Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 51 - Témoignages
TORONTO, le jeudi 29 avril 1999
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 9 heures pour étudier la situation actuelle du régime financier du Canada (financement par actions).
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Notre premier témoin de ce matin est M. Loudon Owen, associé directeur général de McLean Watson Capital Inc. À la lecture de l'ordre du jour, vous constaterez que M. John Eckert, associé de M. Owen, devait comparaître ce matin. De fait, il a été présent parmi nous pendant la majeure partie de la journée d'hier. Malheureusement, il ne se sent pas bien ce matin. Il a donc demandé à son associé de le remplacer.
Merci beaucoup de votre présence, monsieur Owen. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps d'être parmi nous, particulièrement à brûle-pourpoint.
Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous vous poserons des questions pour explorer en détail certaines de vos vues.
M. Loudon F. Owen, coassocié directeur général, McLean Watson Capital Inc.: Monsieur le président et honorables sénateurs, M. Eckert s'excuse de ne pas pouvoir être ici aujourd'hui. S'il se sent mal, ce n'est pas à cause du contenu des discussions d'hier. Il est vraiment indisposé.
Je suis coassocié directeur général chez McLean Watson. Hier soir, tandis que je songeais à ce que j'allais vous dire, j'ai regroupé mes remarques dans quatre catégories. Premièrement, je vais m'intéresser à nos fondements philosophiques, c'est-à-dire la façon dont nous pensons ou l'optique que nous abordons. Deuxièmement, je vais vous dire quelques mots à notre propos, histoire de vous donner une idée de nos antécédents. Troisièmement, je vais vous faire part de certaines de nos vues à propos de l'industrie du capital de risque, particulièrement dans le contexte international. L'année dernière, j'ai voyagé en Asie, particulièrement à Taiwan, à Hong Kong et à Singapour. Je me suis également rendu en Australie et dans les pays du nord de l'Europe, la Norvège, la Suède et la Finlande, pour sonder l'industrie du capital de risque et d'éventuels débouchés, de sorte que je serai en mesure de vous donner mon appréciation de la place qu'occupe le Canada. Quatrièmement, nous formulerons deux ou trois recommandations qui, je crois, n'auront pas l'heur de vous scandaliser. Elles correspondent à peu près à ce que vous avez entendu par ailleurs, mais elles n'en sont pas moins senties.
Nous, investisseurs en capital de risque, avons envahi les rues. Nous avons retroussé nos manches et nous sommes indépendants. Certes, le capital de risque a connu une croissance, mais les sociétés de capital de risque indépendantes ne sont pas légion au Canada. Pour l'essentiel, le capital de risque est l'affaire des grandes organisations, les banques en particulier, et, naturellement, des fonds de capital de risque de travailleurs. Nous appartenons cependant à la catégorie des indépendants purs et durs.
Notre mission est relativement simple: procurer à nos investisseurs un rendement supérieur à la moyenne. Traditionnellement, nous y sommes parvenus, et c'est ce qui nous motive. Pour l'essentiel, nous tirons notre subsistance de notre régime de retraite.
Nos investisseurs n'ont droit à aucun dégrèvement fiscal. Bien entendu, ils aimeraient bénéficier de dégrèvements fiscaux, à supposer qu'il y en ait. Nous avons choisi de ne pas nous orienter vers les fonds de capital de risque de travailleurs en raison des contraintes auxquelles ils assujettissent le fonctionnement d'un groupe de capital de risque. Nous avons donc emprunté une avenue différente. Nous avons lancé notre entreprise à l'aide de notre propre argent, et elle nous appartient toujours en totalité.
Nous réalisons des profits à peu près de la même façon que d'autres groupes de l'industrie du capital de risque. Nous gardons 20 p. 100 des profits que nous générons, lesquels sont ensuite répartis entre les associés.
Je suis convaincu que toutes les personnes ici présentes sont conscientes de l'avenir stimulant qui nous attend, particulièrement à la lumière des nouvelles technologies. Comme j'ai beaucoup voyagé au cours de la dernière année, je suis en mesure d'affirmer que le marché canadien des technologies est adéquat, mais qu'il évolue à un rythme lent par rapport à ce qu'on observe dans le reste du monde.
Notre rôle consiste à mettre la main sur des sociétés de catégorie mondiale. Pour obtenir un taux de rendement supérieur, nous ne cherchons pas à obtenir un rendement de 14 p. 100 plutôt que de 13 p. 100 sur chacune de nos transactions, pour ensuite faire le total; en fait, nous tentons de choisir des gagnants d'une énorme ampleur. Nous sommes à l'affût de succès mirobolants, à la façon des producteurs de cinéma hollywoodiens. Nous sommes en quête d'entreprises susceptibles de connaître une croissance spectaculaire, et, dans cette catégorie, nous avons par le passé remporté un certain succès.
Nous n'avons pas de réponse simple à propos de ce que nous appelons les «vecteurs d'innovation». Je sais qu'on discutera, comme on l'a fait par le passé, des capitaux de démarrage et des moyens de transformer les cultures. Cependant, nous avons ici affaire à des facteurs élémentaires, c'est-à-dire le financement et le risque assumé par les investisseurs. Deux principes sont importants: en premier lieu, on devrait être récompensé en fonction de son rendement, et non de sa seule participation; deuxièmement, les marchés, pour l'essentiel, fonctionnent très bien, et tout interventionnisme excessif cause d'importantes perturbations.
En ce qui concerne nos antécédents, je puis vous dire, sur un plan tout à fait personnel, que ma famille est arrivée ici par bateau dans les années 50. Nous étions en quête de possibilités. J'ai fait mes études ici et en France. J'ai passé environ le tiers de ma vie en Europe.
À l'origine, McLean Watson était une société de négoce dont le siège social se trouvait en Indonésie. Nos actifs ont été nationalisés par le gouvernement indonésien. Vous comprendrez donc que nous voyons donc d'un oeil quelque peu méfiant les interventions du gouvernement dans le monde des affaires.
J'observe les marchés financiers dans deux contextes. En plus d'être coassocié directeur général chez McLean Watson, je siège au conseil d'administration de la BPI Capital Management Corporation, société de fonds communs de placement qui gère des actifs de 4 milliards de dollars. Cependant, c'est en ma qualité de coassocié directeur général de McLean Watson que je m'exprime aujourd'hui.
Au cours des 18 prochains mois, McLean Watson devra prendre une décision à propos du maintien de son siège social au Canada. Aux fins de notre organisation, on discute très sérieusement d'un éventuel établissement aux États-Unis et de la possibilité de devenir une société de capital de risque américaine riche d'une longue et fière tradition au Canada. Certains des propos que je tiendrai ici s'inspirent de ces discussions.
Nous investissons de façon officieuse depuis dix ans et de façon officielle depuis cinq ans. Nous avons débuté avec quelques milliers de dollars que nous détenions en propre, et nous gérons aujourd'hui 125 millions de dollars. D'ici quatre mois, nous franchirons, je crois, le cap des 150 millions de dollars.
La société compte six associés. Nous avons investi partout au Canada. Nous avons des investissements à Victoria et à Vancouver de même qu'à l'autre extrémité du pays, soit à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Nous avons également investi à Montréal, à Ottawa et à Toronto. En outre, nous avons investi à l'extérieur du Canada, soit aux États-Unis et dans le Royaume-Uni, et nous étudions activement la possibilité d'investir en Asie. Tous les membres de McLean Watson, c'est-à-dire tous les associés, sont des entrepreneurs. Tous, nous avons dû embaucher et licencier des travailleurs.
Au départ, nous tentions de réunir des fonds pour la société montréalaise appelée Softimage. Armés de nos petits cinémographes à feuilles, nous allions de porte en porte, mais personne ne voulait nous confier de l'argent. Nous étions étonnés parce que nous y voyions une occasion en or. Nous avons discuté avec des sociétés de capital de risque américaines et canadiennes pour en venir à la conclusion que le moment était venu de constituer un groupe de capital de risque hautement spécialisé. C'est ce que nous avons fait. Nous investissions exclusivement dans des entreprises qui fabriquaient des logiciels. Nous étions très concentrés et motivés par ce qui nous apparaissait par un besoin du marché. C'était il y a quelques années, et je pense que le marché s'est transformé radicalement au cours des cinq dernières années. Cependant, c'est ce qui nous a donné le goût d'aller de l'avant.
Je ne sais pas si vous avez entendu parler de la société Softimage. Elle fabrique des logiciels d'animation. Si vous avez vu Titanic, Le Parc jurassique, La mort vous va si bien, ou la plupart des messages publicitaires diffusés à la télévision, vous avez été à même d'apprécier la technologie de Softimage. L'entreprise a été fondée avec des capitaux d'amorçage de 350 000 $. Les actions que nous avons reçues de Microsoft valent aujourd'hui 2,2 milliards de dollars. L'entreprise, qui compte 400 employés à Montréal, a joué un rôle crucial dans l'établissement de l'industrie de l'animation à Montréal. À Montréal, on a assisté à la naissance d'une multitude de sociétés dérivées, notamment Discreet Logic, de sorte que la société a connu une croissance plutôt spectaculaire. Le capital de risque investi s'est monté à seulement 350 000 $. Après, la société s'est inscrite à la NASDAQ et a fait un appel public à l'épargne.
Notre rôle consistait à investir. John Eckert et moi-même partagions les responsabilités de chef de l'exploitation, et nous avons inscrit la société à la NASDAQ. C'était la première société québécoise à faire son premier appel public à la NASDAQ. Après avoir étudié les marchés canadiens, nous avons résolu de ne pas y lancer un appel public à l'épargne. Puis, nous avons vendu l'entreprise à Microsoft. Au moment de l'investissement initial, la société comptait quatre employés, y compris son fondateur, Daniel Langlois. Au moment de la vente à Microsoft, elle employait plus de 200 personnes.
L'industrie canadienne du capital de risque est relativement jeune. Dans les années 70 et 80, elle a en quelque sorte connu un faux départ: à l'époque, le rendement était médiocre. Depuis cinq ou six ans, on est cependant témoin d'une recrudescence de l'activité. Le nombre d'établissements financiers qui investissent dans le capital de risque est limité. À supposer que vous les invitiez dans cette salle, bon nombre de sièges demeureraient inoccupés.
Si vous discutez avec les établissements qui investissent dans le capital de risque, vous constaterez qu'ils estiment à de 10 à 12 le nombre d'établissements qui envisageraient sérieusement d'investir des sommes considérables dans des gestionnaires de capital de risque. La plupart investiraient directement.
À mon avis, le Canada a beaucoup à faire pour impressionner favorablement les investisseurs internationaux, et je sais, messieurs, que vous avez vous-mêmes, au cours des nombreux voyages que vous avez effectués aux quatre coins du monde, été confrontés à certains des problèmes qui se posent à propos du Canada. Permettez-moi maintenant de vous donner une idée des questions qu'on me pose souvent.
À mon avis, on doit se réjouir de tout ce qui peut faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre du point de vue de l'intérêt international ou national. De toute évidence, on s'inquiète toujours d'un éventail de problèmes, notamment les impôts, la bureaucratie et les formalités administratives.
Si vous lisez une publication axée sur la haute technologie, que vous assistez à une réunion portant sur la technologie qui se tient à Ottawa ou que vous discutez avec un groupe de jeunes au début de la vingtaine qui savent ce que sont les options sur titres et les appels publics à l'épargne, vous constaterez que c'est au sud de la frontière que l'attraction et l'enthousiasme se concentrent. Chacun souhaite bénéficier du financement d'une entreprise américaine de capital de risque; chacun souhaite faire inscrire son entreprise à la NASDAQ; et chacun souhaite s'établir en Californie. La capacité des entreprises canadiennes de capital de risque est limitée, et les entreprises américaines de capital de risque ne sont pas très actives au Canada, quoi qu'en disent certaines personnes. Pour l'essentiel, les entreprises canadiennes financées par du capital de risque le sont au pays, à titre indépendant.
Un autre point qui a son importance, c'est que bon nombre des personnes les plus qualifiées que je connaisse ont quitté le Canada et n'y reviendront pas. Je songe en particulier à des promoteurs, à des mercaticiens et à des directeurs généraux. L'un des principaux problèmes auxquels les entreprises canadiennes sont confrontées consiste à recruter des personnes qualifiées du simple fait que la plupart des entrepreneurs qui réussissent, une fois leur fortune faite, quittent le pays. Ils ne reviennent pas, en grande partie à cause du régime fiscal. Mes commentaires sont anecdotiques, ce qui veut dire qu'ils ne s'appuient pas sur des statistiques, mais il s'agit assurément de quelque chose que nous avons observé.
En ce qui concerne les éléments qui militent en faveur du Canada, citons un système d'éducation de qualité, des mesures fiscales d'incitation à la R-D attrayantes et une main-d'oeuvre stable, au contraire de la Californie, où on stationne une Porsche et où on tend les clés à une personne que l'on embauche au moment où l'on sort de l'immeuble, le soir. Cela s'est vu. Les Canadiens tendent à être beaucoup plus stables. Nous sommes situés à proximité des États-Unis, ce qui constitue probablement un facteur d'importance pour les entreprises qui songent à s'établir au Canada ou à investir dans des sociétés canadiennes. Il s'agit d'un marché énorme et relativement sûr, à long terme, du point de vue des risques géopolitiques. Du moins, nous l'espérons.
En ce qui concerne les défis auxquels nous sommes confrontés, citons la perception qu'ont les investisseurs du monde entier du fait que les impôts au Canada sont très élevés et que le régime fiscal y est très complexe. Il est difficile de discuter du Canada pendant plus de un jour ou deux sans avoir à répondre à des questions à propos de la menace séparatiste au Québec et du bouleversement qui en résulterait pour le Canada. On a aussi le sentiment que le Canada est doté d'une législation défavorable aux entreprises, particulièrement dans le domaine de l'emploi.
J'ai demandé à un groupe de délégués taiwanais qui visitaient le Canada s'ils envisageraient d'investir au Canada. Après un long silence, ils ont répondu: «Pourquoi voudrions-nous le faire? Les impôts sont élevés, la législation sur l'emploi est excessive, les salariés n'ont pas le sens de l'effort, mais le pays est magnifique.» Convaincre des gens d'investir au Canada représente un véritable défi.
Nous sommes également confrontés à deux ou trois autres difficultés. Dans le domaine des ventes et de la commercialisation, les Canadiens accusent une faiblesse relative. Si nous avions la solution, nous vous la communiquerions volontiers. Nous vous dirions comment améliorer les ventes et la commercialisation de nos organisations et de nos sociétés. L'essentiel, c'est que nous devrions tout mettre en oeuvre pour garder les personnes qualifiées et les inciter à demeurer au pays.
Au Canada, on prévoit une croissance du PIB relativement modeste. Lorsque je discute avec des hommes d'affaires de Hong Kong ou de Singapour, je suis sidéré de constater qu'ils savent que, selon les prévisions, le Canada peut compter, au cours de la prochaine année, sur une croissance du PIB de 2 p. 100, et peut-être de 2,2 p. 100. Ils recherchent des taux beaucoup plus élevés. Il s'agit d'un problème de taille.
À mon avis, on ne saurait trop insister sur l'influence qu'exerce la complexité de la législation sur les investisseurs. Lorsque, par exemple, nous avons vendu Softimage à Microsoft, les investisseurs américains, en vertu des dépôts techniquement exigés, auraient dû non seulement rendre compte du rendement des actions de Softimage, mais aussi produire une déclaration de revenu complète au Canada. C'est là une interprétation littérale. C'était consternant. Vous imaginez à quelles conclusions en sont venus les établissements américains qui, par la suite, ont envisagé d'investir au Canada.
J'ai deux ou trois recommandations à formuler. La première, c'est que nous devons appuyer les recommandations présentées par l'ACCR. Les recommandations en question sont convaincantes, bien étayées et bien présentées par l'Association canadienne du capital de risque. Dans certains cas, cependant, elles ne vont pas assez loin.
Nous tenons cependant à préciser que, à notre avis, les règles d'entiercement proposées sont scandaleuses et improductives. En outre, elles jetteront dans l'industrie canadienne du capital de risque un froid tel que plus aucune société de capital de risque digne de ce nom ne fera un appel public à l'épargne au Canada au nom d'une entreprise. En dernière analyse, rares seront les entrepreneurs qui feront un appel public à l'épargne au Canada.
Je pourrais trouver des mots plus durs, mais je pense que les règles en question, qui sont tout sauf un point de départ valable, ne devraient même pas être envisagées. Le simple fait qu'on les ait mises de l'avant a jeté de l'huile sur le feu, du moins au sein de notre société, dans le cadre des discussions que nous avons pour déterminer si nous allons rester au pays et y garder notre siège social.
Comme bon nombre de personnes ici présentes, nous travaillons pendant de longues heures et nous investissons nos propres capitaux. Nous tentons d'assurer notre avenir et celui de nos familles. Sur quoi portera le prochain projet de loi? Que se passera-t-il dans un an? Dans trois ans? Pourquoi étudie-t-on la possibilité d'adopter de telles règles? Où sommes-nous mieux en mesure d'obtenir des résultats extraordinaires? Aux États-Unis, ou ici? Vous comprendrez que j'étale nos réactions avec franchise.
Qu'on les adopte dans leur état actuel ou dans une version édulcorée -- soit dit en passant, nous ne pensons pas qu'il soit sensé de n'exempter que les sociétés de capital de risque -- nous pensons que ces règles sont, en elles-mêmes, totalement inacceptables. Si elles étaient adoptées, elles feraient le jeu de ceux qui ne respectent pas les règles. Par ailleurs, les personnes qui détiennent les rênes du marché pourraient dévaster les bourses canadiennes.
Bien entendu, chacun aimerait payer moins d'impôts et disposer d'incitations plus alléchantes. Nous ne faisons pas exception à la règle. Cependant, nous pensons que de telles récompenses devraient être réservées aux personnes qui réussissent et que le régime fiscal actuel et les avantages mis à la disposition des investisseurs en capital de risque devraient favoriser la participation. En abaissant l'impôt sur les gains en capital de ceux qui gagnent de l'argent, on créerait un régime nettement simplifié dans lequel les règles seraient beaucoup plus égales. Les moyens d'effectuer les réglages qui s'imposent ne manquent pas. Bien entendu, nous ne sommes pas fiscalistes. Cependant, nous sommes tout à fait convaincus qu'il faut encourager la réussite et la récompenser.
Relativement à l'examen de tout projet de loi ou encore à l'analyse de tout règlement de notre industrie ou d'industries connexes, nous proposons une norme qui s'appuie sur un principe. Nous devons soutenir la concurrence des entreprises de la route 128, à Boston, ainsi que celles de la Silicon Valley, et elles disposent d'avantages énormes. Dans ces secteurs, le marché est plus important, on a plus d'argent, les entreprises sont plus chevronnées, les administrateurs sont plus expérimentés, et le climat est très favorable à l'émission d'actions dans le public. On ne peut en dire autant pour le Canada. En raison d'un fardeau législatif excessif, nous devons soutenir la concurrence une main liée derrière le dos. La complexité de nos lois aggrave la situation.
D'entrée de jeu, nous pensons que les textes de loi applicables devraient être conformes et semblables aux textes de loi américains, c'est-à-dire plus favorables aux entreprises. Pourquoi ne pas en faire notre point de départ? Nous sommes déjà assez désavantagés. Je pense que nous devrions tenter d'imiter ce que nos voisins américains font et font très bien.
Les propos que je vais maintenant tenir risquent d'en surprendre plusieurs. Il est rare qu'un membre de l'industrie du capital de risque chante les louanges du gouvernement. Cependant, je tiens à souligner l'excellent travail du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Tandis que, en novembre dernier, nous établissions un bureau à Singapour, les fonctionnaires du ministère et d'autres personnes qui travaillaient sur place de même qu'à Taiwan, à Hong Kong et dans les pays du nord de l'Europe ont effectué un travail absolument fantastique.
Leur mission consiste à aider les petites entreprises canadiennes à trouver des débouchés à l'étranger. La plupart des sociétés canadiennes avec qui nous traitons vendent de 60 à 100 p. 100 de leurs produits à l'extérieur du Canada. Notre marché est trop petit pour qu'une entreprise puisse croître à l'intérieur du pays. À Singapour, David Wynne, notre délégué commercial, s'est employé sans relâche à nous venir en aide. De même, Handol Kim et Stewart Beck, à Taiwan, au même titre que Michael Fine et Amy Yung, à Hong Kong, ont tout mis en oeuvre pour nous être utiles. Même à Ottawa, certaines personnes nous ont donné un véritable coup de pouce dans la mise en application de notre stratégie internationale, en particulier M. Michael Farley et M. Greg Meredith. Je demeure favorable à l'aide soutenue qu'on accorde aux PME qui tentent de pénétrer les marchés internationaux.
Je lance un appel en faveur de la plus grande simplification possible. Le moment est venu d'ouvrir à coup de machette une voie dans la jungle des lois, des règles et des règlements.
