Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 55 - Témoignages du 10 juin 1999
OTTAWA, le jeudi 10 juin 1999
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des postes et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, notre témoin ce matin est l'honorable Marcel Massé, président du Conseil du Trésor. Il est accompagné de Mme Hamilton et de M. Jolicoeur. Merci d'être venus ce matin. Je pense que c'est la première fois que vous comparaissez devant notre comité. Nous sommes ravis de vous accueillir. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
Comme vos collaborateurs vous l'ont probablement signalé, nous aimerions aborder un certain nombre de questions avec vous. Je vous cède la parole pour que vous nous fassiez votre déclaration d'ouverture, après quoi nous passerons aux questions.
L'honorable Marcel Massé, président du Conseil du Trésor: Monsieur le président et chers membres du comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à venir parler de ce projet de loi. Même si mes observations d'aujourd'hui seront axées sur l'investissement et la régie des pensions, il est important de ne pas perdre de vue le contexte général dans lequel s'inscrit le projet de loi. Ce projet de loi a surtout pour objet d'asseoir les régimes de pensions de la fonction publique sur une base financière saine, durable et transparente pour l'avenir d'une façon équitable pour les bénéficiaires de ces régimes ainsi que pour les contribuables. Pour ce faire, trois genres de modifications sont apportées.
Premièrement, de concert avec le projet de loi C-71, le projet de loi instaure un certain nombre d'améliorations des prestations pour les employés. Par exemple, non seulement les prestations accumulées jusqu'ici seront protégées, mais les futures prestations de pension seront augmentées. La composante d'assurance-vie temporaire de la LPFP, la Loi sur la pension de la fonction publique, est améliorée; ensuite, conformément aux décisions des tribunaux, des prestations de survivant seront désormais accordées aux partenaires de même sexe; et un régime de soins dentaires pour les retraités sera mis sur pied.
Deuxièmement, les taux de cotisation des employés seront fixés indépendamment des taux du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec. Les taux seront bloqués pendant quatre ans jusqu'à 2004, et ils seront ensuite fixés par le Conseil du Trésor sous réserve de limites strictes établies par la loi.
[Français]
Le projet de loi C-78 améliorera aussi la gestion de ces régimes. Il créera un office d'investissement indépendant et compétent, dont je reparlerai plus tard, chargé d'investir les futures cotisations sur les marchés financiers externes. Il renforcera les comités consultatifs actuels de façon à ce que les employés et les retraités aient leur mot à dire dans la gestion des régimes et il créera un nouveau régime pour Postes Canada.
Enfin, conformément à la loi et du fait que le gouvernement a payé tous les déficits antérieurs et qu'il demeure responsable des éventuels déficits, ce projet de loi fournit au gouvernement les outils dont il a besoin pour gérer, comme il se doit, les excédents actuels et éventuels.
On m'informe que le comité a eu la chance de discuter du projet de loi C-78 avec mes agents et que le président a demandé tout particulièrement que j'adresse deux points précis qui ont été soulevés par les sénateurs lors de leur examen. Avec la permission du comité, je vais passer directement à ces deux points.
Le premier point: est-ce que le gouvernement, par l'entremise des propositions du projet de loi C-78, s'offre un meilleur traitement que celui qu'il permet aux employeurs du secteur privé?
Le deuxième point: est-ce que le projet de loi favorise l'employeur? Permettez-moi de dire tout de suite que la réponse aux deux questions est non.
Sur la première question, les sénateurs savent fort bien à quel point la législation sur les pensions peut être complexe et compliquée, à quel point il peut être difficile de trouver un terrain simple de comparaison entre les régimes de pension du secteur privé et ceux du secteur public. Il est encore plus difficile de comparer les régimes régis par une loi comme ceux de la fonction publique avec ceux qui ne le sont pas, comme c'est le cas pour la majorité des régimes dans le secteur privé.
Afin de comparer la façon dont le gouvernement traite en fonction du traitement qu'il permet aux employeurs du secteur privé, je crois que la législation sur les pensions peut se résumer par un principe simple, valable, voire même commun. Il s'agit du principe que lorsqu'on fait des promesses, on les tient.
[Traduction]
Lorsqu'il s'agit des régimes de pension de ses employés, le gouvernement tient ses promesses et s'attend à rien de moins de la part des employeurs du secteur privé. En fait, le gouvernement a passé une loi -- la Loi sur les normes de prestation de pension pour être précis -- afin d'assurer que les employeurs du secteur privé, tout comme le gouvernement, tiennent bel et bien leur promesse de pensions à leurs employés. Et si cette promesse comprend bien clairement le partage des excédents -- si, par exemple, le régime a été établi en fiducie ou encore si les termes du régime le spécifient -- eh bien, oui, la loi insiste pour que l'employeur tienne sa promesse.
Les régimes de la fonction publique sont des régimes basés sur une loi et en tant que tels ne sont pas assujettis à la Loi sur les normes de prestation de pension. Néanmoins, ils sont assujettis à leurs lois propres -- les lois qui les ont créés et qui en dictent les termes.
Et c'est par ces lois que le gouvernement en tant qu'employeur tient ses promesses à ses employés. Tout particulièrement, l'employeur promet de payer à chaque employé un revenu à la retraite -- un revenu qui est clairement défini dans les termes de la loi. Le gouvernement fédéral, à titre d'employeur, a toujours tenu compte des lois et a tenu ses promesses dans tous les cas. Selon les termes des lois qui régissent les régimes de pension de la fonction publique, l'employeur promet également d'assumer tous les risques financiers et de financer entièrement les régimes lorsqu'il y a des déficits. Les régimes ont des excédents en ce moment, mais ça n'a pas toujours été le cas. Il y a eu des déficits à plusieurs reprises dans le passé et chaque fois, le gouvernement a tenu compte de la loi et tenu ses promesses en contribuant des montants additionnels afin de combler les insuffisances dans les comptes. Les cotisations des employés, par contre, n'ont jamais été affectées par ces déficits.
En bref, le gouvernement a toujours tenu et tiendra toujours toutes les promesses qu'il fait à ses employés dans les lois qui régissent ses régimes de pension, tout comme il s'attend à ce que les employeurs du secteur privé fassent de même. Toutefois le fait demeure que les promesses que le gouvernement fait à ses employés dans les lois qui régissent ses régimes de pensions ne comprennent tout simplement pas une promesse de partager les excédents. D'abord, les régimes de la fonction publique ne sont pas des fiducies. Ensuite, comme je l'ai déjà mentionné, les régimes ne comprennent pas encore une attente de partage des risques. Une telle entente, comme les sénateurs le savent très bien, est le principe sur lequel repose invariablement le partage des excédents dans les régimes de la fonction publique. Il n'existe aucune façon d'interpréter les termes des régimes pour y entendre que les excédents devraient être partagés avec les employés.
Et donc, la réponse à la première question est non. Dans le projet de loi C-78, le gouvernement ne s'offre pas un meilleur traitement que celui qu'il permet aux employeurs du secteur privé.
Quant à la deuxième question, à savoir si le projet de loi C-78 est biaisé afin de favoriser l'employeur, je vais tout d'abord faire remarquer que les critiques du projet de loi souvent négligent d'apprécier ou encore moins, ont l'honnêteté de mentionner la part qu'offre l'employeur. Les régimes de pensions de la fonction publique, avec leurs dispositions en matière de retraite anticipée et la pleine indexation de leurs prestations au coût de la vie, comptent maintenant parmi les meilleurs régimes au pays.
[Français]
Les améliorations apportées aux prestations par les projets de loi C-78 et C-71 maintiendront les régimes de la fonction publique au premier rang des régimes de pension du secteur public au Canada. Ce sont ces améliorations qui font preuve contre l'accusation que la réforme des pensions favorise l'employeur. Permettez-moi de rappeler aux sénateurs quelles sont ces améliorations.
En premier lieu, il convient de mentionner la modification qui porte de six à cinq ans la moyenne du traitement servant au calcul de la prestation de base. Cette modification entraîne une augmentation des prestations de retraite dans la plupart des cas. Il faut également mentionner la modification à la formule d'intégration des prestations avec celle du Régime de pension du Canada. Cette modification entraînera une diminution moindre des prestations du régime de la fonction publique au moment où les participants commencent à toucher les prestations du Régime de pension du Canada à l'âge de 65 ans.
Ensuite, les participants au régime, en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique, verront quatre améliorations importantes du régime de prestations supplémentaires de décès, y compris une réduction des primes de 25 p. 100. Les membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada verront des améliorations en matière d'acquisition des droits et de transfert de ces droits, dès que des consultations auront eu lieu. Un régime de pension sera mis sur pied pour les forces de réserve après consultation également.
Comme autre exemple d'équilibre, j'aimerais faire mention de l'engagement du gouvernement de ne pas augmenter les cotisations des employés pendant au moins quatre ans, celui de n'augmenter les cotisations à l'avenir que si nécessaire et, le cas échéant, de ne les augmenter que graduellement. À cet effet, je dois ajouter que les taux de cotisation des employés fédéraux se comparent favorablement avec les taux d'autres régimes du secteur public parrainés par l'employeur et qu'ils sont moindres dans plusieurs des cas. En parlant de l'équilibre que nous avons atteint au cours de cette réforme des pensions, je pense également à d'autres éléments d'équilibre que nous pourrions mettre en place à l'avenir.
Cela dit, j'aimerais maintenant discuter de la gestion conjointe des pensions par l'employeur et les employés, une question qui a été soulevée au Sénat la semaine dernière et par quelques témoins à ce comité. Selon un principe fondamental en matière de pension, pour pouvoir gérer un régime de pension comme pour partager les excédants qui y sont accumulés, il faut assumer la responsabilité au titre des risques inhérents au régime, c'est-à-dire les déficits. Après tout, quelqu'un qui gérerait un régime, sans pour autant en assumer la responsabilité des déficits, aurait le pouvoir de prendre des décisions qui pourraient créer des déficits que d'autres devraient éponger.
[Traduction]
De façon que les employés et les retraités du secteur public puissent exercer 50 p. 100 du pouvoir de gestion de leurs régimes de pensions à l'avenir, et qu'ils aient droit à 50 p. 100 des excédents éventuels, nous avons proposé, dans le cadre des consultations sur la réforme des pensions tenues l'an dernier, un partage égal de la responsabilité des excédents et des déficits éventuels avec les employés. Même si nous semblions nous diriger vers une entente à ce sujet et sur d'autres éléments du nouveau «dossier des pensions», à la dernière réunion tenue en décembre, il est devenu manifeste que les employés n'accepteraient pas le partage de la responsabilité des éventuels déficits qui auraient pavé la voie à la gestion conjointe des régimes, à moins que le gouvernement ne donne aux employés une importante partie des excédents actuels, à laquelle les employés n'ont pas droit -- ni moralement, ni aux yeux de la loi. Nous aurions pu, évidemment, imposer le partage des risques aux employés afin de permettre la gestion conjointe des régimes. Le partage des risques est cependant une obligation très sérieuse dont on ne peut s'acquitter que de façon volontaire. Le gouvernement demeure donc entièrement responsable de tous les éventuels déficits. En conséquence, il n'a pas été possible de prévoir un conseil de gestion mixte dans le projet de loi C-78, et le gouvernement conserve la totalité des pouvoirs de gestion des régimes.
Cela ne signifie toutefois pas que le gouvernement n'est plus intéressé à gérer conjointement les régimes -- bien au contraire. Comme je l'ai déjà dit, notre gouvernement demeure entièrement disposé à partager les pouvoirs sous réserve d'un partage équitable et volontaire des risques. Nous espérons, une fois que l'actuelle pierre d'achoppement -- l'excédent actuel -- aura été éliminée aux termes du projet de loi C-78 d'une manière qui fait état de la responsabilité de tous les déficits antérieurs ayant été assumée par le gouvernement, que les employés voudront reprendre les pourparlers en vue d'une entente de gestion conjointe fondée sur un partage des risques.
Entre-temps, pour prouver notre sérieux au sujet d'un partenariat fondé sur des bases égales, le projet de loi C-78 permet aux employés et aux retraités de participer activement à la nomination des membres de l'Office d'investissement dans le cadre des travaux d'un comité des candidatures. En outre, grâce au renforcement des comités consultatifs, les employés et les retraités auront leur mot à dire dans l'administration, la conception et le financement de leurs régimes de pensions. Évidemment, le gouvernement conserve l'ultime pouvoir décisionnel et ce, à juste titre, étant donné qu'il continue d'assumer la totalité des risques.
[Français]
J'aimerais maintenant approfondir notre projet d'office d'investissement. Premièrement, je tiens à assurer le comité que cet office aura toutes les compétences voulues pour s'acquitter de ses responsabilités. Un nombre minimum d'administrateurs devront avoir fait la preuve de leur capacité de gestion financière. Cependant, comme l'a reconnu ce comité l'an dernier, les conseils de gestion des pensions doivent collectivement avoir acquis une expérience diversifiée et posséder un vaste éventail de compétences. Par conséquent, au terme du projet de loi C-78, il y a une marge de manoeuvre possible qui permet de nommer des personnes avec des compétences en matière de gestion de caisse de retraite et des personnes qui ont d'autres aptitudes pertinentes.
Certains diront que des personnes dont les compétences sont insuffisantes risquent tout de même d'être nommées. À cela je reponds que comme le gouvernement est entièrement responsable des déficits éventuels, il a tout intérêt à nommer des personnes ayant les compétences requises.
Compte tenu de l'importance des cotisations qui devraient être versées dans les caisses de retraite de la fonction publique, par rapport à la taille des marchés financiers canadiens, nous estimons aussi qu'il y a peu de risques que les décisions de l'office d'investissement aient d'importantes répercussions sur les marchés financiers canadiens.
En supposant que les marchés financiers continuent de croître à leur taux historique de 10 p. 100 par année, on estime que les actions et les obligations détenus par l'office dans 20 ans constitueraient de 2 à 3 p. 100 de la valeur des divers segments des marchés canadiens.
Enfin, j'aimerais souligner que, comme l'a recommandé le comité l'automne dernier, cet office, en sa qualité de fiduciaire, sera tenu de prendre les décisions d'investissement indépendamment des parties prenantes dans les meilleurs intérêts des bénéficiaires des régimes, si bien que les intérêts plus restreints des commettants seront secondaires.
Le fait que l'office soit indépendant ne signifie toutefois pas qu'il ne doit pas rendre des comptes. Par l'entremise du rapport annuel remis au ministre, qui doit être déposé au Parlement et mis à la disposition des participants au régime, l'office doit divulguer périodiquement les résultats de ses activités y compris sa participation financière, de façon que les parties prenantes puissent juger de son travail.
En outre, l'office doit se réunir annuellement avec le comité consultatif afin de discuter de son rapport et ses règlements administratifs doivent être mis à la disposition du public. Bref, nous disposons d'un office ayant les compétences nécessaires pour prendre des décisions d'investissement indépendamment des parties prenantes et tenu de rendre compte des résultats de ces décisions aux mêmes parties prenantes. Comme ce fut le cas dans d'autres secteurs de compétence, nous prévoyons qu'à long terme, la nouvelle politique d'investissement instaurée dans le projet de loi C-78 réduira le coût total des régimes de pension du secteur public qui doit être assumé par les employés et les contribuables.
J'espère que nous réussirons un jour à proposer un autre projet de loi qui mettrait en place la dernière pièce du casse-tête, c'est-à-dire un conseil de gestion conjoint des régimes de pension qui serait fondé sur une entente visant le partage équitable et volontaire des risques avec les employés.
Je metterai fin ici à mes observations afin de laisser suffisamment de temps aux sénateurs pour poser des questions.
[Traduction]
Le sénateur Kelleher: Bienvenue au comité, monsieur le ministre. Je pense que vos collaborateurs sont déjà venus ici et je suis certain qu'ils vous ont dit que ce fut pour eux une merveilleuse expérience.
Le sénateur Oliver: L'un d'entre eux est de retour pour une deuxième comparution.
