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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 56 - Témoignages du 24 août 1999


OTTAWA, le mardi 24 août 1999

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des postes et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 heures pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, nous allons entendre ce matin en premier des témoins qui représentent l'Alliance de la fonction publique du Canada.

Monsieur Bean, je vous invite à commencer.

M. Daryl Bean, président, Alliance de la fonction publique du Canada: Monsieur le président, honorables sénateurs, permettez-moi de vous présenter M. Jelly, assistant auprès du comité exécutif, qui m'accompagne aujourd'hui.

J'aimerais remercier le comité, au nom des 700 000 travailleurs, employés actuels du gouvernement et retraités qui ont cotisé au Régime de pension de la fonction publique, de nous avoir invités à participer à sa séance du 9 juin. Je tiens également à mentionner que les commentaires et les recommandations que votre comité a publiés le 15 juin 1999 et qui sont annexés à votre rapport sur le projet de loi C-78 sont le fruit, dans l'ensemble, d'une réflexion serrée sur une série de questions très complexes.

La décision qu'a prise par la suite le Sénat de reporter au début du mois de septembre le vote définitif sur le projet de loi C-78 a donné aux parties la possibilité de reprendre le dialogue et d'essayer d'en arriver à une entente sur les questions en suspens. Malgré les efforts déployés par l'alliance, il n'y a pas eu de discussions directes entre les parties au cours des deux mois qui ont suivi le vote du Sénat. Il y a eu uniquement un échange de correspondance.

J'ai écrit le 18 juin à l'ancien président du Conseil du Trésor, M. Massé, pour lui proposer de demander au comité consultatif qui avait tenu des réunions jusqu'au 10 décembre 1998 de reprendre ses travaux et je lui ai suggéré d'utiliser les commentaires et les recommandations figurant dans votre vingt-septième rapport pour encadrer les discussions.

J'ai également écrit le 18 juin au président et au vice-président de votre comité pour leur mentionner qu'il serait approprié qu'un ou plusieurs membres de votre comité participent aux discussions tenues par les parties, ne serait-ce qu'à titre d'observateur. Dans une lettre datée du 25 juin 1999, l'ancien ministre Massé a indiqué à l'alliance qu'il avait écrit au président du Conseil national mixte que le gouvernement était disposé, d'après lui, à reprendre les discussions sur la question de la cogestion.

Le 30 juillet, j'ai écrit à l'ancien ministre Massé pour lui indiquer que j'avais été surpris de constater qu'aucune réunion n'avait été convoquée et pour lui faire savoir que j'estimais qu'il nous appartenait de fixer une rencontre rapidement. Ces rencontres devraient pouvoir se tenir sans conditions préalables et toutes les parties devraient être libres d'inscrire à l'ordre du jour toutes les questions abordées dans le rapport du comité sénatorial en vue de les examiner et éventuellement, de les régler.

Dans l'heure qui a suivi la nomination de Lucienne Robillard au poste de présidente du Conseil du Trésor le 3 août, je lui ai écrit pour la féliciter et pour lui signaler l'importance de tenir rapidement une réunion au sujet des questions en suspens concernant les retraites avant que votre comité ne tienne ses audiences des 23 et 24 août.

Le 19 août, j'ai reçu à mon bureau, par téléphone, une invitation à rencontrer la ministre le 1er septembre. Je n'ai aucune idée de ce dont nous allions parler. Cependant, compte tenu de la lettre du ministre du 20 août 1999, je dois comprendre que la question des retraites ne sera pas abordée.

Le 20 août 1999, la ministre Robillard a répondu à ma lettre du 3 août en m'indiquant qu'elle ne serait prête à examiner la question des retraites, notamment celle de la cogestion, qu'une fois adopté le projet de loi C-78.

J'aimerais mettre de côté un instant les remarques que j'ai préparées pour vous dire que j'étais ici hier soir et que j'ai entendu les déclarations de la ministre. Elle a déclaré qu'elle s'abstiendrait de parler de cogestion et de partage des risques tant que le projet de loi ne serait pas adopté. J'ai un message à transmettre à la ministre. Je ne suis pas disposé à parler de partage de risques étant donné que le gouvernement vient de voler 30 milliards de dollars qui se trouvaient dans notre caisse de retraite. Je ne refuse pas de parler avec elle de cogestion mais il est évident que nous n'allons pas parler de partage des risques alors que l'on vient de nous dérober 30 milliards de dollars.

J'ai écrit le 23 août à la présidente du Conseil du Trésor pour lui dire que la position qu'elle avait adoptée à l'égard du projet de loi C-78 était une erreur, que cette position était contraire à tous les principes démocratiques et de bonne administration et qu'elle constituait un abus de pouvoir.

J'ai écrit ce matin à la présidente du Conseil du Trésor, Mme Lucienne Robillard, pour l'informer d'un sondage réalisé par la firme Environics concernant la répartition de l'excédent de la caisse de retraite et en demandant que cette question ainsi que les modifications à apporter au projet de loi C-78 constituent les principaux sujets de discussion de notre réunion du 1er septembre 1999. J'estime que le gouvernement s'est refusé à saisir l'occasion que lui fournissait le vote du 17 juin pris par le Sénat et qu'il a adopté, à ce sujet, une attitude arrogante.

Des hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor ont informé mon bureau dans les heures qui ont suivi le vote retardant l'adoption du projet de loi C-78 de ce que la présidente n'avait pas l'intention d'assister à quelque réunion que ce soit et qu'elle attendrait l'automne pour agir parce qu'elle estimait que le vote que prendrait un Sénat renouvelé au début du mois de septembre confirmerait la position adoptée par le gouvernement. C'est le seul contact que ces personnes ont eu avec mon bureau.

Il est, bien sûr, délicat d'accuser un ministre d'avoir délibérément agi contre la volonté du Sénat mais étant donné que l'ancien ministre n'a pas demandé au comité consultatif de se réunir, c'est bien la conclusion qui s'impose. En fait, tout porte à croire que l'ancien ministre n'aurait été disposé à examiner les questions en suspens que si l'alliance et les autres syndicats avaient renoncé à discuter de l'excédent. Il semble plutôt penser que tant que les membres du régime de retraite chercheront à parler de la question de l'excédent, il pourra s'abstenir de tenir les réunions que le Sénat souhaitait voir convoquer. Il faut pourtant mentionner, monsieur le président, que votre rapport ne contenait aucune recommandation concernant la question de l'excédent et qu'il était proposé de poursuivre les discussions sur ce sujet. Hier soir, la ministre a réaffirmé cette position.

En outre, si la lettre du 20 août 1999 reflète bien ses intentions définitives, il faut conclure que rien n'a changé.

Au cours des minutes qui nous restent, j'aimerais fournir au comité un aperçu général de ce que pense la population de cette question de l'excédent. Il me paraît important de le faire parce que l'ex-ministre, M. Massé, parlait constamment de ce que souhaitaient les contribuables. Il est vrai qu'un gouvernement ne devrait pas fixer ses politiques en fonction des sondages mais il est évident que l'opinion publique est un élément qui mérite d'être pris en compte. J'estime que dans ses orientations le gouvernement devrait agir de façon équitable, intègre et honnête. Il peut arriver que l'opinion publique ne respecte pas ces principes. Lorsque ces principes qui sont à la base d'une saine administration d'un pays diffèrent de l'opinion publique, le gouvernement est parfois en droit de ne pas en tenir compte.

Par contre, lorsque ces principes et l'opinion publique convergent, il est évident que la place accordée à l'opinion publique pour l'élaboration des orientations du gouvernement devrait être plus importante. L'excédent de notre caisse de retraite constitue une de ces questions. Il serait équitable que les membres de ce régime aient droit à une partie de l'excédent du régime de retraite, au moins en fonction des montants qu'ils ont versés directement ou indirectement dans ce fonds.

L'intégrité commande au gouvernement d'utiliser son pouvoir législatif avec modération ainsi que de consulter les parties intéressées et de négocier de bonne foi avec elles. Pour être honnête, le gouvernement devrait soumettre aux tribunaux la question de son droit à la totalité de l'excédent de la caisse de retraite au lieu d'adopter un projet de loi pour régler cette question.

Je suis en mesure de vous déclarer que l'opinion publique est tout à fait contraire à la position adoptée par le gouvernement au sujet de l'excédent. D'après le sondage demandé par l'alliance et confié à la firme Environics Research Group, dans le cadre de son enquête générale intitulée Focus Canada, seul un pourcentage infirme, soit cinq pour cent de la population seulement, appuie la position adoptée par le gouvernement.

Par contre, 51 p. 100 des répondants, soit plus de dix fois plus, appuient l'affirmation selon laquelle la totalité de l'excédent du fonds de pension appartient aux membres du régime et non au gouvernement. Le sondage portait sur 2 018 Canadiens, de plus de 18 ans, qui ont été interrogés à domicile entre le 2 juillet et le 2 août 1999 et les résultats sont considérés exacts 19 fois sur 20, avec une marge d'erreur de plus ou moins 2,2 p. 100.

Environics posait une question précise: «Le gouvernement fédéral a présenté un projet de loi qui lui permettrait de retirer 30 milliards de dollars de l'excédent accumulé dans le régime de retraite des fonctionnaires fédéraux. Il est établi que les cotisations des fonctionnaires fédéraux représentent 40 p. 100 des fonds de la caisse de retraite et celles du gouvernement 60 p. 100. Pensez-vous que le gouvernement fédéral a le droit de retirer a) la totalité de l'excédent; b) 60 p. 100 de l'excédent, ou c) qu'il n'a pas le droit de retirer quoi que ce soit?»

Les Canadiens ont répondu à cette question. Cinq pour cent de la population estime que le gouvernement a le droit de retirer la totalité de l'excédent, comme le mentionne le projet de loi C-78. Vingt-neuf pour cent de la population estiment que le gouvernement a le droit de retirer 60 p. 100 de l'excédent du régime de retraite et 51 p. 100 de la population pensent que le gouvernement n'a pas le droit de s'approprier cet excédent.

J'ai parlé de la population en général parce que les caractéristiques des répondants ne semblent guère influencer les réponses. Elles sont pratiquement identiques quels que soient l'âge, le sexe, le niveau d'instruction, la religion, l'état civil, la langue, le fait d'être propriétaire ou locataire, le fait d'être syndiqué, le revenu, la profession, la région, le lieu de résidence et, croyez-le ou non, les préférences politiques. Les résultats du sondage qui vous ont été distribués à titre d'annexe au présent exposé montrent que les trois répartitions de l'excédent proposées bénéficient d'un appui à peu près identique, quelles que soient les caractéristiques démographiques des répondants.

Les sénateurs libéraux devraient prendre note du fait que cinq pour cent seulement des répondants ayant déclaré appuyer le Parti libéral fédéral étaient favorables à la position du gouvernement, selon laquelle il a droit à s'approprier la totalité de l'excédent de la caisse de retraite, alors que 29 p. 100 de leurs partisans apparents estiment que le gouvernement a droit à 60 p. 100 de l'excédent du régime de pension et que 48 p. 100 d'entre eux estiment que le gouvernement n'a droit à rien.

Les sénateurs progressistes conservateurs seront heureux d'apprendre que l'appui accordé à la position du gouvernement est également de cinq pour cent chez les répondants qui ont déclaré être favorables au Parti progressiste-conservateur. Le pourcentage des partisans des conservateurs qui estiment que le gouvernement a droit à une part de 60 p. 100 est plus élevé, il est de 43 p. 100, alors que celui des répondants qui accorderaient aux membres de la caisse de retraite la totalité de l'excédent est identique, à savoir de 48 p. 100.

L'écart que l'on retrouve entre les partisans du Parti libéral et ceux du Parti conservateur s'explique par le fait que chez ces derniers, 15 p. 100 n'avaient pas d'opinion ou ont refusé de répondre, chiffre qui était de 4 pour cent pour les partisans des libéraux.

