Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 54 - Témoignages du 8 juin 1999
OTTAWA, le mardi 8 juin 1999
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a été saisi du projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des postes et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous entreprenons aujourd'hui la première des trois journées d'audiences que nous consacrerons au projet de loi C-78 qui traite des pensions du secteur public.
Nous écouterons d'abord les représentants du Conseil du Trésor puis M. Ambaschtsheer.
La parole est à vous.
Mme Sharon G. Hamilton, secrétaire adjointe, Secrétariat, Division des pensions, Conseil du Trésor du Canada: Je vais vous présenter un aperçu rapide de ce projet de loi plutôt long et technique. L'objet principal de cette mesure législative est d'établir un Office d'investissement des régimes de pensions futurs du secteur public et de modifier les principaux régimes de pension de l'administration fédérale, c'est-à-dire ceux de la fonction publique fédérale, des Forces canadiennes et de la GRC.
Les changements traitent des dispositions financières des régimes. Il y aura des modifications des cotisations des employés et de l'employeur ainsi que des prestations versées aux survivants en vertu des régimes.
Le Sénat a déjà examiné, dans le cadre du projet de loi C-71, d'autres modifications apportées aux régimes de pension, qui touchaient deux aspects des prestations. Le gouvernement a également annoncé qu'il introduirait un régime dentaire pour les retraités dans le cadre du régime du secteur public.
Les 52 premiers articles du projet de loi C-78 établissent un Office d'investissement des régimes de pension chargé de placer les cotisations que les employés et l'employeur verseront à l'avenir. Cet Office est très semblable au Fonds de placement du Régime de pensions du Canada, la principale différence résidant dans le fait qu'il investit des régimes de pension d'employeur. Par conséquent, les intervenants dont il doit s'occuper et les rapports qu'il doit présenter sont un peu différents.
Le projet de loi établit un Office composé de 12 administrateurs nommés par le gouverneur en conseil sur recommandation du président du Conseil du Trésor. Celui-ci ne peut recommander que les personnes figurant sur une liste de candidats proposée par un comité, également établi en vertu du projet de loi. Ce comité se compose de représentants recommandés par les comités consultatifs de chacun des trois régimes de pension. Ceux-ci regroupent des représentants des employés, de l'employeur et des retraités. Le comité de mise en candidature comprendra des membres représentant les intérêts des employés et un membre représentant les intérêts des retraités. Son rôle consistera à trouver des candidats compétents pouvant remplir les fonctions d'administrateurs de l'office.
Les administrateurs ne doivent avoir aucun lien avec le gouvernement sur le plan de l'emploi et ne peuvent pas non plus recevoir une pension du secteur public. L'idée est d'établir un Office pouvant agir indépendamment du gouvernement et de l'influence gouvernementale en ce qui concerne les responsabilités d'investissement.
Le projet de loi charge l'office de gérer l'actif des régimes de pension au mieux des intérêts des contributeurs et des bénéficiaires, de placer cet actif en vue d'un rendement maximal tout en évitant des risques indus et d'investir les fonds sans perdre de vue le financement, les politiques et les exigences des régimes de pension. L'office doit donc tenir compte de la conception des régimes de pension et de la population desservie.
Dans le cadre de ses fonctions, il doit établir, par écrit, des principes, des normes et des procédures d'investissement pour chacune des caisses établies. Il y aura une caisse distincte pour chacun des trois régimes de pension. L'office doit surveiller les agents et les employés engagés pour mettre en oeuvre les principes d'investissement. Il doit agir conformément à un code de déontologie et respecter des règles relatives aux conflits d'intérêts. De plus, il doit établir des états financiers concernant ses activités.
Dans l'exercice de leurs fonctions, les administrateurs doivent agir avec intégrité et de bonne foi et avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve une personne prudente dans les mêmes circonstances. S'ils ont des connaissances ou des aptitudes spécialisées, ils sont tenus de s'en servir.
Bien entendu, le conseil d'administration pourra prendre des règlements administratifs régissant son activité. Il doit en transmettre des copies aux ministres responsables des trois régimes de pension et les mettre à la disposition du public. Le conseil d'administration est également tenu d'établir un comité de vérification et un comité de placement, de définir et de respecter des principes, des normes et des procédures établis sur le modèle de ceux qu'une personne prudente mettrait en oeuvre et de veiller à ce que les conseillers en placement se conforment à ces principes, normes et procédures.
L'office doit produire des états financiers respectant des modalités assez détaillées décrites dans le projet de loi, qui prévoit en outre des exigences explicites relativement au rapport de vérification à présenter.
Au chapitre des rapports, l'office doit présenter au ministre des états financiers trimestriels et un rapport annuel sur ses activités. Ce rapport est également mis à la disposition des participants aux régimes et déposé au Parlement.
De plus, l'office doit rencontrer, une fois par année, les membres des comités consultatifs des trois régimes de pension afin de discuter des activités et des procédures.
S'il le juge nécessaire, le président du Conseil du Trésor peut faire procéder à une vérification spéciale de l'office et, au moins une fois tous les six ans, il doit ordonner un examen spécial de ses opérations. Le projet de loi autorise le vérificateur général à demander à l'office tout renseignement qu'il juge utile.
Voilà donc en bref les obligations et les pouvoirs proposés de l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public. Le reste du projet de loi C-78 est consacré à la modification des lois constituant les trois régimes de pension ainsi que d'autres lois relatives à des régimes très particuliers.
Je vais maintenant passer en revue, d'une manière assez détaillée, les modifications proposées à la Loi sur la pension de la fonction publique. En général, des modifications semblables sont proposées aux Lois sur la pension de retraite des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada. Je ne mentionnerai donc en particulier que les différences entre ce qui est proposé pour le régime de pension de la fonction publique et ce qui est proposé pour les autres régimes.
Dans le cas des trois régimes, le projet de loi établit de nouvelles exigences de contribution pour les employés. Le taux de contribution actuel est de 7,5 p. 100 du salaire, moins les cotisations au Régime de pensions du Canada. Le projet de loi prévoit, pour la période allant de janvier 2000 jusqu'à la fin de 2003, des cotisations de 4 p. 100 sur la portion du salaire assujettie au RPC et de 7,5 p. 100 sur le reste du salaire. En pratique, cette disposition va geler le taux de contribution au niveau de 1999.
À partir de 2004, le taux de contribution des employés pourra être fixé par les ministres du Conseil du Trésor, sous réserve de certaines restrictions. En pratique, ils ne pourront pas majorer les cotisations des employés de plus de 0,4 p. 100 du taux applicable de l'année précédente. Ils ne pourront pas non plus porter le total des contributions des employés à plus de 40 p. 100 du coût des prestations du régime, ce qui représente le pourcentage qui a toujours été assumé par les employés.
Le projet de loi modifie en outre deux aspects des prestations de survivant. Dans le passé, l'approbation du versement de prestations de survivant à des personnes autres que le conjoint légal -- autrement dit, au conjoint de fait -- était soumis à l'approbation des ministres du Conseil du Trésor sur une base individuelle. Le projet de loi supprime ce pouvoir discrétionnaire. Les prestations pourront être versées à un conjoint ou à un survivant qui cohabitait avec le contributeur dans une union de type conjugal. Le critère à satisfaire sera objectif et la pension de survivant pourra être versée à un conjoint légal, à un conjoint marié ou encore à une personne avec qui le contributeur cohabitait dans une union de type conjugal.
D'autres modifications portent sur le mandat des comités consultatifs actuels, qui sont chargés d'examiner les régimes et de conseiller le ministre compétent et qui devront comprendre un représentant des retraités.
De plus, d'importants changements sont apportés aux dispositions de financement des régimes de pension. L'actif des régimes actuels est détenu dans des comptes internes du gouvernement. Le projet de loi prévoit que pour le service allant jusqu'à la fin mars 2000, l'actif demeurera dans des comptes de retraite internes distincts. Après cette date, les nouvelles contributions des employés et de l'employeur seront déposées dans une caisse de retraite que l'office pourra investir selon les règles établies dans le projet de loi.
Le sénateur Austin: Pour dire les choses clairement, cela signifie-t-il que les comptes actuels continueront à faire partie du Trésor?
Mme Hamilton: C'est exact, sauf que des parties de ces comptes pourront être transférées à l'office pour investissement. C'est le ministre des Finances qui prendra la décision à cet égard. Les montants ainsi transférés seraient gardés par l'office dans des fonds distincts pour fins d'investissement.
Les comptes de retraite existants continueraient d'être la source des prestations aux employés pour le service antérieur. La caisse de retraite ferait partie de ces comptes, mais cette partie de l'actif serait investie.
Le sénateur Austin: Qui sera responsable de la gestion des fonds faisant partie du Trésor?
Mme Hamilton: Ils continueraient à être détenus de façon interne et recevraient des intérêts selon les règlements.
Le sénateur Austin: Seules les contributions perçues en 2000 et par la suite seront soumises à la gestion du nouvel Office. Est-ce exact?
Mme Hamilton: Oui. Le ministre des Finances a également la possibilité, s'il le souhaite, de transférer une partie des anciens comptes.
Le projet de loi contient en outre des dispositions relatives aux excédents des régimes de pension. Les excédents sont traités de deux façons. Dans le cas des comptes de retraite existants, le gouvernement peut débiter des montants destinés à ramener les soldes au niveau du passif des comptes.
Dans le cas de l'excédent qu'il pourrait y avoir dans les caisses de retraite futures, il y aura toute une gamme de possibilités. On pourra réduire soit les contributions de l'employeur, soit les contributions des employés soit les deux. Le gouvernement pourra également retirer l'excédent. Il appartiendrait au Conseil du Trésor de décider.
Le sénateur Austin: De toute évidence, le nouvel Office a une responsabilité limitée. Le gouvernement continue à assumer la responsabilité envers les titulaires de pensions qui ont acquitté leurs cotisations. Est-ce exact?
Mme Hamilton: C'est bien cela.
Le sénateur Austin: Par conséquent, quelles que soient ces décisions, l'office ne peut pas faire de tort aux bénéficiaires des régimes.
Mme Hamilton: Le gouvernement continue en effet à assumer le risque d'un rendement insuffisant des fonds.
Le sénateur Tkachuk: Vous ne voulez sûrement pas laisser une fausse impression. Qu'arriverait-il si l'office faisait mal son travail et nuisait donc aux contribuables et aux retraités? Par exemple, en cas de déficit, vous pourriez augmenter les cotisations des employés par rapport à leur niveau actuel pour combler l'écart, n'est-ce pas?
Mme Hamilton: Le taux de contribution des employés doit être fixé par rapport au coût des prestations de service courant du régime de pension. S'il y a une période de déficit, mais que les coûts normaux du régime n'ont pas changé, on ne peut fixer le taux de contribution des employés que par rapport aux coûts normaux courants du régime. On ne peut pas tenir compte du fait qu'il pourrait y avoir un déficit à l'égard du passé. On ne peut prendre en considération que le coût des prestations de service courant.
Dans les modifications proposées à la Loi sur la pension de la fonction publique, il y a un élément qui ne figure pas dans les deux autres lois: ce sont les dispositions qui prévoient d'établir un nouveau régime de pension pour les employés de la Société canadienne des postes à partir d'octobre 2000. Ces dispositions comprennent un certain nombre de garanties quant aux caractéristiques du régime au départ. Un an après sa mise en place, le nouveau régime de pension doit devenir un élément négociable de la rémunération des employés des Postes.
Il y a également quelques changements concernant les prestations supplémentaires de décès, qui constituent une assurance-vie en vertu de la partie II de la Loi sur la pension de la fonction publique. Les modifications assureront des avantages sensibles aux retraités en particulier et réduiront les primes des fonctionnaires en exercice.
En ce qui concerne les Forces canadiennes et la GRC, le projet de loi contient des dispositions qui augmenteront la souplesse des régimes. Par exemple, il sera possible d'apporter des améliorations après des consultations avec les participants aux régimes. On prévoit en outre d'établir un régime de pension pour les membres de la réserve des Forces canadiennes.