Le sénateur Kelleher: Je voudrais aborder spécifiquement la question du surplus et de son transfert au gouvernement. Nous avons entendu hier divers témoins qui se sont dits mécontents de ce transfert. Leur mécontentement découlait du fait qu'ils n'ont pas été consultés au sujet du transfert de ce surplus.
Si je comprends bien -- et vous connaissez le dossier mieux que moi -- le gouvernement a adopté le projet de loi S-3, qui traitait du secteur privé. L'une des principales dispositions de ce projet de loi établit les règles et les modalités pour retirer les fonds excédentaires des caisses de retraite des régimes de pensions employeurs-employés. Je crois que vous avez dit au cours de votre témoignage devant le comité de la Chambre des communes que, dans la loi actuelle, il n'est nullement fait mention des surplus. Est-ce exact?
M. Massé: Oui.
Le sénateur Kelleher: Je pense que c'est ce qui a causé énormément de mécontentement. Dans le régime actuel, il n'y a absolument aucune directive, aucune disposition au sujet de ce surplus. Ces gens-là nous disent maintenant que vous procédez sans avoir fait de consultation, ou presque pas.
Je vous ai entendu expliquer pourquoi le gouvernement ne s'est pas inclus lui-même dans le projet de loi S-3. Ce raisonnement me laisse quelque peu perplexe parce que vous dites que tout est garanti et que rien ne sera changé. En fait, vous dites que l'on peut faire confiance au gouvernement.
On nous a signalé que ce n'est pas nécessairement le cas. En 1982-1983, avec le projet de loi C-133, vous avez introduit ce qui est maintenant couramment appelé le programme des six et cinq. Connaissez-vous ce programme?
M. Massé: Oui.
Le sénateur Kelleher: C'était un recul de l'indexation des pensions. Aux termes de cette mesure, que le gouvernement a adoptée unilatéralement, les prestations de pension ont été en fait réduites et n'ont jamais été rétablies.
On nous a dit que la même chose s'était produite en Ontario, mais que les prestations ont par toutefois été rétablies quelques années plus tard. Personne n'en a souffert. Vu cet état de choses, et étant donné que le gouvernement conserve le droit exclusif de légiférer en cette matière, pourquoi ne seriez-vous pas visé par le projet de loi S-3 afin de protéger les droits des employés et de répondre à leurs préoccupations?
M. Massé: Vous m'avez posé toute une série de questions et je vais essayer de répondre à chacune d'elles.
La première question portait sur le surplus. Je vais vous donner plutôt une réponse politique, parce que vous avez déjà rencontré mes collaborateurs qui vous auront donné les réponses techniques. Pour moi, la différence est que nous avons des régimes légiférés à prestations déterminées. Autrement dit, nous avons sous les yeux une loi qui définit ce qui a été promis aux fonctionnaires. Dans cette loi, on précise très clairement -- et j'ai été moi-même fonctionnaire et je connais donc cette situation -- que ce que le gouvernement garantit, c'est un certain montant de prestations qui constitue la pension de retraite. C'est différent de la plupart des régimes du secteur privé, qui constituent une fiducie dans laquelle les actifs s'accumulent et dont les revenus sont distribués sous forme de pensions.
Dans le cas du gouvernement, il y a eu toute une série de prestations légiférées. Les actuaires et les comptables ont bien sûr forcé le gouvernement à établir un système de responsabilité et un certain nombre de bilans dans lesquels les déficits et les surplus sont précisés. Toutefois, il n'a jamais été question que les employés aient quoi que ce soit à payer si jamais il y avait un déficit. C'était un exercice comptable. Ils ont établi les bilans, les états financiers, etc. Dès qu'il y avait déficit, il était clair que le gouvernement le comblerait.
Quand les régimes de pension ont été indexés, il y a eu subitement une augmentation des engagements financiers de plus de huit milliards de dollars. Le gouvernement a versé ces huit milliards de dollars parce que c'était un exercice comptable pour équilibrer le bilan. Il n'y a aucun doute dans mon esprit, et j'ai d'ailleurs dû m'en assurer parce que c'est un point essentiel du projet de loi, que ce surplus a été versé par le gouvernement et qu'il n'était pas nécessaire pour rendre le régime solvable. Cette somme n'appartient absolument pas aux employés qui n'y ont aucun droit.
Je suis appuyé dans cette position non seulement par tous les avocats, mais aussi par le vérificateur général -- il nous arrive parfois de trouver utile de nous réclamer de son autorité -- par les comptables et par les actuaires. Dans mon esprit, c'est absolument clair: pas un sou de ce surplus n'a jamais été promis aux employés ni ne leur appartient.
Bien sûr, cela détermine la position que j'adopte sur le projet de loi. C'est pourquoi dans le projet de loi C-78, on définit les prestations et l'on augmente les prestations qui avaient été promises. Absolument rien dans ce projet de loi ne dit que les employés doivent partager les risques du régime. Ils n'ont pas à le faire. Comme je l'ai dit encore une fois dans mon allocution d'aujourd'hui, le gouvernement assume tous les risques dans ce régime. Ce qui est promis aux employés, ce sont les prestations légiférées.
Pour ce qui est des consultations, c'est toujours une question de jugement pour ce qui est de savoir dans quelle mesure les gens ont été consultés. Au cours des trois dernières années -- et même avant, parce que ces consultations sur une éventuelle gestion conjointe ont commencé en 1991 -- il y a eu des consultations et même beaucoup de consultations des employés.
C'est le Conseil du Trésor qui est responsable de la gestion financière du régime. Soit dit en passant, notre position était et demeure très claire: nous discutons des prestations avec les employés qui sont disposés à discuter d'un éventuel futur régime de gestion conjointe. Mais sur la question du surplus, ce qui met en cause le financement du régime, il était clair que le gouvernement assume la totalité des risques et qu'en conséquence, la responsabilité incombe à l'employeur. Nous avons fait des consultations. Nous avons discuté de l'orientation future du régime. Nous sommes toutefois d'avis que la disposition du surplus n'est pas matière à consultation avec les employés. Je répète qu'à ce sujet, la situation juridique est claire.
Au sujet de la Loi sur les normes de prestation de pension, anciennement le projet de loi S-3, je pourrais faire une distinction entre les régimes des secteurs privé et public. Le législateur légifère pour créer un cadre juridique applicable aux régimes de pensions privés et ce cadre force les employeurs du secteur privé à tenir leur promesse. Dans le cas du secteur public, c'est tout à fait différent, je le répète, parce que nous avons des lois qui définissent ces divers régimes; par conséquent, les prestations elles-mêmes sont légiférées. Nous savons exactement ce à quoi la loi nous contraint.
J'irai même plus loin et je soutiens que, dans la mesure où il est question du surplus dans la Loi sur les normes de prestation de pension, la loi stipule que s'il y a dans les régimes des modalités qui définissent ce qu'il advient du surplus ou à qui il appartient, c'est très bien. Par contre, si ce n'est pas précisé, alors on peut demander aux employeurs et aux employés de trancher au moyen d'un vote.
Dans notre cas, la question ne se pose pas de savoir à qui appartient le surplus; c'est très clair. Une fois de plus, nos avocats nous disent qu'il n'y a aucune équivoque là-dessus.
J'irai même encore plus loin. L'une des questions que les retraités ont posée sur Internet est celle-ci: pourquoi ne s'adresse-t-on pas aux tribunaux pour contester cette façon de faire? Les retraités disent qu'ils ont moralement droit à ce surplus.
La réponse est qu'ils ont consulté des conseillers juridiques indépendants qui ont dit très clairement que les retraités n'ont aucun droit, légalement, à l'égard de ce surplus. Par conséquent, l'avis des avocats est qu'il n'y a pas matière à contestation. S'il n'y a pas matière à réclamation, ce qui est bien sûr ce que nous soutenons, alors nous respectons parfaitement les dispositions de la Loi sur les normes de prestation de pension, parce que nous n'avons pas besoin de consulter les employés à ce sujet. Ce surplus appartient aux contribuables.
Le sénateur Kelleher: J'ai soulevé la question du projet de loi C-133, le soi-disant programme des six et cinq, par lequel on a réduit les droits d'un groupe d'employés. Ces droits n'ont jamais été rétablis. Si c'est déjà arrivé une fois, ça pourrait arriver une deuxième fois.
Si vous vous étiez inclus dans le projet de loi S-3, cela aurait protégé les employés contre une telle éventualité, mais ils n'ont pas cette protection actuellement.
Mme Sharon G. Hamilton, secrétaire adjointe, Division des pensions, Secrétariat du Conseil du Trésor: Comme vous le savez, sénateur, le programme des six et cinq était un vaste programme gouvernemental qui s'appliquait à tous les prix et les salaires relevant de la réglementation fédérale dans le secteur public fédéral. Il s'appliquait également à tous les programmes sociaux comme le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse et peut-être aussi aux paiements de transfert.
C'était une initiative gouvernementale d'une vaste portée suscitée par un grave problème économique auquel le gouvernement a jugé bon de s'attaquer à ce moment-là, nommément le taux d'inflation élevé. Comme le gouvernement agissait dans un cadre très vaste, les régimes de pensions de la fonction publique ont été inclus dans cette initiative.
Il y avait une importante différence pour ce qui est des régimes de pensions de la fonction publique: compte tenu du fait que les fonctionnaires avaient versé des cotisations calculées en fonction des dispositions d'indexation de leur régime de pension, le plafond pour les pensions de la fonction publique a été fixé à 6,5 p. 100 et 5,5 p. 100, au lieu des 6 p. 100 et 5 p. 100 qui s'appliquaient aux autres programmes.
Ce programme a été appliqué à tout l'éventail des activités fédérales. On peut supposer que si, à l'avenir, un futur gouvernement était confronté à une situation économique semblable et qu'il jugeait nécessaire d'adopter un train de mesures aussi vaste, il n'estimerait pas nécessairement que la LNPP doive en exempter certains programmes gouvernementaux.
Le sénateur Kelleher: On me dit que cela ne s'appliquait pas au Régime de pensions du Canada.
Mme Hamilton: Peut-être bien. Je suppose que c'est à cause de la dimension fédérale-provinciale.
Le sénateur Kelleher: Je comprends pourquoi on a été amené à prendre cette mesure, mais pourquoi, après coup, le gouvernement fédéral n'a-t-il pas fait ce que la province d'Ontario a fait, c'est-à-dire rétablir ces prestations? Des témoins nous ont dit que cela a considérablement réduit les crédits de pension des personnes visées. On n'a jamais rien fait pour y remédier.
M. Massé: Mme Hamilton ne peut pas vous dire pourquoi un gouvernement donné a fait ou n'a pas fait telle ou telle chose. Je ne me rappelle pas exactement de tous les détails du programme des six et cinq.
En rétrospective, je dirais que si le gouvernement n'a pas pris cette mesure rétroactive, c'est parce qu'elle aurait influé sur tous les autres droits qui avaient été visés par la règle des six et cinq. Autrement dit, ce ne sont pas seulement les pensions qui ont été touchées à long terme; les salaires ont été bloqués pendant un certain temps et, en théorie, il n'y avait pas de rattrapage. Les gouvernements ont décidé que chacun avait accusé le coût du programme légiféré des six et cinq et que l'on s'en tiendrait là, qu'il n'y aurait aucun rattrapage. Cela s'appliquait aux retraités tout autant qu'aux employés. Je ne dis pas que telle était la raison pour laquelle le gouvernement a pris telle ou telle mesure. Je doute que quiconque ne faisait pas partie de ce gouvernement s'en rappellerait aujourd'hui les raisons précises.
Le sénateur Kelleher: Monsieur Massé, envisageriez-vous, je vous prie, de faire quelque chose pour aider ces retraités?
M. Massé: Je vais examiner la question.
Le sénateur Meighen: Au sujet du droit au surplus, je vous crois sur parole quand vous dites que les conseillers juridiques du ministère de la Justice vous ont donné un avis absolument clair. Si tel est le cas, pourquoi est-il nécessaire d'inclure dans le projet de loi une disposition stipulant que le gouvernement a droit à la totalité du surplus?
M. Massé: C'est nécessaire parce que ce n'était pas compris dans le projet de loi précédent, avec le résultat que nous avons créé un surplus qui est insensé. Nous avons créé un surplus qui a été critiqué chaque année par le vérificateur général et nous devons payer de l'intérêt sur ce surplus. Il est clair que dans toute réforme, nous devons nous pencher non seulement sur les déficits, mais aussi sur les surplus.
Il est clair que nous avons droit au surplus, mais, malheureusement, parce qu'il n'y avait aucune règle au sujet des surplus, nous avons constitué un bilan dont le vérificateur général nous dit qu'il ne reflète pas la réalité. En fait, il nous a forcés à adapter le surplus dans les comptes publics d'une manière différente par rapport à ce que nous faisons dans le projet de loi sur les pensions. Par conséquent, nous devions inclure une disposition qui nous permettrait de régler le cas du surplus et d'avoir un bilan qui correspond à la façon dont les comptables traitent habituellement un surplus.
Le sénateur Meighen: Voilà qui soulève la question de savoir pourquoi on a laissé le surplus s'accumuler jusqu'à 20 milliards de dollars ou 30 milliards de dollars, et pourquoi on n'a pas fait de rajustement en cours de route, mais c'est une question que l'on posera une autre fois.
Le sénateur Austin: Le projet de loi C-78 a-t-il pour conséquence de mettre fin à tout litige sur le droit au surplus?
Mme Hamilton: Faites-vous allusion à des poursuites éventuelles?
Le sénateur Austin: Des témoins, notamment l'Alliance de la fonction publique, nous ont dit que des poursuites ont été intentées pour réclamer une portion du surplus. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il en est?
Mme Hamilton: À ma connaissance, cette poursuite porte sur les pratiques comptables relatives aux régimes de retraite et aux surplus de ces régimes. Je ne crois pas que le litige prendrait fin après l'adoption de ce projet de loi, mais je devrai vérifier auprès des conseillers juridiques.
Le sénateur Austin: Monsieur le ministre, êtes-vous au courant des poursuites qui ont été intentées?
M. Massé: Je le suis et j'en ai discuté avec des avocats. Je signale en passant que cette poursuite ne m'étonne pas du tout. Pourquoi ne poursuivraient-ils pas? Qu'ont-ils à perdre, sinon les honoraires des avocats?
Mme Hamilton: Je m'excuse, monsieur le président. Je dois apporter une rectification. On me dit que d'après notre avocat spécialiste des litiges, cette mesure rend sans objet cette poursuite.
Le sénateur Austin: L'un des buts du projet de loi est de mettre fin à la poursuite au sujet du surplus et de la façon dont il est comptabilisé, n'est-ce pas?
M. Massé: Je réponds ceci: laissons les avocats s'en occuper. Si la poursuite devient sans objet, mais que les syndicats, par exemple, croient que ce n'est pas le cas, alors ils pourront s'adresser aux tribunaux pour affirmer que l'affaire n'est pas éteinte. Les avocats devront alors se pencher sur la question pendant les dix prochaines années.
Cela dit, je dois suivre les avis juridiques qui me sont donnés, surtout quand ils sont aussi clairs que celui-ci. Habituellement, ce n'est pas le cas. Dans cette affaire, il y a des précédents jusqu'à la Cour suprême. Nous allons gagner cette cause.
Le sénateur Austin: Monsieur le ministre, je voudrais revenir à la question supplémentaire du sénateur Meighen, qui porte sur la même question. Peut-être que l'on vous a avisé que l'État a un droit absolu au surplus -- je ne le conteste pas. Toutefois, il y a une affaire en instance sur le surplus, la façon dont il est comptabilisé et la question de savoir qui y a droit. La mesure à l'étude -- et je crois comprendre que c'était l'intention du législateur -- aura pour effet d'éteindre ces revendications. Malheureusement, les avocats n'auront rien à se mettre sous la dent. Si le projet de loi éteint la revendication, il n'y a plus rien à faire. Je voudrais savoir quelle est l'information dont dispose le Conseil du Trésor à ce sujet.