Je lance également un appel en faveur d'une créativité plus grande. Pourquoi la société Nokia domine-t-elle le marché mondial de la téléphonie cellulaire? La société est établie à Helsinki, où il fait très froid. Pourquoi l'entreprise a-t-elle connu un tel essor au cours des cinq dernières années? La Finlande ne compte que cinq millions d'habitants. Or, on a fait un travail extraordinaire. La plupart des gens tiennent pour acquis que la société est établie au Japon. En fait, elle possède aussi des installations à Oulu, à 200 kilomètres du cercle polaire. Nous nous y sommes rendus en janvier, pendant une période de froid intense. Si nous l'avons fait, c'est parce que les Finlandais ont fait preuve de beaucoup de créativité et qu'ils ont fait pour la société tout ce qui pouvait être fait.
Comment se fait-il que, en Suède, un pourcentage élevé d'employés disposent d'un ordinateur à la maison et d'un accès à Internet? L'année dernière, on a dit aux employés que, s'ils achetaient un ordinateur pour leur foyer, la société allait en déduire le coût. Pour le particulier, il ne s'agit pas d'un avantage imposable.
La semaine dernière, j'ai discuté avec un représentant de la société Ericsson. C'est ainsi que j'ai appris que 22 000 des 45 000 employés que compte la société avaient acheté un ordinateur et que la société avait assumé une partie du coût d'achat. Il en résulte un groupe dynamique d'employés, d'étudiants et d'enfants qui, à la maison, disposent d'un ordinateur de très bonne qualité.
À Singapour, on note certains exemples remarquables de zones franches d'impôt, de parcs industriels et d'énormes projets en cours dans les domaines de la biotechnologie et du logiciel. Il en va de même pour Taiwan et Hong Kong.
Voilà qui met un terme à ce que je voulais dire au nom d'une société de capital de risque indépendante.
Le président: Je vous remercie beaucoup de vos propos intrigants et renversants.
Avant de demander au sénateur Angus de donner le coup d'envoi de la période de questions, j'aimerais vous poser une question. J'essaie de comprendre ce qui assure la réussite de la route 128 et de la Silicon Valley du point de vue des lois qui régissent les entreprises. À votre connaissance, a-t-on déjà analysé leur réussite? Vous vient-il à l'esprit deux ou trois facteurs plus favorables dans ces secteurs qu'ailleurs, lesquels ne seraient pas présents au Canada? De toute évidence, les impôts en sont un.
M. Owen: Vous avez raison.
Le président: Vous vient-il à l'esprit certains éléments de la législation ou de la réglementation gouvernementale?
M. Owen: Un groupe suédois mène une étude. Ses membres parcourent le monde pour analyser les meilleures pratiques des sociétés de capital de risque à la lumière de facteurs opérationnels et environnementaux. En fait, nous allons les rencontrer cet après-midi et nous nous ferons un plaisir de vous communiquer les conclusions auxquelles ils sont arrivés.
Le président: Cela nous serait très utile.
Le sénateur Angus: Bienvenue au comité des banques. Vous avez incontestablement fait preuve de beaucoup de franchise. M. Eckert a raté une excellente prestation.
On ne peut pas dire que vous ayez mâché vos mots. Vous avez brossé un portrait des plus sombres. Pourquoi êtes-vous demeuré au Canada?
M. Owen: C'est ici que réside notre force. Lorsque nous avons lancé l'entreprise, c'est ici que vivaient nos alliés personnels. En ce qui concerne l'industrie du capital de risque, le Canada, à mon avis, est à la croisée des chemins. Compte tenu de la situation mondiale, la balance peut pencher dans un sens ou dans l'autre. L'industrie est relativement petite et relativement fragmentée. On y retrouve deux ou trois intervenants de taille, et certains avantages fiscaux sont offerts. Cependant, l'industrie pourrait croître, et, en raison de son état, il s'agit d'un extraordinaire tremplin. Notre décision s'explique par la présence d'alliés personnels, l'histoire et l'état de l'industrie.
Le sénateur Angus: Comme vous l'avez indiqué, il s'agit d'une industrie très jeune. Puisque nous en sommes à la croisée des chemins, y a-t-il certaines mesures que nous devrions prendre ou certaines modifications que nous devrions apporter avant qu'il ne soit trop tard. C'est la lecture que je fais de vos propos. Est-il urgent d'agir?
M. Owen: Oui. Nous sommes dans l'industrie des TI, qui connaît une évolution rapide. On doit tenir compte d'avantages très précis pour l'industrie du capital de risque ou les investisseurs, de même que de facteurs culturels. Tout ce qu'on peut faire, c'est en parler, remettre les gens en question et faire ce que nous tentons de faire ici.
Dans les pays du nord de l'Europe, le taux d'adoption d'Internet est de 50 p. 100. Quant au taux d'adoption du téléphone cellulaire, il est nettement supérieur à 50 p. 100. Il sera bientôt de plus de 100 p. 100, c'est-à-dire qu'une seule et même personne aura plus d'un téléphone. Nous devons nous pencher sur les causes culturelles de ce phénomène.
Pour être plus précis, je dirais que le régime fiscal n'est guère attrayant pour les investisseurs en capital de risque. Il en va de même pour le régime de réglementation.
Au cours de la dernière année, nous avons parcouru le monde pour tenter de convaincre les investisseurs des avantages qu'offre le Canada. Nous leur avons dit que le pays compte à peu près le même nombre d'habitants que la Californie, mais que notre industrie du capital de risque en est au stade embryonnaire. Imaginez où vous en seriez si vous aviez investi en Californie il y a 15 ou 20 ans. Voilà comment nous positionnons le Canada. Nous disposons d'une technologie de premier plan et d'une main-d'oeuvre stable. Cependant, tous nos investisseurs éventuels tentent de nous entraîner vers les États-Unis, et la raison en est relativement claire: l'enchevêtrement des régimes fiscal et réglementaire.
Le sénateur Angus: Ce que vous nous avez dit à propos de Softimage m'a intéressé, mais n'y a-t-il pas une autre partie du récit qui concerne une société appelée Avid Technologies?
M. Owen: En fin de compte, la société a été achetée par Avid, de Microsoft. L'acquisition a eu lieu il y a environ six mois.
Le sénateur Angus: En quoi le Canada a-t-il été touché?
M. Owen: En ce qui concerne l'animation, les employés travaillent toujours à Montréal. Cependant, personne n'a de mainmise sur ce que la société Avid ou tout acheteur subséquent fera à l'avenir.
Le sénateur Angus: Cette entreprise a son siège social au Texas?
M. Owen: Non. L'entreprise est établie à Tewksbury, dans l'État du Massachusetts.
Le sénateur Angus: Dans le secteur de la route 128?
M. Owen: Oui.
Le sénateur Angus: Hier, on a entendu une série de témoignages, contredits par un seul témoin en fin de journée. On nous a dit qu'un pourcentage considérable des finissants de l'Université de Waterloo dans le domaine de la technologie sont embauchés immédiatement après la collation des grades par des entreprises comme Microsoft. Corroboreriez-vous ces propos?
M. Owen: Oui.
Le sénateur Angus: Vos commentaires s'appliquent-ils tous, en gros, aux secteurs de l'économie naissante autres que celui de la TI, par exemple celui de la biotechnologie?
M. Owen: J'ignore s'ils s'appliquent à tous. Je sais qu'ils s'appliquent au secteur de la biotechnologie. Je connais une société canadienne qui a modifié sa stratégie dans le domaine de la bioinformatique. Deux mois plus tard environ, tous les employés avaient été embauchés par des entreprises américaines.
Le sénateur Angus: Au moment d'entreprendre leurs études, nos futurs diplômés dans des domaines techniques ont-ils déjà l'assurance qu'ils quitteront le Canada? Sinon, envisagent-ils de demeurer au Canada et d'y bâtir leur avenir?
M. Owen: Il y a environ un an, des employés de notre société ont organisé une soirée au pub avec un groupe d'élèves du niveau secondaire qui participaient à un programme d'échange. Comme ils n'avaient pas l'âge légal, ils ne buvaient pas, et ils ont posé des questions. Nous nous attendions à ce qu'ils nous interrogent à propos de nos voitures, et ainsi de suite. Cependant, leurs questions étaient beaucoup plus complexes. Ils nous ont demandé quand ils auraient droit à des options sur titres et quels seraient le prix de levée et la durée des options. Ces élèves étaient âgés de 17 ans. Je pense que les gens sont plutôt conscients des possibilités qui s'offrent à eux.
Le sénateur Angus: Le rêve américain se porte bien au Canada.
M. Owen: Je crois que oui. Nos jeunes élèves entendent beaucoup parler des débouchés.
Le sénateur Angus: Je vous remercie. C'était là mes questions préliminaires.
Le sénateur Kroft: J'aurais préféré vous entendre un peu plus tard. J'aime bien commencer la journée sur une note réjouissante. Or, il y a probablement dans le monde au moins 75 pays aux prises avec un problème bien plus grand que celui qui se pose ici. Nous comparons nos problèmes et les défis auxquels nous sommes confrontés à la situation qu'on observe à Boston et dans la Silicon Valley, qui sont des modèles plus faciles d'accès, si bien que nous avons l'impression d'être mal en point. En termes relatifs sur le plan mondial, cependant, je pense que vous conviendrez avec moi pour dire que le Canada est en meilleure posture que la plupart des pays.
M. Owen: Oui.
Le sénateur Kroft: D'accord. Je tenais simplement à mettre les choses en perspective.
J'ai été intéressé d'apprendre que vous vous apprêtez à prendre une décision en ce qui concerne votre entreprise et l'endroit où elle s'établira. Vous nous avez dit que vous aurez certaines décisions fondamentales à prendre au cours des dix-huit prochains mois, environ, et que vous défendez la cause du Canada, en plus d'en faire la promotion. J'imagine que la faveur qu'obtiendra le produit que vous proposez est l'un des facteurs qui vous aideront à prendre une décision au cours des dix-huit prochains mois.
Étant donné la nature de la société canadienne, de son économie, de sa géographie et de son marché -- compte tenu en particulier des progrès réalisés sur le front des accords commerciaux -- bon nombre des obstacles auxquels nous étions confrontés ont été abolis. Vous semblez cependant mettre l'accent -- ce qui ne m'étonne guère puisque d'autres avant vous l'ont fait -- sur le régime fiscal et le régime de réglementation qui, à vos yeux représentent un problème de taille. Vous nous dites qu'ils contrastent vivement avec ceux qu'on retrouve aux États-Unis, et j'aimerais bien que vous nous fournissiez plus de détails à propos de l'un et l'autre.
D'abord, intéressons-nous au régime fiscal. Pourriez-vous nous donner une idée de deux ou trois problèmes fiscaux précis auxquels nous devrions nous attaquer?
M. Owen: Certainement.
Le sénateur Kroft: Nous avons du mal à savoir ce qu'il faut faire du témoignage de personnes qui se contentent de dire: «Le climat fiscal est mauvais.»
M. Owen: Oui.
Le sénateur Kroft: Je vous invite donc à vous montrer plus explicite.
M. Owen: J'ai passé une année à faire la promotion du Canada, de sorte que j'adopte un point de vue différent pour rendre compte de certaines des difficultés auxquelles j'ai été confronté. De toute évidence, il s'agit d'un pays fantastique -- nous sommes ici, nous aimons le pays et nous tenons à ce qu'il continue de croître et de prospérer. Personne ne conteste l'attrait qu'exerce le Canada en tant que pays. Nous nous contentons seulement de cerner les problèmes et de jeter un certain éclairage sur eux.
Le premier enjeu a trait aux gains de capital. Pour récompenser la réussite, il ne suffit pas d'offrir un dégrèvement fiscal très ciblé aux personnes qui participent à une industrie. L'exemption sur les gains en capital a eu un effet considérable sur les entrepreneurs canadiens. La mesure s'est révélée excellente, au même titre que l'exemption de 500 000 $ -- en réalité, elle est de 400 000 $ plus 100 000 $.
L'incertitude qui perdure en ce qui concerne le maintien ou la suppression de la mesure pose naturellement un problème. Elle a donné naissance à toutes sortes de pratiques: on cherche à réaliser ses gains et on met tout en oeuvre pour tenter de les conserver à l'avenir. Je crois cependant que le programme a constitué un stimulant considérable, particulièrement dans les petites entreprises.
Deuxièmement, les taux généraux d'imposition sur les gains en capital au Canada sont relativement élevés. Je n'établis pas la comparaison avec les États-Unis, mais aussi avec d'autres pays, et il y en a de nombreux parmi lesquels choisir.
Si, troisièmement, nous pouvions récrire la Loi de l'impôt sur le revenu et je sais que le processus serait difficile et long --, je retiendrais comme point de départ que, au pays, le taux d'imposition des particuliers est élevé. En France, j'ai fréquenté une école de commerce appelée INSEAD, et j'ai tenté d'inciter un certain nombre de mes collègues à venir s'établir au Canada. Or, c'est avec des yeux d'économistes qu'ils analysent les régimes fiscaux, et ils ont des amis dans divers pays, y compris le Canada et les États-Unis. Il est très difficile de les amener à venir s'établir ici. Ce ne sont pas les institutions qui bâtissent l'industrie, non plus que les organisations. Ce sont les personnes, et le niveau d'imposition des particuliers est élevé. Il est difficile d'inciter des gens à venir ici.
Le sénateur Kroft: En ce qui concerne l'impôt sur les gains en capital, vous avez relevé les exemptions inhérentes au régime. Pour régler le problème des gains en capital du point de vue du capital de risque, adopteriez-vous une approche générale? Diriez-vous que le régime des gains en capital devrait être rendu beaucoup plus attrayant pour les entrepreneurs canadiens en général, ou proposeriez-vous, en ce qui concerne les gains en capital, des incitations ciblées qui s'appliqueraient à certains types d'investissements? Dans le cadre de la séance d'hier, on a défendu les deux approches.
M. Owen: Je pense qu'elles sont toutes les deux légitimes. Sur le plan philosophique, nous sommes généralement en faveur de l'établissement de règles du jeu égales -- on devrait généraliser le processus, le simplifier et partager les avantages entre tous les gens d'affaires.
Le sénateur Kroft: Vous avez fait état des désavantages ou des obstacles qui caractérisent le Canada par rapport aux États-Unis. Les investisseurs en capital de risque et ceux qui tentent de réunir du capital de risque sont confrontés à de tels obstacles. Pourriez-vous citer certains exemples du point de vue de la réglementation?
M. Owen: Certainement. Sur ce plan, certaines améliorations ont été apportées, mais les dispositions législatives sur les valeurs mobilières qui s'appliquent aux investissements relativement limités peuvent se révéler plutôt intimidantes. Pour certains petits investisseurs, de même que pour les anges et les personnes qui investissent à un stade plus précoce, la diversité des exemptions offertes et l'ambiguïté qui caractérise la définition de certaines d'entre elles ont posé des problèmes.
En ce qui concerne les investisseurs institutionnels que nous cherchons à attirer au Canada, ce qui pose une fois de plus le problème des impôts, la question du véhicule qu'ils peuvent utiliser a des conséquences sur le plan des retenues fiscales et des structures. Un non-Canadien ne peut investir dans une société en commandite canadienne parce que, dans ce cas, la société en question cesse d'être une société en commandite canadienne. Les conséquences sont considérables, et il est difficile d'arrêter une structure de coinvestissement attrayante à laquelle participent les investisseurs canadiens et un investisseur non canadien.
Les investisseurs non canadiens sont en quête des avantages liés au transfert qu'offre une société en commandite. Ils ne veulent pas investir dans une société, et ils ne veulent certainement pas investir par l'intermédiaire d'une fiducie. Il n'y a tout simplement pas de véhicule, et je sais qu'on a par le passé fait certaines suggestions à ce propos.
Le sénateur Kroft: Voulez-vous dire qu'il serait beaucoup plus facile de faire le contraire -- que la réglementation, les exigences fiscales et les dépôts requis aux États-Unis sont beaucoup moins lourds? Ce n'est pas l'expérience que j'en ai eue. Sinon, voulez-vous dire qu'il est plus difficile pour nous d'accommoder les Américains que pour les Américains d'accommoder les Canadiens? Comme, en d'autres termes, ils ont beaucoup plus d'investissements que nous, nous devons nous montrer plus accommodants qu'eux?
M. Owen: La réalité est plutôt conforme à votre deuxième hypothèse. Les États-Unis détiennent une part de marché et bénéficient d'une «communion d'esprit» telles que nous devons lutter pour attirer des capitaux ici. Nous devons nous efforcer de les accommoder. Il serait très avantageux pour nous d'harmoniser nos lois et nos pratiques avec les leurs, mais je sais que, compte tenu du système des États, l'exercice se révélerait aussi très complexe.
Le sénateur Kenny: Le témoin est très utile, mais j'aimerais faire une observation qui s'applique aux audiences antérieures aussi bien qu'à celles d'aujourd'hui. Nous avons tous compris l'orientation générale des préoccupations, et personne ne conteste le fait que les impôts, le cadre réglementaire, les questions culturelles et l'instabilité politique suscitent des inquiétudes. Je pense que tous les membres du comité sont d'accord sur ce point. Cependant, plus nous serons en mesure d'entrer dans les détails, et mieux ce sera. Il y aurait peut-être intérêt à ce que le témoin et les témoins que nous entendrons par la suite se concentrent davantage sur les détails et moins sur les enjeux généraux parce que, à mon avis, ces derniers font consensus.
Le président: Comme les détails que M. Owen vient de fournir.
Le sénateur Kenny: Exactement. En réalité, il serait utile que les témoins nous donnent une idée des coûts éventuels des changements proposés. Par exemple, ils nourrissent des préoccupations à propos de la règle de l'entiercement et, de toute évidence, cette question préoccupe certaines personnes, puisqu'on entend doubler la période prévue à cette fin. Cependant, personne ne nous a encore présenté cet enjeu. Les témoins ont beau dire: «Nous pensons qu'il s'agit d'une règle exécrable, et le fait de doubler la période prévue la rend deux fois plus mauvaise», mais il serait intéressant d'entendre quelqu'un nous dire: «Eh bien, je pense que le législateur agit de la sorte parce qu'il se préoccupe de X ou de Y.»
Le président: Nous y viendrons peut-être.
Le sénateur Kenny: Fort bien, mais plus les témoins entreront dans les détails, et plus ils seront utiles au comité.
Le sénateur Kelleher: J'aimerais laisser de côté la question des taxes et des règlements pour m'intéresser à celle de l'offre et de la demande. Au cours des cinq dernières années, l'offre d'argent pouvant être utilisé aux fins du capital de risque a probablement augmenté. Je ne crois pas que la situation soit aussi mauvaise qu'auparavant.
M. Owen: Oui.
Le sénateur Kelleher: À la lumière de certains témoignages entendus, cependant, il apparaît que les personnes qui veulent l'argent et qui en ont besoin éprouvent de la difficulté à y accéder et à établir comment y accéder. Lorsque, par ailleurs, ils finissent par trouver quelqu'un ils se butent à des règles des plus rigoureuses. Un bon nombre d'entre eux n'en reviennent tout simplement pas du capital-actions auquel ils devront renoncer, et je pense qu'il s'agit également d'un problème qui se pose pour les gens qui vivent, disons, dans le nord de la Saskatchewan par opposition à Toronto.
Êtes-vous d'accord ave cet énoncé général, et avez-vous des suggestions à faire pour améliorer l'accès à l'argent, dont la disponibilité est de plus en plus grande?
M. Owen: Oui, je suis d'accord pour dire que le capital de risque est au total plus important. Oui, les entrepreneurs qui en sont à leur première expérience et qui sont en quête de capitaux sont parfois surpris, parfois mal éduqués et mal informés relativement aux moyens de se le procurer. Oui, personne ne souhaite renoncer à son capital-actions. Il existe toujours une tension entre deux forces: les entrepreneurs qui doivent renoncer à leur capital-actions ou les investisseurs en capital de risque qui doivent miser leur vie et les cinq prochaines années de leur existence sur un entrepreneur qui n'a pas fait ses preuves. Je suis d'accord sur tous ces points.
Je suis également d'accord pour dire que, dans les régions éloignées où la concentration de possibilités économiques est moins grande, il est beaucoup plus difficile de réunir des capitaux. Je n'ai cependant pas de suggestion à faire à ce propos, parce que, s'il s'agit d'une société du domaine de la TI, elle devrait, nonobstant la croissance d'Internet et l'omniprésence des télécommunications, être le mieux positionnée pour fournir les services à ses clients, et nous sommes des investisseurs très ciblés. Si la société est établie dans le nord de la Saskatchewan et qu'elle tente de faire une percée dans le grand public, nous refuserions probablement de la financer parce qu'elle n'est pas au meilleur endroit possible pour faire ce qu'elle veut faire.
L'objet même de notre secteur consiste à cibler les meilleures sociétés, celles qui cherchent à obtenir les rendements les plus élevés et qui répondent aux besoins de leurs clients. Nous ne sommes pas vraiment favorables à l'idée de soutenir des sociétés du simple fait qu'elles se sont établies dans un lieu particulier.
