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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 52 - Témoignages du 6 mai 1999


OTTAWA, le jeudi 6 mai 1999

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 11 heures pour étudier la situation actuelle du régime financier du Canada (financement par actions).

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Notre comité étudie la question du financement par actions des petites entreprises, et en particulier le fait que tous les programmes de l'État sont traditionnellement des programmes de prêt. À l'occasion d'une autre série d'audiences -- par exemple celles qui avaient trait aux dispositions relatives à la conduite des entreprises contenues dans la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, de même que certaines de nos audiences sur le rapport MacKay -- nous avons également entendu un bon nombre de représentants du milieu de la petite entreprise. Ils nous ont relaté incidemment que pour eux, ce n'était pas le crédit qui était un problème et que, donc, la question de savoir si les banques étaient suffisamment enclines à prêter à la petite entreprise n'était pas un problème fondamental, mais que c'était plutôt la difficulté de procéder au Canada à des augmentations de capital. Voilà donc le contexte qui nous a amenés à approfondir cette question.

Plusieurs organismes représentant la petite entreprise, comme la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, ont ainsi comparu devant le comité, et nous avons entendu bon nombre de jeunes gens d'affaires qui ont créé leur propre entreprise et qui ont fort bien réussi. Pendant cette discussion, les divers témoins nous ont abondamment parlé de la question de la fiscalité des entreprises.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a composé un merveilleux tableau qui montre parfaitement la diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers par rapport à l'augmentation des taxes et impôts payés par les entreprises, comme les taxes sur la masse salariale. C'est en étudiant toute cette documentation que certains d'entre nous se sont dit qu'il serait peut-être utile de remonter à la source même du fleuve d'information qui avait permis d'établir cette banque de données, en l'occurrence vous. Nous voulions avoir votre opinion sur la question plus limitée de la PME, et en particulier sur l'importance relative du problème de la fiscalité de ce secteur. À votre avis, que faudra-t-il modifier à ce sujet? Nous ne vous avons pas convoqué au début de notre enquête, parce qu'en toute franchise nous n'avions pas compris à quel point le problème de la politique fiscale était fondamental. Je vous en prie.

M. Jack Mintz, professeur, faculté de l'administration, Université de Toronto: J'ai surtout axé mon propos sur le financement par actions et la fiscalité, en les plaçant plus particulièrement sous l'angle de la PME. Le petit texte que je vous ai fait remettre vous donne une manière de contexte pour éclairer ce que voudrais vous dire à propos des questions que vous venez d'évoquer.

Je vais diviser mon intervention en quatre parties. Je vais vous parler des faits pertinents -- c'est-à-dire des choses que nous savons -- et peut-être aussi vous signaler l'une ou l'autre chose que nous ne connaissons pas trop bien pour ce qui est du financement par actions de la petite entreprise.

Je voulais également mettre en lumière les principaux éléments du système fiscal qui sont favorables au financement de la petite entreprise. Je vais en passer quelques-uns en revue à votre intention. Ensuite, je vous expliquerai en quoi les potentialités de financement par actions sont probablement insuffisantes, et pourquoi.

Pour ce qui est précisément du financement par actions, je vais aborder deux éléments distincts, le premier étant la façon dont les marchés financiers opèrent par rapport au secteur de la petite entreprise, et le second concernant les questions de fiscalité et leur impact possible sur le financement par actions.

Enfin, je vais vous parler de certaines questions de fiscalité très précises et je vais vous donner mon opinion à ce sujet. Je voudrais par ailleurs dire quelques mots des bonnes idées, mais également des mauvaises. Je serai très franc, vous le constaterez, au sujet de certaines notions qui ont été avancées récemment à Ottawa.

Il est communément admis qu'un très grand nombre de petites entreprises ont été créées au Canada depuis 1985, et c'est là quelque chose que les gens comprennent fort bien. Le nombre de travailleurs indépendants par rapport au nombre total de travailleurs du secteur privé est passé de 14 p. 100 en 1976 à 19 p. 100 en 1995.

D'ailleurs le secteur de la petite entreprise est relativement étendu au Canada par rapport aux États-Unis. Une étude effectuée en 1991 par Porter and Monitor révélait que, par rapport à la production totale du secteur manufacturier au Canada, 60 p. 100 de cette production est attribuable à des entreprises comptant moins de 500 employés. Aux États-Unis, ce chiffre est de 20 p. 100. En d'autres termes, le secteur de la petite entreprise est, comme je le disais, beaucoup plus étendu ici.

Au Canada, la petite entreprise, c'est-à-dire les sociétés à capitaux privés canadiens, représente le tiers du revenu imposable des entreprises. Je parle ici des entreprises dont l'actif est inférieur à 15 millions de dollars. Voilà un chiffre intéressant. J'étais assez étonné lorsque nous l'avons découvert quand je travaillais au comité technique sur la fiscalité de l'entreprise, et il illustre parfaitement l'envergure du secteur de la petite entreprise au Canada.

Le sénateur Austin: Cela prend-il en compte le taux d'imposition plus faible qui s'applique aux petites entreprises?

M. Mintz: Je parlais du revenu imposable des entreprises, de sorte qu'il ne s'agit pas du taux d'imposition par rapport au chiffre d'affaires total des entreprises.

Le président: Ce n'est peut-être pas de l'impôt sur les entreprises.

Le sénateur Austin: Je voulais que vous nous précisiez si vous nous parliez de chiffre d'affaires ou d'impôt.

M. Mintz: Cela nous donne donc une idée de l'envergure du secteur. S'agissant de l'emploi, 20 p. 100 du nombre total d'emplois dans le secteur privé sont attribuables aux entreprises non constituées en personnes morales, et 50 p. 100 aux entreprises à capitaux privés sous contrôle canadien. Une entreprise de ce genre peut être toute petite ou au contraire très grosse. D'ailleurs, au Canada, nous en avons de très grosses. J'en dirai quelques mots plus tard, étant donné que cela a un lien avec certains des incitatifs fiscaux que le Canada offre actuellement.

Le reste des emplois dans le secteur privé au Canada se trouve dans le secteur parapublic, ce qui représente environ 30 p. 100 du reliquat.

L'une des choses que le comité technique sur la fiscalité de l'entreprise a fait valoir, tout comme d'ailleurs certaines études conduites par Statistique Canada et par un groupe d'étude à l'Université de la Colombie-Britannique, c'est qu'alors même que nous avons créé énormément de petites entreprises, c'est un secteur qui n'a pas vraiment connu beaucoup de croissance.

J'ai extrait les chiffres suivants du rapport du comité technique. Ainsi, vous verrez à la page 4 de mon petit texte que, parmi les entreprises qui comptaient moins de cinq employées en 1985, 1,1 p. 100 seulement ont affiché une croissance leur ayant permis de compter plus de 20 employés huit ans plus tard. En d'autres termes, il n'y a pas beaucoup de petites entreprises qui sont devenues de grosses entreprises.

Par ailleurs, dans le cas des compagnies qui comptaient de 5 à 19,9 employés en 1985, 12 p. 100 avaient atteint le chiffre de 20 employés ou plus en 1993. Comme vous pouvez le constater, la croissance a été très faible, et plusieurs études l'ont d'ailleurs corroboré. Une des choses qui me préoccupent le plus au sujet de notre orientation, ici au Canada, c'est que nous avons peut-être bien un système qui offre énormément d'incitatifs à la création d'une petite entreprise, mais qui entrave la croissance de celle-ci.

Le sénateur Kroft: Ce serait utile, je pense, que vous nous donniez ces chiffres qui nous permettent de faire la comparaison avec les États-Unis. Vous en avez déjà parlé une fois ou deux.

M. Mintz: Malheureusement, je n'ai pas ces chiffres, et je le regrette, mais je n'ai vu aucune étude qui se soit basée sur quelque chose de comparable. Les chiffres en question sont extrapolés des données de Statistique Canada. Il s'agit des données longitudinales sur l'emploi qui montrent l'évolution historique de l'emploi dans les entreprises sur une période assez longue. Pour une analyse, ce sont des données extrêmement précieuses.

Permettez-moi de préciser certains de ces faits parce que l'interprétation qui en est donnée diffère parfois. Tout d'abord, on sait, et il est communément entendu, qu'une petite entreprise paiera davantage qu'une grosse entreprise pour emprunter de l'argent. On pourrait faire valoir que c'est tout à fait normal, étant donné qu'il est peut-être plus risqué de prêter de l'argent à une petite entreprise.

D'aucuns prétendent qu'il n'y a pas suffisamment de capitaux réservés au crédit à la petite entreprise, de sorte que les taux d'intérêt sont plus élevés qu'ils ne le seraient si le marché était plus concurrentiel, c'est-à-dire plus ouvert aux prêts à la petite entreprise. En revanche, l'interprétation de la signification de cela varie, même si la majorité des gens ne contestent pas le fait que les prêts à la petite entreprise portent des taux d'intérêt plus élevés que les prêts aux grosses entreprises.

En second lieu, la plupart des gens conviennent qu'effectivement l'accès au financement par actions est plus difficile pour la petite entreprise. En règle générale, une petite entreprise n'émet pas d'actions et n'a donc pas accès aussi facilement au marché du capital boursier au Canada. En outre, la petite entreprise n'a pas non plus la faculté d'aller emprunter aussi facilement sur les marchés étrangers, et ces deux éléments prouvent donc à eux seuls que la petite entreprise est relativement entravée.

Certaines études financières portent à conclure que l'échelle des prix des titres des petites entreprises porte à croire que celles-ci ont davantage tendance à emprunter sur le marché canadien, la fourchette des prix en question traduisant une certaine différence entre les prix d'émission possibles pour les titres des petites entreprises par rapport à ceux des grandes entreprises. Certains éléments portent ici aussi à penser que la petite entreprise est relativement limitée.