Mme Hamilton: Si je comprends bien, notre avocat spécialiste en litiges estime que la poursuite devient sans objet. Mais cela ne veut pas nécessairement dire, comme le ministre vient de le préciser, que l'autre partie sera d'accord. Il est évident que l'affaire peut être contestée devant les tribunaux.
Le sénateur Austin: La question est celle-ci: sur le plan juridique, est-ce que ce projet de loi élimine l'objet de ce litige? La réponse est-elle «oui» ou «non»?
Mme Hamilton: J'ai l'impression que c'est «oui», à notre avis du moins.
Le sénateur Austin: La réponse est oui?
Mme Hamilton: J'en ai l'impression. Nous devrons vérifier auprès de nos conseillers juridiques du ministère de la Justice.
Le sénateur Austin: Dans ce cas, pouvons-nous considérer que la question est ouverte, jusqu'à ce que nous recevions de plus amples renseignements?
Mme Hamilton: Non. La question n'est pas ouverte. Je dis que d'après l'avis que nous avons reçu, nous croyons comprendre que cette instance est rendue sans objet.
Le sénateur Austin: Par le projet de loi?
Mme Hamilton: Exact.
Le président: Monsieur le ministre, je voudrais faire une observation parce que vous n'étiez pas aux autres audiences du comité. La question essentielle qui a été posée par mes collègues des deux côtés met en cause nos objections à ce que nous percevons comme le raisonnement suivant de la part du gouvernement.
Le point de départ du raisonnement est que vous avez le droit absolu de prendre le surplus. Si vous avez un droit absolu, alors pourquoi vous faut-il légiférer pour le confirmer? N'est-il pas intéressant de constater que le projet de loi, qui apparemment n'est pas nécessaire parce que vous possédez déjà le surplus, n'en est pas moins présenté justement au moment où il rend sans objet une instance qui est actuellement devant nos tribunaux? Par conséquent, on se dit que c'est peut-être la véritable raison d'être du projet de loi. On se pose ensuite la question: est-il juste qu'un participant dans une affaire devant les tribunaux, qui se trouve à posséder le droit de changer les règles du jeu, décide justement de changer les règles du jeu en plein milieu de l'affaire judiciaire?
Monsieur le ministre, je vous résume simplement ce qui, me semble-t-il, tracasse les gens des deux côtés de la table.
Le sénateur Kroft: C'est l'une des questions que je voulais poser.
Je voudrais revenir à l'une de mes questions principales que vous avez d'ailleurs effleurée. J'aimerais comprendre exactement ce que représente ce chiffre de 30 milliards de dollars dans les comptes nationaux. Nous savons qu'il y a possibilité d'action en justice. Supposons que, contrairement à votre conviction et aux avis que vous avez reçus -- et aussi, je le dis franchement, à ma propre expérience en la matière -- la conclusion est que la moitié du surplus appartient bel et bien aux employés actuels et aux ex-employés. Pouvez-vous expliquer quelles seraient les conséquences directes sur les comptes nationaux? Cela influerait-il directement sur le déficit de l'année en cours ou de l'année suivante?
M. Massé: Je préfère les réponses politiques à ces questions parce qu'elles sont plus claires. La réponse fondamentale est que le vérificateur général a examiné la question. Il est comptable. Il en est venu à la conclusion que les bilans comptables, établis en conformité des lois précédentes sur les pensions, sont mal faits et donnent une fausse idée du passif du gouvernement. En fait, il nous a forcés à changer nos comptes nationaux en en soustrayant une partie de ces 30 milliards de dollars. C'est pourquoi il y a maintenant incohérence entre la façon dont c'est comptabilisé au titre des comptes nationaux d'une part, et des anciens comptes de pension d'autre part.
S'il y a un passif que nous n'incluons pas dans nos comptes, alors, lorsque le jugement sera rendu, il faudra modifier le passif en fonction du jugement, lequel n'est pas prévisible. Comme c'est simplement un surplus dans un compte, on peut supposer qu'un jugement dirait simplement que le surplus doit être conservé dans le compte parce que cela peut se faire pour les 40 prochaines années, jusqu'à ce que le passif de ce compte de pension ait été complètement utilisé. Vous comprendrez, monsieur le président, pourquoi je préfère la réponse politique. C'est parce que je peux définir les paramètres de la discussion.
S'il y avait une décision de la Cour suprême dans le sens que j'ai indiqué, elle n'aurait aucune incidence sur les comptes gouvernementaux parce que nous continuerions simplement à maintenir cette fiction comptable dans nos comptes. C'est effectivement ce que l'on fait maintenant dans les comptes nationaux; chaque année, on réduit le surplus de 2,5 à 3 milliards de dollars, si bien qu'il sera complètement éliminé sur une période de 12 à 15 ans. C'est essentiellement ce qui se passera à la suite des réformes que nous mettons en place.
Le sénateur Kroft: La réponse est que quelle qu'elle soit, la décision n'aura aucune incidence sur le bilan national.
M. Massé: Elle aura une incidence; toutefois, celle-ci sera conforme à ce que le vérificateur général nous a dit de faire au sujet des comptes nationaux.
Le sénateur Kroft: Ce que vous faites déjà.
M. Massé: Le projet de loi C-78 nous permettra de concilier le compte des régimes de pension et ce que le vérificateur général nous force déjà à faire.
Le sénateur Kroft: Je voudrais revenir à la question de l'échéancier, qui a été abordée par presque tous les témoins à la fin de leur témoignage. Pouvons-nous avoir plus de temps? Pourquoi agissons-nous avec précipitation? Pourquoi n'y a-t-il pas eu consultation?
Pour sauver du temps, je voudrais avoir le privilège de diriger quelque peu le témoin, sans pour autant vous déclarer témoin hostile.
M. Massé: Je suis un témoin convaincu, pas un témoin hostile.
Le sénateur Kroft: Tout le monde a dénoncé la consultation très limitée. J'ai l'impression que vous dites que c'est peut-être vrai pour ce qui est spécifiquement de ce projet de loi, mais que tous les principes qui sont en cause ici ont fait l'objet d'un débat prolongé et de négociations.
M. Massé: Oui. Ces principes font l'objet d'un débat depuis des années. En fait, quand j'ai commencé à négocier de plus près avec les syndicats, en particulier en 1998, les syndicats demandaient la gestion conjointe. Il me semblait que le gouvernement faisait un grand pas en avant avec cette mesure. Ma propre conviction est que la gestion conjointe du régime est logique. Je pensais que les négociations étaient tout près d'aboutir positivement, c'est-à-dire que nous pourrions établir conjointement un plan pour la future gestion conjointe du régime, ce qui nous permettrait de privatiser la gestion du régime, de privatiser l'investissement du régime. Personnellement, je suis entièrement d'accord avec ces deux points, et nous avons donc eu des négociations approfondies là-dessus. Personne ne peut soutenir que nous n'avons pas négocié ce point.
Le sénateur Kroft: Rejetez-vous l'argument voulant que des concepts importants qui sous-tendent le projet de loi aient été ajoutés à la toute fin? Rejetez-vous ce grief?
M. Massé: Oui, parce que le principe de la gestion conjointe a été discuté à fond. En fait, même si nous n'avons pu nous entendre avec le syndicat, nous avons inclus un certain nombre d'avantages de ce genre. Par exemple, l'établissement de la moyenne qui passe de 6 p. 100 à 5 p. 100, les prestations de décès supplémentaires et le régime dentaire pour les retraités sont toutes des questions dont nous avions discuté. Nous avons décidé de les intégrer au projet de loi même si nous n'avons pu nous entendre. Nous devions inclure la question des prestations au conjoint de même sexe, parce que les tribunaux se sont déjà prononcés là-dessus et nous avions déjà mis fin à des négociations collectives avec le syndicat sur cette question.
Il y avait un certain nombre de points mettant en cause la question du financement. Le plus important est probablement l'influence des négociations sur le RPC, la dernière entente sur le RPC. Nous devions prévoir pour les fonctionnaires, dans le secteur public, les mêmes obligations que nous assumons pour les autres Canadiens.
Je pense que cela nous aurait frappés à brève échéance. La question a été discutée ad nauseam. Je suis d'accord avec votre conclusion générale qu'il y a eu des négociations approfondies sur la plupart, sinon la totalité de ces points, que nos positions étaient connues, que les arguments ont été répétés très souvent dans nos négociations et que nous n'avons surpris personne en sortant de notre manche un élément nouveau.
Le sénateur Austin: Durant nos séances d'hier après-midi et d'hier soir, un certain nombre de groupes de retraités sont venus nous dire qu'ils avaient droit -- tout au moins moralement -- à des prestations supplémentaires parce qu'ils ont contribué au surplus dans le passé. Ils ont dit aussi, en réponse à une question que j'ai posée, que l'Alliance de la fonction publique avait demandé en leur nom une bonification des pensions versées aux retraités. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est? Cette possibilité a-t-elle été envisagée durant les négociations?
M. Massé: On a discuté des prestations versées aux retraités; le régime dentaire en est un exemple et je pense que les prestations de décès supplémentaires s'appliquent également à eux. Nous avons inclus ces avantages dans le projet de loi C-78. L'argument des groupes de retraités est que même s'ils ont peut-être bien reconnu que, légalement, ils n'ont pas droit au surplus, ils n'en ont pas moins moralement le droit de le revendiquer.
Le sénateur Austin: De revendiquer une part du surplus.
M. Massé: Ou une part du surplus. Ils ont présenté leur plaidoyer de cette manière. À mon avis, il est très clair, logiquement, législativement, actuariellement et d'après le vérificateur général, que ce surplus appartient aux contribuables. Sur quoi se fondent-ils pour dire qu'ils ont un droit moral? Je crois que les contribuables ont moralement le droit d'obtenir que leurs comptes soient tenus conformément aux directives du vérificateur général et que leur passif en tant que contribuables, parce que c'est bien ce dont il s'agit, soit établi correctement. Nous devons donc opérer à l'égard du surplus le changement qui est proposé dans le projet de loi C-78.
Je trouve que ce sont les contribuables qui peuvent revendiquer en se fondant sur des considérations morales. J'ai écouté leurs arguments et je comprends très bien que les groupes de retraités invoquent un argument de ce genre parce que leur raison d'être est d'obtenir des avantages additionnels pour leurs membres. Cependant, le gouvernement n'est pas seulement l'employeur des fonctionnaires, il est aussi le défenseur des contribuables. Je dois évaluer s'il existe un droit moral de part et d'autre et il n'y a aucun doute que dans cette affaire, le droit moral des contribuables l'emporte clairement sur le droit moral de tout autre groupe.
Le sénateur Kolber: Je ne comprends pas ce que c'est que ce fonds de pension. Y a-t-il une somme de 30 milliards de dollars déposée quelque part? Est-ce un fonds réel?
M. Massé: Ce n'est pas un fonds réel et il n'y a pas vraiment d'argent dedans. C'est uniquement sur papier. Il y a sur papier des comptes de pension qui correspondent à un moment donné à un certain montant, mais nous n'avons pas investi l'argent.
Le sénateur Kolber: Vous n'avez pas acheté d'actions boursières.
M. Massé: Nous n'avons pas d'actions. Le fait que l'on puisse avoir un compte de pension dont le bilan est rédigé conformément à des principes différents de ceux qui s'appliquent aux comptes nationaux est en soi étrange, mais nous essayons justement d'y remédier grâce au projet de loi C-78.
Le sénateur Kolber: Dois-je comprendre, dans ce cas, que cette somme de 30 milliards de dollars est un passif dans les états financiers du gouvernement?
M. Massé: Oui.
Le sénateur Kolber: À mesure que vous réduisez le fonds chaque année, est-ce que cette somme de 2,5 milliards de dollars que vous avez mentionnée devient alors un actif, de sorte que notre ratio d'endettement par rapport au PNB s'améliore chaque année?
M. Massé: Je vais faire une distinction. C'est un passif de 30 milliards de dollars au compte des pensions, mais ça ne l'est pas dans les comptes nationaux. Dans les comptes nationaux, la somme a été réduite parce que le vérificateur général nous a dit que ce passif de 30 milliards de dollars n'avait aucun sens compte tenu des bonnes pratiques comptables qui s'appliquent aux comptes nationaux.
Le sénateur Kolber: Mais hier, c'était encore un passif, n'est-ce pas?
M. Massé: C'est un passif de 20 milliards de dollars.
Mme Hamilton: Oui, il a baissé à environ 20 milliards de dollars.
M. Massé: Le vérificateur général nous a dit qu'il veut que ce passif soit éliminé sur une période de 10 à 12 ans.
Le sénateur Kolber: Autrement dit, cette somme de 20 milliards de dollars deviendra un actif ou bien elle sera effacée, c'est bien ça?
M. Massé: Elle sera effacée.
Le sénateur Kolber: Comme cela n'a pas tellement de conséquences sur la solidité financière du gouvernement demain matin, pourquoi se précipite-t-on tellement pour faire adopter ce projet de loi?
M. Massé: Quand un projet de loi fait l'objet de discussions depuis une dizaine d'années, quand il fait l'objet de négociations depuis huit ans, je ne trouve pas que ce soit tellement précipité. Nous avons discuté à fond avec les syndicats de bon nombre d'aspects de ce projet de loi, au fil des ans. L'affaire est bien connue.
À un moment donné, il faut légiférer pour concilier les comptes nationaux et les comptes publics; il faut introduire l'idée que l'argent inscrit à ces comptes sera réellement investi. Encore une fois, je crois en deux grands principes. Le premier est la gestion conjointe et je pense que nous finirons par l'obtenir. Le deuxième est que l'argent de ces comptes doit être réellement investi sur le marché privé, ce qui donnera un bien meilleur taux de rendement sur l'investissement.
Le sénateur Kolber: Vous ne le savez pas. Il pourrait aussi en résulter des pertes.
M. Massé: C'est exact. Il y a un risque. D'habitude, évidemment, le rendement sur le marché privé est plus élevé que ce que l'on obtient en investissant seulement dans des débentures gouvernementales.
Le sénateur Kolber: Si les choses tournent mal, il faut payer le prix.
M. Massé: C'est pourquoi la question du risque est importante. C'est un aspect de ce projet de loi qui mérite considération. Nous croyons fermement, et je pense que vous serez d'accord, que tout indique que le taux de rendement sur le marché privé sera plus élevé, mais il y a un risque.
Le sénateur Kolber: Peut-être.
Le sénateur Austin: Nous avons de bons produits dérivés que l'office pourra envisager.
M. Massé: Je ne suis pas certain que l'on pourra investir dans des produits dérivés. Nous avons besoin de ce projet de loi pour nettoyer le dossier des pensions du secteur public. C'est le temps de le faire. Je ne veux pas prendre le risque qu'il y ait un discours du Trône et une nouvelle session et que ce projet de loi soit laissé en plan. Il faudrait alors tout recommencer et nous aurions exactement les mêmes problèmes que nous avons déjà eus, que ce soit au sujet des prestations au conjoint de même sexe ou au sujet du surplus. Sur ces questions, nous avons besoin d'une méthode nous permettant de régler clairement le cas des régimes de pension.
Comment adapter le Régime de pensions du Canada: voilà un problème qui va demeurer. Nous devons nous y attaquer. Il est très clair que nous devons traiter les fonctionnaires exactement de la même manière que nous traitons tous les autres Canadiens. Pour moi, c'est un principe fondamental d'équité que nous n'appliquerons pas si nous n'adoptons pas ce projet de loi. Il faudra recommencer au cours des prochaines années. Plus nous attendons, plus le prix sera élevé.
Le sénateur Kolber: La seule réserve que je fais, c'est que la plus grande débâcle financière de la dernière décennie a été causée par deux types qui avaient chacun gagné un prix Nobel d'économie.