Le président: J'aimerais poser une question à propos des impôts. En ce qui concerne les gains en capital, nous avons entendu deux arguments différents. Permettez-moi de vous les soumettre, ce qui nous permettrait d'établir votre position.
En vertu du premier argument, les impôts sur les gains en capital sont, de façon générale, trop élevés, et il faudrait prévoir des baisses tous azimuts. En vertu du deuxième, on serait davantage fondé à accorder un allégement ciblé des impôts sur les gains en capital -- lequel varierait en fonction du type d'industrie ou, fait plus important encore, de la taille de la société. Un peu comme l'impôt sur le revenu des sociétés est inférieur sous le seuil des 200 000 $, la structure de l'impôt sur les gains en capital pourrait être telle que les petites entreprises seraient assujetties à un taux moins élevé. Êtes-vous plutôt favorable à des taux généraux ou à des taux ciblés?
Le sénateur Meighen: Que faites-vous de la disposition de roulement?
Le président: L'autre question a trait aux dispositions de roulement. L'investisseur qui vend ses actions pour réinvestir immédiatement dans une entreprise analogue ne devrait-il pas payer de l'impôt jusqu'à ce qu'il vende ses nouvelles actions.
M. Owen: En faisant quelque chose dans le dossier des dispositions de roulement, nous pourrions modifier sensiblement la situation. Un grand nombre de personnes ne vivent plus au Canada en raison de l'absence d'une disposition de ce genre.
Le président: Si je comprends bien, on retrouve ailleurs une telle disposition.
M. Owen: Oui.
Le président: Aux États-Unis?
M. Owen: Oui.
Le président: C'est ce que je pensais.
M. Owen: Oui. Quant à savoir s'il convient ou non de prévoir un seuil pour les taux d'imposition, qu'ils aient trait aux particuliers ou aux sociétés, je ne suis pas convaincu que nous ayons des vues très arrêtées. Souvent, les personnes qui fondent une société deviennent des spécialistes des lois fiscales. C'est ce qu'on observe dans bon nombre de petites sociétés; les dirigeants, plutôt que de consacrer du temps à leur entreprise, se spécialisent dans les déclarations d'impôt, la compréhension des subventions du PARI et les différents niveaux. Si l'objectif consiste à stimuler les petites entreprises, il serait préférable d'établir un seuil -- une certaine forme de traitement préférentiel au chapitre des gains en capital pour les petites entreprises.
Le président: Ce que la disposition de roulement permet certes de faire.
M. Owen: Oui.
Le sénateur Meighen: Je veux maintenant dire un mot de la notion de grappes. Naissent-elles de façon spontanée, ou résultent-elles de mesures prises par le gouvernement ou d'autres entités pour les stimuler?
Dans le même ordre d'idée, nous savons tous que le Québec semble constituer aujourd'hui un foyer d'entrepreneurship. Le phénomène s'explique-t-il par un cadre réglementaire et fiscal plus favorable -- dans la mesure où le gouvernement provincial peut exercer une influence -- ou par le fait que la culture de l'entrepreneurship y est plus présente?
M. Owen: Il est certain que faire des affaires au Québec représente un passe-temps des plus vivants. Au Québec, les gens d'affaires font preuve de beaucoup de créativité, particulièrement, selon notre expérience, à Montréal. La croissance du secteur ne s'explique pas uniquement par le régime réglementaire privilégié ni par les impôts moins élevés ni par l'importance du capital de risque investi. Je pense qu'il s'agit d'une combinaison des deux.
À Taipei, un représentant du bureau commercial du Québec assiste aux réunions pour faire directement la promotion des intérêts du Québec. Les autres provinces n'ont pas tendance à jouer un rôle aussi actif, et j'ai l'impression que le Québec adopte une approche beaucoup plus dynamique. On y retrouve des éléments extrêmement créatifs et dynamiques, même si la province y est certainement pour quelque chose.
Les grappes ou les foyers naissent-ils de façon spontanée en raison du soutien et du parrainage dont ils bénéficient? Une fois de plus, le phénomène s'explique par une conjugaison de facteurs. À Montréal, le secteur de l'animation, de la postproduction et des effets spéciaux est né sans soutien gouvernemental. À titre d'exemple, ni Softimage, ni Discreet Logic n'ont bénéficié d'appuis gouvernementaux ni de dégrèvements fiscaux importants. En fait, nous avons tenté de vendre notre premier produit à la Société Radio-Canada, qui n'en a pas voulu. À la place, elle a acheté un produit français, de sorte que c'est en France que nous avons dû vendre notre premier produit.
Ces sociétés sont nées au pays sous l'effet des efforts de créativité de leurs dirigeants. À l'heure actuelle, le gouvernement soutient ces entreprises et les aide à croître en répondant à leurs besoins accrus en fonds de roulement.
Le sénateur Meighen: Vous ne préconisez donc pas de traitement particulier pour Halifax, Ottawa ou Vancouver?
M. Owen: Non.
Le sénateur Meighen: Dans ces endroits, la masse critique est probablement déjà née de façon naturelle.
M. Owen: Je crois que la masse critique a crû. Je sais qu'il peut se révéler très frustrant d'entendre des platitudes à propos d'impôts moins élevés et de régime réglementaire moins lourd, mais ces questions se posent à un niveau plus global. Sur la scène internationale, je sais que les Canadiens sont confrontés à des perceptions -- dont certaines ne sont pas sans fondement dans la réalité -- concernant la complexité et l'importance des taux d'imposition, de sorte qu'il s'agit de questions qui se posent à un niveau plus global. Si un entrepreneur de Vancouver peut obtenir un rendement de 30 p. 100 de plus, il alimentera le zèle des entrepreneurs et la croissance des entreprises de haute technologie de Vancouver, de Montréal et d'Ottawa.
Le sénateur Meighen: Pendant que nous en sommes aux perceptions, j'ai l'impression que les bureaucrates du gouvernement fédéral pensent que le gouvernement subirait une perte nette de revenu si l'impôt sur les gains en capital était réduit. Ce n'est pas nécessairement en soi quelque chose de bien terrible, mais je ne suis pas certain que cela se produirait. La réduction de l'impôt sur les gains en capital provoquerait peut-être une recrudescence d'activité, ce qui se traduirait par des revenus plus élevés, et cetera. C'est la théorie classique, et les résultats obtenus dans les pays où on l'a appliquée semblent en confirmer la validité.
Je veux revenir sur un point soulevé par le sénateur Kroft, pour qui il serait utile que des exemples précis soient fournis dans ces domaines. Si, après votre départ, certains exemples vous viennent à l'esprit, nous vous saurions gré de bien vouloir nous les communiquer. Ceux qui nous semblent pertinents pourront être intégrés dans notre rapport, et il se peut même qu'ils exercent une influence sur nos conclusions.
M. Owen: Je vais faire de mon mieux.
Le sénateur Meighen: Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
Le sénateur Kenny: J'irai même un peu plus loin. Ce que je dis maintenant s'adresse à vous et aux autres témoins qui comparaîtront devant nous. L'un des enjeux auxquels nous sommes confrontés tient à la dimension politique, et vous le comprenez aussi bien que nous. Nous sommes à Toronto, où la question de l'heure a trait à la constitution d'un groupe de travail sur les sans-abri. Voilà une question qui retient l'attention du grand public. Les citoyens sont mécontents de voir de si nombreuses personnes dans les rues, et il semble bien que les gouvernements devraient s'intéresser à ce problème.
Il est beaucoup plus difficile de justifier la prise de mesures pour permettre à une personne de devenir millionnaire. Autour de la table, personne ne conteste la validité d'un tel objectif, mais il est difficile à justifier sur le plan politique. Avoir votre point de vue sur cette question nous serait utile parce qu'on ne peut laisser aux seuls politiciens le soin de justifier les décisions prises dans ce dossier sur le plan politique. Nous avons besoin d'aide, et nous avons besoin d'arguments. Comment montrer que ces mesures sont dans l'intérêt de la société au sens large?
De façon générale, je comprends ce que vous dites, mais nous sommes confrontés à des exigences concurrentes. Je comprends facilement que les arguments que vous nous présentez tendent, au fil du temps, à être relégués au dernier rang du programme politique.
Le président: je vous remercie, monsieur Owen. Ce matin, vous nous avez rendu un fier service. Gerry Goldstein, attaché de recherche auprès du comité, aimerait bien être mis au courant des résultats de l'étude qui vont nous être communiqués cet après-midi. Cela nous serait très utile.
Sénateurs, nos prochains témoins de ce matin représentent les diverses sociétés de financement bancaire. M. David Pakrul est le président de la Banque de Montréal Capital Corporation, M. Jacques Sayegh appartient à la RBC Capital Corporation, M. Ian Kidson est le directeur exécutif des CIBC Capital Partners, et M. Rod Reynolds est le président-directeur général de RoyNat.
Merci beaucoup d'être venus. Vous connaissez tous le sujet à l'étude. Nous allons débuter par M. Pakrul, puis nous allons faire un tour de table pour vous donner à chacun l'occasion de faire votre déclaration préliminaire, avant de passer à la discussion.
Nous sommes avantagés dans la mesure où nous avons déjà entendu beaucoup de témoins. Nous connaissons assez bien les enjeux dont nous allons débattre avec vous, ce qui représente probablement un avantage pour nous et un désavantage pour vous. Je suis cependant certain qu'il en résultera un dialogue des plus agréables.
Merci beaucoup de votre présence. Monsieur Pakrul, la parole est à vous.
M. David Pakrul, président, Banque de Montréal Capital Corporation: Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, bonjour.
Je vais tenter de m'en tenir à ce que vous avez demandé. Pour avoir lu les transcriptions de vos séances précédentes et avoir entendu ce qui s'est dit ici aujourd'hui, je sais que vous avez déjà eu droit à certains excellents exposés et que vous avez eu d'excellentes discussions à ce sujet. Dans mes remarques préliminaires, je me propose de vous donner une idée de ce que la Banque de Montréal, depuis trois ans qu'elle est présente dans le domaine, a fait au titre de l'investissement en actions dans des petites entreprises, sous l'égide de la Bank of Montreal Capital Corporation, et faire certaines observations générales sur le sujet à l'étude.
La Bank of Montreal Capital Corporation représente un intervenant relativement nouveau dans le domaine du capital de risque. La société a été créée il y a à peine un peu plus de trois ans, soit en janvier 1996, en tant qu'organe de la Banque de Montréal dans le secteur du capital de risque. Au moment de notre formation, le marché canadien du capital de risque gérait des capitaux d'une valeur totale d'environ six milliards de dollars, dont plus de deux milliards pouvaient être investis. En outre, les fonds de capital de risque de travailleurs occupaient une place de choix dans le marché; dans certains segments de marché, ils dominaient essentiellement l'activité liée à l'investissement.
Par conséquent, l'offre de financement par actions était suffisante, sinon surabondante, dans certains segments de marché, et la vive concurrence se soldait par une diminution du rendement des investissements. Notre stratégie a donc consisté à nous concentrer sur les segments de marché qui nous semblaient mal servis et qui, à notre avis, étaient malgré tout susceptibles de procurer des rendements suffisants. Nous en avons défini trois, nommément: les sociétés de haute technologie au stade embryonnaire, les sociétés rentables ayant besoin, à titre provisoire, de capitaux de un million de dollars ou moins à des fins d'expansion et, enfin, l'investissement initial dans la commercialisation de recherche universitaire, en conjonction avec d'autres.
À ce jour, nous avons, en trois ans d'histoire, investi directement environ 110 millions de dollars dans 81 sociétés. En outre, nous avons investi environ 20 millions de dollars dans le Western and Eastern Technology Seed Funds, GUARD Inc., fonds de démarrage parrainé par l'Université de Guelph, et ACF Equity Atlantic Inc.
Comme les investissements que nous avons consentis directement et par l'entremise du fonds de démarrage ne sont guère susceptibles d'être réalisés dans une mesure importante avant quelques années, je ne suis pas en mesure d'affirmer que notre portefeuille de placement a produit le taux de rendement escompté. Cependant, je puis vous dire que mes perspectives de carrière à long terme de même que celles des autres témoins d'aujourd'hui, je crois, dépendent dans une large mesure de l'obtention, à terme, du taux de rendement fixé dans nos portefeuilles respectifs.
Quant à la question précise à laquelle vous nous avez demandé de répondre aujourd'hui, à savoir si des changements de la politique gouvernementale pourraient se traduire par une augmentation du capital et du nombre de sources de fonds disponibles pour le financement en actions dans les petites entreprises du Canada, je me permettrai d'abord de faire certaines observations générales fondées sur ma propre expérience.
Premièrement, il n'y a pas au Canada de pénurie de capitaux disponibles pour l'achat d'actions dans des projets prometteurs, et la concurrence à cet égard est très vive. Deuxièmement, bon nombre d'entrepreneurs n'apprécient ni les modalités ni le coût du financement mis à leur disposition. Enfin, bon nombre de possibilités d'investissement ne se réalisent jamais en raison des lacunes de la direction et de l'incapacité de procurer un taux de rendement adéquat et une stratégie de sortie viable pour l'investisseur.
Bref, il n'y a pas de pénurie de financement par actions lorsque les conditions suivantes sont réunies: une bonne idée offrant des possibilités de croissance, une direction qui combine d'excellentes compétences et connaissances et un entrepreneur disposé à accepter une structure opérationnelle en vertu de laquelle lui-même et les investisseurs en actions peuvent atteindre leurs objectifs sur le plan du rendement.
Étant donné le degré élevé de risque associé à ces types de financement par actions et le délai considérable qui doit s'écouler avant que les actions puissent être vendues et que, par conséquent, l'investisseur puisse réaliser son profit, toute modification de la politique gouvernementale de nature à améliorer la possibilité qu'a un investisseur d'obtenir le taux de rendement après impôt qu'il s'est fixé devrait se traduire par une augmentation des fonds et le nombre de sources de financement par actions mis à la disposition des petites entreprises.
De façon plus précise, en tant que représentant d'une filiale en propriété exclusive d'une banque à charte canadienne qui investit dans des actions imposables, j'appuie les conclusions de votre rapport intitulé «Plan directeur de changement», dans lequel vous appuyez à votre tour la recommandation 44 du rapport du groupe de travail MacKay sur l'avenir du secteur des services financiers; selon le groupe MacKay, il faut réduire le fardeau fiscal du secteur bancaire, et particulièrement les taxes sur le capital, puisqu'il s'agit d'un des secteurs de l'économie du pays qui crée le plus d'emplois et de richesse.
Je vais m'arrêter ici pour permettre à mes collègues de nous présenter leurs commentaires préliminaires.
Le président: Monsieur Sayegh, avant que vous ne commenciez, je vais vous demander de ne pas lire votre mémoire en entier afin qu'il nous reste du temps pour les questions.
M. Jacques Sayegh, président-directeur général, Royal Bank Capital Corporation: Très bien, monsieur le président.
Le président: Votre mémoire compte plusieurs pages. J'ai eu l'occasion de le lire et d'examiner les recommandations.
M. Sayegh: Monsieur le président, honorables sénateurs, le Royal Bank Financial Group oeuvre dans le secteur du capital de risque depuis bien des années. La Royal Bank Capital Corporation a été créée en 1983. J'oeuvre au sein de l'organisation depuis 15 ans, et j'exerce aussi les fonctions d'administrateur de l'Association canadienne du capital de risque.
Le Royal Bank Financial Group a adopté, pour l'octroi d'un financement par actions à cette industrie, une approche d'investissement axée sur le cycle de vie. Nous avons mis sur pied quatre unités opérationnelles qui couvrent tout l'éventail des services de financement, depuis le financement d'entreprises qui n'en sont qu'à leurs premiers balbutiements jusqu'au financement d'entreprises mûres de très grande envergure. Voici, en bref, les quatre unités opérationnelles. La première est la Royal Bank Growth Corporation, qui a été créée en 1997. Elle a pour mandat de fournir un capital de départ et des conseils d'expert dans le domaine afin de faciliter la commercialisation de technologies créées par diverses universités et sources d'invention.
Ensuite, nous avons créé le Small Business Venture Fund, qui a surtout pour fonction de fournir un financement par actions de moins de un million de dollars à de jeunes entreprises naissantes qui n'ont, de tradition, pas accès au capital à risque traditionnel. Nous reconnaissons que leurs besoins sont très différents de ceux des entreprises déjà établies.
La Royal Bank Capital Corporation, troisième entité de ce groupe, est la plus vieille d'entre elles, puisqu'elle a été créée en 1983, comme je l'ai déjà dit. Elle est devenue ce que j'appellerais un «fonds de fonds», qui est centré sur certains secteurs spécialisés. Nous avons choisi de nous démarquer en confiant à des exploitants et à des entrepreneurs le soin d'administrer ces fonds spécialisés.
Les trois fonds ont été affectés au secteur de la technologie de l'information, à celui de la biotechnologie et au secteur de la technologie industrielle, et les trois financent ensemble plus de 100 entreprises qui oeuvrent principalement dans le secteur des technologies de pointe.
Enfin, la Banque Royale a créé un groupe de services bancaires d'investissement qui finance les entreprises déjà établies et de très grande envergure.
Pour ce qui touche les recommandations, nous croyons qu'il serait très important de revoir la Loi sur les banques de 1993 et plus précisément, la limite du capital que les banques peuvent engager dans le secteur. Cette limite s'établit à 5 p. 100 du capital réglementaire total que les banques peuvent fournir pour le financement par action.
La version précédente de la Loi sur les banques à laquelle j'étais assujetti, avant 1993, restreignait aussi la capacité des banques de fournir du capital de risque. Nous avons oeuvré activement à proposer des changements positifs de la Loi sur les banques en 1993, afin d'élargir la mesure dans laquelle les banques peuvent fournir du financement par actions. Le seul obstacle qui existe toujours, est la limite de 5 p. 100 imposée au capital qu'une banque peut engager dans du financement par actions. Voilà quelque chose dont il faut aussi tenir compte.
D'autres administrations, particulièrement en Europe et en Asie, permettent au secteur bancaire d'affecter des capitaux nettement plus importants à l'industrie du capital de risque. Dans bien des pays européens, jusqu'aux deux tiers du capital de risque proviennent du secteur bancaire. Au Canada, c'est moins de 20 p. 100.
Nous appuyons à coup sûr certaines des recommandations déposées antérieurement par l'Association canadienne du capital de risque. Je ne vous en ferai pas la lecture. Toutefois, nous appuyons en particulier l'idée d'encourager des administrateurs externes à aider les petites entreprises, les responsabilités que cela suppose et l'imposition des administrateurs externes, qui jouent un rôle utile en offrant une orientation stratégique aux entreprises naissantes.
Le président: Je vais maintenant donner la parole à M. Kidson.
M. Ian Kidson, directeur exécutif, CIBC Capital Partners: J'ai eu l'occasion moi aussi de lire une partie des témoignages antérieurs. Pour l'instant, je peux probablement vous dire peu de choses que vous ne connaissez pas déjà au sujet des services bancaires d'investissement ou du secteur du capital de risque. Par conséquent, je limiterai mes commentaires, si vous le voulez bien, à un aperçu du portefeuille actuel de la CIBC.
Les services bancaires d'investissement à la CIBC ont été créés il y a dix ans pour faire le pont entre les produits que la Banque de Commerce fournissait à titre de grand prêteur et les activités que Wood Gundy pouvait entreprendre pour aider les entreprises à entrer sur les marchés publics.
À l'heure actuelle, notre portefeuille compte pour plus de 1 milliard de dollars de ce que nous considérons comme des investissements encore traditionnels, c'est-à-dire qui ne sont pas ce que nous appelons habituellement des investissements stratégiques faits de temps à autre par la banque. Ce portefeuille est divisé: 60 p. 100 au Canada et 40 p. 100 aux États-Unis. En règle générale, dans notre portefeuille général, nous n'avons pas d'entreprises débutantes. Nous avons à notre service 20 professionnels répartis entre Toronto, New York et San Francisco, et nous en avons un à Londres. De façon générale, nous avons tendance à faire un investissement d'au moins cinq millions de dollars. À vrai dire, il est généralement supérieur à 10 millions de dollars et dépasse rarement les 30 millions de dollars.
Nous ne ciblons aucune industrie particulière. En fait, ce n'est pas vrai. Deux de nos unités sont ciblées: un groupe minier et un groupe technologique. Nous avons créé ces petites unités pour tirer profit des débouchés qui se présentent à nous de temps à autre et qui ont une trop faible importance dans le cours ordinaire de nos affaires pour que nos professionnels généraux les examinent. Ces débouchés sont de l'ordre de 500 000 dollars à 3 millions de dollars. Ce secteur est trop important pour qu'on puisse le négliger.
Je terminerai en me faisant l'écho du dernier commentaire de M. Sayegh, à savoir que l'un des plus gros problèmes que nous ayons à affronter lorsque nous faisons un investissement dans une entreprise est d'établir un conseil d'administration fonctionnel. De façon générale, les conseils d'administration sont formés de l'entrepreneur ou du patron de l'entreprise, parfois de son directeur financier et peut-être même d'un responsable de l'exploitation et d'autres investisseurs ou investisseurs en capital de risque. Tous les investisseurs en capital de risque apportent généralement les mêmes atouts à la table. Ils ont généralement tous des antécédents semblables. Si nous pouvions trouver une façon d'amener des administrateurs externes à participer, j'en serais très heureux. Je vais m'arrêter ici.