Enfin, le projet de loi modifie trois autres lois au chapitre des prestations de survivant. Il s'agit de la Loi sur la continuation de la pension des services de défense et de la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, qui avaient précédé les lois actuelles correspondantes. De plus, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires est également modifiée de façon à étendre la définition de survivant aux partenaires du même sexe.
Le président: J'ai deux questions à poser. La première traite de la régie. Pouvez-vous comparer les dispositions de régie du projet de loi à celles que le Comité a examinées en rapport avec le RPC et celles que nous avions étudiées il y a peut-être deux ans et demi dans le cadre de la Loi sur les normes de prestations de pension?
Ma seconde question porte sur deux aspects reliés à l'excédent.
D'abord, pouvez-vous nous donner des renseignements sur l'étendue, le nombre d'années, le montant ou n'importe quel autre aspect de la période pendant laquelle le régime était déficitaire et est donc censé avoir été financé par le gouvernement? J'aimerais avoir une idée de ce qui s'est passé. Les déficits sont presque inévitables dans les premiers temps d'un régime de pension. Avez-vous une idée du montant ou du nombre d'année en cause?
Deuxièmement, de quelle façon cette question d'excédent se rattache-t-elle aux mesures législatives fédérales ou provinciales traitant de l'utilisation de l'excédent dans le cas des régimes à prestations déterminées, par opposition aux régimes à cotisations déterminées?
M. Bryce Peacock, directeur, Secrétariat, Analyse financière, Conseil du Trésor du Canada: Pour répondre à votre première question concernant la comparaison avec le Fonds de placement du RPC, je dirais que le Fonds et l'office sont essentiellement semblables. Comme Mme Hamilton l'a dit, le processus de désignation des candidats est un peu différent. Dans le cas des régimes de pension, on n'a pas la dynamique fédérale-provinciale. Le comité serait formé selon les recommandations des comités consultatifs des trois régimes. Il établirait une liste de candidats au conseil d'administration de l'office et, à son tour, le président du Conseil du Trésor recommanderait les candidats au gouverneur en conseil. La différence, dans le cas du RPC, c'est que le comité chargé de désigner les candidats comprend des représentants des provinces.
Par ailleurs, en ce qui concerne le RPC, les placements peuvent être largement influencés par voie de règlement. En ce qui concerne l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, le gouvernement peut prendre des règlements dans trois domaines reliés au marché des instruments dérivés. L'objet est d'interdire la spéculation: bien que les instruments dérivés puissent être utilisés, on ne peut pas s'en servir pour exercer un effet de levier financier.
Des règlements peuvent également être établis dans le domaine des placements passifs. Pendant les trois premières années, l'office sera limité aux investissements passifs.
Le gouvernement peut en outre accéder à l'actif de l'office par voie de règlement. L'office sera tenu de conserver dans son portefeuille une certaine quantité d'obligations gouvernementales, quantité qui sera reliée à la proportion moyenne d'obligations contenue dans le portefeuille des régimes extérieurs.
La règle des 20 p. 100 est expressément mentionnée dans la Loi sur le Régime de pensions du Canada.
Le président: Voulez-vous parler de la règle sur les placements étrangers?
M. Peacock: Oui.
Le président: Je voulais être sûr que nous parlions des mêmes 20 p. 100.
Le sénateur Meighen: C'est le pourcentage que le gouvernement a l'intention de changer.
Le président: Celui qui devrait être de 30 p. 100.
M. Peacock: Nos projets sont assujettis à la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est la source de la règle sur les placements étrangers. Il n'y a donc aucune mention de cela dans le projet de loi.
Enfin, comme Mme Hamilton l'a dit, l'office a l'obligation de tenir une réunion, une fois par an, avec les comités consultatifs.
Votre seconde question traitait de la Loi sur les normes de prestations de pension.
Le président: Je vais vous préciser ma pensée. Vous voudrez bien excuser ma méfiance innée, mais j'essaie de déterminer dans quelle mesure le gouvernement s'est placé dans une position favorable par rapport aux régimes du secteur privé qui sont soumis à la Loi sur les normes de prestations de pension. Je cherche à déterminer si cette hypothèse est valable ou non.
M. Peacock: D'une façon générale, nous nous conformerons à la Loi sur les normes de prestations de pension.
Je voudrais en venir directement à cette question d'excédent. De tout temps, il a été possible, dans le cas des régimes de pension du secteur privé, de retirer les excédents avec l'approbation du surintendant. Je parle des régimes assujettis à la Loi sur les normes de prestations de pension. Cela s'applique aux personnes qui, d'après le document du régime, ont droit à l'excédent.
L'année dernière, vous vous en souviendrez, le Sénat a adopté le projet de loi S-3 grâce auquel un employeur n'ayant pas droit à l'excédent pouvait être autorisé à le réclamer. Il devait à cette fin obtenir le consentement des deux tiers des participants au régime, tant employés que retraités. La question est donc de savoir si on a droit à l'excédent ou si on le réclame sans y avoir officiellement droit.
Le gouvernement établit une méthode permettant de retirer l'excédent des régimes de pension, l'hypothèse étant que l'employeur y a droit, mais non les membres du régime.
Dans le passé, même si les retraits n'étaient pas autorisés, il y avait des périodes d'exonération de cotisations. En fait, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, ces périodes sont obligatoires si l'excédent atteint une certaine taille. Dans une certaine mesure, la période d'exonération et le retrait de l'excédent ont le même effet.
Le sénateur Stratton: Si le projet de loi S-3 exige l'approbation des deux tiers des participants à un régime privé pour permettre à l'employeur de retirer l'excédent, quelles en seraient les répercussions sur le gouvernement? Si je comprends bien, le gouvernement a le droit de retirer tout l'excédent sans égard aux dispositions du projet de loi S-3. Y avez-vous pensé?
Le président: Je voudrais préciser, pour le compte rendu, que le sénateur Stratton parle du projet de loi S-3, qui modifiait la Loi sur les normes de prestations de pension et qui, je crois, a été adopté en 1998.
M. Peacock: Comme j'ai essayé de l'expliquer, il y a une différence, dans le projet de loi S-3, entre le fait d'avoir droit à l'excédent et de le réclamer. Si, en vertu du document du régime, du contrat de fiducie ou d'un autre titre officiel, l'employeur a droit à l'excédent, il peut le retirer en totalité sans intervention des employés. Il a l'obligation de les informer, mais il n'a pas à obtenir le consentement de deux tiers des participants.
Le projet de loi S-3 a établi un processus permettant à un employeur qui n'a pas directement doit au surplus de le réclamer à condition d'obtenir un vote favorable des deux tiers des participants. Cela revient à négocier avec les membres l'utilisation de l'excédent.
Le sénateur Stratton: Je comprends, mais ma question était la suivante: avez-vous tenu compte des répercussions de projet de loi C-78 sur le projet de loi S-3? Y a-t-il de telles répercussions? En d'autres termes, si le gouvernement est autorisé à retirer l'excédent sans possibilité de recours pour les syndicats de la fonction publique, le secteur privé ne sera-t-il pas tenté d'invoquer cela comme précédent devant les tribunaux pour obtenir le droit de faire la même chose?
M. Peacock: Oui, nous étions conscients de l'existence du projet de loi S-3 lorsque nous avons rédigé le projet de loi. Comme le ministre l'a dit à maintes reprises, le gouvernement est d'avis que les participants au régime de pension n'ont pas droit à l'excédent. Par conséquent, le projet de loi C-78 établit une méthode permettant de réduire l'excédent d'une manière ordonnée. Encore une fois, il importe de souligner la différence entre le fait d'avoir droit à l'excédent et de le réclamer. Le point de vue du gouvernement, c'est que les employés n'ont pas le droit légal de réclamer l'excédent. En définitive, ce sont les tribunaux qui vont trancher cette question. Mais nous étions bien sûr au courant de l'existence du projet de loi S-3.
Le sénateur Stratton: Avez-vous envisagé la possibilité que les entreprises du secteur privé contestent le projet de loi S-3 devant les tribunaux en soutenant que si le gouvernement fédéral peut s'approprier l'excédent, elles peuvent le faire également? Avez-vous obtenu un avis juridique sur cette question?
Mme Hamilton: Nous n'avons pas obtenu d'avis juridique sur la question de savoir si la Loi sur les normes de prestations de pension pouvait, d'une façon ou d'une autre, être contestée par suite de l'adoption du projet de loi C-78. Je dois dire que je ne pensais pas que ce soit possible. M. Peacock essayait d'établir que le gouvernement est certain d'avoir droit à l'excédent, d'un point de vue juridique. Par conséquent, on pourrait établir un parallèle avec l'employeur qui, en vertu de la Loi sur les normes de prestations de pension, aurait clairement droit à l'excédent. Toutefois, en ce qui concerne les répercussions réciproques des deux mesures législatives, les avis juridiques que nous avons obtenus jusqu'ici n'en faisaient pas mention.
Le sénateur Austin: Je crois savoir qu'en vertu de la Loi sur les normes de prestations de pension, tout retrait d'un excédent par l'employeur doit être approuvé au préalable par le surintendant des institutions financières. Est-ce que cela est exact?
M. Peacock: Oui.
Le sénateur Austin: Par conséquent, l'employeur ne peut en aucune façon porter atteinte à l'intégrité de la caisse de retraite.
M. Peacock: C'est exact.
Le sénateur Austin: Dans le présent cas, c'est le ministre des Finances qui ferait les retraits.
M. Peacock: Ce serait plutôt le président du Conseil du Trésor.
Le sénateur Austin: Le Conseil du Trésor approuverait un tel retrait.
M. Peacock: Oui.
Le sénateur Austin: Il existe donc un système d'examen parallèle au sein du gouvernement. Dans un cas, il y a le surintendant des institutions financières. Dans l'autre, le ministre des Finances présente une demande au Conseil du Trésor. C'est bien cela?
M. Peacock: Oui, c'est exact.
Le sénateur Tkachuk: En établissant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, vous semblez vous être beaucoup inspiré du processus législatif suivi par le gouvernement lorsqu'il a établi le Fonds de placement du Régime de pensions du Canada. Vous vous souviendrez peut-être qu'à cette époque, le Sénat avait longuement débattu les pouvoirs du conseil d'administration du Fonds. Le comité sénatorial des banques a formulé quelques recommandations au ministre des Finances au sujet des dispositions de régie.
Avez-vous tenu compte de ces recommandations? Vous êtes-vous inspirés du rapport du comité sénatorial des banques lorsque vous avez défini les dispositions de régie de l'office?
Mme Hamilton: Oui, nous l'avons fait.
M. Peacock: Nous étions au courant de ces recommandations. Je crois d'ailleurs que le ministère des Finances y avait répondu. Le RPC doit faire l'objet d'un examen trisannuel dans le cadre duquel on avait l'intention d'examiner ces recommandations.
Voulez-vous que je les passe en revue?
Le sénateur Tkachuk: La raison que le ministre des Finances a invoquée pour ne pas mettre en oeuvre beaucoup des recommandations était qu'il devait consulter ses homologues provinciaux dans le cadre de l'examen trisannuel avant de pouvoir incorporer ces dispositions. Dans ce cas particulier, le ministre n'a pas cette excuse. Pourquoi alors n'a-t-on pas mis en oeuvre ces recommandations? Le ministre des Finances semblait accepter beaucoup d'entre elles.
M. Peacock: Oui, c'est bien le cas, à condition, comme vous l'avez mentionné, qu'elles soient revues dans deux ou trois ans.
Le sénateur Tkachuk: Précisons. Il a déclaré dans sa lettre qu'il ne pouvait pas adopter ces recommandations parce que tout changement nécessitait un processus de consultation avec les ministres des Finances des provinces. Dans ce cas particulier, comme il a exclu les employés de toute l'affaire, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas tout simplement adopté ces recommandations?
M. Peacock: Je ne crois pas que c'était là le seul motif du ministre. Par exemple, l'une des recommandations traitait de la règle sur les placements étrangers, à laquelle nous ne pouvons pas toucher.