M. Massé: Je prends cela comme un compliment à l'égard des compétences de mes fonctionnaires.
Le sénateur Tkachuk: Je veux revenir aux 30 milliards de dollars. Pourquoi ne pouviez-vous pas arranger les comptes sans ce projet de loi?
M. Massé: Il y a d'autres raisons de présenter ce projet de loi. J'ai mentionné le RPC.
Le sénateur Tkachuk: Supposons que vous n'ayiez pas eu ce projet de loi. N'auriez-vous pas pu arranger les comptes?
M. Massé: Si nous n'avions pas le projet de loi, les comptes de pension continueraient à ne pas être conformes aux comptes nationaux.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi?
M. Massé: Parce que les comptes de pension sont conformes à la loi actuelle. Or, la loi actuelle ne renferme aucune disposition au sujet du surplus. Par conséquent, non seulement on a un surplus théorique dans les comptes, mais en plus, il faut payer de l'intérêt sur ce surplus.
Le sénateur Tkachuk: Vous m'avez dit que vous aviez droit à cette somme de 30 milliards de dollars. Vous n'avez jamais eu aucun doute. Tous les avocats du ministère de la Justice ont dit que c'était absolument clair. Alors, pourquoi avez-vous besoin d'un projet de loi pour arranger les comptes? Pourquoi ne l'a-t-on pas fait il y a trois ou six ans?
M. Massé: Aucune disposition de la loi actuelle ne traite du surplus. C'est une lacune de la loi actuelle.
Le sénateur Tkachuk: Autrement dit, vous n'avez pas droit aux 30 milliards; n'est-ce pas? Il vous faut ce projet de loi pour obtenir ce droit?
M. Massé: Non.
Le sénateur Tkachuk: Je vous pose la question et vous devez me répondre. Je vais me lancer dans un petit débat politique sur ce point.
M. Massé: Ce n'est pas une question d'avoir droit au surplus. C'est une question de savoir comment traiter ce surplus en conformité de la loi. D'après la loi, non seulement le surplus existe, mais il continuera d'augmenter.
Le sénateur Tkachuk: Je vais revenir à la charge. En dépit des avis très clairs des fonctionnaires et des avocats du ministère de la Justice, ce projet de loi éteint le droit des syndicats, des retraités et d'autres de traîner le gouvernement devant les tribunaux.
Hier, j'étais très embrouillé, parce que nous avons eu une petite discussion avec Daryl Bean à ce sujet. J'ai demandé pourquoi le gouvernement fait tant de chichi et se met tout le monde à dos. Vous n'avez contenté personne avec ce projet de loi. Habituellement, le gouvernement fait tout son possible pour contenter tout le monde. Pourquoi le gouvernement a-t-il agi ainsi? Vous étiez tellement proches sur tous les autres points: la gestion, les nominations, l'orientation future. Tout cela a été jeté par-dessus bord à cause du problème des 30 milliards de dollars, lequel aurait pu être réglé d'une autre manière, à mon avis, d'une manière qui aurait contenté bien des gens.
Avec ce projet de loi, vous espérez éteindre les revendications actuelles à l'égard des 11 milliards de dollars, plus toute future revendication à l'égard de ce compte. N'est-ce pas exact? N'est-ce pas pourquoi les 30 milliards sont mentionnés dans le projet de loi?
M. Massé: Je ne crois pas que ce soit exact. Je comprends votre argument de base quand vous dites que nous éteignons un droit. Les avocats ont un point de vue là-dessus et j'ai le mien.
À ce sujet, si les syndicats croient qu'ils ont légalement droit aux 30 milliards de dollars, ils s'adresseront aux tribunaux. C'est ainsi que les choses se passent dans notre société.
Le sénateur Tkachuk: Non, ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Je ne suis pas d'accord.
M. Massé: Puis-je répondre? Je vous ai laissé exposer tout votre raisonnement.
Le président: Je vous prie de laisser le témoin répondre à la question.
M. Massé: Ce que je veux dire, c'est que la loi comme telle n'éteint pas la revendication des syndicats à l'égard d'une partie du surplus. S'ils ont effectivement ce droit, les tribunaux vont nous le dire.
En l'occurrence, nous adoptons le projet de loi pour faire en sorte que les comptes soient conformes à l'avis juridique que l'on nous a donné. Si les syndicats croient qu'ils ont un droit quelconque à l'égard du surplus, qu'ils s'adressent aux tribunaux. Cette loi ne changera pas les droits reconnus par la loi qui existent à l'heure actuelle.
Le sénateur Austin: C'est une réponse différente.
Le sénateur Tkachuk: C'est assurément une réponse différente de celle que nous ont donnée auparavant vos fonctionnaires et vous-même.
Le sénateur Oliver: Le sénateur Austin a posé la question et la réponse était que cette mesure éteindra les droits. Cela a été dit très clairement.
M. Massé: Je le répète, monsieur le président, j'ai demandé une réponse à nos conseillers.
Le sénateur Oliver: Et vous l'avez obtenue.
M. Massé: Nos conseillers nous ont répondu que, à leur avis, cette mesure éteint les droits. C'est très bien.
Le sénateur Oliver: C'est exact.
M. Massé: Les avocats nous donnent leur avis à ce sujet.
Le sénateur Tkachuk: Vous êtes le ministre. Quel est votre avis?
M. Massé: Les syndicats sont peut-être bien d'un avis différent. Cela ne m'étonnerait pas du tout.
Le sénateur Tkachuk: Croyez-vous que ce projet de loi éteint leurs droits?
M. Massé: Personnellement, je suis d'avis, et je ne suis pas avocat expert, que ce projet de loi crée une façon de reconnaître l'existence du surplus et de l'abolir. Nous introduisons la méthode comptable qui convient pour le surplus, grâce à laquelle celui-ci pourra être comptabilisé correctement pour disparaître sur une période de 10 à 12 ans. Quand je dis «disparaître», je veux dire qu'il sera absorbé dans les comptes nationaux, ce qui est exactement ce que le vérificateur général nous a demandé de faire. Le vérificateur général a recommandé qu'il soit aboli graduellement et absorbé dans les comptes nationaux, parce que ce surplus n'a aucun sens, même pour le vérificateur général.
Vous devez comprendre pourquoi nous avons procédé de cette façon, et c'est exactement ce que je disais. Si d'autres parties ont des avis différents à ce sujet, notre système démocratique est tel qu'elles peuvent s'adresser aux tribunaux pour tirer au clair à qui appartient ce surplus, en quoi il consiste et à quoi il correspond, et les tribunaux peuvent toujours dire que le gouvernement a tort.
Le sénateur Oliver: Ils ne peuvent pas le faire si vous avez éteint leur droit de s'adresser aux tribunaux.
Le sénateur Tkachuk: Je vais laisser les avocats qui siègent de mon côté revenir à la charge plus tard là-dessus.
Vous avez tenu des propos intéressants au sujet des 30 milliards de dollars et de la garantie que le gouvernement fédéral donne à ses employés pour ce qui est de payer leur pension; vous avez parlé de bonne foi, de confiance, etc.
Qu'arrive-t-il si cette somme est enlevée des comptes? Ce n'est pas seulement un bout de papier. Le gouvernement et ses employés, et non pas l'ensemble des contribuables, ont mis plus d'argent qu'ils n'en ont besoin à l'heure actuelle, d'après les tables actuarielles. Cependant, nous ignorons ce que l'avenir nous réserve. S'il y a un déficit à l'avenir, augmenterez-vous les montants que vous demandez à vos employés de cotiser, pour couvrir le passif que vous aurez alors relativement au paiement des pensions?
M. Massé: Mme Hamilton me dit que non. C'est la bonne réponse. À l'avenir, nous pourrons demander plus d'argent à nos employés, mais le gouvernement continuera d'assumer les risques et les déficits éventuels. La loi stipule que le gouvernement a et continuera d'avoir une série d'obligations, de promesses, quant à des avantages aux employés. Cette série d'avantages ou de prestations, c'est tout ce que le gouvernement promet aux employés. Il continuera de verser ces prestations.
Le sénateur Tkachuk: Je peux comprendre que les syndicats n'en croient pas un mot. Le RPC est un régime à prestations déterminées, n'est-ce pas?
M. Massé: Non.
Mme Hamilton: C'est très différent de ce que l'on considère normalement comme un régime à prestations déterminées dans le monde des pensions. Il comporte effectivement une formule de calcul des prestations.
Le sénateur Tkachuk: Oui. Les contribuables se sont fait dire il y a des années que s'ils payaient tel montant, ils toucheraient tel autre montant. Ensuite, 20 ou 30 ans plus tard, on nous dit que ce n'est pas le cas et qu'il nous faudra payer plus d'argent pour régler le problème.
Tous les syndicats du secteur public qui ont comparu devant nous sont mécontents de ce projet de loi. Les travailleurs postaux sont mécontents. L'Église catholique nous a écrit une lettre à ce sujet. L'Église évangélique est mécontente.
Qui est content de ce projet de loi?
Le sénateur Angus: Le ministre.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi?
M. Massé: Il est facile de comprendre pourquoi les syndicats en sont mécontents. Cela fait partie de leur rôle de se dire mécontents. Ils veulent obtenir les plus grands avantages possibles pour leurs membres. C'est leur raison d'être.
Quant au grand public, je pense que les contribuables, qui seront les principaux bénéficiaires de ce projet de loi, en sont fort heureux. Le fait que cette mesure a provoqué relativement peu d'agitation est un bon signe. Cette réforme des pensions est nécessaire et fera en sorte que les fonctionnaires paieront pour le RPC exactement le même montant que paient les autres Canadiens. Cette réforme va en fait rétablir les comptes de pension d'une manière conforme à ce que nous a demandé le vérificateur général et conforme à ce que ces comptes auraient dû être. Bien sûr, certains espèrent tirer profit de cette situation, mais les gens qui doivent en bénéficier sont les contribuables qui ont payé la totalité des déficits dans le passé.
Le sénateur Tkachuk: Je ne veux vraiment pas aborder la question des prestations conjugales, qui posent un problème à mon avis, mais j'ai une question au sujet de la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, à laquelle le projet de loi apporte des modifications. À l'article 207, le mot «survivant» est défini de la sorte: personne qui était unie à l'officier par les liens du mariage au décès de celui-ci, ou qui est visée au paragraphe 32(1). Or, le paragraphe 32(1) de la Loi sur la continuation de la pension des services de défense dit ceci:
Pour l'application de la présente loi, le Conseil du Trésor peut, lorsqu'une femme lui présente des éléments convaincants établissant qu'elle cohabitait avec un officier ou ancien officier depuis au moins un an avant le décès de celui-ci et que pendant cette période il la présentait en public comme son épouse, assimiler cette femme à la veuve de l'officier ou ancien officier et la considérer comme mariée à celui-ci à la date où cette présentation a effectivement commencé.
Je remarque par ailleurs qu'au paragraphe 208(3) du projet de loi, il est fait mention d'«un officier». Je cite:
Si un officier décède avant l'époque à laquelle une pension pourrait lui être accordée, le gouverneur en conseil peut accorder à son survivant ou, s'il ne laisse pas de survivant, à ses enfants âgés de moins de 18 ans à la date de son décès, une gratification égale à la somme des déductions faites sur la solde de cet officier pendant son service et prévues au paragraphe 9(1).
Il me semble que même si le projet de loi prévoit le versement de prestations au conjoint de même sexe, on fait une exception pour les forces armées. Reconnaissez-vous la possibilité que deux hommes couchent ensemble dans les forces armées?
Mme Hamilton: Cette loi a été remplacée par l'actuelle Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.
Le sénateur Tkachuk: Oui.
Mme Hamilton: Il n'y a aucune femme qui cotise à ce régime de pension. Ce régime a cessé de s'appliquer aux militaires en 1960 et il n'y avait aucune femme qui y cotisait; il n'y avait que des cotisants hommes.
Le sénateur Tkachuk: Le survivant est défini comme étant la personne qui était unie à l'officier par les liens du mariage, donc évidemment sa femme.
Mme Hamilton: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Un officier ne pouvait-il pas avoir un survivant qui n'était pas une femme?
Mme Hamilton: Vous voulez dire à cette époque?
Le sénateur Tkachuk: Eh bien, je ne pense pas que l'homosexualité soit un phénomène du XXe siècle ou de la fin du XXe siècle.
Mme Hamilton: Je crains de ne pas comprendre où vous voulez en venir.
Le sénateur Tkachuk: Je ne suis pas certain que le sens de «survivant» soit ici le même que ce que vous avez essayé de faire ailleurs dans le projet de loi, ce avec quoi je ne suis pas d'accord mais qu'au moins je comprends. Je veux m'assurer que la situation établie par ce régime de pension est exactement la même que pour tous les autres. Je pose la question parce qu'il me semble qu'il y a quelque chose qui cloche.
Le président: Nous pourrions peut-être demander aux fonctionnaires de nous donner plus tard une réponse à cette question.
Mme Hamilton: Nous allons examiner la question.
Le sénateur Callbeck: Le Syndicat des postiers du Canada nous a présenté un mémoire hier. Ses porte-parole ont dit qu'en prenant connaissance du projet de loi, ils ont été étonnés de constater que l'on prévoyait un régime séparé pour Postes Canada. Ils se sont retrouvés avec un projet de loi qui donne à Postes Canada le droit de créer et d'administrer un nouveau régime de pension sans qu'ils aient leur mot à dire avant le 1er octobre 2001, au plus tôt. Pourquoi n'auraient-ils pas leur mot à dire dès le départ au sujet de la création de ce régime?
Mme Hamilton: En fait, le projet de loi exige bel et bien qu'ils soient consultés et qu'ils fassent connaître leur point de vue au moment de la création du régime.
Le sénateur Callbeck: Le régime initial entrera en vigueur le 1er octobre 2000.
Mme Hamilton: En effet. Postes Canada est tenu de créer le régime et doit le faire à la satisfaction des ministres du Conseil du Trésor. L'une des exigences est que le Conseil du Trésor doit, avant d'approuver un régime, être convaincu que la société a informé tous les employés et leurs représentants des changements que l'on prévoit apporter et doit leur donner l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des changements envisagés. Quand la société demandera aux ministres du Conseil du Trésor d'approuver son régime, toute une liste d'éléments devront être résolus à la satisfaction du Conseil du Trésor.
Le sénateur Callbeck: Le syndicat aura son mot à dire là-dessus. Ce régime entrera en vigueur 1er octobre 2000. D'après le projet de loi, le régime ne peut pas faire partie du processus de négociation collective avant le 1er octobre 2001, soit un an plus tard. Pourquoi?
Mme Hamilton: La notion est que nous remettons le régime de pension de ces employés à la charge de l'employeur et nous donnons à l'employeur une certaine période pour mettre le régime sur pied. Cette mesure est assortie de toute une série de garanties et d'obligations concernant la protection des employés; il s'agit de faire en sorte que la société ait mis en place ce programme et sa structure administrative afin de pouvoir entamer les négociations avec un régime de pension solidement établi. Ce sera en fait l'un des plus grands régimes de pension de tout le Canada et il faudra donc un certain temps pour mettre en place toutes les structures nécessaires pour en assurer la gestion.
Le sénateur Callbeck: Est-ce la pratique habituelle? Je pensais que dès qu'un régime de pension était proclamé, il était sujet à négociation. La convention collective de ces employés vient à échéance le 1er juillet 2000 et, s'ils obtiennent un nouveau contrat de trois ans, ce régime de pension ne fera donc pas partie de la négociation collective avant juillet 2003.
Mme Hamilton: J'ignore si le régime de pension sera négocié dans le cadre de ces négociations ou s'il fera l'objet de négociations distinctes.
Le président: Je m'excuse, madame Hamilton, je n'interviens pas normalement, mais le projet de loi est clair là-dessus.
Mme Hamilton: Ils ne peuvent absolument pas négocier.
Le président: Vous venez de dire que vous ne saviez pas si cela ferait partie des négociations, que vous n'en étiez pas certaine. Il est absolument clair que cela ne peut pas être négocié.
