager sans être fortement confiant de pouvoir amasser le capital nécessaire si vous avez une bonne occasion d'affaire.

Je crois que la fiabilité de l'offre a commencé à évoluer dans ce pays. Et il me semble qu'il est extrêmement important, lorsque nous pensons à des enjeux politiques, que nous gardions cela à l'esprit et nous nous assurions que, quels que soient les objets de ces politiques, la stabilité de l'offre soit prise en compte.

Je crois que nous devons poursuivre le dialogue avec le groupe des investisseurs institutionnels et celui des fonds de pension pour voir si davantage de leur argent pourrait circuler plus naturellement dans le marché, et de quelle manière. Je pense que nous devons nous assurer que nous ne décourageons pas les institutions étrangères d'appuyer nos fonds de capital de risque canadiens à mesure qu'ils continuent de croître, et que nous devons encourager les particuliers à investir leurs gains provenant de spéculations d'affaires réussies.

En conclusion, j'aimerais simplement indiquer que, chaque trimestre, nous fournissons au Globe and Mail une liste des transactions effectuées en matière de capital de risque, et ce matin ils ont imprimé la liste des 116 ententes qui portaient sur moins de 1 million de dollars. Ainsi, l'industrie du capital de risque a effectivement évolué dans ce secteur. M. Sharwood vient tout juste de faire gentiment le compte pour moi, et la moitié de ces ententes ont été conclues dans la province de Québec. Il n'y a pas de doute que la structure y est forte pour les petites ententes, principalement à cause des fonds régionaux dont je sais que vous avez discuté auparavant. Un bon nombre de petites transactions sont aussi effectuées dans le reste du pays, et, à temps perdu, vous voudrez peut-être prendre connaissance de ces faits.

Merci encore une fois pour votre invitation à participer à ce comité.

M. Jeffrey G. MacIntosh, professeur, faculté de droit, Université de Toronto: La dernière fois que j'ai témoigné devant vous, j'ai débuté par une citation du Dr Seuss. Même en ayant cherché avidement dans mon Dr Seuss et ans les contes de ma Mère l'Oie, je n'ai rien pu trouver de convenable à présenter devant le comité ce matin. Je m'en excuse. La prochaine fois, j'essaierai de faire mieux.

Mon centre d'intérêt particulier vise les PME technologiques par rapport aux PME non technologiques. Je crois que Mary Macdonald a fait une distinction du même ordre lorsqu'elle a comparé les entreprises à forte croissance à celles à faible croissance. Je crois que les PME technologiques sont particulièrement importantes pour l'économie canadienne. Une des raisons de cela est, bien sûr, que nous avons assisté à un fort mouvement d'entreprises à faible valeur ajoutée et haut pourcentage de main-d'oeuvre qui sont déplacées vers l'étranger. De plus, les économies développées de la planète, incluant le Canada, doivent de plus en plus se tourner vers les industries dites «axées sur la connaissance» pour concurrencer avantageusement à l'échelle mondiale. Je suggérerais que, lorsque nous examinons les PME du point de vue de la politique gouvernementale, l'insistance devrait porter sur les PME technologiques ou à forte croissance.

En effet, ainsi que l'a fait remarquer le Conseil du premier ministre de l'Ontario il y a quelques années, un grand nombre de PME non technologiques sont des entreprises non exportatrices, et si une PME non technologique entre en jeu, très souvent elle ne fera que remplacer une vieille entreprise non technologique avec très peu de gains nets pour l'économie. Au contraire, un grand nombre de PME technologiques sont des firmes exportatrices, et lorsqu'elles remplacent d'autres entreprises, elles dérangent des entreprises étrangères plutôt que des entreprises locales. Il me semble que cela démontre l'importance de se concentrer sur les PME technologiques.

De nombreuses PME technologiques débutent en tant que petites entreprises privées. Par exemple, prenons Microsoft. Elle a été lancée en 1975 par Bill Gates, est devenue publique au début des années 80, et nous savons où elle se situe maintenant en termes de taille et de pouvoir de marché. Intel et plusieurs autres entreprises technologiques canadiennes ont suivi un parcours semblable.

Quelle leçon est-ce que je tire de cela? Eh bien, il est important de se concentrer sur la disponibilité de capitaux propres dès le moment où une idée prend naissance, plutôt que de se soucier uniquement des entreprises qui ont un produit déjà établi.

Je vais me pencher sur cela maintenant et, dans une certaine mesure, ressasser mes travaux universitaires antérieurs en tant que membre du Groupe de travail sur le financement des petites entreprises de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO). Je vais me concentrer sur des secteurs particuliers du capital où je crois qu'il y a toujours des problèmes.

Un de ces secteurs est celui du capital d'affection. Le capital d'affection est le capital fourni par des amis, des parents, des voisins et ainsi de suite et est souvent la première source de capital disponible pour l'entrepreneur qui a une idée intéressante. Il est absolument essentiel que ce type de capital soit disponible dans les étapes préliminaires de la formation d'une entreprise.

Le problème, que j'ai souligné dans mes publications d'il y a quelques années, et que le groupe de travail de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a aussi identifié, est que les appareils de réglementation des valeurs mobilières dans plusieurs provinces rendent illégal pour plusieurs gens d'investir du capital d'affection. Je vais maintenant passer les détails, mais je serais heureux d'en discuter plus tard si vous le voulez. Ce problème dans le régime de réglementation des valeurs mobilières a été identifié. J'ai fait des propositions de réformes. Le groupe de travail a fait des propositions de réformes. Ces propositions ont été largement appuyées par les milieux d'affaires et même par le personnel de la CVMO. Toutefois, rien ne s'est passé, bien que plus par négligence que par une décision intentionnelle de ne pas agir, à mon avis. Peut-être que la commission pourrait encourager les autorités en matière de réglementation des valeurs mobilières, comme celles de l'Ontario à procéder à ce type de réforme.

Un second type de réforme, que le groupe de travail sur les petites entreprises de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et moi avons proposé, est en rapport avec les investisseurs providentiels. Les investisseurs providentiels sont des personnes détenant des actifs nets élevés qui entrent en jeu, habituellement avant que les investisseurs de capital de risque ne soient prêts à s'engager. Ils sont eux aussi d'une importance vitale pour l'offre de capital aux jeunes entreprises en croissance.

Le problème tient à ce que nombre d'investissements providentiels -- en effet, je dirais la plupart des investisse- ments -- sont actuellement illégaux selon la réglementation des valeurs mobilières de l'Ontario et d'autres provinces, bien que pas nécessairement dans toutes les provinces. Ici encore, des propositions simples de réformes ont été mises de l'avant et endossées par le personnel de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, mais n'ont pas été mises en place.

Du côté du capital de risque, les investisseurs en peuvent habituellement se faufiler à travers l'appareil de réglementation des valeurs mobilières, mais il reste certaines barrières indirectes à l'investissement de capital, que je décris en détail dans le rapport du groupe de travail.

Je n'en mentionnerai qu'une: les exigences relatives au blocage de titres. Après qu'une entreprise soit devenue publique, les investisseurs en capital de risque et les autres personnes ayant des intérêts de contrôle peuvent avoir à conserver leurs investissements pendant quelques années après que l'entreprise ait fait appel public à l'épargne, et ces exigences en matière de blocage de titres sont largement perçues comme étant exagérément onéreuses. Le groupe de travail a fait quelques propositions pour simplifier ces exigences en matière de blocage de titres. Je crois que ce serait une bonne idée mais, encore une fois, rien n'a été fait de ce côté.

Laissez-moi traiter brièvement des mécanismes secondaires du marché et du commerce, un autre secteur qui est vital au financement des petites entreprises. Plusieurs investisseurs en capital de risque vont finir par retirer leurs investissements une fois que l'entreprise aura fait appel au public lors d'une souscription initiale, et il est vital pour ces investisseurs en capital de risque de pouvoir vendre leurs avoirs sur un marché secondaire liquide. La perspective de pouvoir vendre sur un marché secondaire liquide est le premier encouragement à ces types d'investissement, je suggère donc que nous mettions vraiment de l'ordre dans les mécanismes de marché secondaire afin de redresser les mécanismes de marché primaire et ainsi encourager l'investissement en capital de risque.

Bien sûr, nous avons fait face récemment à un coup de théâtre avec la réorganisation prochaine des diverses bourses. Je commenterai brièvement ce fait. Je ne suis pas tout à fait certain de l'effet net que cela aura sur l'efficacité du marché secondaire. Je crois que la première raison justifiant la consolidation du marché de second rang, de Vancouver et de l'Alberta, est la création d'une plus grande liquidité -- concentrer les échanges en un seul endroit et créer un marché plus liquide -- ce qui est une très bonne chose. Les marchés doivent être liquides. Les investisseurs demandent absolument la liquidité dans un marché animé sans tendance bien définie secondaire.

Par ailleurs, cela éliminera la concurrence entre les diverses places boursières de second rang, dans le cas présent Vancouver et l'Alberta, et d'une certaine manière je regrette ce fait. La concurrence entre les places boursières a fait en sorte que les conditions d'admission en bourse et d'autres formes de réglementation par les bourses ont été passablement efficaces.

En bout de ligne, il m'apparaît que le jugement n'est toujours pas rendu sur le fait que ces réformes apportent ou non les bienfaits anticipés. J'espère qu'elles les apporteront, mais c'est un autre secteur que le comité pourrait examiner un peu plus avant.

Enfin, je me pencherai sur les fonds de capital de risque de travailleurs. Ils sont un véhicule assez extraordinaire que je crois être unique au monde. Comme Mme Macdonald l'a tout juste signifié, environ 50 p. 100 du capital de l'industrie est détenu par les fonds de capital de risque de travailleurs.

Je ne veux pas jouer le trouble-fête, mais je désire vous faire part de quelques préoccupations que j'ai à propos des fonds de capital de risque de travailleurs.

Il me semble que les buts des fonds de capital de risque de travailleurs n'ont jamais été parfaitement clairs, et je pense qu'ils ont besoin d'être clarifiés. Ils ont été démarrés à l'origine en tant que véhicules pour encourager l'investissement des cols bleus dans l'industrie canadienne, mais ils n'ont jamais rempli cette fonction. Des preuves théoriques démontrent que ce ne sont pas des cols bleus qui utilisent ces fonds, mais plutôt des cols blancs, des individus de classe moyenne. Cela peut être ou non un problème, mais il est du moins un peu étrange que ces organisations ne semblent pas remplir la fonction pour laquelle elles ont été créées.

Leur fonction doit être clarifiée. Ne sont-ils réellement que des véhicules pour encourager l'investissement dans les PME, particulièrement dans les PME technologiques? Dans ce cas, alors peut-être devons-nous redresser la structure des fonds de capital de risque de travailleurs. Pourquoi avons-nous besoin du parrainage des syndicats? Les syndicats ne semblent pas fournir la moindre surveillance utile. On entend parfois l'expression «louez un syndicat». Les fonds ne font que louer le nom du syndicat. Peut-être devons-nous reconsidérer la question de la fonction des fonds de capital de risque de travailleurs.

Bien des gens ont soulevé le fait que les fonds de travailleurs ont créé un grand nombre d'emplois et investi dans un nombre considérable d'entreprises. Je voudrais apporter quelques nuances à ce fait. Invariablement, ces attributions ne considèrent pas le coût d'option des fonds. Autrement dit, si les fonds n'étaient pas placés dans des fonds de capital de risque de travailleurs puis investis dans l'industrie, ils ne seraient pas dissimulés sous un voile. Probablement qu'ils seraient placés quelque part ailleurs où ils pourraient fort bien créer des emplois. À l'évidence, lorsque nous considérons la création d'emplois, nous devons regarder la création d'emplois nette, et non la création d'emplois brute.

Par ailleurs, il a pu y avoir une certaine éviction du capital privé. Énormément de personnes ont été amenées à placer de l'argent dans des fonds de capital de risque de travailleurs en raison des généreuses dépenses fiscales qui y sont associées, et je crains qu'il n'y ait quelque éviction du capital privé. Je crois que nous avons vu des fonds privés se rétablir en tant que fonds de travailleurs parce qu'en bout de ligne, lorsque nous considérons les bénéfices à l'imposition, leurs investisseurs n'obtiennent pas le même rendement des investissements dans les fonds de travailleurs.

Je crois aussi que nous devrions nous sentir concernés par la direction des fonds de travailleurs. Lorsque des investisseurs institutionnels investissent dans des fonds, ils fournissent une surveillance utile; ils sont des acteurs avertis et ils savent comment discipliner les gestionnaires lorsque c'est nécessaire. D'un autre côté, les particuliers qui investissent dans les fonds de travailleurs ne font pas cela. Il nous manque notre mécanisme primaire de reddition de comptes et de surveillance. Cela m'inquiète un peu.

Mme Macdonald a suggéré qu'il n'y a pas d'offre excédentaire de capital. J'adopterais une perspective un peu différente. Je crois que vous devez considérer les 20 ou 40 p. 100 qui n'ont pas besoin d'être investis. Du point de vue de la politique gouvernementale, n'est-ce pas un peu étrange d'accorder ces généreuses mesures fiscales pour permettre d'investir de l'argent dans des bons du Trésor? Ça ne semble pas avoir beaucoup de sens. Je pense que la raison pour laquelle ils n'ont pas à investir 30 ou 40 p. 100 est qu'il leur est difficile ou impossible de le faire.

Ces dernières années, il y a eu une offre excédentaire de capital, qui a fait augmenter le coût des transactions pour tous les fonds. Bien sûr, cela a fini par faire diminuer les profits, non seulement ceux des fonds de travailleurs, mais aussi ceux des fonds privés. En effet, les chiffres primitifs montrent que la rentabilité des fonds de travailleurs a été très faible.

Au niveau de la qualité de la gestion, la mise en commun de capital s'est accrue de façon si rapide qu'un grand nombre de nouveaux gestionnaires ont dû être embauchés pour administrer les fonds de travailleurs. D'où proviennent ces gestionnaires? Eh bien, il apparaît que plusieurs d'entre eux proviennent des programmes de MBA des universités. Je ne veux pas critiquer les programmes de MBA des universités, mais il est important que les investisseurs en capital de risque aient de l'expérience, et je m'inquiète de la qualité des investissements faits par ces gestionnaires. En effet, si l'on considère l'expérience comparable des États-Unis, lorsqu'il y a eu une énorme expansion du capital dans les années 80, les revenus ont réellement pris le chemin du sud, et plusieurs croient c'est à cause de l'embauche de gestionnaires nouveaux et inexpérimentés.

Je voudrais aussi suggérer que, dans les fonds de travailleurs, il y a un décalage entre le type d'investisseur et le niveau de risque des investissements. Nous sommes en présence de quelques individus qui investissent leur épargne de retraite, ou du moins une partie de celle-ci, dans des investissements très risqués. Voyons la vérité en face: le capital de risque, qu'il soit administré par des fonds de travailleurs ou par des fonds privés, est très risqué. Est-ce là un investissement approprié pour les fonds de retraites des particuliers? Je crois que dans plusieurs cas ce n'en est pas un. Je crois que c'est un problème du point de vue de la politique gouvernementale et que ça deviendra un enjeu public lorsque certains de ces fonds produiront de très mauvais résultats.

Enfin, nous sommes tous au courant des échéances des investissements qui dictent le moment auquel l'argent doit être investi. Je suppose que nous savons que ces fonds sont en fait transformés en PME. Nous avons beaucoup entendu parler du fait que cela encourage les gestionnaires de fonds de travailleurs à placer de l'argent dans des entreprises dans lesquelles ils n'en placeraient autrement pas, simplement parce qu'ils doivent investir les fonds.

Je mets fin ici à ma critique. Je vous soumets que ces enjeux valent la peine d'être examinés. Il se peut que le véhicule des fonds de travailleurs soit efficace au niveau du résultat net, en ce qu'il a amené beaucoup de nouveaux fonds dans les PME et dans les PME technologiques en particulier. Les PME technologiques sont extrêmement importantes pour l'économie. Au niveau du résultat net, le bénéfice peut être fortement positif. Je veux simplement suggérer qu'il y a lieu de s'inquiéter ici.

Le président: Avant de passer au sénateur Angus, je demanderais à M. Gray de répondre aux commentaires du professeur MacIntosh sur la technologie de pointe. Il a parlé uniquement de technologie de pointe, tandis que vous avez parlé d'un éventail beaucoup plus large d'entreprises. Du point de vue de la FCEI, dans quelle mesure pensez-vous que le gouvernement est devenu obsédé par les entreprises axées sur la connaissance ou la technologie de pointe; et dans quelle mesure est-ce que cela risque d'entraver la politique gouvernementale?

M. Gray: S'il vous plaît, ne dénaturez pas mes paroles. Le secteur de la technologie de pointe est vital pour le pays et son bien-être. Néanmoins, le souci du monde de la petite entreprise est qu'une approche de la provision de capitaux propres sur le marché canadien ne devrait pas être axée uniquement sur cette partie du marché. Franchement, une politique exclusive laissera de côté la grande majorité des entreprises canadiennes. Il y a présentement de nombreux véhicules en place.

C'est une industrie très voyante. Les ministres sont invités à couper des rubans et deviennent le centre de toutes sortes d'attentions. Les petites entreprises canadiennes qui ne comprennent que 10 ou 20 employés ne peuvent offrir au ministre une chance d'être photographié. Bien que je déteste être cynique, je dois dire que ce genre de choses a tendance à diriger quelques-unes de ces approches.

Je crois que le secteur des entreprises de technologie de pointe est bien servi. On ne devrait pas les oublier, mais l'approche devrait être inclusive. Il y a de nombreuses entreprises à croissance moyenne ou faible qui créent toutes sortes d'emplois et de possibilités d'emploi dans chaque coin du pays.

Deux exemples de ces entreprises me viennent à l'esprit. L'une oeuvre dans le développement de parcmètres et, bien qu'elle soit faiblement axée sur la technologie, elle a un potentiel et une capacité énormes d'exportation. Elle représentait le Canada à une foire commerciale au Mexique. Pourquoi devrions-nous nous concentrer uniquement sur le secteur de la technologie de pointe et ignorer un secteur comme celui-là? Une autre entreprise qui nous vient à l'esprit est l'entreprise de croustilles Miss Vickie's, qui, lorsque sa part de marché a atteint une certaine taille, s'est fait acheter par une compagnie américaine. Ce n'est pas la meilleure chose pour le Canada.

Nous avons parlé d'un continuum de besoins qui inclut les entreprises assez petites, et qui reflète aussi les différences entre les entreprises à croissance forte, moyenne ou faible. Je dirais que, au niveau des entreprises de faible croissance, le facteur le plus important de déplacement d'argent dans le secteur des petites entreprises sera le système fiscal. Nous devons considérer le secteur de la technologie de pointe, mais non pas à l'exclusion des autres parties importantes de notre économie.

Le sénateur Angus: Je voudrais me concentrer directement sur ce que certains témoins ont désigné comme l'environnement fiscal pervers ou même révoltant, particulièrement en ce qui a trait aux gains en capital et à d'autres réserves fiscales punitives. «Pervers» a été défini comme étant la limite, ou au-delà de la limite du raisonnable. On nous a fourni une foule d'exemples. Le fait que l'impôt sur les gains en capital soit plus élevé que l'impôt sur les dividendes est un indice du type d'environnement fiscal dans lequel nous vivons.