Le Sénat a soulevé la question d'une gestion active dans deux ou trois ans. Comme je l'ai déjà mentionné, les règlements imposeront probablement une gestion passive pendant environ trois ans, après quoi on pourra envisager une gestion active. Je veux parler de l'achat d'actions.
Le Sénat avait recommandé que le conseil d'administration compte 15 membres. Le projet de loi en propose 12. Dans ce contexte, nous avons passé en revue différents autres conseils d'administration, comme celui de la Caisse de retraite des enseignants, qui a neuf administrateurs, celui de l'OMERS, qui en a 13, et celui de l'OPSU, qui en a 10. Nous sommes d'avis qu'il faudrait attendre deux ou trois ans pour voir comment les choses vont évoluer, en surveillant ce qui se passe du côté du Fonds de placement du RPC. Nous pourrions bien sûr avoir un débat sur le nombre d'administrateurs.
Le Sénat avait en outre recommandé de renvoyer le rapport annuel du Fonds de placement du RPC à un comité du Sénat ou de la Chambre. Dans ce cas, la décision appartiendra au Parlement. Le rapport annuel de l'office, tout comme ceux des différents régimes de pension, sera déposé au Parlement, qui décidera de ce qu'il convient d'en faire. Les rapports de ce genre sont ordinairement renvoyés à un comité.
Le sénateur Tkachuk: Avez-vous adopté une recommandation quelconque du rapport du comité des banques?
M. Peacock: Je ne crois pas que nous ayons adopté une recommandation précise. En définitive, le Sénat appuyait l'idée générale de l'office et sa composition. L'office examinera les diverses recommandations concernant les rapports et les autres questions de cette nature.
Le sénateur Meighen: Au sujet du conseil d'administration, monsieur Peacock, vous savez sans doute que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a recommandé que la majorité des administrateurs aient des connaissances spécialisées en gestion de caisses de retraite. Fait intéressant, l'OMERS a opté pour un conseil d'administration «profane», c'est-à-dire formé de non-spécialistes, tandis que la Caisse de retraite des enseignants a suivi la voie inverse. Sans vouloir vous offusquer, je trouve que vous avez carrément choisi de rester au milieu en incluant dans le projet de loi une disposition disant qu'il est souhaitable qu'un nombre suffisant d'administrateurs aient des compétences financières. Je m'interroge sur ce que cela veut dire. Allez-vous former une sorte de conseil d'administration hybride?
M. Peacock: Le projet de loi s'inspire des dispositions législatives établissant le Fonds de placement du RPC. Par conséquent, on veut s'assurer qu'il y a suffisamment de compétences financières ainsi que d'autres compétences pertinentes au sein du conseil d'administration.
Lorsque les comités de mise en candidature établiront leur liste, ils voudront sans doute examiner toute la gamme des critères. La liste contiendrait les genres de compétences et de capacités qu'on veut avoir au sein du conseil d'administration d'une caisse de retraite, sans que tous les détails figurent nécessairement dans la loi. Pour nous, l'expression «expérience de travail propre à aider l'office» comprend ce que vous avez mentionné, c'est-à-dire une certaine connaissance des régimes de pension, sinon une expérience de la gestion proprement dite de tels régimes.
Lorsqu'on constitue un conseil d'administration, il est préférable d'avoir une combinaison de compétences, des gens ayant du jugement, d'autres qui ont l'expérience de la gestion d'une grande entreprise, et cetera. Le comité de mise en candidature tiendrait compte de tout cela en établissant sa liste. Comme vous le savez, il est de l'intérêt de tous, dans ce cas, d'avoir un conseil d'administration d'une compétence exceptionnelle.
Nous ne parlons ici que d'un Office d'investissement. Dans le cas de la Caisse de retraite des enseignants et de l'OMERS, les conseils d'administration s'occupent non seulement des placements, mais aussi de l'administration, c'est-à-dire de la gestion du régime. L'orientation peut être un peu différente si le conseil est formé de profanes, par opposition à des spécialistes. Dans le cas présent, nous parlons d'un conseil d'administration qui serait exclusivement responsable du placement de l'argent dans le but explicite, comme le dit le projet de loi, d'obtenir un rendement maximal sans risque indu.
Le sénateur Meighen: Je trouve que l'adjectif «suffisant» est plutôt vague. Si vous deviez vous acquitter de cette responsabilité, comment sauriez-vous que vous vous en êtes acquitté? Si vous aviez dit «une majorité», ce serait une chose, parler d'un «nombre suffisant» en est une autre. Je suppose que si le rendement n'est pas très bon, vous pourriez en déduire que vous n'aviez pas un nombre suffisant d'experts.
M. Peacock: On en sait davantage après coup. Mais nous sommes en train d'établir un cadre en suivant des lignes directrices et une formulation qui ont servi dans d'autres mesures législatives. Nous avons fait un jugement de valeur. On ne peut pas toujours tout exprimer, parce qu'une fois les mots écrits, comme vous le savez, les avocats et d'autres vont les interpréter de différentes manières.
Le sénateur Oliver: Lorsque vous avez rédigé les dispositions concernant la régie de l'office, avez-vous beaucoup consulté des experts du domaine afin de comprendre ce que sont les principes actuels de régie des organismes? Si vous l'avez fait, avez-vous tenu compte des résultats de ces consultations? Je pense à des gens comme M. Ambaschtsheer et d'autres, qui sont reconnus à titre d'experts dans ce domaine.
En outre, avez-vous tenu compte des recommandations de notre comité en ce qui concerne la régie des fonds de pension? Si non, pourquoi ne l'avez-vous pas fait?
M. Peacock: Nous n'avons pas procédé à des consultations comme dans le cas du RPC. On l'avait déjà fait pour nous lors de l'établissement du conseil d'administration du Régime.
Je suis heureux que vous ayez mentionné M. Ambaschtsheer, qui doit comparaître aujourd'hui, après vous. Je crois savoir qu'il est satisfait de la composition du conseil d'administration. Je préfère cependant qu'il exprime lui-même son point de vue.
En même temps, nous sommes bien au courant du travail de votre comité. Comme M. Ambaschtsheer, je suis administrateur de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite. Nous sommes bien renseignés sur toutes les initiatives prises dans le domaine de la régie. Comme Mme Hamilton l'a dit, le projet de loi est bien structuré au sujet de ce qui est attendu des administrateurs. Il précise l'information à fournir et l'importance de la supervision à exercer sur les cadres de l'office. Le conseil d'administration doit produire un énoncé des objectifs et principes de placement et veiller à ce qu'il soit respecté, à ce que le rendement soit mesuré, et cetera. Le projet de loi prévoit également un examen spécial tous les six ans. De plus, le gouvernement peut faire procéder à des vérifications spéciales, et cetera. Compte tenu des dispositions de régie prévues dans le projet de loi et des exigences évidentes auxquelles le conseil d'administration doit satisfaire, nous nous attendons à ce que les administrateurs nommés soient hautement professionnels et compétents. Ils seront bien au courant de ce qu'on attend d'eux. Il s'agira d'un conseil d'administration public. En effet, l'information paraîtra dans un rapport annuel qui sera déposé au Parlement. Il ne faut pas non oublier les employés. Tous les participants aux régimes en cause observeront très attentivement ce qui va se passer. Le gouvernement aussi. Dans le cadre de mes fonctions au Conseil du Trésor, je vais moi aussi veiller à ce que l'office soit bien dirigé.
Je crois que votre comité procédera l'année prochaine à une autre étude de la régie des entreprises. Nous suivrons donc de très près ses travaux.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi ces dispositions ont-elles été inscrites dans le projet de loi et pourquoi n'a-t-on pas discuté au Parlement de la façon dont la loi pourrait être appliquée d'une façon générale, au sein du gouvernement du Canada, de façon à satisfaire aux dispositions énoncées par les tribunaux?
D'après toutes les lettres que j'ai reçues, la communauté des homosexuels n'appuie pas du tout ce projet de loi. Les députés qui ont admis leur homosexualité à la Chambre des communes ont voté contre le projet de loi à cause de certaines de ces dispositions, et notamment celles que nous discutons actuellement, c'est-à-dire les dispositions sur la régie et les 30 milliards de dollars. Pourquoi cela a-t-il été inclus dans le projet de loi? Cela rend le débat très confus.
Mme Hamilton: Il appartient au gouvernement de décider de ce qu'il va proposer dans une mesure législative particulière.
Le sénateur Tkachuk: Peut-être pourrez-vous m'expliquer cette partie du projet de loi. Nous demanderons au ministre pourquoi cette disposition y a été inscrite. On prétend que le texte est neutre, mais ce n'est pas le cas. Par exemple, au paragraphe 25(4) proposé, on peut lire ce qui suit:
Pour l'application de la présente partie, a la qualité de survivant la personne qui établit que, au décès du contributeur, elle cohabitait avec lui dans une union de type conjugal depuis au moins un an.
Que signifie cette disposition? Qu'est-ce qu'une union de type conjugal?
Mme Joan Arnold, directrice, Secrétariat, Développement de la législation sur les pensions, Conseil du Trésor du Canada: Tout d'abord, au cours de la rédaction du projet de loi, la décision a été prise, en consultation étroite avec les avocats du ministère de la Justice, d'employer le mot neutre «survivant». Ainsi, nous n'avions besoin ni d'une définition ni d'une redéfinition du mot «conjoint». Les rédacteurs ont jugé que le mot «survivant» était neutre.
Vous vous interrogez sur le sens de l'expression «union de type conjugal». Cette expression est utilisée dans un grand nombre de textes fédéraux sur le droit familial, un peu partout dans le pays. Récemment la Cour suprême du Canada, dans son arrêt M. c. H., a défini clairement les critères d'une union de ce genre.
Le sénateur Tkachuk: De quoi s'agit-il?
Mme Arnold: Plus précisément, la cour a confirmé l'approche adoptée par les tribunaux inférieurs et a parlé des caractéristiques qui, selon elle, sont généralement acceptées. Ils comprennent la cohabitation, le comportement sexuel et personnel, les services, les activités sociales, le soutien économique et les enfants, ainsi que la perception sociétale du couple. La cour a déclaré qu'il était reconnu que ces éléments peuvent être présents à différents degrés et qu'ils ne sont pas tous nécessaires pour que la relation soit jugée «de type conjugal».
Je peux poursuivre si vous le souhaitez.
Le sénateur Tkachuk: Non, c'est très bien comme cela.
Comment sait-on s'il y a une relation sexuelle? Pourquoi utilise-t-on le mot «conjugal» plutôt que l'expression «personne à charge»?
Mme Hamilton: La cour a statué qu'il y a un certain nombre d'éléments qui peuvent constituer une union de type conjugal, selon la définition légale de l'expression. Même si le comportement sexuel peut être l'un de ces éléments, il y en a d'autres, dont certains que nous sommes juste en train d'élucider.
Le sénateur Tkachuk: Si deux frères vivent ensemble et que l'un dépende de l'autre, peut-être parce qu'il est handicapé et que l'autre subvienne à ses besoins, y a-t-il union de type conjugal?
Mme Arnold: Je suppose que non.
Le sénateur Tkachuk: Si les relations sexuelles n'ont rien à voir là-dedans, il faudrait que ce soit une union de type conjugal, n'est-ce pas?
Mme Arnold: Non, la cour n'a pas dit que les relations sexuelles n'ont rien à voir là-dedans. Elle a dit que c'était juste un élément.
Le sénateur Tkachuk: Cet élément doit être présent, autrement, la personne n'est pas considérée comme étant à charge. Est-ce exact?
Je pose la question parce que les tribunaux discuteront de cela à l'avenir si nous n'exprimons pas clairement les choses tout de suite.
Mme Arnold: Les tribunaux ont déjà formulé des définitions.
Le sénateur Tkachuk: J'ai de la difficulté à accepter cela, non pas que je m'oppose à ce que des personnes du même sexe reçoivent des prestations de survivant, mais parce que je ne peux pas accepter la façon dont cette disposition est écrite. Je ne suis pas avocat et je comprends mal. Si, à titre de citoyen ordinaire, je comprends mal, beaucoup d'autres ne comprendront pas vraiment cette disposition. Vous semblez vous-même être un peu confus.