Mme Hamilton: Je me rends compte que cela ne fera pas partie des négociations. Il est certain que cela ne peut pas officiellement faire partie des négociations à ce moment-là. Ce que je disais, toutefois, c'est que j'ignore si les deux parties envisageraient un processus de négociation séparé sur les pensions.
Le sénateur Callbeck: D'après le projet de loi, si ces employés obtiennent un contrat de trois ans, alors le régime ne fera pas partie du processus de négociation avant le 1er juillet 2003.
M. Alain Jolicoeur, dirigeant principal des ressources humaines, Direction des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor: Je crois que cela peut se faire d'une façon différente. Ils pourraient rouvrir la convention collective ou bien conclure une entente séparée là-dessus. Il incombera aux deux parties de décider de la façon de procéder. Je ne vois pas pourquoi le délai serait plus long que ce qui est prévu dans le projet de loi à cause de l'échéancier actuel des négociations collectives. À mes yeux, cela ne pose absolument pas de problème. Cela peut se faire de façon différente.
Le sénateur Callbeck: Mais est-ce que la situation telle que je l'ai exposée est conforme au projet de loi?
M. Jolicoeur: Oui.
Le sénateur Callbeck: Une autre préoccupation qui a été exprimée porte sur les règles d'investissement. Ce projet de loi exige que le régime de pension de la fonction publique adopte initialement, pendant une période déterminée, une stratégie d'investissement passif dans des valeurs canadiennes. Il n'y a toutefois aucune contrainte pour le fonds de pension de Postes Canada. Je me demande pourquoi.
Mme Hamilton: Je devrai vérifier si tel est bien le cas.
Le président: Madame Hamilton, étant donné la qualité du travail de préparation qu'ont fait les membres de notre comité, vous pouvez tenir pour acquis que c'est effectivement le cas. Les membres du comité ne posent pas de questions techniques comportant des erreurs de fait.
Mme Hamilton: Il faut bien sûr préciser qu'ils seront assujettis à la Loi sur les normes des prestations de retraite; par conséquent, les paramètres d'investissement seront fixés par cette loi.
Le sénateur Callbeck: Pourquoi précise-t-on dans ce projet de loi que le régime de pensions de la fonction publique doit adopter initialement, pendant une période déterminée, une stratégie d'investissement axée sur des valeurs canadiennes, tandis que le projet de loi n'impose pas cette contrainte à Postes Canada?
Mme Hamilton: Il ne l'impose pas; c'est un fait. Comme vous le savez, la stratégie d'investissement passif pour le régime de pensions de la fonction publique est une approche semblable à celle qui a été adoptée pour la période de démarrage du Régime de pensions du Canada, pour donner à l'office d'investissement une période de démarrage pour s'établir solidement et mettre en place son réseau de soutien. Il se pourrait bien que la société soit dans une meilleure situation. Je suppose qu'en établissant sa stratégie d'investissement, la société tiendra compte des diverses approches qui ont été adoptées dans les autres programmes, mais je ne peux pas dire à ce stade-ci quelle sera sa stratégie.
Le sénateur Callbeck: Je me demandais pourquoi un régime est visé par le projet de loi tandis qu'un autre ne l'est pas.
Mme Hamilton: Je suppose que c'est en partie parce que le régime de Postes Canada sera propre à cette société, laquelle devra établir ses stratégies et politiques d'investissement en rapport avec ses effectifs et ses objectifs à titre de parrain du régime de pension, de sorte qu'il est possible que la société adopte une approche différente.
Le président: Ma question supplémentaire porte sur le fait qu'aux termes des régimes actuels de pensions de la fonction publique, un certain nombre d'exemptions sont accordées au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu: par exemple, la limite relative aux pensions ouvrant droit à pension, etc. En assujettissant le régime de pension des postiers à la Loi sur les normes de prestation de pension, ces exemptions dont peuvent se prévaloir les retraités des régimes de pension de la fonction publique disparaissent parce qu'elles ne sont généralement pas disponibles au titre de la LNPP; pourtant, le projet de loi ne traite nullement de ces questions.
Le gouvernement a-t-il l'intention d'aborder ces questions avant le 1er octobre 2000, date à laquelle le régime des postiers entrera en vigueur aux termes de la LNPP? Ou bien, si le régime est assujetti à la loi fédérale aux termes de la LNPP, ces avantages supplémentaires vont-ils disparaître? Par exemple, que ferez-vous des excédents de pension? La limite était de 60 000 $, je pense qu'elle est maintenant fixée à plus de 85 000 $ ou 86 000 $. Sera-t-il possible d'avoir du service ouvrant droit à pension entre 69 ans et 71 ans? Comment va-t-on régler la question de ce qu'il est possible de faire au titre du régime fédéral, mais pas au titre d'un régime assujetti à la LNPP?
Aux termes du projet de loi, il est clair que les postiers perdront certains avantages qu'ils auraient autrement. Le gouvernement a-t-il l'intention de leur accorder ces avantages avant le 1er octobre 2000?
Mme Hamilton: Dans la partie du projet de loi qui traite de la création d'un régime à Postes Canada, on dit que la société doit créer un régime de pension et que ce régime doit être conforme à la Loi sur les normes de prestation de pension et à la Loi de l'impôt sur le revenu. La société est également tenue d'établir des régimes supplémentaires sous forme de conventions de retraite, mécanismes utilisés pour offrir des prestations de retraite qui ne sont pas assujetties aux règles de l'impôt sur le revenu.
Le régime que la société doit établir devra aussi prévoir des prestations de retraite qui sont l'équivalent des prestations actuellement versées aux employés aux termes du régime de pension de la fonction publique et de la convention de retraite qui est en place dans la fonction publique. La loi exige que le même niveau de prestations soit offert. Quant à savoir si ces prestations peuvent être versées en utilisant exactement les mêmes mécanismes que dans la fonction publique, cela reste à préciser.
Le sénateur Meighen: Je veux revenir à une question qui a déjà été amplement discutée: la question du droit à une part du surplus. Je ne suis pas certain que l'on soit arrivé à une conclusion sur cette question.
Je ne suis pas expert en pension et j'ai bien suivi ce que vous avez dit sur la position juridique. Je dois dire en guise de commentaire éditorial que si j'étais visé directement et personnellement par cette mesure, je trouverais difficile de comprendre pourquoi je n'aurais pas droit à une partie de ce surplus, tout au moins moralement. Toutefois, il nous arrive à tous de temps à autre d'être complètement déconcertés par la loi. En tant qu'avocat, je le sais aussi bien que quiconque.
Sauf erreur, vous avez dit que si le syndicat estime avoir un certain droit à cet égard, alors, comme nous vivons en démocratie, il peut toujours s'adresser aux tribunaux. Pourtant, nous avons reconnu tout à l'heure que son droit de chercher à obtenir réponse à cette question pourrait fort bien être éliminé par l'adoption de ce projet de loi.
Si la Cour suprême vous disait: «Monsieur le ministre, je peux vous affirmer que l'adoption de ce projet de loi fera disparaître tout droit de revendication», je pense vous avoir entendu dire, directement ou indirectement, que cela ne semblait pas juste. Ou bien vous fais-je dire ce que vous n'avez pas dit? Je ne trouverais pas juste que le droit d'obtenir réponse à cette question soit supprimé par l'adoption de ce projet de loi. Je pense qu'il est juste que ce à quoi j'ai droit soit déterminé par les tribunaux, mais si je ne peux même pas poser la question, cela ne soulève-t-il pas la question que l'on a déjà posée, à savoir pourquoi cette précipitation extrême?
Vous avez semblé sceptique à ce sujet, niant qu'il y ait précipitation. Je comprends que vous ayez ce sentiment, étant donné qu'il y a eu de longues négociations. Le projet de loi a été présenté à l'autre endroit le 15 avril ou à peu près et il y a eu attribution du temps à chaque étape. Pour être charitable, il faut dire que le menu législatif n'a pas été exactement surchargé depuis un an et demi.
Je suis d'avis que l'affaire est menée assez rondement. Je vous demande, monsieur, s'il n'est pas inquiétant que la question du droit au surplus puisse être éteinte par l'adoption de ce projet de loi, et si nous ne devrions pas tenter au moins de répondre à cette question avant d'adopter la mesure législative.
Mme Joan Arnold, directrice, Élaboration de la législation des pensions, Secrétariat du Conseil du Trésor: En réponse à la question du sénateur Austin au sujet de la poursuite actuellement en instance, Mme Hamilton a essayé de dire que notre spécialiste des litiges a écrit à l'avocat du plaignant pour l'informer qu'à son avis, la poursuite était sans objet. Cette poursuite ne porte pas sur la question du surplus, mais vise plutôt à contester les pratiques comptables du gouvernement.
Il serait juste de dire que le projet de loi C-78 n'éteindrait pas un éventuel droit au surplus à la lumière de ce que nous avons dit au sujet de cette poursuite. Le projet de loi établit un mécanisme permettant de composer avec le surplus. Si les parties qui s'y opposent croient avoir des arguments juridiques en leur faveur, alors je crois qu'elles peuvent facilement en saisir les tribunaux. C'est leur droit.
Le sénateur Meighen: Vous estimez qu'en dépit de l'adoption de ce projet de loi, les parties auraient le droit de s'adresser aux tribunaux pour revendiquer une part du surplus; c'est bien ce que vous dites?
Mme Arnold: Oui. Je suis certaine que les gens pourraient, s'ils le voulaient, intenter une poursuite pour contester cette mesure. Je crois qu'ils le pourraient.
Le sénateur Meighen: Et la cause ne serait pas rejetée parce qu'elle serait sans objet?
Mme Arnold: Non.
Le sénateur Meighen: Je pense que nous sommes d'accord pour dire que cette position est différente de l'impression qu'on nous a donnée tout à l'heure.
Mme Arnold: Je suis désolée s'il y a eu malentendu. C'est tout au moins mon interprétation.
Le sénateur Meighen: Cela me rassure quelque peu.
M. Massé: Je suis content de voir que la position dictée par le bon sens est justifiée par la loi.
Le sénateur Meighen: Pour quelle raison a-t-on exempté ce projet de loi de la législation sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels?
Mme Hamilton: La seule partie de la mesure qui est ainsi exemptée est celle qui crée le nouvel office d'investissement des régimes de pension du secteur public. Pour les autres régimes de pension, dont le gouvernement est responsable et qui sont administrés par le gouvernement, les règles normales d'accès à l'information s'appliqueraient.
Le sénateur Meighen: À quoi ne s'appliqueraient-elles pas?
Mme Hamilton: À l'office d'investissement des régimes de pension du secteur public.
Le sénateur Meighen: Par conséquent, un retraité ne pourrait pas connaître par cette méthode les raisons des décisions ou pratiques d'investissement; est-ce exact?
Mme Hamilton: Voulez-vous dire les décisions individuelles d'investissement?
Le sénateur Meighen: Oui. Vous dites que la mesure législative ne s'appliquera pas à l'office d'investissement. Par conséquent, si j'étais retraité, je ne pourrais pas présenter de demande aux termes de la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir, par exemple, le compte rendu d'une réunion du conseil. Ai-je raison?
Mme Hamilton: La plupart des renseignements qui seraient disponibles -- en fait, probablement la quasi-totalité -- sont inclus dans les divers rapports et documents publics que le conseil est tenu de publier aux termes du projet de loi. Il y a probablement certaines activités de l'office qui mettent en cause le secret commercial, etc., et qui ne seraient donc pas divulguées de toute manière aux termes de la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur Meighen: Dans ce cas, pourquoi en avons-nous besoin? Vous m'avez dit à quoi cela s'appliquerait et ne s'appliquerait pas, à votre avis, mais vous ne m'avez pas dit pourquoi il a été décidé d'exempter expressément ce projet de loi de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Mme Hamilton: Encore une fois, c'est pour faire ressortir le caractère indépendant de cet organisme par rapport au gouvernement.
Mme Arnold: Le conseil du RPC n'est pas non plus assujetti à la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur Meighen: Dans ce cas, vous avez peut-être deux fois tort.
Mme Arnold: Je suis d'accord avec Mme Hamilton, c'est-à-dire que la grande majorité des gains en capitaux seraient de toute manière du domaine public puisque l'office est assujetti à des dispositions précises en matière de rapport et doit être transparent dans toutes ses activités. De toute manière, j'ignore quels renseignements sur un investissement en particulier on pourrait obtenir aux termes de la Loi sur l'accès, car on pourrait soutenir que ces renseignements sont frappés du secret commercial ou seraient susceptibles de conférer un avantage, ce que prévoit d'ailleurs la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur Meighen: À la fin de son témoignage hier, M. Bean a remis au comité copie d'une lettre traitant de certains points, laquelle contient une question au ministre. Je me fais un plaisir de poser cette question parce qu'elle pourrait dissiper un malentendu. Je cite un passage de la lettre de M. Bean:
Premièrement, un certain nombre de sénateurs ont soulevé des questions relativement à mon affirmation que le gouvernement a lié la gestion conjointe du régime de pension à l'obligation pour le syndicat de renoncer à tout droit à l'égard du surplus accumulé du régime de pension. Pendant l'audience, j'ai paraphrasé des propos en ce sens tenus par Alain Jolicoeur au comité consultatif et j'ai laissé entendre que M. Jolicoeur exprimait sans aucun doute la position officielle du ministre. Comme je n'ai rien d'écrit pour confirmer cette allégation, je crois qu'il y aurait lieu que le comité pose directement la question au ministre Massé.
Le sénateur Meighen: L'assertion de M. Bean est-elle exacte?
M. Massé: Ce n'est pas la façon dont je vois les choses. Nous avons discuté de la possibilité de la gestion conjointe. Le syndicat a insisté pour obtenir une part du surplus. Nous lui avons dit catégoriquement que cela ne faisait pas partie de la discussion. Nous discutions de futurs événements. À l'avenir, si nous avons la gestion conjointe et le partage des risques, nous serons évidemment prêts à discuter du surplus. Toutefois, pour ce qui est du surplus antérieur, le gouvernement a assumé la totalité des risques et a versé les prestations légiférées, et par conséquent, cette partie du surplus n'entre pas dans la discussion. À ce moment-là, le syndicat a mis fin aux négociations.
La discussion future d'un régime de gestion conjointe n'est pas exclue. Au contraire, je suis personnellement d'avis que c'est ainsi que les choses devraient se passer. Afin de mettre en place la gestion conjointe et le partage du surplus, l'autre partie doit accepter d'assumer également sa part des risques. La porte reste ouverte.
Je suis certain que vous verrez le lien entre la gestion conjointe et le partage du surplus. Je suis d'avis qu'à l'avenir, la gestion conjointe et le partage du surplus dépendront de la volonté du syndicat d'accepter de partager les risques. Le cas échéant, il pourra y avoir à l'avenir partage du surplus. Dans le passé, cela n'existait pas. Il n'y avait pas de partage du risque ni aucun droit de propriété. Il n'y avait aucun titre légal et, par conséquent, le surplus appartient aux contribuables.
Le sénateur Austin: Monsieur le ministre, je vais faire une observation parce qu'aujourd'hui, je comprends le projet de loi mieux que je ne le comprenais hier. J'ai dit hier à M. Peacock que je trouvais étrange que le projet de loi C-78 crée un office de gestion des pensions pour permettre au gouvernement du Canada de faire des investissements en actions parce que, essentiellement, c'est ce que la loi stipule aujourd'hui. Vous créez l'office, après quoi on sera libre d'investir plus activement que ce n'est le cas actuellement, mais vous conservez la responsabilité d'appliquer la législation canadienne sur les pensions, à laquelle vous avez déjà fait allusion aujourd'hui.
Dans ce contexte, devons-nous comprendre que pour justifier la création de l'office, vous envisagiez une structure institutionnelle qui constitue une invitation à la fonction publique de négocier un arrangement de gestion du risque à l'avenir?