Enfin, pour ce qui est des entreprises à capital-risque, quelques études excellentes ont été effectuées dans ce domaine, et elles sont d'ailleurs regroupées dans un ouvrage publié et édité par Paul Halpern. J'aimerais en particulier vous recommander l'étude d'Amit et Brander, ainsi qu'une autre de Jeffrey MacIntosh sur le capital-risque. L'étude d'Amit et Brander révèle que même si un petit nombre seulement de sociétés de capital-risque finissent par réussir, ces entreprises affichent un rendement exceptionnel sur l'investissement lorsque précisément elles réussissent. Cela atteste le caractère très risqué du capital de risque. En même temps, par contre, une entreprise bien positionnée et relativement prospère peut offrir un excellent rendement à l'investisseur.

Le sénateur Austin: Qu'entendez-vous par excellent rendement?

M. Mintz: Le rendement réel ex-post, c'est-à-dire le produit historique de l'investissement. En d'autres termes, beaucoup de sociétés à capital-risque ne réussissent pas. Elles font des investissements qui ne leur apportent aucun bénéfice précisément parce qu'elles n'ont pas réussi. Mais celles qui ont réussi semblent offrir des taux de rendement extraordinairement élevés.

Le sénateur Austin: Que vous définiriez dans quel secteur du rendement des investissements?

M. Mintz: Malheureusement, je n'avais pas hier soir le livre en question, sinon j'aurais vérifié, mais c'est de l'ordre de 60 p. 100, ce qui est un chiffre relativement élevé. Le livre en question a été publié et l'étude est facilement consultable si vous voulez avoir les données exactes.

Le sénateur Kenny: De la façon dont le sénateur Austin et vous présentez les choses, c'est un peu comme s'il y avait deux catégories: ou bien elles se plantent, ou bien elles affichent une réussite étonnante. N'y a-t-il pas un genre de courbe en cloche? Je suis sûr qu'il y a des entreprises qui se situent entre les deux extrêmes. Y en a-t-il qui continuent simplement à vivoter pendant un certain temps, ou toutes les entreprises de ce genre se rangent-elles dans l'une de ces deux catégories?

M. Mintz: Une courbe en cloche représenterait mal la distribution de ces entreprises en fonction de leur taux de rendement, mais vous avez raison de dire que certaines d'entre elles se situent entre les deux. D'après l'étude d'Amit et Brander, le nombre d'entreprises qui réussissent est petit, certes, mais celles qui réussissent dégagent en moyenne des taux de rendement relativement élevés. Certes, il y a peut-être des firmes qui se situent entre les deux, mais on aurait tort de chercher une courbe en cloche, parce que ce genre de courbe est basée sur ce qu'on appelle en statistique une «distribution normale», ce qui n'est pas le cas ici.

Le sénateur Kenny: Pourriez-vous nous dire à quoi ressemble la courbe que vous constatez?

M. Mintz: Ce serait probablement une courbe logarithmique normale ou une distribution en queue-de-paon, pour utiliser les termes techniques. Je vais vous expliquer de quoi il s'agit.

Il s'agit pour la très grande majorité d'entreprises qui perdent de l'argent ou qui ne réussissent pas bien. La courbe penche donc très fort dans ce sens-là. Ensuite, il y a les firmes qui réussissent et qui offrent un certain rendement, et ensuite celles qui offrent un taux de rendement très élevé -- bien supérieur à 60 p. 100, 300 p. 100 même. Voilà donc une distribution possible, mais le nombre de firmes qui se situent dans le segment réussite de l'ordonnée est très faible.

Par ailleurs, Amit et Brander présentent également dans leur étude des données comparables à celles des États-Unis. Lorsqu'une firme encaisse son capital au Canada, il y a proportionnellement beaucoup moins d'offres de rachat par des investisseurs spécialisés en capital-risque que ce ne serait le cas aux États-Unis. En d'autres termes, aux États-Unis, lorsqu'un directeur ou un homme d'affaires encaisse son bénéfice, cela a plus de chances de produire une émission initiale d'actions faisant que la firme devient cotée en bourse. Au Canada par contre, il y a davantage de rachats et d'autres types d'arrangements avec la direction et donc beaucoup moins de premières émissions d'actions.

Lorsque cette communication a été soumise, on se demandait d'ailleurs le pourquoi de la chose, et je ne pense pas que cette question ait trouvé une réponse satisfaisante. Peut-être cela surviendra-t-il dans la discussion.

Passons maintenant, si vous le voulez bien, aux mesures de soutien fiscal au financement par actions. Il est important d'en bien tenir compte. D'abord, au Canada, il y a dans notre régime deux éléments qui essayent d'intégrer l'impôt sur les entreprises et l'impôt des particuliers afin d'éviter la double imposition du revenu de placement, ce qui donne un taux d'imposition au niveau de l'entreprise et un taux d'imposition au niveau du particulier. Un revenu peut donc être imposé deux fois lorsqu'il est gagné par l'entreprise et versé au particulier, soit sous forme de dividendes, soit sous forme de réinvestissement des bénéfices dans l'entreprise, avec un gain en capital sur les actions de celle-ci.

Au Canada, nous avons un crédit d'impôt pour dividendes qui part de l'hypothèse que l'entreprise est imposée au taux de 20 p. 100, ce qui est essentiellement le taux applicable à la petite entreprise. L'impôt total sur le revenu gagné par l'entreprise est donc de 20 p. 100 sous forme d'impôt sur le revenu de l'entreprise, plus 30 p. 100 d'impôt sur le revenu du particulier dans le cas des dividendes, net de tout crédit, y compris le crédit prévu pour l'impôt combiné, qui est d'environ 50 p. 100.

Si un particulier touche un salaire, des honoraires ou une prime de l'entreprise, il est imposé à 50 p. 100 environ, en Ontario du moins. Grosso modo, nous intégrons l'impôt sur les entreprises et l'impôt des particuliers par des crédits d'impôt pour dividendes applicables à tous les revenus provenant de dividendes, de sorte que ceux-ci sont traités comme n'importe quelle autre forme de revenu versé aux particuliers.

J'ai toujours bien aimé faire valoir que le même argument peut s'appliquer à l'exclusion de 25 p. 100 des gains en capital. En effet, lorsqu'une société gagne 100 $ et est frappée d'un taux d'imposition de 20 p. 100, il lui reste 80 $ qu'elle peut réinvestir. Si ce gain produit un gain en capital de 80 $ pour un particulier, 25 p. 100 sont exclus, de sorte que seulement 60 $ restent imposables. Par conséquent, si le taux d'imposition du particulier est de 50 p. 100, le particulier en question paiera pour ce revenu environ 30 $ sous forme d'impôt sur les gains en capital. Le total des impôts payés par l'entreprise et par le particulier sur les gains en capital atteint donc 50 $ pour un gain de 100 $, ce qui équivaut plus ou moins au traitement fiscal accordé aux dividendes et au salaire dans le cas de la petite entreprise.

Je tiens à insister sur le fait que dans le cas des grandes entreprises l'intégration de l'impôt des entreprises et de l'impôt des particuliers n'est pas faite à 100 p. 100. J'en dirai plus long lorsque je parlerai des options d'achat d'actions, parce que, dans le cas des grandes entreprises, le taux d'imposition n'est plus de 20 p. 100, mais bien de 44 p. 100. Et même si l'impôt des entreprises n'est pas mon propos aujourd'hui, j'aimerais quand même vous signaler que le taux d'imposition des entreprises au Canada ne le cède qu'à ceux du Japon et de l'Allemagne. Nous imposons beaucoup plus les dividendes et les gains en capital découlant des revenus d'entreprises. Cela prend en compte à la fois l'impôt des entreprises et l'impôt des particuliers sur cette tranche de revenu lorsque celui-ci vient d'une grosse entreprise.

Une grande entreprise n'est pas nécessairement une énorme entreprise. Nous parlons ici d'une société dont l'avoir propre serait supérieur à 15 millions de dollars, parce qu'à ce moment-là elle n'a plus droit à la déduction de petite entreprise ni au taux d'imposition réduit, qui est celui qui s'applique à la petite entreprise. Dans le cas de sociétés dont le rendement de l'avoir est beaucoup plus élevé par le jeu du régime fiscal des entreprises et des particuliers, vous ne parlez pas nécessairement de très grosses sociétés.

Comme nous l'avons constaté également, le pouvoir fédéral accorde une déduction à la petite entreprise. Cette déduction signifie en fait que le taux d'imposition fédéral de l'entreprise est d'environ 13 p. 100 pour une petite entreprise, et de nombreuses provinces offrent également des taux d'imposition réduits pour la petite entreprise, taux d'imposition qui représentent grosso modo 6 p. 100, ce qui donne un total de 19 p. 100. Récemment, les taux d'imposition de la petite entreprise ont diminué, mais ils se situent aux environs de 6 ou 7 p. 100, de sorte que nous pouvons dire que les bénéfices des petites entreprises sont imposés grosso modo à 19 ou 20 p. 100.

Cette déduction à la petite entreprise a été accordée en partant de l'hypothèse qu'une petite entreprise a de la difficulté à prendre de l'expansion et doit donc avoir la faculté de pouvoir réinvestir ses bénéfices. Il s'agit en fait d'une autre forme de financement par avoir propre donné à la petite entreprise et qui lui permet de prendre de l'expansion. Cette déduction visait donc à encourager la petite entreprise à prendre de l'expansion en réinvestissant ses bénéfices, par exemple pour acheter du matériel de production ou autres afin de rester en activité.

J'aurai encore autre chose à dire à propos de cette déduction plus tard.

Le sénateur Tkachuk: Que se passe-t-il lorsqu'une petite entreprise déclare un bénéfice supérieur à 200 000 $?