Je devrais souligner que le pourcentage des répondants au sondage d'Environics qui n'avaient pas d'opinion ou ont refusé de répondre s'établit à 15 p. 100, ce qui est un pourcentage légèrement plus élevé que celui qu'on aurait pu prévoir. Ce pourcentage est toutefois parfaitement acceptable et s'explique par la complexité du sujet traité et non par celle de la question posée.

S'il y en a parmi vous qui se demande où se situent les partisans du NPD, des réformistes ou du Bloc québécois sur la question de l'excédent, vous n'avez pas à vous inquiéter. On constate en effet que cette question a pour effet non seulement d'unifier la droite et la gauche mais qu'elle unifie également le centre. Le pourcentage des répondants qui estiment que le gouvernement a droit de retirer une part des surplus accumulés égale ou inférieure à 60 p. 100 va de 80 p. 100 pour les partisans du Parti libéral à 91 p. 100 pour ceux du Parti conservateur, ceux qui appuient le NPD, le Parti réformiste et le Bloc québécois se situant entre ces extrêmes à 84, 85 et 87 p. 100 respectivement.

Je vais écrire aujourd'hui aux chefs du Bloc québécois, du Parti réformiste et du Nouveau Parti démocratique pour leur communiquer les résultats de ce sondage dans le cas où la Chambre des communes serait amenée à revoir sa position sur le projet de loi C-78. J'espère que les arguments au sujet de l'usage qu'il faudrait faire de cet excédent que nous vous avons présentés au mois de juin ainsi que le sondage effectué vont amener votre comité et le Sénat au complet à voter contre ce projet de loi, d'autant plus que les gouvernements ont l'obligation implicite d'agir de façon équitable puisqu'il leur appartient de montrer à tous qu'ils agissent en respectant certains principes.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous présenter cet exposé.

Le sénateur Stratton: Monsieur Bean, j'aimerais parler des questions qui ont été posées à la ministre hier. Il est difficile de savoir ce qui a été dit exactement parce que la ministre a déclaré qu'elle était tout à fait disposée à vous rencontrer et à aborder ces questions. Elle est prête à vous rencontrer lorsque le projet de loi sera adopté et elle a également déclaré que le syndicat n'est aucunement disposé à parler de ces questions.

Vous avez affirmé avoir essayé d'organiser une réunion au cours de laquelle tous ces sujets pourraient être abordés. Vous avez affirmé que vous étiez tout à fait disposé à parler de toutes ces questions mais que vous n'avez rien obtenu. La ministre a déclaré, au moins d'après moi, qu'elle était prête à tenir une réunion mais que les représentants syndicaux ne voulait pas participer à cette réunion parce qu'ils ne voulaient pas modifier leur position au sujet de l'excédent de 30 milliards de dollars.

Comment comprenez-vous ce que je viens de dire? J'ai du mal à savoir ce qui a été dit exactement.

M. Bean: Au lieu d'essayer de savoir ce qui s'est dit, je vous propose d'examiner la correspondance. Le 18 juin 1999, j'ai écrit à M. Massé pour proposer une réunion du comité consultatif. Le 18 juin, j'ai également écrit à votre président et à votre vice-président, en indiquant qu'il serait souhaitable que le Sénat soit représenté à ces réunions, à titre d'observateur ou de participant, et que cela me convenait parfaitement. Le 30 juin 1999, j'ai écrit au ministre pour lui demander d'organiser une réunion et je n'ai absolument pas parlé de conditions préalables. Je n'ai pas parlé de l'obligation d'en arriver à une entente au sujet de l'excédent ni du fait que nous n'assisterions pas à la réunion si l'excédent n'était pas un sujet à l'ordre du jour. Le 3 août, j'ai écrit à la nouvelle ministre. Il est possible que ses collaborateurs n'aient pas encore eu le temps de lui remettre cette lettre. Celle-ci ne fixe aucune condition préalable non plus.

Dans sa réponse du 25 juin, M. Massé posait une condition préalable, je crois que la ministre l'a renouvelée hier soir, d'après laquelle il n'y aurait pas de réunion si nous osions parler de la question de l'excédent. Nous n'avons fixé aucune condition préalable. Ce sont le ministre Massé et Mme Robillard qui ont posé une condition préalable.

Au départ, M. Sjoquist leur avait écrit pour leur dire qu'il ne servirait à rien de se réunir parce que M. Massé avait fixé une condition préalable. Par la suite, le 4 août, il a écrit à la nouvelle ministre en proposant une réunion sans imposer aucune condition préalable.

La seule chose que je puisse vous dire est que nous n'avons jamais fixé de condition préalable et que nous n'avons jamais refusé de participer à une réunion.

La ministre a également déclaré hier soir que ses adjoints avaient fait un appel téléphonique à quelqu'un. Je peux vous affirmer que le seul appel téléphonique que nous ayons reçu de son bureau concernait la réunion du 1er septembre. Le bureau de la ministre n'a pas précisé les questions qui seraient abordées à cette réunion. Les membres du Conseil du Trésor ou du bureau de la ministre ne nous ont jamais appelés pour nous demander de nous rencontrer pour parler de cette question.

Le sénateur Stratton: Si c'est bien ce qui s'est passé depuis notre vote du mois de juin, étant donné que la ministre a déclaré hier qu'une fois le projet de loi adopté, elle serait tout à fait disposée à examiner toutes ces questions, il me semble que vous pourriez tout de même aborder les autres questions, même si elle n'est pas prête à examiner toutes les questions, en particulier celle de l'excédent de 30 milliards de dollars. Je crois qu'une nouvelle ministre serait prête à agir de cette façon. Je crois qu'elle doit souhaiter vous rencontrer en personne pour au moins essayer de savoir quelle est votre position sur les autres questions. D'après ce que vous savez, ce n'est pas ce qu'elle a proposé. Vous ne disposez d'aucun élément indiquant que c'était là son intention.

Compte tenu de ce qui s'est passé depuis le 17 juin, pensez-vous que le gouvernement est prêt à en arriver à un compromis sur d'autres questions? Cela me semble peu probable.

M. Bean: Si je me fie à la lettre que m'a envoyée Mme Robillard, il me semble que le gouvernement n'est pas prêt à faire des compromis sur quelque question que ce soit. Il est disposé à nous parler de cogestion, ce qui serait plus conforme à la Loi sur les normes des prestations de pension, mais à la condition que nous acceptions de partager les risques moitié-moitié. Nous avons clairement indiqué au cours des réunions de consultation que nous étions prêts à accepter la cogestion de ces fonds ainsi qu'un partage des risques à parts égales mais pas après que le gouvernement se soit emparé de 30 milliards de dollars. Lorsque quelqu'un vous fait les poches et vous propose ensuite de vous rendre votre portefeuille, le portefeuille offre moins d'intérêt, lorsqu'il n'y a plus d'argent dedans.

Le sénateur Stratton: Pensez-vous qu'il soit possible d'en arriver à un compromis?

Après ce qui s'est dit hier soir, je pensais que nous pourrions peut-être faire un effort dans cette direction avant de faire rapport au Sénat au sujet du projet de loi. Il m'apparaît maintenant que cela ne servirait à rien. Je ne peux que constater que nous sommes en train de dépenser en vain l'argent des contribuables et notre temps, tout cela à cause de l'intransigeance du Conseil du Trésor et de la ministre.

M. Bean: Je suis tout à fait d'accord avec vous mais je tiens à souligner que nous ne refusons pas de les rencontrer. Je n'ai jamais refusé de le faire et je ne vais pas commencer maintenant. Cependant, si nous décidons de nous rencontrer, nous allons parler, et je sais que c'est un sujet tabou pour les deux ministres à l'heure actuelle, de la question de l'excédent. Je ne suis pas prêt à accepter de participer à une réunion et de m'abstenir d'aborder certains sujets parce que cela risque de déranger les autres participants. Je vais soulever la question de l'excédent. Je vais parler du partage des risques même si le gouvernement a déjà retiré cet argent. Si l'on m'interdit de parler de ces questions au cours de la réunion prévue, cela ne m'empêchera pas d'y assister et de les soulever. Je ne peux accepter que quelqu'un m'interdise d'aborder des questions qui revêtent une grande importance pour nos membres.

Le sénateur De Bané: Monsieur Bean, vous avez utilisé un terme choquant. Vous avez parlé de vol.

J'aimerais revenir aux aspects essentiels de ce sujet fort complexe. Reconnaissez-vous, tout d'abord, qu'il s'agit d'un régime de retraite dans lequel les prestations versées aux employés sont déterminées?

M. Bean: Oui.

Le sénateur De Bané: Quel que soit le rendement du fonds, le retraité sait qu'il aura droit à x dollars lorsqu'il prendra sa retraite.

M. Bean: C'est normalement le cas mais il y a eu des exceptions. J'en parlerai plus tard.

Le sénateur De Bané: Un employé qui a travaillé pour le gouvernement fédéral pendant un certain nombre d'années a droit à une retraite, quels que soient les intérêts accumulés dans le fonds. Ce fonctionnaire connaît le montant auquel lui, sa veuve et ses enfants auront droit. C'est ce qu'on appelle une «prestation déterminée».

Deuxièmement, les employés et l'employeur alimentent tous la caisse qui finance ce régime de retraite.

Troisièmement, avec le recul, le gouvernement a constaté aujourd'hui qu'il a inscrit dans sa comptabilité des montants supérieurs à ses obligations. Comme l'a déclaré M. Harder, il n'y a pas beaucoup de pays occidentaux qui inscrivent ces obligations dans leurs comptes publics, mais nous le faisons.

J'ai également appris hier que la contribution des syndicats à ce régime de retraite a diminué, progressivement, en particulier au cours des deux dernières années. J'en déduis donc que si le gouvernement n'avait pas mal jugé la situation en inscrivant dans ses comptes une obligation plus élevée que nécessaire, personne ne se serait plaint. Il n'y aurait pas eu d'excédent et les prestations seraient bien entendu demeuré inchangées.

Compte tenu de tout cela, je vous demande pourquoi vous avez utilisé des termes aussi choquants?

M. Bean: J'ai utilisé des mots aussi choquants parce que j'ai décrit un fait.

Dans une situation normale, je dirais que la façon dont vous avez décrit les prestations déterminées est exacte. Il faut toutefois signaler que le gouvernement libéral a adopté en 1982 un projet de loi qui modifiait ces prestations déterminées. Le gouvernement a supprimé l'indexation des retraites en 1982 et a imposé un plafond de 6,5 et de 5,5 p. 100 aux retraités.

Pour ce qui est de votre deuxième remarque, je dirais qu'effectivement les cotisations sont réparties 60-40. Je possède des documents que nous allons utiliser dans notre poursuite qui indiquent clairement que le gouvernement a reconnu deux choses: premièrement, il a reconnu que les chiffres de 60-40 faisaient référence aux salaires différés, c'est-à-dire, à l'ensemble du régime de retraite; et deuxièmement, que le rapport 60-40 s'explique par le fait que les fonctionnaires sont moins bien rémunérés que les travailleurs du secteur privé parce qu'ils ont un régime de retraite plus généreux. Je possède des documents qu'a publiés le Conseil du Trésor qui l'affirment, et je vais les utiliser dans notre poursuite.

Bien sûr, les cotisations de 40 p. 100 en moyenne que versent tous les fonctionnaires produisent des intérêts. Cet élément, à lui seul, démontre que les fonctionnaires possèdent certains droits sur l'excédent. Ils ont versé 40 p. 100 des cotisations à ce régime. Les intérêts produits par ces sommes n'appartiennent pas au gouvernement. Ce sont des intérêts qui proviennent des sommes versées par les participants à ce régime. C'est pourquoi je me permets de vous signaler que ces participants possèdent certains droits sur l'excédent accumulé.