Le président: J'aimerais clarifier une ou deux choses avant de passer à M. Reynolds.
Lorsque vos candidats sont nommés au conseil d'administration de l'entreprise, sont-ils membres de votre personnel, ou tentez-vous à l'occasion d'attirer des administrateurs de l'extérieur de la banque? Autrement dit, y a-t-il des gens de l'extérieur, pas des administrateurs de la banque, qui sont nommés au conseil?
M. Kidson: De façon générale, lorsque nous consentons un investissement substantiel à une entreprise, nous exigeons au moins un siège au conseil.
Le président: Très bien.
M. Kidson: En général, c'est mon homologue ou moi-même qui occupe ce siège au conseil. Nous examinons parfois la composition du conseil. Par exemple, il est arrivé deux fois de m'occuper de l'investissement ou de l'appuyer sans pour autant siéger au conseil à titre de membre. J'y suis observateur. Nous avons nommé une personne pour occuper le siège au conseil simplement parce que nous avions observé d'importantes lacunes au conseil. Il n'est pas facile de trouver une personne qui consente à y consacrer du temps.
Le président: Monsieur Reynolds, vous avez la parole.
M. Rod Reynolds, président-directeur général, RoyNat Inc.: Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
RoyNat est une filiale à part entière de la Banque de la Nouvelle-Écosse. Dans mes commentaires, j'essaierai de ne pas m'écarter du sujet ni de répéter ce que mes collègues ont dit. Je parlerai un peu de RoyNat et des autres activités d'achat d'actions du Scotiabank Group, après quoi j'aborderai quelques recommandations et tenterai d'entrer dans les détails, si vous le voulez bien.
RoyNat a été constituée en société en 1962. C'était à l'époque la seule société à laquelle on pouvait s'adresser, outre l'organisme qui a précédé le BDC, pour obtenir des prêts à long terme. Depuis lors, RoyNat est devenu le principal fournisseur canadien de capital à long terme au secteur canadien des petites entreprises.
Contrairement à d'autres filiales qui appartiennent à des banques, nous nous occupons surtout des petits prêts. Nous nous concentrons sur des apports en capital de 250 000 à 10 millions de dollars, sous toutes sortes de formes: crédit à long terme, crédit-bail, de crédit mezzanine subordonné, toutes sortes de types de participation. Nous fonctionnons selon un mode décentralisé, et nous comptons 22 bureaux répartis partout au pays et quatre bureaux régionaux. Nos clients ont toujours pu compter sur notre personnel affecté au crédit d'investissement bien formé qui prend le temps de comprendre les préoccupations de l'entrepreneur et d'examiner les transactions selon son point de vue.
Pour RoyNat, un aspect important de la propriété est que celle-ci n'est permise qu'au moyen d'un arrêté sur les placements provisoires émis par le BSFI. Il s'agit d'un investissement non permis qui ne peut se faire que par autorisation spéciale. Bien sûr, l'augmentation de la flexibilité structurelle dans le secteur bancaire nous aiderait avec le temps à continuer d'offrir les types de services que RoyNat met à la disposition de ses clients.
Dans l'ensemble de la Banque Scotia, nous divisons le marché des actions en trois groupes: le capital de départ, pour les très petits emprunteurs, et fourni dans le cadre d'une coentreprise avec la BDC; les prêts de moyenne importance sont offerts, comme je viens de l'expliquer, par l'entremise de RoyNat; les gros prêts, qui sont généralement de plus de 10 millions, sont fournis par l'entremise des sociétés Scotia Merchant Capital et ScotiaMcLeod. Je le répète, nous tentons chez RoyNat d'adapter la transaction aux instruments financiers que nous pouvons obtenir, que ce soit des engagements à long terme ou du capital-actions.
En 1998, nous avons effectué 56 transactions de crédit-mezzanine ou de capital-actions pour un total de 83 millions de dollars. Nous obtenons généralement un taux d'approbation bien plus élevé que la norme dans le reste de l'industrie en raison de la diversification de nos instruments.
C'est vraiment sur les petits emprunteurs que nous concentrons notre expérience et notre expertise. Nous nous occupons surtout de rachats, d'expansions et d'acquisitions dirigés, où nous pouvons réellement servir de partenaire financier et de mentor. Fait intéressant, au milieu de l'année 1998, nous avons entrepris un projet axé sur le financement lié à la succession pour les petites entreprises, ce qui est un important élément du transfert d'une entreprise d'une génération à la suivante.
Permettez-moi quelques suggestions. Je ne pense pas que nous puissions modifier rapidement et de façon radicale la structure réglementaire pour accroître de façon spectaculaire l'afflux de capital fourni aux petites entreprises, mais j'ai une ou deux petites suggestions.
Je commencerai tout d'abord par vous dire qu'une bonne entreprise pourra toujours obtenir du capital. Et, par bonne entreprise, je veux dire une entreprise qui est bien gérée, dont le plan d'affaires est solide et qui fait l'objet d'une transaction bien structurée. Ce n'est pas aussi facile à réaliser qu'il le semble. Selon nous, la plus grosse difficulté consiste à aider les entrepreneurs à satisfaire à ces trois principes. Chez RoyNat, nous tentons, pour les transactions qui peuvent présenter une faiblesse concernant l'un de ces éléments, de travailler avec l'entrepreneur pour l'aider à remédier au problème.
Il n'y a pas eu beaucoup d'information publiée sur les placements privés, et je pense que ça explique en bonne partie les différences d'information auxquelles quelqu'un a fait allusion auparavant. Nous sommes certainement d'accord pour dire que cela se produit lorsque les fournisseurs de capital savent où il se trouve et que les entrepreneurs connaissent tout de l'entreprise, et il est très difficile de faire le pont entre les deux.
Cependant, nous ne pensons pas que cela nous empêche d'aller de l'avant. Une pléthore d'intermédiaires dans le marché connaissent les deux côtés de la transaction. Les entreprises comme RoyNat et d'autres passent beaucoup de temps avec des intermédiaires, à les renseigner sur des critères d'investissement.
Toutes les personnes ici présentes consacrent énormément d'énergie à la publicité. Nous avons tous des sites Web que les propriétaires de petites entreprises peuvent examiner et où ils peuvent se mettre au fait de nos critères d'investissement. De plus, la décentralisation des activités de RoyNat au moyen de 22 bureaux répartis dans diverses localités contribue certainement à renseigner les propriétaires de petites entreprises.
L'appétit en investissements de RoyNat n'est pas réellement limité par le montant de capital comme certains des fonds à capital fixe; en réalité, le problème consiste à trouver des transactions solides et bien structurées. Le problème le plus difficile auquel nous faisons face, c'est de modifier la disposition d'esprit des propriétaires de petites entreprises et d'établir une position appropriée au chapitre de la propriété pour RoyNat.
Il semble y avoir au Canada un blocage mental à l'égard du partage de propriété d'une entreprise. Souvent, un propriétaire sera beaucoup plus heureux d'être propriétaire unique d'une petite entreprise que d'être propriétaire à 80 p. 100 d'une entreprise de plus grande envergure. Fait intéressant, nous avons constaté que cette attitude diffère énormément de celle des Américains, qui semblent plus enclins à céder une partie du capital-actions pour que l'entreprise grandisse. À notre avis, cette réticence découle en partie d'une crainte des investisseurs en capital risque, d'une crainte du contrôle; il nous faudra certainement trouver une façon de remédier à cette crainte.
Je passerai rapidement, si vous le permettez, au régime fiscal, puisqu'il est lié à l'argument que je viens de vous soumettre. À l'heure actuelle, les institutions financières sont pleinement imposées sur leurs gains en capital, contrairement aux autres types d'entreprises, pour lesquelles le taux fiscal est plus favorable. Les entrepreneurs sont incités à envisager en premier lieu les titres de dette plutôt que le capital-actions, surtout parce qu'ils peuvent déduire les intérêts des impôts, ce qu'ils ne peuvent faire dans le cas des dividendes, et, évidement, parce qu'il y a la question de contrôle dont je viens juste de parler.
Ensuite, ces deux questions poussent les parties, l'investisseur et la société émettrice, à chercher un instrument qui s'apparente à une dette plutôt qu'à l'achat de capital-actions ordinaire. Si les investisseurs en capital-risque que sont les institutions financières étaient traités comme d'autres sociétés -- c'est-à-dire si 75 p. 100 du gain était imposable --, cela nous encouragerait à rechercher un rendement avant impôt plus faible sur nos investissements. Cela fait diminuer directement la participation à l'entreprise, de sorte que les propriétaires de petites entreprises n'estimeraient plus que nous demandons une trop grande participation à l'entreprise. De même, les nombreux arguments formulés à propos de l'indexation des gains en capital nous amèneraient encore une fois à chercher à réduire notre participation à l'entreprise.
Mon dernier argument, qui concerne les contrats d'entiercement est le suivant: nous pensons que deux ans seraient une période suffisante pour protéger les intérêts des autres parties et motiver les investisseurs en capital-risque à inscrire les entreprises à la bourse.
Le président: Avant de céder la parole au sénateur Meighen, j'aimerais vous demander des éclaircissements sur le régime fiscal. Si les dispositions relatives aux sociétés de portefeuille bancaire, qui ont été recommandées par le groupe de travail MacKay et, dans une forme quelque peu différente, par votre comité, étaient adoptées par le gouvernement, cela réglerait-il le problème fiscal dans la mesure où, présumément, votre organisation deviendrait une filiale de la société de portefeuille et serait, de ce fait, soumise à des mesures fiscales différentes? Serait-ce le cas?
M. Reynolds: Je répondrais oui à ces deux questions. Il nous faut être d'abord et avant tout capable de poursuivre nos activités, ce qui ne peut se faire que par arrêté spécial du BSFI et sous la forme d'une société de portefeuille non réglementée. Si nous étions imposés à 75 p. 100, l'objectif serait atteint.
Le président: La première étape serait alors automatiquement réalisée, parce que vous seriez une entité à l'extérieur de l'entreprise réglementée, de sorte que le lien avec le BSFI n'aurait plus sa raison d'être, n'est-ce pas?
M. Reynolds: D'après ce que je crois comprendre, le BSFI exerce des pressions pour obtenir des pouvoirs de réglementation quelconques sur la société de portefeuille également.
Le président: Tout à fait. Mais il n'est pas encore dit que cela se fera. Sur ce point, nous sommes avec vous.
Le sénateur Meighen: Je commencerai par pousser plus loin la question du président. Si vous devenez une filiale d'une société de portefeuille -- laissez l'aspect fiscal de côté pour un instant --, cela modifierait-il votre façon de fonctionner, votre culture? Je dois vous dire que je suis très intéressé par ce que vous avez à dire, et que je vous appuie dans ce que vous avez fait; selon moi, votre contribution est énorme. Toutefois, vous êtes ici à titre de banquiers, et je ne considère pas les banquiers comme des investisseurs en capital-risque, particulièrement dès le départ.
Si vous étiez une filiale d'une société de portefeuille, votre culture serait-elle différente ou demeurerait-elle la même? Ensuite, -- et la réponse pourrait varier en fonction de chaque témoin -- quel rôle d'investisseur verriez-vous pour vous-même? Celui qui fournit l'argent de l'affection? L'ange? Celui qui fournit le crédit-mezzanine? Celui qui fournit le capital-risque?
Le président: Dans le même ordre d'idées, j'ai remarqué que M. Kidson a mentionné que la CIBC ne fournit pas de fonds de démarrage.
Le sénateur Meighen: Quel est votre rôle? Êtes-vous un concurrent de McLean Watson, par exemple, ou votre position est-elle différente? J'ai de la difficulté à vous voir autrement que comme des banquiers, comme des personnes qu'on va voir et qui nous refusent un prêt à 12 p. 100 d'intérêt parce que vous n'établissez pas le prix en fonction du risque.
M. Pakrul: Tout d'abord, je vous dirai que vous nous assimilez à des banquiers parce qu'une banque est propriétaire de notre entreprise. Aucun d'entre nous n'est banquier. Je n'ai jamais été banquier. J'ai été preneur ferme durant vingt ans, et je suis investisseur en capital-risque.
Fondamentalement, l'exploitation du capital-risque ne fait pas appel aux banquiers ni à leur culture. Alors même s'il est vrai que certaines personnes peuvent passer d'une organisation à l'autre, le capital-risque et les techniques et outils qui y sont associés diffèrent énormément. Même si nous appartenons à une banque, ce sont des personnes différentes qui sont embauchées pour remplir ce rôle.
Vous avez dit que la culture changeait à partir de là. Comme l'a précisé M. Sayegh, nous sommes maintenant une institution financière désignée en vertu de la Loi sur les banques, nous sommes soumis à des restrictions au sujet de la règle des 5 p. 100 du capital et de la période d'attente de dix ans. Nous devons faire rapport au BSFI. Nous devons faire bien des choses parce que nous sommes une filiale d'une banque.
Le sénateur Meighen: Le témoin précédent, par exemple, n'aurait pas à faire la même chose.
M. Pakrul: Exactement. La situation serait peut-être bien meilleure si nous n'avions pas à faire ces choses ou si nous n'étions pas soumis à certaines de ces restrictions.
Par la même occasion, j'ajouterais que notre critère de réussite pourrait être différent si nous n'appartenions pas directement à la banque. Selon moi, le rendement du capital ou le rendement des capitaux propres devient un objectif bien plus important dans une structure de société de portefeuille. Peut-être que ce n'est pas le cas. Cependant, je pense qu'il y aurait des changements, et ils profiteraient à chacun d'entre nous.
M. Sayegh: La Banque Royale a reconnu l'importance d'établir la différence entre la culture du monde bancaire et celle du monde des investissements. Notre organisation fonctionne comme une filiale, avec son propre conseil d'administration. Dans son cas, le processus diffère selon qu'il s'agit d'un investissement ou d'une dette. Elle est bien distincte des autres parties de la banque. Les personnes que nous embauchons proviennent du secteur des investissements, et nous sommes bel et bien des concurrents de McLean Watson et des autres fonds indépendants.
Cela dit, nous sommes assujettis à certaines des règles bancaires, comme l'a mentionné David Pakrul, dans la mesure où certains aspects réglementaires de nos affaires qui concernent spécifiquement les banques viennent nuire aux autres aspects de nos activités.
Sur le plan fiscal, en particulier, je mentionnerais les règles inéquitables auxquelles nous sommes assujettis, contrairement aux fonds de travailleurs, quant à l'accès à du capital à bon marché et ainsi de suite, et il s'agit certainement là d'une situation qui influe sur notre capacité de fonctionner dans ce marché.
M. Kidson: J'aimerais souligner trois points. J'ai commencé chez Wood Gundy en 1984 et je n'ai fonctionnellement jamais quitté l'entreprise. Pour tout vous dire, l'époque où on avait un banquier et un preneur ferme est révolue. Le monde bancaire lui-même a changé. Il y a dix ans, j'aurais été insulté d'être qualifié de banquier. Je n'en suis plus là.
Vous avez raison, monsieur le président, j'ai bel et bien mentionné que nous ne nous occupions pas des entreprises en démarrage, mais il pourrait être utile de clarifier ce que je voulais dire.
Comme vous le savez, toute entreprise traverse une multitude d'étapes durant sa croissance, à commencer par le germe d'une idée. Généralement, il faudra de 100 000 $ à 2 millions de dollars pour établir un plan d'affaires crédible et réfléchi. Nous ne participons généralement pas à cette étape.
Une fois que quelqu'un nous apporte un plan -- on pourrait encore dire qu'il s'agit d'un plan de démarrage dans la mesure où l'entreprise peut n'avoir que de rares employés, si elle en a, et qu'elle n'a aucun actif d'exploitation --, alors nous participons à cette étape. Loin de moi l'idée de faire de la publicité, mais des entreprises comme Coinstar se sont récemment inscrites à la bourse aux États-Unis. L'une d'entre elles que nous chérissons particulièrement à la CIBC est Global Crossing. Nous avons fait un investissement de 40 millions de dollars dans cette entreprise, en fonds de démarrage et en dollars U.S., qui nous a procuré un joli rendement, comme vous avez pu le lire dans les journaux.
Par conséquent, nous nous engageons lorsque nous sommes certains que l'entreprise pourra utiliser le capital que nous lui fournissons pour appliquer un plan d'affaires que nous pouvons comprendre et évaluer et que nous décidons d'appuyer.
Du point de vue réglementaire -- et je pourrais me tromper -- s'il y a une question que je n'arrive pas à comprendre, c'est que nous ne pouvons posséder que 25 p. 100 d'une entreprise. C'est exact, n'est-ce pas?
Le président: Oui.
M. Kidson: Alors je n'en comprends pas la raison.
Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Reynolds?
M. Reynolds: J'aimerais, monsieur le président, revenir à votre argument au sujet des sociétés de portefeuille bancaire. Selon moi, ce genre de société contribuerait certainement à maintenir la nature indépendante et autonome des entreprises dont nous parlons ici en plus de régler le problème mentionné par M. Kidson concernant la participation maximale de 25 p. 100 dans une filiale non réglementée. Cela ne devrait pas être un problème du tout.
Le sénateur Meighen: Dernière question. Je suis étonné de voir que, contrairement aux précédents témoins, vous êtes tous les quatre beaucoup plus nuancés dans vos critiques du contexte réglementaire et fiscal.
Vous avez parlé de la limite de 5 p. 100 et avez dit souhaiter qu'elle soit augmentée. M. Pakrul a, si je me souviens bien, mentionné une stratégie de sortie. Je présume que vos sentiments au sujet des nouvelles règles d'entiercement proposées vous irritent tout autant que notre dernier témoin, et je n'ai entendu aucun d'entre vous parler des gains en capital.
Peut-être que vous avez entendu certains des témoins qui vous ont précédé ce matin. Êtes-vous d'accord avec eux pour dire que le régime fiscal applicable aux gains en capital dans notre pays nuit à l'activité de capital-risque? Le système réglementaire est-il trop complexe? Selon vous, le fait de regrouper, dans une bourse, les titres à faible capitalisation de notre pays, comme on l'a proposé pour celle de Calgary et de Vancouver, favoriserait-il l'activité? Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet compte tenu du projet de bourse EASDAQ en Europe, qui est sur le point de se concrétiser, si ce n'est déjà fait?
M. Pakrul: Je vais essayer de démêler tout ça.
Je pense que je peux dire au nom de nous tous que nous sommes tous des membres de l'Association canadienne du capital de risque et qu'à ce titre nous appuyons résolument les recommandations qu'elle a faites à votre comité. Dans nos commentaires d'aujourd'hui, nous ne voulions pas répéter ce qui avait déjà été dit.
En ce qui nous concerne, nous avons mentionné une situation fiscale particulière, mais plus important encore, le régime et les incitatifs fiscaux sont d'une importance capitale pour un entrepreneur. Notre pays doit concurrencer les autres pour attirer des gens et les amener à rester au pays. Ainsi donc, tout ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation fiscale d'un entrepreneur, pour l'aider à réaliser ses objectifs financiers, pour l'aider à faire des affaires au Canada plutôt que n'importe où ailleurs, doit être positif.
En ce qui concerne les politiques d'entiercement, nous nous y opposons tous fermement. Elles auront certainement pour effet de décourager les investisseurs de toutes sortes à encourager les entreprises à s'inscrire en bourse au Canada plutôt qu'à faire autre chose.
Je n'en sais pas suffisamment sur les bourses, mais je peux tout de même dire que le programme des bourses spécialisées dans les titres de faible capitalisation, qui tente de favoriser l'établissement d'un fonds commun d'immobilisations actif et un marché public circonscrit à l'Alberta, devrait lui aussi être positif.
M. Sayegh: Nous nous sommes intéressés vivement à cette question et avons évidemment participé de près à la rédaction.
En ce qui concerne le concept de NASDAQ, il faut absolument éliminer les obstacles de ces administrations multiples, les obstacles qu'imposent les provinces à l'inscription en bourse et à l'obtention de capital. Il semble que chaque province ait ses propres règles pour les valeurs mobilières. Les exemptions et coûts juridiques exigés d'une petite entreprise pour réunir un petit capital, qu'il provienne des anges, des groupes de capital-risque traditionnels ou de nous-mêmes sont très complexes. Nous serions tout disposés à appuyer un régime qui simplifierait l'accès au capital par l'entremise d'une bourse nationale destinée aux entreprises débutantes.
M. Kidson: Selon notre point de vue -- et il s'agit d'un commentaire qui nous est très propre --, beaucoup d'entreprises qui ont réussi à obtenir des investissements de l'ordre de 500 000 $ ou d'un million de dollars dans une bourse publique ont utilisé ce capital et en cherchent d'autre, et elles viennent nous voir.