M. Mintz: Je n'ai pas parlé du plafond. La déduction en question s'applique à la première tranche de 200 000 $ de revenu actif d'entreprise, c'est-à-dire de revenu attribuable en propre aux activités de l'entreprise en question. Cela ne s'applique pas au revenu de placements. Lorsque le bénéfice dépasse 200 000 $, il tombe alors sous le coup du taux marginal le plus élevé, qui, pour une société non manufacturière, serait de l'ordre de 43 ou 44 p. 100 au Canada.

Il y a donc une véritable pénalité à partir du moment où on commence à afficher des bénéfices plus élevés. Une petite entreprise pourra par exemple essayer d'éviter cela en réduisant ses bénéfices par le versement de primes à son directeur, c'est-à-dire le propriétaire indépendant. De cette façon, elle peut ramener son bénéfice en deçà du plafond de 200 000 $ et éviter de devoir payer cette pénalité due au passage au taux marginal plus élevé. J'en dirai davantage à ce sujet plus tard, mais cela signifie qu'une partie du bénéfice doit être dépensée. Le propriétaire peut à ce moment-là prêter cet argent à l'entreprise, ce qui est une forme indirecte de réinvestissement, mais la formule des primes est relativement courante, et Revenu Canada la tolère d'ailleurs.

Il y a également l'exemption à vie de 500 000 $ sur les gains en capital dans le cas des actions de compagnies à capitaux privés sous contrôle canadien ou de propriétés agricoles canadiennes, mais je ne parlerai pas de ce cas-là. Cette exemption à vie de 500 000 $ s'applique aux petites entreprises, mais également aux grandes entreprises.

Tout récemment encore, un certain nombre de grosses entreprises se sont restructurées en créant des sociétés de portefeuille privées. Par exemple, un cabinet de gestion vend ses services de gestion à la maison mère, la compagnie de gestion est à ce moment-là une compagnie privée qui appartient à tous les administrateurs de la société mère. Évidemment, chaque administrateur bénéficie de l'exemption à vie de 500 000 $ sur les gains en capital. Cette exemption peut donc être utilisée à toutes sortes de choses, et pas seulement comme un incitatif à la petite entreprise.

Le sénateur Austin: Cette exemption vaut-elle pour les actions de la compagnie de portefeuille privée?

M. Mintz: Oui. Elle vaut spécifiquement pour ces actions-là.

Un autre élément est le crédit offert à des sociétés par les fonds de capital de risque de travailleurs, ou, comme on le dit parfois, le fait de louer son syndicat pour recevoir un crédit. Selon ce concept, les entreprises de financement à capital de risque qui ont pu vendre des actions sont essentiellement des fonds à capital variable dont l'argent est prêté à des firmes de capital-risque. Les règlements prescrivent qu'une partie de cet argent doit, au bout d'un certain temps, être remboursée sous forme d'investissements en capital de risque, ce qui a d'ailleurs posé problème jadis, parce qu'à certains moments il n'y avait pas suffisamment de sociétés de capital-risque, avec pour conséquences qu'il fallait à ce moment-là investir l'essentiel de cet argent dans des titres d'État au lieu de l'investir dans du véritable capital-risque. Lorsque le gouvernement fédéral a réduit le crédit -- puisqu'il s'agit d'un crédit fédéral -- il y a quelques années, les fonds de capital-risque de travailleurs ont perdu une partie de leur popularité, et ont d'ailleurs fini par avoir du mal à répondre à la fois à la demande et aux demandes de remboursement des particuliers. Rappelez-vous qu'il s'agit de fonds à capital variable.

Enfin, il y a les régimes provinciaux d'épargne-actions ou les crédits d'impôt pour dividendes qu'offrent plusieurs provinces. Il s'agit souvent d'incitatifs qui ciblent en particulier les petites entreprises: les incitatifs sont particulièrement élevés lorsque le particulier reçoit un crédit d'impôt parce qu'il possède des actions d'une PME. En règle générale, les provinces qui offrent ce genre d'incitatifs prescrivent que l'entreprise bénéficiaire doit être située dans la province, ce qui est d'ailleurs une constatation intéressante au sujet de l'union économique et de ce que nous faisons précisément dans le cadre de ces régimes provinciaux d'épargne-actions.

Le président: Je sais que certaines coopératives de crédit essaient de trouver une solution à ce problème. Il y a par exemple la Colombie-Britannique, où la réglementation des coopératives de crédit prescrit que les prêts doivent être obligatoirement accordés en Colombie-Britannique. Ce qui se passe alors, c'est qu'il suffit de créer en Colombie-Britannique une compagnie dont l'activité consiste à investir dans d'autres compagnies situées à l'extérieur de la province, mais comme le prêt est accordé à la compagnie qui est située en Colombie-Britannique, le règlement est ainsi à la fois respecté et contourné.

Et vous avez parfaitement raison au sujet de l'union économique. Quiconque a l'esprit inventif trouve toujours le moyen de contourner une règle, quelle qu'elle soit, ce qui d'ailleurs revient à remettre en question la légitimité même de cette règle.

M. Mintz: Je vais maintenant vous parler de l'insuffisance du financement par actions. Tout d'abord, il y a le problème économique, qui a été abondamment commenté dans le texte spécialisé. Il s'agit du problème de ce qu'on appelle les «citrons», c'est-à-dire les projets qui ne sont pas nécessairement bons. Le raisonnement -- et cela vaut pour toutes les questions de financement -- est que les investisseurs entreprennent des projets, investisseurs qui, puisqu'ils sont des initiés, doivent en savoir suffisamment long à propos des projets en question.

Mais il y a de bons projets et il y en a de mauvais. Celui qui dirige le projet a une bonne idée de la qualité de celui-ci. Par contre, le prêteur, celui qu'on va solliciter pour financer le projet, ne sait pas quel projet est bon et quel projet n'est pas bon. Le prêteur cherche donc de la part de la compagnie un signal qui lui permettra de se faire une idée de la qualité de son investissement.

L'un de ces signaux souvent utilisés par les investisseurs est la possibilité que l'entreprise aurait d'aller en bourse et d'essayer d'obtenir du financement extérieur. Les firmes solides sont mieux à même de développer leur propre trésorerie et d'utiliser ce fonds de roulement à terme pour faire de l'auto-investissement. En revanche, une firme moins bien établie aura tendance à aller plus souvent sur le marché. C'est ce qu'on appelle dans le secteur du financement la «prime citron». Dès qu'une firme sollicite le marché, on pourra interpréter cela comme un signe de faiblesse de sa part, de sorte que le financement qu'elle recherche risque de lui coûter plus cher.

La conséquence du problème du citron est que les mauvaises firmes finissent par étrangler les bonnes sur le marché. Il s'ensuit bien entendu ce problème du sous-investissement qui survient lorsque le coût du financement est trop élevé et donc lorsque les firmes renoncent à de bons projets d'investissement qu'elles auraient sinon acceptés si elles avaient suffisamment de fonds propres pour les financer elles-mêmes. Le résultat de tout cela est que le marché déclare forfait lorsque l'investissement qui y est fait est insuffisant. C'est là un argument qu'on retrouve souvent dans les textes de référence.

Par quel genre de politique pourrait-on apporter une solution à ce problème? Mon opinion découle des études effectuées à ce sujet par des gens sur le terrain. Lorsqu'on pense recherche-développement et capital de risque, il faut un genre ou un autre de crédit d'impôt à l'investissement pour encourager les investissements effectués à la fois par les bonnes firmes et par les mauvaises.

Il est également utile, dans un autre ordre d'idées, de taxer le financement par actions des entreprises parce qu'ainsi, une mauvaise firme aura plus de difficulté à imiter une bonne firme lorsqu'elle sollicite le marché, de sorte que les mauvaises firmes ne seront pas incitées à le faire. Les crédits d'impôt à l'investissement encouragent les bonnes firmes à effectuer les investissements nécessaires.

Le sénateur Meighen: Parlez-vous d'entreprises d'une certaine envergure ou de n'importe quel type d'entreprise?

M. Mintz: Je songe à une catégorie d'entreprises, c'est-à-dire aux entreprises de capital-risque et de recherche-développement. Je ne songe pas vraiment aux très grandes entreprises. Des entrepreneurs peuvent mettre en oeuvre de bons et mauvais projets et les investisseurs ne savent pas toujours faire le bon choix. Lorsqu'on subventionne les entreprises pour qu'elles puissent émettre des actions, on finit par encourager trop de mauvaises entreprises à le faire au détriment des entreprises prometteuses.

Il est plus efficace d'imposer le financement par actions à un taux encore plus élevé que le taux normal, pour décourager les mauvaises entreprises d'émettre des actions. Par ailleurs, il convient de prévoir des crédits d'impôt à l'investissement afin de stimuler les investissements dans ce domaine en raison de la pénurie d'investissements.

Le sénateur Meighen: Peut-on dire que plus de mauvaises entreprises que de bonnes entreprises émettent des actions?

M. Mintz: Ce n'est pas une question de proportion. Le nombre de grandes entreprises à le faire par rapport aux mauvaises entreprises importe peu. Il s'agit d'une moyenne, et certaines entreprises se situent au-dessus de la moyenne, et d'autres, au-dessous.

Le sénateur Austin: Je comprends mal la distinction qui est faite entre bonnes et mauvaises entreprises. Le marché dispose habituellement de méthodes pour établir la viabilité des projets. Une seule chose semble certaine cependant, c'est que les entreprises sur lesquelles on a tout misé font faillite, et celles en qui on ne croyait pas cru rapportent gros. C'est du moins ce que l'expérience m'a enseigné dans le domaine du capital-risque.