Pour ce qui est des obligations, M. Harder a très bien réussi à compliquer les choses en parlant de principes comptables. Peu importe que d'autres pays aient décidé de ne pas faire figurer ces obligations dans leurs comptes publics. Le Canada ne l'a pas fait pendant plusieurs années. C'est le vérificateur général qui a obligé le gouvernement à inscrire ce type d'obligation. Cet aspect n'a pas grand-chose à voir avec le projet de loi. C'est un principe de comptabilité que le vérificateur général a imposé au gouvernement pour bien montrer aux Canadiens le montant total de la dette du Canada. Les décisions que peuvent prendre d'autres pays à ce sujet n'ont aucune importance.

L'ampleur de l'excédent de cette caisse vient du fait que pendant six ans, le gouvernement a imposé aux fonctionnaires un gel des salaires. Les prévisions actuarielles indiquaient que les salaires augmenteraient d'environ six pour cent, mais les fonctionnaires n'ont rien obtenu.

On a parlé de réduire la part des syndicats. Il est vrai que la formule 60-40 a été modifiée, elle est passée à 69-31. Nous l'avons reconnu au cours des réunions de consultation et nous avons accepté de revenir au rapport 60-40. Nous avons mentionné que cela venait du fait que le RPC était intégré au régime de retraite. Nous avons également mentionné à ce moment-là que le RPC n'avantageait aucunement les fonctionnaires parce que, lorsqu'ils atteignent l'âge de 65 ans et reçoivent un montant de 600 $ du RPC, on réduit de 600 $ leur pension de retraite. S'ils n'étaient pas couverts par le RPC, ils recevraient le même montant lorsqu'ils prennent leur retraite à 65 ans. Nous avons accepté d'augmenter le montant de nos cotisations. Nous estimons toutefois que lorsqu'un fonctionnaire atteint l'âge de 65 ans, il devrait recevoir une prestation du Régime de pensions du Canada. Rien n'a été fait à ce sujet.

Je ne vais pas parler des 8 milliards de dollars que le gouvernement a versés dans le fonds de retraite au cours des années 80. Le gouvernement a versé cette somme parce qu'il a décidé d'indexer les pensions rétroactivement, à partir de 1960. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a dû verser 8 milliards de dollars dans le régime de retraite.

Je fais partie du groupe des fonctionnaires qui pendant 10 ans, entre 1960 et 1970, n'ont versé aucune cotisation pour couvrir l'indexation de la pension parce que cela ne se faisait pas à l'époque. Cependant, le gouvernement de l'époque savait certainement qu'il créerait un déficit en comptabilisant ces 10 années d'ancienneté. C'est pourquoi il a été obligé de combler le déficit.

En 1970, les fonctionnaires ont vu leur cotisation augmenter de 0,5 p. 100. Elle est passée de 6,5 à 7 p. 100. En 1970 ou en 1974, les cotisations ont été augmentées encore une fois de 0,5 p. 100 parce que l'on a constaté qu'en indexant ce 0,5 p. 100, on ne réussirait peut-être pas à combler le déficit.

Il y a eu des augmentations. Nous ne nous y sommes pas opposés. Nous ne nous opposons pas à l'augmentation qui concerne le Régime de pensions du Canada, même si ce régime ne nous apporte rien lorsque nous atteignons l'âge de 65 ans.

Le sénateur De Bané: Monsieur Bean, reconnaissez-vous que l'excédent actuel vient du fait que le gouvernement a surévalué ses obligations et qu'il ne s'aperçoit qu'aujourd'hui qu'il y a eu effectivement surévaluation de ses obligations?

Pensez-vous, pour exprimer cela de façon conservatrice, qu'il n'est pas équitable qu'un retraité ait le droit à une prestation déterminée quel que puisse être le rendement du fonds de retraite? D'un côté, le retraité est à l'abri de tout risque parce qu'il reçoit une prestation déterminée et de l'autre, il veut recevoir une partie des fonds accumulés. Ne trouvez-vous pas que cela n'est pas très juste?

M. Bean: Ce n'est pas le gouvernement qui a surévalué ses besoins mais les actuaires. On aurait pensé qu'une fois constatée la surévaluation, on aurait réduit le taux des cotisations tant pour le gouvernement que pour les employés. Ce n'est toutefois pas ce qui a été fait.

J'aimerais revenir sur la question du risque et des obligations du gouvernement. Étant donné que celui-ci peut modifier à sa guise le régime ainsi que les prestations, comme il l'a fait en 1982, et qu'il peut augmenter le montant des cotisations, comme il l'a fait en 1970 et 1974, il est difficile de parler de risque. La situation s'explique par l'évaluation actuarielle qui a été effectuée. Lorsque le gouvernement souhaite augmenter le montant des cotisations, il peut le faire tout simplement par voie législative. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait à plusieurs reprises.

Je ne conteste pas ce pouvoir. Je reconnais qu'il s'agit d'une prestation déterminée. Si l'on effectue une évaluation actuarielle, comme le gouvernement l'a fait à deux ou trois reprises, et que celui-ci estime qu'il faut augmenter les cotisations, je dois mentionner que nous n'avons jamais, et j'ai bien dit «jamais», refusé une augmentation des cotisations. Bien entendu, nous n'aurions pas protesté si le gouvernement avait décidé de les réduire, s'il nous avait dit: «Nous allons avoir un excédent. Je crois que cet excédent nous permettra de faire face aux périodes difficiles, et nous allons donc réduire les cotisations.» Nous aurions également été d'accord avec une telle mesure.

La différence qui existe aujourd'hui entre la position du gouvernement et la nôtre est que le gouvernement veut s'approprier l'excédent alors que nous, les syndicats, disons qu'il faut conserver cet excédent pour faire face aux périodes difficiles qui vont arriver. Les caractéristiques démographiques de la fonction publique nous indiquent clairement qu'il y aura des périodes difficiles et que la caisse de retraite ne sera pas toujours excédentaire. Nous voulons laisser cet argent dans le fonds. Nous ne voulons pas qu'on l'en retire.

Le sénateur Meighen: Je tiens à ce que vous nous disiez que vous êtes disposé à examiner la possibilité de conserver cet excédent pour amortir les périodes difficiles. J'ai entendu dire en fait que vous avez déclaré y être favorable.

M. Bean: Absolument, nous sommes d'accord avec cette position.

Nous savons que la fonction publique vieillit. Nous savons que le nombre des retraités va augmenter. Il ne faut pas être un génie pour prévoir qu'avec la réduction de la fonction publique et la création d'un régime particulier pour la Société des postes, mesure qui n'a jamais été discutée avec nous, il y aura une période difficile et que notre régime sera de nouveau déficitaire dans un proche avenir. C'est en fait pour cette raison précise que nous voulons conserver l'excédent.

Le sénateur Meighen: Avez-vous des données sur l'augmentation que vont connaître les cotisations au cours des 10 prochaines années.

M. Bean: Non, je ne dispose pas de ces chiffres pour le moment.

Le sénateur Oliver: Dans votre réponse à la première question du sénateur De Bané, vous avez déclaré, en partie du moins: «J'ai des documents très clair sur ce point que nous allons utiliser dans notre poursuite». De quelle poursuite parlez-vous? Est-ce une poursuite au sujet de l'excédent? Est-ce une poursuite concernant ce projet de loi? Est-ce une poursuite qui concerne les retraites? Sur quoi porte cette poursuite et quel effet aura-t-elle si ce projet de loi est adopté en troisième lecture et reçoit la sanction royale?

M. Bean: C'est une poursuite dans laquelle nous alléguons que le gouvernement n'a pas le droit de s'approprier cet excédent.

Le sénateur Oliver: A-t-elle été introduite?

M. Bean: Non. Notre avocat nous a affirmé que nous avions de bonnes chances de gagner notre cause parce que je peux démontrer que les propres documents du gouvernement parlent de «salaires reportés». Je suis en mesure de démontrer que les documents du gouvernement indiquent que les fonctionnaires sont moins payés que les autres à cause de leur retraite. Il pense que cette affaire ressemble aux affaires où les tribunaux ont reconnu qu'il existait une relation de nature fiduciaire. C'est pourquoi il pense que nous avons de bonnes chances de réussir.

Si ce projet de loi est adopté, nous allons introduire cette action le plus rapidement possible.

Le sénateur Angus: Monsieur Bean, j'aimerais revenir sur les mêmes sujets mais d'un autre point de vue, pour m'assurer que nous nous entendons sur les faits. Avant de commencer, j'aimerais faire un commentaire au sujet des termes qui ont été utilisés. Lorsque le sénateur De Bané a parlé du chiffre de 30 milliards de dollars, il a parlé d'un chiffre fictif. Je crois savoir qu'il s'agit véritablement d'argent. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Vous semblez avoir manqué cette opportunité.

M. Bean: Il est difficile de suivre tout ce qui se dit.

Le sénateur Angus: Vous faites de l'excellent travail.

Le président: M. Bean ne manque jamais une occasion.

M. Bean: Je vous remercie d'avoir soulevé cette question. Oui, il s'agit véritablement d'argent. Oui, ces sommes figurent dans les comptes du gouvernement.

M. Harder avait raison sur un point hier soir, il s'est trompé sur beaucoup d'autres mais il avait raison sur un point au moins. Il n'existe pas de coffre contenant 30 milliards de dollars et dans lequel le gouvernement prend l'argent pour verser les retraites. Ce montant figure dans les comptes du gouvernement à titre de passif. Le vérificateur général a obligé le gouvernement à inscrire cette somme, elle correspond donc vraiment à de l'argent. Cependant, les seuls dollars qui ont véritablement été versés, l'ont été par les fonctionnaires. Le gouvernement déduit un certain montant sur chaque chèque de paie. C'est vraiment de l'argent. Le gouvernement utilise des écritures comptables mais les fonctionnaires versent vraiment de l'argent dans ce fonds.

Je pourrais peut-être ajouter que M. Harder s'est également trompé au sujet du Régime de pensions du Canada. S'il voulait bien examiner ma fiche de paie, ou celle de n'importe quel fonctionnaire, il constaterait que nous cotisons le montant maximum au Régime de pensions du Canada. Je serais heureux de lui montrer mes fiches de paie. Il pourrait voir que depuis 1970, l'année de la création du Régime de pensions du Canada, j'ai vraiment versé de l'argent, le montant maximum, pour le Régime de pensions du Canada.

Le sénateur Angus: Pour terminer au sujet de ces vrais dollars, vous étiez ici hier lorsque certains collègues, en particulier le sénateur Tkachuk, et moi avons parlé de cette somme de 30 milliards de dollars. Si j'ai bien compris, les comptes du gouvernement feront état d'une somme de 30 milliards de dollars supplémentaires si, ce projet de loi est adopté tel que rédigé. Autrement dit, si, dans le cours normal des choses, le gouvernement aurait eu un excédent de 15 milliards de dollars sans ce projet de loi, cet excédent passerait à 45 milliards de dollars si ce projet était adopté. Est-ce bien exact? Ai-je bien compris?

M. Bean: La dette totale du gouvernement sera réduite de 30 milliards de dollars. Je crois que, selon ce projet de loi, le gouvernement va réduire la dette sur une période de 15 ans, et je ne pense donc pas que votre déduction soit exacte. Il va sans doute réduire la dette de 2 milliards de dollars par an et prétendre avoir fait du bon travail en réduisant la dette de 2 milliards de dollars, alors qu'en fait, il aura tout simplement volé cet argent. Je tiens à souligner que je pense qu'il s'agit bien d'un vol. Pour moi, cela revient à voler, je vous le dis pour que vous sachiez bien quelle est ma position à ce sujet.

Le sénateur Angus: Cela me paraît très clair.