Nous avons eu un avis unanime sur les restrictions imposées aux particuliers ou, ainsi qu'on les désigne, les investisseurs providentiels. Je ne fais pas allusion uniquement aux restrictions dans le secteur des valeurs mobilières et toutes les tracasseries administratives, mais j'inclus les inégalités sur le terrain de la structure fiscale. Des gens nous ont parlé des dispositions de roulement américaines qui facilitent le recyclage du succès de ces gens, ayant fait de bons investissements.

Je sais que vous parlez tous à des représentants du gouvernement et vous savez que ceci n'est pas un nouveau problème. Je crois personnellement que c'est le plus grand problème que nous ayons au pays. Que vous disent les gouvernements? On entend deux choses: d'abord, qu'ils ne peuvent se permettre d'abandonner l'impôt sur les gains en capital; ensuite, qu'on ne dispose pas de l'environnement politique adéquat.

Hier, quelqu'un a touché la cible, du moins en ce qui me concerne, en disant que cela fonctionnerait si les gens comprenaient les faits, et qu'il y a un terrible manque de compréhension et d'éducation au Canada. Les jeunes gens peuvent aller à l'école secondaire et à l'université sans jamais avoir suivi un cours sur les affaires. Les gens ne savent pas même épeler «gains en capital», et savent encore moins ce que ça veut dire.

Il me semble que les organisations telles que celles que vous représentez essaient de mettre au point un cadre qui va délier ce capital, accroître notre productivité et pousser le Canada vers la nouvelle économie. Vous souhaitez que les paliers gouvernementaux écoutent ce que vous avez à dire et les aider à rendre plus acceptable politiquement de faire les gestes nécessaires. Pourriez-vous commenter ce point?

M. MacIntosh: Je crois que vous avez raison de dire qu'il y a un problème politique. M. Gary Levy a rédigé un document de travail pour ce comité dans lequel il évoquait de quelques-uns des enjeux relatifs à l'imposition. Il a indiqué de façon intéressante que l'impôt sur les gains en capital compte pour une très faible part du revenu du gouvernement. Il me semble que les dépenses fiscales nécessaires pour donner du lest au domaine des gains en capitaux seraient très modestes, particulièrement si elles étaient ciblées efficacement, de façon, comme le suggère Gary dans son document de travail, à ne pas simplement permettre aux riches spéculateurs du marché secondaire de bénéficier d'exemptions d'impôt sur les gains en capital.

Si l'exemption était ciblée efficacement sur les nouveaux investissements et les entrepreneurs, je crois que les dépenses fiscales seraient assez modestes et les bénéfices considérables.

Le sénateur Angus: De la manière dont vous en parlez, ce semble être une mesure très efficace, cependant, nous nous obstinons sans cesse lorsque nous en débattons. Cela, pour moi, est la clé même du dilemme. Si nous pouvons résoudre ce dilemme lors de ces audiences, nous aurons accompli quelque chose de significatif.

M. MacIntosh: Ça me rappelle ce qu'a dit Winston Churchill à propos de la démocratie -- que c'est la pire forme de gouvernement, à part toutes les autres. Une des failles de la démocratie est que souvent, lorsque quelque action complexe a besoin d'être accomplie, le vrai travail est de faire réaliser aux gens que ça doit vraiment être accompli et que ce n'est pas une demande malicieuse. Je crois que vous avez raison lorsque vous dites que c'est un problème de politique ou de perception.

Le président: Je crois que M. Gray voudrait commenter cette affirmation.

M. Gray: Au Canada, nous avons un problème culturel. Historiquement, les États-Unis ont toujours célébré la libre entreprise et leurs entrepreneurs. J'ai remarqué un changement exceptionnel au Québec lorsque les pages couvertures des magazines ne montraient plus des politiciens ou l'archevêque, mais se sont mises à vanter les entrepreneurs.

Le reste du pays n'a pas adopté cette habitude. Au Canada, nous avons tendance à dénigrer notre classe d'affaires plutôt qu'à la valoriser. Je ne fais pas seulement allusion au rôle que nous jouons ou à celui des médias, mais aussi au rôle des dirigeants politiques. Ils doivent reconnaître et comprendre l'importance de l'équation de l'entreprise, c'est-à-dire sa contribution à l'économie et sa capacité à apporter toutes sortes d'autres bienfaits à la société. Nous disons souvent que le meilleur programme social est un emploi et que, si vous contraignez la création de richesse et d'emplois, alors vous ne pouvez progresser en aucune manière.

Les deux doivent aller de pair. Si vous tenez compte du besoin de créer de la richesse et du fait que le profit n'est pas un mot obscène, nous allons commencer à voir de l'activité, parce que les politiques appropriées vont commencer à apparaître et que la population va aussi participer.

Mme Macdonald: Je suis parfois accusée d'être naïve, mais je crois tout de même que l'environnement est en train de changer, bien que lentement. J'assiste à la création d'un tout nouveau type d'entrepreneurs qui réussissent, des entrepreneurs de première génération, ce qui est relativement nouveau au Canada. Ces gens doivent être en première ligne pour mener l'assaut. Je fais allusion à des gens comme Mike Potter à Ottawa, un fondateur de Cognos qui oeuvre présentement dans le domaine de l'investissement, particulièrement dans le capital de risque, de même qu'à des sociétés telles que McLean Watson Capital, qui investit dans des compagnies de logiciels, le capital de liaison et le savoir-faire. Je mentionnerais aussi en même lieu Dennis Bennie.

Ça n'est habituellement pas dans les moeurs canadiennes de se lever et de dire que nous devons procéder de façon différente, mais je pense que nous devons mieux inclure ce genre de personnes dans nos débats sur les politiques. Ils ont été actifs dans leurs propres entreprises, bâtissant des sociétés, et je crois qu'il est temps de les intégrer à la discussion et, finalement, dans la découverte de ce qui fonctionne pour les encourager à recycler une plus grande partie de leur capital productif.

Le sénateur Kolber: Lorsque vous avez répondu à la question du sénateur Angus vous avez fait allusion à une étude de M. Levy.

Le président: Je crois qu'il parlait d'un article de Gerry Goldstein.

M. MacIntosh: C'est juste.

Le sénateur Kolber: Vous l'avez cité en disant qu'il en coûterait peu au Canada de changer de régime d'imposition des gains en capital. Je comprends que, si nous faisions cela, nous obtiendrions d'énormes bénéfices.

Je crois que certaines études ont démontré que, par exemple, il y probablement au Canada un millier de bâtiments qui appartiennent à des gens qui sont impatients de les vendre, mais qui ne peuvent se le permettre à cause de considérations fiscales. Ces revenus reviendraient au gouvernement. Il y a des gens qui ne veulent pas vendre des valeurs mobilières parce qu'ils ont l'impression qu'ils se feraient lessiver. Toutes les études que j'ai vues indiquent, comme le fait remarquer David, que ce n'est pas seulement une mesure qui va de soi, mais ce serait un grand gain pour le Canada. Pourquoi ne tirez-vous pas partie de cela?

M. MacIntosh: C'était là l'essentiel de mon discours, sénateur.

Le sénateur Kolber: Vous avez dit que le coût serait modeste.

M. MacIntosh: Le coût serait modeste mais les bénéfices très grands. Oui, j'avançais que le manque à gagner serait relativement petit.

Le sénateur Kolber: Il n'y aurait pas de manque à gagner, mais une hausse de revenus.

M. MacIntosh: Ça ne fait que renforcer ma position, n'est-ce pas?

Le sénateur Angus: Oui, c'est ce que j'ai cru constater.

M. MacIntosh: À l'évidence, nous sommes d'accord.

Le sénateur Angus: Comme je suis de «la belle province», mon intérêt a été piqué lorsque l'un de vous a mentionné que, au Québec, l'infrastructure est en train de devenir plus propice à l'offre de ce type d'argent. Il y a une plus petite partie de la population conservatrice (avec un petit «c») au Québec, et il y a du moins quelques signes que nous commençons à célébrer nos succès en affaires. L'équipe de hockey de Québec est maintenant en Californie ou au Colorado et l'autre est à vendre, et ainsi de suite, mais il semble y avoir de bons signes sur le plan des affaires. Quels changements structurels avez-vous remarqués qui sont plus favorables au Québec?

Mme Macdonald: Permettez-moi d'aborder le thème de l'infrastructure, parce qu'on y nage rapidement en eaux troubles. Pour reprendre certains des points soulevés par M. MacIntosh, j'aimerais dire que les petites transactions sont réalisées au Québec en partie parce qu'un réseau de fonds régionaux a été établi par le Fonds de solidarité des travailleurs, le fonds de travailleurs de loin le plus important.

Le sénateur Angus: Est-il plus important que le Fonds de relance économique?

Mme Macdonald: Oui. Le Fonds de solidarité a des actifs de 3 milliards de dollars actuellement, et je crois que les actifs du Fonds de relance économique s'élèvent à 650 millions de dollars environ. Le Fonds de solidarité est donc cinq fois plus important -- c'est le plus important.

Le Fonds de solidarité s'est donné le mandat très clair de créer et de conserver des emplois et de fournir aux investisseurs un taux de rendement raisonnable, ce qui n'est pas nécessairement la mission des autres fonds de travailleurs ou des fonds de capital de risque. Leur mandat est de maximiser le TRI, de sorte à assurer un taux de rendement raisonnable et investir dans une infrastructure qui n'est pas uniquement axée sur le taux de rendement.

Ces fonds régionaux font de petits investissements, et ils font d'assez petits investissements dans les compagnies locales. Les gens d'affaires locaux participent au processus décisionnel, de même que toutes les autres parties de l'infrastructure financière. Dans l'exemple de la Caisse de dépôt, sa filiale, la CDPQ, effectue toutes les petites transactions, mais à des fins diverses.

À mon avis, c'est l'une des questions qu'il faudra éventuellement résoudre. Il faut trouver des réponses aux questions suivantes: qui finance les sociétés qui ont le plus grand potentiel commercial, et donc le plus important taux de rendement? Deuxièmement, qui fait des investissements à objectifs multiples? Aucun groupe d'investisseurs du pays ne poursuit les mêmes objectifs. Les objectifs ne sont pas uniformes.

À mon avis, le Québec se distingue en raison surtout des motivations différentes. Je doute fort que l'on convainque les Ontariens à investir dans une société à capital de risque des travailleurs en leur disant simplement qu'elle aurait entre autres l'avantage de permettre la création d'un groupe de petits fonds dans le nord de l'Ontario ou dans l'est de l'Ontario qui ne serait pas axé exclusivement sur les taux de rendement. Les Ontariens ne pensent pas de la même façon que les Québécois. C'est l'un des principaux facteurs qui expliquent des contextes d'investissement différents, une différence qui a été renforcée par la structure institutionnelle -- la Caisse de dépôt, Investissement Desjardins, tout un groupe d'institutions appuient cette mentalité.

Le sénateur Angus: Le Régime d'épargne-actions du Québec est un bon exemple. Si je ne me trompe pas, la seule autre province qui a établi un tel plan est l'Alberta, mais les résultats n'ont pas été très probants. Mais vous ne faisiez pas référence au REAQ quand vous parliez de la structure.

M. MacIntosh: Il est intéressant que vous citiez le REAQ, parce que j'estime qu'il est issu de la même mentalité. De façon assez intéressante, si je reviens sur les réserves que j'ai déjà exprimées relativement aux sociétés à capital de risque de travailleurs, des études universitaires sur le REAQ suggèrent que, en fait, il s'agit d'une grave erreur de politique. Je crois que c'est une opinion assez unanime, qui me donne à penser qu'il ne suffit pas d'avoir des bonnes intentions. Au début, le REAQ était considéré comme étant avant-gardiste, le fruit d'une réflexion très sérieuse. Mais les résultats n'ont pas été à la hauteur des coûts investis.

J'aborde ce point à seule fin de souligner que la prudence est de mise dans la prestation des subventions gouvernementales.

Le sénateur Angus: On nous a dit hier -- ou enfin, c'est ce que j'ai compris -- que l'échec n'était pas dû au concept lui-même. En effet, quand un gouvernement prend un tel risque sans demander aux investisseurs particuliers de partager une plus grande partie du risque, il doit mettre en place des mécanismes plus pointus d'examen et assurer une meilleure gestion. Le régime a échoué parce qu'il n'avait pas été appuyé par une réflexion suffisante et parce qu'il était mal administré.

Puisque les considérations fiscales sont le principal écueil et puisque les gouvernements sont très peu enclins à vendre et à aller de l'avant, il me semble qu'on utilise toutes sortes de petits moyens plus ou moins orthodoxes d'appliquer les règlements fiscaux. À titre d'investisseur, j'ai vu des gens qui étaient assez intéressés par cette idée, mais il me semble que la qualité des sociétés a beaucoup diminué. En fait, je n'ai vu aucun investissement de qualité du REAQ depuis deux ans environ. Souvent, une fois qu'on a rassemblé l'argent et qu'on est prêt à faire une souscription initiale, un investisseur décide d'acheter une nouvelle voiture, un nouveau garage, et la partie principale achète un nouveau camp de pêche. À mon avis, il y a vraiment un vice de gestion.

Le président: Voulez-vous commenter l'affirmation selon laquelle l'infrastructure serait différente au Québec? Autrement dit, la difficulté relève-t-elle de l'infrastructure ou de la psychologie et de la culture? Nous pourrions faire quelque chose si la première donne est la bonne, mais nous sommes impuissants en ce qui a trait au dernier aspect.

M. Gray: À mon avis, les deux sont vrais. Et je crois qu'on peut faire quelque chose en ce qui a trait à la culture. La question à l'origine du débat est la suivante: qu'arrive-t-il quand on demande aux fonctionnaires de libérer des fonds pour les investisseurs, qu'il s'agisse de sociétés de capital de risque ou de particuliers? On nous sert chaque fois la même réplique: «La population canadienne ne sera pas d'accord.»

C'est uniquement pour des raisons politiques qu'on affirme que les Canadiens n'accepteraient pas que d'autres personnes réalisent un profit raisonnable, ou qu'elles réalisent un taux de rendement de 30 p. 100 ou de 50 p. 100 sur leur investissement. C'est politiquement inacceptable.

Au Québec -- et le nationalisme n'est sûrement pas étranger à cela -- on a établi des mécanismes, mais on a aussi tiré profit de la fierté nationale des Québécois pour favoriser l'essor du secteur des affaires. Il n'y a aucun doute à ce sujet.

Le sénateur Angus: On parle de Québec inc.

M. Gray: C'est exact, et les politiciens qui représentent le Canada doivent faire la même chose à l'échelon national. Vos collègues du conseil des ministres doivent absolument se rallier à ce mouvement. Si les ministres ne se rallient pas et n'acceptent pas ce concept, ce sera comme pour le changement d'attitude des banques par rapport aux petites entreprises: si le président ne décide pas que la banque doit changer d'attitude par rapport à un secteur ou à un segment d'activité, rien ne se passera.

C'est une question de leadership politique, commercial et de la population en général. Il faut convaincre le Canada et les Canadiens que des objectifs plus importants sont en jeu. Cette question relève autant des structures que de la volonté des leaders commerciaux et politiques d'aller dans cette direction.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai été sous-ministre adjointe au Travail dans le gouvernement Bourassa, et nous avions entrepris la première étude préparatoire au REAQ. À ce moment-là, la province comptait le plus grand nombre de grèves au pays et les gens ne comprenaient pas la notion de profit.

Ce mécanisme voulait faciliter l'établissement d'un partenariat entre les entrepreneurs et les travailleurs. Il voulait les aider à comprendre que le profit était en soi une bonne chose; que c'était la condition sine qua non de la croissance des entreprises. Nous nous étions inspirés du plan ESOP américain. Nous estimions que le REAQ devait servir à financer les petites et les moyennes entreprises, et non à établir des incitatifs fiscaux qui permettraient d'acheter des actions de la Banque Nationale. Mais M. Bourassa a été défait en 1976.

Les études ont été tirées du tiroir du sous-ministre des Finances, qui les a données à M. Parizeau. M. Parizeau s'en est servi pour réduire le fardeau fiscal des contribuables québécois bien nantis, parce que le taux d'imposition personnel était le plus élevé au Québec.

Voilà l'histoire. Notre intention d'origine était d'aider les PME, mais les valeurs mobilières n'ont pas été utilisées à bon escient. En effet, les propriétaires donnaient seulement 10 p. 100 de leur société, en échange de beaucoup d'argent, et les investisseurs n'étaient pas informés. Je suis d'accord avec vous. C'était la première fois que des travailleurs sociaux québécois achetaient des actions. Ils n'avaient jamais fait cela auparavant, mais tous, comme vous l'avez dit, étaient fiers de contribuer à l'essor économique du Québec. Voilà l'essence des différences culturelles.

La différence culturelle est donc réelle. Il fallait éduquer les gens sur la notion de profit et de gain, et sur toutes ces choses qui semblent un peu plus immorales actuellement dans le reste du Canada anglais qu'elles ne le sont au Québec.

Actuellement, nous sommes très à l'aise avec la notion de profit et de gain. Mais nous devons constater que d'autres pays ont un meilleur système, qui permet à la population d'augmenter ses avoirs, d'investir et de tirer profit de ces programmes, grâce à une structure fiscale beaucoup plus efficace. Des pays, l'Allemagne par exemple, ne lèvent aucun impôt sur les gains en capital, et je me demande pourquoi notre voisin du sud est beaucoup plus concurrentiel que nous ne le sommes.

J'aimerais maintenant revenir à mon projet fétiche, le Régime d'actionnariat des salariés. Pourquoi votre groupe n'a-t-il pas réussi à convaincre les gens des finances, par exemple, que ce changement crucial favoriserait l'investissement dans les PME? Pourquoi y a-t-il un tel blocage mental par rapport à cette question? Je ne comprends pas. Je parle à des gens, j'ai l'impression qu'ils me comprennent, mais rien n'a bougé.

M. Gray: Pour ce qui est des régimes d'actionnariat des employés, je peux vous dire que beaucoup de personnes les ont proposés depuis que je représente les petites entreprises. Parmi nos membres, certains ne comprennent pas bien de quoi il s'agit, pas plus qu'ils ne veulent les utiliser ou leur accorder de la valeur. Je crois que les expériences ont été très inégales à notre extrémité du marché.

Les régimes de participation aux bénéfices ou les incitatifs semblent plus efficaces pour les petites entreprises, où l'on peut établir un objectif annuel. Ils favorisent la participation des employés aux recettes de l'entreprise, que l'on peut par la suite distribuer. Il semble que cette pratique soit plus commune et plus souvent utilisée.

Pour ce qui est de convaincre Ottawa, on pourrait citer des raisons telles que la lutte au déficit, les mécanismes de défense du fisc, et cetera, mais c'est un problème qui perdure depuis le milieu des années 70. Il n'est pas apparu tout à coup quand Ottawa a décidé de resserrer les cordons de la bourse. Maintenant que le déficit a été éliminé, selon ce qu'on en dit, je ne vois pas pourquoi on refuserait d'augmenter la capacité d'investissement des Canadiens moyens et des investisseurs plus expérimentés, afin de permettre la croissance économique et de la richesse. C'est un élément extrêmement important.

À mon sens, c'est au comité et au cabinet de faire avancer ce dossier. Nous pourrions continuer sur le chemin amorcé depuis des années pour tenter encore de changer la situation, mais rien ne changera tant que les grands bonzes de la politique ne seront pas prêts à imposer des changements, tant qu'ils ne seront pas convaincus de leur nécessité.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dans votre document, vous affirmez que tous les échelons de gouvernement doivent abandonner les impôts qui ne tiennent pas compte des profits. Pourriez-vous nous donner des exemples de ces mesures fiscales dont vous parlez? Parlez-vous d'amortissement? Quelles sont les mesures fiscales auxquelles vous faites référence?