Comment le concept que vous proposez -- celui d'imposer le financement par actions -- réglerait-il ce problème?

M. Mintz: Je ne fais que décrire les conséquences du problème de la pénurie de capitaux propres dont les gens parlent.

Le sénateur Austin: À titre d'investisseur, j'aimerais beaucoup qu'on m'aide à distinguer les bons investissements des mauvais. Comment le concept que vous proposez m'aiderait-il à le faire?

M. Mintz: Si les investisseurs savaient à coup sûr distinguer entre les bons projets et les mauvais, le problème des «entreprises citrons» ne se poserait plus, pas plus que celui de la pénurie de capitaux propres. Ce problème n'existerait plus, puisqu'il s'agirait d'un marché parfait. Quel est donc le problème qui se pose? J'essaie de décrire ce que les gens considèrent être un problème de pénurie de capitaux propres, particulièrement en ce qui touche le capital-risque notamment.

Prenons un exemple. Supposons que j'aie inventé une nouvelle méthode de calcul des impôts permettant d'évaluer les projets, une méthode qui serait inconnue des entreprises. Supposons que je m'attende à ce qu'on s'arrache cette méthode sur le marché. Je vais m'adresser à vous et je vais vous demander d'investir 20 millions de dollars dans la conception et la commercialisation de cette idée.

Dans bien des cas, les investisseurs ne sont cependant pas en mesure de savoir s'il s'agit d'une bonne idée ou d'une mauvaise. Il se peut que j'aie raison et qu'il s'agisse d'une invention merveilleuse. Il se peut aussi que je croie que ce projet soit mauvais ou qu'il ait peu de chances d'être viable. Je parviendrai peut-être cependant à vous convaincre d'investir dans mon projet.

Le sénateur Austin: Vous voulez donc changer d'emploi dans quelques années?

M. Mintz: C'est le problème qui se pose. Les investisseurs ne disposent pas toujours de toute l'information voulue au sujet d'un projet, et certains d'entre eux sont mieux informés que d'autres. Voilà pourquoi il est difficile aux investisseurs de vraiment savoir si un projet a de bonnes chances de réussir.

Le sénateur Austin: Comment le fait d'imposer le financement par actions peut-il nous permettre de séparer le bon grain de l'ivraie?

M. Mintz: La difficulté, c'est que les entreprises qui ont tendance à émettre des actions sont celles qui manquent de ressources internes ou qui n'ont pas antérieurement développé suffisamment de ressources internes. Elles sont donc forcées d'émettre des actions. Les investisseurs se fondent sur certains signes pour distinguer les bonnes entreprises des mauvaises.

Ce qui se produit souvent -- et le prix des actions en témoigne -- c'est que les actions des petites entreprises sont vendues à rabais. Lors de la première émission publique, les titres de ces entreprises se vendent parfois moins cher qu'ils ne le devraient parce que les investisseurs ont tendance à croire qu'il s'agit de citrons. Ils craignent que trop de citrons ne se lancent sur le marché boursier.

L'idée sur laquelle repose le concept d'imposer le financement par actions est de faire en sorte qu'il soit plus difficile aux mauvaises entreprises de se lancer sur le marché boursier et de faire plus de place sur celui-ci aux bonnes entreprises. Ces entreprises disposent de davantage de ressources internes et, grâce au crédit d'impôt à l'investissement, elles seront encouragées à émettre des actions.

Un crédit d'impôt à l'investissement efficace serait fondé sur l'activité entreprise. Ce crédit favoriserait l'émission d'actions.

Le sénateur Austin: J'aimerais discuter davantage de cette question, mais ce n'est pas possible dans ce contexte.

M. Mintz: Nous pourrons peut-être y revenir.

Certaines pénalités fiscales s'appliquent au financement par actions, ce qui est l'autre raison pour laquelle ce mécanisme n'est peut-être pas adéquat. Les gouvernements ne partagent pas vraiment les risques avec les investisseurs par l'intermédiaire du système fiscal. Les gouvernements ne veulent qu'engranger les bénéfices. Si l'investisseur est imposé au taux de 50 p. 100, le gouvernement prendra 50 p. 100 de ces bénéfices, mais s'il perd 50 p. 100 de son investissement, le gouvernement ne lui remboursera pas 50 p. 100. Autrement dit, le gouvernement ne partage pas à parts égales la perte. Le report d'une perte peut se faire sur une année antérieure ou une année postérieure, mais cette perte n'est pas remboursée au complet. Par conséquent, on peut dire qu'il y a pénalité fiscale sur les investissements risqués parce que les pertes ne sont pas complètement remboursées.

Je ne dis pas que ce devrait être le cas. Le problème qui se pose dans une économie ouverte comme celle du Canada, c'est que si le Canada devait être le seul pays à pleinement rembourser les pertes d'investissement, les entreprises multinationales seraient promptes à inscrire leurs pertes au Canada pour bénéficier des crédits d'impôt du gouvernement canadien. Nous devons accepter cette situation. Lorsque les taux d'imposition sont très élevés, cela pénalise cependant les projets et les entreprises présentant des risques.

Le sénateur Kroft: Aux États-Unis, les entreprises peuvent présenter une déclaration de revenus consolidée et répartir ainsi les pertes et les bénéfices entre plusieurs entités. La façon très rigoureuse dont nous traitons les entreprises ayant des liens de dépendance ne revient-elle pas à une autre façon de rembourser les investisseurs pour leurs pertes?

M. Mintz: C'est une autre façon de rembourser une proportion plus élevée des pertes. Le remboursement ne sera pas intégral, mais le fait de permettre aux entreprises de consolider leurs pertes et leurs bénéfices lorsqu'elles ont des liens de dépendance pourrait améliorer la situation. C'est une question complexe en elle-même.

Je peux vous assurer que le comité technique sur la fiscalité de l'entreprise a eu de longues et pénibles discussions sur la question. Il est difficile de dire quand une entreprise appartient ou non à un groupe et la façon dont cela a une incidence sur les règles touchant la propriété des entreprises, c'est-à-dire les règles qui régissent la façon dont une entreprise peut être achetée et les pertes qui peuvent être transférées lors du changement de propriété. C'est une question très compliquée sur laquelle il faudra beaucoup réfléchir. Il y a des façons d'atteindre ces objectifs.

Le sénateur Kroft: Les Américains savent très bien le faire.

M. Mintz: Le système de transfert des pertes existe également au Royaume-Uni. Au Canada, nous avons toléré davantage de transferts de pertes de la part d'entreprises en situation déficitaire à des entreprises rentables. En 1988, le ministre des Finances a pris un règlement permettant aux entreprises ayant une participation d'au moins 50 p. 100 dans une autre entreprise de transférer les pertes de l'une à l'autre. Certaines des transactions que cela suppose peuvent cependant être interdites ou assujetties à certaines restrictions.

Qu'adviendrait-il si le Canada permettait la consolidation des pertes ou le transfert des pertes dans une proportion de 70 à 80 p. 100? Déciderait-on de resserrer les règles actuelles touchant le transfert des pertes dans une proportion de 50 p. 100? Cela soulève toute la question du coût de cette consolidation.

Un autre facteur dont il faut tenir compte est que le Canada permet dans le cas des grandes entreprises une intégration partielle des impôts des entreprises et des impôts sur le revenu personnel. Par conséquent, il y a double imposition, ou du moins imposition excessive du revenu tiré d'actions par rapport au revenu d'intérêts ou aux autres types de revenus provenant d'investissements dans des entreprises, tant que ce revenu est déductible au niveau des entreprises. Le régime fiscal comporte des éléments dissuasifs à cet égard.

En outre, le régime ne permet pas l'indexation en fonction de l'inflation du revenu du capital, y compris des gains en capital. Compte tenu du fait que les taux d'inflation sont de 1 ou 2 p. 100, cela ne nous inquiète pas tant aujourd'hui que dans les années 70, lorsque les taux d'inflation se sont maintenus entre 8 et 10 p. 100 pendant un certain nombre d'années. Il n'en demeure pas moins que l'inflation a un effet cumulatif. Si l'on indexait le coût initial des actifs ou des actions en fonction de l'inflation, il faudrait accroître la valeur du coût initial d'environ 10 p. 100 au cours des cinq dernières années même si les taux d'inflation sont bas.

Le président: Je ne rejette pas la théorie sur laquelle repose cette idée. La difficulté, c'est que cela soulève la question de l'indexation de toutes sortes d'autres éléments du régime fiscal. L'indexation ne pourrait pas s'appliquer seulement aux gains en capital. C'est une proposition qui soulève une question de politique beaucoup plus vaste.

M. Mintz: Je ne fais pas de suggestion. Je dis simplement qu'il faut reconnaître l'incidence de l'inflation. Je conviens cependant avec vous que la question de l'indexation est très complexe en ce qui touche le revenu du capital, et c'est pourquoi j'ai souligné le fait que nous n'indexons pas en fonction de l'inflation le revenu du capital, y compris les gains en capital en raison du problème que cela soulève en ce qui touche les emprunts.

Nous pouvons déduire l'intérêt sans tenir compte de l'inflation. Par conséquent, si l'on indexe en fonction de l'inflation les gains en capital, mais que nous ne prévoyons pas d'indexation pour les emprunts, on peut finir par subventionner l'acquisition d'actions dans la mesure où les gens empruntent de l'argent pour acheter des actions. Cela soulève la question de savoir si l'on veut vraiment permettre l'indexation complète en ce qui touche le revenu du capital.

Je ne fais pas de suggestion; je soulève simplement la question. Ce que je pourrais peut-être suggérer, c'est de prévoir des taux un peu moins élevés que ceux de mon exemple.