M. Massé: J'espère qu'elle négociera un tel arrangement.
Le sénateur Austin: Est-ce la justification de la création de l'office d'investissement dans le projet de loi C-78? Cela est-il fait en prévision de l'avenir?
M. Massé: J'ai deux convictions, et elles peuvent être réalisées ensemble ou séparément. Premièrement, c'est une bonne chose qu'un office d'investissement privé puisse investir l'argent des cotisations dans une série d'actifs plus diversifiés. Nous devons donc nous orienter dans cette direction, peu importe que le gouvernement continue d'assumer la totalité du risque ou du passif.
Deuxièmement, je crois que dans un régime comme celui-ci, nous devrions avoir la gestion conjointe des actifs et le partage des risques. J'espère que la deuxième éventualité se réalisera à un moment donné, de même que la première. Je suis convaincu que ce serait la situation idéale. Il faut toutefois tenir compte de l'intérêt public lorsqu'on investit l'argent du régime de pension de façon plus diversifiée.
Le sénateur Austin: Je comprends le scénario que vous nous décrivez. Durant son témoignage hier, il nous a semblé que Daryl Bean était disposé à participer à un régime de gestion du risque et à négocier ce régime, mais qu'il n'était par contre pas disposé à le faire sans régler d'abord la question du droit au surplus. J'espère que vous arriverez à vous entendre.
M. Massé: Je tiens à préciser que je suis tout à fait disposé à discuter du partage du futur surplus et de la gestion conjointe et du partage du risque. Dans le régime antérieur, il n'y avait pas de partage du risque; les contribuables payaient la totalité des déficits. Ce surplus appartient aux contribuables.
Le sénateur Austin: Le projet de loi C-78 stipule qu'en attendant qu'une entente soit conclue sur la gestion du risque, l'État se réserve le droit de conserver également tout futur surplus.
M. Massé: Pour la même raison, à savoir qu'il assume la totalité des risques.
Le sénateur Austin: Je veux par ailleurs vous interroger sur le taux de cotisation. Nous avons entendu le témoignage de M. Krause, qui a dit craindre que le taux de cotisation puisse être géré de manière à créer un surplus permanent découlant des cotisations des employés. Pourriez-vous préciser à notre intention comment les taux de cotisation sont gérés?
M. Massé: À l'avenir, nous établirons séparément le calcul des taux de cotisation au RPC et des taux de cotisation à la LPFP. Pour le RPC, les taux seraient les mêmes pour les fonctionnaires que pour tous les autres Canadiens. Pour la LPFP, nous croyons qu'il faut établir un principe général voulant que le coût du régime soit partagé de la même manière que dans la plupart des autres régimes du secteur public: 60 p. 100 à l'employeur et 40 p. 100 aux employés.
Vous remarquerez que ce n'était pas le cas pendant la plus grande partie de la période d'existence de nos régimes de pension. C'est un principe de base dans les régimes de pension de la fonction publique. Nous nous dirigeons maintenant vers un régime où l'employeur paiera 70 p. 100 du coût. Si nous ne faisons rien, nous paierons bientôt 80 p. 100 du coût. Toutefois, le partage que nous avons établi au fil des années est de 60-40 et nous avons l'intention d'en rester là et non pas de créer un surplus.
Le sénateur Austin: Votre motion est-elle fondée sur la notion de l'équité envers l'ensemble des contribuables pour ce qui est des cotisations?
M. Massé: En fonction des pratiques acceptées dans les régimes de la fonction publique, oui.
Le sénateur Oliver: Je suis le dixième sénateur à qui l'on donne la possibilité de vous poser une question. J'en ai trois à vous adresser. Toutefois, comme les points qui ont été abordés jusqu'ici ont été très diversifiés, certaines de mes questions ont déjà été en partie posées, mais je vais quand même vous poser mes questions au complet.
Vous avez dit aujourd'hui que pas un sou du surplus n'a jamais été promis aux employés. Vous avez ajouté que l'utilisation du surplus n'a pas à faire l'objet de consultations avec les employés. En d'autres mots, vous prétendez que le surplus vous appartient en totalité, que vous avez un droit absolu à cet égard et que vous n'avez pas besoin de consulter les employés.
Hier soir, le comité a entendu le témoignage de Mme Deborah Bourque, troisième vice-présidente nationale du Syndicat des postiers du Canada, qui a cité une lettre que vous avez envoyée à M. Daryl Tingley. J'ai demandé copie de la lettre pour vérifier que les passages cités étaient exacts. C'est une lettre portant votre signature et datée du 31 mars 1999.
Dans la lettre, vous semblez laisser entendre que vous êtes ouvert à des négociations avec ce syndicat pour ce qui est d'une partie du surplus. Vous dites qu'à l'égard des mesures précises que le gouvernement propose, vous avez pris bonne note de l'intérêt du syndicat à la mise en place d'un processus de négociation ou de consultation pour régler des questions comme l'utilisation du surplus, l'investissement du fonds de pension et les taux de cotisation. Vous dites ensuite être déçu que le processus de consultation n'ait pas abouti à l'établissement d'un processus de gestion conjointe qui aurait permis le partage des responsabilités et donc du surplus. Vous dites également que vous êtes très ouvert à la possibilité de conclure une entente sur la gestion conjointe à l'avenir. C'est également ce que vous venez d'affirmer au sénateur Austin.
Je m'intéresse particulièrement à l'expression «utilisation du surplus». Voudriez-vous nous expliquer ce que cela veut dire? Qu'est-ce que vous étiez disposé à négocier exactement en ce qui a trait à l'utilisation du surplus?
M. Massé: J'ai dit que le surplus accumulé du régime de pension a été accumulé pendant que le gouvernement assumait la responsabilité entière, totale et complète à l'égard des risques et a payé des milliards de dollars de déficit pendant cette période. Dans un environnement où l'employeur assume la totalité des risques, les surplus, tout comme les déficits, sont à la charge du gouvernement et des contribuables ou leur appartiennent.
Je suis tout à fait disposé à discuter de l'utilisation des futurs surplus dans un environnement où il y aurait un régime de gestion conjointe avec partage des risques.
Le sénateur Oliver: Êtes-vous en train de dire que cette lettre que vous avez écrite à Daryl Tingley, président national du Syndicat des postiers du Canada, le 31 mars 1999 traite seulement des surplus futurs?
M. Massé: Oui. C'est l'interprétation que je donne de ma propre lettre. J'ai dit que j'étais tout à fait disposé à envisager de conclure une entente sur la gestion conjointe à l'avenir. C'est dans cette optique que l'on discuterait des surplus.
Le sénateur Oliver: Hier soir, quatre témoins ont traité de l'aspect conjugal de ce projet de loi. Ils ont fait allusion à un certain nombre de cas de jurisprudence.
Vous avez dit tout à l'heure, aujourd'hui même, avoir tenté d'enchâsser la loi en vigueur dans votre projet de loi. Quelle est la loi en vigueur et quelles sont les affaires auxquelles vous avez fait allusion? S'agit-il de Egan c. le Canada, de M. c. H. ou de Rosenberg? Que représente la décision M. c. H. en ce qui a trait à la législation en vigueur, d'après la Cour suprême du Canada?
Mme Arnold: Si je comprends bien, le ministère de la Justice est d'avis que M. c. H. représente la plus récente position de la Cour suprême là-dessus.
Le sénateur Oliver: Cette décision a-t-elle été rendue après la rédaction du projet de loi?
Mme Arnold: Oui, la décision M. c. H. a été rendue le 20 mai 1999.
Le sénateur Oliver: En quoi cela change-t-il la loi?
Mme Arnold: Voulez-vous dire en quoi cela change la loi telle que proposée dans le projet de loi C-78?
Le sénateur Oliver: Oui.
Mme Arnold: Je ne pense pas que ça change quoi que ce soit. Cette décision renforce la position que le gouvernement a choisie d'adopter dans le projet de loi C-78.
Le sénateur Oliver: Quelle distinction feriez-vous entre Rosenberg et M. c. H.?
Mme Arnold: Je dirais que Rosenberg et M. c. H. sont certainement des affaires semblables. Hier soir, les témoins faisaient allusion à Egan c. le Canada, décision rendue par la Cour suprême en 1995. Il semble que la décision M. c. H. remplace maintenant la décision Egan c. le Canada.
Le sénateur Oliver: Vous savez très certainement, monsieur le ministre, que nous avons tous reçu des dizaines et des dizaines de lettres de Canadiens qui se sentent lésés par votre projet de loi, la principale raison en étant qu'ils ne comprennent pas le dossier du surplus. Y a-t-il ou n'y a-t-il pas un surplus de 30 milliards de dollars? Ces 30 milliards de dollars ne proviennent-ils pas de l'argent qui a été retenu à la source à même le salaire d'un certain nombre de Canadiens?
L'une des lettres que j'ai reçues à mon bureau ce matin vient de M. William Devine, ancien pilote affecté au transport des personnalités au ministère des Transports et maintenant à la retraite, qui déclare que l'accumulation du surplus découle simplement d'un mauvais calcul actuariel par le Conseil du Trésor quant au montant qu'il fallait retenir à même les chèques de paye des employés de la fonction publique. Autrement dit, les fonctionnaires ont trop payé et aujourd'hui, au lieu de créditer le fruit de ce mauvais calcul à ses propriétaires légitimes, c'est-à-dire les fonctionnaires et les retraités de la fonction publique, le gouvernement compte le confisquer et en profiter pour se targuer d'une bonne gestion financière de la dette publique du Canada.
Peut-être, monsieur le ministre, pourriez-vous commenter cette lettre afin que les Canadiens qui se sentent lésés aient une réponse émanant directement de vous au sujet de leur principale préoccupation.
M. Massé: Bien sûr, je crois que cet argument est erroné. Comme je viens de le dire, le pourcentage qui a été payé par les employés dans le régime de pension a été, pendant la plus grande partie de la durée du régime, d'environ 40 p. 100 des cotisations, ce qui est considéré très équitable et normal dans les régimes du secteur public. Au cours des années pendant lesquelles le surplus s'est accumulé, la portion payée par le gouvernement est passée à 70 p. 100 et elle se dirige lentement vers les 80 p. 100. Dans cette optique, c'est le gouvernement qui a payé la part du lion des cotisations. Le surplus s'est accumulé ces dernières années à cause notamment de la baisse de l'inflation.
Il faut tenir compte des règles qui régissaient la comptabilité des comptes de pension et de ce qui s'est passé en ce qui a trait au déficit et au surplus. Pendant la plus grande partie de la durée du régime, les déficits étaient beaucoup plus courants. Quand il y avait déficit, le gouvernement assumait naturellement, sans poser de question, 100 p. 100 de ce déficit.
Ces surplus comptables, je le répète, ne correspondent pas à la manière dont les comptables et le vérificateur général voudraient que ce soit comptabilisé. Le vérificateur général force le gouvernement à représenter plus fidèlement dans ses comptes nationaux la façon dont le passif du régime doit être représenté.
En réponse à cette lettre, je dirais que le contrat avec les employés stipulait que ces derniers paieraient 7,5 p. 100 de leur salaire et qu'en retour, ils recevraient des prestations légiférées. C'est ce que l'employeur avait prévu dans son contrat.
Le sénateur Oliver: Le gouvernement avait une prestation déterminée.
M. Massé: Oui, une prestation déterminée, légiférée. Le gouvernement ne disait pas aux gens que s'il n'y avait pas assez d'argent, les prestations déterminées seraient réduites. Le gouvernement a promis une série de prestations déterminées. Le gouvernement est tenu par la loi de distribuer ces prestations et il continuera d'être tenu par la loi de les distribuer, quelle que soit la situation relativement au surplus déterminé du compte.
Le sénateur Oliver: Avez-vous dit ces dernières années à des particuliers ou à des groupes, c'est-à-dire des syndicats, groupes de retraités, groupes de militaires ou d'agents de la GRC, que vous étiez disposé à négocier avec eux, à leur créditer une partie quelconque de ce surplus accumulé de 30 milliards de dollars.
M. Massé: Non, pas que je sache.
Le sénateur Angus: Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre et chers collègues, à cet atelier dont le thème pourrait être «la politique et les étranges compagnonnages qui s'ensuivent». Je pense que nous en avons vu plein d'exemples ce matin.
Sauf le respect que je vous dois, nous avons également vu à quel point votre gouvernement est passé maître dans l'art de souffler le chaud et le froid en même temps. Tout cela m'amuse à vrai dire. Il n'y a pas si longtemps que nous avons entendu des protestations indignées de votre part et de la part de vos collègues au sujet de Conrad Black et d'autres employeurs qui affirmaient le droit de l'employeur d'empocher les surplus. Voilà maintenant que vous vous livrez à la même activité.
Je dois avouer que vous me semblez avoir raison. Dans les circonstances, étant donné qu'il s'agit d'un régime à prestations déterminées, quand l'employeur assume tous les risques, je pense qu'il a légalement le droit de prendre le surplus.
Je voudrais toutefois que vous nous en disiez plus long sur l'intégration entre le RPC et ces régimes de pension des employés de la fonction publique. Peut-être pourriez-vous passer cet aspect en revue encore une fois. Si je comprends bien, l'employé doit cotiser aux deux régimes et, au fil des ans, les employés ont peut-être fait une meilleure affaire que les autres Canadiens en cotisant au RPC. Est-ce exact? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous faire un petit exposé à ce sujet? Je trouve que c'est un aspect important.
M. Massé: Oui, c'est exact et c'est en effet un point important. C'est toutefois tellement complexe que je vais demander à l'un des experts de vous donner une réponse détaillée.
Mme Hamilton: La loi actuelle prévoit que le taux de cotisation des employés au titre de ces régimes de pension est de 7,5 p. 100 de leur salaire moins le montant qu'ils sont tenus de cotiser au Régime de pensions du Canada. Par conséquent, dans la mesure où les taux de cotisation au Régime de pensions du Canada augmentent maintenant depuis plusieurs années et continueront d'augmenter pendant les quatre prochaines années, le montant des cotisations que les employés versent effectivement dans leur régime de pension diminue d'autant. Leurs cotisations ont bel et bien diminué.
Le sénateur Angus: C'est bien ce que je croyais.
Ma dernière question porte sur des propos qui ont été tenus. Si je comprends bien votre position, monsieur le ministre, vous avez dit, sauf erreur, que les groupes consultatifs qui se sont réunis pendant huit ans ont constitué la consultation sur ce projet de loi, même si les modalités prévues au projet de loi C-78 n'étaient pas le sujet d'étude de ces groupes.
M. Massé: Oui.
Le sénateur Angus: Votre position est-elle que toutes les questions que soulève le projet de loi C-78 ont été abordées durant ces discussions?
M. Massé: La grande majorité d'entre elles l'ont été. Le régime de Postes Canada et les dispositions sur les conjoints de même sexe ne faisaient pas partie de ces discussions, mais la grande majorité des autres points ont été discutés.
Mme Hamilton: Cela représente fondamentalement le domaine de discussion.
Le sénateur Angus: Je ne comprends pas pourquoi la GRC n'a jamais été représentée à l'un ou l'autre de ces comités. Apparemment, il y a une loi qui l'empêche d'être incluse. Ne serait-ce pas une bonne idée d'inclure un groupe d'employés aussi nombreux dans les consultations?
Mme Hamilton: Le processus de consultation dont nous avons parlé est essentiellement la consultation des syndicats de la fonction publique depuis plusieurs années. Pour l'essentiel, les pourparlers ont eu lieu au comité consultatif des pensions du régime de pension de la fonction publique.
Il y a des comités consultatifs parallèles pour les forces armées et la GRC. Les questions financières entourant les régimes de pension ont été discutées à ces comités consultatifs. Le fait que la fonction publique envisageait la gestion conjointe et s'orientait en ce sens a assurément été discuté à ces comités consultatifs qui ont fait occasionnellement rapport à leurs ministres respectifs au fil des ans. Le processus de consultation du Conseil du Trésor visait nos syndicats.
