Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 55 - Témoignages du 15 juin 1999
OTTAWA, le mardi 15 juin 1999
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des Postes et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour l'étude article par article du projet de loi.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, permettez-moi de vous expliquer brièvement ce qui s'est passé depuis jeudi dernier. Je donnerai ensuite la parole au sénateur Tkachuk, puis nous passerons à l'étude du document qui a été distribué.
À la suite de la réunion de la semaine dernière, je me suis entretenu avec le président du Conseil du Trésor, et l'essentiel de notre discussion figure dans la lettre que j'ai reçue hier et qui sera annexée au rapport du comité. Dans la lettre, on indique que le gouvernement a la ferme intention d'entreprendre, si le projet de loi est adopté, des négociations avec les diverses associations d'employés. Je dis «association d'employés», parce qu'il ne s'agit pas seulement des syndicats, mais aussi des associations regroupant les membres de la GRC et des Forces canadiennes. Les parties essaieraient d'en venir à une entente sur la cogestion et le partage des risques, comme les chefs syndicaux et le ministre ont dit être prêts à le faire dans leur témoignage de la semaine dernière.
La lettre est formulée de façon à faire référence à la volonté du gouvernement et au poste de ministre, et non à la personne qui occupe ce poste actuellement. Ainsi, s'il y a remaniement ministériel, le futur ministre chargé de diriger ce portefeuille sera tout aussi visé par l'engagement pris.
Vous trouverez ainsi en annexe ma lettre de réponse, qui indique que le comité demanderait au président du Conseil du Trésor de comparaître devant lui d'ici la fin de l'année pour faire le point sur les négociations. Je vais envoyer des lettres semblables aux présidents des syndicats et aux organisateurs qui ont comparu devant nous pour leur signaler qu'ils peuvent volontiers venir nous rencontrer s'ils jugent que les négociations se déroulent mal.
On a aussi distribué une série d'observations fondées sur les discussions que nous avons eues avec le sénateur Tkachuk et notre personnel. Ces observations traitent de questions qui préoccupent les membres du comité et qui soulèvent des oppositions. Le sénateur Tkachuk et moi-même avons examiné en détail le document, que nous jugeons satisfaisant. Nous pensons qu'il tient bien compte du point de vue des caucus et des membres du comité.
Comme notre comité a l'habitude de le faire, pour signaler que des membres du comité ont des opinions divergentes, nous n'avons pas employé les mots «les sénateurs libéraux estiment...» et «les sénateurs conservateurs estiment...», mais plutôt les mots «minorité» et «majorité», parce qu'il est arrivé que des sénateurs des deux partis soient en accord ou en désaccord sur un même sujet.
Je suis prêt à répondre à vos questions, mais j'aimerais d'abord donner la parole au sénateur Tkachuk. J'aimerais que nous puissions rapidement nous entendre pour faire rapport du projet de loi au Sénat sans amendement, mais en y joignant ces observations, la lettre du ministre avec l'engagement du gouvernement et notre lettre indiquant que nous allons demander au ministre et aux chefs syndicaux de venir nous rencontrer, au moment qui leur conviendra, pour faire le point sur les négociations.
Le sénateur Tkachuk: Sénateurs, joindre ce document au projet de loi est une très bonne initiative de notre part. Pour éviter tout malentendu, j'aimerais dire que les membres de notre parti n'approuvent pas le projet de loi mais estiment que les observations qui y seront annexées font ressortir certaines de nos principales préoccupations concernant le processus et le texte du projet de loi.
Monsieur le président, j'aurais une autre remarque à faire. Comme vous le savez, le sénateur Kelleher a présenté au comité des arguments assez solides sur le programme des 6 et 5 p. 100. Le sénateur Kelleher estime que des possibilités et des dispositions de rattrapage sont nécessaires pour les personnes touchées.
Je pensais qu'on y faisait allusion à la première recommandation qui commence par les mots: «que le Conseil du Trésor reprenne immédiatement...», au bas de la page 4, mais le sénateur Kelleher ne trouve pas que le texte de la recommandation est assez clair là-dessus. Je ne sais pas si une petite modification à ce sujet recevrait l'approbation des autres membres.
Le président: Je n'ai pas d'objection à ajouter cet élément. Le comité accueille toujours avez plaisir les observations que les membres aimeraient ajouter.