M. Gray: Je vais vous donner un exemple qui vous concerne directement, parce que c'est une mesure en vigueur au Québec. Quand j'ai joint les rangs de la CEI, voilà 20 ans, il fallait verser des charges sociales au système de soins de santé provincial. Les modalités ressemblaient beaucoup à celles de l'assurance-emploi aujourd'hui. L'employé payait 0,8 p. 100 des charges, et l'employeur l'autre 0,8 p. 100.

M. Parizeau s'est amené et a décidé qu'il n'était plus légitime que l'employé contribue au régime de soins de santé. Il a décidé d'imposer des charges sociales de 1,5 p. 100, payées entièrement par l'employeur. Pendant des années, les divers gouvernements québécois ont continué d'augmenter ce taux. Ces décisions politiques ne suscitaient pas de controverse, et on pouvait les camoufler dans le budget. Le coût de ces charges sociales pour les entreprises -- particulièrement lourd pour les plus petites entreprises à plus forte densité de main-d'oeuvre -- a finalement culminé à plus de 4 p. 100.

Nous avons pu convaincre le gouvernement du Parti québécois qu'il était dans son intérêt d'abaisser les taux, mais ils sont encore très élevés. Ils sont combinés à des taux d'assurance-emploi très élevés, surtout si on considère qu'on a un surplus de caisse et qu'on a atteint le seuil de rentabilité par rapport aux charges imposées. Les primes du RPC augmentent aussi continuellement -- si vous regardez la courbe ici, vous voyez exactement ce qui est arrivé. Les gouvernements ont décidé d'un commun accord de rester sur une voie qui va à contresens du cycle commercial. Ils ne perdent rien quand les temps sont durs, et ils n'ont pas à se tuer à trouver de l'argent par d'autres moyens. L'argent continue de rentrer.

Même si une entreprise ne réalise aucun profit, elle doit tout de même payer les charges sociales et les impôts fonciers. Les taux devraient être établis selon un régime plus progressif, selon lequel les entreprises paieraient des charges proportionnelles aux profits.

Un changement structurel s'est produit au Canada au cours des 15 ou 20 dernières années. C'est un changement important qui empêche la circulation de l'argent, pourtant un moyen privilégié pour la croissance des petites entreprises. Celles-ci devraient réinvestir les profits dans l'exploitation mais, si les gouvernements s'en emparent avant même qu'ils ne soient inscrits aux résultats nets, alors à quoi sert-il de faire des profits?

Ce genre de politiques seraient très bénéfiques pour la côte nord du Nouveau-Brunswick. On éviterait les erreurs répétées du passé, alors qu'on se contentait d'injecter de l'argent dans les zones de problèmes en espérant que la situation se résorberait d'elle-même. Il faut mettre en place une structure qui favorise la croissance des petites entreprises, la création d'emplois et de richesse.

Le sénateur Meighen: Pour ce qui est de la création d'emplois et de la richesse par le secteur des petites entreprises, je suis tout à fait d'accord avec vous.

Si je m'inspire des propos du professeur MacIntosh -- loin de moi l'intention de camoufler quoi que ce soit -- j'ai été fort surpris par un article de Neville Nancekivell voilà une semaine environ, où il parle de l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis. L'auteur cherche à expliquer cette différence, et il cite comme premier facteur la structure industrielle de notre pays. Il affirme que les États-Unis comptent une proportion plus élevée d'industries à valeur élevée et axées sur la connaissance. La deuxième raison qu'il donne m'a beaucoup étonné. Il affirme que les petites entreprises sont la moitié moins productives que les plus grandes, et que les premières forment une partie plus importante de l'économie au Canada par rapport aux États-Unis.

Êtes-vous d'accord avec ce point de vue? Si oui, plutôt que de démarrer des grandes entreprises et d'attendre qu'elles rapetissent, comme on le disait à la blague en Ontario voilà quelques années, faudrait-il faire en sorte que les petites entreprises deviennent de plus grandes entreprises le plus rapidement possible, afin d'augmenter le niveau de productivité?

M. Gray: J'ai lu cet article, et je n'y ai vu aucune référence. Je ne connais pas l'étude sur laquelle il appuie ses affirmations. S'il existe un écart de productivité, je crois qu'il est beaucoup plus exact de l'attribuer à l'utilisation et à l'application de l'outillage dans les industries.

Les taux de main-d'oeuvre dans les petites entreprises du Canada ne sont pas plus élevés que dans d'autres pays. De façon intéressante, quand on parle de la productivité du Canada, jamais on ne fait référence au régime fiscal et à son incidence sur la productivité. Il est absolument primordial de considérer les deux aspects en parallèle, mais il semble que la réduction des impôts soit une question très délicate dans notre pays. Je pense vraiment que l'une des raisons pour lesquelles le débat sur la productivité prend tellement de place est que personne n'ose dire: «C'est à cause des impôts, c'est aussi stupide que ça.»

En ce qui a trait aux petites entreprises, pourquoi ce secteur est-il si bien établi ici par rapport aux États-Unis? Une grande partie de ce phénomène s'explique par ce que j'appelle les barrières artificielles à la croissance. Elles sont présentes dans le régime fiscal, dans le cadre réglementaire, dans les mécanismes d'accès aux marchés des actions, partout, mais nous ne les connaissons pas et aucune politique publique n'a été mise en oeuvre pour les gérer. C'est pourquoi je demande avec autant d'insistance que l'on cherche pourquoi le secteur des entreprises moyennes n'est pas plus important dans ce pays.

Quelles sont les politiques en place aux États-Unis? De façon assez intéressante, on constate que ces politiques favorisent le passage des petites entreprises au rang de moyennes et de grandes entreprises. C'est ce que le groupe de travail sur les petites entreprises propose depuis 1994. Si vous jetez un oeil sur ce document, vous constaterez qu'on y discute de différentes barrières qui empêchent la croissance des petites entreprises. Pourtant, les petites entreprises souhaitent augmenter de taille. Nous voulons que les entreprises réussissent de plus en plus à passer des petits marchés aux marchés de moyenne envergure, pour finalement atteindre les marchés publics et contribuer de cette façon à la croissance de l'économie.

M. MacIntosh: Si je peux ajouter un commentaire, sénateur, j'aimerais revenir au point que j'ai soulevé plus tôt, soit l'importance des mécanismes commerciaux des marchés secondaires.

Des travaux intéressants ont été réalisés récemment sur les pays en voie de développement. Il faut se poser la question suivante: Une conjoncture économique saine crée-t-elle des marchés secondaires de qualité, ou des marchés secondaires en santé sont-ils responsables de l'essor économique? Comment cela fonctionne-t-il? Selon les premières conclusions, ce sont les marchés secondaires prospères qui favorisent la santé de l'économie.

Il me semble que l'on pourrait établir des liens avec l'absence dans notre pays d'un secteur solide et en santé d'entreprises secondaires. Aux États-Unis, les marchés secondaires sont plus efficaces, et je crois qu'ils sont le fruit d'un secteur des moyennes entreprises plus prospère. Les marchés publics y sont beaucoup plus efficaces pour les très petites entreprises. Ces entreprises peuvent émettre des actions dans le public plus rapidement et elles peuvent rassembler des fonds publics à un stade beaucoup plus précoce. À mon avis, cela contribue énormément à leur croissance.

Il faudrait accorder beaucoup plus d'importance à la mise en oeuvre de mécanismes commerciaux efficaces pour les marchés secondaires, afin d'encourager l'investissement précoce et l'offre de capitaux publics au début de la croissance.

Le sénateur Meighen: Comment pouvons-nous y arriver? Cela est-il du ressort du gouvernement?

M. MacIntosh: C'est une question à 50 000 $. Je crois que cela relève en partie de facteurs purement économiques. Notre pays est relativement petit si on le compare aux États-Unis, et les économies d'échelle liées à la souscription ne peuvent pas être aussi importantes. Cette situation changera lentement, à mesure que notre économie prendra de l'ampleur.

Je peux vous donner un exemple. À San Francisco, les entreprises de souscription spécialisée telles Hambrecht & Quist sont actives dans le domaine des technologies. Le Canada ne compte pas vraiment de souscripteurs spécialisés. Des souscripteurs comme Yorkton se spécialisent dans les petites entreprises à plus haut risque, mais nous ne voyons pas ici le même degré de spécialisation.

C'est une question qui n'a pas encore été étudiée au Canada, mais qui mériterait de l'être. Quelle est la structure de l'industrie de la souscription au Canada par rapport à celle des États-Unis? Qu'est-ce que les différencie? Pourquoi les souscripteurs ne se spécialisent-ils pas ici? Pourquoi y a-t-il moins de souscripteurs qui offrent des services aux petites entreprises? C'est un aspect qui n'a pas encore été étudié, et je crois qu'il faudrait le faire.

Le sénateur Meighen: Peut-être cela va-t-il dans le même sens que ce que vous disiez plus tôt au sujet des barrières. Si on ne les supprime pas, pourquoi les souscripteurs seraient-ils intéressés à se spécialiser dans le domaine des hautes technologies si on ne leur permet pas d'exercer leur art?

M. MacIntosh: C'est tout à fait exact. C'est l'oeuf ou la poule. Beaucoup de bourses américaines ont en effet tenté de créer des bourses de second rang pour donner une poussée aux entreprises de second rang. Ces tentatives ont toutes connu un échec retentissant.

Il existe actuellement une bourse paneuropéenne, l'EASDAQ, inspirée du modèle américain, la NASDAQ. J'espère qu'elle connaîtra un grand succès, parce qu'elle constitue un pool de capitaux gigantesque, des liquidités monstres.

On pourrait à toutes fins utiles affirmer que la fusion des bourses de Vancouver et de l'Alberta sont en fait très bénéfiques parce qu'elles augmentent le niveau de liquidité. C'est le facteur clé. C'est peut-être la voie à suivre: la fusion des bourses pour augmenter la liquidité. L'augmentation de la liquidité pousse les sociétés à s'inscrire en bourse, ce qui attire en retour les investisseurs.

Le sénateur Meighen: J'aimerais que vous élaboriez sur un petit détail. Vous avez parlé de pools; faisiez-vous allusion au même phénomène dans le contexte canadien, quand vous avez parlé de la fusion des bourses de Calgary et de Vancouver?

M. MacIntosh: Oui.

Le sénateur Meighen: Et pourtant, vous avez dit que vous vous inquiétiez du fait que cette fusion réduirait la concurrence, qui garantit selon vous l'établissement de conditions pour l'introduction en bourse. Vos propos m'ont beaucoup étonné et je n'ai pu m'empêcher de songer aux entourloupettes qui entourent la bourse de Vancouver depuis des années. Dans quelle mesure la concurrence à Calgary et à Vancouver a-t-elle permis d'établir des conditions d'introduction élevées à la bourse de Vancouver?

M. MacIntosh: Certaines personnes pourraient affirmer que la concurrence entre les bourses a créé une course vers le bas qui a été remportée par le joueur le moins qualifié. Pour ma part, je compare la concurrence entre les bourses à celle qui existe entre les entreprises. On ne saura jamais à quel point la situation aurait pu se détériorer sans la concurrence entre les bourses.

On entend souvent l'argument selon lequel les bourses qui n'établissent pas des conditions d'introduction élevées ou qui ne se dotent pas de règlements efficaces n'attirent ni les entreprises ni les investisseurs parce que les taux de rendement risquent fort d'être très décevants à long terme. Mais s'il y a de la concurrence entre les bourses, elles feront tout en leur possible pour mettre en place des règlements efficaces.

Peut-être certaines de nos bourses n'ont-elles pas mis en place des règlements efficaces parce que la concurrence n'est pas assez forte. Il est de plus en plus admis que la concurrence entre les bourses est très bénéfique. Si on examine la situation aux États-Unis, on voit que c'est un phénomène beaucoup plus fréquent qu'au Canada. On y a constaté beaucoup de concurrence entre les bourses, et c'est le cas aussi en Europe. Ce phénomène a beaucoup contribué à faire changer la nature des bourses, tant américaines qu'européennes.

Le sénateur Meighen: Entretenez-vous beaucoup d'espoir en ce qui a trait aux résultats de la NASDAQ?

M. MacIntosh: Je ne suis pas certain que l'on pourrait arriver aux mêmes résultats au Canada, tout simplement parce que notre pays est beaucoup plus petit. L'EASDAQ a permis le regroupement de tous les échanges de la communauté européenne, en vue surtout de créer une masse critique d'échanges. À mon avis, cela rendra le marché plus efficace. Peut-être le marché canadien est-il trop petit pour que l'on fasse la même chose, et peut-être la fusion des deux bourses de second rang est-elle un pas dans la bonne direction.

À titre d'universitaire, je n'ai pas le choix de toujours peser le pour et le contre.

Le sénateur Meighen: Les avocats ont cette habitude. Madame Macdonald, vous avez parlé des activités des fonds de retraite, et je crois que vous avez dit que, dans les années 80, les fonds de retraite au Canada et aux États-Unis étaient très actifs dans le marché dont nous parlons ce matin. Ils se sont par la suite retirés. Les fonds de retraite américains ont repris leurs activités, ce qui n'est pas le cas des fonds canadiens. Pourquoi?

Mme Macdonald: Je crois que deux raisons expliquent cette situation. Sans aucun doute, il faut tout d'abord invoquer le rendement dans les 2 marchés dans les années 80. Beaucoup de capitaux ont été injectés dans le marché dans une très courte période de temps, et l'industrie des capitaux de risque était très jeune à ce moment. Beaucoup de gestionnaires n'avaient pas eu le temps de faire leurs armes. Le rendement a été assez médiocre en 1987 ou en 1988, de sorte que les fonds de retraite -- qui avaient versé beaucoup d'argent dans les pools pendant dix années -- ont cessé de s'intéresser aux nouveaux pools dans les deux pays.

Or, il appert que le rendement des sociétés de capital de risque est en grande partie tributaire du moment où l'argent est investi, des conditions du marché, du prix payé lors de la transaction, ainsi que de la possibilité de se retirer. Les fonds de capitaux de risque créés à cette période au Canada et aux États-Unis ont donc connu une très piètre performance.

Les fonds créés par après ont commencé à connaître une meilleure performance aux États-Unis. Au Canada, cependant -- toujours en raison de la taille de l'économie -- le marché est beaucoup plus personnel. Si un fonds de retraite réussissait à convaincre le conseil des investisseurs de transférer des actifs dans cette catégorie, et que le rendement était médiocre, les critiques n'auraient pas tardé à venir de la part du comité. Ces fonds ne disposaient pas des mêmes possibilités de diversification et ils ont préféré se retirer.

Ils ne croyaient pas que le marché était assez large ni assez profond pour justifier un appel au conseil des investisseurs -- qui sont à toutes fins utiles les responsables des décisions -- pour obtenir leur consentement afin de réintégrer ce marché.

À mon point de vue, on constate deux problèmes actuellement. Le premier est que, si vous examinez la situation aux États-Unis, les fonds de capitaux de risque de moyenne envergure excèdent largement les 200 millions de dollars. Cela s'explique en partie parce que chacun des fonds de retraite veut y verser des capitaux de 20 ou de 25 millions de dollars au moins, et qu'ils ne veulent pas contrôler plus de 10 p. 100 ou 15 p. 100 du fonds. Par essence, les fonds de capital de risque doivent regrouper au moins 200 ou 250 millions de dollars. Aux États-Unis, beaucoup de ces fonds peuvent coexister sans qu'ils ne se nuisent les uns aux autres.

Nous pouvons appliquer le même principe au Canada. Il serait tout à fait normal que le régime de retraite des professeurs de l'Ontario ou que le régime de retraite de ceux de la Colombie-Britannique -- en fait, tous les régimes de retraite importants du secteur public -- veulent faire partie d'un fonds valant 250 millions de dollars. Malheureusement, notre économie peut supporter seulement une quantité limitée de fonds de cette valeur.

L'année dernière, l'industrie des capitaux de risque du Canada a investi un peu moins de 1,7 milliard de dollars. La taille moyenne des fonds était en règle générale plus petite, de sorte que les institutions ont pu aussi réaliser des économies d'échelle. Les fonds de retraite moyens de moindre envergure devraient jouer la carte de la logique. Un gestionnaire de fonds est venu me voir la semaine dernière pour investir une petite partie, environ 2 p. 100 ou 3 p. 100 des actifs du fonds, dans les véhicules de capitaux de risque. Pour ce faire, il devra cependant investir dans dix ou douze fonds de capital de risque différents.

Au Canada, nous n'avons pas les «portiers» ou les gestionnaires «fonds à fonds» qui sont à l'oeuvre aux États-Unis. Aux États-Unis, un établissement peut dire: «Bien, cela veut dire 200 millions de dollars pour nous au cours des 5 prochaines années. Nous allons les confier à un tel portier et, dans un certain temps, il pourra les placer dans un fonds de capital de risque.» Le Canada ne dispose pas de ce véhicule intermédiaire, encore une fois à cause de la taille du marché. Beaucoup de fonds ne sont tout simplement pas assez intéressés à favoriser la croissance de ce type de mécanisme.

Le résultat: les gestionnaires de fonds de retraite moyens ont tendance à dire: «Je n'ai pas les ressources à l'interne pour mener à bien cette tâche, pour me conformer aux règles de la diligence raisonnable, et pour choisir les dix ou douze fonds où placer l'argent.» Les gestionnaires de petits fonds ne peuvent pas le faire parce qu'ils n'ont pas le temps, alors que ceux qui s'occupent des fonds plus importants ne trouvent pas de fonds suffisamment importants pour les capitaux qu'ils souhaitent placer.

Le sénateur Meighen: J'aimerais faire un commentaire. On voit de plus en plus des gestionnaires qui gèrent des gestionnaires ici, et je ne sais pas si c'est un concept qui nous est propre ou si nous l'avons importé des États-Unis. J'ai participé au concours de beauté pour l'investissement d'un fonds institutionnel l'autre jour et l'un des candidats était un gestionnaire de gestionnaires, pour m'exprimer ainsi.

Quand nous étions à Vancouver, pour examiner le régime de retraite du Canada, nous avons reçu un témoignage assez étonnant de la part d'une personne qui nous a dit que 1 p. 100, 2 p. 100 ou 3 p. 100 des actifs devraient être affectés à des fonds de capital de risque.

Mme Macdonald: Absolument. Si vous vous reportez aux modèles d'affectation des actifs américains, en règle générale, 3 p. 100 à 5 p. 100 des actifs sont investis dans des mécanismes non traditionnels.

Le sénateur Meighen: Ce n'est pas le cas ici.

Mme Macdonald: Certains fonds importants ont délibérément décidé d'entrer dans cette arène. Je crois que les gestionnaires de fonds à fonds ont plutôt tendance à favoriser les valeurs mobilières de formes plus traditionnelles; ils n'ont pas encore à notre connaissance investi ce segment du marché.

Le sénateur Kroft: Plus je vous écoute et plus je réalise à quel point on peut se mélanger. D'un côté, les fonds de toutes catégories peuvent coexister mais, d'un autre côté, il ne semble pas y avoir assez de place pour tous à cause de la structure.