Le sénateur Angus: Je m'intéresse plus particulièrement à la GRC. Un représentant de la GRC nous a dit catégoriquement qu'il n'y a jamais eu la moindre consultation, que la GRC n'a pas eu son mot à dire. Selon lui, la GRC a demandé à comparaître devant le comité de la Chambre des communes mais s'est fait répondre qu'elle ne le pouvait pas. Il a dit que sa comparution devant nous était la toute première occasion de faire connaître les vues de son groupe.
Accusez-vous cet homme de duplicité?
Mme Hamilton: La définition de ce qui constitue une consultation est bien subjective. À la GRC, deux organes peuvent servir de canal à la consultation. Le premier est le conseil de la rémunération, et c'est là que les représentants régionaux sont le plus solidement représentés. Ils sont également représentés au comité consultatif créé pour conseiller le ministre sur le dossier des pensions.
Le sénateur Angus: Le gouvernement est-il d'avis qu'ils ont eu une chance équitable d'avoir leur mot à dire? Si vous pensez que l'on a peut-être commis un oubli dans le cas de la GRC, ce ne devrait pas être trop difficile à dire.
Mme Hamilton: Au sujet des aspects financiers des pensions, par exemple en ce qui a trait au surplus, il n'y a eu aucune consultation sur le surplus existant, sous quelque forme que ce soit, parce que ce point ne faisait pas partie des questions à l'étude. Évidemment, je n'étais pas membre du comité consultatif de la GRC et je ne peux donc pas en parler en détail. Peut-être qu'ils n'avaient pas prévu certains aspects du projet de loi.
Le sénateur Angus: Est-ce votre position, monsieur le ministre, et celle de vos collègues, que le gouvernement n'a jamais, en aucun temps, à aucune tribune, reconnu qu'il y avait la moindre possibilité de partager le surplus?
M. Massé: Pas à ma connaissance.
Le sénateur Angus: À aucun moment, dans une tentative d'en arriver à un compromis?
M. Massé: M. Jolicoeur dirige l'unité de négociation. Il est le mieux placé pour vous répondre.
M. Jolicoeur: Notre position au sujet du surplus antérieur a toujours été que ce n'était pas négociable. La seule chose qui était négociable, c'étaient les futurs surplus et les prestations supplémentaires, ainsi que le prévoit ce projet de loi. Il n'y a eu aucune négociation pour ce qui est de partager le surplus antérieur.
Le sénateur Kenny: Sur un plan plus général, je m'inquiète des changements rapides qui ont marqué les modalités d'emploi des fonctionnaires au cours des dix dernières années. Je songe au blocage des salaires, à la sécurité d'emploi, à la création de nouveaux organismes et maintenant à ce projet de loi. Vous avez fait une belle carrière dans la fonction publique et vous représentez une circonscription qui compte de nombreux fonctionnaires. À votre avis, comment cette mesure se répercute-t-elle sur le moral des fonctionnaires?
M. Massé: Je poserais la question quelque peu différemment. Je demanderais quels changements devaient être apportés pour que le gouvernement puisse mieux répondre aux besoins du public. C'est une question que nous devons nous poser, même à titre de fonctionnaires. Nous ne sommes pas au service du public exclusivement dans notre propre intérêt. Si vous posez la question de cette façon, vous en arrivez à la conclusion qu'un nombre considérable des changements en profondeur devaient être apportés dans l'appareil gouvernemental et que ces changements ont eu des répercussions sur les gens qui aident à mettre en oeuvre la politique gouvernementale et à conseiller le gouvernement -- tous les gens qui travaillent dans la fonction publique. En fait, je suis entré en politique parce que je croyais qu'il fallait opérer des réformes et que, pour le bien de mes enfants et de mes petits-enfants, il fallait le faire rapidement.
Parmi ces changements, il y avait effectivement des changements aux modalités d'emploi. Il y a eu des changements pénibles en termes de sécurité d'emploi, et le nombre d'emplois au sein de la fonction publique a été réduit de tout près de 20 p. 100. On oublie parfois à quel point ces compressions ont été profondes. Oui, je m'en suis inquiété, parce que près de 20 000 de mes électeurs sont des fonctionnaires ou comptent des fonctionnaires parmi les membres de leur famille. Je suis donc très sensible à cette question.
En même temps, bon nombre de fonctionnaires de ma circonscription me disent, quand je les rencontre dans les centres commerciaux, «Nous savions que nous étions assis sur un baril de poudre qui devait exploser un jour ou l'autre. En fait, il a bel et bien explosé, mais vous avez aidé à rendre la situation tolérable». La plupart des mises à pied ont été assorties de modalités négociées avec les syndicats. Je pense que la majorité des fonctionnaires, même parmi ceux qui ont été directement touchés, diraient que nous avons agi avec compassion et dans les règles. C'est pourquoi nous n'avons pas subi dans la fonction publique fédérale les problèmes de relations de travail qui ont accablé, par exemple, la fonction publique de l'Ontario.
Oui, il y a eu des changements dans les conditions de service. Il a fallu mettre en place des réformes douloureuses. La réforme des pensions comporte en fait certains avantages additionnels et je ne pense donc pas qu'elle soit douloureuse. Il y a eu des récriminations au sujet du surplus, bien sûr, et je le comprends, mais aucun avantage n'a été refusé à des fonctionnaires ni diminué. En fait, c'est plutôt le contraire qui s'est produit.
Au sujet des prestations de pension, si je prends le pouls de ma circonscription, je constate que les gens, outre le fait qu'ils aimeraient partager le surplus, sont très contents de voir que la moyenne est maintenant calculée sur cinq ans au lieu de six. Les retraités sont au courant du régime dentaire parce que c'était l'une de leurs demandes de longue date. Vous comprenez pourquoi je place la question sous un éclairage légèrement différent.
Le sénateur Kenny: J'ai trouvé encourageant, si j'ai bien compris, de vous entendre dire que vous êtes intéressé à trouver un meilleur modèle d'administration que celui qui existe actuellement dans ce projet de loi.
M. Massé: Certainement. Je le répète, j'aimerais que l'on mette en place, au cours des prochaines années, un régime en vertu duquel le fonds de pension serait administré conjointement par les retraités, les syndicats et l'employeur. Je voudrais aussi qu'il y ait partage des risques et partage du surplus découlant d'un meilleur régime d'investissement, partage de ces avantages entre les employeurs, les employés et les retraités, si nous pouvons le faire.
Le sénateur Kenny: Monsieur le président, il semble que de nombreuses questions mériteraient d'être examinées plus à fond. Est-il possible pour le comité de trouver du temps pour en discuter davantage?
Le président: Vous voulez dire au début de la semaine prochaine?
Le sénateur Kenny: N'importe quand, lorsque ce sera possible.
Le président: J'en prends bonne note et j'en parlerai au sénateur Tkachuk. Nous avons nos réunions ordinaires prévues la semaine prochaine et nous n'avons actuellement rien à l'ordre du jour.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir ici. Je me rends compte que nous vous avons gardé plus longtemps que votre horaire le permettait, mais il importait que nous examinions les questions en détail.
Le sénateur Tkachuk: On a posé une question sur la définition de «survivant» dans la Loi sur la continuation de la pension des services de défense. Y a-t-il une réponse? Pourrait-on me donner cette précision?
Mme Hamilton: La Loi sur la continuation de la pension des services de défense est essentiellement un régime de pension fermé.
Le président: Je vous demanderais de poursuivre cette discussion en aparté, car l'autre ministre attend. Monsieur Massé, je suis certain que votre première comparution devant notre comité a été mémorable.
Le comité suspend ses travaux.
À la reprise de la séance, le comité sénatorial permanent des banques et du commerce entreprend son étude du projet de loi C-67, Loi modifiant la Loi sur les banques, la Loi sur les liquidations et les restructurations et d'autres lois relatives aux institutions financières et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour discuter du projet de loi C-67.
Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, j'aimerais signaler que je me trouve en situation de conflit d'intérêts étant donné que je siège au conseil d'administration d'une banque étrangère de l'Annexe II. En conséquence, je ne vais pas assister aux délibérations que le comité s'apprête à tenir aujourd'hui.
Le sénateur Meighen: Monsieur le président, je vais moi aussi me retirer pour la même raison, et j'aimerais que cela soit consigné au compte rendu.
Le président: Sénateurs, avant de céder la parole au ministre, j'aimerais signaler que je vous ai distribué la lettre du président de l'Association des banques étrangères, M. Stammati, que j'ai reçue ce matin à mon bureau. Dans le premier paragraphe de sa lettre, M. Stammati indique qu'il ne juge pas nécessaire de témoigner comme il a été invité à le faire, étant donné que les banques étrangères appuient entièrement le projet de loi et attendent avec impatience son adoption. Le ministre sera donc notre seul témoin.
Comme vous le savez, après son dépôt à la Chambre des communes, le projet de loi a été vivement contesté par les banques étrangères pour des raisons fiscales. Des amendements ont ensuite été présentés à la Chambre des communes pour corriger ce problème à la satisfaction des banques étrangères. Je pense que c'est quelque chose qu'il faut signaler aux membres.
Le sénateur Austin: Je vous demanderais d'annexer la lettre aux délibérations d'aujourd'hui parce que c'est une déclaration importante.
Le président: Certainement.
(Voir le texte de la lettre à l'annexe)
Le président: Monsieur le ministre, nous vous remercions d'être venu nous rencontrer cet après-midi. La parole est à vous.
M. Jim Peterson, secrétaire d'État (Institutions financières internationales): Merci, monsieur le président.
Le projet de loi permettrait aux banques étrangères d'ouvrir des succursales à vocation commerciale au Canada et non plus seulement des filiales bancaires distinctes pour faire des affaires au Canada.
[Français]
La principale raison justifiant l'installation du régime d'établissement des succursales des banques étrangères est la promotion de la concurrence du secteur banquier canadien en appuyant une saine présence des banques étrangères.
Le nombre de banques étrangères actives au Canada a diminué de 59 à 42. Un des motifs qui explique cette diminution est la rigidité du régime d'accès aux banques étrangères en vigueur au Canada.
Nous sommes le seul des pays du G-7 qui n'autorise pas les banques étrangères à exercer leurs activités par l'entremise des succursales. Pour de nombreuses banques étrangères, il serait plus rentable d'établir une succursale qu'une filiale entièrement réglementée tel que l'impose actuellement la législation canadienne.
Une succursale peut puiser à même les fonds propres de sa banque-mère les crédits nécessaires pour financer ses activités de prêts au Canada, tandis que les filiales des banques étrangères doivent conserver des fonds propres distincts pour les besoins de leurs activités au Canada.
[Traduction]
Contrairement aux filiales, les succursales n'auraient plus à constituer des conseils d'administration et des comités distincts au Canada.
Comme le marché canadien sera plus attrayant, les banques étrangères seront plus susceptibles de s'établir au Canada ou d'y offrir d'autres services. Cette mesure permettra d'élargir l'éventail des services financiers fournis aux entreprises de toutes tailles ainsi que la sélection des prêts à la consommation.
Le projet de loi modifierait la Loi sur les banques de façon à permettre aux banques étrangères de demander au ministre des Finances l'autorisation d'établir des succursales au Canada. Les succursales auraient essentiellement les mêmes pouvoirs que les banques canadiennes, sauf pour ce qui est des dépôts. Elles ne pourraient pas accepter de dépôts de détail, c'est-à-dire des dépôts de moins de 150 000 $. On a prévu cette restriction parce qu'on ne peut alléger la réglementation applicable aux succursales de banques tout en préservant les normes de prudence et en protégeant les fonds des déposants.
Il est important de noter que les banques étrangères peuvent déjà accepter des dépôts de détail au Canada en établissant une filiale distincte, et que cette possibilité existera toujours.
Pour faciliter l'établissement de succursales de banques, deux types de succursales sont proposés, les succursales à service complet ou les succursales de prêts. Une succursale à service complet pourra accepter des dépôts de plus de 150 000 $; par contre, une succursale de prêts ne pourra accepter aucun dépôt, quel qu'en soit le montant.
La possibilité de créer deux types de succursale a l'avantage de permettre d'adapter les exigences réglementaires aux besoins particuliers des activités des banques étrangères.
Comme vous le savez, il y a déjà eu beaucoup de consultations et de discussions à ce sujet, avec votre comité, monsieur le président, celui de la Chambre des communes et le groupe de travail MacKay qui ont tous -- ce dont je vous remercie -- appuyé avec enthousiasme l'établissement de succursales de banques étrangères.
Nous avons comparu devant le comité des finances de la Chambre des communes le 11 mai, après avoir déposé le projet de loi à la Chambre le 11 février.
Quand nous avons témoigné devant le comité de la Chambre des communes, nous avons proposé des amendements au projet de loi pour tenir compte des observations qui nous avaient été formulées après le dépôt du projet de loi à la Chambre. Au sujet des dépôts de détail d'au moins 150 000 $, nous avons assoupli les règles en fonction des besoins du milieu. Un autre amendement a été proposé pour permettre la vente aux institutions financières de certaines dettes, ce qui n'était pas possible auparavant, et de prolonger de deux à cinq mois le délai autorisé pour présenter le rapport du vérificateur.
Comme vous l'avez très justement signalé, monsieur le président, nous avons aussi apporté des modifications d'ordre fiscal, dont la principale permet à la filiale d'une banque étrangère au Canada de transférer ses biens à sa nouvelle succursale. Cette mesure s'applique pour un temps limité seulement. Nous l'avons conçue pour assurer aux banques étrangères la continuité et la croissance de leurs activités et éviter que la conversion de leurs filiales en succursales ne se traduise par une obligation fiscale, mais il ne s'agit pas d'une remise des impôts. Ils seront perçus plus tard, si la succursale cesse ses activités, par exemple.
Cela dit, nous croyons que cette mesure va éliminer un obstacle inutile de la loi à l'accès des banques étrangères au marché canadien et à l'expansion de leurs activités, et que ce sera avantageux pour tous les Canadiens.
Le sénateur Angus: En tant que membre du comité, je trouve qu'il est difficile pour nous de nous prononcer rapidement comme le demande M. Stammati dans sa lettre. Cette mesure législative est très importante pour les services financiers. Je tiens à vous signaler, ainsi qu'à tous ceux qui suivent nos travaux, que je trouve très inquiétant que le comité des banques ait une heure pour étudier le projet de loi. Je ne veux pas dire que vous avez parlé à M. Stammati. Sa lettre est claire.
Cela m'inquiète parce que, dans notre système parlementaire, la Chambre haute est la chambre de réflexion. Cela dit, je prends note des importants amendements que vous avez présentés, et que vous venez de nous expliquer.
Quelle était votre intention en déposant le projet de loi dans sa première version, qui visait presque à empêcher les banques de s'établir ici? C'est la première question que je me pose.
M. Peterson: J'imagine que vous parlez du fait qu'il n'était pas question du report d'impôts dans la première version du projet de loi.
Le sénateur Angus: C'est un problème important dont il faut parler. Cependant, tous les amendements que vous avez proposés sont, à vrai dire, valables et je me suis réjoui de votre initiative. Les banques nous ont dit que, sans eux, elles ne seraient jamais venues s'installer ici.
J'ai toujours pensé que les fonctionnaires du ministère des Finances et les représentants des banques étrangères se consultaient. C'est pourquoi j'ai eu du mal à comprendre la première version du projet de loi.
M. Peterson: Nous avons beaucoup consulté les banques canadiennes et étrangères jusqu'au 11 février, date à laquelle le projet de loi a été déposé dans sa version originale.
Les questions qui ont fait l'objet des amendements n'avaient jusque là jamais été discutées, en particulier le manque de souplesse de l'exception de 1 p. 100 sur les dépôts de détail d'au moins 150 000 $. Les banques ont réussi à nous prouver que les déposants ne seraient pas défavorisés si nous assouplissions cette règle et modifions autre chose. Cette solution vient d'elles et n'avait jamais été discutée avant.