Il est infiniment plus difficile pour nous d'investir dans une entreprise comme cela que dans une entreprise privée simplement à cause des règles, par exemple, qui doivent être respectées. Pour être franc, il s'agit d'un obstacle qui m'empêche d'investir dans une entreprise qui a eu accès à de très petites sommes dans les bourses publiques. Cela ne veut pas dire que ce genre d'entreprise soit mauvaise. C'est tout simplement un genre de problème pratique auquel nous nous heurtons.
M. Reynolds: Notre expérience nous a mis devant un fait intéressant: de 75 à 80 p. 100, environ, de nos sorties ne se font pas sur les marchés publics, et cela a probablement beaucoup à faire avec l'incapacité de ces entreprises, qui sont généralement plus petites, d'entrer sur les marchés en raison des règlements et des coûts que cela suppose. Par conséquent, lorsque nous décidons d'y participer, nous cherchons à accroître la part dont nous sommes propriétaire.
Le sénateur Kenny: Mes questions portent sur deux sujets: les responsabilités des administrateurs et les gains en capital.
Nous avons passé un certain temps à examiner les structures de régie d'entreprise et nous en sommes venus à la conclusion qu'une diligence raisonnable était peut-être la solution aux responsabilités des administrateurs.
Nous avons depuis entendu dire que la solution n'est pas aussi bonne que nous le pensions, et j'invite les témoins ici présents à me faire part de leurs commentaires quant à la mesure dans laquelle le problème peut se résoudre, en premier lieu, avec une défense efficace de diligence raisonnable. Ensuite, devrons-nous examiner d'autres modèles complètement différents pour les administrateurs?
Je sais que, durant nos audiences sur la régie d'entreprise, au moins un témoin nous a donné des précisions, par exemple, sur les administrateurs qui obtiennent une bien meilleure rémunération et qui passent beaucoup plus de temps à exercer leurs fonctions d'administrateur.
Sur le premier point, j'aimerais savoir ce que vous pensez de mes commentaires au sujet de la défense axée sur la diligence raisonnable. D'après vous, cela fonctionnera-t-il ou devrons-nous examiner d'autres modèles?
M. Sayegh: Je vais d'abord, si vous le voulez bien, vous répondre là-dessus en premier. Précisons tout de suite que le Canada est bien en avant des États-Unis pour cette question. On aime tant les procès aux États-Unis que quatre administrateurs sur cinq font l'objet de poursuites durant leur mandat.
Je n'ai pas les chiffres précis pour le Canada, mais je serais bien étonné que ce soit plus de un sur cinq. Par conséquent, je pense que, sur ce point, nous sommes en avance. Notre société n'est pas aussi portée sur les poursuites.
Je suis tout à fait d'accord avec la défense axée sur la diligence raisonnable, mais je pense qu'elle a ses limites. Cependant, je suis aussi d'accord avec vous pour tenter de trouver des façons d'avantager les administrateurs directement sur le plan économique en aidant les entreprises au chapitre des options d'achat d'actions, et en particulier, des gains en capital auxquels nous revenons sans cesse. Presque tous les témoins ont mentionné qu'il s'agirait d'une mesure importante et positive, je suis d'accord avec eux.
Le sénateur Kenny: Je présume que les administrateurs dont nous parlons n'ont pas tous une assurance.
M. Sayegh: La plupart des entreprises, surtout celles qui sont de petite taille, n'ont pas les moyens de payer les primes d'assurance exigées pour les responsabilités de dirigeants et d'administrateurs.
M. Kidson: À ce sujet, qu'on parle de défense axée sur la diligence raisonnable ou sur autre chose, je pense qu'il faudrait d'abord et avant tout chercher à être clair, pour qu'un administrateur puisse comprendre très clairement à quel moment il s'est acquitté de ses obligations.
Si cela demeure dans le même état qu'aujourd'hui, c'est-à-dire une zone très grise, il sera de plus en plus menaçant pour une personne d'être invitée à siéger au conseil d'une entreprise. Quant à nous, nous ne siégerons pas à un conseil tant que tous les administrateurs ne seront pas couverts par une assurance que nous jugeons adéquate. C'est peut-être parce que nous avons fait un certain nombre d'investissement aux États-Unis, où je siège à plusieurs conseils, que nous y faisons l'objet de poursuites alors que ce n'est pas encore le cas au Canada. Cependant, je ne sais pas si c'est parce que nous sommes meilleurs et si cela reflète simplement la nature des Canadiens.
Le sénateur Kroft: Puis-je poser rapidement une question supplémentaire? Est-il possible pour votre entreprise ou votre banque, pour toute entité d'une banque, quelle qu'elle soit, d'obtenir une assurance pour vous protéger en tant qu'administrateur d'une entreprise dans laquelle vous avez investi ou, à tout le moins, vous retirer votre responsabilité personnelle?
Le sénateur Kenny: Êtes-vous autoassuré?
M. Kidson: Personnellement, je suis couvert par deux assurances au conseil proprement dit. Je suis aussi protégé par mon employeur, de sorte que si quelqu'un me poursuit personnellement et que l'assurance n'est pas adéquate, ou que la compagnie d'assurance refuse de payer pour une raison ou pour une autre, je suis couvert.
M. Sayegh: Je confirme ce qu'il dit, mais j'ajouterai que, lorsque nous sommes considérés comme riches et, en particulier, parce que nous sommes des banques, nous attirons les poursuites.
M. Reynolds: Une des solutions que nous avons utilisées dans les cas où nous nous inquiétions de la responsabilité personnelle consistait à demander un statut d'observateur. Nous pouvons exercer un contrôle considérable en agissant simplement à titre d'observateur sans même avoir le droit de vote.
Le sénateur Kenny: Le fait d'exercer ce contrôle ne prête-t-il pas le flanc à des poursuites?
M. Reynolds: Non, pas encore.
M. Pakrul: J'aimerais ajouter, au nom des administrateurs externes que nous tentons d'attirer dans ces entreprises, qu'il s'agit manifestement d'une énorme préoccupation pour eux. Ils examinent la question sous l'angle du rapport entre le risque et la récompense, et la récompense, même sous forme d'options d'achat d'actions, par exemple, ne semble parfois pas justifier le risque, même dans les meilleures circonstances. C'est un énorme problème, j'en conviens. Mais je n'ai pas de réponse magique à vous offrir.
Le sénateur Kenny: La deuxième question sur laquelle je souhaite me pencher, monsieur le président, concerne les gains en capital. En ce qui concerne les trois modèles dont nous avons parlé -- une baisse à tous égards, une intervention en fonction de la taille ou l'option de roulement qu'ils ont aux États-Unis -- quelles sont les préférences des témoins à ce sujet?
M. Pakrul: À coup sûr, les dispositions de roulement, qui n'ont, je pense, été abordées par personne, sont très importantes pour le Canada par rapport aux autres parties du monde, et je pense que nous recommanderions tous leur adoption.
En ce qui concerne les deux autres solutions, même si je ne suis pas un expert fiscaliste et ne prétends pas en être un, j'ai toujours trouvé difficile de concevoir des structures fiscales propres à une situation précise. Si vous tracez des lignes, quelqu'un trouvera le moyen de les contourner. Je m'incline devant les experts fiscalistes, mais nous avons certainement besoin de quelque chose qui nous aidera pour les petites entreprises. Nous avons toujours affaire à des sommes de moins de 2 millions de dollars. C'est tout ce que nous faisons, et nous avons certainement besoin de quelque chose non seulement pour les entreprises qui en sont à l'étape de la recherche de ce genre de capital, mais aussi pour nous, investisseurs, si vous me passez ce commentaire égoïste.
M. Sayegh: J'estime personnellement -- et je ne prétends pas représenter les intérêts de la Banque Royale à ce sujet -- et en ma qualité d'investisseur en capital-risque, je pense que le mécanisme de roulement pourrait être le plus intéressant. Nous n'avons pas suffisamment de bons gestionnaires dans notre pays, et j'ai pu constater personnellement, comment en témoignent Silicon Valley, la route 128, que les entreprises les plus fructueuses ont été lancées par des gens qui ont connu un ou deux échecs ou qui ont connu un énorme succès et ont vendu leur entreprise pour réinvestir dans une autre. L'expérience qu'ils ont tirée de l'établissement d'une entreprise, de sa vente fructueuse et du réinvestissement est une des plus précieuses aux yeux d'un investisseur en capital-risque avec qui on veut s'associer. À cet égard, je pense qu'il pourrait s'agir d'un mécanisme très attrayant.
M. Kidson: Je peux certainement confirmer la déclaration de David, dans la mesure où je suis loin d'être un expert fiscaliste; je précise qu'il s'agit de mon opinion personnelle et non pas de celle de la CIBC.
Si je comprends bien, la suggestion est la suivante: si nous faisons beaucoup d'argent dans une entreprise de travail du métal et que nous investissons cet argent dans une autre entreprise de travail du métal, nous ne paierons aucun impôt là-dessus. Cela aura pour effet pratique de récompenser les fonds propres à une industrie au détriment des fonds communs d'immobilisation qui ne sont pas, eux, ciblés sur un secteur particulier. Je ne vois pas clairement pourquoi c'est une bonne chose.
Le président: Une précision: les dispositions relatives au roulement ne sont pas propres à une industrie. De la façon dont cela fonctionne, vous pouvez faire le roulement directement dans un autre investissement, mais vous devez transférer le montant tout entier, et ce, immédiatement.
Le sénateur Kenny: Le gain en capital ne s'est pas réalisé lorsque vous sortez l'argent de la première entreprise.
Le président: Ce qui se passe en réalité, c'est que le gain en capital est retardé. Lorsque vous vendez pour la deuxième ou la troisième fois, alors vous êtes imposé.
M. Kidson: Si cela n'est pas propre à une industrie, alors je suis pour.
M. Reynolds: Sénateur Kenny, je pense que vous avez demandé au témoin précédent de vous donner des précisions sur l'acceptabilité politique de certaines de ces questions. Je pense que les deux dernières, si l'on en juge par l'impôt des petites entreprises, que personne ne critique, du moins je le crois, serait très acceptable sur le plan politique. Soit que vous le ciblez, soit que vous avez le report et que vous vendez sous prétexte que cela encourage la croissance de la petite entreprise, plutôt que le principe déjà préconisé selon lequel il ne s'agit que d'une diminution générale des gains en capital.
M. Kidson: Peut-être que je vais sembler un peu effronté, mais quelqu'un a laissé entendre plus tôt que vous vouliez que nous vous donnions des idées sur la façon de faire adopter la chose sur le plan politique.
D'un point de vue très simple d'homme d'affaires, je ne comprends pas pourquoi il est difficile de transmettre le message -- et c'est tout à fait simpliste -- selon lequel les entreprises qui réussissent et élargissent l'assiette fiscale sont nécessairement bonnes. À mes yeux, il s'agit d'une lapalissade, et j'aurais pensé qu'il s'agit d'une chose que nous devrions amener les politiciens à encourager et, pour tout dire, c'est à vous autres de les convaincre.
Le sénateur Kenny: Avec tout le respect que je vous dois, les politiciens sont, selon moi, très portés à réagir, et si vous ne considérez pas qu'il s'agit d'un domaine où diverses idées s'opposent, et que vous n'êtes pas prêts à défendre vos idées d'une façon acceptable sur le plan politique, elles seront très peu susceptibles de réussir à Ottawa uniquement en raison de leur valeur intrinsèque.
Le président: Permettez-moi une remarque sur les changements apportés aux gains en capital. Il est beaucoup plus facile de faire adopter le roulement ou l'investissement ciblé en fonction de la taille qu'une baisse généralisée, uniquement en raison de la popularité des petites entreprises auprès du public canadien. Il me semble aussi que, toutes considérations politiques mises à part, c'est là qu'on devait mettre les facteurs incitatifs, comme politique publique directe
Le sénateur Kroft: J'aimerais passer à une question qui n'a pas réellement, je crois, été abordée par quiconque, mais qui semble toujours être prête à surgir -- et ma réflexion a été déclenchée par l'observation de M. Reynolds selon lequel RoyNat a un intérêt particulier pour le rachat de l'entreprise par les cadres. Nous parlons beaucoup de retenir les personnes talentueuses au pays et de créer l'occasion pour les entreprises de bâtir quelque chose et de persuader leurs employés de rester. On peut notamment y arriver en instaurant un contexte dans lequel les gens ont l'impression qu'ils n'ont pas à aller ailleurs pour pouvoir acheter des actions et obtenir les récompenses dont elles s'assortissent. C'est ce qui intéresse ces gens. Cela permet également de favoriser la continuité de l'entreprise sur plusieurs générations et toutes sortes d'éléments de ce genre.
Selon vous, y a-t-il des obstacles à la réglementation ou aux pratiques dans le domaine des rachats par les cadres lorsqu'on compare le Canada aux États-Unis? Comment se comporte le Canada, sur le plan réglementaire et culturel, à ce sujet?
M. Reynolds: J'aborderai plutôt l'aspect culturel de cette question. Comme je l'ai dit dans mes commentaires précédents, certains de nos principaux objectifs d'entreprise sont les REC, le financement lié à la succession et d'autres choses du genre, et notre principal problème concerne toujours le fait que les cadres ou les proches parents des administrateurs n'ont pas les fonds pour le faire d'eux-mêmes, de sorte qu'ils ont besoin d'un partenaire, et qu'ils hésitent à abandonner une part de l'entreprise.
Je ne peux réellement pas faire de commentaires sur la réglementation américaine par opposition à la réglementation canadienne.
Le sénateur Kroft: Plutôt que de parler de comparaison, y a-t-il des règles fiscales particulières qu'on pourrait changer ou d'autres mesures qu'on pourrait prendre pour faciliter les rachats par les cadres, qu'il s'agisse de membres de la famille ou d'autres personnes?
M. Reynolds: L'un des problèmes qui se pose toujours au propriétaire qui se retire concerne l'impôt sur les gains en capital découlant de sa participation à l'entreprise, et cela est généralement l'un des principaux problèmes comptables qui doivent être réglés. L'approche classique, qui consiste en l'achat d'actions privilégiées visées par un gel successoral a véritablement une motivation fiscale.
Nous tentons d'aider le propriétaire qui se retire à toucher un peu d'argent, mais cela suscite instantanément des préoccupations quant au gain en capital, ce qui complique souvent la conclusion d'une transaction, et il s'agit là d'un problème qu'il faut régler. C'est vrai, on peut souvent structurer ce capital par l'entremise de fiducies et d'autres choses du genre, mais il s'agit quand même d'un obstacle. Je ne peux vous donner de statistiques précises. Je ne sais pas combien de transactions ne se concrétisent pas pour cette raison, mais il s'agit certes de l'un des plus importants problèmes qui doivent être réglés.
Le sénateur Kroft: Ce problème a lui aussi un lien avec les gains en capital.
M. Sayegh: Il y a une autre question fiscale qui a un lien avec les règles sur les sociétés affiliées: pour la plupart de ces rachats par les cadres, la direction n'a pas toujours le contrôle de l'entreprise en raison de fonds limités. Par conséquent, les investisseurs externes qui ont été attirés peuvent posséder ensemble plus de 50 p. 100 de l'entreprise. En particulier, s'il s'agit d'investisseurs institutionnels, l'entreprise perdra son statut de société privée sous contrôle canadien, et il y a d'autres répercussions des règles d'association de la Loi sur l'impôt qui sont d'importants obstacles et qui empêchent l'entreprise d'obtenir le capital dont elle a besoin.
Le sénateur Kroft: J'ai une question qui porte sur un autre sujet. Une des discussions que nous avons eues hier portait sur la question de l'accès géographique aux fonds de capital de risque, ou l'absence d'un tel accès, et sur la forte concentration torontoise dans un ou deux domaines limités.
Encore une fois, monsieur Reynolds, je crois que vous avez parlé du nombre de succursales que vous avez et de la façon dont vous entendiez les mettre à profit pour régler le problème.
Je veux vous demander à vous tous, qui êtes propriétaires de banque, en quoi les succursales servent à cet égard.
M. Reynolds: Permettez-moi de répondre en premier. Comme elle est établie depuis longtemps, la société RoyNat a aménagé des centres géographiques partout au Canada.
La question précédente était: comment servir le nord de l'Ontario? Nous avons à Sudbury un bureau qui assume cette responsabilité géographique. Nous soutenons ces bureaux. Bien sûr, tout le monde ne peut pas être spécialiste de l'investissement en actions. Ce sont eux qui trouvent. Ensuite, nous envoyons d'autres gens, qui les aident à régler les aspects particuliers d'une transaction.
Bien sûr, nous reconnaissons le fait qu'il ne suffit pas d'avoir seulement 22 bureaux. Nous essaierons de recourir aux 1 400 succursales de la banque, comme un prolongement de nous-mêmes, et d'établir des occasions éventuelles. Encore une fois, nous savons que nous ne pouvons avoir des spécialistes dans chacune des 1 400 succursales pour traiter des questions relativement plus complexes que met en jeu l'investissement en actions.
M. Kidson: Je ferai deux observations. Premièrement, les gens qui administrent le capital sont concentrés à Toronto. Encore une fois, je crois que cela tient simplement à la façon dont le système financier fonctionne au Canada.
Le fait que les administrateurs délégués de la CIBC travaillent à Toronto, pour être franc, n'a rien à voir, à mes yeux. Je passe -- et je suis sûr que c'est la même chose pour mes collèges -- plus de temps à bord des avions qu'ailleurs et je participe à toutes sortes de programmes pour grands voyageurs -- si bien que ma femme en est découragée.
L'endroit où je vis n'a donc absolument aucun effet sur la capacité qu'aurait quelqu'un à Halifax d'obtenir de moi de l'argent, à une exception près, peut-être et c'est que cette personne ne pourrait simplement emprunter le corridor et aller cogner à ma porte, ce qu'une personne de Toronto pourrait, évidemment, faire. Cela m'amène à la partie 2 de la question sur le réseau de succursales.
Nous passons beaucoup de temps avec nos directeurs de compte, que nous rencontrons une fois par mois. Nous faisons passer les gens par notre centre de formation et nous leur expliquons la raison d'être de la banque d'investissement, le genre d'entreprises dans lesquelles nous voulons investir et les paramètres qui s'appliquent. De mon point de vue, c'est tout à fait intéressé. Plus le système de collecte d'informations est vaste et mieux il est renseigné, plus nous ferons d'argent.
Nous utilisons tout à fait notre réseau de succursales et, pour être franc, c'est de cette façon que la situation du gars de Halifax est habituellement portée à notre attention, s'il n'est pas assez important pour attirer l'attention d'un intermédiaire.
M. Sayegh: J'aimerais insister sur la nécessité d'avoir une présence locale. Je crois qu'il est très difficile d'offrir sur un marché régional du capital de risque en travaillant depuis un grand centre urbain. Nous avons reconnu le besoin qui existe et nous comptons de multiples bureaux partout au pays, et, certes, nous comptons grandement sur le réseau de succursales de la Banque Royale, qui a une très grande envergure, sur le marché de la petite entreprise.
Toutefois, nous avons aussi établi un partenariat avec certains petits fonds régionaux. Nous avons réussi à attirer des fonds régionaux qui seraient en mesure de fournir une expertise en gestion aussi bien que le capital. Ils peuvent travailler de concert avec l'entrepreneur et intervenir très directement dans les affaires de l'entreprise. Nous pouvons leur servir d'associés du point de vue financier, mais ce sont eux qui fournissent l'expertise en affaires dans certains de ces petits centres.
Au groupe financier de la Banque Royale, nous croyons avoir une responsabilité organisationnelle, en plus de la responsabilité économique, qui consiste à faire valoir nos intérêts partout au pays, sans compter que c'est bon pour les affaires.
M. Pakrul: Nous vivons une situation unique dans la succursale particulière où je me trouve, car c'est une succursale nouvelle. Nous n'existons que depuis trois ans et, néanmoins, nous sommes parvenus à avoir une présence nationale. Vous avez donc posé une bonne question que nous avons débattue longuement et vigoureusement.
J'abonde tout à fait dans le sens de Jacques. L'accès local revêt une importance critique dans le domaine du capital de risque. Nous vivons donc ce dilemme, étant une organisation nouvelle nous-mêmes. Comment fournir un service national et assurer l'accès local?
Nous avons abordé la question en essayant d'établir une série de fonds sous l'égide de Bank of Montreal Capital, pour tout couvrir depuis le capital de départ jusqu'au financement mezzanine. Et, dans les cas appropriés, nous avons soit investi avec d'autres dans des fonds -- autrement dit, nous avons eu des partenaires qui se sont occupés localement de l'expertise ou de l'accès -- soit pris les choses en main nous-mêmes, nous avons essayé de coinvestir, comme Jacques l'a dit, aux côtés d'investisseurs locaux. De cette façon, nous avons investi pratiquement partout au Canada.
Dans la région de l'Atlantique, nous sommes coinvestisseurs et, de fait, investisseurs, du Fonds de l'Atlantique, dont vous avez peut-être déjà entendu parler. De même, en partenariat avec la BDC, nous dirigeons le fonds de lancement des entreprises technologiques de l'Est, qui fait que nous intervenons directement en versant du capital de départ.