M. Bean: Je tiens à ce que ceux qui siègent de l'autre côté de la table sachent que je n'ai pas changé d'idée.

Le sénateur Angus: Mon collègue, le sénateur Oliver, a abordé un aspect de cette question qui m'intéresse beaucoup, l'aspect juridique. Je crois savoir que dans les autres régimes de retraite, l'excédent, lorsqu'il y en a, est partagé selon une certaine formule. L'explication est que, qu'il s'agisse d'un régime à prestation déterminée ou non, les cotisations qu'ont versées les travailleurs conformément à ces ententes sont réputées faire partie de leur rémunération globale. Dans ce cas-ci, le gouvernement tente de justifier son appropriation de l'excédent en soutenant, et je me trompe peut-être là-dessus, que les cotisations versées par le gouvernement et les employés ne font pas partie de la rémunération globale. Qu'en pensez-vous?

M. Bean: Comme je l'ai dit, c'est l'argument qui est avancé aujourd'hui. Je peux dire qu'il n'a jamais été mentionné au cours des négociations.

Le sénateur Angus: Votre position est que pour les travailleurs, cela fait partie de l'ensemble de la rémunération des fonctionnaires.

M. Bean: Oui.

Le sénateur Angus: C'est donc bien là l'argument juridique qui vous permet de réclamer une partie au moins de cet excédent; est-ce bien cela?

M. Bean: Oui. Comme je l'ai dit, nous possédons des documents qui indiquent clairement que le gouvernement a toujours considéré que ces sommes faisaient partie de la rémunération globale, sur laquelle sont basées les comparaisons de rémunération. Le gouvernement a clairement indiqué qu'il considérait qu'il s'agissait d'un traitement reporté et que les fonctionnaires acceptaient une rémunération plus faible à cause de la retraite.

C'était bien sûr au moment où le gouvernement de l'époque voulait justifier l'indexation de la retraite. La position du gouvernement a beaucoup changé par rapport à ce qu'elle était au cours des années 70, pendant toutes ces négociations.

Le sénateur Angus: Si l'on veut être vraiment équitable, il faut l'être pour les deux côtés, et c'est pourquoi cela est important. On prononce beaucoup de grandes phrases creuses à ce sujet.

M. Bean: Pas moi, bien sûr.

Le sénateur Angus: Non, juste le bon sens.

Nous avons récemment appris que la caisse de retraite de la SCHL était excédentaire. On rapportait que chaque participant au régime recevrait un chèque de 10 000 $, qui représenterait sa part de l'excédent. À ce sujet, le ministre et M. Harder nous ont déclaré que comparer cette situation à la vôtre reviendrait à comparer des pommes et des oranges. Pensez-vous qu'en fait cette situation soit identique?

Si c'est bien le cas, il faut alors conclure qu'il y a un grave manque d'uniformité. Le gouvernement vous traite d'une certaine façon et il accorde un traitement très différent à la SCHL, ou même à l'armée et à la police.

M. Bean: Le gouvernement traite l'armée et la GRC comme il nous traite. Il leur vole aussi leur argent.

La Société canadienne d'hypothèques et de logement a mis sur pied un régime à cotisation déterminée. C'est le même régime que celui du gouvernement fédéral. En fait, ils sont identiques.

Le sénateur Angus: C'est en fait le même régime?

M. Bean: Effectivement. Il ne l'a pas appelé la Loi sur la pension de la fonction publique, mais c'est tout.

Le sénateur Meighen: Pour le procès-verbal, monsieur Bean, je crois que vous avez parlé de «régime à cotisation déterminée». Ne vouliez-vous pas dire «à prestation déterminéex?

M. Bean: Un régime à prestation déterminée, oui, vous avez raison, c'est un régime à prestation déterminée. La Société canadienne d'hypothèques et de logement a été obligée à l'occasion de combler le déficit de ce régime mais maintenant qu'il y a un excédent, elle a décidé de le partager avec les employés.

Le sénateur Angus: Est-ce que cela est conforme à ce qui se fait dans le secteur privé, dans d'autres secteurs?

M. Bean: Je crois qu'ils ont peut-être examiné la jurisprudence. Habituellement, lorsqu'il existe une relation de nature fiduciaire, les tribunaux jugent que l'employeur n'a pas le droit de s'approprier l'excédent. Il est même possible que la SCHL souhaite appliquer la Loi sur les normes des prestations de pension, chose que le gouvernement n'estime pas nécessaire dans ce cas.

Le sénateur Angus: C'est la position qu'a adoptée le gouvernement dans le passé, mais pour l'avenir, il accepte d'appliquer cette loi.

Pourquoi agit-il de cette façon? Est-ce si évident? Le gouvernement a suscité une grande insatisfaction. Il s'agit du gouvernement du Canada, d'un gouvernement qui a été élu par la population, et j'aimerais savoir pourquoi ce gouvernement tient à prendre des mesures qui causent autant d'insatisfaction. J'aimerais que l'on m'explique cela. Nous avons le devoir, en tant que membres du Sénat, d'essayer de rechercher ces explications.

Vous vous souvenez que nous avons parlé de la légalité de cette opération au cours d'une des réunions qu'a tenues notre comité au printemps. À l'époque, vos collègues et vous nous avez déclaré que l'adoption de ce projet de loi supprimerait les droits que vous possédez et affaiblirait gravement votre cause. Je crois que vous nous avez dit aujourd'hui qu'avec ou sans l'adoption de ce projet de loi, vous conserverez le droit d'intenter des poursuites?

M. Bean: Pas à l'égard du projet de loi C-78. Cependant, les autres poursuites qui ont été entamées, celles qu'on appelle les affaires «Krause», ont pratiquement perdu toute raison d'être. Il est toutefois possible que nous obtenions gain de cause dans ces poursuites. Nous avons toujours entretenu certains doutes au sujet du bien-fondé de la première affaire mais dans la deuxième, le syndicat soutient que le gouvernement n'avait pas le pouvoir de s'approprier ce montant de 2 milliards de dollars, et c'est pourtant ce qu'il a fait au cours des dernières années. Nous pensons que cet argument est fondé et que le syndicat va peut-être gagner cette cause. Si c'est bien le cas, les tribunaux vont obliger le gouvernement à remettre ce montant de 2 milliards de dollars dans la caisse de retraite et celui-ci pourra alors s'approprier non pas 30 milliards de dollars mais 32 milliards de dollars. C'est pourquoi je ne serais pas surpris que les tribunaux refusent d'entendre cette cause, parce qu'elle n'a plus aucune raison d'être.

Le sénateur Angus: Est-ce à cause de ce projet de loi?

M. Bean: Oui.

Le sénateur Angus: Il faut laisser les tribunaux se prononcer. Nous ne devons rien faire qui puisse les gêner.

Lors d'une autre comparution devant le comité, n'avez-vous pas déclaré qu'au début des discussions, le gouvernement avait affirmé qu'il examinerait la possibilité de remettre aux employés une partie de l'excédent accumulé? Puis-je vous demander si le gouvernement vous oppose depuis le tout début un refus catégorique à ce sujet?

M. Bean: Non, j'ai des documents qui le prouvent.

Le sénateur Angus: Quel genre de documents?

M. Bean: Les procès-verbaux de certaines réunions.

Le sénateur Angus: Cette question a-t-elle été abordée?

M. Bean: Oui. J'ai envoyé ces documents au sénateur Kirby. Par exemple, le 31 mai 1996, M. Massé a écrit au comité consultatif une lettre dans laquelle il déclarait que, à défaut de pouvoir reconnaître que l'excédent du fonds de retraite appartenait aux participants, il était disposé à examiner les raisons qui pourraient justifier un partage de cet excédent.

Le sénateur Angus: C'est bien ce que je pensais. Autrement dit, le gouvernement affirme aujourd'hui qu'il ne changera pas sa position. L'impasse est totale et cela est regrettable. Pourquoi pensez-vous que le gouvernement a changé d'attitude, comment l'expliquez-vous?

M. Bean: Je pense qu'il veut utiliser cette somme de 30 milliards de dollars pour supprimer le déficit. C'est la seule explication logique. Ce n'est pas ce qui s'est dit au cours des discussions. Ce n'est qu'à la fin de la consultation, au moment où le dernier point à l'ordre du jour était l'excédent que nous avons appris que la seule façon d'obtenir la cogestion était de renoncer à cet excédent.

Je signale en passant que le projet de loi n'est pas conforme à la Loi sur les normes des prestations de pension, ni à la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Angus: Quel genre de compromis seriez-vous prêt à accepter?

M. Bean: J'aimerais rencontrer des représentants du gouvernement et parler au moins du partage de l'excédent.

Le sénateur Angus: Pouvez-vous me donner un chiffre raisonnable qui tiendrait compte des avis que vous ont donnés les spécialistes dans ce domaine?

M. Bean: Il est difficile de parler de négociations éventuelles devant un comité sénatorial. Voilà ce que je peux vous dire: les cotisations des employés représentent 40 p. 100 de cette somme, et il y a également les intérêts. Bien sûr, les intérêts proviennent de l'ensemble du fonds de retraite. Il serait peut-être possible d'en arriver à une entente sur cette base. L'on pourra en arriver à 50-50 ou à 48-52.

Le sénateur Kroft: Je suis obligé de m'en remettre à mon propre souvenir de ce que vous avez déclaré ce matin parce que je n'ai pas reçu de communiqué de presse du sénateur Tkachuk m'expliquant ce que vous avez déclaré.

Le sénateur Tkachuk: Reconnaissez au moins qu'il était précis.

Le sénateur Kroft: Je vais commencer par formuler une observation. Les remarques que vous avez faites au sujet de l'enquête m'ont paru très intéressantes jusqu'au moment où vous avez vous-même reconnu que cette enquête n'avait aucune valeur. Même en me mettant à votre place, je pense qu'il serait possible de discuter d'un partage 60-40 ou 70-30. Si 51 p. 100 des personnes interrogées avaient déclaré que le gouvernement n'avait droit à rien, il aurait alors fallu examiner la formulation de la question, ou le protocole de l'enquête, parce que les résultats seraient dépourvus de valeur. C'est pourquoi je suis obligé de dire que la plupart des résultats de cette enquête sont dénués de valeur.

Le sénateur Tkachuk: Les Canadiens ne savent pas grand-chose de toute façon, n'est-ce pas?

Le sénateur Kroft: Seulement ce que vous leur dites, sénateur Tkachuk.

Depuis le début, il s'agit d'un régime à prestation déterminée, d'une entente contractuelle. Il s'agit bien là d'une entente contractuelle, cela est incontestable, même si vous auriez peut-être quelques réserves à formuler. Ce régime de retraite est un régime à prestation déterminée.

Pour que le procès-verbal de la séance du comité soit bien clair, j'aimerais être sûr d'avoir bien compris une chose, à savoir si vous nous avez bien dit que vous n'aviez aucune intention de toucher à l'excédent. D'un côté, vous prévoyez des difficultés pour l'avenir et vous voulez être sûr que le régime de retraite sera suffisamment financé. D'un autre côté, le fonds de retraite a toujours été garanti. Les prestations ont toujours été versées. J'aimerais savoir pourquoi l'idée de la cogestion et du partage des risques vous plaît autant. Il est important que nous sachions quelle est votre position à ce sujet. Qu'est-ce qui vous a amené à adopter cette position?

M. Bean: Je ne veux pas laisser de côté la première partie de votre question. Vous pouvez penser ce que vous voulez.

Le sénateur Tkachuk: Je savais que vous ne résisteriez pas à l'envie de répondre à mes remarques.

M. Bean: Si vous vous posez des questions au sujet du sondage, il serait peut-être bon que le comité invite des représentants d'Environics à vous en parler. Je ne suis pas un spécialiste des sondages.

Le sénateur Kroft: Je ne tiens pas à entrer dans ce débat.