J'aimerais revenir sur la question fiscale. Je résume simplement: des fonds procurent des avantages fiscaux quand l'argent est investi. Il n'existe par ailleurs à notre connaissance aucune mesure fiscale ni aucune nécessité reconnue d'offrir des avantages fiscaux quand l'argent est retiré des fonds. Vous encouragez le processus de regroupement des fonds au moyen d'une mesure fiscale, mais aucun incitatif n'est en place lors de la liquidation.

J'aimerais avoir des commentaires à cet effet. La politique me semble plutôt inégale. Je me permets d'être cynique et de dire que la politique semble avoir d'une certaine façon ignoré les fonds de travailleurs parce qu'elle visait plutôt à favoriser l'investissement des cols bleus. Nous avons pu entendre cependant qu'ils ne constituaient pas le gros des investisseurs dans ces fonds. Le col est de plus en plus pâle à mesure que nous avançons et, en fait, la situation n'est pas vraiment telle qu'on l'avait prévue. Est-ce que c'est exagéré?

Mme Macdonald: En effet, on constate beaucoup de variations au pays. Je n'ai pu prendre connaissance d'aucune donnée à cet effet. Je ne sais pas d'où M. MacIntosh a tiré ses données mais, étant donné qu'il est un chercheur universitaire, je suis sûre qu'elles sont fondées.

Au Québec, il ne fait aucun doute que le Fonds de solidarité et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec sont intimement liés. J'imagine qu'une très grande proportion des actionnaires de ce fonds ont des liens dans la communauté.

Deux problèmes se posent. Vous avez raison quand vous dites que les incitatifs sont axés surtout sur le rassemblement des fonds. Je ne prétends nullement être un expert, mais il y avait certes des motifs politiques à la création du Fonds de solidarité québécois en 1983 et à la création du cadre de travail des fonds nationaux à la fin des années 80 à l'échelon fédéral. Ces motifs avaient probablement très peu de liens avec le processus des capitaux de risque sous maints aspects, mais je crois que vous comprenez beaucoup mieux ces questions que moi.

La situation devient plus touffue cependant quand on aborde le thème du retrait des sources institutionnelles en Ontario. M. MacIntosh a tout à fait raison d'affirmer que le lien est très ténu, mais il est certain que ces véhicules ont constitué des moyens très importants pour l'apport de capitaux dans le marché. Le fait de favoriser le processus de mise en commun n'a pas été si mauvais entre 1991 et 1995, par exemple, en Ontario et en Colombie-Britannique, où les sources institutionnelles avaient disparu. On s'éloignait de l'intention originale, mais le résultat final n'était pas sans valeur.

Personne n'avait vraiment intérêt à faire bouger les choses de façon trop brutale jusqu'à ce qu'un certain équilibre soit atteint, ce qui est arrivé en 1995-1996. Le gouvernement a réagi peu après en modifiant les incitatifs, et nous avons pu constater un mouvement important de modération.

Si vous examinez l'aspect de l'entrée des capitaux -- encore une fois, à l'exception du Québec, qui se distingue parce qu'ils attirent encore 350 à 400 millions de dollars par année -- ils sont moins importants.

J'abonde dans le même sens que vous: du point de vue des politiques, l'accent doit être mis dans ce marché sur le rendement et sur les résultats. Il est aussi important cependant de reconnaître qu'il existe beaucoup de sociétés tournées vers l'entreprise qui sont prospères dans différentes parties du pays. Je suis totalement en désaccord avec M. MacIntosh quand il affirme que le temps et d'autres sources n'étaient tout simplement pas disponibles, et je ne crois pas que les fonds de travailleurs les ont étouffés. D'autres fonds sont apparus, et nous atteignons un plus grand équilibre, beaucoup plus sain.

Le sénateur Kroft: Qu'est-ce que le changement aux incitatifs a permis ou offert?

Mme Macdonald: Lors de la première série de modifications voilà deux ou trois ans, le crédit d'impôt lui-même a été réduit de 20 p. 100 et d'un autre 20 p. 100. C'est donc 40 p. 100 au total à 15 p. 100 et 15 p. 100 -- 30 p. 100.

La période de détention a été augmentée de cinq années au minimum à huit années. Cela aurait dû être ainsi dès le début. Le montant maximal des acquisitions des particuliers a été réduit de 5 000 $ à 3 500 $. On est revenu au montant original dans le budget du dernier exercice. Le crédit est donc encore de 30 p. 100, la période de détention de 8 années, et le montant maximal de 5 000 $.

M. MacIntosh: Votre question m'a rappelé un autre problème relatif aux fonds de travailleurs. Je n'en ai pas parlé dans mon mémoire; il concerne la possibilité pour les investisseurs, surtout aux premières étapes, d'encaisser après cinq ans. Un fonds institutionnel immobilisé durerait normalement 10 années et, étant donné que les capitaux de risque sont nécessairement investis à long terme, il en a résulté énormément de problèmes pour les fonds.

On a rallongé la période à huit ans. Il faudrait probablement passer à dix ans afin de créer une situation comparable aux fonds privés moyens; ainsi, les gestionnaires de fonds de travailleurs jouiraient des mêmes incitatifs de base que les gestionnaires de fonds privés. Ils ne seraient donc pas pressés d'investir trop rapidement.

Le sénateur Kroft: Ce mécanisme de rassemblement de fonds est assorti d'un coût fiscal, mais je ne sais pas comment on a calculé ce coût fiscal et comment ce calcul se compare à celui du coût des bénéfices des REER par le ministère des Finances. Si les autorités fiscales étaient prêtes à faire ce type d'investissement fiscal -- si elles se trouvaient à l'autre extrémité, soit celle de la réalisation -- existe-t-il des capitaux qui pourraient réduire la nécessité d'un processus subventionné par les deniers publics?

Si je comprends bien, vous n'étiez pas d'accord sur le degré de nécessité, non plus que sur le fait qu'il avait été créé dans une période où l'offre était relativement à sec. J'ai hâte, parce que les gouvernements ont cette habitude de mettre en oeuvre des idées qui étaient bonnes voilà dix ans, mais qui ne correspondent plus à la conjoncture courante.

Avez-vous des commentaires en ce qui a trait à la disponibilité des capitaux si la réalisation était autorisée après cinq années, huit années ou un nombre d'années X, si on axait les mesures sur la réalisation des investissements?

M. Gray: Dans notre pays, il existe différents moyens artificiels qui propulsent l'argent va dans toutes les directions. Par exemple, pourquoi est-ce que je place de l'argent dans un REER? Parce que je bénéficie d'un incitatif fiscal à cet effet. J'y suis poussé par le fait que, si j'investis dans Olympia et York, je sais que c'est un investissement sûr, mais si j'investis dans une société privée du nord du Nouveau-Brunswick, c'est plutôt risqué mon régime de retraite. On me donne des incitatifs qui me forcent à aller vers les principaux joueurs du marché des valeurs mobilières et, dans une certaine mesure, les sociétés de capital de risque de travailleurs sont tout aussi artificielles.

On donne aux contribuables des incitatifs qui les forcent à mettre leur argent dans une société de capital de risque de travailleurs, et à espérer que leur investissement se rendra dans une société. Il n'ira probablement pas vers une société qu'ils connaissent, mais il profitera à une société qui pourra créer de la richesse et un taux de rendement pour les contribuables ou pour le pool d'investissement.

J'ai de fortes raisons de croire que, si les dispositions relatives aux gains en capital étaient un peu plus généreuses, on assisterait à une diversification beaucoup plus intense des investissements des Canadiens moyens partout au pays, et à une diminution des catégories. Ce serait très bénéfique pour notre secteur, mais cela aurait aussi une influence sur les mouvements de fonds vers les sociétés de capital de risque de travailleurs. Peut-être prendrais-je alors la décision de chercher dans ma région au lieu de m'en remettre à ces sociétés, là où elles existent.

M. MacIntosh: Je crois que beaucoup moins de capitaux auraient été injectés dans les sociétés de capital de risque de travailleurs si nous avions mis en place le genre de mécanisme que vous proposez. Ce mécanisme aurait été plus efficace, parce qu'il aurait entraîné une discipline accrue chez les investisseurs dans les fonds de travailleurs. Ils se seraient assurés d'investir dans un fonds de plus grande qualité, un fonds rentable.

Beaucoup de gens ont investi dans les fonds de travailleurs pour des raisons fiscales. Ils se sont très peu intéressés à la nature du fonds dans lequel ils investissaient, parce qu'ils pouvaient glaner des avantages fiscaux extraordinaires. Comme je l'ai mentionné plus tôt, cela crée un gouffre entre les investisseurs et les investissements, et c'est à mon avis très troublant.

Le genre de mécanisme que vous proposez représenterait une très grande amélioration.

Mme Macdonald: À mon point de vue, la stabilité de l'offre est l'un des facteurs les plus importants. Je ne crois pas que dans un pays de la taille du Canada il soit indiqué d'adopter des approches unilatérales.

Nous avons investi beaucoup d'argent dans la création de ces fonds de travailleurs, et il est important de conserver cette stabilité. Je crois que si l'on déstabilisait ce mécanisme par des changements radicaux des politiques à ce point-ci, les incidences seraient négatives.

En ce qui a trait aux mouvements de nouveaux capitaux injectés, il me semble évident qu'il faut se concentrer surtout sur le réinvestissement de la richesse individuelle. Comme on l'a entendu dans le témoignage d'Allan Riding, les entrepreneurs les plus éclairés seront plus enclins à réinvestir dans des domaines qu'ils connaissent. Si on encourage les entrepreneurs à réinvestir les gains en capital, il serait bien entendu très avantageux de réduire les impôts sur les gains en capital. Cela ne nous empêche pas de continuer à réfléchir aux moyens de rendre ces investissements plus attrayants pour les institutions -- à la façon d'encourager les grandes institutions à consacrer plus de capitaux à cette forme d'investissement.

Si vous pouvez y arriver, vous arriverez à vos fins. Vous aurez attiré tous les investisseurs possibles. Ceux qui ont des moyens plus restreints, de même que les grandes institutions. Celles-ci pourront combler les manques. Ce sont elles qui sont la source la plus efficace de capitaux pour ce marché, cela est très clair.

Le sénateur Kelleher: J'aimerais changer un peu l'orientation des questions posées ce matin, si vous me le permettez, pour me pencher sur la question des personnes qui veulent l'argent. Nous nous sommes surtout penchés sur l'offre aujourd'hui, mais le problème n'est pas le même qu'il y a cinq ans. La situation s'est améliorée. En règle générale, on peut trouver de l'argent.

Un autre problème se pose actuellement -- ce n'est peut-être pas un problème majeur -- qui concerne les personnes qui veulent l'argent. Beaucoup d'entrepreneurs, surtout dans le domaine des logiciels, où le niveau d'éducation est très élevé, ne sont pas des artisans chevronnés dans le domaine des affaires. Beaucoup ne savent pas comment avoir accès à l'argent ou ne comprennent pas le besoin d'établir un plan d'affaires. S'ils se rendent à leur banque locale, ils ne reçoivent pas beaucoup d'encouragement parce que les banques ne sont pas du tout intéressées.

Je n'ai entendu personne nous dire qui pourrait aider ces personnes à avoir accès à l'argent. Existe-t-il des cours? Est-ce que les organismes gouvernementaux produisent des brochures qui guideraient ces entrepreneurs? Y a-t-il quelqu'un qui peut leur expliquer quelle partie de leurs actifs il leur faudra céder pour avoir accès à cet argent?

Je ne connais pas la gravité exacte du problème, mais je serais très enclin à penser que le problème existe. Je n'ai pas pu trouver réellement quelqu'un qui aide ces personnes qui veulent de l'argent. J'aimerais entendre vos commentaires à cet effet parce que, si c'est réellement un problème, il faudrait qu'on y réfléchisse.

Mme Macdonald: C'est un problème en effet, sur lequel nous commençons cependant à faire des progrès.

Par exemple, M. MacIntosh donne un cours à l'Université de Toronto dont une partie entière porte sur le financement des entreprises et des sociétés. C'est un cours qui fait partie du programme. Ainsi, les jeunes qui sortent des universités actuellement ont une plus grande compréhension du domaine. C'est vrai aussi pour les programmes de MBA.

Les médias s'intéressent tellement plus au problème actuellement, ce qui fait une très grande différence. Par exemple, quand je reviendrai à mon bureau aujourd'hui, après la parution de la liste dans le ROB, ma boîte vocale contiendra de nombreux messages de personnes qui auront lu l'article. Ces personnes commencent souvent par appeler une personne ressource. Des personnes comme Gordon Sharwood ont réussi en agissant à titre d'intermédiaire entre les entrepreneurs et les sources de capitaux.

L'infrastructure se déploie tranquillement. Avec les outils disponibles, notamment les médias et Internet, un petit fabricant de logiciels qui n'a pas encore été à même de découvrir comment passer du monde des petits à celui des grands préférera probablement se concentrer sur la technique plutôt que de construire une grande entreprise. Nous devons faire tout notre possible pour encourager ces gens à se servir des outils qui sont en place. Le gouvernement fédéral, par le truchement de ses stratégistes, a mis en place une pléthore d'outils. Nombre de véhicules sont à la disposition de ceux qui veulent évaluer leurs besoins en ce qui a trait au plan d'affaires, aux besoins en capitaux et aux sources de capitaux.

Si les entrepreneurs ne peuvent pas d'eux-mêmes passer du point A au point B et accéder à ces outils, je ne sais pas jusqu'à quel point, sur le plan des politiques, nous pourrons les y aider. Nous voulons certes favoriser le développement de ces outils, mais il reste que les entrepreneurs doivent eux-mêmes prendre l'initiative de profiter de ces outils.

M. MacIntosh: J'aimerais rapidement ajouter que la documentation universitaire est pointée comme étant l'un des principaux obstacles à l'essor des entrepreneurs. Les auteurs sont en règle générale de grands scientifiques, des innovateurs extraordinaires, des gens d'affaires extraordinaires, mais ils ne connaissent rien à la finance. C'est l'un des écueils principaux qu'il faudra combler.

Mme Macdonald a parlé de certains programmes du gouvernement qui visent à combler ce gouffre. Je crois que les gouvernements sont au fait de ce problème, mais peuvent-ils vraiment faire quelque chose de plus pour le régler? C'est un problème important dans les universités. Je crois qu'on commence à s'y attaquer dans une certaine mesure, non seulement dans les classes, mais en essayant de rapprocher la communauté universitaire de la communauté des entrepreneurs, et en essayant de faire de l'éducation. Il reste que ce problème est de taille.

M. Gray: C'est en effet un problème important, notamment lié à l'expertise en gestion. Cependant, je crois qu'il faut faire des nuances. Beaucoup d'entrepreneurs sont d'excellents gestionnaires, qui savent comment exploiter leur entreprise de façon très efficace. Peut-être n'ont-ils pas un plan d'affaires élaboré par un titulaire de MBA, mais ils ont un plan et une orientation stratégique.

Cela étant dit, quand on demande à nos membres vers qui ils se tournent quand ils veulent de l'information et des conseils sur l'exploitation de leur entreprise, les acteurs du marché qui peuvent les aider à obtenir ce que j'appelle dans mon mémoire des «capitaux prêts à investir», des liquidités, ils se tournent vers ce que nous appelons des sources fiables; en d'autres mots, leur comptable, leur banquier, leur avocat, leurs fournisseurs et même leurs concurrents, dans une certaine mesure. Viennent ensuite beaucoup plus loin les sources gouvernementales et universitaires. La raison de cela est que le secteur entrepreneurial ne croit pas que ces sources peuvent vraiment les aider à obtenir ce dont ils ont vraiment besoin.

Historiquement, je crois qu'il est juste d'affirmer que dans notre pays, les programmes de MBA et de commerce ont été axés beaucoup plus sur le secteur des grandes entreprises, dont la valeur se chiffre en millions de dollars et non en milliers de dollars. J'ai suivi le programme commercial de la Western University. Nous n'avons pas abordé le secteur des petites entreprises au Canada; nous étudiions l'indice composé du Toronto Stock Exchange.

Cela étant dit, il incombe aux universitaires de se rapprocher de la communauté des affaires, par des moyens beaucoup plus efficaces, et d'abandonner leur tour d'ivoire.

Un autre élément concerne ce que j'appelle la classe des conseillers, les comptables agréés et autres qui passent beaucoup de temps à aider les entrepreneurs à remplir des formules de Statistique Canada et les déclarations de revenu extrêmement complexes. Par conséquent, ils n'ont plus beaucoup de temps pour donner des conseils stratégiques aux entreprises, pour les préparer à trouver les investissements dont elles ont besoin.

Ainsi, vous avez mis le doigt sur un bon point, mais beaucoup de choses peuvent être faites par le gouvernement, autant que par ceux que j'appelle les «conseillers», pour répondre aux besoins des entrepreneurs.

Le président: Je vous remercie tous les trois d'avoir participé à nos travaux ce matin. Je sais que nous avons dépassé le délai prévu, mais cette discussion était fascinante et des plus importantes.

Sénateurs, notre deuxième groupe d'intervenants sera composé ce matin de M. Barrie Laver, associé et directeur général de CastleHill Ventures, de M. Brad Ashley, directeur exécutif de Priveq Capital Fund, et de M. Vernon Lobo, directeur exécutif de Mosaic Venture Partner. Messieurs, voulez-vous prendre place s'il vous plaît.

Chacun d'entre vous pourra commencer par une brève entrée en matière, après laquelle le sénateur Kolber amorcera la période de questions.

M. Barrie Laver, associé et directeur général, CastleHill Ventures: Monsieur le président et sénateurs, bonjour. Il me fait grand plaisir de faire part au comité de mon point sur les difficultés qui entravent l'essor de l'industrie des capitaux de risque canadienne.

CastleHill Ventures est une petite société d'investissement de capital de risque, privée et indépendante, qui a été créée en mai 1997. Avant de créer CastleHill Ventures, j'ai travaillé pendant plus de neuf années pour le compte de la Société de financement de la Banque Royale, la division du capital de risque de la banque. CastleHill s'intéresse particulièrement aux investissements de démarrage et des premières phases des entreprises du secteur des technologies. En règle générale, je collabore de près avec les gestionnaires des entreprises dans lesquelles j'investis. J'ai entre autres agi à titre de président-directeur général d'une petite société de logiciels. Ma participation est la bienvenue dans ces sociétés parce que, dans la grande majorité des cas, l'équipe de gestion est assez restreinte. Je peux faire profiter les sociétés dans lesquelles j'ai investi de mon expertise dans le domaine de l'exploitation.

Actuellement, je suis en pourparlers pour créer une deuxième société d'investissement, dont la valeur ciblée s'élève à 40 millions de dollars. La majorité des fonds, je crois, proviendra soit de fonds de retraite ou de sociétés d'assurances, de même que de particuliers qui sont détenteurs d'avoirs nets élevés.

Le secteur du capital de risque au Canada a fait des progrès énormes depuis mes débuts, voilà douze ans. À cette époque, le capital provenait en majeure partie de sociétés commanditaires et d'investisseurs institutionnels. Les investisseurs en capital de risque, dans la grande majorité, avaient de l'expérience dans le domaine des finances et des banques. À quelques rares exceptions près, les investissements étaient axés surtout sur ce que j'appellerais des entreprises en expansion à technologie rudimentaire ou sur des transactions de rachat.