Bien que je vienne de vous décrire trois pénalités fiscales liées au financement par actions, l'acquisition d'actions présente certains avantages, dont le plus important est que les investisseurs peuvent reporter l'impôt à verser sur les gains en capital jusqu'à ce qu'ils aient vendu leurs actifs. Le régime fiscal préfère imposer les gens à mesure qu'ils accumulent un revenu, ou le gagnent chaque année. En principe, on veut imposer les gains en capital à mesure qu'ils s'accumulent; autrement dit, on impose le changement d'une année sur l'autre de la valeur marchande des actifs, que leur détenteur les vende ou non. Nous traitons de la même façon les revenus d'intérêts et les autres types de revenus.

Les gens peuvent éviter de payer des impôts sur les gains en capital en reportant ces impôts jusqu'à ce qu'ils vendent leurs actifs. On peut parler d'investissements bloqués dans la mesure où leurs détenteurs conservent leurs actifs plus longtemps qu'ils ne le voudraient afin de reporter l'impôt sur les gains en capital qu'ils devront payer lors de la vente de ces actifs.

Le régime fiscal canadien comporte un certain nombre de dispositions de roulement dont peuvent se prévaloir les détenteurs d'actifs.

Le président: Que pensez-vous de la disposition de roulement qui existe aux États-Unis et qui permet au propriétaire d'une petite entreprise, pourvu qu'il rachète dans les 60 jours une autre petite entreprise, de reporter l'impôt qu'il aurait à payer jusqu'à ce qu'il revende sa nouvelle acquisition?

M. Mintz: Cela revient à un investissement bloqué. Notre système n'est pas parfait. Cette situation amène sans doute des gens à conserver des actifs pendant trop longtemps, et lorsqu'on veut changer la direction d'une entreprise, par exemple, on veut permettre un roulement. Notre système prévoit déjà un certain nombre de dispositions de roulement.

En cas de fusion, des dispositions de roulement permettent de reporter l'impôt à verser sur les gains en capital lorsqu'il y a changement de propriété d'une entreprise ou réorganisation de celle-ci. Je ne m'oppose pas en principe à ce que l'on permette aussi cela dans le cas des petites entreprises. Il faudrait cependant s'assurer de pouvoir établir correctement la valeur des actions.

Le sénateur Kroft: Si l'on songeait à imposer les gains accumulés et la valeur des actifs, songerait-on aussi en pratique à le faire pour les pertes non matérialisées?

M. Mintz: Le régime fiscal canadien prévoit déjà le versement de l'impôt accumulé sur les gains en capital. C'est ce qu'on appelle la règle sur la valeur marchande des institutions financières aux termes de laquelle elles sont imposées sur le changement de la valeur marchande de leurs actifs. Cette règle permet la radiation des pertes intégrales. Il s'agit vraiment du versement de l'impôt accumulé sur les gains en capital.

Le sénateur Kroft: Qui est visé par cette règle?

M. Mintz: Les établissements financiers et les sociétés d'assurance.

Le sénateur Austin: Vous parlez des institutions qui ont des actifs liquides.

M. Mintz: De l'autre aspect de la question. Il n'y a pas d'imposition accumulée pour deux raisons. Je ne connais aucun pays qui applique ce principe. Premièrement, il serait très difficile d'évaluer la valeur de nombreux actifs. C'est particulièrement vrai en ce qui touche les actions des sociétés privées, les terrains et les biens immobiliers. La valeur de ces actifs est assez subjective. Il serait très difficile d'établir cette valeur chaque année.

Deuxièmement, le problème des actifs liquides se pose aussi dans certains cas. Certains investisseurs peuvent posséder des actifs dont la valeur augmente, mais c'est peut-être leur seul revenu. S'ils devaient de l'impôt sur les gains en capital à l'égard de la valeur de l'augmentation de leurs actifs, ils ne disposeraient peut-être pas suffisamment de revenu pour payer cet impôt. Ils seraient alors forcés de vendre certains de leurs actifs, ce qui poserait des difficultés s'il s'agissait notamment d'une ferme. Sur une ferme, on ne peut pas vendre une acre par-ci, une acre par-là.

L'impôt sur la valeur accumulée n'est donc pas pris en compte. Nous le faisons seulement dans le cas des établissements financiers.

L'exemption à vie pour les gains en capital favorise également l'acquisition d'actions. Il existe aussi d'autres stimulants fiscaux spéciaux dont on a déjà parlé. Permettez-moi de vous présenter certaines solutions en matière de politique fiscale.

La déduction accordée aux petites entreprises représente un programme fédéral de soutien d'une valeur de 3 milliards de dollars par année, puisque les petites entreprises sont imposées à un taux beaucoup moins élevé que les grandes. Comme on l'a déjà dit, les entreprises dont les actifs dépassent 50 millions de dollars n'ont pas droit à la déduction accordée aux petites entreprises. Cette déduction est alors récupérée. L'entreprise dont les actifs se situent entre 10 et 15 millions de dollars n'a plus droit à cette déduction.

La déduction accordée aux petites entreprises peut être considérée comme une mesure qui entrave la croissance des entreprises dans la mesure où celles-ci perdent tout droit à cette déduction. Je m'inquiète beaucoup du manque de croissance des petites entreprises. Le comité technique sur la fiscalité de l'entreprise a recommandé que la déduction accordée aux petites entreprises soit établie en fonction du nombre d'employés que comptent celles-ci. Une déduction plus élevée pourrait être accordée aux entreprises qui comptent plus d'employés. On pourrait accorder un crédit. Ainsi, nous avons recommandé qu'une partie des primes d'assurance-emploi versées par l'employeur soient déduites de l'impôt qu'aurait à verser son entreprise, jusqu'à concurrence de 3 p. 100. Le taux d'imposition d'une entreprise diminuerait à mesure qu'elle crée davantage d'emplois.

Le sénateur Meighen: Vos recherches permettent-elles d'établir d'autres raisons -- outre le fait que la déduction accordée aux petites entreprises disparaît à partir d'un certain niveau -- qui expliquent que les petites entreprises n'ont pas tendance à croître au Canada? D'après certains, les propriétaires de petites entreprises canadiennes ne souhaitent pas partager leur entreprise avec qui que ce soit. C'est peut-être un problème d'attitude.

M. Mintz: Beaucoup de petites entreprises sont constituées en sociétés parce que le travailleur autonome veut réduire ou reporter les impôts à verser sur son revenu d'entreprise. Ainsi, Jack Mintz Incorporated tire des revenus de son entreprise de consultation. Si j'étais constitué en société et que je n'avais pas besoin de retirer l'argent de l'entreprise, je pourrais éviter de payer un taux d'imposition sur le revenu personnel de 50 p. 100. Mon entreprise ne paierait que 20 p. 100.

Le sénateur Meighen: La même situation existe-t-elle aux États-Unis? Pourquoi la situation est-elle tellement différente?

M. Mintz: J'y reviendrai plus tard. Les mentalités ne sont pas les mêmes aux États-Unis et au Canada. Nous devons cependant étudier nos politiques.

Le sénateur Austin: Faisons un lien entre la déduction accordée aux petites entreprises et le niveau d'emploi. Il peut être bon pour des raisons sociales et économiques d'établir un lien entre ces deux choses si la croissance d'une entreprise dépend du nombre d'employés qu'elle compte, mais dans le domaine de la technologie de l'information la croissance d'une entreprise n'est pas liée à son nombre d'employés. Les stimulants fiscaux peuvent avoir des conséquences inattendues. On pourrait vouloir récompenser les entreprises qui augmentent le nombre de leurs employés même si leurs bénéfices n'augmentent pas beaucoup. Une autre entreprise peut cependant croître beaucoup plus rapidement sans avoir droit à cette déduction, et payer une pénalité. Cela soulève la question de l'équité fiscale. Vous pensez qu'il ne faut pas attacher d'importance à ce facteur

M. Mintz: Vous avez raison de faire remarquer que ce genre de mesure bénéficierait surtout aux entreprises à forte concentration de main-d'oeuvre. Le problème se pose également si l'on essaie de lier la déduction aux impôts sur les actifs. Les petites entreprises ne paient pas d'impôt sur les actifs parce qu'elles ont droit à certaines déductions à cet égard.

Notre recommandation se fonde sur le fait qu'il existe déjà plusieurs stimulants pour ce qui est du revenu du capital, mais qu'il n'en existe pas beaucoup en ce qui touche les charges sociales, une situation qui préoccupe beaucoup les petites entreprises. Nous avons pensé que cette mesure permettrait de combler l'écart.

Le sénateur Kenny: Si vous avez présumé que les entreprises veulent faire des bénéfices, avez-vous calculé quelle serait l'incidence sur les recettes fiscales de l'abaissement des taux d'imposition des entreprises? Je présume que tôt ou tard l'argent quittera l'entreprise, et c'est à ce moment-là qu'il est possible de l'imposer.

Si le taux d'imposition des entreprises était moins élevé, cela stimulerait sans doute leur croissance, avec tous les avantages qui en découleraient. On semble toujours penser que le gouvernement ne peut pas se permettre de reporter ses recettes. Je ne sais pas à combien s'élèveraient ces recettes, quelle serait la durée du report et dans quelle mesure l'abaissement du taux d'imposition se traduirait par une croissance qui compenserait pour les recettes reportées. Que coûterait cette mesure au gouvernement? Que lui rapporterait-elle à long terme à différents niveaux d'imposition?

M. Mintz: Tout dépend de la façon dont vous faites la comparaison. Le gouvernement se priverait évidemment de certaines recettes, mais cette mesure entraînerait des avantages.

Voici cependant ce qui m'inquiète vraiment. Si vous vouliez établir l'incidence du report des recettes du gouvernement, vous devriez tenir compte du fait que lorsqu'on cherche à favoriser la croissance d'un certain type d'industrie, les gouvernements ont besoin d'un certain niveau de recettes qu'ils doivent générer par des impôts. Il faut tenir compte de ce facteur. La question qui se pose est alors la suivante: l'octroi d'une déduction aux petites entreprises est-elle la façon la plus efficace de stimuler l'économie?