Oui, sur le plan fiscal, elles demandaient des reports depuis longtemps. Par contre, nous leur avions demandé depuis plus d'un an de nous indiquer quelle pourrait être l'obligation fiscale si nous n'accordions pas de report. Notre régime d'impôt sur le revenu ne permet nulle part un transfert d'impôt entre un contribuable canadien et un étranger ou un non-résident. Les banques demandaient une exception à la loi et nous ne voulions pas créer de précédent.
On nous a fourni des informations sur l'obligation fiscale possible seulement à la fin d'avril de cette année. Nous en avons pris connaissance tout de suite, et nous avons constaté qu'il y avait vraiment un problème si nous voulions encourager les banques à établir des succursales. Dès que nous nous en sommes rendu compte, nous avons accepté la proposition et nous nous sommes engager à présenter des modifications parce qu'il va falloir déposer un autre projet de loi pour ces aspects fiscaux.
Des conversations que j'ai eues en privé avec des sénateurs nous encourageaient à procéder de cette façon, ce que j'apprécie beaucoup.
Cependant, sénateur Angus, en toute responsabilité, nous ne pouvions prévoir une exception aux règles de l'impôt sur le revenu quand d'autres personnes, d'autres secteurs que le secteur des banques, convoitent les mêmes privilèges sans besoin manifeste. Si la chose n'avait pas été aussi nécessaire et si nous avions pu prévoir une période de transition, ce dont nous avons discuté, nous l'aurions fait. Cependant, cette solution n'a pas été jugée valable ou pratique dans les circonstances, et nous avons donc décidé de faire une modification à caractère unique dans notre loi fiscale.
Le sénateur Angus: Vous savez que notre comité a encouragé le gouvernement à favoriser encore plus la concurrence des banques étrangères que ce que prévoit le projet de loi. J'aimerais savoir quel est l'engagement de votre gouvernement par rapport à cette politique, parce que je sens que vous avez des hésitations au sujet du projet de loi.
M. Peterson: On pourrait dire que ces banques vont nuire au secteur bancaire canadien et qu'elles ne vont probablement pas vraiment vouloir offrir des services bancaires de détail au Canada. C'est ce qu'on pourrait dire. On pourrait se demander pourquoi chercher à nuire aux grandes institutions bancaires canadiennes qui sont la fierté de notre pays. Pourquoi accroître la concurrence et permettre aux banques étrangères, qui ont des intérêts limités ici, de ravir de bons clients à nos banques nationales? C'est un problème d'intérêt public plus vaste qui est en cause ici, celui de la concurrence. Dès qu'on élimine la concurrence, on rend un mauvais service à nos institutions, en les privant de la motivation voulue pour se tenir à la fine pointe. En plus de favoriser la concurrence et de servir la population différemment, les banques étrangères vont nous faire partager leurs connaissances de ce qui se fait d'innovateur dans d'autres marchés. Elles peuvent nous renseigner sur ce qui se fait d'avant-gardiste ailleurs. On favoriserait ainsi l'évolution d'une économie bancaire dynamique de calibre international.
Les banques de l'Annexe I nous ont fortement demandé d'ouvrir la porte aux banques étrangères. Elles estiment que c'est la voie de l'avenir. Elles n'ont pas essayé de se protéger ou de se réserver des créneaux. Elles nous ont encouragés dans cette voie. C'est pourquoi j'y suis favorable. Nous ne sommes pas réticents à cette perspective, mais très enthousiastes.
Le sénateur Angus: Je suis heureux de l'entendre. Cependant, il semble bien que le projet de loi respecte au minimum les exigences de l'OMC qui découlent de nos obligations internationales à l'égard de nos partenaires commerciaux, et que n'avons pas l'intention de faire plus.
J'imagine que vous avez raison et que nous pourrions être plus accueillants au nom de la concurrence et pour renforcer notre secteur bancaire. Cependant, je me demande si le projet de loi va vraiment assez loin pour attirer les banques étrangères chez nous.
M. Peterson: Je vous invite à nous dire comment aller plus loin. Nous avons proposé de créer des succursales à service complet et des succursales de prêts pour réduire les règles et les formalités pour les banques qui veulent s'établir au Canada dans un but limité, sans que cela nous nuise. Nous avons essayé d'adapter le régime à leurs besoins.
On peut assurément dire que le travail n'est pas terminé, pour ce qui est de ce que le groupe de travail MacKay a proposé. Si nous avions cédé à certaines demandes des banques étrangères, elles auraient eu beaucoup d'avantages par rapport à nos banques canadiennes, ce qui aurait été injuste. Certains changements seront mis en oeuvre prochainement et s'appliqueront à toutes les institutions financières, mais nous ne permettrons pas aux banques étrangères de devancer inconsidérément nos banques. Ce ne serait pas judicieux ni avantageux pour elles.
Le sénateur Angus: Je vais examiner avec intérêt ces nouveaux éléments. Quand vous avez accepté de présenter des amendements à l'autre endroit, avez-vous reçu l'assurance, officielle ou non, que les banques étrangères viendraient établir des succursales ici? Je parle en particulier des banques qui ne font plus affaire ici. Vous avez dit qu'il y avait moins de joueurs au Canada depuis quelques années.
M. Peterson: Certaines banques ont manifesté de l'intérêt. M. Seeto a les résultats d'un sondage.
M. Charles Seeto, directeur, Division du secteur financier, ministère des Finances: Le BSIF a effectué un sondage auprès des filiales des banques étrangères, et 17 d'entre elles ont indiqué qu'elles étaient intéressées à ouvrir des succursales au Canada. Cinq des bureaux représentés ont indiqué qu'ils aimeraient établir des succursales au Canada.
M. Peterson: Ce sondage a été effectué avant que les amendements soient apportés, quand nous avons comparu devant le comité des finances de la Chambre des communes.
Le sénateur Angus: Y a-t-il eu des ententes ou des assurances au sujet de ces amendements?
M. Peterson: Je ne suis pas sûr de comprendre la question.
Le sénateur Angus: Vous avez très bien expliqué la mesure fiscale en cause. Avant d'autoriser une exception sur le transfert fiscal à des non-Canadiens, vous auriez pu dire: «Nous sommes prêts à nous donner tout ce mal, mais nous voulons avoir l'assurance que vous allez vous engager».
M. Peterson: Les banques ont été très directes. Elles nous ont dit qu'elles avaient pieds et poings liés quand elles ont commencé à s'établir ici en 1980, quand la loi a été adoptée. Nous avons insisté pour qu'elles établissent des filiales, et nous sommes un des rares pays du monde à l'avoir exigé. C'était une hésitation. En 1980, il y a eu tout un débat sur la question de savoir s'il fallait permettre aux banques étrangères de s'établir au Canada. C'était une autre époque, mais c'est ce qui s'est passé.
Aucun marché n'a été conclu, mais nous avons travaillé en étroite collaboration avec les banques. Nous leur avons demandé comment les attirer au Canada tout en respectant nos principes législatifs.
Le sénateur Angus: Je ne pense pas que ce soit suffisant. Je vais participer à l'examen que le comité va faire de la prochaine série de propositions du rapport MacKay.
M. Peterson: Si ce n'est pas suffisant, nous sommes prêts à entendre vos propositions.
Le sénateur Angus: Ma première suggestion aurait trait à la restriction sur les dépôts de détail. Comme vous l'avez dit, elles n'offriront probablement pas ce service de toute façon. Elles vont simplement modifier le secteur commercial. Cependant, nous leur permettons d'offrir ce service. Pourquoi leur imposer des restrictions?
M. Peterson: Cette restriction respecte ce que votre comité nous a proposé. Pour permettre aux banques étrangères de s'établir ici pour offrir des services de détail, il faudrait qu'elles ouvrent une filiale distincte. Nous avons opté pour cette solution en nous fondant sur l'expérience et la sagesse de votre comité.
Le sénateur Hervieux-Payette: Nous avons reçu de la correspondance de banques considérées comme des banques étrangères. Je tiens à clarifier la situation, surtout pour ce qui est du Québec, parce que je crois comprendre que les banques de l'Annexe III ne sont pas considérées comme des banques de l'Annexe I ou de l'Annexe II selon beaucoup de lois provinciales.
Cependant, que se passe-t-il si les lois des provinces ne traitent pas ces banques comme des banques de l'Annexe I et de l'Annexe II, même si elles figurent à l'Annexe III?
On m'a dit qu'il faudrait modifier 70 lois en Ontario dans un court laps de temps pour qu'elles soient considérées comme telles. Au Québec, il faudrait en modifier 200.
Que pouvons-nous faire? Est-ce qu'une révision générale pourrait inclure ces banques dans une annexe si les provinces ne sont pas intervenues? Avons-nous actuellement l'assurance que les provinces vont accepter d'adopter une mesure de portée générale pour modifier leurs lois de façon à ce qu'il soit clair que les banques de l'Annexe III seront considérées comme des banques de l'Annexe I et de l'Annexe II?
Je pense que ce sera compliqué au Québec. Est-ce une question constitutionnelle? Je n'en sais rien. Je pose la question parce que je pensais que, selon la Constitution, les banques relevaient de la compétence du gouvernement fédéral. Vos collaborateurs me disent que ce n'est pas nécessairement le cas. Je trouve que c'est déroutant.
Le président: Quelqu'un peut-il répondre à cette question?
M. Peterson: Oui. Je serais heureux d'y répondre. C'est effectivement un dilemme pour nous. Il n'y a pas de solution parfaite. Nous pensons pouvoir continuer de les traiter comme des banques de l'Annexe II pour ne pas perturber les lois provinciales. Dans nos discussions avec les provinces, on s'est demandé s'il y avait une différence entre une banque étrangère qui a des filiales au Canada et une qui a des succursales.
La réglementation est différente. L'organisme de réglementation principal se trouve à l'extérieur du Canada. Une succursale fonctionne différemment d'une filiale au Canada. Les provinces ont signalé que, dans un cas ou dans l'autre, elles voudraient réviser toutes leurs lois qui font référence à une «banque», que ce soit une banque de l'Annexe I ou une de l'Annexe II. Elles détermineraient ensuite si leurs lois vont continuer de s'appliquer à une succursale d'une banque étrangère de la même façon qu'à une filiale.
Nous avons eu des discussions suivies avec les provinces à ce sujet. Elles préféraient, surtout le Québec et l'Ontario, que nous agissions comme nous l'avons fait. Nous connaissons le problème, mais il y a eu beaucoup de consultations.
Nous aurions pu agir de façon unilatérale et les forcer à agir après coup, si elles n'avaient pas accepté de suivre notre régime. Cependant, notre démarche a été coordonnée avec elles.
Le sénateur Hervieux-Payette: Avez-vous l'assurance que les provinces, s'il s'avère que le régime ne leur nuira pas, vont modifier leurs lois? Faudra-t-il attendre un certain nombre d'années avant de trouver une autre solution?
M. Peterson: Elles nous ont dit que c'était la solution qu'elles voulaient adopter et qu'elles allaient la respecter. Si un problème surgit d'ici six mois, nous serons prêts à réexaminer la question. Cependant, nous avons vraiment le sentiment qu'elles veulent que les succursales fonctionnent.
Le sénateur Kolber: J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue, messieurs. C'est une bonne idée d'attirer les banques étrangères chez nous.
Selon moi, serait-il raisonnable de dire que nous n'attendons vraiment pas grand chose de la présence des banques ici?
M. Peterson: Non, je suis optimiste.
Le sénateur Kolber: Je comprends. Cependant, compte tenu de la situation dominante de nos banques, n'est-il pas presque certain que leur présence n'aura pas beaucoup d'effet, à part le fait qu'elles vont ravir certains bons clients?
M. Peterson: D'après ce qu'un certain nombre d'entre elles nous ont dit, elles ne comptent pas, et ne veulent pas non plus, utiliser le nouveau régime pour offrir des services de détail.
Si vous parlez des services de détail, je pense que vous avez raison de dire que nos institutions financières sont fortement implantées sur le marché canadien. Si on se demande pourquoi, je dirais que c'est attribuable, dans une large mesure, au fait que nos banques offrent aux Canadiens un service de calibre mondial. Il y a très peu de domaines où d'autres peuvent venir les supplanter.
Des banques comme ING ont introduit la télématique bancaire, et nos banques ont superbement réagi. Elles comblent elles- mêmes les ouvertures qui s'offrent sur le marché. C'est un des grands avantages qu'a créée la concurrence.
Le sénateur Callbeck: Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il pouvait y avoir des succursales à service complet ou des succursales de prêts, mais que les banques étrangères ne pouvaient établir les deux. Pourquoi?
M. Peterson: C'est un des compromis dont j'ai parlé dans ma réponse au sénateur Angus.
Les banques canadiennes, à ce jour -- parce que nous n'avons pas répondu au rapport MacKay -- ne peuvent établir des sociétés de portefeuille ou des entités distinctes de la même façon. Nous avons décidé que n'avions pas à donner aux banques étrangères un avantage sur le plan administratif.
Notre réponse au rapport MacKay à ce sujet va déterminer la souplesse des aménagements possibles. Je crois que nous allons essayer d'assouplir les règles pour permettre d'autres genres d'organisation qui répondent aux besoins du secteur sans nuire au service à la clientèle et à la solvabilité de nos institutions.
Le sénateur Callbeck: Qui est l'organisme de réglementation de ces succursales? Est-ce le BSIF ou l'organisme de réglementation des banques étrangères?
M. Peterson: Le principal organisme de réglementation restera celui de la banque étrangère. Les activités bancaires de la succursale canadienne de ces banques seront, de façon générale, tellement limitées par rapport à l'ensemble des activités de la banque étrangère que notre organisme de réglementation ne primera pas.
Cependant, il sera important -- et M. Thompson pourra vous en parler -- que nous surveillions la succursale canadienne et que nous soyons aussi en contact étroit avec l'organisme de réglementation étranger pour nous assurer que les déposants canadiens sont protégés. Le régime impose de nouvelles responsabilités à notre organisme de réglementation et l'oblige à entretenir de très bonnes relations avec ses homologues étrangers.
M. John Thompson, surintendant adjoint, Secteur de la réglementation, Bureau du surintendant des institutions financières: Il est clair pour nous, et ce doit l'être aussi pour vous, que les activités de la succursale d'une banque étrangère que nous surveillons ne correspondent qu'à une partie de l'ensemble des activités de la banque. Nous allons obtenir des informations financières de la succursale canadienne de la banque mais aussi de la banque mère, sous forme d'états consolidés.
Nous allons concentrer nos activités de supervision sur la succursale locale et aussi sur l'entité étrangère. Nous allons examiner les livres. Nous allons discuter avec l'organisme de réglementation étranger pour nous assurer de bien comprendre ce qu'il pense de cette entité et déterminer par nous-mêmes si l'entité étrangère est gérée de façon saine.
Nous allons consacrer beaucoup d'énergie à examiner ce qui se passe à l'extérieur du Canada pour surveiller une succursale établie ici au pays.
Le sénateur Austin: Monsieur le ministre, vous avez dit que le ministère des Finances allait présenter bientôt un énoncé de politique. Pourriez-vous nous dire à quel moment nous pouvons nous attendre à ce qu'il soit rendu public de façon à pouvoir planifier notre été?
M. Peterson: Il sera probablement prêt en juillet. Nous y travaillons activement, le ministre aussi et il en fait une priorité. Nous espérons qu'il sera présenté bientôt pour que les intervenants canadiens puissent l'examiner au cours de l'été et que nous puissions présenter un projet de loi à l'automne.
Le sénateur Austin: Donc, vous pensez qu'il sera prêt en juillet?
M. Peterson: Ce pourrait être plus tôt.
Le président: Comme il n'y a pas d'autre question, peut-on proposer l'adoption du projet de loi C-67 et son rapport au Sénat sans amendement?
Le sénateur Hervieux-Payette: J'en fais la proposition.
Le sénateur Di Nino: J'appuie la proposition.
Le président: Adopté.
La séance est levée.