Au début des années 90, bon nombre de groupes qui alimentaient l'industrie en capitaux se sont retirés, en réaction, j'imagine, à des taux de rendement insatisfaisants et à une conjoncture économique difficile. Les commanditaires ont dû chercher d'autres secteurs où investir leurs capitaux.

Comme vous le savez très bien, c'est durant cette période que les fonds de travailleurs ont pris le haut du pavé et que les épargnants sont devenus la source principale de capitaux pour l'industrie.

Au cours des dernières années, nous avons pu voir certaines des grandes sociétés, y compris les banques, BCE, Newbridge, s'engager ou renouveler leur engagement envers les marchés de capital de risque. De plus, nous commençons tout juste à voir certains investisseurs institutionnels reprendre leurs activités dans ce secteur.

À mon avis, le changement le plus important est l'amélioration incroyable de la qualité de la gestion. Cela résulte d'une part du fait que certaines personnes, moi-même ou d'autres que vous avez entendues, sont dans le domaine depuis un certain nombre d'années -- nous avons pu acquérir une expérience précieuse -- et, d'autre part, du fait que ceux qui font leurs premières armes dans cette industrie amènent avec eux une panoplie d'expériences plus larges et des compétences plus élevées. Ces deux facteurs sont importants et ont entraîné d'autres changements dans l'industrie. Premièrement, l'expérience accrue ainsi que les compétences plus importantes sont assorties d'une plus grande volonté d'investir dans des entreprises, sans que l'on exige à tout prix une base solide d'immobilisations corporelles. Deuxièmement, on constate une augmentation au cours des dernières années des sociétés d'investissement privées et indépendantes. C'est à mon sens un signe positif qui démontre l'évolution de l'industrie, parce que je crois que cette dernière et l'ensemble de l'économie bénéficient de la présence de plus nombreuses sociétés d'investissement indépendantes, qui constituent une source de capitaux stables et avertis.

En parallèle, et cela est de toute évidence une retombée des progrès de l'industrie des capitaux de risque, le nombre d'occasions d'investissement de qualité a augmenté de façon sensible. C'est du moins ce que je constate dans le secteur des technologies, auquel je m'intéresse particulièrement. Un nombre croissant d'entrepreneurs ont acquis de l'expérience dans une société ou plus et ont la motivation et, dans certains cas, l'argent pour lancer une nouvelle entreprise. Si les deux aspects, dans une grande mesure, doivent être liés, je suis d'avis que le nombre d'occasions d'investissement de qualité continuera de favoriser les sociétés d'investissement.

Si je puis affirmer que le secteur du capital de risque est sur la bonne voie, je dois quand même reconnaître qu'il existe de nombreux défis à relever. Malgré une augmentation des capitaux versés dans les fonds de capital de risque au cours des dernières années, il faut continuer de porter une attention soutenue à ce secteur. Bien qu'il existe actuellement plus de sociétés d'investissement et de capitaux que jamais, il demeure qu'il est beaucoup plus difficile pour une entreprise canadienne qui démarre ou qui est à ses débuts d'attirer les capitaux propres dont elle a besoin que ce ne l'est pour un concurrent américain.

Les particuliers détenteurs d'avoirs nets élevés représentent une source importante de capitaux pour l'industrie. Ces groupes font beaucoup d'investissements providentiels au démarrage des entreprises de même que dans les sociétés d'investissement privées et indépendantes. Au Canada, le taux élevé de l'impôt sur les gains en capital représente un obstacle majeur à l'augmentation des investissements provenant de ce groupe.

Le niveau relativement élevé des risques d'investissement que doit supporter un investisseur dans ces situations doit être assorti d'un taux de rendement potentiel très élevé. Or, ce potentiel est considérablement réduit par les mesures fiscales relatives aux gains en capital. Le gouvernement ferait un pas important en réduisant ces impôts pour les personnes qui investissent à l'amorce ou aux premiers stades d'une entreprise, en démontrant qu'il reconnaît les risques associés à ces investissements.

Si on veut que l'industrie continue de croître et de se développer, il est impératif que l'on convainque les investisseurs à long terme, patients et avisés, tels que les fonds de retraite, d'engager des capitaux plus importants.

Il est important que ce groupe reconnaisse l'évolution de l'industrie du capital de risque au cours des dernières années, tant sur le plan de la qualité des professionnels de la gestion qui administrent les fonds que sur le plan du nombre possible et de la valeur des occasions d'investissement.

En outre, comme l'a mentionné Ron Begg dans le mémoire qu'il a présenté pour le compte de la CVCA, des obstacles structuraux empêchent l'accroissement des investissements des fonds de retraite. À cet égard, je souscris aux recommandations de la CVCA à l'effet qu'il faut trouver des solutions à ces problèmes.

Dans l'ensemble, le Canada a besoin d'un plus grand nombre de sociétés d'investissement privées et indépendantes, parce qu'elles sont la clé de l'offre accrue de capitaux aux entreprises en démarrage ou aux premiers stades. Il est essentiel d'augmenter la syndication des investissements parmi les fonds d'actions.

La pratique américaine qui consiste à syndiquer les investissements d'amorçage parmi deux à cinq investisseurs est très sensée pour de nombreuses raisons, dont le partage des risques, l'accès aux réseaux et la capacité d'étaler les investissements de façon logique. C'est une pratique que j'aimerais beaucoup voir adopter au Canada. Il est certain que la croissance des sociétés d'investissement au cours des dernières années constitue une amélioration certaine à cet égard, mais il reste encore du chemin à parcourir.

Les règles proposées relativement à l'entiercement des offres publiques initiales auront une incidence fort négative sur l'industrie. C'est de modalités de sortie claires et réelles dont les investisseurs de capitaux de risque ont besoin. Les règles d'entiercement proposées entraveront de nombreuses façons l'accès au capital. Ainsi, les nouveaux fonds auront plus de difficulté à rassembler des capitaux parce que l'entiercement aura sûrement une incidence sur le taux de rendement du capital et le remboursement du capital aux investisseurs.

Les entrepreneurs seront beaucoup plus tentés de démarrer une entreprise aux États-Unis qu'au Canada s'ils savent que les règles relatives à l'entiercement rendront l'accessibilité aux capitaux beaucoup plus difficile et qu'elles seront beaucoup plus coûteuses pour les fondateurs et les autres gestionnaires. Les sociétés établies au Canada seront plus tentées de se tourner vers les marchés publics américains, ou encore elles chercheront à être vendues plutôt que d'émettre des actions dans le public, souvent à une société qui n'est pas établie au Canada.

Les règles d'entiercement proposées doivent être modifiées de sorte qu'elles ne soient pas beaucoup plus sévères que les règles américaines, tout en respectant le besoin élémentaire de satisfaire aux intérêts des investisseurs autant qu'à ceux des gestionnaires.

Pour résumer, et comme le comité l'a déjà entendu, l'industrie du capital de risque joue un rôle important dans le financement et dans la prestation d'expertise aux entreprises en démarrage ou qui sont aux premiers stades de leur développement. À de nombreux égards, l'industrie canadienne est encore à la remorque de sa contrepartie américaine, mais les écarts se sont rétrécis au cours des dernières années. Nous devons continuer sur cette lancée et favoriser l'amélioration de la formation dans le domaine commercial afin d'en arriver à se doter d'un plus grand nombre de sociétés qui réussissent à percer les marchés mondiaux. Cela signifie qu'il faudra permettre à ces sociétés de trouver plus facilement les capitaux propres dont elles ont besoin pour être à la hauteur dans l'arène internationale.

Si nous trouvons des solutions aux enjeux énoncés ci-dessus, de même qu'à ceux qui ont été soulevés par d'autres témoins ce matin, nous serons assurés d'aller dans la bonne direction.

Le président: Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce que vous entendez par les nouvelles règles relatives à l'entiercement. Pour ma part, je ne les connais pas bien. S'agit-il de règles de la CVMO?

M. Laver: Elles devraient être mises en vigueur à l'échelle nationale, mais je crois qu'à l'origine elles ont été énoncées par la CVMO, en effet.

Je participerai bientôt à une souscription initiale où, en vertu d'une politique d'entiercement ordinaire, les fondateurs et les principaux investisseurs devraient mettre leurs parts en mains tierces pour une période allant jusqu'à trois ans. Les nouvelles règles proposent un entiercement allant jusqu'à six ans, je crois, pour les fondateurs et les principaux actionnaires, tels que les investisseurs de capital de risque.

Le sénateur Meighen: Propose-t-on quelque chose pour compenser cette période accrue?

M. Laver: À ma connaissance, non.

Le président: Autrement dit, les nouvelles règles proposent essentiellement d'allonger à six ans la période de liquidation qui était auparavant de trois ans -- il fallait attendre trois ans -- et dans certains secteurs, cinq ans.

M. Laver: On propose une période de six ans.

Le sénateur Kenny: Quel mal veut-on guérir par ces changements?

M. Laver: Je ne suis pas partisan de ce changement, mais il semble généralement admis que les investisseurs dans une souscription initiale prennent un risque considérable si les fondateurs gestionnaires n'ont pas les mêmes intérêts qu'eux et, par conséquent, les investisseurs sont en quelque sorte prisonniers de la société pour une plus longue période de temps.

Le président: Cette mesure donne une solution à la perception selon laquelle les fondateurs initiaux peuvent décider de se retirer et de laisser en plan les investisseurs qui suivent. C'est une règle qui a été proposée par la CVMO et qui a été -- je cherche à obtenir des éclaircissements -- soumise à la consultation publique; c'est exact?

M. Laver: C'est aussi ce que j'ai compris.

Le président: Nous reviendrons sur cette question quand nous recevrons la CVMO.

Monsieur Ashley, nous sommes prêts à vous écouter.

M. Brad Ashley, directeur exécutif, Priveq Capital Fund: Meonsieur le président, honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de cette occasion que vous me donnez de comparaître devant le comité afin de lui faire part de mes réflexions sur les marchés de capital de risque et de financement par actions privées au Canada.

J'ai fondé Priveq en 1994; il s'agit d'un pool de capitaux de 10 millions de dollars qui visaient à aider les petites sociétés à but lucratif qui avaient besoin de capitaux ou de quasi-capitaux propres de 250 000 $ à 1 million de dollars pour développer leur entreprise. À ce moment, il y avait une pénurie de capitaux pour les transactions de cette envergure.

Cette première société d'investissement a connu un tel succès que j'ai récemment fermé un deuxième fonds totalisant un peu plus de 27 millions de dollars, axé celui-là sur le même secteur industriel, mais sur des transactions un peu plus importantes, de l'ordre de 1 à 4 millions de dollars.

Étant donné que d'autres joueurs nous ont aidé à colmater la brèche pour ce qui est des transactions inférieures à 1 million de dollars -- dont la BDC, les sociétés de financement de la Banque de Montréal et de la Banque Royale, et certains fonds de travailleurs -- j'ai décidé de consacrer la société d'investissement Priveq à des transactions légèrement plus importantes.

Il est important de noter que ma société d'investissement détonne par les temps qui courent parce que nous n'investissons pas dans les sociétés de haute technologie; nous nous intéressons plutôt aux entreprises de services et de fabrication de produits de créneaux.

Si je ne me trompe pas, vous avez déjà entendu de nombreux experts de diverses industries sur les questions de l'accès et de la disponibilité des capitaux propres pour les PME canadiennes. Je ne vous donnerai pas mon avis à ce sujet; je m'attarderai plutôt aux aspects suivants: premièrement, les facteurs qui expliquent l'écart entre les marchés d'actions privés canadiens et américains; deuxièmement, le rôle des fonds subventionnés par le gouvernement et, troisièmement, les obstacles à la croissance des PME au Canada.

Le premier enjeu sur lequel il faut se pencher, comme je l'ai déjà mentionné, est l'écart entre les marchés d'actions privés canadiens et américains. La principale différence, à mon avis, entre les marchés canadiens et américains est la base de soutien des fonds ou, plus précisément, les investisseurs. Aux États-Unis, l'offre des fonds d'actions est énorme. Je viens tout juste d'assister à une conférence sur les fonds d'actions privés en Californie, où on estimait que des liquidités de 80 à 90 milliards de dollars circulaient dans le secteur. Cela ne comprend pas seulement les pools de capital de risque, mais aussi les pools de rachat et les pools de capital-déploiement. Cette liquidité incommensurable est le résultat de l'immense intérêt des institutions américaines pour les investissements dans cette catégorie d'actifs.

Jusqu'à tout récemment, l'investissement institutionnel dans les fonds d'actions privés au Canada avait quasiment disparu. Nonobstant ce commentaire, je suis très heureux de souligner que le deuxième fonds que je viens de clore a reçu un soutien solide du Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, d'une société d'assurance-vie canadienne, ainsi que de la société de financement FINOVA. Tous ces investisseurs institutionnels considèrent qu'il s'agit d'un segment extrêmement intéressant, et ils sont tous montrés intéressés à poursuivre des investissements en partenariats dans ce secteur.

De plus, l'entrée récente de FINOVA dans le secteur du financement basé sur l'actif pour les PME canadiennes constitue un complément aux activités de Priveq en ce qui a trait aux capitaux propres, au grand bonheur des sociétés en croissance, friandes de capitaux.

Malgré un certain regain de l'intérêt envers ce segment de la part des institutions canadiennes, elles sont restées en marge, pour trois raisons principales. La première est que leur première sortie dans les fonds d'actions privés au milieu des années 80 a donné lieu à de très faibles taux de rendement. Les institutions sont restées sous l'impression que les fonds d'actions privés étaient mal gérés, parce qu'ils étaient alors entre les mains de gestionnaires de capitaux de risque inexpérimentés. Deuxièmement, le contexte de récession au début des années 90 a forcé beaucoup d'institutions à rester sur la voie secondaire. Troisièmement, la reprise économique a été l'occasion de la création d'un nouveau type de fonds de capital de risque au Canada, les fonds de travailleurs, qui ont grandement profité des incitatifs fiscaux du gouvernement qui comblaient les vides laissés par les institutions, en jachère.

Les capitaux à faible coût qui ont permis la création de ces nouveaux fonds de travailleurs ont entraîné des inégalités dans le secteur, et les institutions n'ont pas eu le choix de rester sur la voie secondaire. Quand l'économie a repris de l'aile, les institutions ne se sont pas montrées trop enclines à investir de nouveau. Elles ont demandé des comptes au gouvernement: pourquoi seuls les investisseurs dans les fonds de travailleurs pouvaient-ils bénéficier de ces allégements fiscaux? Les institutions ont demandé qu'on offre ces allégements à tous les investisseurs de capital de risque ou de les enlever à tous. N'eût été de cet incitatif fiscal pour les investisseurs dans les fonds de travailleurs, le secteur aurait sûrement profité d'autres apports de capitaux.

Le rôle des fonds subventionnés par le gouvernement mérite aussi notre attention. Outre les incitatifs fiscaux consentis aux investisseurs et aux fonds de travailleurs, l'autre mesure importante du gouvernement a été le soutien à la Banque de développement du Canada. La BDC s'est acquise une réputation de prêteur de dernier recours. Si une société ne parvenait pas à trouver du financement, elle se tournait vers la BDC. Ce mandat a, au cours des dernières années, connu un changement draconien.

Le programme actuel de la BDC comporte plusieurs volets. Certains de ses programmes sont très profitables pour les petites entreprises et ne sont offerts nulle part ailleurs -- le programme de capital patient et les subventions versées au fonds d'amorçage d'entreprises technologiques, par exemple. Cependant, son mandat semble dorénavant dépasser les domaines où sa présence est vraiment nécessaire; la banque est maintenant active dans des secteurs où d'autres sources de capitaux importantes existent. La BDC non seulement concurrence-t-elle ces sources dans ces domaines mais grâce à des budgets promotionnels monstres, elle submerge littéralement le marché des PME d'offres à des prix perçus comme étant extrêmement avantageux.

Si, à mon avis, les programmes de capitaux d'amorce et de capitaux patients sont très bénéfiques pour les entreprises canadiennes, les produits qui s'adressent à des entreprises plus mûres sont en fait un autre exemple d'ingérence gouvernementale dans le secteur privé, déjà très bien desservi par des sources de capitaux existantes et par d'autres ressources institutionnelles qui pourraient s'ajouter. L'activité de plus en plus intense du gouvernement dans le secteur des entreprises mûres dissuadera sûrement les institutions d'augmenter leur investissement. Certaines institutions qui sont déjà engagées pourraient même décider de se retirer.

J'aimerais maintenant aborder les facteurs dissuasifs à la croissance des PME au Canada. Je soulignerai brièvement d'autres problèmes rencontrés par les investisseurs en actions qui briment la croissance des PME canadiennes; vous en avez sûrement entendu parler auparavant. Le régime fiscal doit être révisé. L'élimination ou la réduction des impôts sur les gains en capital entraînerait un essor de l'investissement, puisque les taux de rendement escomptés après impôt augmenteraient sûrement.

Les investisseurs en actions privés doivent être assurés d'une exonération des mesures fiscales relatives aux sociétés, qui n'étaient pas censées s'appliquer à eux. On m'a demandé d'élaborer un peu sur ce point. Si j'étais propriétaire de plusieurs sociétés, des sociétés privées, je devrais partager la déduction accordée aux petites entreprises entre toutes ces sociétés. À titre de société de capital de risque qui a des intérêts dans un portefeuille de sociétés, dans la mesure où ces portefeuilles sont considérés comme étant liés, on pourrait penser que la déduction accordée aux petites entreprises devrait être partagée entre ces sociétés. À mon avis, cependant, ce n'est pas ce que la loi dit. Je crois qu'il faut clarifier ces dispositions, pour faire en sorte que les investisseurs en actions privés et que les entrepreneurs à la tête de ces sociétés ne soient pas obligés de payer à tort des impôts assez importants.

Les mesures d'entiercement nationales, auxquelles a fait référence M. Laver, ne devraient pas s'appliquer aux investisseurs privés; autrement, je suis tout à fait d'accord pour dire que le marché des souscriptions initiales mourra à plus ou moins long terme au Canada.

Il faut réduire le fardeau des responsabilités des gestionnaires afin de favoriser la formation de conseils solides qui pourront aider la croissance des sociétés. De plus, si une société connaît une période difficile, l'éventualité d'avoir à affronter des règlements dissuade les bons administrateurs de rester dans la société, ce qui est complètement insensé puisque c'est justement le temps où la société a le plus besoin d'administrateurs externes de qualité.

J'aimerais ajouter que je souscris tout à fait aux recommandations qu'a soumises au comité la Canadian Venture Capital Association.

Pour terminer, un marché privé de capital de risque et d'actions en santé favorisera la croissance des entreprises canadiennes, et toute l'économie et la société canadienne en bénéficieront. Le gouvernement devrait assurer l'équilibre du marché, afin d'encourager la création d'un cadre d'investissement sain, qui ne soit pas étouffé par les mesures gouvernementales. Aux États-Unis, le marché privé des actions connaît une grande prospérité sans que le gouvernement intervienne. Et leur modèle fonctionne.

M. Vernon Lobo, directeur exécutif, Mosaic Venture Partners: Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous au sujet du financement par actions des PME au Canada.

Mosaic Venture Partners est un fonds de capital risque que j'ai cofondé en octobre 1997. Nous avons créé l'entreprise dans le but de combler un vide perçu dans le marché du capital de risque dans le domaine de la haute technologie au Canada. Nous sommes d'avis que pour créer et faire croître des entreprises prospères le succès dans le domaine de la haute technologie, les investisseurs doivent ajouter une valeur importante au-delà du simple capital, et doivent posséder des aptitudes importantes: expérience de l'entrepreneuriat et de l'exploitation, et compréhension de la technologie, de la stratégie d'affaires et du financement des entreprises. Nous croyons qu'un grand nombre de ces aptitudes sont nécessaires chez les investisseurs dans la haute technologie canadienne.