Nous n'avons pas à expliquer le cas de l'Ontario, ni d'ailleurs celui du Québec.
Dans les Prairies, nous avons des bureaux à Calgary et à Vancouver, mais nous sommes aussi associés du fonds de lancement des entreprises technologiques de l'Ouest, qui couvre l'Ouest canadien en entier, et nous comptons des investissements dans la plupart des provinces. Je regrette que nous n'ayons pu encore en faire au Manitoba. Nous en avons approuvé deux, mais des investisseurs locaux se sont aussi proposés et ont offert un meilleur prix.
Depuis les trois années où nous existons, nous avons investi dans 81 entreprises disséminées dans pratiquement tout le Canada. Nous allons continuer à procéder de cette façon en travaillant avec des partenaires locaux, parce que, comme Jacques l'a dit, il est très important d'être là pour fournir les conseils aussi bien que l'argent.
Le président: J'ai une dernière question qui se rapporte à une chose que M. Pakrul a dite et qui a ensuite suscité une observation de M. Reynolds.
M. Pakrul a affirmé que nombre d'entrepreneurs n'apprécient pas le prix ou les conditions rattachés au financement par actions qui leur est offert, et M. Reynolds a parlé exactement de la même chose. Voulez-vous préciser ce que vous entendez par là?
M. Pakrul: J'ai bien cru que cela pourrait revenir me hanter. Je crois que chacun d'entre nous est d'accord avec cela, même s'il le dit de façon un peu différente. Il n'y a pas d'occasion d'affaires à laquelle nous avons été partie où la concurrence n'était pas très forte. Il y a non seulement les autres investisseurs en capital de risque, mais aussi les autres sources de financement, depuis les fonds subventionnés par le gouvernement jusqu'au PARI et ainsi de suite.
De façon bien légitime, l'entrepreneur recherchera les fonds les moins coûteux qu'il puisse trouver et voudra obtenir le maximum de subventions gouvernementales et de fonds bancaires avant de se tourner vers nous. À ce moment-là, cela sera un choc pour lui d'apprendre que nous voulons un taux de rendement semblable au sien, et il faut un certain temps pour qu'il comprenne qu'il veut un taux de rendement de 30 à 50 p. 100, sinon plus.
Une fois qu'il s'en remet, il «magasine» pour trouver la source de financement la moins coûteuse, ce qui est bien compréhensible. Parfois, il revient nous voir, puis nous nous installons à la table et nous négocions.
Un des autres problèmes concernant les fonds touche notre sortie. Selon les dispositions législatives actuellement en place, à titre de société de financement rattachée à une succursale bancaire particulière, nous devons nous retirer d'un investissement au bout de dix ans. Nous n'en avons pas le choix. À l'instar d'autres entrepreneurs, nous voulons trouver une façon de ravoir notre argent. Il y a donc habituellement une longue discussion qui porte sur les projets d'ici trois, quatre, cinq ans. Personne n'est pressé, mais nous voulons savoir ce qui se prépare. Y aura-t-il une vente à un partenaire stratégique ou encore l'émission initiale d'actions? Il y a des discussions sur tout cela. Encore une fois, il arrive que l'entrepreneur n'ait pas réfléchi à cela. Il tient simplement à avoir une bonne petite entreprise qu'il peut diriger, sans avoir vraiment le désir de la vendre. Souvent, vous pouvez structurer un rachat, pour permettre à l'entreprise de littéralement racheter votre participation, mais à ce moment-là, il faut négocier le prix et comment procéder pour déterminer cela?
Pour l'investisseur de l'extérieur, il y a beaucoup de négociations qui tiennent à sa capacité d'obtenir un rendement et de prévoir une sortie d'une manière qui le satisfait lui et tout en satisfaisant l'entrepreneur. Je me tournerai vers mes collègues, qui sont nettement plus expérimentés à ce chapitre.
Le président: Les difficultés signalées par M. Pakrul sont-elles plus ou moins les mêmes pour tout le monde?
M. Reynolds: Oui.
M. Sayegh: Oui. C'est très semblable. Permettez-moi de verser un peu dans l'ironie: très souvent, il y a des représentants d'entreprises très prometteuses qui viennent frapper à notre porte. Nous commençons alors à faire tout un travail avec force précautions et négociations. Puis, nous proposons une offre de financement, pour constater que nos collègues bancaires ont soudainement découvert cette grande occasion et ont assoupli les conditions de prêt. Bien sûr, l'entrepreneur est aux anges, car il n'a pas à céder des parts dans l'entreprise, il peut simplement obtenir un prêt de la banque. Parfois, nos concurrents sont non pas nos pairs, mais plutôt nos sociétés affiliées.
M. Reynolds: Je regardais tout juste un témoignage prononcé devant le comité, je crois que c'est celui du professeur Riding. Il s'attachait à la singularité du petit entrepreneur canadien. Cela touche ce que David disait à propos de la négociation avec les petits entrepreneurs et du fait qu'ils ne soient pas prêts à céder des parts ou qu'ils aient des attentes irréalistes quant à l'avenir de l'entreprise. Notre rôle, bien sûr, c'est d'être réaliste et de demander un rendement raisonnable qui se fonde sur des attentes réalistes. Or, il est souvent impossible de s'entendre là-dessus.
Le président: Ai-je raison, toutefois, de présumer que l'entrepreneur qui ne nourrit pas un optimisme excessif, une grande ardeur à propos de l'intelligence de sa propre idée ne serait pas le candidat en qui vous voudriez investir?
Il me semble simplement que si vous possédez l'énergie créative nécessaire pour mettre sur pied une entreprise, vous devez vraiment croire à votre idée. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il y a très peu de ces gens qui seraient conservateurs. Ils seraient plutôt très optimistes. Vous ne voulez pas investir dans un gars qui est vraiment prudent -- n'est-ce pas?
M. Reynolds: Non, non. Je suis d'accord pour dire que l'enthousiasme est très important. Toutefois, en dernière analyse, s'il sait que nous allons prendre ses prévisions, puis déduire 10 p. 100, il devrait être prêt à négocier une position acceptable pour l'investisseur en capital-risque.
M. Kidson: Je dirais simplement ceci: le fait que les entrepreneurs tendent à priser leurs entreprises plus que nous et qu'ils n'aiment pas renoncer à leurs actions n'est pas du tout un fait unique au Canada. Je n'ai pas encore rencontré un entrepreneur américain qui m'a remercié d'avoir fixé la valeur de son entreprise à plus qu'il l'envisageait lui-même.
Le président: Je suis heureux que vous ayez dit cela, car on nous a souvent fait croire que les Américains renoncent sans sourciller à leurs parts, tandis que les Canadiens ne le font pas.
Le sénateur Kelleher: Merci, monsieur le président. J'aimerais simplement revenir pour l'instant aux problèmes de sortie ou à la stratégie de sortie. Il me paraît tout à fait évident que les règles d'entiercement proposées, certainement dans le cas de l'Ontario, susciteront des difficultés à cet égard, tout comme l'absence de dispositions de roulement.
Y a-t-il d'autres domaines où on pourrait comparer le Canada et les États-Unis et où les Américains auraient de meilleures stratégies de sortie pour les investisseurs? Le cas échéant, qu'en est-il?
M. Sayegh: Selon notre expérience, l'accès aux marchés financiers aux États-Unis est nettement différent du modèle canadien. Nous avons très souvent vu des entreprises ayant moins de trois ans d'existence lancer une émission initiale d'actions. Qu'il s'agisse d'Internet ou de biotechnologie, ce sont souvent des idées autour desquelles très peu d'affaires se sont articulées pour l'instant.
Toutefois, je crois que l'élément clé est la qualité des promoteurs qui se trouvent autour de la table, soit la crédibilité des investisseurs ou de l'équipe de direction qui aurait déjà fait cela, et c'est la chose qui fait défaut au Canada. Je crois que c'est simplement le fait de répéter ce que l'on a déjà fait, l'expérience des investisseurs ou des entrepreneurs qui ont déjà fait cela et qui en sont à la deuxième ou la troisième fois.
Autre observation: les entrepreneurs canadiens hésitent à se défaire de leur entreprise. Il arrive souvent qu'ils y voient une façon de se réaliser, plutôt qu'un véhicule pour créer de la richesse, et cela me paraît être une distinction importante. Si vous voyez en l'entreprise un véhicule pour créer de la richesse, vous n'y êtes pas aussi attaché sur le plan émotif que vous l'êtes si vous êtes le président fondateur d'une entreprise familiale et, ainsi, hésitez à quitter l'entreprise à un stade approprié dans l'avenir.
Le sénateur Kelleher: Je me disais, par contre, qu'il s'agit ici de la mentalité que quelqu'un peut avoir. Je songe davantage aux règles et règlements gouvernementaux, par exemple pour l'entiercement, l'absence de roulement. Je sais que les Canadiens n'ont pas la même mentalité, mais je songeais davantage au domaine de la réglementation.
Est-ce qu'il y a des avantages, des stratégies de sortie aux États-Unis qui nous font concurrence et qui nous font obstacle? Notre rôle ici consiste en partie à formuler des recommandations à l'intention du gouvernement. Il arrive que celui-ci en tienne compte, comme il arrive qu'il n'en tienne pas compte. Nous voulons entendre vos réflexions et vos suggestions.
M. Sayegh: Je le réitère, je crois que la création d'une bourse nationale est un excellent pas fait dans la bonne direction, et je ne saurais trop insister sur le fait que les dispositions touchant l'entiercement sont d'importants obstacles à la création d'un contexte propice aux sorties.
Le sénateur Kelleher: Les positions semblent bien claires là-dessus.
Le président: Messieurs, merci beaucoup d'être venus témoigner. J'ose croire que vous êtes réjouis de constater qu'il est possible pour les banquiers de mener une discussion sensée sur des questions d'affaires avec des parlementaires d'Ottawa.
Honorables sénateurs, le dernier témoin que nous accueillons ce matin est M. Dave Smardon, le directeur général de Nibiru Investments. J'ai demandé à M. Smardon si «Nibiru» était un sigle, et il a dit que non. Pour commencer, pourriez-vous nous dire d'où vient ce nom?
M. Dave Smardon, directeur général, Nibiru Investments: Certainement. La société Nibiru a été créée en 1990 par trois personnes qui travaillaient auparavant chez Apple Computers. Nous dirigions la société d'investissement en capital de risque de Apple Computers ici au Canada. L'entreprise s'appelait Strategic Investments Group. Après avoir quitté Apple, nous avons utilisé un tableau blanc pour inscrire plusieurs possibilités de noms. Nous avons envoyé notre administratrice enregistrer un des quatre noms trouvés. Elle est revenue bredouille, disant que tous les noms avaient déjà été pris.
Je terme «Nibiru» provient d'un livre que l'un d'entre nous était en train de lire. C'est un terme sumérien, de Mésopotamie. Les Sumériens auraient été la première civilisation à suivre le mouvement des étoiles et des planètes, la première qui ait inventé la roue et la première qui ait inventé les canaux d'irrigation.
L'organisation sumérienne comportait un élément technologique, et «Nibiru» signifie «donneur de vie» en sumérien. Depuis que nous avons quitté Apple, ce que nous avons fait, à certains égards, c'est d'insuffler la vie à des entreprises technologiques en y injectant des capitaux et en y plaçant des gens compétents. C'est de là que provient le nom.
Le président: J'imagine que vous n'avez eu aucune difficulté avec ce nom au moment de parcourir le registre, car il n'y avait rien de proche. N'est-ce pas?
Le sénateur Kenny: Les Sumériens ont aussi inventé l'impôt sur les gains en capital.
Le président: Merci beaucoup d'être venu. Ce nom m'intéressait vraiment. Je vous prie de commencer.
M. Smardon: Merci, monsieur le président, messieurs les membres du comité. C'est avec plaisir que je me trouve ici.
J'ai rédigé un mémoire, mais plutôt que d'en faire la lecture, je vais simplement passer en revue certains des faits saillants, et je vous laisserai le soin d'examiner le document vous-même.
J'ai déjà parlé un peu de l'expérience d'Apple, mais nous nous attachons particulièrement aux entreprises technologiques nouvelles. Je voulais vous dire d'abord comment nous définissons ici le terme «nouvelles». Du point de vue des revenus, nous recherchons l'entreprise dont les revenus s'élèvent à 1 million de dollars ou plus. Quelques rares fois, nous travaillerons avec une entreprise dont les revenus sont moindres.
Si un million de dollars représente un seuil important pour nous, c'est que le produit ou le service qui se trouve sur le marché doit avoir faire ses preuves. Il doit y avoir une clientèle qui dit qu'elle a besoin du produit, qu'elle veut se le procurer. Ainsi pouvons-nous agir avec toute la diligence voulue.
Pour qui investit dans les entreprises naissantes, il ne saurait y avoir de bilan des revenus cumulés par le passé; par conséquent, il faut se servir de son jugement pour déterminer que le produit ou le service est viable, ou non. Ainsi, l'entreprise nouvelle, pour nous, c'est celle dont les revenus se chiffrent à un million de dollars.
Nous avons aussi un modèle d'intervention directe, dont j'expliquerai un peu plus le fonctionnement. Le modèle d'intervention directe met des capitaux et des compétences à la disposition des PME. L'intervention directe, pour nous, ne se résume pas au fait de prendre place au conseil d'administration de temps à autre, pour étudier les activités et parler au président, pour lui venir en aide comme l'administrateur peut juger bon de le faire. L'intervention directe signifie une présence au sein de l'entreprise tous les jours ou presque. C'est assumer la responsabilité de certaines tâches qui doivent être accomplies au sein d'une entreprise, puis adopter une approche qui nous permet de cesser d'exercer les fonctions de gestion au bout de six ou douze mois.
Je crois que vous avez pu apprendre, d'après les exposés déjà présentés, que l'entreprise naissante ou qui est sur le point de s'épanouir au Canada compte moins de 10 employés. Il s'y trouvera un type qui est le visionnaire, une espèce d'homme à tout faire. L'entreprise comptera aussi une personne qui possède probablement une très bonne connaissance technique des choses, mais l'équipe de direction manque cruellement d'expérience. Pour cette raison, elle essuiera un refus de la part des sociétés d'investissement en capital de risque et des organisations d'investissement classiques. Elle ne pourra être en mesure de réunir les capitaux nécessaires à son projet.
Nous arrivons là et constatons qu'il y a la possibilité d'injecter des fonds dans l'entreprise et d'y ajouter de la valeur en y déléguant des gens là où l'équipe de direction a besoin de renforts.
Par exemple, si, à un stade particulier, l'entreprise a besoin de faire préparer des conventions internationales de ventes et de marketing, nous pouvons faire cela pour elle. Si elle s'apprête à faire appel public à l'épargne et qu'elle a besoin d'un directeur des finances, nous pouvons en fournir un. Autrement dit, nous pouvons déléguer à ces entreprises, pour les renforcer, des gens qui oeuvrent dans divers domaines.
Permettez-moi de prendre un peu de recul. Ce modèle -- qui consiste à injecter des capitaux dans l'entreprise et à en étudier la structure, pour dire: «Je connais quelqu'un qui connaît bien la distribution. Je connais quelqu'un qui connaît bien la commercialisation des produits. Je vous les prête pour les quatre prochains mois.» -- n'a rien de neuf. La société Newbridge, à Ottawa, applique une variante de cette formule. Apple a essayé cela durant les années 80, et avec succès. Nous avons investi dans quelque 35 entreprises au Canada et probablement 400 ou 500 entreprises aux États-Unis, là où il n'était question que de très faibles sommes, de 100 000 $ environ jusqu'à plusieurs millions de dollars.
À mesure qu'ils ont quitté Apple, les gens ont mis leur expérience à profit dans d'autres sociétés d'investissement en capital de risque. Aujourd'hui, ils sont dispersés parmi les sociétés du genre dans la Silicon Valley. Nous constatons que le modèle d'intervention directe est maintenant utilisé à profusion à San José, à Seattle, où il existe un nouveau régime de sociétés d'investissement en capital de risque, et, dans une moindre mesure, dans la région de Boston. À Boston, on n'a pas insisté autant sur la participation quotidienne à la gestion des affaires de l'entreprise.
Voici des exemples d'entreprises en Californie: Sequoia Capital, Benchmark Capital, Accel Partners, Draper Fisher Juvetson et Advanced Technology Ventures, ou ATV. Il y en a bien d'autres encore. Ces organisations financent peut-être aussi des entreprises à des stades plus avancés dans certains cas, mais pour ce qui est de celles qui en sont aux premiers stades, elles s'organisent pour déléguer des gens sur place.
Leiner Perkins Caufield and Byers, une des sociétés d'investissement en capital de risque les mieux respectées et les plus connues aux États-Unis, vient de conclure une entente avec l'université Stanford. Pour obtenir de sa part un financement aux premiers stades, il faut assister à une série de cours en entrepreneuriat à l'université Stanford. C'est une façon différente d'aborder le même problème.
Dans le contexte des études que nous avons effectuées -- et nous avons vraiment approfondi la question --, nous avons étudié les sociétés d'investissement en capital de risque, particulièrement à Seattle et dans la Silicon Valley. Nous avons constaté que la direction des entreprises nouvelles n'est pas constituée uniquement de spécialistes des services bancaires d'investissement. Plutôt, il y a parmi les équipes de direction une expertise considérable de l'industrie où évolue l'entreprise. Assez souvent, la fondation et la direction de l'entreprise est le fait d'entrepreneurs qui ont déjà, par le passé, mis sur pied avec un grand succès des entreprises de technologie de pointe.
De ce fait, l'esprit d'entreprise est mieux compris chez elles. Leurs études préalables se révèlent beaucoup plus importantes, car il s'agit de gens qui comprennent mieux les marchés où ils investissent. Ils concentrent leur attention sur des industries particulières. Ils ne généralisent pas leur activité. Ils reconnaissent les risques plus élevés que suppose le domaine où ils évoluent, mais aussi le rendement éventuellement plus grand que peut procurer l'investissement, dans ces secteurs, dans une entreprise qui en est aux stades dont nous avons parlé. Le fait le plus important, c'est probablement que ces sociétés d'investissement en capital de risque ajoutent de la valeur au-delà du capital qu'elles injectent.
Au risque d'attirer les critiques de mes compères de l'industrie canadienne du capital de risque, je dirais que vous auriez beaucoup de difficulté, selon moi, à mettre le doigt sur une entreprise canadienne qui offre une expertise en valeur ajoutée de ce calibre.
Pourquoi ce modèle particulier a-t-il tant d'importance? Eh bien, d'abord, il remporte un franc succès. Encore une fois, les études que nous avons réalisées montrent que ces entreprises obtiennent un rendement très important. Ensuite, cela donne un contexte qui permet aux sociétés d'investissement de rejoindre les entreprises qui, autrement, essuieraient un refus de la part des investisseurs traditionnels, pour cause de manque d'expérience ou parce que l'entreprise est encore trop jeune, ou encore parce que la société d'investissement en capital de risque ou le banquier spécialisé en investissement ne possède tout simplement pas l'expertise nécessaire pour jauger et évaluer les risques et les possibilités de l'entreprise.
Le modèle reconnaît l'importance de l'expérience pertinente dans le domaine visé, particulièrement aux stades critiques de la croissance de l'entreprise. La formation de Nibiru est due en partie au fait que le modèle n'existe pas vraiment au Canada, et c'est pourquoi nous sommes là sur le marché, en ce moment, à essayer d'amasser 80 millions de dollars.
On exerce une plus grande emprise sur ces entreprises dès le départ. Très souvent, au Canada et dans de nombreuses entreprises aux États-Unis, on parachute quelqu'un au beau milieu des choses lorsque l'entreprise est dans le pétrin. Rendu là, il y a déjà des problèmes, et quelqu'un doit sauver l'entreprise et la remettre sur la bonne voie.
Plutôt que cela, il importe d'intervenir dans les activités de ces entreprises durant les premiers stades, pour empêcher que les problèmes ne se présentent, pour contrôler l'orientation de l'entreprise, pour contrôler les dépenses de l'entreprise, pour garder l'entreprise sur la bonne voie et pour être là lorsque les deuxième et troisième volets du financement sont nécessaires.
Il a été question hier de l'exemple que nous donnent encore et toujours les journaux; une société canadienne d'investissement en capital de risque investit dans dix entreprises. Deux d'entre elles font d'excellentes affaires, six d'entre elles maintiennent leur niveau de rendement, et les autres font faillite. Voilà qui est tout à fait inacceptable selon ces nouveaux modèles.
Si vous avez placé des gens au sein de ces entreprises et que vous êtes là pour voir ce qui s'amène, alors vous êtes là aussi pour montrer comment il faut contourner les obstacles qui seront bientôt là, et vous pouvez faire prendre le bon chemin à l'entreprise. Vous pouvez modifier ses activités. Vous pouvez faire en sorte qu'elle soit acquise. Vous pouvez acquérir une autre entreprise vous-même. L'expérience de ces sociétés d'investissement en capital de risque nouveau genre, c'est qu'une entreprise sur 25 connaît des difficultés.