M. Bean: C'est vous qui avez soulevé la question. Si vous pensez que la question posée dans cette enquête n'est pas justifiée, je crois que vous avez le devoir de demander à des représentants d'Environics de venir expliquer au comité ce qu'il en est. Ce n'est pas moi qui ai formulé la question et je n'ai pas effectué ce sondage. Vous devriez leur poser ces questions.

Permettez-moi de parler de cette entente contractuelle. Je ne vais pas soutenir qu'il ne s'agit pas là d'un régime à prestation déterminée. C'est manifestement le cas. Il y a eu une entente contractuelle et les cotisations ont été augmentées, lorsqu'il a fallu le faire, en fonction des renseignements et des prévisions disponibles.

Permettez-moi, sénateur, de formuler une question qui n'a pas été posée mais à laquelle vous pensez certainement. Vous aimeriez savoir si nous serions également favorables à la cogestion dans le cas où le fonds serait déficitaire? J'ai déjà entendu cet argument. Nous demandons la cogestion depuis que ce syndicat existe, depuis 1967. En fait, nous le demandons depuis 1966.

Il y a bien eu un déficit à certains moments, et l'on peut se demander pourquoi nous voulons la cogestion? C'est nous qui versons la moitié des fonds et nous pensons que nous devrions avoir notre mot à dire sur la gestion du plan, et qu'il ne faut pas que le gouvernement au pouvoir puisse décider à sa guise ce qu'il va faire, par voie législative.

En outre, nous sommes prêts à partager les risques. En fait, nous avons toujours partagé les risques. Lorsque le gouvernement avait besoin d'argent, et cela est arrivé au moins à deux reprises, d'après mon expérience, le gouvernement a augmenté les cotisations et nous ne nous y sommes pas opposés. Le partage des risques a donc toujours existé. Cependant, officiellement, nous n'avons rien à dire.

Le sénateur Kroft: Vous modifiez un peu ma question parce que vous parlez de risque, des décisions relatives au montant des cotisations et de l'administration du régime de retraite. Ce qui m'intéresse, c'est la question de la cogestion et du partage des risques du côté des placements alors que les prestations sont déterminées et garanties selon les mécanismes du régime de retraite. Comment cela renforce-t-il votre proposition? En quoi le partage des risques peut-il vous avantager puisque cela pourrait avoir pour effet de réduire les montants prévus par le régime?

M. Bean: Si vous examinez quel a été le rendement du fonds, et nous l'avons fait, vous constaterez qu'à l'exception des dernières années, le rendement a été plus faible que celui de tous les autres régimes de retraite que je connaisse.

Nous participons à l'administration d'autres régimes de retraite et nous acceptons les risques que cela comporte. C'est la situation et nous l'acceptons. Nous savons, tout comme le gouvernement, que si l'on avait placé cet argent, s'il s'était agi de véritables dollars, de l'argent que nous avons versé et que l'on a investi, le rendement de ce fonds aurait dû être nettement supérieur à ce qu'il a été. En fait, l'excédent aurait été largement supérieur à 30 milliards de dollars.

En 1985, nous avons étudié l'évolution du fonds sur 20 ans. À l'époque, nous voulions obtenir la cogestion mais le gouvernement n'était pas disposé à placer cet argent; il a tout de même accepté de déterminer le placement de ces fonds en se basant sur le rendement obtenu par les 10 régimes de retraite les plus importants au Canada. Si cela avait été fait en 1985, à un moment où l'excédent n'était pas aussi considérable qu'il l'est aujourd'hui, cet excédent aurait été deux fois plus important. Je suis convaincu que cela vaut également pour aujourd'hui.

Les propres documents du gouvernement indiquent que si l'on avait placé cet argent, on aurait obtenu un meilleur rendement. C'est la raison qui explique pourquoi nous demandons la cogestion, le partage des risques et l'administration conjointe de ce fonds.

Le sénateur Kroft: La question de l'administration du fonds et des opérations de placement précède, sur le plan des principes, la question du choix de l'autorité de gestion. Cela soulève toute une série de principes.

M. Bean: Oui.

Le sénateur Kroft: Il y a d'abord la question du placement de ces fonds et ensuite, celle de la participation à sa gestion, et c'est là ce qui vous intéresse. Comme vous l'avez répété à plusieurs reprises, il faut bien comprendre que vous êtes tout à fait disposé, aussi bien aujourd'hui qu'à l'avenir, d'accepter que le rendement de ce fonds puisse varier.

M. Bean: Absolument. C'est la politique que nous avons adoptée depuis la création de notre syndicat, en 1966.

Le sénateur Kroft: Merci beaucoup.

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier, monsieur Bean, ainsi que vos collègues, d'être venu ce matin participer à nos travaux.

Le prochain groupe de témoins comprend M. Dale Clark, président national du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes du Canada, M. Steve Hindle, président de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, M. Kevin MacDougall du Comité interne des relations fonctionnelles, GRC, et de M. Gaetan Delisle, président de l'Association de la GRC. Je vous demande de limiter à cinq minutes vos déclarations liminaires et nous poserons ensuite des questions à tous les membres de votre groupe, puisque vos positions sur cette question sont à peu près identiques.

M. Dale Clark, président national, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes du Canada: Je suis le président national du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes du Canada et je représente à ce titre près de 40 000 travailleurs de ce secteur qui participent au régime qui existe actuellement et qui participeront aux régimes qui pourraient être éventuellement créés.

Je vous demande de m'excuser de n'avoir pu assister à votre réunion mais j'avais d'autres obligations auxquelles je ne pouvais me soustraire. Je vais toutefois revenir sur des remarques qui ont été faites.

Je suis d'accord avec Daryl Bean lorsqu'il affirme qu'il s'agit d'un vol. Nous ne savons pas exactement quelle est la somme qui nous a été volée mais je suis tout à fait d'accord avec la position de l'Alliance de la fonction publique sur ce point.

Je tiens à remercier le comité pour ce qu'il a fait au sujet de ce projet de loi, et en particulier, pour s'être engagé à suivre la progression des discussions sur l'avenir de nos fonds de retraite.

Je suis heureux de pouvoir vous dire comment tout cela touche les travailleurs des postes. Malheureusement, je ne peux pas dire que je suis très heureux de ce que j'ai à vous communiquer.

La Société des postes n'a rien fait pour négocier notre régime de retraite avec notre syndicat. Nous avions espéré que la Société des postes reconnaîtrait, comme le comité l'avait fait remarquer, qu'il n'existait aucune raison pour que celle-ci et les syndicats représentant ses employés ne commencent pas à négocier immédiatement les clauses de leurs régimes de retraite. La Société des postes a choisi de ne tenir aucun compte de cette observation. Nous avons rencontré une fois des représentants de la Société des postes à ce sujet, depuis l'annonce du projet de loi, et cette rencontre remonte au mois de mai. Je crois savoir que des représentants de la Société des postes ont déclaré hier qu'il y avait eu des réunions. Je peux vous garantir que mon syndicat, qui est le principal syndicat de la Société des postes, n'a participé à aucune de ces réunions.

Je suis venu aujourd'hui demander au comité de faire ce qui est en son pouvoir pour que ces négociations démarrent. Idéalement, nous aimerions que le projet de loi soit modifié et que l'on déclenche immédiatement des négociations à défaut de quoi, nous aimerions que vous envisagiez de rejeter le projet de loi.

Je sais que dans son rapport sur le projet de loi C-78, le comité affirmait qu'il n'était peut-être pas nécessaire de modifier le projet de loi parce qu'il était possible de démarrer des négociations sur le régime de retraite en concluant un accord distinct ou en renégociant la convention collective une fois signée. Comme vous le savez peut-être, Daryl Bean a posé la question à des avocats qui lui ont indiqué qu'une clause prévoyant la réouverture de la convention ne constituerait pas un avis de négociation au sens de l'article 49 du code. De la même façon, un accord distinct ne constituerait pas non plus un avis de négociation. Nous souscrivons à cette opinion juridique et nous avons adopté la même position.

Nous craignons que les termes utilisés dans le projet de loi ne favorisent pas les négociations avec la Société des postes et comme vous le savez, les négociations qui ont eu lieu entre notre syndicat et cette société ont toujours été difficiles. Nous sommes en train de préparer des négociations. Le comité exécutif national du syndicat a tenu des réunions pour définir une position au sujet de la structure et du nombre des régimes de retraite, sur la composition du conseil de gestion et sur les questions reliées à l'administration, à la transition, et au reste. Nous avons tenu des discussions semblables avec l'Association canadienne des maîtres de postes et adjoints et avec le Syndicat des employés des postes et des communications, affilié à l'alliance. Nous avons tenu une réunion au mois de juillet pour examiner la possibilité de former un front commun pour la négociation des régimes de retraite.

Le 4 août, les présidents nationaux de ces trois syndicats ont envoyé une lettre à André Ouellet dans le but d'essayer de démarrer les négociations. Dans cette lettre, nous précisions que nous étions déterminés à ce que ces régimes soient négociés dès le départ. Nous demandions à la Société des postes de communiquer avec le gouvernement dans le but de modifier le projet de loi C-78 pour qu'il prévoie la tenue immédiate de négociations. Nous avons également demandé de rencontrer ces personnes pour examiner ces questions.

Malheureusement, il semble qu'il n'y aura pas de réunion avant la mi-septembre mais, comme nous l'avons mentionné, la Société des postes ne nous a fourni aucun élément démontrant qu'elle souhaite négocier avec nous avant le 1er octobre 2001.

Notre convention collective expire à la fin du mois de juillet de l'an 2000, selon ce que prévoit la loi qui a mis fin à notre dernier conflit de travail. Il est probable que la Société des postes souhaitera une convention d'une durée supérieure à un an et demi pour essayer d'introduire une certaine stabilité dans ses activités. Nous examinons sérieusement cette question. Nous ne pouvons toutefois pas faire grand-chose si la question de nos régimes de retraite reste en suspens et continue de relever uniquement de la Société des postes. Nous estimons avec le droit d'influencer notre avenir et de déterminer ce que l'on va faire avec les fonds que nous avons investis et avec ceux qui, selon les négociations, sont considérés comme faisant partie du coût de la main-d'oeuvre.

Voilà qui termine mon rapport. Encore une fois, je tiens à remercier le comité de ses initiatives dans le domaine et de m'avoir donné la possibilité de comparaître devant lui.

M. Steve Hindle, président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: Merci de nous avoir invités à comparaître encore une fois devant vous pour vous parler des événements qui se sont produits cet été. C'est sur cet aspect que je vais axer mes remarques.

Pendant que nos collègues des autres syndicats envoyaient des lettres et utilisaient un processus plus officiel pour amener le Conseil du Trésor à ouvrir des discussions et inviter la ministre à parler avec les syndicats et les retraités de la question de l'excédent et de l'administration du régime de retraite, l'institut travaillait en coulisses, de façon beaucoup moins officielle, avec des représentants du Conseil du Trésor pour essayer de les encourager à demander à la ministre et à ses collaborateurs d'entamer des négociations sans conditions préalables. Comme vous le savez certainement, nous n'avons pas réussi. Qu'il s'agisse de la voie officielle ou des autres voies utilisées, les événements ont démontré que le gouvernement et les représentants du Conseil du Trésor paraissent incapables d'aborder de façon équitable ces questions très controversées. Le gouvernement se refuse pratiquement à entamer des négociations s'il ne peut fixer lui-même les sujets qui seront abordés.

Cela est vraiment regrettable parce que le gouvernement n'est pas le seul qui soit concerné par le fonds de retraite. Il y a des centaines de milliers de Canadiens qui seront touchés par les décisions qu'il prendra et des centaines de milliers de Canadiens qui ne font pas partie de ces régimes de retraite mais qui pourraient être touchés par les mesures que le gouvernement pourrait prendre par le biais de ce projet de loi.