Le greffier et l'attachée de recherche signalent que ce ne serait pas très compliqué d'ajouter un paragraphe d'ici 14 heures.
Sénateur Kelleher, ce serait peut-être utile que vous preniez quelques instants pour nous expliquer votre point de vue.
Le sénateur Kelleher: Vous pouvez le faire. Le ministre a dit qu'il était prêt à examiner la situation. Je ne dis pas que c'est une obligation.
Le président: Pour l'information des sénateurs, quand le programme des 6 et 5 p. 100 a été adopté, c'est Ian Sinclair qui s'est occupé du programme pour le secteur privé. Après sa nomination au Sénat, le sénateur Sinclair a présidé notre comité.
Dans un certain nombre de cas, les augmentations perdues dans le secteur privé ont été rétablies pour les fins de la pension. On ne l'a pas fait dans la fonction publique fédérale. Le sénateur Kelleher n'est pas contre le programme des 6 et 5 p. 100 mais, pour les fins de la pension, il estime que les augmentations devraient être rétablies pour les employés qui vont prendre leur retraite. Je tenais à le signaler.
Le sénateur Kelleher: Si j'ai bien compris, ce sont les gens qui ont pris leur retraite immédiatement avant et après l'application du programme qui ont en quelque sorte été affectés.
Le président: Je n'ai aucune objection à en parler dans le document qui sera annexé. Cette question a été soulevée dans un ou deux mémoires et vous en avez parlé au ministre. Si nous pouvions ajouter un paragraphe sur ce sujet avant la fin de la journée, ce serait utile.
Le sénateur Oliver: J'ai une observation générale à faire, avec laquelle le sénateur Tkachuk n'est pas d'accord.
Après avoir lu le document, je l'ai trouvé excellent, mais il dit en fait à la population canadienne que notre comité, après avoir entendu les témoins et le ministre, a de sérieuses réserves au sujet de ce projet de loi. À vrai dire, certaines de nos réserves sont tellement fondamentales que nous sommes d'avis que la politique gouvernementale qu'il défend comporte des lacunes. L'usage parlementaire dans ces circonstances veut que des amendements soient apportés au projet de loi et que le projet de loi soit renvoyé à la Chambre élue pour qu'elle refasse son travail.
Une de nos recommandations dit:
[...] que le gouvernement fédéral examine sérieusement la possibilité d'élargir les prestations aux cas où il existe une dépendance économique.
C'est donc dire que nous pensons que la politique gouvernementale est mal conçue, qu'elle est de portée trop étroite. Si on décide d'aller dans cette direction, pourquoi ne pas élargir les prestations à tout le monde?
Il me semble que les membres du comité ne font que tergiverser et, par complaisance à l'égard du gouvernement et de la population canadienne, ils formulent des recommandations dans l'espoir qu'il en ressorte quelque chose de positif. Cela dit, je pense que nous devrions être plus fermes et affirmer que la politique gouvernementale n'est pas valable, que le projet de loi comporte des lacunes importantes, mais que nous ne sommes pas disposés à y apporter des amendements.
Le président: Je comprends votre point de vue. J'ai réagi de façon complètement différente à ce sujet. Je me suis dis que la disposition sur les droits conjugaux est une première étape.
Le sénateur Oliver: Ce n'est pas le seul problème, au fait.
Le président: Je comprends. C'est tout de même une première étape, même si ce ne devrait pas être la dernière. La question la plus importante est celle de la dépendance. Nous signalons clairement que, pour nous, c'est une première étape, que ce n'est pas la dernière, et que nous voulons que le gouvernement se penche là-dessus.
Le sénateur Kroft a discuté de la question avec un des témoins, je ne me souviens pas lequel. Il s'est avéré que personne ne savait exactement comment définir le problème. Nous comprenions tous le problème et étions tous prêts à le régler.
Je n'ai pas d'objection à ce que nous disions qu'une première étape a été franchie, mais que nous allons insister, dans nos recommandations et à l'avenir, pour que le gouvernement poursuive le travail. C'est essentiellement la position que nous avons prise au sujet de la cogestion.
Notre dilemme à ce sujet, c'est que la cogestion et la question de l'excédent sont toutes les deux traitées dans le même projet de loi, alors qu'il s'agit de deux problèmes tout à fait distincts. Le gouvernement et les syndicats, d'après ce qu'ils nous ont dit, étaient tout près d'un accord au sujet de la cogestion, mais ne sont pas arrivés à s'entendre au sujet de l'excédent. Je comprends qu'il serait très difficile pour les syndicats d'accepter les modalités à ce sujet.