Le sénateur Kenny: Je vais plus loin que cela. Je demande pourquoi il est nécessaire d'imposer les entreprises. Si vous disiez qu'il vaudrait mieux supprimer l'impôt sur les entreprises parce que le gouvernement récupérerait éventuellement cet argent et que cela stimulerait l'économie, la question qui se pose est celle-ci: pendant combien de temps le gouvernement devrait-il attendre pour récupérer cet argent? De quelle somme s'agit-il? Comment ce système fonctionnerait-il?

M. Mintz: Il serait bon de discuter à un autre moment de la question générale de l'imposition des entreprises. Si vous étudiez plus à fond cette question, je vous expliquerai pourquoi il est bon dans certains cas d'imposer les entreprises. Je ne m'étendrai pas longtemps là-dessus, puisque j'ai déjà abordé la question, mais permettez-moi de vous présenter un bref argument qui milite en faveur de cet impôt.

Un impôt sur le revenu des entreprises est nécessaire lorsqu'il existe un impôt sur le revenu des particuliers parce qu'on ne peut pas imposer les gains en capital à mesure qu'ils s'accumulent. Nous pouvons nous servir de l'impôt sur le revenu des entreprises comme d'une retenue d'impôt. Si un particulier essaie d'investir dans une entreprise pour éviter de payer de l'impôt sur le revenu personnel, il devra payer l'impôt sur le revenu de l'entreprise. Compte tenu des méthodes d'intégration complète qui existent, comme les crédits d'impôt pour dividendes, lorsque le particulier retire de l'argent de l'entreprise, il doit payer le même taux d'impôt que s'il avait gagné cet argent directement.

L'impôt sur le revenu des entreprises complète l'impôt sur le revenu personnel. Voilà pourquoi on ne peut pas l'éliminer complètement. Par conséquent, je ne recommanderais pas cette mesure.

Vient ensuite la question des taux d'imposition. Le système actuel est fondé sur l'intégration et prévoit un taux d'imposition du revenu des entreprises de 20 p. 100. Enfin, les grandes entreprises non manufacturières paient un taux d'imposition allant jusqu'à 43 p. 100. Il faut se demander si le taux devrait être si élevé. C'est un sujet que j'aimerais beaucoup aborder, mais je ne le ferai pas maintenant.

Quant aux crédits visant à favoriser le financement par actions, ils sont inefficaces, comme bon nombre d'études l'ont révélé, et notamment une étude sur les régimes d'épargne-actions du Québec. Il suffit de regarder dans le journal quel est le taux de rendement des fonds de travailleurs. Des études ont été menées sur les actions accréditives pour les investissements dans les ressources non renouvelables. Je n'en ai pas parlé plus tôt, mais c'est une façon d'accroître les capitaux des nouvelles sociétés pétrolières, gazières et minières et de leur permettre de récupérer leurs pertes.

Bon nombre d'études révèlent que ces stimulants sont intéressants pour les investisseurs du point de vue de leur valeur après impôt, ou du moins qu'ils leur assurent un taux de rendement suffisant. Ces investissements n'ont cependant pas été très rentables. Cela nous amène à nous demander si ces stimulants ne servent pas à subventionner trop d'entreprises dont les projets ne sont pas très prometteurs.

Les crédits pour acquisition d'actions qu'offrent les provinces nuisent dans une certaine mesure à la mobilité des capitaux dans l'union économique canadienne parce que ces crédits s'appliquent aux investissements qui sont faits dans des entreprises de la province visée. Ces crédits morcellent les marchés de capitaux. Voilà pourquoi je ne les aime pas beaucoup.

Parlons maintenant des impôts sur les gains en capital. L'exemption à vie pour les gains en capital encourage la création d'entreprises privées, mais non pas d'entreprises publiques. Les SPCC, sociétés privées sous contrôle canadien, de toute taille peuvent y avoir recours. Par conséquent, l'exemption à vie pour les gains en capital n'atteint pas nécessairement l'objectif visé.

Le ministère des Finances a évalué l'incidence de cette exemption. Ces études ont révélé que cette exemption ne stimulait pas les investissements dans les entreprises présentant des risques comme on l'espérait, en partie en raison du plafond fixé. Tout revenu supérieur à 500 000 $ est pleinement imposé. Par conséquent, la déduction n'est pas aussi efficace qu'on pourrait le croire.

L'exclusion partielle des gains en capital est normale. Si nous voulions améliorer l'intégration, la rapprocher du taux d'imposition des grosses sociétés, ou encore si dans le pays nous avions un taux unique pour l'impôt sur le revenu des sociétés, on finirait probablement par réaliser l'intégration, le crédit d'impôt pour les dividendes ainsi que l'exclusion partielle des gains en capital.

Le président: Il y a quelque temps, les gains en capital n'étaient pas limités aux sociétés privés sous contrôle canadien; c'était l'exception. Cela a commencé à 500 000 $ et, progressivement, cela a été ramené à 100 000 $, pour ensuite disparaître. Étant donné le nombre de Canadiens qui investissent dans des fonds mutuels pour leur retraite, par exemple, que pensez-vous de la question des gains en capital? Oublions un instant la question de savoir si 500 000 $ est un chiffre justifié; que pensez-vous de la possibilité d'investir dans les compagnies privées, mais également dans les compagnies publiques?

M. Mintz: En fait, dans ces études, on s'est penché principalement sur les compagnies publiques. Une autre étude a été effectuée sur les petites entreprises. Toutefois, les meilleures données concernent les compagnies publiques. D'après ces données, l'exemption sur les gains en capital n'a pas eu tellement d'effet sur le prix des titres. Cela est dû au fait que les grosses sociétés, les sociétés publiques, empruntent non seulement au Canada, mais également dans d'autres parties du monde. Également, l'exemption sur les gains en capital est limitée. Beaucoup de gens ont également des économies dans des abris fiscaux, comme les régimes de pension.

Autrement dit, quand on regroupe tous ces facteurs, l'impact sur le prix des titres est minime, et, par conséquent, minime également sur les investissements. Ce n'est pas une chose que je recommanderais.

Le sénateur Austin: J'essaie de bien comprendre votre attitude ou idéologie en ce qui concerne la politique fiscale. Les solutions que vous nous présentez sont d'utiliser activement le système fiscal pour atteindre des objectifs sociaux et économiques qui ne sont plus neutres sur le plan fiscal. Et pourtant j'ai ici une note qui dit qu'en 1998, vous avez dirigé la rédaction d'un rapport du Comité technique sur la fiscalité de l'entreprise qui ne favorisait pas un traitement différent des gains en capital. Vous n'êtes pas pour la neutralité fiscale; vous êtes pour la fiscalité interventionniste.

M. Mintz: Je ne suis pas pour la fiscalité interventionniste. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y avait des problèmes dans les dispositions relatives à la petite entreprise. Je pourrais vous dire: «Il faut s'en débarrasser.» En fait, j'aimerais voir un taux unique pour l'impôt sur le revenu de toutes les sociétés, mais un taux inférieur au taux actuel.

Si nous accordons une déduction aux petites entreprises, il serait préférable de l'axer sur la croissance, ou du moins de ne pas pénaliser la croissance.

L'idée de crédits d'impôt pour le financement par actions est une mauvaise idée. Ne le faites pas, un point, c'est tout.

En ce qui concerne l'imposition des gains en capital, je n'aime pas particulièrement l'exemption à vie pour gains en capital. Les grosses entreprises en profitent pour abuser du système d'impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers. Cette exemption est loin d'être suffisamment ciblée. Il serait bon d'appliquer une exclusion partielle. Si vous voulez vraiment aligner le crédit d'impôt pour les dividendes et l'exclusion partielle des gains en capital sur le taux d'impôt sur le revenu véritablement payé par les sociétés, il faudrait en relever la valeur par rapport à la situation actuelle.

J'aimerais que le taux général soit ramené au niveau du taux des petites entreprises, et j'aimerais également avoir une totale intégration du taux d'imposition des sociétés, un taux unique. On trouve ce système dans un grand nombre de pays, et je considère que ce serait la bonne solution pour le Canada.

Le sénateur Austin: J'aimerais passer à une question dont on a parlé dans le journal d'aujourd'hui, soit le risque d'exode parmi les jeunes qui sont hautement qualifiés dans le secteur de la technologie de l'information. Des compagnies comme Newbridge voudraient qu'on accorde à ces jeunes une sorte d'abri fiscal pour les encourager à rester au Canada. Ce serait une façon très interventionniste d'utiliser le système fiscal. Sans entrer dans les détails, ce que vous recherchez, c'est une forme pragmatique de neutralité fiscale, mais pourriez-vous accepter ce genre d'intervention pendant une période déterminée pour obtenir un résultat particulier?

M. Mintz: Je vais me référer à la page 12; cela m'aidera à répondre à votre question. On y parle des options d'achat d'actions accordées à des employés. Cette proposition, sans être complètement stupide, n'est tout de même pas une bonne idée.

Au Canada, nous traitons les options d'achat d'actions accordées à des employés comme une distribution d'actions. Au moment de l'émission de l'option, la société ne peut pas déduire cela. L'employé devra payer l'impôt sur les gains en capital sur la différence entre le prix d'émission de l'option et le prix d'exercice, et cela s'applique aux trois quarts des gains en capital.

Aux États-Unis, par contre, les options sur actions sont traitées comme un salaire. La valeur des options sur actions est déduite de l'impôt sur le revenu de la société. Toutefois, l'intéressé doit payer la totalité de l'impôt sur la différence entre le prix d'exercice et le prix d'émission des actions. Cela devient un revenu à part entière, et, par conséquent, ce n'est pas traité comme un gain en capital.