Il est important de noter que les relations existant entre les fonctionnaires du Conseil du Trésor et les syndicats sont tendues depuis cet été, plus précisément, parce que le gouvernement insiste pour que le projet de loi C-78 soit adopté sous sa forme actuelle avant d'aborder avec les intéressés la question de la cogestion du régime. Il est évident que de telles discussions ne peuvent se tenir que dans une atmosphère de collaboration et de confiance, chose qui n'existe pas, le Conseil du Trésor semblant incapable d'aborder ces questions, notamment celles qu'a soulevées votre comité.

Nous espérons pouvoir tenir des discussions au sujet de la gestion du régime mais nous sommes très insatisfaits des mesures qu'a prises le Conseil du Trésor à ce sujet au cours de l'été.

M. Kevin MacDougall, Comité interne des relations fonctionnelles, Gendarmerie royale du Canada: Nous aimerions également remercier le comité sénatorial de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour exprimer les préoccupations de tous les membres de la GRC. Je suis ici à titre de président du comité national de la rémunération, qui représente 18 000 membres. Il est important que votre comité connaisse les grandes lignes du programme des relations fonctionnelles. Je vais demander au sergent d'état-major Morrisson de vous fournir quelques explications sur ce programme avant de présenter mon exposé.

M. Bruce Morrisson, Comité interne des relations fonctionnelles, Gendarmerie royale du Canada: Il nous paraît utile de vous décrire notre programme, parce qu'il diffère sensiblement de ceux que l'on retrouve dans la plupart des autres organismes qui ont comparu ici. Les membres de la GRC n'ont pas le droit de négocier des conventions collectives mais il existe une structure qui représente officiellement près de 18 000 membres civils et réguliers de la GRC.

Le législateur a jugé bon d'adopter l'article 96 du Règlement sur la Gendarmerie royale du Canada qui décrit le programme divisionnaire des relations fonctionnelles. À l'heure actuelle, 29 représentants des relations fonctionnelles ont été élus par les membres de la GRC.

Notre programme tire sa force des consultations qui ont lieu à tous les niveaux et de son refus de la confrontation. Ces consultations ne concernent pas seulement la haute direction de la gendarmerie mais également leur employeur, le Conseil du Trésor. Notre programme comporte plusieurs comité et le sergent d'état-major MacDougall et moi-même représentons ici aujourd'hui le comité national de la rémunération.

Le président: Les membres de votre groupe sont-ils tous des membres de la GRC en bas d'un certain grade?

M. Morrisson: Nos membres viennent de tous les grades de la GRC jusqu'au grade d'inspecteur.

Le président: Il comprend donc tous les membres de la GRC sauf les hauts gradés?

M. Morrisson: Voulez-vous parler des représentants?

Le président: Qui fait partie du groupe que vous représentez? Y a-t-il une limite? Vous avez utilisé le mot «direction» et j'essaie de savoir s'il existe dans la GRC une catégorie de membres de la direction qui ne fait pas partie de votre groupe.

M. MacDougall: Pour la rémunération et les avantages sociaux, nous ne pouvons négocier que jusqu'au grade de surintendant principal mais n'importe quel membre de la GRC peut se porter candidat pour le programme des relations fonctionnelles.

Le président: Pour la rémunération et les avantages sociaux, il y a donc une limite.

M. MacDougall: C'est exact.

Monsieur le président, comme vous l'avez entendu dire hier, les membres de la GRC n'ont pas le droit de se syndiquer. En échange, le gouvernement a jugé bon de mettre sur pied un système de représentation prévu par la loi, que l'on appelle le système des relations fonctionnelles. Il existe depuis près de 25 ans et nous pensons que c'est un système de représentation assez sophistiqué.

M. Morrisson et moi faisons également partie du comité consultatif sur les retraites. C'est un comité qui a été mis sur pied par le solliciteur général du Canada. Il est chargé de lui fournir des avis sur tout ce qui touche les retraites. Nous faisons partie de ce comité depuis 1992 environ et nous préparons depuis lors une réforme des retraites. Les gouvernements successifs ont parlé de mettre en place une telle réforme, comme vous le savez, et on nous a fait savoir, en novembre dernier encore, que le gouvernement était en train de négocier une réforme du régime de retraite avec la fonction publique. Nous avons été très inquiets d'apprendre cela mais notre employeur, le Conseil du Trésor, nous a affirmé que cela ne toucherait aucunement la GRC et qu'une fois que les négociations avec la fonction publique seraient terminées, nous aurions l'occasion de consulter le Conseil du Trésor au sujet de notre régime de retraite.

Comme vous le savez, il y a une loi qui s'applique aux membres de la GRC et nous avons cru notre employeur lorsqu'il nous a dit que nous serions consultés. Cela remonte, comme je l'ai dit, au mois de novembre. En décembre, nous avons constaté que les discussions en cours avec la fonction publique étaient dans une impasse. À cette époque ou peu après, nous avons écrit à M. Massé pour lui demander de le rencontrer. C'était le 8 février. Nous n'avons toujours pas reçu de réponse à cette lettre.

Le projet de loi a été présenté sans que le programme de relations fonctionnelles y ait aucunement contribué. Notre direction a écrit au président du comité consultatif sur les retraites et le sous-commissaire Zaccardelli affirme qu'il n'y a pas eu vraiment de consultation avec notre haute direction. En fait, cette question qui est, comme vous pouvez le comprendre, très importante pour les policiers, n'a fait l'objet d'aucune consultation avec le Conseil du Trésor.

Nous avons écrit pour rétablir les faits quand M. Massé a affirmé qu'il y avait eu des consultations. En fait, M. Massé a dû être mal renseigné parce qu'il n'y en a pas eu. Nous sommes venus vous dire aujourd'hui que ce que vous ont dit les représentants du Conseil du Trésor n'était pas exact.

Nos membres attendent depuis des années que l'on résolve certaines questions qui touchent leur régime de retraite. Nous avons exposé dans le mémoire que nous avons remis aux sénateurs certaines de ces questions.

Nous aimerions faire des commentaires au sujet de l'excédent. Lorsque nous avons demandé de rencontrer nos amis du Conseil du Trésor, nous n'avons fixé aucune condition. Nous étions disposés à les rencontrer et à ne pas aborder la question de l'excédent. Pour nous, l'excédent appartient à nos employés. Nous sommes d'accord avec M. Bean et avec l'Alliance de la fonction publique sur ce point mais nous pensons que cette question sera résolue par voie législative ou judiciaire et nous sommes disposés à attendre que cela se fasse.

Je le répète, nous n'avons fixé aucune condition, nous voulions uniquement tenir une réunion, et, le 29 juin dernier encore nous avons écrit à M. MacAulay, notre ministre, et à M. Massé, en demandant une fois de plus la tenue d'une réunion, compte tenu du fait que le Sénat avait retardé l'adoption du projet de loi. Aucun de ces ministres n'a jugé bon de nous faire savoir s'il était disposé à nous rencontrer. Le temps presse puisqu'il semble que vous devez présenter un rapport d'ici le 7 septembre.

Si nous avions pu tenir une réunion, nous aurions pu présenter certains arguments et recommander certaines modifications. Par exemple, dans la gendarmerie, il y a des civils qui travaillent avec nos membres réguliers. Ces personnes versent les mêmes cotisations de retraite que les membres réguliers mais elles n'ont pas droit à la retraite anticipée. Il est possible que nous n'aurions pas réussi à régler cette question mais nous estimons que l'on aurait dû au moins nous en donner la possibilité.

La solde supplémentaire est un autre sujet. M. Massé a mentionné dans sa lettre au comité sénatorial que c'était là une des questions qui pourrait être résolue par la suite avec la GRC. En fait, si vous examinez la Loi sur la pension de retraite de la GRC, on constate que le mot «solde» est défini, mais qu'elle ne parle pas de solde supplémentaire. En fait, cela est interdit. Par conséquent, si M. Massé essaie de résoudre cette question en adoptant un règlement, il n'y parviendra pas, à moins que le Sénat ne modifie la définition de la solde ou recommande que cette définition soit modifiée et prévoie une solde supplémentaire comparable à celle qui figure dans le projet de loi concernant la fonction publique.

Il y a aussi la question des conflits d'intérêts. D'après les Débats du Sénat, il semble que plusieurs sénateurs aient soulevé cette question. C'est un problème très réel, ou un problème éventuel, qui peut toucher les membres de la GRC. Nous avons parlé de l'affaire Bre-X devant le comité de la Chambre des communes. Si on nous avait demandé de faire une enquête sur Bre-X et si nous avions investi des fonds à nous dans cette société, il est probable que quelqu'un aurait réagi.

Nous avons également parlé de la situation dans laquelle nous nous trouvons souvent lorsqu'on nous demande de maintenir l'ordre sur les lignes de piquetage, en particulier, lorsque les entreprises décident, ce qui est inhabituel, d'embaucher d'autres travailleurs. Nos membres sont là pour assurer la sécurité de ces travailleurs suppléants mais comment réagiraient les autres employés qui font légalement la grève s'ils savaient que nous avions placé nos fonds de retraite dans cette société? Nous sommes tenus de préserver notre neutralité. Nous pensons que le gouvernement n'en a pas vraiment tenu compte.

Pour terminer, je voudrais vous remercier encore une fois de nous avons invité à comparaître. Au nom de tous les membres de la GRC, je demande au Sénat de recommander que l'adoption du projet de loi soit reportée pour que l'on puisse procéder à de véritables consultations sur toutes ces questions.

M. Gaetan Delisle, président, Association de la GRC: Je désire vous renvoyer à notre premier mémoire. À certains égards, il traite de sujets similaires à ceux qui ont été abordés par M. MacDougall, sauf que nous n'acceptons pas la comparaison avec Bre-X parce que la même situation s'appliquerait à l'enquête sur l'incident Airbus. Par conséquent, de quel côté investirons-nous nos fonds? Je ne crois pas que nous soyons sur la même longueur d'onde à ce sujet.

Je suis un représentant divisionnaire des relations de travail dans le système interne de la GRC. J'ai dû me plier à une injonction de la Cour fédérale -- et je risquais d'être expulsé -- parce que j'étais convaincu qu'il fallait approcher le Conseil du Trésor en tant qu'organisme. En vertu du système, le représentant divisionnaire est placé sous la supervision et l'orientation directes du commissaire de la GRC. J'estime que l'ex-solliciteur général, M. Kelleher, en conclura que parce qu'il y a parrainage de la GRC, la liberté de parole est et peut être quelque peu diluée. Toutefois, je laisserai les choses suivre leur cours.

Sous la direction de notre organisme, après l'établissement des représentants divisionnaires, nous avons fondé l'association, qui représente les membres. Nous l'avons fait par nous-mêmes depuis 1977 et 1978. Nous l'avons fait principalement parce que le système de représentants divisionnaires n'était pas adéquat. Le système ne faisait pas le travail voulu. À cet effet, nous avons maintenu le rythme et nous représentons aujourd'hui divers groupes au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-78 soulève deux questions différentes. La première partie du projet de loi traite de l'administration du fonds, tandis que la seconde traite de la représentation des membres, comme ceux de la GRC, pour divers régimes.

Je me dois aussi de mentionner un groupe dont on n'a pas encore parlé. Je pense ici aux membres du SCRC. Comme vous le savez, ils n'ont pas droit de témoigner devant votre comité et de vous faire part de leurs préoccupations. Un comité sera mis sur pied sous la direction de la GRC. Deux sièges au sein de ce comité seront accordés à des personnes qui représentent d'autres personnes qui contribuent au fonds de la GRC. Ces deux sièges devraient être offerts aux membres du SCRC. Comme ils contribuent au fonds, ces sièges devraient leur revenir. Près de 500 de nos membres du service de renseignement contribuent à la caisse de la GRC. L'adoption du projet de loi C-78 tel qu'il est formulé actuellement entraînerait des problèmes considérables.