J'aimerais toucher un mot de ce que nous appelons le cycle de vie de l'entreprise, et j'ai fait un graphique là-dessus. Essentiellement, l'évolution de toute entreprise comporte cinq stades, et cela ne s'applique pas seulement aux entreprises technologiques. Le premier stade est celui de la R-D, qui repose sur l'injection d'un capital de départ, pour l'essentiel, au Canada. La question doit être soulevée: d'où provient ce capital de départ? Il y a quelques fonds pour cela sur le marché, mais il n'y a pas de masse critique de capital de départ à la disposition des entreprises.
Je crois avoir entendu dire, durant les discussions qui ont eu lieu hier, que les investisseurs informels, les anges, jouent un grand rôle lorsqu'il est question de capital de départ. Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation. Je dirais que seuls les anges les plus «progressistes» sont là au moment où il faut investir du capital de départ. Le risque inhérent au projet d'entreprise est si élevé que la plupart des anges futés que je connais ne toucheraient pas à cela. Ils étudient les mêmes projets d'entreprise que les investisseurs en capital de risque.
Une fois terminée la R-D concernant le produit ou le service que vous voulez fournir, le stade suivant est pour ainsi dire celui de l'émergence. Vous voilà sur le marché, à essayer de vendre le produit ou le service. Il y a là des entreprises dont les revenus peuvent aller de 250 000 $ à 2 ou 3 millions de dollars, mais elles n'en sont certainement pas à l'émission initiale d'actions.
Bon, on ne se tromperait pas en affirmant que plusieurs sociétés d'investissement en capital de risque investissent là-dedans, mais si vous faites un retour sur les choses, comme nous l'avons fait durant nos recherches, et que vous regardez leur portefeuille de placements, vous constatez que ce n'est pas là leur activité centrale. C'est l'exception plutôt que la règle. La plupart des organisations préfèrent investir à un stade ultérieur, comme celui de l'accélération, ce qui revient à dire que ce sont les occasions tout juste préalables à l'émission initiale d'actions ou tout juste postérieures à l'entrée en bourse. J'expose cela à très grands traits, et il existe, bien sûr, des exceptions. Le plus souvent, les investisseurs en capital-risque préfèrent intervenir avant l'entrée en bourse, alors que les institutions aiment mieux entrer en jeu par la suite.
Il y a un vide à combler sur le marché, le marché très négligé des entreprises ayant besoin d'un capital de départ et des entreprises qui arrivent sur le marché, ici, au Canada. Le même vide n'existe pas vraiment, du moins dans la même mesure, aux États-Unis.
Permettez-moi de faire quelques observations, puis je répondrai à vos questions. Les statistiques peuvent vraiment induire les gens en erreur. Je crois qu'autour de 46 ou 50 p. 100 du capital de risque au Canada provient du Québec. Il importe de savoir que la plupart de ces dollars sont réinvestis dans des entreprises québécoises. Il y a très peu du capital de risque du Québec qui sorte de la province. Il importe donc de noter que, même si l'industrie québécoise du capital est en santé, il ne faut pas en conclure pour autant que l'industrie canadienne du capital de risque l'est elle aussi.
Les fonds de capital de risque de travailleurs représentent l'essentiel de ce qui reste en capital de risque au Canada. Hors du Québec, la plus grande organisation à cet égard est le Fonds de relance économique.
La plupart des fonds de capital de risque de travailleurs sont ontariens. Voilà un problème pour qui est à la tête d'une PME à Prince Albert, en Saskatchewan, ou à Halifax. Comment faire alors pour avoir accès à l'argent?
On m'a dit aussi récemment que les fonds de capital de risque de travailleurs au Québec ont le droit d'investir dans d'autres fonds, et c'est ce qu'ils ont d'ailleurs fait. J'inviterais le comité sénatorial à envisager cette possibilité sur le plan juridique.
Ron Begg et Jim Hall, du Fonds de relance économique, et d'autres de l'industrie m'ont mentionné que leur structure organisationnelle, que leurs règles organisationnelles les empêchaient de faire cela. Ils n'ont pas le droit d'investir dans des fonds. Ils ont seulement le droit de faire des investissements directs. Voilà une source naturelle de capitaux pour les investisseurs en capital de risque, comme moi-même et d'autres personnes qui se trouvent ici aujourd'hui, lorsqu'il s'agit de créer des fonds sur le marché des entreprises nouvelles. C'est donc une question d'interdiction.
Pour une grande part, les gens du milieu du capital de risque au Canada ne sont pas très spécialisés. Il s'agit essentiellement de «généralistes» du domaine des services bancaires d'investissement. Je dirais qu'il y a une trop grande concentration du capital d'investissement et une insuffisance des sources d'investissement, ce qui n'est pas pour aider les PME. Je ne propose pas que les fonds soient retirés de ces sources. Il faudrait plutôt créer d'autres sources.
Je crois que quelques personnes ont parlé hier du fait que les fonds de capital de risque de travailleurs auraient expulsé les autres fonds du marché. L'affirmation me paraît juste, mais c'est une chose qui est difficile à prouver. Nous avons entendu les organisations américaines se plaindre avec véhémence des fonds de capital de risque de travailleurs au Canada et des égards fiscaux auxquels ils ont droit.
Permettez-moi d'entrer dans le vif du sujet: j'inviterais le comité à envisager une façon d'inciter les fonds de capital de risque de travailleurs à investir davantage hors de leur province et à investir dans des fonds, et il n'importe pas vraiment de savoir s'il s'agit de fonds mezzanine ou de fonds de démarrage ou d'une diversité d'industries. Je crois que c'est là un morceau important du puzzle.
Voici le deuxième morceau: le monde du capital de risque au Canada doit pouvoir compter sur le soutien d'investisseurs institutionnels, particulièrement du côté des sociétés par actions privées. À l'heure actuelle, les compagnies d'assurance et les caisses de retraite, à quelques très rares exceptions près, n'investissent pas dans les projets privés de financement par actions. Leurs interventions portent presque toujours sur les projets de financement par emprunt.
Par conséquent, si nous envisageons d'offrir les encouragements fiscaux aux anges, il serait impardonnable de notre part de ne pas regarder aussi du côté des investisseurs institutionnels.
Si vous aviez demandé hier aux gens qui étaient ici comment ils ont obtenu leur argent, combien ils ont amassé et combien de temps cela a pris, vous auriez constaté que c'est quelques personnes bien nanties qui ont fourni le capital de départ et que c'est leur apport qui a permis de faire entrer en jeu d'autres institutions. Autrement dit, si vous amassez 30 millions de dollars, il y a peut-être des particuliers qui vont vous donner 5 millions de dollars. La participation des institutions revêt une importance critique.
À mon avis, il y a certaines choses qui peuvent être faites pour que s'intensifie la création des fonds. Encore une fois, il faut beaucoup de temps pour créer un fonds. Il faut beaucoup de capital pour créer un fonds, quelque chose qui varie entre 250 000 $ et 500 000 $ de fonds privés, pour la seule tâche qui consiste à mettre le fonds sur pied. De ce fait, l'activité échappe à un très grand nombre de gens tout à fait chevronnés qui proviennent du marché du capital de risque ou du marché des services bancaires d'investissement. Je crois qu'il y a des choses que le gouvernement peut faire en rapport avec ce fonds.
Le sénateur Angus: Vous êtes parvenu à situer les questions à l'étude dans une tout autre perspective. Je vous ai vu assis ici hier; vous suivez visiblement nos délibérations avec intérêt.
J'ai été frappé par l'observation que vous avez faite à propos des anges qui ne fournissent pas de capital de départ. Notre immersion dans ce sujet a vraiment été totale, et nous faisons peut-être l'erreur de confondre les «investissements informels» fournis par les «anges» et l'«argent de l'affection». C'est peut-être pour cela que vous avez eu cette impression.
Concentrons-nous sur la question de l'argent de l'affection qui, j'imagine, est là comme capital de départ. C'est le genre de fonds auquel les entrepreneurs que nous avons reçus hier auraient recours pour lancer leurs projets. Pouvez-vous nous parler un peu de l'argent de l'affection, pour éclairer nos lanternes? Je crois que c'est M. Begg, le premier jour, qui a dit que l'argent de l'affection se trouve au premier niveau.
M. Smardon: L'argent de l'affection provient d'amis, d'oncles, de parents et de professionnels que l'on connaît. Si vous parvenez à obtenir ce capital, c'est parce que vous connaissez des gens. Si les gens aiment bien Dave Smardon, ils mettront chacun 25 000 $ sur la table, de sorte que je me retrouve avec mes premiers 250 000 $.
Le sénateur Angus: Est-ce que cela comprendra votre argent à vous, vos propres économies? Au dîner, nous avons justement demandé à l'un des types cette question que vous venez d'évoquer -- d'où provient son argent? Il a dit qu'ayant besoin de 2,5 millions de dollars, il a investi lui-même 1 million, et son oncle a fait de même.
M. Smardon: Je crois que vous allez constater que, en règle générale, les entrepreneurs investiront de leur propre argent, mais la raison pour laquelle ils s'adressent aux amis, parents et connaissances, c'est justement qu'ils ont un accès limité au capital.
Nous disons aux gens: «Ne risquez jamais votre maison dans l'affaire.» Selon le modèle pur et dur de l'investissement en capital de risque, il y a cette tendance à dire: «Eh bien, qu'avez-vous mis vous-même dans cette entreprise? Votre propre maison est-elle en jeu?» Je n'irais jamais proposer à quelqu'un qu'il fasse cela. Cela m'apparaît naïf et peu avisé. Toutefois, les gens mettront en jeu leur marge de crédit. Ils y mettront leurs économies et essaieront de trouver par ailleurs de l'argent de l'affection.
Nous voyons tout de même souvent des gens qui arrivent à la table les poches vides, mais en ayant une excellente idée. Ils sont vraiment défavorisés, car leurs amis leur diront: «Et qu'est-ce que tu mets là-dedans, toi?»
Le sénateur Angus: Vous avez parlé du vide à combler en ce qui concerne le capital de départ et vous avez parlé des premiers stades d'accélération ou encore des nouveaux marchés. Pouvez-vous définir ces stades encore une fois?
M. Smardon: Nous étudions beaucoup de plans d'affaires qui proviennent d'organisations dont les revenus sont inférieurs à 250 000 $. C'est là un très bon point de départ, mais il demeure que l'argent provient peut-être d'un seul client et que ce client est peut-être le seul à vouloir le produit en question, et que l'entrepreneur n'en vendra peut-être plus jamais un autre durant sa vie. Pour cette raison, il nous faut une preuve, sur le marché, qu'il y a plusieurs clients et que les revenus justifient l'étude du projet en vue d'un investissement.
Le sénateur Angus: Est-ce qu'il doit s'agir de revenus déjà établis?
M. Smardon: Oui. Il faut que ce soit des revenus établis.
Le sénateur Angus: Il y a déjà une source de revenus en place.
M. Smardon: Tout à fait. Une des grandes qualités de l'entrepreneur, c'est l'art d'embellir. Nous parlons à Microsoft. Nous parlons à IBM.
Le président: Notre profession a un défaut semblable.
M. Smardon: Il faut aller au-delà de l'embellissement et demander à l'entrepreneur: «Montrez-nous les contrats.»
Nous avons vu des situations où l'entreprise n'a pas de revenu, mais elle a un contrat avec une grande société qui promet de verser un million de dollars sur une certaine période. Le projet de cette entreprise pourrait être retenu, si d'autres critères sont en place.
Quant on parle du million de dollars, c'est plus ou moins 50 000 $ ou 75 000 $ ou 100 000 $, mais en dernière analyse, la vente du produit de l'entreprise doit avoir été éprouvée.
Le sénateur Angus: Vous avez dit que le vide à combler dont vous avez fait la description n'existe pas aux États-Unis. Qui comble le vide aux États-Unis? C'est une question importante pour nous. Le résultat de nos délibérations permettra, il est à espérer, de combler ce vide.
M. Smardon: Il n'existe pas dans la même mesure en raison de la prolifération des sommes d'argent disponibles, et n'oubliez pas que je parle surtout de technologie de pointe. C'est là que se situe notre expérience. Il y a une prolifération des formes de financement provenant de personnes très bien nanties. Il y en a tellement, là-bas, qui ont fait un appel public à l'épargne et qui s'essaient maintenant sur le marché. Vous êtes peut-être au courant du fait qu'il y a en Californie une organisation qui s'appelle Band of Angels -- la bande d'anges.
Le sénateur Angus: On les trouve sur Internet.
M. Smardon: Tout à fait. Il s'agit du président de Sun Microsystems, du président d'Apple, du président de Yahoo -- c'est véritablement le gratin de l'industrie de la technologie de pointe. Lorsque ces gens étudient un projet d'entreprise, ils veulent voir des revenus potentiels de 35 à 50 millions de dollars, et il s'agit, le plus souvent, d'entreprises qui n'ont pas de revenu.
Le sénateur Angus: Est-ce que ce sont des anges affectueux, des anges qui offrent l'argent de l'affection?
M. Smardon: Je crois que le terme «ange» induit les gens en erreur, car ces gens ne font pas plus de sentiment que d'autres. Par contre, ils ont de l'argent à investir. Ils ont de l'expérience dans l'industrie, de sorte qu'ils peuvent étudier les projets d'entreprise et qu'ils ont accès aux personnes qui, sur le marché, travaillent déjà ce filon. Si personne ne le fait, ils sont au courant. Si personne ne le fait et que c'est une excellente occasion, ils disent «laissez-nous investir là-dedans».
Le sénateur Angus: Vous parlez du capital de départ, de l'arrivée sur le marché?
M. Smardon: Oui, dès l'étape où le capital de départ est investi. Je devrais souligner que le monde de la technologie de pointe au Canada n'est pas un monde très ancien. Il n'y a pas ici beaucoup d'entrepreneurs qui ont déjà fait le tour de tout cela et dirigé des entreprises ayant un grand succès. Les Dennis Bennie de ce monde qui ont fait cela et qui ont mis sur pied une société d'investissement en capital-risque sont tout à fait uniques en leur genre. Il y a bien des gens qui, ayant réussi dans ce domaine, disparaissent pour un certain en disant: «J'ai travaillé 18 heures par jour pour mettre cette entreprise sur pied. Je l'ai fait pendant cinq ans. Maintenant, je veux me reposer.»
J'ai moi-même des amis dont l'entreprise a si bien réussi qu'ils valent maintenant quelque 22 millions de dollars, et ils ont moins de 30 ans. Ils n'ont pas l'intention d'investir dans d'autres entreprises de technologie de pointe durant les cinq années à venir. Il y en a un qui retourne sur les bancs de l'université. Il y en a un autre qui suit un cours de pilotage. Il y en a un qui veut aller vivre dans les Antilles pendant quelques années. C'est le genre de chose auquel il faut s'attendre de la part des anges.
Il importe aussi de comprendre que les anges, suivant le groupe d'âge où ils se trouvent, n'ont pas tous le même objectif. Mon père, qui a très bien fait en travaillant pour Proctor and Gamble pendant 38 ans et qui s'est fait un petit coussin comme on dit, ne mettra jamais les sommes qu'il a ainsi économisées dans des actions d'Internet. Il faut savoir d'où proviennent les anges, ce qui les intéresse et quels sont leurs objectifs.
Le sénateur Angus: La bande d'anges et tous ces gens comblent-ils le vide aux États-Unis?
M. Smardon: Oui.
Le sénateur Angus: Le modèle que vous avez décrit porterait sur la technologie de pointe et non pas la biotechnologie, par exemple.
M. Smardon: Non, pas la biotechnologie. Cela pourrait se faire dans le domaine de la biotechnologie, mais nous n'avons pas nous-mêmes l'expérience voulue.
Le sénateur Angus: Dans le modèle que vous avez si bien décrit, vous dites que la valeur ajoutée dépasse la somme investie. Pouvez-vous «ventiler» cette valeur ajoutée pour que nous puissions en avoir une idée assez claire?
M. Smardon: Je vais vous donner un exemple plus proche de nous. Il y avait ici, au Canada, une entreprise de conception de logiciels qui générait des revenus d'environ 50 000 $ par mois sur Internet. Les gens de cette entreprise essayaient désespérément d'obtenir l'attention des présidents d'Apple, d'Adobe, de Macromedia, de Sun Microsystems et de diverses autres sociétés, car ils croyaient que leur produit pouvait être groupé avec les produits de ces fournisseurs.
Le sénateur Angus: C'est vraiment du commerce électronique dont on parle ici.
M. Smardon: Oui, tout à fait. Nous sommes intervenus; nous connaissons des gens dans les hautes sphères de chacune de ces entreprises, tout comme les investisseurs en capital de risque aux États-Unis. Il a suffit de quatre ou cinq appels téléphoniques étalés sur quelques semaines: nous nous sommes réunis un jour devant tout ce beau monde. Nous avons réussi à obtenir deux ententes de groupement qui ont fait passer les revenus de l'entreprise de 750 000 $ à quelque 4,5 millions de dollars par année.
Voilà de la valeur ajoutée. C'est ce que les entrepreneurs recherchent de nos jours. Je parle des entrepreneurs les plus futés. Si vous arrivez à la table en disant: «Je veux 30 p. 100 des parts de l'entreprise», vous feriez bien d'avoir plus que des simples capitaux à injecter. Et, comme je l'ai dit auparavant, le seul fait de siéger au conseil d'administration a de la valeur, mais ce n'est pas suffisant.
Le sénateur Angus: Le fait de fréquenter Stanford fait-il partie de cette valeur ajoutée?
M. Smardon: Je n'ai pas d'expérience directe du modèle dont vous parlez, mais je présume qu'il doit y avoir là d'excellents programmes, bien que je n'aie pas regardé pour voir exactement ce que l'on y enseigne.
Le sénateur Angus: Je conclus que l'expression «intervention directe» dont vous vous êtes servi pour qualifier le modèle se rapporte, comme vous le dites, à des choses comme les contacts qui ont conduit à l'entente de groupement ou encore le fait de leur expliquer ce qui est offert sous forme de régime fiscal ou de subvention gouvernementale ou encore autre chose.
M. Smardon: Oui, des subventions gouvernementales. Il y a toute une éducation à faire auprès des dirigeants des PME. Dans l'exemple que j'ai donné, les ententes ont pu être négociées parce que nous avons délégué deux personnes à cette entreprise pour une période d'environ trois mois, du début à la fin. Bon, il n'a pas fallu trois mois pour préparer ces ententes. Mais pour que nous puissions apprécier l'ensemble des compétences de l'équipe de direction, c'est-à-dire là où l'attention doit être portée, et aussi pour déterminer les facteurs critiques du succès de l'entreprise en question, nous devons être là sur place.
Permettez-moi de prendre un peu de recul et de parler brièvement de cette vigilance élémentaire dont il faut faire preuve. Notre façon de procéder à cet égard consiste à placer une personne sur les lieux de l'entreprise pendant deux semaines, au minimum, ou quatre semaines, au maximum. Cette personne côtoie sans cesse les dirigeants de l'entreprise. Quant elle revient, elle sait ce qui a été embelli et ce qui ne l'a pas été. Elle a vu les squelettes dans le placard.
Le sénateur Angus: Elle a vu les contrats.
M. Smardon: Tout à fait. Elle sait aussi dans quelle mesure l'équipe de direction est capable de faire ce qu'elle dit. Si elle dit qu'elle peut générer des revenus de 25 millions de dollars en trois ans, nous sommes nettement mieux placés pour évaluer ses compétences, et nous connaissons les points forts et les points faibles de cette entreprise. Voilà un facteur critique lorsque vient le temps de décider s'il convient d'investir dans une entreprise qui en est à ses premières armes.
Le sénateur Oliver: Quel est le profil des gens qui font cela? Est-ce qu'ils ont un MBA ou quoi encore?
M. Smardon: Non. De fait, il n'y a qu'un titulaire de MBA dans notre groupe. Tout le monde a une vingtaine d'années d'expérience ou plus dans l'industrie de la technologie de pointe. Il y a trois d'entre nous qui ont de l'expérience dans l'industrie de la technologie de pointe et qui ont de l'expérience dans l'industrie du capital de risque, mais les autres ont travaillé directement à l'activité dont il est question. Ils ont travaillé pour IBM et Unisys. Ils ont mis sur pied des entreprises. Ils ont vu les signes. Lorsque quelque chose à l'horizon donne à penser que tout n'est pas rose, ils le voient très rapidement, et ils se mettent alors en «mode de réparation», pour ainsi dire.
Le modèle est donc nettement différent, et le genre de personne qui est envoyée sur place est un peu différent.
Le sénateur Angus: Vous avez parlé de la situation du Québec. Le sénateur Hervieux-Payette et moi-même sommes originaires du Québec; nous trouvons donc cela intéressant de vous entendre dire que 60 p. 100 des fonds de capital de risque de la nature de ceux que vous avez décrits proviennent du Québec.