Aux États-Unis, les salaires et les versements d'options sur actions sont donc sur un pied d'égalité. Au Canada, pour une petite société, avec la pleine intégration, le traitement est presque équivalent. Toutefois, s'il s'agit d'une grosse société -- et souvenez-vous qu'une société est considérée comme une grosse société au Canada dès qu'elle dépasse un actif de 15 millions de dollars -- notre système fiscal n'encourage pas les options sur actions pour les employés. Les gens ont tout à fait intérêt à recevoir un versement salarial.

C'est ce que j'enseigne à ma classe de maîtrise sur la fiscalité canadienne. Ensemble, nous avons fait les calculs. On peut avoir d'autres raisons d'avoir des options sur actions pour les employés, mais du point de vue purement fiscal, on a tout à fait intérêt à recevoir un salaire ou un versement salarial. Le système américain présente certains avantages, et il faudrait changer la façon de voir les options sur actions pour les employés. Elles deviendraient neutres, et, pour cette raison, ce serait avantageux.

L'idée qui n'a vraiment aucun sens, c'est d'éliminer l'impôt sur les gains en capital pour certains types d'options dans certains secteurs et pour certains travailleurs. Pourquoi est-ce stupide? Pourquoi favoriser un secteur en particulier? Je reconnais que l'exode des cerveaux est un problème. Je travaille dans une université, et j'ai l'occasion de voir à quel point c'est fréquent. Nous devons former les ingénieurs et les informaticiens dont notre industrie a besoin aujourd'hui. Nous avons du mal à trouver des professeurs d'université à cause de l'explosion des salaires dans ces domaines aux États-Unis. Mais pourquoi nous inquiétons-nous uniquement de la situation dans le secteur de la haute technologie? Pourquoi accorder un traitement plus favorable à ce secteur, et non pas aux autres? À mon avis, ce n'est pas une bonne idée.

Ce qui serait plus logique, c'est de repenser le système des options sur actions et de le remplacer par quelque chose qui ressemble peut-être à ce qui existe aux États-Unis.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il devrait y avoir une différence entre la façon dont on traite une compagnie qui démarre et qui distribue des options sur actions et une compagnie bien établie qui est cotée en bourse et également sur le marché secondaire des options. Dans les deux cas, nous traitons les gains en capital de la même façon, mais ce n'est certainement pas la compagnie bien établie qui court des risques.

Je sais que vous n'êtes pas d'accord avec un système à deux paliers, mais je suis d'accord avec vous au sujet de la déduction des options sur actions. Au lieu d'imposer à 75 p. 100 les compagnies qui démarrent, peut-être devrait-on les imposer à 50 p. 100 des gains en capital, pour passer ensuite à 75 p. 100 lorsqu'elles deviennent des compagnies bien établies et qu'elles sont actives sur les marchés secondaires. Il faudrait au moins aider les petites compagnies quand elles sont privées et qu'elles courent de plus grands risques.

J'ai entendu dire que le gouvernement ne voulait pas encourager ce genre de choses parce que les employés des petites compagnies courent de plus grands risques. À mon avis, si les employés y perdent avec ces options sur actions, des options considérées non pas comme un salaire, mais comme un encouragement, s'ils acceptent de courir ce risque et de rester au Canada, il faut qu'ils aient un certain avantage. Il faut les récompenser d'avoir couru ce risque. Si par contre ils décident d'exercer leurs options, à ce moment-là ils devraient être soumis aux règles générales.

Pensez-vous que ce serait un moyen de supprimer les objections du ministère des Finances?

M. Mintz: Nous avons déjà une disposition en ce qui concerne les options sur actions des petites entreprises, une disposition que je n'ai pas mentionnée. Une personne qui travaille pour une entreprise publique et qui reçoit une option sur actions doit payer un impôt sur les gains en capital dès que l'option est exercée. Lorsqu'il s'agit d'une petite entreprise, il n'y a pas d'impôt sur les gains en capital tant que les actions n'ont pas été revendues, parfois longtemps après que l'option a été exercée. Autrement dit, c'est déjà une remise d'impôt qui s'applique uniquement aux options sur actions des employés des petites entreprises. C'est donc un traitement plus favorable. Je ne suis pas entièrement convaincu que ce soit justifié, mais si vous tenez à garder une différence, d'une certaine façon cela existe déjà.

Aux États-Unis, il y a un encouragement fiscal intéressant: lorsqu'une société fait une émission initiale, les propriétaires de l'émission initiale sont imposés à un taux inférieur sur leurs gains en capital à condition de conserver leurs actions pendant une période d'au moins cinq ans après l'émission initiale. En fait, j'ai lu récemment un article où l'on disait que cette disposition aidait dans une certaine mesure les émissions initiales aux États-Unis. Je ne prétends pas que ce soit une bonne idée, mais je suis frappé par la différence qui existe entre les encouragements américains et ceux qui sont pratiqués au Canada.

Le président: Les encouragements à faire des émissions initiales?

M. Mintz: Aux États-Unis, quand on veut encourager, on cherche à encourager la croissance des entreprises, par exemple en encourageant les émissions initiales. Au Canada, quand on cherche à encourager les entreprises, on semble les encourager surtout à rester modestes. Cela va poser des problèmes.

Le sénateur Kroft: J'aimerais avoir des précisions sur le calcul des options sur actions dans une compagnie publique. Supposons que les actions soient à 10 $ aujourd'hui et qu'elles soient émises à 20 $. Expliquez-moi comment on fait le calcul.

M. Mintz: C'est une des questions que j'aurais voulu mieux préparer hier soir, pour me remémorer tous les détails.

Lorsqu'on vend une option pour acheter des actions à un certain prix, par exemple 20 $, et lorsque cette option est exercée à 50 $, d'après ce que j'ai compris, le revenu qui est considéré comme un gain en capital, c'est la différence entre 50 $ et 20 $. Toutefois, il faudrait que je vérifie cela.

Le sénateur Kroft: Au moment où l'option est exercée.

M. Mintz: Exactement. Il y a une chose dont je suis certain, et c'est que le calcul se fait au moment où l'option est exercée. Vous avez ensuite les actions, et si vous les conservez pendant un certain temps, au moment où vous les vendez vous devez payer un impôt sur les gains en capital, c'est-à-dire sur l'augmentation de la valeur des actions par rapport au prix d'exercice.

Le sénateur Kroft: Cela crée un autre problème, car cela décourage les gens d'exercer leur option, et cela laisse en suspens des quantités d'options dans des marchés qui sont déjà surchargés de toutes sortes d'autres options.

M. Mintz: Si je me souviens bien, il y a une chose qui encourage les gens à exercer leur option immédiatement au lieu d'attendre, mais je ne me souviens plus des détails.

Le sénateur Kenny: J'aimerais que nous examinions la question sous un autre angle. Quand vous comparez les options aux États-Unis et au Canada, en accordant aux sociétés une pleine déduction, il me semble qu'on encourage les gens à émettre des options, c'est-à-dire à disperser.

J'aimerais que vous preniez les choses du point de vue de l'actionnaire, et non plus de l'employé, et que vous nous expliquiez comment cela fonctionne.

M. Mintz: Du point de vue de l'actionnaire?

Le sénateur Kenny: Oui.

M. Mintz: Il est exact que cela a un effet de dispersion. N'oubliez pas que lorsque vous obtenez une déduction sous forme de paiement salarial, vous économisez sur l'impôt sur le revenu de la société.

Le sénateur Kenny: Je parle d'un actionnaire qui trouve tout cela formidable: vous distribuez à tous ces gens-là, apparemment gratuitement, mais en fait, ce n'est pas le cas.

Le sénateur Meighen: Ce qu'il voit, ce sont toutes ces options qu'on donne aux directeurs et aux employés.

M. Mintz: En leur accordant un prix avantageux sur les actions de la société. Cela a un effet d'éparpillement.

Le sénateur Kenny: Quand vous comparez les deux, vous nous décrivez une situation où je comprends facilement les avantages du point de vue que vous avez choisi. Je vous demande de voir les choses d'un point de vue différent. Est-ce que votre conclusion serait la même si vous étiez un actionnaire passif de ces compagnies?

M. Mintz: Peut-être. Si vous payez un salaire, cela réduit les dividendes qui vont aux actionnaires. Cela réduit également la valeur des actions, à tel point que les dividendes sont réduits. Si vous émettez une option sur actions, cela fait baisser la valeur des actions et, par conséquent, leur prix diminue. Cela dit, vous devez considérer qu'avec un taux d'imposition identique sur les dividendes et sur les gains en capital, en ce qui concerne l'actionnaire, l'impact reste neutre.

Le sénateur Kenny: Votre attitude dépend du type de compagnie: une compagnie bien établie ou une compagnie en pleine croissance.

M. Mintz: C'est peut-être juste, mais je n'y avais pas pensé.

Le sénateur Kenny: Voilà ce dont nous parlons, des compagnies dont on espère qu'elles vont prendre une expansion énorme, et par conséquent des actions dont la valeur pourrait être très différente. Dans le cas de GM, c'est probablement neutre, mais s'il s'agit de .com, la différence peut être extrêmement importante.

M. Mintz: Dans le secteur de la haute technologie, une compagnie en pleine croissance peut n'avoir absolument aucun revenu pour l'instant. La valeur de la déduction pour salaire dépend alors de la date à laquelle il deviendra possible d'amortir les pertes. Comme cela peut prendre très longtemps, la différence peut finir par disparaître, ou n'être que de 10 p. 100, par exemple. À cause de cela, ces compagnies-là préféreraient de beaucoup une réduction de l'imposition au niveau individuel car elles n'ont pas besoin de la déduction au niveau de la société. Il y a déjà des crédits d'impôt qui annulent totalement le revenu de la société.