Mme Arnold: Vous trouvez que je suis confuse?
Le sénateur Tkachuk: Précisez donc ce qui va se passer. Vous venez de me dire que, dans le cas de deux frères vivant ensemble, l'un étant à la charge de l'autre et les deux satisfaisant à tous les critères sauf celui des relations sexuelles, il n'y aurait pas de prestations au survivant.
Quelle est la définition? Qu'est-ce qui fait qu'une personne obtient des prestations?
Mme Arnold: En ce moment, le gouvernement croit qu'il faut accorder ces prestations aux personnes qui vivent dans une union du genre de celle qu'a définie la Cour suprême. Le gouvernement n'a pas l'intention d'accorder les prestations si les relations se fondent sur la dépendance.
Le sénateur Tkachuk: Il faut donc que la relation soit de nature sexuelle.
Mme Arnold: Ce n'est pas vraiment très différent de la situation actuelle.
Le sénateur Tkachuk: Veuillez donc expliquer.
Mme Arnold: À l'heure actuelle, nous accordons des prestations aux couples mariés.
Le sénateur Tkachuk: Le mariage est différent.
Mme Arnold: Nous accordons les prestations aux partenaires en union de fait.
Le sénateur Tkachuk: C'est la même chose. Ils sont exactement comme les couples mariés.
Mme Hamilton: Nous avons depuis des décennies des dispositions qui accordent la prestation de survivant aux partenaires de sexe opposé en union de fait. Comme dans la plupart des autres régimes, nous avons au fil des ans établi des critères et des preuves que nous recherchons pour déterminer si, oui ou non, la relation est de la nature envisagée par les législateurs.
Le sénateur Tkachuk: La société a déterminé que le mariage comporte certaines responsabilités, d'une part entre conjoints, et de l'autre envers la génération suivante. Par conséquent, la société a pris des dispositions parce qu'il arrive souvent qu'un conjoint reste à la maison pour s'occuper des enfants issus du mariage, tandis que l'autre gagne le revenu du ménage. En cas de décès de l'un des deux conjoints, l'autre obtient la prestation de survivant.
Si deux hommes vivent ensemble, comment peut-on savoir s'ils ont des relations de type conjugal?
Mme Hamilton: Ils ont ordinairement des amis, des proches, des membres de la famille qui sont au courant de leur relation.
Le sénateur Tkachuk: Et qui les regardent faire?
Mme Hamilton: Ils connaîtraient la nature de l'engagement qui existe entre les deux partenaires.
Comme je l'ai dit, pendant très longtemps, nous avons eu affaire à des couples de sexe opposé qui n'étaient pas mariés. En nous basant sur des preuves objectives, comme des documents financiers et l'adresse du domicile, ainsi que sur le témoignage d'amis, de voisins et de parents, nous avons pu aboutir à des conclusions au sujet de la nature des relations. Les critères seraient les mêmes dans le cas des personnes du même sexe.
Le sénateur Tkachuk: En quoi consiste une relation de type conjugal? Est-ce une autre façon de parler de la copulation?
Mme Hamilton: Non.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que Bill et Monica avaient une relation de type conjugal?
Mme Hamilton: Je ne vais sûrement pas vous suivre sur cette voie, sénateur.
Le sénateur Tkachuk: Je n'irai pas plus loin sur ce point. Toutefois, il me semble que les relations homosexuelles, le mariage et la dépendance constituent d'importantes questions sociales qui devraient être discutées à d'autres endroits. Je crois que la communauté des homosexuels, la communauté des hétérosexuels et la communauté religieuse ont des difficultés à cet égard et voudraient que la question soit discutée. Je pose ces questions parce ce débat n'a pas encore eu lieu.
Je ne veux pas que les tribunaux tranchent la question. Je suis inquiet de voir les tribunaux prendre des décisions à la place des parlementaires. Même si je vous pose des questions que vous pouvez trouver embarrassantes, je ne crois pas qu'elles soient embarrassantes parce que les juges et les avocats vont les poser.
Cette disposition va imposer un lourd fardeau aux caisses de retraite. Les relations homosexuelles sont particulières et doivent donc être traitées d'une façon particulière. Voilà pourquoi je pose ces questions.
Mme Hamilton: Vos questions ne m'embarrassent pas du tout, sénateur.
Le sénateur Bolduc: J'ai une question technique à poser.
La version anglaise du paragraphe 3(3) du projet de loi est ainsi libellée:
Directors, officers, employees, and agents and mandataries, of the Board are not part of the public service of Canada.
En français, le texte équivalent est le suivant:
[Français]
[...] ne font pas partie de l'administration publique du fédéral.
[Traduction]
Je ne comprends pas pourquoi vous avez utilisé l'expression «administration publique» au lieu de «fonction publique» dans la version française.
Mme Arnold: C'est peut-être parce que la version anglaise dit «public service» avec un «p» et un «s» minuscules. C'est peut-être la raison pour laquelle le texte français ne dit pas «fonction publique».
Le sénateur Bolduc: Je crois qu'à strictement parler, c'est une erreur parce que l'office fait certainement partie de l'administration publique du Canada.
Le président: Comme il s'agit d'une question de rédaction et que le ministre revient nous voir jeudi, nous ferions peut-être mieux d'attendre jusque là pour avoir une réponse définitive.
Mme Hamilton: Oui. Nous consulterons les rédacteurs.
Le sénateur Stratton: Témoignant devant le Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales de la Chambre des communes le 24 mai, M. Kevin MacDougall, représentant du Programme des représentants divisionnaires des relations fonctionnelles de la GRC, a déclaré qu'au cours d'une réunion consultative sur les pensions tenue en 1998, on a affirmé aux membres de la GRC qu'il n'y aurait aucune modification du régime de pension de la Gendarmerie avant des consultations complètes. Selon M. MacDougall, deux mois plus tard, le 21 janvier, on leur a dit que le projet de loi avait été rédigé et qu'ils n'avaient plus la possibilité d'exprimer leur point de vue.
Pouvez-vous confirmer qu'il n'y a pas eu de consultations sérieuses avec la GRC lors de la rédaction du projet de loi? Avait-on fait des promesses aux membres de la GRC en novembre?
Mme Hamilton: Je peux parler de la question des consultations avec la GRC.
Il y a un comité consultatif pour la GRC, comme il y en a pour chacun des autres régimes de pension. Je sais qu'au fil des ans, les agents du Conseil du Trésor ont à l'occasion informé le comité consultatif des questions intéressant les régimes de pension et de certaines des préoccupations dont le gouvernement avait eu à s'occuper.
Au Conseil du Trésor, nos consultations et nos contacts se font avec les cadres de la GRC qui, à leur tour, informeraient le comité consultatif.
Il n'y a pas eu de consultations sur certains des éléments du projet de loi C-78. Les consultations que nous avons tenues avec les syndicats de la fonction publique, par exemple, n'ont pas porté sur le partage de l'excédent existant. Je sais que c'est l'une des questions que M. MacDougall a soulevée. Du point de vue du gouvernement, cette question ne faisait pas partie des sujets à discuter.
Je sais qu'il existe un certain nombre de domaines dans lesquels les représentants divisionnaires de la GRC aimeraient voir des changements. Il est bien possible que le régime fasse l'objet d'autres modifications à l'avenir. Ils ont eux-mêmes mentionné qu'ils voulaient tenir d'autres consultations au sein de la GRC sur certains des points auxquels ils s'intéressent. On peut supposer que les recommandations passeraient ensuite par le comité consultatif pour aboutir chez le solliciteur général, qui les présenterait alors au gouvernement, pour examen, à titre de propositions de modifications futures.
Le projet de loi C-78 ajoutera de la flexibilité au régime de pension de la GRC, ce qui permettra certains changements ainsi que des améliorations au chapitre de la transférabilité des pensions pour les membres de la GRC. Ces changements seront effectués par voie réglementaire une fois que les consultations auront eu lieu.
Le sénateur Stratton: Voulez-vous dire que les cadres de la GRC ont été consultés à ce moment? Peut-être vaudrait-il mieux poser cette question au ministre.
Mme Hamilton: Il y a eu un partage de l'information au fil des ans.
Le sénateur Stratton: Au sujet du projet de loi.
Mme Hamilton: Le projet de loi fait suite à un processus de consultation qui s'est déroulé pendant un certain temps entre les syndicats de la fonction publique et des représentants du Conseil du Trésor. Dans le cadre de ce processus, nous avons tenu la GRC au courant des sujets explorés. Je crois que l'information a été transmise au comité consultatif de la GRC.
Le sénateur Stratton: M. MacDougall a dit que, pour lui, la consultation est quelque chose de très différent de l'information. À son avis, information n'est pas synonyme de consultation. À mon avis non plus, le fait d'être informé de ce que le gouvernement fait ne constitue pas de la consultation. La consultation aurait consisté à obtenir le point de vue tant des cadres que du personnel de la GRC. C'est ce qu'il aurait fallu faire.
Les militaires ont-ils été consultés? Je ne demande pas si on les a informés. Ont-ils été consultés?
Mme Hamilton: Il y a aussi un comité consultatif des Forces canadiennes. Il a été informé. Je ne crois pas qu'on puisse parler de consultation. En définitive, lorsque le gouvernement a pris des décisions, le processus a pris fin.
Le sénateur Stratton: D'après vous, il y a eu des consultations, mais on n'est pas arrivé à un consensus. Le gouvernement a alors pris certaines décisions. Est-ce exact?
Mme Hamilton: C'est à peu près cela. Comme vous le savez, le processus de consultation avec les syndicats de la fonction publique n'a pas abouti à une entente. Bien qu'il ait été possible de s'entendre sur de nombreux aspects de ce processus, il n'y a pas eu d'accord final d'ensemble.
Le sénateur Callbeck: Je voudrais obtenir quelques précisions sur les diverses étapes de mise en candidature des administrateurs de l'office. Il y a un comité de mise en candidature. Les noms retenus par ce comité viennent des comités consultatifs des trois régimes.
Est-ce exact?
Mme Hamilton: Oui.
Le sénateur Callbeck: Je suppose que les comités consultatifs sont composés de représentants des employés, des employeurs et des retraités.
Est-ce que la représentation est égale?
Mme Hamilton: Elle est égale dans le cas des militaires et de la GRC.
Dans le cas de la fonction publique, on propose qu'il y ait six représentants des employés, six de l'employeur et un représentant des retraités.
Le sénateur Callbeck: Est-ce que j'ai raison de supposer que les noms proposés par le comité de mise en candidature doivent être acceptés par toutes les parties?
Mme Hamilton: Un président indépendant sera nommé par le ministre.
Le sénateur Callbeck: Je veux savoir si tous les noms proposés par le comité de mise en candidature doivent nécessairement venir des comités consultatifs.
Mme Hamilton: Le comité consultatif du régime de pension de la fonction publique présentera des recommandations au ministre. Le ministre désignera deux membres, dont l'un doit représenter les employés de la fonction publique. Le ministre de la Défense nationale nommera deux membres après avoir reçu les recommandations du comité consultatif du régime correspondant. Deux autres membres seront désignés par le solliciteur général après qu'il aura reçu les recommandations de son comité consultatif. De plus, un membre sera nommé par le ministre pour représenter les retraités. Ce sera une personne qui reçoit une pension de l'un des trois régimes.
Le sénateur Callbeck: Les noms sont transmis par l'intermédiaire du président du Conseil du Trésor.
J'ai lu quelque part dans le projet de loi qu'un retraité ou un employé ne peut pas être administrateur. Pourquoi?
Mme Hamilton: C'est pour s'assurer que le conseil d'administration fonctionnera de façon autonome et indépendante. En d'autres termes, il ne comptera pas de représentants des intéressés eux-mêmes. Ce sera un conseil dont les membres auront des fonctions de fiduciaires. Il doit prendre des décisions d'investissement au mieux des intérêts des participants aux régimes.