M. Smardon: Ai-je dit 60 p. 100? C'est 46 p. 100.
Le sénateur Angus: J'ai dû mal comprendre, mais cela demeure un chiffre élevé. Vous avez parlé aussi du Fonds de solidarité, le fonds de capital de risque de travailleurs qui n'est pas assujetti aux mêmes restrictions que le Fonds de relance économique, par exemple, qui est le plus gros, je crois, hors du Québec. Vous avez traité de certains de ces fonds, en parlant de leur capacité d'investir dans des fonds à l'extérieur de la province. Est-ce que ce sont là les deux différences les plus importantes?
M. Smardon: Oui. La capacité d'investir à l'extérieur de la province ne tient pas à une restriction juridique.
Le sénateur Angus: Mais cela tient à la politique d'investissement.
M. Smardon: Oui, cela tient à la politique d'investissement. L'investissement dans d'autres fonds est interdit, je crois, par la loi. Je crois que les gens n'ont pas le droit de le faire.
Le sénateur Angus: Les gens du Fonds de relance économique?
M. Smardon: Oui.
Le sénateur Kroft: J'ose dire que la discussion devient plus intéressante avec chaque témoin que nous accueillons.
Vous avez dit que, le plus souvent, les dix entreprises dans lesquelles ont investi des sociétés d'investissement en capital de risque se répartiraient comme suit: deux entreprises auraient du succès, six demeureraient stables, et deux feraient faillite. Puis, vous avez dit que, selon l'expérience de ces nouvelles sociétés d'investissement en capital de risque, il y a une entreprise sur 25 qui connaît des difficultés.
Je sais bien que le fait de limiter les investissements non productifs à quelque chose de l'ordre d'une entreprise sur 25 peut s'expliquer pour une bonne part par une aide efficace et par ce que l'on apporte à l'entreprise, mais est-ce que cela suppose autre chose? Je me demande quelles conséquences cela a pour les chiffres des entreprises, étant donné le caractère rigide des critères appliqués, ce qui est parfaitement légitime du point de vue des investisseurs? Quelles sont les conséquences pour les entreprises qui ne sont pas financées? Après tout, plus le profil est exigeant, plus les critères sont rigoureux, moins les élus sont nombreux. Cela coule de source.
Je me demandais simplement si vous aviez quelque chose à dire là-dessus, puisque c'est là, d'une certaine façon, le revers de la médaille.
M. Smardon: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question.
Le sénateur Kroft: Eh bien, ce n'est peut-être pas une difficulté pour vous, mais c'en est une du point de vue macroéconomique. Si le critère de financement appliqué à un investissement est à ce point rigoureux que seule une poignée d'entreprises sont financées, de sorte qu'une sur 25 a des difficultés, est-ce dire que les risques courus ont été réduits sensiblement? Y a-t-il d'autres entreprises qui sont laissées pour compte, qui, dans un contexte où les gens seraient davantage prêts à courir des risques, seraient admissibles à un investissement?
Si vous faites en sorte que le critère est trop strict, personne n'aura d'argent. Si vous souhaitez vous organiser pour qu'il n'y en ait qu'une sur 1 000 qui connaisse des problèmes, alors il n'y en aura pas une qui bénéficiera de fonds.
M. Smardon: Je dirai que c'est tout à fait l'inverse qui est vrai, dans la mesure où il y a ce modèle en place, particulièrement au Canada. Pour les besoins de la cause, disons qu'une entreprise a besoin de 3 millions de dollars et que l'équipe de direction est douteuse, au sens où elle ne possède pas l'expérience qu'il faudrait peut-être posséder. À ce moment-là, dans les milieux traditionnels de l'investissement en capital de risque, on dira: «Vous devez régler ces problèmes particuliers avant de venir nous voir; sinon, nous n'allons probablement jamais investir dans votre entreprise.»
Les dirigeants d'entreprise s'adressent alors à une organisation comme la nôtre ou comme un des groupes dont on a parlé aux États-Unis, et la question de la direction n'est pas importante, car nous allons corriger cela au fil d'une certaine période. À ce moment-là, il s'agit donc de savoir si le produit lui-même est viable. Est-ce qu'il y a un marché mondial pour cela et est-ce qu'il y a une croissance viable?
Si la réponse à ces trois questions est affirmative, le capital de risque peut être investi. Le nombre d'entreprises qui obtiendront le capital est donc plus nombreux que le nombre de celles qui ne l'obtiendront pas. Les critères appliqués sont très différents de ceux qu'appliquent les investisseurs traditionnels en capital de risque, qui sont plus passifs.
Le sénateur Kroft: À partir de là -- et j'ai peut-être raté cela au moment où vous avez passé en revue votre exposé ou durant ma lecture --, comment abordez-vous la sortie? Quelle est votre stratégie de sortie?
M. Smardon: Permettez-moi de vous donner quelques statistiques approximatives: il y a probablement de 55 à 60 p. 100 des entreprises qui sont acquises ou qui acquièrent d'autres entreprises.
Le sénateur Kroft: Sans émission initiale d'actions?
M. Smardon: Oui, sans émission initiale d'actions. Il y a probablement 25 à 30 p. 100 d'entre elles qui passeront par l'émission initiale d'actions, et le reste sera refinancé d'une façon ou d'une autre.
Le sénateur Kroft: Fixez-vous un délai à votre départ?
M. Smardon: Oui. Les modalités sont un peu plus exigeantes, mais c'est parce que nous contrôlons une bonne part de l'activité de l'entreprise. Le plus souvent, nous prévoyons notre sortie entre le 36e et le 48e mois.
Le sénateur Oliver: C'est un court laps de temps.
M. Smardon: Oui.
Le sénateur Kroft: C'est très rapide, par comparaison à votre marché.
M. Smardon: Oui. C'est en fait un des principaux arguments utilisés pour convaincre les institutions que nous abordons, car elles sont habituées à une période allant de sept à dix ans, et dans notre cas elles peuvent s'attendre à ce que l'investissement puisse être liquide au bout de 48 mois.
Le sénateur Kroft: Permettez-moi de vous poser une question plus générale. Étant donné la connaissance que vous avez du marché et après avoir écouté toutes les discussions, que nous avons trouvé intéressantes, mais qui n'ont probablement pas ajouté à votre somme de connaissances, dans quelle mesure croyez-vous que le financement des PME par capital de risque est adéquat sur le marché canadien? Ensuite, il y a la question, plus vaste, de savoir s'il y a un équilibre entre l'offre et la demande, ou s'il y a un grand déséquilibre, d'une façon ou d'une autre?
M. Smardon: Premièrement, il y a beaucoup de capital disponible sur le marché. La difficulté, à mon avis, c'est l'emplacement du capital. Nous nous améliorons de manière spectaculaire. Il y a des fonds nouveaux, et des organismes d'investissement en capital de risque voient le jour partout au pays. La plupart sont assez petits, mais cela demeure très important.
Je crois qu'il y a abondance d'occasions d'investissement intéressantes. Il y a plus d'occasions qu'il n'y a de sociétés d'investissement pour injecter des fonds.
La plus grande difficulté, c'est que toutes les sociétés d'investissement en capital de risque recherchent le même projet et, comme je l'ai dit plus tôt ce matin et aussi hier, elles évoluent toutes sur le même marché. Qu'il s'agisse de technologie de pointe, de biotechnologie ou d'un tout autre domaine, elles recherchent l'équipe de direction qui est déjà en place et qui a de l'expérience. Elles recherchent des ventes confirmées qui se situent autour de 1, 2 ou 3 millions de dollars, le minimum étant autour de cela, suivant la personne à qui on parle.
La PME à la recherche de capitaux s'adressera donc toujours à la même source. Elle s'adressera à Ventures West. Elle s'adressera aux banques dont vous avez accueilli les représentants plus tôt aujourd'hui, à deux d'entre elles de toute manière. Elle s'adressera à Jefferson Partners, à McLean Watson et à la BDC -- évidemment, elle ira là aussi -- et à l'une des deux des personnes que nous avons vues plus tôt comme le représentant de Mosaic, par exemple.
Il y en a donc moins de dix à qui on s'adresse. Les critères qu'appliquent ces dix sont quelque peu semblables, de sorte que s'il y en a un qui rejette votre projet d'entreprise, les autres vous feront probablement le même coup. Vous êtes alors de retour à l'argent de l'affection, à l'argent des anges, et vous faites prématurément appel public à l'épargne, car c'est la seule façon pour vous d'amasser des capitaux.
Le sénateur Kroft: À ce sujet justement, il me semble y avoir un critère évident dont vous ne faites pas mention: vous voulez faire une tonne d'argent; c'est probablement le premier critère.
On vous a convaincu, on vous a éduqué, on vous a séduit -- je ne sais pas quel est le bon mot -- de sorte que vous croyez que le monde de la technologie de pointe est celui où la croissance est la plus rapide et où le rendement sera le meilleur, qu'il s'agisse de la technologie de l'information, des sciences biologiques ou d'un autre domaine technologique nouveau. Présumément, c'est une décision que vous avez prise, car c'est sur cela que vous concentrez votre attention, sur une sous-catégorie.
Nous n'avons accueilli qu'un témoin, en deux jours, qui nous ait dit que ce n'est pas là son activité principale. Pour moi, c'est un facteur assez important pour expliquer le problème de la répartition inadéquate des possibilités d'investissement, car, malgré ce que les intermédiaires et Internet voudraient bien nous faire croire, il existe d'autres entreprises d'une catégorie différente qui sont là et dans lesquelles il vaut la peine d'investir.
J'ai été frappé, en quelque sorte, de constater que toutes les autres entreprises du Canada, subitement, ne semblent pas si attrayantes pour les investisseurs en capital de risque. J'attends et j'attends. Il y a bien des gens dans cette ville et d'un bout à l'autre de ce pays qui ont très bien réussi dans toutes sortes d'entreprises, et ils continueront de le faire, et, néanmoins, vous êtes en train de nous dire ici qu'il n'y a pas beaucoup d'endroits où investir.
S'il y a un rejet à un endroit, c'est probablement que vous avez tellement rétréci votre champ d'action que vous regardez tous au même endroit. Vous pourchassez tous les mêmes projets. Vous avez décidé que le profil du projet d'entreprise qu'il vaut la peine de rechercher est si étroit qu'il n'y a rien qui vaille ailleurs; c'est pourquoi vous vous plaignez du Canada, parce que les occasions ne sont pas nombreuses, et voilà. Néanmoins, il y a tout le monde industriel. Il y a tout le secteur des services. Nous avons toutes ces choses et, essentiellement, vous dites qu'il ne vaut pas la peine d'investir dans cela.
M. Smardon: Je ne dis pas cela.
Le sénateur Kroft: Je vous dis que c'est un peu l'impression que j'ai au bout de quelques jours.
M. Smardon: Je dirais que la raison véritable pour laquelle nous nous concentrons sur la technologie, c'est que nous nous sommes trouvés sur le marché de la technologie tout à fait par accident. Je n'ai pas fait d'études universitaires dans un domaine technique. J'ai une formation en investissement, un diplôme en études commerciales; tout de même, je me suis retrouvé dans le monde de la technologie de pointe dans les années 70 et, pour être franc, je n'ai pu en sortir. Me voici donc, dans la quarantaine, à me concentrer sur les choses à l'égard desquelles j'ai de l'expérience.
Je crois qu'il y a des endroits où s'adresser dans le cas d'activités très spécialisées. Il y a des fonds médicaux. Il y a des fonds pour le pétrole et le gaz naturel. Vous pouvez aller en Abitibi, si vous avez un projet d'entreprise concernant le papier, ou vous pouvez vous adresser à MacMillan Bloedel. Il y a toute une panoplie de ce que nous appelons des investisseurs stratégiques qui sont déjà là, au sein de l'industrie, et qui vendent des produits bénéficiant du capital de risque ou d'investissements à leur disposition.
Nous sommes sur ce marché d'abord et avant tout parce que c'est ce que nous connaissons. Ensuite, c'est l'un des marchés où la croissance est la plus forte. Si vous étudiez le nombre de projets qui sont présentés aux sociétés d'investissement en capital de risque -- je parle des sociétés à vocation générale du calibre du Fonds de relance économique ou de RoyNat, et même les sociétés du monde du courtage --, vous remarquez qu'une proportion croissante des possibilités en question concerne la technologie de pointe.
Qu'il s'agisse d'une entreprise technologique d'avant-garde ou d'une entreprise de service, ou encore d'une entreprise comme Federal Express, dont le système est automatisé grâce à la technologie de pointe, la technologie de pointe est omniprésente. S'il existe d'autres possibilités pour qui veut investir, l'euphorie sur le marché chez nos voisins du Sud et, dans une certaine mesure, ici au Canada, concernent ces nouvelles entreprises technologiques.
Je crois que Brad Ashley, qui était ici hier, a trouvé un excellent créneau. Si vous êtes à la tête d'une société manufacturière qui recherche des investissements, c'est le premier endroit où vous adresser. Mais, encore une fois, qu'est-ce qui arrive si vous vous adressez à Brad et que, pour quelque raison légitime que ce soit, vous n'obtenez pas l'argent voulu? Où allez-vous alors? C'est la situation qui existe dans tout le Canada: il y a un nombre très faible de sources de capitaux et, une fois ces sources épuisées, vous êtes contraint de vous engager dans une démarche qui tient du désespoir. C'est une démarche désespérée.
Le sénateur Kroft: J'imagine que la réponse à ma question concernant l'adéquation du capital, c'est qu'étant donné les affaires étroitement définies et présentant un grand potentiel dont il est question, il y a peut-être des sommes importantes, quoique pas infinies pour elles, mais pour ce qui est de l'accès horizontal, les affaires auxquelles les responsables de ces fonds s'intéressent se limitent à des domaines assez étroits.
M. Smardon: Oui.
Le président: Dans votre mémoire, vous affirmez que les investisseurs institutionnels ne sont nullement incités à soutenir le financement privé par actions; puis, vous dites qu'il serait souhaitable que les investisseurs institutionnels s'occupent de ce genre d'affaires. Pourquoi le régime fiscal devrait-il encourager les investisseurs privés, les investisseurs institutionnels à faire quelque chose qui est présumément dans leur intérêt du point de vue économique, si, en fait, le placement privé est un bon investissement? Autrement dit, dans quelle mesure notre action sert-elle, en fait, à fausser les conditions du marché par l'instauration d'une mesure incitative? Est-ce cela que vous dites? Ou dites-vous plutôt qu'il y a là un obstacle qui les empêche d'agir et que nous devrions éliminer cet obstacle?
M. Smardon: C'est un peu les deux. Il y a des obstacles sur le marché. Je crois que la plupart d'entre eux sont d'ordre culturel. Comme Mary Macdonald l'a dit l'autre jour, durant les années 80, les caisses de retraite et les sociétés d'assurance investissaient dans les PME aux États-Unis et au Canada; toutefois, pour toutes sortes de raisons, en partie parce que l'industrie de l'investissement en capital de risque est assez jeune, nombre de ces entreprises ont obtenu un très piètre rendement sur leurs investissements et ont décidé qu'elles n'allaient plus évoluer dans ce domaine. Elles ont quitté le domaine.
Les caisses de retraite américaines et les sociétés d'assurance américaines sont revenues sur le marché. Ce n'est pas le cas du côté canadien. Je ne veux pas nommer les sociétés en question, mais, durant nos recherches, nous avons parlé avec plusieurs responsables de caisses de retraite qui ont dit, essentiellement: «Nous nous sommes plantés dans les années 80 et nous n'allons pas recommencer à investir dans la technologie, et nous n'allons pas recommencer les investissements privés en actions. Nos fonds doivent demeurer liquides.» À partir de ce bilan, dans un domaine qui a maintenant 15 ans dans certains cas, ils ont donc décidé de ne pas investir dans le marché.
Brad Ashley a dit, et je crois que quelques autres personnes l'ont dit aussi, qu'il faut des règles du jeu équitables. Il y avait tout lieu de créer les fonds de capital de risque de travailleurs. Ceux-ci ont bien servi le milieu du capital de risque dans son ensemble, mais je crois que cela s'est fait au détriment des investisseurs institutionnels, car, encore une fois, les sociétés à capital de risque de travailleurs se concentrent sur l'argent du particulier et non pas sur l'argent des institutions. Il n'y avait donc pas de mécanisme pour les inciter à changer de stratégie ou à modifier leur mentalité.
Le président: C'est donc en partie un obstacle.
Le sénateur Meighen: En concluez-vous que le problème de l'investissement institutionnel se réglera avec le temps?
M. Smardon: Probablement, mais ma question est la suivante: combien de temps est-ce que cela prendra?
Le président: Eh bien, la modification des taux d'impôt applicables aux gains de capital, particulièrement dans le cas des petites entreprises naissantes ou à l'état embryonnaire, produirait directement un tel impact.
Le sénateur Kroft: Pas dans le cas des caisses de retraite.
Le sénateur Meighen: Qu'est-ce qui serait utile à ce moment-là -- une disposition de roulement?
M. Smardon: L'autre facette qu'il faut connaître dans le cas des caisses de retraite et des sociétés d'assurance, c'est que, comme pour tout le monde, il faut investir dans ce que l'on connaît. Nous sommes défavorisés au sens où nombre des industries, qu'elles évoluent dans le domaine de l'environnement, de la biotechnologie, de la médecine ou de la technologie de l'information, sont relativement jeunes. Comment faire pour encourager, dans le monde de l'investissement, l'expertise nécessaire pour regarder les occasions nouvelles qui se présentent et dire: «Voilà un bon investissement, voilà un mauvais investissement»? Tant et aussi longtemps qu'ils n'auront pas cette expertise, je ne vois pas en quoi ils pourraient modifier leur position.
Une façon de faire naître cette expertise serait d'investir dans les fonds qui se concentrent sur ces choses, car, si vous attendez que l'on engage les gens et que l'on ait les compétences à l'interne, cela risque d'être très long.
Le sénateur Hervieux-Payette: La théorie de l'intervention directe semble produire d'excellents résultats, mais il y a aussi la triste histoire de l'investissement direct du Québec, où la divergence d'opinions entre le responsable du fonds et l'entrepreneur a donné lieu à une action portée devant les tribunaux; quelques personnes y ont perdu beaucoup d'argent, mais elles ont gagné leur cause, et elles affrontaient un fonds, au cas où vous ne le sauriez pas.
Comment régler les problèmes qui surviennent lorsqu'il y a une divergence d'opinions? Je pose la question parce que le fonds est arrivé là et qu'il voulait diriger les choses, et il y a eu des querelles sans fin; mon impression, c'est que les gens du fonds à ce moment-là n'ont pas joué le rôle qu'ils devaient jouer, c'est-à-dire d'éduquer les gens et de travailler avec eux au sein d'une équipe, plutôt que d'être antagonistes. Je crois qu'il faut regarder l'autre côté de la médaille, car cette affaire était tout à fait triste.
M. Smardon: Une des plus grandes difficultés auxquelles sont confrontés les investisseurs en capital de risque, c'est le mécontentement des actionnaires, le mécontentement des propriétaires. Certes, l'investisseur passif ne peut pas grand-chose à cet égard. L'investisseur actif peut exercer un peu plus de contrôle, mais il ne peut prévenir cela entièrement.
Lorsque nous rencontrons les propriétaires et les dirigeants d'une PME, une des premières questions que nous posons concerne les projets personnels à court et à long terme des propriétaires. On espère que c'est synchronisé, car si un d'entre eux souhaite jouer à la bourse et quitter l'entreprise dans 18 mois et que l'autre voit dans l'affaire une entreprise de 80 millions de dollars et qu'il souhaite poursuivre sur sa lancée, voilà un signe qu'il y aura certaines difficultés concernant les décisions prises. Nous faisons donc cela. Cela fait partie de la vigilance que nous appliquons avant de décider d'investir, pour comprendre à la fois les capacités de l'équipe de direction et sa mentalité. Quels sont les objectifs personnels et organisationnels de cette entité commerciale?
Nous avons connu des cas où les actionnaires n'étaient pas d'accord sur les choses, mais il y a habituellement une façon de contourner le problème en rachetant les actions de quelqu'un. N'oubliez pas que, très souvent, l'actionnaire se trouve aussi être membre de l'équipe de direction. Par conséquent, une autre facette de cela, c'est que vous devez le mettre sur une voie de garage ou lui confier d'autres fonctions. Il existe de nombreuses façons de composer avec le problème, mais on ne saurait l'éliminer entièrement.
Le sénateur Hervieux-Payette: D'après ce que vous en savez, dans les cas où il y a des divergences importantes, comment faut-il procéder pour régler le problème? Le recours aux tribunaux n'est certainement pas très utile.
M. Smardon: Pour être franc, nous n'avons pas connu un très grand nombre de situations de ce genre-là. C'est peut-être en raison de la somme de travail que nous accomplissons au départ. Il y a eu un cas qui en est arrivé là, mais nous avons pu régler l'affaire sans recourir aux tribunaux.
Le président: Monsieur Smardon, merci beaucoup d'être venu témoigner. Je dois admettre que votre modèle d'intervention directe m'intrigue.
La séance est levée.