Le sénateur Austin: Dans les compagnies en pleine croissance, la sagesse conventionnelle, c'est une gestion axée sur la croissance et non pas sur le revenu. En règle générale, on leur demande d'accepter un revenu inférieur en échange de lendemains meilleurs grâce à leur performance et à leur croissance. Est-ce un concept valide?

M. Mintz: Oui. D'un autre côté, il faut se demander dans quelle mesure le système fiscal doit se plier à ce genre de choses? Je préfère la neutralité.

Le sénateur Meighen: Indépendamment de la possibilité de favoriser certains secteurs, et je sais que vous êtes contre cette idée, et je comprends votre position, aux États-Unis on accorde une possibilité de report à certains secteurs qualifiés. Pensez-vous que cette politique de report soit une possibilité un peu moins malencontreuse?

M. Mintz: Je n'aime pas le terme «secteur qualifié». Cela voudrait dire qu'on choisit certaines industries, certains types d'entreprises et qu'on décide de les traiter mieux que les autres.

Arnold Harberger, de l'Université de Chicago, a fait une étude extrêmement intéressante sur la croissance des industries. D'après cette étude, tous les dix ans c'est une industrie différente qui prend de l'expansion. Cela change d'une décennie à l'autre. Il y a eu la décennie de l'automobile; actuellement, c'est la décennie de la haute technologie.

Ce qui est intéressant dans l'analyse de Harberger, c'est que dans un même secteur, on trouve toute une série de compagnies qui réussissent et d'autres qui ne réussissent pas. Il y a beaucoup de perdants, et seulement quelques compagnies qui finissent en tête. Cela m'a fait conclure -- en fait, c'est également la conclusion d'Arnold Harberger -- que lorsque le gouvernement essaie de choisir les gagnants et les perdants, très souvent il se trompe. Il est très difficile de prédire qui gagnera et qui perdra, même en sachant quel est le secteur qui est en pleine croissance.

Le sénateur Meighen: D'accord. Quelle serait l'incidence, dans n'importe quelle industrie, d'une disposition de report? Cela permettrait le réinvestissement des capitaux et la création de nouvelles sociétés au moyen de réinvestissement des profits de la société mère.

M. Mintz: Cela revient à la question des effets du blocage des capitaux. Il faut le regarder de ce point de vue-là. Le problème de l'impôt sur les gains en capital, c'est qu'on ne paie l'impôt que lorsqu'on vend le bien. On a constaté dans plusieurs pays des cas extrêmes où des gens gardent des actifs pendant très longtemps. Il est difficile d'apporter des changements dans le fonctionnement d'une société si le propriétaire retient les actifs pendant longtemps, refuse de changer d'équipe de gestion ou refuse de vendre les actions et ainsi céder la place à quelqu'un d'autre. Par conséquent, certains pays ont commencé à permettre le report de capitaux afin de favoriser des changements dynamiques dans certains secteurs.

C'était logique dans le cas des regroupements ou des acquisitions, pour lesquels nous avons de telles dispositions. C'est la même chose pour les fusions et les liquidations. Dans certains cas, il est effectivement possible de reporter des capitaux afin de reporter des impôts. La perfection n'est pas de ce monde, et il existe peut-être de bonnes raisons dans ces situations pour permettre de tels reports.

À mon avis, cependant, ces reports devraient être permis seulement dans les cas où il semble exister des obstacles importants à la croissance en raison du manque de roulement de l'équipe de gestion ou de renouvellement de la structure de la société, problème auquel l'impôt sur les gains en capital aurait contribué.

Le président: J'ai une dernière question, qui est de nature presque politique ou philosophique. Elle découle de votre échange avec le sénateur Austin qui, je crois, vous a appelé un interventionniste, ce à quoi vous avez répondu que vous étiez plutôt neutraliste. Je ne suis pas sûr de ce que vous entendez par interventionniste. Vous et moi, nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde. Vous l'êtes plus avec le sénateur Austin, je crois.

D'après ma conception des choses, les incitatifs sont des moyens d'action que les gouvernements emploient pour atteindre leurs objectifs d'intérêt public. Selon la philosophie politique actuelle, ces moyens sont beaucoup mieux que les méthodes utilisées par le passé, c'est-à-dire la force brute et la coercition. Au lieu d'imposer une réglementation sévère, on offre plutôt des incitatifs afin d'amener les gens à se comporter de manière voulue. Si cette conception des choses est juste, je désapprouve ce que vous appelez la neutralité fiscale. Si je veux encourager les PME, j'introduirai des incitatifs au régime fiscal à cette fin. Si je veux favoriser la création d'emplois, j'introduirai des incitatifs fiscaux dans ce sens.

Si je comprends bien, vous vous opposeriez à cette utilisation du système fiscal pour la réalisation des objectifs plus larges dans le domaine de la politique sociale ou économique. Pourquoi? Si vous ne permettez pas l'utilisation du régime fiscal à ces fins, n'enlevez-vous pas au gouvernement un moyen très important d'atteindre ses grands objectifs de politique publique?

M. Mintz: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'à certains moments les gouvernements voudront intervenir dans l'économie et viseront des objectifs de politique sociale ou économique. Ils le font régulièrement.

Le président: C'est l'essence même du rôle du gouvernement.

M. Mintz: Il s'agit de trouver le moyen le plus efficace de mettre en oeuvre ces politiques. Il y a une distinction à faire entre les subventions et les incitatifs fiscaux. Dans le cas des subventions que les gouvernements accordent en votant des crédits, le besoin de justification et le contrôle par le Parlement occupent une plus grande place.

Le sénateur Austin: Elles sont plus visibles aussi.

M. Mintz: Elles sont effectivement visibles. Par ailleurs, elles sont octroyées aux sociétés qui perdent de l'argent tout comme à celles qui font des profits. Les incitatifs fiscaux, par contre, vont seulement aux entreprises qui ont des revenus imposables, à moins qu'ils ne soient remboursables, ce qui est vrai dans certains cas au Canada, par exemple, en ce qui concerne le crédit d'impôt pour la R-D dans le cas des petites entreprises. C'est remboursable en partie pour les petites entreprises, car celles qui affichent des revenus insuffisants ne peuvent pas se prévaloir de l'incitatif fiscal. Les subventions sont un meilleur outil, parce qu'elles sont versées selon ce principe. Ce sont là les arguments en faveur des subventions.

J'aimerais dire aussi au sujet des subventions que le programme pourrait avoir un plafond; on pourrait dire: «Voici le maximum que nous allons octroyer.» Il y aurait des modalités de demande. Un incitatif fiscal n'est pas un programme avec plafond; c'est un programme ouvert. Si on est admissible selon certains critères, on aura l'incitatif. Le gouvernement doit payer tous les montants réclamés.

Or, on défend les incitatifs fiscaux en disant que le processus est moins politique, dans une certaine mesure, que l'octroi des subventions. Beaucoup de gens du secteur privé préfèrent les incitatifs fiscaux pour cette raison.

Je me suis peut-être prononcé trop catégoriquement en faveur de la neutralité. Si vous avez lu mes écrits sur le sujet, cependant, vous savez que je crois qu'il y a lieu parfois d'offrir des incitatifs fiscaux plutôt que des subventions; cependant, il faut bien évaluer la situation. Il faut s'assurer que les incitatifs auront les effets souhaités et que l'on peut les justifier.

Par exemple, il peut être justifié d'offrir des incitatifs pour la recherche et le développement. En effet, lorsqu'une entreprise entreprend des activités de recherche et de développement, d'autres entreprises peuvent en bénéficier en reproduisant les résultats. Celle qui a fait les recherches n'est peut-être pas assez bien récompensée; les bénéfices au niveau social sont plus importants que le rendement financier. Dans ce cas-là, il y aurait lieu d'encourager l'innovation.

Ainsi, il y a une justification pour la mise en place d'encouragements, quels qu'ils soient. Il s'agit de décider si on veut utiliser un système de subvention ou de crédit d'impôt, selon ce qui se fait au Canada.

Afin d'assurer le bon fonctionnement du système de crédit d'impôt, Revenu Canada a dû faire appel à des comités scientifiques pour l'évaluation de divers projets, afin de déterminer si ces projets étaient en effet admissibles au crédit d'impôt. Dans un système axé sur les subventions, il faudrait aussi avoir un processus pour faire la même chose. Beaucoup d'entreprises vont se plaindre des coûts d'application élevés rattachés à ces crédits d'impôt pour la recherche et le développement. Mais pourquoi pas? Il faut qu'il y ait une surveillance et un suivi du système.

Par exemple, il y a des sociétés qui essaient de faire passer une activité interne pour un nouveau projet de technologie de l'information. À défaut d'une évaluation scientifique, on ne pourra pas déterminer s'il s'agit d'un véritable projet de recherche et de développement.

Je recommande la prudence. J'essaie toujours de repérer les distorsions du régime fiscal qui pourraient décourager certains types d'activités, dans le but de les éliminer. Je préconise l'élimination des obstacles de cette nature, plutôt qu'une plus grande différentiation dans le régime fiscal.

Le sénateur Austin: D'après la réponse que vient de nous donner le professeur Mintz, j'ai exactement le même point de vue. Ce qu'on dit, en effet, c'est: «Je crois à la neutralité, mais j'agis de façon pragmatique.»

Le président: La position du sénateur Austin, c'est qu'il faut être interventionniste si nécessaire, mais pas nécessairement. C'est le brillant pragmatisme du Parti libéral!

Au nom du comité, je voudrais vous remercier, professeur Mintz. Nous venons de passer deux heures très fructueuses.

La séance est levée.


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