Quant à mes antécédents, je suis titulaire d'un diplôme de premier cycle en génie de l'Université de Waterloo. J'ai travaillé chez Northern Telecom où je mettais au point des logiciels et des commutateurs téléphoniques numériques. Je détiens un MBA de Harvard. J'ai passé plusieurs années chez McKinsey & Company, à conseiller diverses entreprises canadiennes et américaines de la haute technologie sur des questions stratégiques et opérationnelles. J'ai été un associé auprès d'une autre entreprise de capital de risque dans le domaine de la haute technologie au Canada avant de démarrer Mosaic.

J'ai également démarré et exploité plusieurs entreprises qui m'appartenaient. Tout en terminant mes études de génie, je me suis doté d'un portefeuille immobilier de dix maisons et deux immeubles à appartements, et ce avant d'obtenir mon diplôme. J'ai également possédé une entreprise de location de bateaux, que j'ai exploitée pendant que j'étais chez Northern Telecom. En 1994, alors que j'étais chez McKinsey, j'ai cofondé une entreprise Internet appelée Cyberplex, qui est maintenant inscrite au TSE et dont la valeur marchande est supérieure à 150 millions de dollars.

Mon associé, David Lawee, a un ensemble d'aptitudes semblables. Il a travaillé dans une banque d'investissement, il détient un diplôme en droit de McGill et il a fait son MBA à Chicago. Il a démarré et construit une entreprise multimédia de 3 millions de dollars pendant qu'il faisait ses études de droit. Il a également travaillé chez McKinsey à des projets de remise en oeuvre dans le domaine de la TI et à des fusions et des acquisitions à grande échelle.

Lorsqu'il est question de financement par actions pour les petites entreprises, nous croyons que notre attention devrait porter sur la création de richesses dans des secteurs stratégiques de l'économie. Il y a eu une croissance incroyable du capital pour ces entreprises, mais la disponibilité de capitaux n'est qu'un intrant du succès, et non l'objectif.

J'aimerais organiser mes commentaires autour de trois grands éléments qui influent sur le cheminement du capital de risque: le talent entrepreneurial, la qualité et la disponibilité des capitaux et les perspectives de sortie. Chacun des ces éléments est un facteur important dans la création et la croissance d'entreprises prospères, et chacun peut dans une certaine mesure subir l'influence de la politique gouvernementale.

Encourager et conserver des entrepreneurs expérimentés est la première étape de la création d'une petite entreprise en bonne santé économique. Ces entrepreneurs ont besoin d'être appuyés par de l'expérience, des contacts ainsi que des investisseurs providentiels et professionnels qui investissent pour les aider à construire leurs entreprises. En outre, une émission initiale intéressante et solide mène au succès de ces deux groupes.

Nous croyons que le gouvernement canadien a fait de grands pas, et des pas positifs, pour accroître le capital disponible pour les PME. Nous croyons également que l'ampleur et l'à-propos des incitatifs fiscaux peuvent être structurés différemment pour faire correspondre de façon plus étroite les intérêts gouvernementaux à long terme avec les intérêts des personnes qui créent la richesse.

J'aimerais réitérer notre appui aux recommandations antérieures faites par la CVCA, et formuler des ajouts et des modifications dans le présent cadre. Certaines recommandations -- telles celles entourant le régime national de dépôt de titres entre les mains d'un tiers -- ont précisément trait à la caractéristique attrayante de perspectives réelles de sortie. D'autres, tels les impôts sur les gains en capital, ont des incidences sur les trois éléments.

Bien que le Canada ait eu une croissance importante de la disponibilité de capitaux de risque au cours des dernières années, la structure ici est passablement différente de celle que l'on rencontre aux États-Unis. Depuis 1988, un capital de 10 milliards $CAN était administré au Canada, par comparaison à 84 milliards $US aux États-Unis. Ce ratio se rapproche passablement de la règle empirique du un pour dix qui s'applique à la plupart des autres mesures canadiennes et américaines, de sorte qu'il semble constituer un capital approprié.

Il y a une différence, c'est que plus de la moitié du capital administré au Canada provient d'incitatifs gouvernementaux initiaux conçus pour encourager la formation de capitaux. Le gouvernement a de toute évidence réussi à créer rapidement d'importantes sommes de capitaux destinées aux PME grâce à cette initiative. Bien que cela nous ait aidé à démarrer, ce n'est toutefois pas suffisant pour créer un réseau providentiel durable, un marché du capital de risque et un secteur de la technologie. Pratiquement aucun des fonds créés aux États-Unis était le résultat d'incitatifs fiscaux. Ces fonds sont le fruit des aptitudes, de l'expérience et du rendement des gestionnaires de fonds.

La viabilité et le succès de notre nouvelle économie dépendent également de la disponibilité et du talent des ressources entrepreneuriales ainsi que de la vigueur du marché de l'émission initiale, dont ni un ni l'autre ne subissent l'incidence de ces incitatifs fiscaux initiaux à l'investissement. De plus, ces avantages initiaux permettent à un investisseur d'obtenir le même rendement financier d'un investissement qui connaît un mauvais rendement, créant ainsi moins d'insistance sur la création de la richesse. Ce résultat ne semble pas correspondre aux objectifs du gouvernement.

La véritable mesure du succès d'un investissement repose sur la richesse économique qui a été créée. En fait, la valeur marchande d'environ 150 milliards $CAN qui a été créée dans les marchés publics de la technologie au Canada -- dont la moitié vient de Nortel -- est bien peu par rapport à la valeur de 4 billions $US créée aux États-Unis, soit environ 10 p. 100 de la valeur de Microsoft.

Aux États-Unis, la nouvelle économie a créé plus de 25 fois la richesse économique qu'au Canada. Si nous excluons les plus grandes entreprises dans chaque entreprise, le ratio passe à 48 fois. Il s'agit de dollars nominaux; si nous devions le transformer en dollars équivalents, ce serait de l'ordre de 75 fois. Pourquoi est-ce ainsi? Nous ne connaissons pas la réponse, mais nous ne croyons pas que ce soit parce que le Canada manque de talent entrepreneurial ou de potentiel. Nous ne croyons pas non plus que le Canada tire de l'arrière en ce qui concerne ses capacités technologiques. Il y a de toute évidence de nombreuses raisons, mais nous croyons que notre taux d'imposition des gains en capital contribue en partie à ce contraste.

Plus particulièrement, un taux réduit d'imposition des gains en capital pour des investissements précis peut jouer un rôle important en ce qui concerne les trois éléments du cheminement du capital de risque. Il peut améliorer le ratio de satisfaction du risque associé au fait de quitter un emploi sécuritaire et de démarrer une entreprise, créant par conséquent un incitatif pour des gestionnaires expérimentés de prendre des risques entrepreneuriaux.

Un taux réduit d'imposition des gains en capital attirerait des investisseurs providentiels et permettrait au capital de parvenir à ces investisseurs de capital de risque qui ont les aptitudes nécessaires et qui ont auparavant réussi à créer de la valeur dans des entreprises à leurs premiers stades. Cela encouragerait également les investisseurs du marché public à participer de façon plus agressive aux émissions initiales, et à recycler les capitaux en vue d'autres investissements de façon plus régulière. En outre, les recettes fiscales du gouvernement ne diminueraient pas à court terme pour encourager la formation de capital; au contraire, l'incidence se ferait uniquement sentir après la création et la monétisation de la richesse du marché.

Bref, les incitatifs fiscaux initiaux ne font rien d'autre que de donner des récompenses au début d'une course au lieu de les donner aux gagnants. Nous croyons qu'une diminution de l'impôt sur les gains en capital pour des investissements ciblés permettrait aux entrepreneurs et investisseurs qui créent de la valeur de garder une part disproportionnée de cette valeur comme incitatif et récompense. Cela permettrait également de s'assurer que la richesse économique est créée et recyclée pour d'autres investissements au lieu de tout simplement s'assurer que le capital est disponible pour le financement.

L'attrait relatif de l'environnement du marché et de l'impôt aux États-Unis est également une autre question. Aux États-Unis, les taux d'imposition des gains en capital sont de 20 p. 100 des investissements qui sont maintenus pendant plus d'une année, par rapport à 37,5 p. 100 au Canada. Par conséquent, il y a un incitatif financier important pour les entrepreneurs et les investisseurs de capital de risque talentueux de chercher des débouchés aux États-Unis. Les investisseurs et les entrepreneurs finissent par payer environ la moitié de l'impôt aux États-Unis, sans mentionner le capital additionnel disponible et les valeurs significativement plus élevées qui leur sont accordées dans les marchés publics des États-Unis.

L'autre résultat de cette situation est que les investisseurs américains viennent fréquemment au Canada pour investir dans des entreprises de haute technologie et ils offrent des modalités plus intéressantes que les investisseurs canadiens peuvent offrir.

J'ai vu un grand nombre de mes collègues canadiens les plus talentueux comparer des perspectives au Canada et aux États-Unis et ils en sont venus à la conclusion que les avantages personnels et sociaux de vivre ne l'emportent plus sur les désavantages économiques.

Permettez-moi de vous donner un exemple précis. Nous avons récemment investi dans une entreprise exploitée par un Canadien, qui est un de mes amis, avec qui j'ai travaillé chez McKinsey à Toronto. Il a grandi au Canada et terminé ses études ici, mais il a obtenu son diplôme de premier cycle et son MBA à Harvard. Il a obtenu son diplôme l'année dernière et a décidé de démarrer une entreprise d'Internet à Boston. J'ai essayé de le convaincre de revenir au Canada, mais cela ne faisait aucun sens pour lui. Il est convaincu, et à juste titre, que le potentiel personnel et le potentiel économique pour son entreprise étaient plus grands aux États-Unis.

En raison de nos rapports, il nous a permis d'investir avec lui, et ce fut un grand succès. Il a reçu 100 millions $US en financement d'un important investisseur américain et, dans le cadre de l'entente, nous recevrons tous deux un montant en argent. S'il était resté au Canada, il n'aurait jamais reçu une telle évaluation et il aurait payé en plus 600 000 $CAN en impôt. Il en ressort que nous paierons un montant important d'impôt par l'entremise de notre fonds.

Un autre point qui met en évidence la perte de notre talent est le fait que plusieurs hauts dirigeants de quelques-unes des plus grandes entreprises d'Internet aux États-Unis sont des Canadiens. Jeff Mallett est le président et chef de l'exploitation de Yahoo. Paul Gauthier, originaire de Halifax, est le cofondateur de Inktomi, qui est une entreprise spécialisée dans les moteurs de recherche qui vaut 7 milliards de dollars. Jeff Skoll, originaire de Montréal, a été l'un des fondateurs de eBay. Rob Burgess est le président et chef de la direction de Macromedia, un développeur de logiciels multimédia. Toutes ces personnes sont des Canadiens d'origine. Il y a de nombreuses histoires comme celle-ci, et il faut que l'on examine cette perte de nos grands cerveaux.

En résumé, nous croyons qu'il est important pour le gouvernement de prendre la création de la richesse -- et non seulement la disponibilité de capitaux -- comme sa mesure du succès dans la nouvelle économie. Nous ne pouvons construire une grande industrie sans de grands entrepreneurs, et nous devons faire tout ce qu'il faut pour les garder.

Nous avons également besoin de construire une collectivité d'investisseurs providentiels et de capital de risque autonome et qui offre des rendements extraordinaires. L'aide initiale du gouvernement a été bonne, mais on ne devrait pas la considérer comme une solution permanente. Nous devons créer un marché et un taux d'impôt intéressants, et laisser les forces du marché amener le capital aux entrepreneurs et aux investisseurs qui ont du succès à créer de la richesse.

L'impôt sur les gains en capital n'est pas un remède universel. Cependant, c'est un outil critique que l'on peut utiliser pour encourager et récompenser la création d'une richesse et de secteurs stratégiques de l'économie. Il permettra de tenir compte de tous les éléments du cheminement des capitaux de risque, y compris les entrepreneurs, les investisseurs providentiels et de capital de risque et les investisseurs d'émission initiale. Enfin, on peut le modeler de façon à se concentrer précisément sur les résultats souhaités, et il n'aura une incidence sur les recettes fiscales du gouvernement qu'une fois que la richesse aura été créée, et non avant.

Le sénateur Kolber: Bonjour et bienvenue. Je pense, monsieur Lobo que certains de mes collègues et moi sommes des investisseurs dans Mosaic.

M. Lobo: Je sais que vous l'êtes.

Le sénateur Kolber: Soit dit en passant, sur la question des taux d'imposition sur les gains en capital, je crois qu'il y a un projet de loi devant le Congrès qui fera passer le taux de 20 p. 100 à 15 p. 100, et il a de bonnes chances d'être adopté. Par conséquent, le taux en vigueur au Canada sera pratiquement le triple de celui aux États-Unis lorsque ce projet de loi sera adopté.

Des témoignages comme le vôtre sont excellents et nous aimons les entendre; essentiellement, ils disent tous la même chose. Il n'y a vraiment aucun intérêt à s'acharner, comme on dit sur un corps mort.

Monsieur Laver, qu'est-ce que l'on considère de façon générale être le taux de succès pour des transactions de démarrage? On avait l'habitude de dire qu'une sur dix réussissait; est-ce toujours vrai?

M. Laver: C'est toujours le taux dont on entend parler. Je ne crois pas que les gens se lancent dans un fonds de capital de risque, en tant que gestionnaires ou investisseurs, en espérant qu'ils peuvent réussir une fois sur dix. Vous pouvez définir le «succès» de façon large. Pour certains, ce serait un rendement de 20 p. 100 ou de 30 p. 100 de leur investissement, ce que je ne qualifierais pas comme un succès pour un investissement de démarrage ou de premiers stades.

Je n'ai pas avec moi les données pour dire ce que sont en fait les taux de succès, mais à mon avis la cible est probablement, du moins si on parle de gagnants importants dans votre portefeuille, plus près de 3 à 5 sur dix, en reconnaissant toujours qu'il y aura certaines radiations.

Le sénateur Kolber: Si c'était trois, et si vous investissiez 100 $ dans dix entreprises et que vous perdiez 700 $ et qu'il vous restait encore 300 $, de quelle sorte de multiple est-ce que vous auriez besoin pour atteindre le seuil de rentabilité avant impôt. Je n'ai pas besoin que vous me donniez la réponse, mais il me semble que ça doit être passablement élevé.

M. Laver: Oui.

Le sénateur Kolber: Si, après cela, vous devez payer 40 p. 100 de vos gains, il semble que ce soit pratiquement un secteur d'affaires stupide pour les Canadiens. Vous, vous êtes prospères de sorte que c'est magnifique.

Cependant, je pense que pour obtenir un ordre de grandeur de ce dont nous parlons ici, c'est un véritable défi majeur que nous, au Canada, -- je ne sais pas si vous êtes d'accord -- semblons rendre plus difficile.

M. Laver: Je suis d'accord.

Le sénateur Kolber: Comment définiriez-vous «capital de risque»? Je pense que moi-même, ainsi que le public, le confondons souvent avec les situations de démarrage dans le domaine de la haute technologie où un type a une brillante idée, a besoin de toutes sortes d'aide, a besoin de financement par actions, mais n'a pas besoin des banques. Vous, ainsi que d'autres témoins, avez dit que vous n'oeuvrez pas dans le domaine de la haute technologie. Vous ne vous occupez que des créneaux, qu'il s'agisse des croustilles Miss Vicky ou peu importe. Comment le définiriez-vous?

M. Laver: Eh bien, l'industrie canadienne compte sept ou huit couches segmentées, depuis les capitaux de lancement jusqu'aux capitaux de premiers stades en passant par ceux de démarrage. Je pense qu'aux États-Unis, l'industrie du capital de risque se définit beaucoup plus comme l'investissement de lancement, de démarrage, de premiers stades, puis elle se segmente en fonds de rachat et fonds de déploiement et des choses du genre, ce que vous ne voyez pas au Canada dans la même mesure.

Je définis le capital de risque comme un investissement dans des entreprises de démarrage ou aux premiers stades, et non tellement dans les rachats ou le déploiement, quoique de façon générale, l'industrie canadienne les inclut dans ses définitions.

Le sénateur Kolber: Une dernière question. Avez-vous des idées brillantes sur la façon pour nous de prévoir mettre ensemble un ensemble de meilleurs gestionnaires?

M. Laver: Je crois que c'est en train de se produire. Je crois que les lois de l'offre et de la demande fonctionnent. Certainement, les gens qui se sont joints à l'industrie dans les années 80, dont moi, venaient de milieux financiers. De plus en plus, les gens qui se joignent à l'industrie, tel Vernon et d'autres, Dennis Bennie, et j'en passe, arrivent avec des aptitudes qui se rattachent directement à l'exploitation, n'ayant jamais travaillé dans une institution financière ou un milieu bancaire.

Je pense que l'évolution se produit et qu'elle augmentera à mesure que les gens constatent que les rendements dans l'industrie sont bons ou très bons.

Le sénateur Kolber: Évidemment, nous avons un problème de collatéral -- oublions pour un instant les gains en capital -- en ce sens que nos taux ordinaires d'imposition poussent un grand nombre d'entrepreneurs plus au sud, aux États-Unis. Pensez-vous que c'est vraiment un problème?

M. Laver: Je pense que vous verrez toujours un certain nombre des véritables entrepreneurs de haut niveau s'en aller aux États-Unis, à Silicon Valley ou à Boston, en partie parce que c'est uniquement un milieu beaucoup plus stimulant. Il y a tellement plus d'entreprises aux États-Unis dans lesquelles ils peuvent travailler, où ils peuvent exceller, qu'ici au Canada à l'heure actuelle.

Je pense que la question de l'imposition est probablement un peu plus importante chez les cadres intermédiaires, les personnes qui font effectivement le codage, qui dirigent vos secteurs du marketing ou de quoi que ce soit, où on commence à migrer vers les États-Unis en grand nombre.

M. Ashley: Je pense que la première question portait sur la définition de capital risque. Je la définis en termes assez généraux, comme couvrant en réalité à la fois l'investissement aux premiers stades et aux derniers stades dans de petites entreprises au Canada, mais je ne m'embrouille pas avec la définition. Certaines personnes parlent de «capitaux privés». Certaines personnes parlent de capital de risque et, dans mon mémoire, vous constaterez que j'ai mis une oblique entre les deux termes parce que je les utilise indifféremment.

Je pense que ce qui est important, c'est que ce n'est pas uniquement de l'argent passif qui parviendra à ces entreprises. C'est habituellement de l'argent qui arrive avec un élément de valeur ajoutée. Les investisseurs de capital de risque travaillent avec ces entreprises et les aident à prendre soin de leur croissance.

Le sénateur Kolber: Donc faire un chèque n'est pas en soi la réponse?

M. Ashley: Je considère qu'il s'agit de capital de risque.

Le sénateur Meighen: Bienvenue messieurs. Comme l'a dit le sénateur Kolber, ce sont d'excellents mémoires, très clairs. Je pense que nous avons tendance, certainement en ce qui me concerne, à être d'accord avec une grande partie de ce que vous dites dans ces mémoires.