[Français]

Cela va être réellement néfaste pour ces personnes parce qu'il n'y a aucune assurance qu'elles vont être entendues devant le comité qui va se rapporter au solliciteur général. Là-dessus, j'aimerais qu'il y ait au moins un amendement afin que cela soit reflété.

Un autre amendement serait au niveau de l'appui de l'association vis-à-vis ce type de comité. Au sein de l'association, nous prenons toujours l'intérêt des gens à coeur parce que nous sommes encore vivants. Nous faisons cela sur nos heures de travail. L'association devrait être reconnue parce que c'est un système indépendant du commissaire.

J'ai distribué certains documents qui démontrent que des représentants divisionnaires ne sont pas très contents avec la façon dont le commissaire les traite vis-à-vis les sujets. Donc si vous dites qu'ils ont pleine confiance, je m'excuse, mais vous avez des documents qui démontrent le contraire. À cette fin, j'aimerais rajouter qu'il devrait y avoir des points qui reconnaissent notre statut indépendant à l'intérieur de toute activité quelle qu'elle soit.

J'ai entendu plusieurs interventions dont une faite par l'honorable sénateur De Bané sur des plans conjoints pour lesquels l'employeur contribue une plus grosse portion. Cela revient au gouvernement parce qu'il était majoritaire. C'est à lui que reviennent les risques à l'intérieur. Donc le surplus devrait être laissé à cette fin. Je ne suis pas d'accord avec cela pour la simple et unique raison que je contribue à ce plan depuis 30 ans. De l'argent a été pris sur mon salaire à chaque deux semaines -- anciennement c'était deux fois par mois -- et cet argent constitue ma contribution à l'intérieur du plan.

Vous avez entendu mon confrère, M. MacDougall, qui vous a expliqué qu'au niveau de la rémunération, nous sommes comparés avec les autres corps policiers comme celui de la Ville de Montréal, celui de la Ville de Toronto, ainsi de suite. J'ai apporté avec moi le rapport annuel de l'ABR, l'Association de bienfaisance et de retraités de la Ville de Montréal, des policiers de la Ville de Montréal, avec lesquels nous sommes comparés. Je n'ai malheureusement pas assez de copies pour tout le monde, mais ceux qui le désirent pourront le consulter. L'ABR n'a pu me fournir que cinq copies, je m'en excuse. Dans ce rapport, vous allez voir que l'association gère son propre fonds de pension.Elle a des contributions 60/40 et les deux, l'employeur et les employés, ont bénéficié du surplus. C'est un exemple qui peut être suivi, et je crois comprendre que le message qui vient de la part de tous les intervenants est exactement dans ce sens. C'est-à-dire que s'il y a une portion imputable à l'employé, elle devrait être mise de côté pour que les employés et l'employeur en arrivent à un partenariat vis-à-vis ces sommes d'argent.

[Traduction]

Il y a au sein de l'organisation des agents de la GRC qui sont nommés, promus et payés par le gouverneur en conseil et qui touchent même des primes accordées par le gouverneur en conseil. Nous devrions avoir un système partagé pour traiter des sommes qui font l'objet d'une contribution. La présence de certaines personnes à ce niveau fait que l'on se moque des responsabilités concernant les montants qui sont dans le régime. Si je comprends bien, en tant que sénateurs vous pouvez exclure ceux qui n'assistent pas aux séances du Sénat. Au sein de notre organisme, la même chose se produit. Aux plus hauts échelons de la GRC, il y a des gens qui, malheureusement, ne se présentent pas au travail pendant de longues périodes, mais qui peuvent tout de même obtenir une prime pour cette période avant de quitter le service. Cela est retiré de notre résultat financier.

Le sénateur Meighen: Mes questions se veulent un effort pour définir les quelques grands problèmes qui vous affectent tous, malgré le fait que vous ayez des intérêts et des préoccupations particuliers et qu'il nous était difficile d'aborder, vous en conviendrez, dans le cadre d'une audience comme celle-ci.

En nous tournant du côté des militaires et de la GRC, nous espérions manifestement, comme nous l'avons fait par rapport aux autres personnes qui sont touchées par ce projet de loi, qu'il y aurait des consultations utiles au cours de l'été. M. MacDougall, vous avez abordé cette question. Vous nous avez dit que vous aimeriez que nous retardions l'adoption de ce projet de loi afin que ces consultations puissent avoir lieu.

Je crois comprendre que l'ancien ministre a écrit à notre président le 25 juin 1999 pour lui indiquer qu'il demanderait par écrit au ministre de la Défense nationale et au solliciteur général la tenue de consultations. Selon les renseignements que j'ai pu obtenir, rien ne s'est produit.

Vous nous avez dit aujourd'hui que vous n'avez absolument pas précisé que la question de l'excédent des pensions est une condition préalable à toutes discussions. Aujourd'hui, vous êtes disposé à vous exprimer sur tous les sujets.

Qu'est-ce qui vous fait croire que si nous devions retarder l'adoption du projet de loi il y aurait des progrès alors qu'il n'y en a pas eu au cours des derniers mois? Qu'est-ce qui a changé?

M. MacDougall: Pas grand-chose. Nous espérions que le Sénat exerce son influence retarder l'adoption du projet de loi et obliger le gouvernement à discuter avec nous. Si cela n'est pas possible, nous vous demandons alors d'éliminer du projet de loi toute référence à la GRC. Cela nous permettrait de retourner auprès de nos membres et de les consulter.

Le sénateur Meighen: Y a-t-il une raison quelconque, puisque vous n'avez pas établi de conditions préalables à toute discussion, pour laquelle les militaires et les agents de la GRC ne sauraient faire l'objet d'une négociation distincte?

M. MacDougall: Selon moi, il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions négocier séparément. Je crois qu'il y a un manque de volonté de la part du gouvernement et du Conseil du Trésor de discuter avec nous.

Nous ne comprenons pas pourquoi. Nous avons tenté de comprendre, mais sans succès. Cela peut être une question de nombre, parce que nous comptons 18 000 membres. Nous estimons être un groupe important. Nous estimons aussi accomplir un bon travail pour l'État et ainsi de suite. Nous devons nous contenter de supposer que c'est à cause du nombre. La fonction publique compte plus de 150 000 employés et peut-être est-il plus facile de se concentrer sur ces gens.

Le gouvernement ne comprend pas que notre position est très différente, et que nos besoins diffèrent aussi de ceux de la fonction publique.

[Français]

Le sénateur Meighen: M. Delisle faisait allusion à certaines revendications ou certains problèmes qui existent vis-à-vis vos membres. Ces problèmes sont dans le projet de loi devant nous.

[Traduction]

Je crois que c'est le sénateur Tkachuk qui demandait hier à la ministre si elle voudrait renégocier les 29 premières pages du projet de loi immédiatement après son adoption. Cela vous rassure-t-il de savoir qu'elle est disposée à renégocier plusieurs des clauses du projet de loi qui semblent vous causer problème dès que la loi aura été adoptée?

M. Delisle: Cela me préoccupe beaucoup. C'est la raison pour laquelle j'ai fait circuler un extrait d'une loi adoptée au Québec -- pendant que Mme Robillard siégeait à l'Assemblée nationale, soit dit en passant -- qui prônait une administration du fonds entièrement ouverte à la discussion concernant tout ce qui pourrait survenir au sujet de la pension, y compris tout excédent. Vous avez un exemplaire de ce document qui précise clairement qu'il s'agit d'une structure ouverte pour la négociation et la discussion.

Oui, je le réaffirme, je suis fort préoccupé quand quelqu'un dit «Adoptons le projet de loi et après-coup, nous en discuterons». La loi serait adoptée, et rien n'obligerait le gouvernement, quel qu'il soit, à faire ce à quoi le sénateur Tkachuk faisait allusion hier.

Le sénateur Meighen: Le plus sérieusement du monde, pouvez-vous imaginer pourquoi on se presse tant d'adopter ce projet de loi?

M. MacDougall: Je crois que cela a été abordé hier. J'ai écouté très attentivement le témoignage qui a été donné, et la seule raison qui me vient à l'esprit, c'est l'excédent de 30 milliards de dollars.

Comme je l'ai dit, nous attendons depuis des années que certains des changements souhaités par nos membres soient incorporés à la loi. C'est la première occasion que nous avons de les incorporer au projet de loi, et on n'a pas tenu compte de notre opinion. Franchement, je ne suis pas très convaincu que la loi puisse être ouverte à discussion et que nous aurons la possibilité d'aborder les préoccupations de nos employés.

Le sénateur Meighen: Monsieur Clark, si on accepte le fait que les membres de la GRC et les militaires représentent des cas un peu particuliers, il semblerait que vos membres soient prisonniers du principe qui veut qu'il n'y ait aucune discussion à moins que tout le monde renonce à l'excédent de la caisse de retraite. Si vous n'avez pas entamé de discussions utiles parce que le gouvernement refuse de le faire tant que vous n'aurez pas reconnu que vous n'avez aucun droit à l'excédent existant, pouvez-vous proposer d'autres façons de sortir de l'impasse? Est-ce que vous-mêmes et vos membres pourriez accepter un arbitrage exécutoire sur la façon de disposer de l'excédent, ou bien avez-vous une position plus ferme concernant la propriété de l'excédent?

M. Clark: Je pense qu'il est préférable que les parties en viennent à une forme d'entente. J'ai des doutes quant à cette éventualité, mais je garde espoir pour ce qui est du processus de négociation collective, peu importe qu'il s'agisse de l'excédent, des avantages sociaux ou de la façon de gérer les régimes. C'est la position que nous avons exprimée à la Société canadienne des postes. Nous voulons entamer des discussions sans conditions préalables. Nous voulons nous mettre à l'oeuvre. Actuellement, nous nous intéressons surtout à la gestion et à la façon de faire les investissements.

Nous ne faisons pas entièrement confiance en la capacité de la Société canadienne des postes de s'occuper de notre argent, particulièrement depuis que les règles d'investissement ont été assouplies concernant la façon dont la Société peut établir ce régime. Nous estimons que nous devrions négocier avec elle, mais il faut plus qu'une partie pour négocier.

En conséquence, nous espérons que vous pourrez exercer des pressions sur la Société canadienne des postes et sur le gouvernement pour que les parties en viennent à une solution acceptable pour tous.

Le sénateur Meighen: Avez-vous des suggestions quant à la façon dont ces pressions pourraient être exercées?

M. Clark: En ce qui a trait à la Société canadienne des postes, j'espérais que votre rapport suffirait. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Je crois qu'il faudrait insister pour modifier le projet de loi afin que nous puissions commencer à négocier le plus tôt possible au sujet de nos pensions et de notre avenir. Si cela n'est pas possible, nous vous prions de rejeter le projet de loi.

M. Hindle: Selon nous, il est tout à fait approprié que le gouvernement divise ce régime et permette à divers composants comme la Société canadienne des postes et la GRC de traiter de leurs problèmes particuliers de manière distincte. Ces groupes devraient être traités comme des employeurs distincts et les régimes de pension devraient être aussi distincts afin que les conditions d'adhésion à ces régimes reflètent avec précision les préoccupations de chacun des membres. Les préoccupations de la GRC vous ont été exposées et nous ne les partageons pas.

Il est tout à fait approprié de diviser le régime, mais il est totalement inapproprié de le faire selon la méthode proposée et de l'imposer aux membres sans donner à l'employeur et aux représentants des employés toutes les possibilités voulues de discuter du régime de retraite. Cela aurait dû se faire au moment où la Société canadienne des postes est devenue une société d'État, en 1981.

Le sénateur Meighen: Croyez-vous que l'excédent passé devrait être divisé et traité différemment selon les divers groupes?

M. Hindle: L'excédent actuel du régime pourrait être divisé en fonction des employeurs. Cela ne nous poserait aucune difficulté. Ensuite, nous pourrions discuter avec le Conseil du Trésor de la partie de l'excédent qui s'applique à la fonction publique, que nous représentons.