Dans un sens, il aurait été plus simple pour tout le monde d'avoir un projet de loi sur l'excédent et un autre sur la cogestion. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé.
Le sénateur Tkachuk, moi-même et d'autres avons tenté d'indiquer que nous ne laissions pas tomber, en disant que nous allions réexaminer la question à l'automne. À ce moment-là, le problème de l'excédent ne fera pas partie des discussions et nous allons étudier des problèmes qui en inquiètent beaucoup parmi nous, notamment la cogestion.
Le sénateur Cools: Étudions-nous ce paragraphe en particulier? Je comprends que le sénateur Oliver parle d'une application plus large. Je ne suis pas membre du comité, mais j'aimerais savoir comment vous procédez normalement pour approuver un document de ce genre. L'étudiez-vous section par section ou est-il libre à chacun de parler à tout moment de ce qu'il veut?
Le président: Étant donné que les membres du comité doivent avoir eu l'occasion de lire le document, je comptais recevoir une motion pour faire approuver le projet de loi et y joindre ces observations.
Le sénateur Cools: J'aurais quelques remarques à faire au sujet d'un aspect du document. Si le comité le veut bien, j'aimerais proposer d'ajouter quelques mots à la page 14 du document pour rendre le texte plus clair.
C'est à la section intitulée: «Prestations de survivant pour partenaires conjugaux de même sexe». Il me semble que les témoins entendus se demandaient vraiment si on pouvait qualifier la relation entre partenaires de même sexe de relation conjugale. C'est essentiellement la question qui s'est posée. Il me semble que l'expression «partenaires conjugaux» dérange les témoins. On pourrait peut-être la remplacer par «partenaires sexuels».
Le président: Je m'excuse mais je ne peux pas faire cela. Le projet de loi emploie précisément l'expression «partenaires conjugaux». Il est très important, selon moi, que nous reprenions les mots du projet de loi.
Le sénateur Cools: Non, le projet de loi n'emploie pas ces mots. On parle d'une union de type conjugal. C'est ce qui est remis en question.
Le président: J'aimerais laisser le texte tel qu'il est. Je ne sais pas ce que les autres membres en pensent. J'aimerais le laisser tel quel étant donné qu'il a été examiné par beaucoup d'entre nous.
Le sénateur Grafstein: Est-ce le mot «partenaires» qui est contesté?
Le sénateur Cools: Ce rapport vise à faire ressortir les préoccupations des membres du comité et des témoins. Les témoins ont indiqué clairement que rien, selon la jurisprudence et les définitions, n'indiquait que les mots «de même sexe» voulaient dire «conjugaux», et c'est ce que dit le projet de loi. On a remis cela en question.
Si on veut en parler, pourquoi ne pas dire sans détour «partenaires homosexuels», par exemple. C'est la question qui a été soulevée.
Le sénateur Oliver: Je pense que le paragraphe du rapport tient compte de ce que le comité a entendu. C'est tout ce que nous voulons.
Le sénateur Kroft: Monsieur le président, j'ai conclu que ce n'était pas le moment de régler ce problème et que les membres du comité s'entendaient là-dessus. Nous devons nous contenter de discuter du texte du projet de loi dont nous sommes saisis.
Nous avons indiqué clairement que nous avions des réserves à ce sujet. Il faudra étudier de façon plus vaste l'ensemble de la législation fédérale pour régler ce problème. Si nous allons plus loin, nous allons commencer à faire ce que nous ne voulons justement pas faire, c'est-à-dire étudier le problème.
Je proposerais que nous donnions suite au rapport tel qu'il est rédigé.
Le président: J'aimerais recevoir une motion qui indiquerait essentiellement que nous faisons rapport du projet de loi sans amendement, avec ces observations et en précisant bien qu'il y a dissidence. Ce n'est pas un rapport unanime puisqu'il y a dissidence au sein du comité. Quelqu'un veut-il faire cette proposition?
Le sénateur Austin: J'en fais la proposition.
Le président: Êtes-vous d'accord, sénateurs?
Des voix: Oui.
Le président: Je proposerais de faire rapport du projet de loi cet après-midi. Je pense que la troisième lecture aurait ainsi lieu demain.
La séance se poursuit à huis clos.