Monsieur Ashley, j'aurais besoin de quelques détails précis, je suppose, sur les obligations des administrateurs. Vous recommandez qu'elles soient réduites afin de voir à ce que de solides conseils d'administration puissent être créés pour aider les entreprises à croître. Comme vous dites, lorsque des entreprises ont des difficultés, la tendance croissante est que les administrateurs s'éclipsent parce qu'ils peuvent se permettre d'assumer les obligations éventuelles.

Notre comité a dit ouvertement -- et peut-être que le président peut nous dire quelles sont nos recommandations en ce qui concerne la responsabilité des administrateurs -- qu'il favorise une défense de diligence raisonnable pour les administrateurs. Est-ce que cela permettrait de résoudre en grande partie le problème que vous avez soulevé?

M. Ashley: Cela aiderait de toute évidence. Cependant, je suppose qu'on doit définir la diligence rapide en ce qui concerne les obligations des administrateurs pour ce qui est des retenues fiscales. Je pense qu'il y a une jurisprudence qui indique que le simple fait de poser la question lors des réunions du conseil n'est pas suffisant. Je pense qu'un tribunal a statué qu'une personne doit voir les chèques annulés pour satisfaire au test de la défense fondée sur la diligence raisonnable.

Le sénateur Meighen: Qui a dit que nos vies sont menées par les tribunaux et les juges?

M. Ashley: De façon générale, je suis d'accord. Je pense que l'obligation absolue doit être éliminée chez les administrateurs, mais je pense que la diligence raisonnable doit être définie et non être laissée à un test ouvert de raisonnabilité.

Le président: La question était de savoir ce qui était survenu des recommandations du comité sur la gérance. Je crois comprendre, comme je l'ai dit au comité auparavant, que toutes les recommandations de notre rapport produit il y a environ un an ou un an et demi, seront incluses dans les modifications apportées à la Loi sur les sociétés par actions qui sera déposée à l'automne.

Le sénateur Kolber: Monsieur le président, je pourrais ajouter, pour certaines sociétés telles des banques, je pense que la moitié de l'ordre du jour est contrôlée par le gouvernement, des points que vous devez mettre à l'ordre du jour et dire: «Eh oui, nous l'avons examiné et il semble bien beau et merci beaucoup».

Maintenant, lorsque j'ai pour la première fois fait partie d'un conseil d'administration il y a 27 ans, il n'y avait rien. Maintenant c'est la moitié, et on dit que dans deux ou trois ans, ce sera 80 p. 100.

Le sénateur Meighen: Je suppose que c'est M. Laver qui a soulevé la question de la nécessité d'un niveau accru de consortium d'investissement au sein des fonds d'actions, ce qui m'a fait penser aux règlements régissant le regroupement des investisseurs individuels. Je pense qu'il y a des règlements des valeurs mobilières qui interdisent à des gens de se regrouper et de franchir le seuil de 150 000 $ ou quelque chose du genre. S'agit-il de quelque chose que vous aimeriez qui soit éliminé, ou n'est-ce pas une inhibition?

M. Laver: C'est un facteur qui, je pense, limite la capacité du financement de lancement. Je pense que la règle des 150 000 $ est quelque peu artificielle. Il n'est pas correct de supposer que parce que quelqu'un peut faire un chèque de 150 000 $, qu'il s'agit d'investisseurs qui ont la connaissance, qui sont évolués. J'ai vu beaucoup de gens être en mesure de faire un chèque de 50 000 $ qui avaient beaucoup de connaissances.

Par conséquent, je ne favorise pas la règle ou la loi qui vous empêche essentiellement de combiner des forces pour parvenir au niveau de 150 000 $.

Je suis désolé, quelle était la première partie de votre question?

Le sénateur Meighen: Vous y avez répondu parce que vous favorisez la nécessité d'un niveau accru de consortium d'investissements.

M. Laver: Ce à quoi je faisais effectivement référence, c'est qu'il y avait un plus grand nombre de fonds de capital de risque à l'oeuvre ensemble dans le cadre d'un investissement de démarrage ou de premier stade.

Historiquement, au Canada -- et cela a quelque peu évolué au cours des dernières années -- je pense que l'attitude du milieu du capital de risque était davantage, s'il s'agit d'une grande transaction, apparentée à la volonté d'être le propriétaire plutôt que s'il s'agit d'une grande transaction, c'est encore sensé qu'un plus grand nombre d'investisseurs s'y intéressent. Cela a rapport tout d'abord au nombre de fonds dans l'industrie, ainsi qu'à leur niveau d'expertise en gestion. Je pense qu'à mesure que nous augmentons ce niveau de connaissances, il y a une plus grande volonté et capacité de voir la logique de combiner les forces dans des investissements.

Le grand avantage que je vois, à part l'avantage évident de l'accès à des réseaux plus grands, c'est que les compagnies en démarrage auront la capacité d'aller chercher tôt dans leur développement des capitaux plus importants.

Lorsque vous examinez la concurrence à laquelle ils feront face des États-Unis, il n'est pas exceptionnel pour une entreprise aux États-Unis qui en est à son démarrage ou aux premiers stades de son développement, d'être en mesure d'avoir accès à des capitaux de 10 à 20 millions de dollars U.S. Par contre, ici au Canada, pour une compagnie qui démarre, l'accès à plus de 1 à 3 millions de dollars CAN est un défi.

Le sénateur Meighen: Dois-je en déduire, aux fins du dossier et pour ma propre gouverne, qu'il n'y a personne parmi vous qui verrait une difficulté à définir un investissement qualifié comme on l'a fait aux États-Unis pour cibler un incitatif fiscal qui pourrait être approprié?

M. Lobo: Oui.

Le sénateur Meighen: Enfin, je pense, monsieur Lobo, que vous avez soulevé, et je suppose que M. Ashley a également fait des commentaires à cet égard, la question que le gouvernement a fait, selon vos propres mots, un assez bon travail d'accroître le capital disponible pour les petites et moyennes entreprises.

Puis vous, monsieur Ashley, avez indiqué que certaines de nos institutions gouvernementales ont le vent dans les voiles et ont décidé qu'elles devraient peut-être devenir quelque chose qui n'a pas été prévu à l'origine, et qu'elles ont fait la concurrence dans le secteur privé.

En avons-nous fait suffisamment? Est-il temps de cesser d'accroître le capital initial ou devrons-nous tout simplement maintenir le statu quo et nous concentrer sur l'aval maintenant?

M. Lobo: Je suppose que mes commentaires au sujet de la formation de capitaux avaient trait précisément au capital de risque parrainé par le mouvement syndical, qui encourageait vraiment beaucoup d'investissements privés en raison des incitatifs fiscaux. Tel que je l'ai mentionné, nous en sommes à environ 10 milliards de dollars de capital de risque au Canada, et la moitié de cette somme provient des milieux syndicaux. Je pense que nous devrions passer des incitatifs initiaux aux incitatifs en aval. Je pense que nous avons suffisamment fait pour que la pompe soit amorcée. Laissons maintenant le marché décider qui crée de la richesse, et il sera possible d'attirer plus de capital à l'avenir sans devoir avoir des incitatifs initiaux.

Le sénateur Meighen: Qu'en est-il de la BDC?

M. Lobo: Je pense que la BDC joue un rôle important. En fait, l'un des écarts dans l'état global du marché est initialement pour les plus petits types de transactions, et comme Brad l'a mentionné, il travaillait à ce niveau. La BDC joue un rôle important, en particulier dans les tout premiers stades, parce que les investisseurs professionnels qui gèrent des capitaux plus importants n'aiment pas investir par très petits montants étant donné qu'il en résulte une faible influence sur le temps disponible. Je pense que la BDC doit continuer à jouer ce rôle.

M. Ashley: Pour ce qui est de la première question, au sujet des réductions, je pense que nous avons créé un marché artificiel des capitaux ici dans une certaine mesure. Je pense que la justification -- et je ne comprends pas tout à fait la composante syndicale -- pour aider à capitaliser le système, a probablement un certain mérite. Il y avait une pénurie de capitaux et c'était sensé. Aujourd'hui, je crois que cela empêche une flux institutionnel beaucoup plus stable de capitaux, comme ce que nous voyons chez nos voisins du sud. Tant que nous conservons ces incitatifs, nous ne passerons jamais au remblayage et nous les supporterons pour toujours.

En ce qui concerne la BDC, et encore un fois elle joue certains rôles qui ont du sens. J'aimerais qu'elle imite un peu plus ce que nous avions en Ontario, la Société Innovation Ontario, ou la SIO. Nous allions les voir. Elle participait aux transactions dans leurs tout premiers stades, au démarrage, mais je les vois maintenant passer à des stades de plus en plus loin et je ne le comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi ils ont un nouveau fonds de rachat qui a, je pense, plus de 100 millions en gestion. Je ne suis pas certain de la mesure dans laquelle cela aide le marché canadien.

La Banque de Montréal et Capital Banque Royale ont toutes deux de petits groupes et ciblent de façon agressive les mêmes transactions que la BDC, et ils perdent fréquemment à l'établissement des prix par 5 p. 100 sur les transactions. Je ne comprends pas cela.

Mais ce qui me surprend le plus, c'est lorsque je reçois un appel impromptu d'un entrepreneur qui cherche un million de dollars ou 500 000 $ en capitaux et qui dit: «Monsieur Ashley, nous croyons comprendre que vous exploitez une entreprise de capital de risque.» Malheureusement, les documents de sociétés en commandite m'empêchent d'investir dans des affaires qui en sont aux premiers stades ou qui ont trait à la technologie, et je leur suggère d'aller à la BDC. Ils me disent: «Nous y sommes allés et ils nous disent qu'ils ne s'intéressent pas à ces transactions». Je ne comprends pas. C'est le vide. C'est dans ce créneau qu'ils devraient se trouver. C'est à cet endroit qu'ils pourraient aider des entreprises canadiennes, et non dans le côté achalandé, où il y a déjà d'autres bonnes sources de capitaux déjà disponibles.

Le sénateur Kroft: Quelques questions. Nous avons parlé auparavant du ratio de un pour dix, et j'espère que vous étiez du côté du un, et M. Laver et moi pourrions parler pendant longtemps des neuf autres, mais c'est pour d'autres vies.

Monsieur Lobo, dans le cadre de votre proposition sur les gains en capital et de l'accent sur le type précis d'investissement, est-ce que vous suggérez le ciblage parce que vous pensez que se serait tout ce qu'il est possible d'obtenir pour la réforme des gains sur le capital, ou parce qu'en créant une occasion limitée, une situation de gain sur des actions privilégiées, vous auriez l'effet d'obliger ce genre d'investissement?

M. Lobo: J'ai choisi de le faire cibler en raison de ma perception de la difficulté sur le plan politique de faire accepter des diminutions de l'impôt sur les gains en capital. Je crois comprendre que cela n'a pas été vu de façon très positive. Paul Martin a dit à de nombreuses reprises qu'il ne favorise pas une telle situation. J'essayais donc de dire que si nous ne sommes pas pour le faire de façon étendue, eh bien choisissons les choses qui sont importantes pour le pays et donnons l'incitatif aux gens de créer de la richesse dans ces domaines. Par conséquent, nous n'en faisons pas une sorte de transaction cadre.

Le sénateur Kroft: Si on met la politique de côté, ce serait bien que cela s'applique de façon générale de sorte qu'il s'agit bien d'une décision politique.

M. Lobo: Oui.

Le président: Puis-je poser une question supplémentaire à cet égard? Je veux demander si le ciblage est sensé.

L'objectif, comme vous l'avez dit tous les trois, était d'accroître la récompense pour les personnes qui étaient prêtes à prendre des risques dans des petites entreprises. Est-ce correct que si vous offrez la même disposition sur les gains en capital pour tous les investissements, cela entraînerait une situation où les personnes voudraient investir dans des projets moins risqués? Par conséquent, vous n'atteindriez pas votre objectif parce que les gens iraient vers les valeurs de premier ordre -- les actions des banques et autres -- plutôt que de faire les investissements dont vous parlez.

Je comprends pourquoi M. Lobo peut avoir fait ces recommandations fondées sur une évaluation politique, mais si on oublie cet aspect, et compte tenu de l'objectif que vous voulez atteindre, est-ce qu'on ne devrait pas le cibler de toute façon?

M. Lobo: Vous soulevez un bon point. Je ne sais pas quelle serait l'incidence d'une réduction généralisée de l'impôt sur les gains en capital. L'un des éléments importants à ce sujet est la solidité des marchés publics, et je pense que le fait d'avoir des marchés généralement très en santé et liquides pouvait être un résultat d'une généralisation de la réduction des impôts sur les gains en capital, bien que je n'en sois pas certain. Cela s'étendrait effectivement aux secteurs précis qui sont ciblés.

Cependant, la logique de votre point est correcte, à savoir que si nous essayons de créer le ratio de risques/récompenses qui est sensé, alors concentrons-nous sur les choses qui sont à risque élevé.

M. Laver: Je pense que l'une des raisons pour lesquelles je me suis concentré sur l'incitatif ciblé, c'est la question du risque et de la récompense, où les risques associés aux investissements dans des entreprises privées, aux premiers stades, sont importants.

Je pense que vous avez déjà entendu parler de la part d'autres personnes qu'un autre avantage de la réduction généralisée serait de peut-être libérer des capitaux qui sont accaparés par de l'immobilier ou quelque chose d'autre, où les gens sont réticents à vendre en raison des questions d'impôt sur les gains en capital.

Ceci étant dit, je pense que la personne dont l'argent est accaparé dans cette sorte d'investissement est probablement moins susceptible de vouloir transformer ce gain en un investissement de premier stade. Cette personne a un certain profil de risque et il y a peu de chance que cela change matériellement.

M. Ashley: Mon commentaire vise davantage à uniquement niveler le terrain de jeu du côté du capital de risque. Commençons par cela et assurons-nous que tout le monde est traité de façon égale d'un point de vue de la politique fiscale. Je ne pense pas que nous puissions manoeuvrer dans ce secteur quant à ce qui constitue le plus grand risque et, par conséquent, devrait obtenir le répit fiscal le plus élevé. Je pense que nous pouvons peut-être cibler des transactions sous un certain seuil ou un certain actif ou des entreprises privées. Je ne suis pas certain de la façon de le faire, mais il faudrait que ce soit un terrain de jeu uniforme et nous devrions tous les regrouper au sein de cette catégorie.

Le sénateur Kenny: J'ai seulement deux questions et l'une porte sur la question découpage. Monsieur Lobo, comment ciblez-vous, et quelle est la cible?

Deuxièmement, j'aimerais que vous commentiez vos dernières recommandations de garder une part disproportionnée de cette valeur comme incitatif et récompense. Qu'est-ce qu'une part disproportionnée?

M. Lobo: Pour être honnête, sénateur Kenny, je n'ai pas suffisamment réfléchi à exactement de quelle façon vous pourriez le faire, mais il y aurait des caractéristiques qui je pense pourraient se qualifier.

L'une d'elles serait certainement des actions de trésorerie, et non des personnes secondaires qui essaient de faire de l'argent en revendant. Ce serait davantage pour les gens qui financent des projets depuis le début.

Deuxièmement, mon biais personnel est qu'en tant que pays, nous devrions choisir certaines industries et certains secteurs dans lesquels nous voulons être les meilleurs au monde et concentrer nos ressources sur leur développement. J'ai un biais personnel à l'endroit de la technologie. Je pense que ce sera une partie très importante de la prochaine économie et que nous avons certains avantages naturels que nous devrions encourager et récompenser. Les secteurs de la technologie seraient un autre exemple pour moi.

Troisièmement, je préciserais probablement une période de rétention minimale de façon à ce que vous encouragiez des investisseurs à plus long terme, au lieu d'encourager des personnes qui cherchent à faire de l'argent en entrant et en sortant rapidement. Outre de cela, je ne peux pas vraiment dire maintenant ce qui devrait être fait, mais si j'y réfléchissais, je pourrais certainement vous donner des idées précises.

Pour ce qui est de la question de la part disproportionnée, je pense que j'ai fait cette observation par rapport à ce qui se passe aux États-Unis. À l'heure actuelle, tel qu'on l'a dit, vous payez aux États-Unis deux fois moins d'impôt sur les gains en capital qu'au Canada, et ce sera bientôt encore moins. Ce que je veux faire valoir, c'est de permettre aux gens qui créent la richesse d'en garder un peu plus s'ils sont au Canada plutôt qu'aux États-Unis.

Le sénateur Kroft: Je veux revenir à M. Ashley. J'ai remarqué que vous avez signalé que votre fonds est un peu une anomalie en ce sens qui vous n'investissez pas dans la haute technologie; est-ce exact?

M. Ashley: Oui.

Le sénateur Kroft: Nous avons discuté tout l'avant-midi et nous en sommes presque venus à dire que la haute technologie est synonyme de croissance et que c'est le seul investissement à faire et tout le reste. Je suis toujours heureux de voir quelqu'un qui dit le contraire et j'aimerais tout simplement que vous nous fassiez part de votre propre philosophie.

M. Ashley: Bien sûr. Je serai heureux de le faire. Je ne suis pas une anomalie, en ce sens que ce fonds n'est pas axé sur la technologie. La technologie, fondée sur la hausse rapide du NASDAQ au cours des dernières années, a véritablement attiré beaucoup d'investissements. C'est peut-être la vogue de la décennie, je n'en suis pas certain, mais je continue d'aimer les entreprises de services et les entreprises du secteur manufacturier, qui demeurent l'épine dorsale de l'économie. La technologie peut venir et partir, tout comme l'a fait la biotechonologie. Je ne suis pas certain de ce qui se trouve derrière la haute technologie. Je suppose qu'il y aura toujours quelques entreprises, mais il y aura toujours quelques bonnes entreprises de services ou manufacturières que je cible.

Quelqu'un a demandé auparavant quelle serait la moyenne sur dix si les transactions dans le secteur de la technologie sont pour fonctionner. On a besoin d'un plus grand nombre de coups de circuit, comme nous les appelons. Je cherche les simples, pour poursuivre l'analogie avec le baseball. De temps à autre je frapperai un double. J'en étirerai un en triple et le seul coup de circuit que j'obtiendrai sera un coup de circuit à l'intérieur du terrain.

Quoi qu'il en soit, nos investissements se fondent dans de bonnes entreprises à croissance solide. Elles ont besoin de capital par actions également et le conseil joue un rôle très actif en aidant à amener ces entreprises au niveau suivant. Nos rendements, par rapport aux fonds destinés à la technologie, sont dans le percentile supérieur, malgré notre profil de risque inférieur. Je me qualifie d'«investisseur de risque prudent».

Le sénateur Hervieux-Payette: Monsieur Laver, vous avez dit que vous jouez un rôle actif dans les entreprises, que vous travaillez, collaborez avec la direction et que vous passez du temps avec les gens. Faites-vous cela personnellement ou avez-vous d'autres gens dans votre entreprise qui le font? La même question s'applique aux autres témoins. Sachant maintenant que vous avez le talent, quel genre de personnes cherchez-vous à engager pour progresser vers d'autres investissements? Vous ne pouvez pas superviser 25 entreprises de sorte que je suppose que vous cherchez à engager d'autres personnes. Comment les formez-vous et d'où viennent-elles? Quel est votre histoire à succès dans ce domaine?

M. Laver: À ce moment-ci, je travaille seul. En raison de la taille du fonds, ce n'est pas rentable d'avoir une équipe de gestion comme tel. De façon générale, je travaille seul avec les entreprises au nom de CastleHill Ventures.