Dans ce cas, il a été jugé préférable que les administrateurs n'aient aucun lien de dépendance envers les deux parties, qu'il s'agisse du gouvernement ou des participants aux régimes.
Le sénateur Callbeck: Combien de noms le comité de mise en candidature doit-il proposer au président du Conseil du Trésor? Ce nombre a-t-il été établi?
Mme Hamilton: Le nombre n'a pas été précisé. De toute évidence, le comité devra proposer au moins 12 noms, puisqu'il y a 12 administrateurs à nommer. Il n'y a pas de plafond quant au nombre de candidats qu'il est possible de proposer.
Le sénateur Austin: Monsieur le président, je voudrais concentrer mes questions sur un domaine au sujet duquel j'ai reçu bon nombre de lettres de fonctionnaires actuels et passés.
Je veux parler d'une lettre de l'Alliance de la fonction publique du Canada, datée du 26 mai 1999. L'auteur est Howie West, qui se présente comme membre du Comité de lutte pour les pensions de l'AFPC en Nouvelle-Écosse. La lettre a été distribuée à tous les sénateurs.
M. West dit que le comité consultatif, où sont représentés le Conseil du Trésor et d'autres, comme les participants au régime, s'est réuni entre février 1998 et décembre 1998:
[...] les négociations ont alors été rompues et le Conseil du Trésor a annoncé qu'il agirait unilatéralement. L'utilisation de l'excédent et la procédure de nomination au conseil d'administration de l'office étaient alors les seules questions qu'il restait à régler.
Ma collègue, le sénateur Callbeck, a parlé du processus de nomination. Je voudrais maintenant poser quelques questions au sujet de l'excédent.
Plus loin dans la lettre, M. West parle de l'historique de l'excédent. Je vais rapidement passer en revue ce qu'il dit dans ce paragraphe:
[...] l'excédent a commencé à s'accumuler dans les régimes en 1991. Auparavant, il y avait eu quelques déficits, mais aucun n'avait la taille de l'excédent actuel. En 1993-1994, la contribution de l'employeur ne s'est élevée qu'à 14 p. 100, tandis que les intérêts constituaient 75,15 p. 100 du revenu.
Ces faits sont-ils exacts?
M. Peacock: Je n'ai pas vérifié les pourcentages. Toutefois, dans la plupart des régimes qui ont atteint la maturité, comme le nôtre, les revenus de la caisse de retraite proviennent surtout des intérêts.
Le sénateur Austin: Vous pensez donc que ces chiffres sont en gros exacts.
M. Peacock: Oui.
Le sénateur Austin: M. West poursuit ainsi:
En 1991, il y a eu une période d'exonération de cotisations.
Est-ce que cela est exact?
M. Peacock: Non. Il veut probablement parler de la transition. Jusqu'en 1991, le gouvernement payait l'équivalent des cotisations des employés, mais un an plus tard. En 1991, il a adopté une base courante. Autrement dit, en 1991-1992, le gouvernement a versé sa contribution pour l'année et y a jouté un crédit de 506 millions de dollars, représentant l'équivalent des cotisations des employés pour l'année précédente.
Le sénateur Austin: Ainsi, le financement du régime se faisait sur une base courante, n'est-ce pas?
M. Peacock: Oui, mais il n'y a pas eu de période d'exonération de cotisations.
Le sénateur Austin: M. West poursuit ainsi:
Dans les années 80, les actuaires ont estimé que le taux de contribution devait s'élever à 4 p. 100 du salaire. Ils avaient prévu que les salaires augmenteraient. Quand les salaires augmentent, le coût des prestations augmente aussi, puisqu'il représente un pourcentage des salaires. Toutefois, le gouvernement a imposé un gel des salaires des fonctionnaires. Il n'y a pas eu d'augmentation depuis 1991. Si les salaires sont gelés, les prestations le sont aussi. Par conséquent, les coûts supplémentaires anticipés des prestations ne se sont pas concrétisés, ce qui a donné lieu à l'excédent.
Est-ce que cela résume bien les circonstances dans lesquelles l'excédent s'est produit?
M. Peacock: Revenons donc aux faits de base. Le coût de n'importe quel régime de pension est principalement relié aux facteurs économiques qui agissent sur lui. Nous parlons d'un régime de pension indexé, ce qui veut dire que les facteurs en jeu sont le taux de rendement, le taux d'intérêt, les hausses de salaire et l'inflation. Dans les années 70, ces facteurs avaient créé les pires conditions possibles pour les régimes de pension. Les hausses salariales étaient élevées, l'inflation grimpait sans cesse et les taux de rendement étaient bas. C'est à ce moment que nous avons eu nos principaux déficits. Aujourd'hui, la situation a changé du tout au tout.
Le sénateur Austin: Dans les années 90, la situation s'est inversée.
M. Peacock: Oui, dans les années 80 et les années 90. Dans notre propre régime, nous avons un portefeuille théorique d'obligations à long terme. Tous les trois mois, l'excédent des comptes est placé dans des obligations à long terme. Au début des années 80, ces obligations rapportaient 15 à 16 p. 100.
Dans l'ensemble, les régimes rapportaient 10 à 11 p. 100 par an. Ce taux a maintenant baissé à environ 9,3 p. 100. Nous nous attendons à ce que ce niveau se maintienne, par suite des bas taux d'intérêt actuels, parce que nous avons ce portefeuille d'obligations. Le principal facteur serait probablement les taux d'intérêt élevés. De toute évidence, les faibles taux de l'inflation et des hausses salariales ont également eu un certain effet.
Le sénateur Austin: Ils ont donné lieu à une baisse imprévue du niveau des prestations.
M. Peacock: En un certain sens, oui.
Le sénateur Austin: Ce qui a donné lieu à l'excédent.
M. Peacock: C'est exact. C'est l'inverse de ce qui s'était produit dans les années 70, lorsqu'on s'attendait à des niveaux élevés de prestations. Aujourd'hui, on s'attend à un niveau de prestations assez bas. De même, notre actif est investi dans ces obligations théoriques à long terme. L'excédent a découlé de tout cela.
L'autre facteur qui a joué, bien sûr, c'est que, malgré l'excédent, le gouvernement doit, en vertu de la loi, financer pleinement les prestations de retraite acquises par les employés. Il doit donc continuer de verser de l'argent tous les ans pour financer les prestations de service courant, c'est-à-dire les prestations actuellement acquises par les employés. En même temps, il y a ce surplus. L'intérêt sur le surplus s'accumule, ce qui explique qu'il grossit constamment.
Le sénateur Austin: Je comprends que c'est là la situation actuelle. Quel calcul actuariel devrait-on faire par suite de l'imprévisibilité de ce qui s'est produit dans les années 80 et 90? Les calculs actuariels étaient basés sur des hypothèses économiques qui ne se sont pas concrétisées. Quelles hypothèses fait-on aujourd'hui au sujet de la situation économique dans la prochaine décennie? Sommes-nous encore aux alentours de 4 p. 100?
M. Peacock: Voulez-vous parler des hausses salariales?
Le sénateur Austin: Oui.
M. Peacock: Les pourcentages figurant dans les rapports actuariels des régimes sont bien de cet ordre, à long terme. Ordinairement, les actuaires tiennent compte de la conjoncture économique. Par exemple, à l'heure actuelle, les hausses de salaire sont de l'ordre de 2 p. 100. Ils prendront donc 2 p. 100 pour l'année prochaine, mais leur hypothèse à long terme serait de 4 p. 100, ce qui fait que le pourcentage monterait progressivement jusqu'à ce niveau dans leurs hypothèses.
Le même schéma s'applique au taux d'inflation, qui est actuellement au-dessous de 2 p. 100 ou dans ces alentours. Leur hypothèse à long terme à cet égard est de 3 p. 100.
Au chapitre du taux d'intérêt, compte tenu de notre portefeuille théorique d'obligations à long terme, les actuaires adoptent pour hypothèse un taux de rendement réel de 3 p. 100 par an, ce qui revient à 6 p. 100 à long terme. Entre-temps, ils sont bien sûr conscients du fait que le compte rapporte actuellement 9 p. 100, et ils vont donc baisser graduellement leur hypothèse pour atteindre 6 p. 100 dans un certain nombre d'années. C'est ainsi que les actuaires procèdent.
Vers la fin des années 70, ils se basaient sur des hausses salariales de 5,5 p. 100 et sur une inflation d'environ 3 p. 100, ce qui donnait des hausses salariales réelles de 2,5 p. 100. Les actuaires considèrent ce qui s'est produit dans le passé. Ils établissent ensuite des taux réels moyens pour le rendement et les hausses salariales. Ils considèrent également l'avenir, du mieux qu'ils peuvent, pour déterminer dans quelle direction la situation doit évoluer. C'est pour cette raison qu'en général, des rapports actuariels sont publiés tous les trois ans. On y trouve habituellement une comparaison entre ce qui a été prévu dans le passé et les prévisions les plus récentes.
Le sénateur Austin: Quel est le rôle du nouvel Office par rapport à la norme actuarielle qui sera adoptée?
M. Peacock: Le nouvel Office sera exclusivement responsable des investissements.
Le sénateur Austin: Par conséquent, le Conseil du Trésor demeure responsable du travail actuariel.
M. Peacock: L'actuaire en chef établit le rapport actuariel en consultation avec l'employeur, représenté par le président du Conseil du Trésor. À l'avenir, le solliciteur général et le ministre de la Défense nationale seront également consultés.
En définitive, c'est à l'employeur qu'il revient de décider de la politique de financement du régime. L'office devra se tenir au courant de cette politique. Par conséquent, il voudra consulter l'employeur et l'actuaire pour connaître cette politique, afin de définir ses propres principes de placement.
Le sénateur Austin: Je voudrais essayer d'en arriver au noeud du différend, tel que je le comprends. D'une part, le gouvernement estime qu'il est le garant de prestations données. Ces prestations constituent un droit pour les employés. D'autre part, l'Alliance de la fonction publique et d'autres croient que, comme c'est le gouvernement qui établit les règles du jeu, les employés ont été obligés de surcotiser dans le passé. Par conséquent, une partie de l'excédent leur appartient, à titre de contributeurs. Qu'avez-vous à répondre au second argument? Je comprends très bien le premier.
M. Peacock: Comme vous l'avez dit, nous avons affaire à un régime de pension à prestations déterminées. Ces prestations sont garanties par l'employeur. Dans notre cas, elles sont définies dans la loi. En ce qui concerne l'excédent, il s'agit de savoir qui est-ce qui prend le risque. Si les choses ne vont pas aussi bien qu'elles le devraient, comme cela s'est produit dans les années 70, le gouvernement est obligé d'assumer les conséquences. En définitive, les employés obtiennent toujours les prestations qu'on leur a promises. Voilà l'essentiel de l'argument.
Le sénateur Austin: Mais alors, quel est le but de la création de l'office et de l'établissement d'une caisse de retraite si c'est le gouvernement qui prend tous les risques? Pourquoi prendre la peine d'adopter le projet de loi C-78?
M. Peacock: Sénateur, nous essayons de faire cela depuis 1975. Je suppose que c'est le couronnement de notre carrière. J'aurais peut-être quelque chose de différent à dire une fois que l'office aura rempli ses fonctions pendant un certain temps.
Tous les régimes provinciaux sont investis, en tout ou en partie, de même que tous les régimes de pension du secteur privé. Le régime de pension de la fonction publique est critiqué depuis des années parce qu'il s'agit d'un régime très riche qui n'a pas à se conformer aux mêmes règles que les autres et que, s'il avait été obligé d'investir ses fonds sur le marché, il aurait fait l'objet d'une gestion plus réaliste. L'idée d'investir l'argent est reliée à un certain nombre de facteurs. L'investissement devrait, à long terme, assurer un rendement supérieur grâce à la diversification du portefeuille, ce qui refléterait mieux la valeur réelle du régime.
Il y a un autre facteur important: le gouvernement ouvre la porte à la cogestion à l'avenir.
Le sénateur Austin: Dans la nouvelle structure, de quelle façon les investissements peuvent-ils profiter à n'importe qui d'autre que le gouvernement à l'avenir?
M. Peacock: Le projet de loi prévoit, en cas d'excédent, trois lignes de conduite possibles: le retrait de l'excédent, la diminution de la contribution de l'employeur ou la diminution des cotisations des employés.
Si on maintenait le portefeuille d'obligations à long terme, le régime pourrait avoir, avec les années, à assumer des coûts très élevés, ce qui pourrait occasionner des critiques relatives aux prestations versées. En un sens, donc, nous sommes en train de protéger les prestations des employés. Nous espérons qu'à l'avenir, nous arriverons à nous entendre sur des modalités de cogestion. Nous aurons déjà l'office qui se chargera des investissements. Si l'expérience est positive, cela incitera encore plus les participants aux régimes à s'associer à la gestion et à accepter de partager le risque.
Le sénateur Austin: Excusez-moi, les investissements peuvent bien être positifs, mais le gouvernement a le pouvoir de retirer les gains en vertu des dispositions du projet de loi à l'étude. Dans ces conditions, quelle est la valeur du nouvel Office pour la fonction publique?
M. Peacock: À long terme, les participants aux régimes devraient profiter de la baisse des coûts. Il y aura moins de critiques à cet égard. Comme on peut le voir dans le projet de loi, il est possible que les cotisations des employés n'augmentent pas. À l'avenir, ce sont les ministres du Conseil du Trésor qui établiront le taux de contribution. Si l'expérience est très positive, il est bien possible que les employés en profitent directement.
Le sénateur Austin: Permettez-moi de résumer ce que vous dites: ayant perdu cette ronde, les employés auront au moins la possibilité de participer, à l'avenir, à une autre ronde avec le Conseil du Trésor. C'est bien cela?
M. Peacock: Oui,
Le sénateur Kelleher: Je voudrais revenir à la répartition de l'excédent et au droit des employés d'y participer. Si je comprends bien, la loi régissant le secteur privé relève de la compétence fédérale et nous avons maintenant en place des règles qui accordent aux employés un certain droit de regard sur la répartition de l'excédent. Est-ce exact?
M. Peacock: Ce n'est pas tout à fait exact. Comme je l'ai expliqué au début de cette séance, si le document du régime n'établit pas clairement qui possède l'excédent, si l'employeur n'a pas directement le droit de se l'approprier, il est possible maintenant, grâce à l'adoption du projet de loi dont le Sénat avait pris l'initiative en 1998, que l'employeur réclame l'excédent et tienne des consultations ou des négociations à ce sujet avec les participants au régime. Ces participants doivent se prononcer aux deux tiers en faveur de la répartition de l'excédent.
Cette exigence n'existe pas si l'employeur a droit à l'excédent. De plus, l'employeur peut s'accorder une période d'exonération de cotisations sans consulter les employés, ce qui aurait pour effet de réduire l'excédent.
Le sénateur Kelleher: Pour quelle raison établit-on des droits de ce genre dans le secteur privé sans y assujettir les régimes de l'administration fédérale? Pourquoi ce qui est bon pour l'un n'est-il pas bon pour l'autre?
M. Peacock: Dans le secteur privé, de nombreux régimes font l'objet d'accords de fiducie. Au moment de leur établissement, personne n'anticipait des excédents. La situation était devenue très confuse. Le débat se poursuivait depuis longtemps déjà. Les employeurs n'avaient pas le droit de retirer l'excédent en dépit du fait qu'ils pouvaient s'accorder des périodes d'exonération de cotisations qui avaient le même effet. Je crois que la Loi sur les normes de prestations de pension a été modifiée pour aider les employeurs du secteur privé à régler ces situations.
Le sénateur Kelleher: Vous dites que, dans le secteur privé, si les modalités du régime établissent clairement que l'employeur a un droit exclusif, ce droit ne sera en rien réduit ou modifié par une nouvelle loi du gouvernement fédéral. Est-ce que je me trompe?
M. Peacock: Non.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit plus tôt que, dans un certain temps, le gouvernement pourrait envisager des arrangements de cogestion. Il me semble que vous avez accepté le principe de la cogestion. Pourquoi n'en est-il pas question dans le projet de loi?
Mme Hamilton: Il est clair que le projet de loi est présenté sans le plein accord des employés et des participants aux régimes. Certains estiment qu'un régime de pension cogéré constitue un changement très important. À l'heure actuelle, le gouvernement est seul responsable de tout déficit. Il a le pouvoir de modifier à son gré la conception du régime. S'il faut entièrement modifier cette base pour envisager le partage des pouvoirs et des responsabilités reliés au régime, s'il faut partager les risques de déficit, il est essentiel que les deux parties s'entendent sur des principes de base. Autrement, il pourrait y avoir des difficultés en cas de déficit à l'avenir. Le gouvernement ne voudrait pas se retrouver dans une situation où l'autre partie estime que des conditions lui ont été imposées sans son consentement.
Le sénateur Tkachuk: Ils n'ont pas à partager le risque s'ils ne sont pas représentés au conseil d'administration.
Mme Hamilton: Le projet de loi ne change rien en ce qui concerne le risque de déficit. S'il y a un déficit à l'égard du service accompli soit dans le cadre du régime actuel soit dans la nouvelle caisse de retraite, le gouvernement demeure responsable et doit verser des contributions supplémentaires pour couvrir les coûts.
Le sénateur Tkachuk: Mais pas les participants.
Mme Hamilton: Non, ils n'auraient rien à payer.
Le sénateur Bolduc: Cela s'applique jusqu'en 2003. Ensuite, ne seront-ils pas obligés de payer?
Mme Hamilton: Non. Encore une fois, des hausses de contributions ne peuvent être imposées aux employés que si les coûts fondamentaux courants du régime de pension changent. C'est seulement dans ce cas que les employés peuvent être obligés de payer davantage. S'il y a un déficit relié au passé à cause d'une mauvaise expérience financière, on ne peut pas augmenter les cotisations des employés actuels pour couvrir un déficit du passé. Cela restera la responsabilité du gouvernement.
Le sénateur Tkachuk: Si les rapports actuariels changent dans cinq ans, s'il apparaît qu'il y aura un déficit à l'avenir, alors vous pourrez majorer les contributions.
Mme Hamilton: Si l'actuaire est d'avis que le coût du service courant n'est pas exact, que par suite de l'évolution des hypothèses économiques à long terme, le coût du service courant a changé, alors il serait effectivement possible d'augmenter les cotisations.
Le sénateur Tkachuk: Combien le gouvernement veut-il retirer et combien restera-t-il dans le fonds?
Mme Hamilton: Si les excédents sont retirés des comptes existants, il y resterait en gros 100 milliards de dollars.
Le sénateur Tkachuk: Ce montant concerne exclusivement le service passé et ne sera donc pas touché par ce qui peut se passer à l'avenir. En fait, nous avons séparé le financement du service futur de celui du service passé. Comme vous l'avez dit, le compte existant concerne le service passé. Une fois que vous aurez retiré l'excédent, ce compte contiendra environ 100 milliards de dollars. Le gouvernement est seul responsable du service passé. Il n'y a aucun lien entre ce qui arrivera jusqu'au 1er avril 2000 et le taux de contribution des employés à l'avenir.
A-t-on envisagé de partager l'excédent, c'est-à-dire de le répartir entre les retraités, les employés et le gouvernement? Le gouvernement prendrait une partie du montant, en donnerait une autre au fonds de pension des employés pour le prémunir contre les coûts actuariels futurs et remettrait le reste aux retraités actuels.
L'a-t-on envisagé? Le ministère a-t-il fait des études à ce sujet, a-t-il conseillé le ministre à cet égard?
Mme Hamilton: Bien sûr, nous examinons différentes options lorsque nous étudions une question quelconque. Toutefois, si vous voulez parler des conseils précis donnés au gouvernement...
Le sénateur Tkachuk: Oublions cela. Le ministère a-t-il envisagé cela pendant que vous prépariez ce couronnement de votre carrière?
Mme Hamilton: C'était le couronnement de sa carrière.
Le sénateur Tkachuk: Vous nous donnez ce couronnement, nous vous donnons 30 milliards. C'est comme cela que ça marche?
Mme Hamilton: Nous avons entrepris ce processus il y a bien des années lorsque le comité consultatif a réalisé des études sur les possibilités de cogestion, à la demande du président du Conseil du Trésor. Ces études n'étaient pas axées sur le passé ou sur l'excédent, elles portaient essentiellement sur le genre de modalités de cogestion qui pourraient marcher à l'avenir. Il n'y a eu, dans le cadre de ce processus de consultation, aucune discussion particulière du partage de l'excédent existant.
Le président: Je vais faire une observation pour conclure. Je suppose que vous donnerez au ministre un compte rendu de l'agréable échange que nous avons eu ce matin. Ce faisant, vous pourriez peut-être lui suggérer d'ajouter à ce qu'il a l'intention de nous dire jeudi deux points précis qu'il aurait avantage à aborder dans notre intérêt comme dans le sien.
Tout d'abord, vous avez sûrement pu vous rendre compte que, des deux côtés de la table, les sénateurs croient que, dans le projet de loi à l'étude, le gouvernement s'est accordé, à titre d'employeur, des avantages qu'il n'a pas accordés aux employeurs du secteur privé qui ont des régimes de pension à prestations déterminées. Autrement dit, le gouvernement a usé de son pouvoir législatif pour s'avantager à titre d'employeur sans offrir des avantages comparables aux employeurs privés qui se trouvent dans la même situation.
Deuxièmement, vous avez également dû vous rendre compte que tous les sénateurs, et notamment le sénateur Austin, trouvent que le projet de loi est conçu pour favoriser l'employeur. Comme le dit le sénateur Austin, quelle garantie pouvez-vous nous donner que les employés retireront des avantages quelconques de l'ensemble des changements que vous proposez ici?
Le ministre décidera s'il convient d'aborder ces questions dans sa déclaration préliminaire. S'il ne le fait pas, il devra répondre à nos questions. Dans ces conditions, il jugera peut-être utile d'en parler dès le début.
Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
Sénateurs, nous accueillons ce matin un autre témoin, M. Keith Ambaschtsheer, qui a déjà comparu devant le comité et qui nous a beaucoup aidés dans notre étude d'il y a 18 mois sur la régie des investisseurs institutionnels. Cette étude semble avoir une présence remarquable, puisque les sénateurs Meighen, Oliver et moi-même en parlons constamment, au moins depuis quelques mois, alors qu'elle remonte maintenant à un an et demi.
M. Ambaschtsheer est l'un des experts du pays en matière de régie de fonds de pension. Nous lui avons demandé de venir témoigner aujourd'hui, surtout à cause d'observations qu'il nous a présentées sur le Fonds de placement du RPC ainsi que sur la régie d'autres investisseurs institutionnels. Il pourra peut-être nous parler plus particulièrement de cette question.
Je vous remercie d'être venu. La parole est à vous.
M. Keith Ambaschtsheer, président, Keith P. Ambaschtsheer & Associates Inc.: Monsieur le président, ayant jeté un coup d'<#0139>il à ma droite et à ma gauche, je constate qu'il est improbable que d'autres témoins me contredisent ce matin. C'est peut-être une bonne chose, ou peut-être pas. Il vous appartiendra d'en juger.
J'ai l'impression, en examinant ce projet de loi, qu'il établit effectivement la base d'une approche plus flexible et plus adaptée de ce que j'appellerais la rémunération post-emploi des fonctionnaires, des militaires et des employés de la GRC.
Du côté des avantages, je crois qu'on cherche à trouver des méthodes pour modifier la conception des prestations de façon à mieux refléter les conditions actuelles. Il faut aussi mettre régulièrement à jour les aspects administratifs des prestations. C'est également l'occasion d'établir au Canada un autre organisme d'investissement d'une taille appréciable, qui mettra en oeuvre les «meilleures pratiques» du domaine. Je crois que c'est une bonne chose en soi.