Ceci étant dit, je n'investis que dans des entreprises où d'autres compagnies investissent avec moi. Par conséquent, je m'attends dans une plus ou moins grande mesure que ces compagnies seront également actives. Je me fie uniquement à moi-même pour fournir cette «valeur ajoutée», comme nous l'appelons.

Pour ce qui est de mon deuxième fonds, je cherche des personnes qui ont de préférence au moins deux à trois années d'expérience dans le capital de risque, mais ce qui est plus important de mon point de vue, qui ont des antécédents du côté de l'exploitation et de la technologie. Ces personnes ont peut-être un diplôme en génie et ont travaillé pour une Nortel ou une Newbridge ou peu importe, mais quelqu'un qui a des antécédents dans le domaine de l'exploitation à un certain niveau. Encore une fois, cela correspond à mon modèle d'investissement et je pense que c'est là que j'obtiens la plus grande valeur ajoutée, tant pour moi-même que pour les entreprises dans lesquelles j'investis.

M. Ashley: Il y a deux aspects au capital de risque. Le premier a rapport aux transactions, c'est-à-dire trouver les investissements, les négocier, faire preuve de diligence raisonnable et conclure la transaction.

Le deuxième aspect est de participer de façon active à ces entreprises au niveau du conseil d'administration. Très souvent, ces entreprises ont besoin de différents ensembles d'aptitudes et on doit de se doter d'un conseil dans le but de s'assurer que ces aptitudes sont autour de la table.

Tout comme Barry, j'ai travaillé seul pendant plusieurs années avec mon premier fonds de 10 millions. Sur le plan de la rentabilité, il n'était pas sensé que j'aie du personnel additionnel. Récemment, avec mon deuxième fonds, j'ai engagé une personne qui a des antécédents dans les secteurs financiers qui complètent les miens. Je suis un avocat et titulaire d'un MBA, et j'ai eu passablement d'expérience du domaine de l'investissement avant de créer Privec. Cette personne est un comptable agréé qui a des antécédents dans le domaine de l'insolvabilité. Je ne dis pas que c'est dans ce secteur que je fais des investissements, mais c'est bien de savoir où ils pourraient aller et de connaître la façon de les empêcher d'y aller.

Je m'assure qu'une fois que j'investis dans une entreprise, nous mettons sur pied un très solide conseil d'administration et c'est là que de bonnes et solides personnes du côté de l'exploitation, avec qui j'entretiens des rapports étroits, peuvent aider. Les membres de mon comité d'investissement, ou à l'extérieur, des entrepreneurs aguerris peuvent aider à faire croître ces entreprises de sorte que je n'aime pas tellement avoir du personnel. Je pourrais ajouter à mon entreprise quelques personnes spécialisées dans le domaine financier. Lorsqu'il s'agit d'aider sur le plan fonctionnel moderne, je m'assure qu'il y a de bonnes personnes d'affaires autour de la table qui peuvent aider l'entreprise.

M. Lobo: Toute notre proposition en tant qu'investisseurs est d'ajouter un degré important de valeur aux entreprises dans lesquelles nous investissons et, nous participons à plus que des rencontres de conseils d'administration une fois par trimestre. Nous aiderons à attirer des équipes de gestion. Nous ferons des acquisitions ou des fusions et nous aiderons au financement. Nous utiliserons notre réseau de contact pour avoir accès à des clients et à des clients éventuels et nous aiderons du côté des aspects juridiques.

Tout ce que nous disons, c'est qu'il faut plus que seulement des capitaux pour mettre sur pied une bonne entreprise, et nous essayons donc de participer le plus possible.

Maintenant, il y a une limite à ce qu'une personne peut faire. J'ai un associé dont les antécédents sont très semblables aux miens et nous essayons de nous concentrer sur les quatre aptitudes dont j'ai parlé auparavant. L'une est le financement des entreprises; une autre la stratégie d'affaires; une troisième, c'est d'avoir de l'expérience dans le domaine de l'exploitation ou de l'entrepreunariat; et la dernière, dans notre cas, c'est de comprendre la technologie.

Nous avons deux collaborateurs qui travaillent avec nous et qui complètent nos aptitudes. Les deux sont très forts du côté de la technologie et l'un d'entre eux a une certaine expérience des services bancaires d'investissement.

Permettez-moi d'apporter un autre point. Pour chaque associé, je trouve que vous pouvez gérer raisonnablement de six à huit investissements parce que les choses ont tendance à monter et à baisser. Au cours d'une semaine donnée, deux d'entre eux auront besoin de beaucoup d'attention. Il y en a quatre d'entre eux avec lesquels vous restez en contact sur une base régulière. Un ou deux des autres que vous pouvez vérifier moins fréquemment parce qu'il y a un personnel de gestion très compétent ou qu'il s'agit d'une plus grosse entreprise.

Je trouve qu'à mesure que nous avons la possibilité de croître au lieu d'avoir un plus grand nombre d'associés qui se chargent de six ou de huit entreprises, il est plus sensé pour nous de consacrer notre temps à une base plus grande de capitaux. Nous faisons des investissements plus importants dans des entreprises plus grandes, au lieu d'essayer de se multiplier à l'horizontal, comme on faisait.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai une question connexe. L'un de vous était actif dans le domaine des télécommunications, mais pour un nouveau domaine tel la biotechnologie, comment évaluez-vous les entreprises dans lesquelles vous investissez? Où trouvez-vous les personnes qui peuvent vous dire quel est le potentiel de ces entreprises?

M. Lobo: J'investis uniquement dans des entreprises de la technologie numérique. Une partie de ma philosophie est que je ne veux pas investir dans quoi que ce soit à moins, (a) que je le comprenne, (b) que je pense que je peux faire une différence en l'aidant à croître, et que je pense également qu'il s'agit d'une occasion de croissance naturelle.

Je pense qu'il y en a d'autres qui ont beaucoup d'expérience dans le domaine de la biotechnologie. Ces personnes ont soit travaillé dans des entreprises de biotechnologie, soit investi dans de telles entreprises. Ces personnes sont plus appropriées pour ces genres de situations.

Pour l'essentiel, j'ai une bonne expérience d'Internet et des télécommunications de sorte que je peux comprendre ces entreprises.

Dans le cas des entreprises pour lesquelles je n'ai pas une expérience directe, je pense que j'ai une compréhension raisonnable du marché et, au besoin, je peux faire appel à un spécialiste pour m'aider à faire une évaluation. Cependant, je n'envisagerais même pas une entreprise du secteur de la biotechnologie.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je vais vous dire ce que je pense -- je pensais que vous me donneriez cette réponse -- qu'il semble que lorsque vous étudiez en génie ou en droit, vous avez très souvent une formation complémentaire en gestion. Lorsque vous venez de l'autre domaine scientifique, la formation en gestion n'y est pas; donc comment comblez-vous cet écart? Les personnes qui ont oeuvré dans tous les autres secteurs scientifiques, qui ont trait à la chimie et à tout le reste, n'ont pas cette combinaison et c'est plus difficile.

Quelle est votre suggestion? Nous parlons avec les professeurs au sujet de ce qui est enseigné à l'université. Comment aidons-nous les gens à puiser à ces sources de l'innovation pour ensuite les amener au marché, étant donné qu'un grand nombre d'entre eux n'ont pas la même formation que des ingénieurs, qui ont à faire beaucoup plus de financement. Vous devez avoir certaines connaissances des finances lorsque vous étudiez en génie. Dans le domaine des sciences, c'est souvent très éloigné de la formation. Croyez-vous qu'il y a un écart à cet égard et qu'il pourrait être comblé?

M. Lobo: Ma méthode, pour ce qui est de cette question, vient du côté technologique, mais je pense qu'elle s'appliquerait également à la biotechnologie. En fait, j'ai des amis qui ont fait cela à Montréal. S'il y a un scientifique en biotechnologie qui a mis au point une grande innovation et qui cherche des investissements, je dirais en tant qu'investisseur, c'est bien, vous avez de grandes aptitudes dans le domaine de la technologie. Voyons si nous pouvons trouver quelqu'un qui a des aptitudes du côté de l'exploitation, avec une expérience de gestion, qui a travaillé dans une entreprise de biotechnologie et qui reconnaît le potentiel de votre idée. Par conséquent, nous combinons l'idée, les gens et le capital, de telle façon que les incitatifs de chacun se combinent pour aider à mettre sur pied l'entreprise.

Certaines personnes qui ont une formation technologique ou scientifique choisissent de rester dans ce domaine et c'est parfait si on peut les compléter par des gens qui ont de l'expérience. Certaines personnes finiront par passer à la catégorie de la gestion et en bout de ligne quitteront pour démarrer des entreprises grâce à de nouvelles idées.

Je ne sais pas s'il y a des changements précis au niveau de la formation que je pourrais suggérer. Tout ce que je peux faire, c'est de dire de quelle façon nous nous attaquerions à la question si nous avions une idée en technologie ou en biotechnologie sans l'expertise au niveau de la gestion.

M. Laver: J'ajouterai, si vous me le permettez, que je ne perçois pas en fait qu'il y a une grande différence entre les secteurs de la biotechnologie et de la technologie de l'information. Je ne m'occupe pas du secteur de la biotechnologie parce que je ne le comprends pas et parce que je n'ai pas le réseau de contacts. Je vois un avantage à me concentrer sur quelque chose que je comprends dans une plus ou moins grande mesure.

Je perçois un groupe raisonnablement dynamique de fonds de capital de risque ou de sous-ensembles de fonds au Canada qui se concentrent sur le secteur de la biotechnologie et, cinq fois sur dix, lorsque je rencontre une entreprise du milieu de la technologie de l'information, ses dirigeants ne possèdent pas beaucoup d'aptitudes en affaires. Il se peut que ce soit la même chose dans le secteur de la biotechnologie. Une partie de notre travail en tant qu'investisseur de capital de risque est d'aider à réunir ces personnes. Tout comme Brad, tout comme Vernon, qu'il s'agisse de haute technologie ou de technologie rudimentaire, nous sommes très actifs pour réunir au sein du conseil d'administration les spécialistes et l'expertise en gestion pour l'entreprise.

Neuf fois sur dix, l'expertise initiale en gestion que vous amenez à l'entreprise est une aptitude en affaires qui n'existe pas à l'heure actuelle. Je ne suis pas convaincu, quoique je n'ai pas réalisé une étude à ce sujet, qu'il y a une grande différence entre la biotechnologie et la TI. On compte au Canada un milieu de la biotechnologie dynamique.

Le sénateur Hervieux-Payette: Ma dernière question porte sur le fait qu'on nous dit que même les sociétés canadiennes de premier ordre sont sous-évaluées, que les multiples sont trop faibles. Y a-t-il une relation entre le point où elles ont commencé, le point où elles étaient financées initialement et ce qu'elles sont devenues? Sont-elles pénalisées ici parce que si elles étaient allées aux États-Unis pour leur financement au début, leur valeur serait beaucoup plus élevée et l'entreprise serait plus intéressante?

M. Laver: Je pense qu'il y a de façon générale une occasion pour les entreprises d'obtenir des évaluations plus élevées aux États-Unis. Je pense que c'est en partie à cause de la culture aux États-Unis qui est plus entrepreneuriale qu'au Canada, qu'il y a une plus grande aptitude à la prise de risques et qu'il y a aussi plus de capitaux disponibles à la recherche d'investissements. Par conséquent, ces aspects auront tendance à pousser les évaluations à la hausse.

Au Canada, bien que ce soit moins marqué dans le secteur de la technologie, vous trouverez dans une plus grande mesure des entreprises qui sont quelque peu enclavées. Je veux dire par cela que leurs débouchés sont au Canada. Maintenant, tel que je l'ai dit, cela s'applique moins au secteur de la technologie, mais cela aura également tendance à limiter votre valeur marchande.

M. Lobo: Je pense que les évaluations des marchés publics sont davantage une fonction de l'environnement global, tel que je l'ai mentionné dans mes propos d'ouverture, que du point où les entreprises ont démarré. Cependant, je crois également qu'il y a un énorme potentiel dans notre pays pour certaines de nos entreprises nouvelles et chefs de file de vendre aux États-Unis et de connaître un succès commercial là-bas. Il y a eu des exemples d'entreprises canadiennes inscrites au TSE qui sont passées au NASDAQ après avoir connu un certain succès aux États-Unis et qui ont reçu des évaluations plus près de celles qui se font aux États-Unis. Ce que j'espère en partie et qui est mon objectif, c'est d'aider quelques-unes des entreprises dans lesquelles j'investis à obtenir un accès au marché américain et à connaître le succès là-bas. Alors, une fois que nous avons un pourcentage important de nos revenus qui viennent des États-Unis, les inscrire au NASDAQ afin de recevoir les évaluations que ces entreprises méritent.

Le sénateur Angus: Messieurs, j'aimerais me joindre à ce que je pense que tous mes collègues ont dit d'une façon ou d'une autre et c'est à quel point nous apprécions que vous ayez pris quelques heures à vos horaires extrêmement chargés pour venir nous rencontrer. Non seulement vous avez pris du temps pour nous, mais vous avez articulé vos pensées très bien et j'ai particulièrement aimé les exemples pratiques par opposition à théoriques que vous nous avez donnés.

Je pense que le problème dans notre pays, abordé non seulement par vous-mêmes mais aussi par le groupe de témoins qui a précédé -- je pense que certains d'entre vous étaient dans la salle lorsqu'ils y étaient -- est le défi de convaincre nos dirigeants politiques au niveau du conseil des ministres de mettre en pratique certaines de vos recommandations. Il y a un besoin d'éducation à faire pour qu'elles deviennent plus agréables au goût sur le plan politique.

Je vous regarde et je vous écoute, et je pense, vous savez, vous êtes tous des Canadiens, vos histoires sont fantastiques et vous avez remporté du succès. Plusieurs de nos dirigeants à Ottawa ont tendance à dire: «Eh bien, que voulez-vous dire, nous avons besoin de changement? Regardez ces types. Ce sont des Canadiens, ils sont intelligents, ils ont tiré partie de notre environnement, vous savez, de notre éducation et ainsi de suite». Évidemment, nous savons qu'il y a un mensonge à cet égard, mais le point est que l'on veut savoir si vous avez des idées sur la façon pour nous de vaincre cette attitude, parce que c'est terrible. Nous avons tendance à ne pas récompenser ceux d'entre nous qui prennent des risques ou à ne pas souligner nos grands succès dans notre pays, que ce soit dans le domaine des finances, de l'athlétisme ou dans quelque autre domaine. Nous avons d'excellentes histoires, mais cela ne signifie pas que nous ne devrions pas en avoir davantage. Comme vous avez dit, qu'est-ce qu'il y a de mal à avoir un plus grand nombre de millionnaires? Nous n'en avons pas suffisamment.

J'étais tellement agacé -- et je l'ai mentionné à un témoin hier -- lorsque Paul Desmarais était, je pense, dans une impasse avec Diane Francis au téléphone lors de la période des fêtes avec un commentaire sur la structure punitive de l'impôt. On a dit par la suite: «Eh bien, vous savez qui se plaint? Regardez-le, le petit gars de Sudbury. Cela ne doit pas tout être mauvais.» C'était la même chose avec Pattison, mais les deux étaient des entrepreneurs qui ont fait ce qu'ils avaient à faire et qui en ont aidé un grand nombre d'autres.

Voyez-vous où je veux en venir? Je suis tout simplement inquiet du fait que vos propres succès pourraient finir par limiter notre capacité d'apporter les changements dont nous avons de toute évidence besoin.

M. Laver: Je vais vous dire ce que j'en pense. Parce que cette question peut être assez émotive et intuitive, j'ai tendance, heureusement ou malheureusement, à me replier sur la logique.

Lorsque vous examinez le capital engagé dans les marchés au Canada, par exemple, par les régimes de pension, par rapport à l'importance des capitaux aux États-Unis, c'est une différence très factuelle, significative entre les deux pays pour moi. Les taux d'imposition des gains en capital illustrent une différence très importante. Il s'agit de deux exemples mis en lumière, ou des règles proposées de fonds mis en main tierce.

Je l'examine uniquement d'un point du vue logique. Lorsque vous créez un cadre de réglementation qui nous met dans une situation de toute évidence désavantageuse par rapport à notre voisin, en particulier lorsque l'économie du voisin est dix fois plus importante que la nôtre, le résultat ne peut être autrement que désavantageux pour ce qui est de l'établissement de petites et moyennes entreprises bien de chez nous qui ont du succès et qui peuvent concurrencer à l'échelle mondiale.

M. Ashley: L'industrie du capital de risque est aussi en partie à blâmer pour ne pas faire un travail particulièrement bon de faire connaître l'histoire. Je ne suis pas le directeur exécutif du conseil d'administration de la Canadian Venture Capital Association, et nous travaillons fort pour faire connaître l'histoire de façon à ce que nous puissions aider à modifier l'opinion des politiciens.

M. Lobo: Je ne suis pas certain de la façon de répondre à votre question. Nous pouvons examiner les exceptions, les exceptions qui connaissent du succès, et dire: «Voyons, nous n'avons pas de problème», mais je pense que nous devons mesurer ce qui est important pour nous. À mon avis, c'est la création de la richesse, c'est de rendre notre pays concurrentiel et pour un grand nombre de ces mesures -- j'ai mentionné uniquement la valeur marchande -- nous sommes certainement loin derrière les États-Unis.

J'ajouterais que certaines des personnes qui connaissent du succès et qui restent ici ne le font pas parce que l'incitatif financier est plus grand. Ces personnes restent ici pour des raisons familiales ou sociales, et c'est magnifique, mais je ne pense pas que cela peut durer à long terme. Nous devrions attirer le plus grand nombre possible de gens talentueux en fournissant un terrain de jeu uniforme.

Le sénateur Angus: Votre ami qui est resté à Boston.

M. Lobo: Oui, mon ami qui est resté à Boston est un exemple. Lorsque je pense à ce que j'aurais accompli si j'étais resté aux États-Unis, ma situation actuelle ne s'en approche même pas. Je suis ici pour des raisons familiales et je continue de penser que nous vivons dans un magnifique pays qui a beaucoup de potentiel. Cependant, si nous sommes pour dire «Oh, vous avez bien réussi, de quoi vous plaignez-vous?», je ne pense pas que nous serons en mesure d'attirer des gens qui peuvent aider à créer de la richesse et je pense que le pays deviendra de moins en moins concurrentiel avec le temps, et qu'on aura de moins en moins d'exemptions à donner en exemple.

Le sénateur Angus: Oui. Eh bien, monsieur Lobo, vous avez dit -- et je pense que c'est inhérent dans ce que vous avez tous dit -- que le fait de régler ce problème des gains en capital n'est pas un remède universel. Cependant, pour que la nouvelle économie s'installe bien chez nous, pour que notre productivité soit concurrentielle au niveau de l'OCDE et que notre niveau de vie redevienne le numéro trois, là où il se trouvait, ce serait déjà tout un bon départ.

Je sais à quel point vous êtes occupés, mais s'il vous plaît, continuez de faire connaître l'histoire sur les gains en capital parce que cela semble tellement logique, M. Laver, et j'espère que vous continuerez de répandre la bonne nouvelle.

Le président: Messieurs, merci beaucoup d'être venus et en particulier d'avoir pris quelques heures pour rédiger vos mémoires et nous donner de véritables exemples concrets. Ce fut excellent.

La séance est levée.


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