J'ai participé aux délibérations qui ont abouti à la création du Fonds de placement du RPC. J'ai écrit un document, que je serais heureux de mettre à votre disposition, exposant le contexte des questions qui se posent sur le plan de la régie lorsqu'on crée un important organisme d'investissement ainsi que certaines des répercussions de la création d'un tel organisme sur le marché. Nous voudrons peut-être en parler ce matin.
À mon avis, tout cela est très bon, à deux conditions. La première a déjà fait l'objet de discussions ce matin: c'est la clarté des dispositions d'un régime de pension. À quel point le contrat liant les différents intervenants est-il clair et explicite? Nous avons d'une part les contribuables. De l'autre, il y a un groupe qui n'est pas très homogène. Il se compose de retraités et d'employés actifs dont certains sont jeunes et d'autres pas autant, et dont les intérêts peuvent être divergents. D'après mon expérience, plus les modalités du contrat sont claires, plus il est explicite et transparent, moins il y a de discussion au sujet de la propriété d'un éventuel excédent. Par définition, un bon régime de pension établit clairement d'avance ces questions, de façon qu'il n'est pas nécessaire d'essayer de répartir certaines sommes après coup.
Lorsqu'on pense au mécanisme de régie -- car, à mon avis, l'autre caractéristique d'une bonne organisation, c'est une forte régie --, je me pose des questions au sujet des gens qui négligent ce bassin de 25, 50 ou 100 milliards de dollars. Le sénateur Austin a abordé cette question plus tôt. Quelle est la mission du nouvel organisme? Quel est l'objet de la caisse de retraite? Qu'est-ce qu'on cherche à accomplir? En l'absence de modalités explicites et très claires, je plains vraiment les gens qui auront à répondre à ces questions, parce qu'ils auront l'obligation de se servir des réponses pour définir une politique d'investissement. Pour bien le faire, on a besoin de connaître les conditions du contrat afin de déterminer les moyens d'investir sans risque indu.
Soit dit en passant, maintenant que nous avons des obligations reliées à l'indice des prix, la façon d'investir sans risque indu pour un régime de pension indexé, c'est justement d'acheter ces obligations. Aujourd'hui, on peut lire dans le journal que le rendement s'élève à 4,2 p. 100. Cela peut constituer le paramètre de base pour le financement du système.
Du côté placement, allons-nous essayer de gagner un rendement supérieur à ce taux réel de 4,2 p. 100? Si nous essayons de le faire, qui assumera le risque, quel taux supplémentaire pourrons-nous espérer gagner et comment mettre en oeuvre la politique d'investissement que nous aurons définie?
J'avoue que je ressens un certain malaise quand je pense à la façon dont ce marché a fini par être négocié au cours des neuf dernières années. Les modalités ne sont pas vraiment claires. Et il reste encore à décider de la manière dont il conviendra de tenir compte de tous ces éléments.
Je vais m'en tenir à cela. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le sénateur Kelleher: Je suis sûr que vous écoutiez attentivement lorsque j'ai posé mes dernières questions à notre ami, M. Peacock. J'essayais d'en venir à la question de l'excédent et du droit que le gouvernement fédéral a donné aux employés dans le cadre des régimes de pension privés assujettis à la réglementation fédérale. M. Peacock a dit que la loi ne touche pas les employeurs si leur régime de pension précise clairement que l'excédent leur appartient. Est-ce que cela est exact?
M. Ambaschtsheer: C'est exact.
Le sénateur Kelleher: Le ministre a dit, pour sa part, que les autres régimes de pension prévoient des moyens de gérer l'excédent une fois qu'il a atteint une certaine taille. Il a ajouté que c'est un peu à cela que le gouvernement fédéral veut en venir dans le cas des régimes de pension de la fonction publique. Toutefois, il a dit -- et je le souligne -- pour le moment, le projet de loi ne précise pas vraiment ce qu'il adviendra des excédents.
Si je comprends bien, le projet fédéral ne dit pas exactement comment l'excédent sera réparti.
M. Ambaschtsheer: C'est bien cela.
Le sénateur Kelleher: Alors pourquoi le gouvernement fédéral n'est-il pas assujetti au même genre de règles qu'il impose par voie législative aux régimes de pension du secteur privé? Pourquoi le gouvernement fédéral peut-il se permettre de dire: «Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais»? N'est-ce pas là ce qu'il est en train de faire?
M. Ambaschtsheer: À cause de mon domaine de spécialisation, je vais vous donner une réponse économique plutôt qu'une réponse juridique.
Si on considère la question de la propriété de l'excédent d'un point de vue économique, on constate que l'excédent découle du fait que les hypothèses posées ne se sont pas réalisées. Prenons un régime de retraite par capitalisation et commençons au commencement. On se dit: «Voici mes meilleures prévisions», ou alors on se montre prudent et on dit: «Voilà comment, à mon avis, vont évoluer les prix, les salaires et l'inflation et voici le rendement que rapporteront les investissements. En fonction de ces hypothèses, le coût du service courant est de 10 p. 100 du salaire.»
On laisse ensuite passer le temps. Bien sûr, les hypothèses ne se réalisent jamais. Avec le temps, le régime va accumuler un déficit ou un excédent. Il faut alors corriger le cap. C'est la réalité économique.
Le sénateur Kelleher: Je l'accepte volontiers. Je n'y vois aucun inconvénient.
M. Ambaschtsheer: La question qui se pose est alors la suivante: que fait-on de cet excédent ou de ce déficit qui s'accumule? D'un point de vue économique, la réponse est que le régime de pension devrait préciser d'avance ce qu'il convient d'en faire.
Si l'un des intervenants assume le risque, c'est lui qui devrait tirer partie de tout bénéfice réalisé si les choses vont mieux qu'on ne l'a prévu. Il faudrait qu'il y ait une certaine symétrie entre les gains et les pertes pour l'intervenant qui assume le risque.
Bien sûr, si le régime de pension ne dit pas clairement qui assume le risque, on a des problèmes.
Le sénateur Kelleher: C'est exact. C'est ce que nous avons dans ce cas.
Le gouvernement fédéral est intervenu pour dire au secteur privé que si cette situation se produit, les employés ont certains droits. Toutefois, dans son propre régime, lorsque le même problème se pose, pourquoi le gouvernement ne traite-t-il pas ses employés de la même façon qu'il traite ceux du secteur privé?
M. Ambaschtsheer: Je ne connais pas la réponse à cette question.
Le sénateur Kelleher: Comme tout bon avocat, j'essaie de m'assurer, avant de poser les questions, que j'ai de bonnes raisons de le faire.
M. Ambaschtsheer: Permettez-moi de vous donner un exemple de manque de clarté. Il s'agit de la nature du régime de pension et de ce qui s'est passé au cours des 25 dernières années.
Si le régime garantit effectivement les prestations en termes réels, c'est une chose. On peut en évaluer le prix. Si les prestations offertes correspondent à ce qui a été promis, il n'y a pas de risque, sauf le risque de défaut. Dans ce cas, le risque de défaut est vraiment très minime.
Beaucoup des régimes du secteur privé ne garantissent pas les prestations en termes réels. Ils n'ont qu'une garantie nominale des prestations.
L'inflation intervient de différentes façons. Elle peut être très élevée, comme dans les années 70. On avait alors affirmé que c'était le taux d'inflation élevé qui avait réduit la valeur réelle des prestations. On finit par déplacer des chiffres sur le bilan d'une manière qui n'est pas équitable. Cela s'est bel et bien produit. Dans une certaine mesure, nos lois sur les prestations de retraite portent encore l'empreinte de ce sentiment d'injustice.
Toutefois, quand on parle de régimes de pension dont les prestations sont exprimées en termes réels, la situation est très différente parce que l'inflation n'a plus aucune répercussion.
Le sénateur Kelleher: Ce n'est pas le cas ici.
Le sénateur Oliver: Ce n'est pas explicite en termes réels.
Le sénateur Kelleher: Oui, il n'est pas explicite en termes réels que le gouvernement fédéral a droit à cet excédent. Il n'est pas disposé à appliquer lui-même les règles qu'il impose aux autres.
M. Ambaschtsheer: Je comprends votre point de vue. Le mien, c'est que la question de la propriété est beaucoup plus claire, même après coup, si le régime de pension définit les prestations en termes réels et verse effectivement ces prestations.
Le sénateur Kroft: Si je comprends bien, vous dites que si le régime est parfaitement clair au sujet de l'obligation du gouvernement, ou de l'employeur, de verser des prestations en termes réels, alors, à votre avis, cela crée une présomption ou, en quelque sorte, un droit de propriété sur tout excédent résultant du risque pris par l'employeur. Est-ce exact?
M. Ambaschtsheer: C'est la logique économique qui impose ce point de vue.
Le sénateur Kroft: Le sénateur Kelleher dit que ce n'est pas ce que nous avons dans ce cas. J'aimerais en être sûr, d'un côté ou de l'autre.
M. Ambaschtsheer: La logique économique est claire. Toutefois, nous parlons d'une mesure législative qui, dans un contexte différent, suscite certains doutes à ce sujet.
Le sénateur Kroft: Est-il clair que le gouvernement a l'obligation de verser des prestations déterminées en termes réels dans la situation actuelle?
M. Ambaschtsheer: Oui, si j'ai bien compris les modalités du régime de pension.
Le sénateur Kroft: Vous estimez donc, d'un point de vue économique, que le gouvernement a effectivement droit à l'excédent?
M. Ambaschtsheer: Absolument, oui.
Le sénateur Kroft: Je ne crois pas que le sénateur Kelleher ait vraiment pris votre déclaration dans ce sens.
Le sénateur Kelleher: Oui, j'avais bien compris. Ce que je vous dis -- et il en convient --, c'est qu'en dépit de cet argument économique, le régime, tel qu'il existe, n'établit pas du tout clairement à qui appartient l'excédent. Je suis sûr qu'il en convient.
M. Ambaschtsheer: C'est le point de vue juridique.
Le sénateur Kelleher: C'est tout ce que j'ai dit.
Le président: Je déteste faire l'arbitre entre un point de vue juridique et un point de vue économique, dont je me méfie de toute façon.
Si je comprends bien, M. Ambaschtsheer a confirmé que la situation juridique n'est pas claire dans le texte actuel. En même temps, il estime, d'un point de vue économique, que si on assume le risque d'un déficit, on a droit à l'excédent.
Voilà pourquoi M. Ambaschtsheer peut être d'accord tant avec le sénateur Kroft, sur le plan économique, qu'avec le sénateur Kelleher, sur le plan juridique.
Le sénateur Kroft: Le sénateur Kelleher a dit qu'il n'existe pas de tels droits dans le secteur privé. L'honorable sénateur aurait-il l'obligeance de me donner un exemple d'un cas où ce droit a été nié? Est-ce le fait qu'il n'existe pas de dispositions juridiques claires?
Le sénateur Kelleher: Si j'ai bien compris, dans le secteur privé, si un régime de pension n'établit pas clairement ce qu'il advient d'un éventuel excédent, en vertu des dispositions législatives que le gouvernement a fait adopter dans le projet de loi S-3, les employés ont un droit de regard sur la gestion de l'excédent.
Le sénateur Kroft: Pas s'il y a un droit établi.
Le président: Nous avons invité M. Ambaschtsheer à venir témoigner pour connaître son point de vue. Toutefois, pour la gouverne du sénateur Kroft, je voudrais préciser le point de vue du sénateur Kelleher. Le sénateur a dit qu'en vertu de la Loi sur les normes de prestations de pension, si le régime n'établit pas explicitement à qui appartient l'excédent et qui assume le risque, il y a un processus à suivre qui fait intervenir tant l'employeur que les employés. Quand je parle de la propriété de l'excédent, j'entends le droit de retirer cet excédent. Le droit, fondé sur des calculs actuariels, d'accorder des périodes d'exonération de cotisations tant aux employés qu'à l'employeur a toujours existé dans la loi. La loi impose de veiller à la solidité actuarielle du régime, elle n'exige pas que chaque intervenant verse des contributions chaque année. Je répète donc que les observations du sénateur portaient sur un point de vue juridique, tandis que votre réponse considérait le point de vue économique.
Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Ambaschtsheer: Permettez-moi de rester sur la voie économique. Prenons le cas des enseignants de l'Ontario. Ils ont commencé dans les années 70 ou les années 80 avec un régime qui avait beaucoup de points communs avec celui du gouvernement fédéral. Dans les années 90, ils ont renégocié leur contrat de façon à protéger les pensions en les indexant. Toutefois, les employés actifs et les contribuables ontariens participent maintenant à une entreprise commune. À l'avenir, les taux de contribution monteront ou baisseront selon le rendement des placements par rapport aux hypothèses.
C'est là un exemple d'une entente explicite de partage du risque qui a été négociée et mise en oeuvre.
J'aimerais voir ce résultat dans le cas du secteur public fédéral parce qu'on a alors beaucoup plus de clarté sur ce qui va se passer et sur la façon de répartir les gains. Du point de vue de la régie, les responsables reconnaissent qu'ils ont affaire à de multiples intervenants dont ils essaient d'équilibrer les intérêts, ce qui donne un but clair aux discussions ainsi qu'à la formulation de la politique d'investissement, et cetera.
Dans le cas présent, ma préoccupation est la suivante: nous avons affaire à un Office d'investissement qui est là tout seul, sans lien apparent avec le reste des éléments.
Le sénateur Kenny: Je croyais comprendre ma question. Je n'en plus si sûr maintenant.
Nous avons, dans ce cas, une situation dans laquelle l'entente ne prévoit pas un partage des risques et des récompenses. Les dispositions n'ont pas été établies d'avance. En cas de résultat positif, le gouvernement dit qu'il choisira entre trois options: il va peut-être accroître les prestations, ou bien diminuer les primes ou encore il va s'approprier l'excédent. Le simple fait que le gouvernement conserve l'excédent aujourd'hui nous donne une idée assez nette de ce qu'il a probablement l'intention de faire à l'avenir.
S'il n'y a pas partage des risques et des récompenses, pourquoi investir le fonds? Pourquoi ne pas continuer à le maintenir dans le Trésor? À mon sens, le seul objet de l'investissement du fonds est de partager les risques et les récompenses.
M. Ambaschtsheer: C'est exact. Encore une fois, il y a le point de vue économique, qui consiste à voir quel bénéfice on peut retirer du fait d'assumer un risque dans un régime capitaliste démocratique. J'aimerais vous mentionner une autre règle pratique: pour chaque point de pourcentage de hausse du rendement à long terme, le taux de contribution nécessaire diminue de 20 p. 100. Supposons, par exemple, que le financement d'un régime nécessite des contributions de 10 p. 100 du salaire. Si vous arrivez à faire passer votre taux de rendement de 4 à 5 p. 100, le taux de contribution baisserait de 10 à 8 p. 100 du salaire.
Le sénateur Kenny: Je comprends bien, mais suivez donc mon raisonnement. Si le régime est financé sur le Trésor, le gouvernement peut décider d'utiliser l'excédent à différentes fins, peut-être pour réduire le taux général d'imposition. Il peut y avoir toutes sortes d'autres avantages pour l'économie qui auraient des effets beaucoup plus vastes que si on devait simplement gérer l'enveloppe du régime.
M. Ambaschtsheer: Encore une fois, d'une façon générale, la grande question à se poser est de savoir si le régime de pension doit être capitalisé ou géré au jour le jour. Le point de vue économique, dans ce contexte, c'est qu'à moins de se trouver dans une situation de croissance économique rapide et de très bas taux d'intérêt, la capitalisation n'est pas justifiée parce que la gestion au jour le jour serait suffisante et n'imposerait pas de maintenir des actifs distincts.
Le sénateur Kenny: S'il n'y a pas partage des risques et des récompenses, la capitalisation ne se justifie pas non plus, n'est-ce pas?
M. Ambaschtsheer: Bien sûr. Pour le moment, à titre de contribuable, si je dois garantir des prestations de pension, j'aimerais le faire au coût le plus bas possible. Je préférerais cotiser à 8 p. 100 du salaire plutôt qu'à 10 p. 100.
Le sénateur Kenny: Vous ne pouvez pas prédire l'inflation.
M. Ambaschtsheer: Non. Toutefois, si, à long terme, les marchés financiers ne favorisaient pas le risque en le récompensant, le système ne marcherait plus.
Historiquement, si on considère le rendement des actions -- qui, incidemment, ont rapporté davantage à l'étranger qu'au Canada au cours des 20 dernières années --, on constate qu'à très long terme il y a un écart d'environ 5 p. 100 entre ce rendement et celui des obligations. En appliquant la relation que je vous ai donnée tout à l'heure entre le rendement et le taux de contribution, vous aboutissez à des résultats incroyables si vous pouvez gagner 5 p. 100 de plus en investissant l'argent dans des actions.
Il faut cependant prendre garde à ne pas reporter sur l'avenir ces 5 p. 100 réalisés dans le passé. C'est probablement un très mauvais moment pour poser une telle hypothèse.
Le sénateur Oliver: Ne considérez-vous pas que l'un des dangers inhérents du projet de loi à l'étude, c'est le fait qu'en présence de cette incertitude relative à l'excédent, le gouvernement peut tout simplement, par voie réglementaire, prendre toutes les décisions qu'il veut sans égard aux employés ou aux personnes qui doivent toucher les prestations? Ne croyez-vous pas que ce soit là un risque inhérent?
M. Ambaschtsheer: Oui, dans une situation idéale, il faudrait qu'il y ait une clarté absolue. Encore une fois, j'essaie de me mettre à la place de ces gens qui seront nommés au conseil d'administration de l'office. Je ne saurais pas quelle orientation prendre, à moins que le mandat ne soit plus clair. Que faut-il penser de l'exposition au risque? Qui assume les risques?
Le sénateur Oliver: Le gouvernement a la possibilité de prendre des règlements après l'adoption du projet de loi pour éclaircir la situation.
M. Ambaschtsheer: La situation devrait être claire. Ce serait dans l'intérêt de tout le monde.
Le sénateur Oliver: Si ce projet de loi reçoit la sanction royale, le gouvernement aura le pouvoir inhérent de définir les modalités par règlement. Est-ce que je me trompe?
M. Ambaschtsheer: Je ne connais pas vraiment tous les détails du projet de loi. Les témoins précédents auraient pu mieux vous répondre.
Le sénateur Hervieux-Payette: Avons-nous besoin de placer cet argent, ces milliards de dollars sur les marchés boursiers? Le marché canadien en a-t-il besoin pour renforcer l'économie en général ou est-ce que ces placements exerceront des pressions sur le marché à mesure que la caisse de retraite prendra de l'importance? À quoi peut-on s'attendre dans 20 ans? Nous ne devrions pas seulement considérer ce qui se passera dans les cinq prochaines années.
M. Ambaschtsheer: Quelque chose de très important s'est produit sur les marchés financiers au cours des 20 dernières années: ils revêtent de plus en plus un caractère mondial. Il est donc de moins en moins intéressant de parler d'un marché qui ne représente peut-être que 2 p. 100 du marché financier mondial et de se préoccuper des répercussions que peuvent y avoir ces fonds.
Votre question me donne une autre occasion de dire -- et je crois que vous en conviendrez -- que si nous investissons à l'échelle mondiale et que nous voulons donner à ce nouvel Office le mandat de gagner le rendement le plus élevé possible, compte tenu du risque à prendre, il serait vraiment très difficile de le faire au sein d'un marché qui ne représente que 2 p. 100 de l'ensemble. Encore une fois, c'est la limite de 20 p. 100 qui crée de difficultés.
Le sénateur Hervieux-Payette: J'entends souvent dire que le marché canadien est sous-évalué. Est-ce que cela a quelque chose à voir avec cette question? Nos actions vaudraient davantage et les rendements seraient supérieurs au Canada. Sommes-nous limités parce que nous devons garder le capital dans notre pays? N'y a-t-il pas un mouvement suffisant?
M. Ambaschtsheer: Près de la moitié de ces 2 p. 100 du marché mondial que représente le Canada est constituée de ressources naturelles. Depuis le début des années 80, le marché n'a pas été très favorable aux ressources. C'est une question de diversification. Le marché des ressources a été extraordinaire dans les années 70, mais sûrement pas dans les années 80 et 90. C'est ce facteur qui joue le rôle le plus important.
En soi, la règle des 20 p. 100 n'est pas vraiment contraignante pour les autres investisseurs, qui peuvent quand même réaliser un certain équilibre. C'est seulement certaines personnes qui ne peuvent pas faire ce qu'elles veulent. Le vrai problème, dans un contexte mondial, c'est que notre marché boursier n'est pas assez diversifié.
Le sénateur Hervieux-Payette: On m'a toujours dit qu'une grande partie de la dette nationale est constituée de fonds de pension non capitalisés. Je suppose qu'il s'agit du Régime de pensions du Canada, ce qui représente des milliards de dollars.
Dans ce cas, supposons que nous ayons une gestion au jour le jour et que les contribuables assument toute la responsabilité. Nous avons convenu qu'il s'agit de 4 p. 100 ou de l'indexation. Croyez-vous que cela se répercute négativement sur l'interprétation par le Canada de sa dette nationale? Cela serait capitalisé et réputé constituer une dette pour le Canada, qui s'ajoute aux 200 milliards de dollars existants. C'est ce qu'on me dit. Quand d'autres pays parlent de leur dette, ils n'incluent pas les régimes de pension.
M. Ambaschtsheer: En ce qui concerne ces régimes particuliers, c'est tout à l'honneur du Canada d'avoir ainsi comptabilisé d'une manière explicite sa dette. Nous avons des livres extrêmement complexes dans lesquels nous avons créé ces obligations fictives. Elles constituent un actif pour les régimes, mais un passif pour les contribuables. En réalité, elles n'existent pas du tout. Mais nous avons au moins la comptabilité, ce qui nous permet de déterminer les obligations courantes.
En Europe, sauf aux Pays-Bas, où je suis né, il n'y a aucune comptabilité de ce genre. Ces économies ont beaucoup plus de difficulté que nous parce qu'elles n'ont jamais accumulé la dette représentée par les régimes de pension, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle de la fonction publique.
Le sénateur Hervieux-Payette: Nous avons au moins cette transparence au Canada.
Le sénateur Austin: Comme toujours, monsieur Ambaschtsheer, votre témoignage et vos conseils sont très précieux.
Je suis presque tenté de vous demander si la valeur réelle des produits de base a fini de baisser et si nous entreprenons une courbe ascendante. Comme investisseurs, nous porterions un énorme intérêt à votre réponse.
Tout bien considéré, diriez-vous que le projet de loi C-78 constitue une mesure législative raisonnable?
M. Ambaschtsheer: Je crois que le projet de loi est incomplet. Je suis déçu que le gouvernement ne soit pas allé plus loin pour créer des régimes de retraite que je pourrais considérer comme logiques et complets, dans lesquels l'ancien s'intègre bien au nouveau, où des groupes naturels sont formés et où les mécanismes de régie portent à la fois sur l'actif et sur les prestations. À mon avis, ce serait là le modèle idéal.
Parfois, on ne peut pas atteindre l'idéal auquel on aspire. La question qui se pose alors est la suivante: avons-nous ce qu'il y a autrement de mieux? Je crois que oui, sauf en ce qui concerne ces autres éléments qui ne se rattachent encore à rien. Ces éléments sont prioritaires, dans le sens qu'ils devraient être complétés le plus vite possible. Les administrateurs qui seront nommés devraient insister pour que ces éléments soient complets avant qu'ils n'assument leurs fonctions.
Le sénateur Austin: Au sujet de la première partie de votre réponse en deux volets, je peux vous dire que l'Alliance de la fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor n'ont pas réussi, pour le moment, à s'entendre sur une formule de partage des risques. Par conséquent, le projet de loi devrait être adopté tel quel. Les discussions futures porteront ou non sur un tel partage, selon la politique qu'adoptera chacun des intervenants.
Merci beaucoup pour votre réponse.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ambaschtsheer. Votre témoignage nous a été aussi utile que d'habitude.
La séance est levée.