Le sénateur Meighen: Qu'entendez-vous par partage en fonction des employeurs? Voulez-vous dire proportionnellement à la contribution?

M. Hindle: Il est fort probable que les contributions soient connues et que l'on sache à qui elles appartiennent. C'est là une autre façon de procéder. Si ces montants sont partagés en fonction du nombre d'employés des employeurs actuels, tous les biens du régime devront être divisés selon le même pourcentage. Si 15 p. 100 des fonds de la caisse appartiennent à la Société canadienne des postes, la Société prend 15 p. 100 des actifs, y compris cette part de l'excédent.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Monsieur Delisle, vous nous demandiez que le comité reconnaisse la représentativité de certains employés de l'État qui ont un statut à part, dont les employés du Service canadien du renseignement de sécurité. Ne sont-ils pas représentés par votre association?

M. Delisle: Aujourd'hui, oui. En réalité, l'association comme telle n'est pas une agence gouvernementale, laquelle apporte ses redevances directes au commissaire de la GRC.Donc techniquement, non, ils ne le sont pas. Il y a présentement une cause devant la Cour suprême, qui devrait être réglée bientôt, qui concerne le droit des membres de la GRC de se syndiquer. Ces gens ont un statut d'employeur distinct qui est directement sujet à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Ils sont assujettis à cette norme. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je faisais allusion au fait que cette loi les empêche d'être reconnus publiquement au sein de ce service. Malheureusement, tous ces gens, qui étaient anciennement à la GRC lorsque le changement a eu lieu en 1986, continuent d'obtenir les mêmes avantages sous les règlements de la Loi sur la pension de retraite. Le projet de loi C-78, particulièrement à l'article 25(1), détermine la particularité du comité sur la pension. Ils ne sont pas inclus dans ce projet de loi. On sous-entend qu'ils y seront.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que vous souscrivez exactement au même point de vue que M. Bean et son association concernant la question du partage des risques? Dans le plan antérieur, les bénéfices sont assurés qu'il y ait ou non suffisamment de fonds. Dans la nouvelle loi, votre prédécesseur dit qu'ils sont d'accord pour partager les risques. Si la performance du fonds réel qui existera n'a pas un bon rendement, -- et là encore, on a affaire à des actuaires qui établiront les rendements du fonds -- quel est l'avantage pour vos membres de s'associer à ce risque? Sous l'ancien régime, vous aviez des bénéfices garantis sans une augmentation des contributions. J'essai de comprendre comment un syndiqué se sentirait plus protégé. Une fois le syndicat est à la table de gestion du nouveau fonds, vous n'êtes pas assurés d'un niveau de pension puisque le fonds pourrait ne pas avoir la performance anticipée s'il y avait un problème économique important sur le plan mondial. Comment se fait-il que vous choisissiez ce modèle en vous sentant plus à l'aise et en nous demandant quand même une police d'assurance et l'injection de 30 millards de dollars dans ce fonds? Vous êtes prêts à partager les risques d'une part, mais, d'autre part, au cas où il y aurait des problèmes sur ce fonds, vous voudriez que le gouvernement mette le 30 milliards de dollars dans ce fonds. Il me semble qu'il y a une dichotomie. Les 30 milliards de dollars ne seraient-ils pas plutôt votre police d'assurance au cas où, en cas de partage de risques, vous seriez obligés de demander une contribution supérieure aux membres de votre syndicat?

M. Delisle: Premièrement, on parle de 2,4 milliards pour le surplus au fonds de pension de la GRC. C'est ce à quoi vous faites allusion. Vous ne prétendez pas qu'on veuille s'accaparer du surplus au niveau de la Loi de la fonction publique. Votre question est postée directement sur la GRC.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si vos calculs sont de 2,4 milliards et en supposant que les autorités gouvernementales aient fait le même calcul, je ne conteste pas le montant, c'est plutôt le concept que j'aimerais discuter avec vous.

M. Delisle: En ce qui concerne le concept, nous entérinons les explications qui ont été données par les autres intervenants ce matin en ce qui a trait aux portions du fonds administrées antérieurement. J'ai vécu des augmentations unilatérales, passées par la loi, des contributions des membres parce qu'à un moment donné le fonds était déficitaire.

J'ai également vécu, en tant qu'employé de la GRC, le nouveau venu qui s'appelait l'indexation du fonds de la pension d'un demi qui, par la suite, est passé à 1 p. 100. On était bien enclin à pouvoir l'accepter parce que c'était une contribution du fonds pour lequel on contribuait et c'était bien vu.

Maintenant, vous me demandez de quelle façon ce fonds est arrivé? Je crois qu'il faut aller à la source de la question. J'ai expliqué tantôt qu'on était comparé en rémunération globale avec les autres corps policiers. Notre salaire à la GRC n'est pas le numéro un au Canada, comme vous le savez. La raison pour cela est que notre employeur met 60 p. 100 du fonds à l'intérieur et l'employé 40 p. 100. Donc mon salaire, depuis les 30 dernières années, en a souffert, parce que supposément, en rémunération globale, il y a une meilleure contribution de la part de l'employeur. Ce faisant, j'ai perdu de mon actif la modique somme d'environ 2 000 dollars par année. Donc le gouvernement a réduit le salaire qu'il devait me donner et il a également aidé à avoir ces montants d'argent à l'intérieur.

La philosophie du projet de loi C-78 est de mettre de l'avant un comité qui va pouvoir le gérer. Vous avez devant vous -- et j'espère que vous avez pu en avoir une copie -- tous les modèles gérés de fonds de pension, quels qu'ils soient. Tant qu'il y aura dans ce fonds la partie de l'employé et de l'employeur, vous allez avoir à prendre une décision mutuelle. C'est ce que j'ai compris de tous les intervenants. Il doit y avoir cette entente mutuelle.

Vous avez un rapport mutuel concernant les parts de l'employé et de l'employeur. Pour votre information, les policiers de la Ville de Montréal ne paient que 7,8 p. 100 des cotisations et la ville met 20 p. 100. La même philosophie, qui souvent est soulevée par vos observations, s'applique à eux également, pourtant ils sont régis par un plan bien rodé. Cela fonctionne parce que l'employeur et l'employé y contribuent. En passant, il y avait plus de 640 millions de dollars de surplus l'an dernier.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck: En ce qui a trait aux préoccupations exprimées par M. Clark au sujet de la façon dont la Société canadienne des postes investirait vos contributions, vous avez dit, je crois, qu'il devrait y avoir certaines restrictions quant au type d'investissements. Nous savons tous que la LPFP comporte des restrictions. Ces restrictions vous conviendraient-elles ou préféreriez-vous qu'il y en ait d'autres?

M. Clark: Dans sa version actuelle, le projet de loi précise que le régime de pension de la fonction publique doit adopter une stratégie d'équité interne. Cela ne se retrouve pas dans le projet de loi qui vise la Société canadienne des postes. Nous aimerions que cela fasse partie de la loi. Que pense-t-on faire de cet argent? Nous avons de réelles préoccupations quant à l'utilisation de l'excédent de la Société canadienne des postes et quant à la façon dont on en traite. Compte tenu que nous savons que la Société canadienne des postes a investi à l'étranger pour de la machinerie, nous avons des doutes. La Société canadienne des postes vend ses services de consultation à l'étranger. Nous n'avons pas eu d'explication quant aux raisons pour lesquelles ces services ont été retirés de la Société canadienne des postes ou même du gouvernement.

Le président: Je vous remercie, messieurs, d'être venus ici aujourd'hui.

Honorables sénateurs, nous entendrons le dernier groupe de témoins de la journée pour nous aider dans nos travaux.

Monsieur Guy, je vous remercie beaucoup d'être venu ici aujourd'hui. Je sais que vous n'avez pu être des nôtres en juin, et j'espère que votre santé est meilleure. Vous avez déjà témoigné devant notre comité et nous sommes heureux que vous y reveniez.

M. Rex G. Guy, président national, Association nationale des retraités: Merci, monsieur le président, de vos bons mots. Je me rétablis très bien, merci.

Étant donné que votre comité a pour tâche d'évaluer l'état des négociations entre l'employeur, le représentant des pensionnés et les syndicats et à la lumière du témoignage livré par le ministre et les fonctionnaires du Conseil du Trésor hier, je m'en tiendrai à ceci: je veux m'assurer qu'il n'y a pas de malentendu concernant certaines questions qui nous concernent. Cela est important, puisque votre comité doit envisager tous les aspects des décisions importantes qu'il doit prendre.

Hier, il a été question du régime de soins dentaires pour les pensionnés. Il faudrait noter que ce régime de soins dentaires ne fait pas partie -- et il vaut la peine de le répéter -- de la réforme des pensions et qu'il n'est pas un facteur à considérer dans les délibérations en cours. Les fonctionnaires du Conseil du Trésor vous confirmeront que le régime de soins dentaires n'est pas lié à la réforme des pensions.

Pour ce qui est de l'excédent, le gouvernement n'a pas fait état de sa position relativement aux risques qu'il a pris et aux déficits passés. Hier, vous avez appris qu'il y a un déficit de quelque 13 milliards de dollars. Toutefois, une partie de ce déficit, c'est-à-dire 8 milliards de dollars, fait suite à la décision consciente prise par le gouvernement d'appliquer une pleine indexation aux régimes dans le cadre de l'ensemble des avantages sociaux pour les employés. Pourtant, on n'a pas parlé de l'augmentation de la contribution des employés pour couvrir ces coûts.

En ce qui a trait à l'autre tranche de 5 milliards de dollars, une analyse en profondeur de la partie des intérêts de la contribution indiquera probablement que le déficit était beaucoup moindre. Je répète la question: quels risques et quel déficit? Notre position n'a pas changé. Des régimes de pension ont été établis sur la base d'un partenariat, et le gouvernement décide unilatéralement de rompre ce partenariat. Par conséquent, il y a obligation morale de faire une répartition équitable de l'excédent entre toutes les parties intéressées.

On a laissé entendre qu'après l'adoption du projet de loi C-78, il y aurait des consultations auprès de la GRC et des Forces canadiennes. M. Alan McLellan, le représentant des pensionnés au sein du comité consultatif des pensions des Forces canadiennes, a exprimé cette opinion dans un document adressé à tous les sénateurs. Il n'y a pas eu consultation. La tenue de discussions après la prise d'une décision ne correspond pas à notre définition de consultation.

En ce qui a trait à la représentation des pensionnés aux négociations et aux consultations, un sénateur s'est informé du nombre de représentants des pensionnés. Les fonctionnaires du Conseil du Trésor lui ont répondu qu'il n'y avait qu'un seul représentant des pensionnés, mais que les syndicats représentaient également les intérêts des pensionnés.

Bien que nous comptions fréquemment sur l'appui de nos collègues syndicaux, il y a souvent des conflits d'intérêts entre les besoins et les demandes des employés et des pensionnés. Seule une organisation des pensionnés peut assurer la représentation appropriée des pensionnés, et, par conséquent, la représentation des pensionnés est essentielle à toute négociation utile sur la réforme des pensions.

Malgré que l'ex-président du Conseil du Trésor se soit engagé à revoir la pénalité injuste imposée à plusieurs pensionnés dans le cadre de la Loi de 1982 sur les restrictions salariales du secteur public, plus communément appelée la loi six et cinq, cela n'a pas été mentionné dans le témoignage d'hier. La voie législative est la seule façon de corriger la situation.

Il semble qu'il faille adopter le projet de loi C-78 pour que les avantages supplémentaires prévus, par exemple l'augmentation des prestations supplémentaires de décès, soient mis en oeuvre. Ces changements peuvent être apportés dans le cadre de modifications à la loi et ne devraient pas susciter d'opposition.

On a mentionné hier qu'il y avait eu des consultations avec les syndicats et les pensionnés au sujet de périodes de sept ans concernant la réforme des pensions. Il importe de souligner ici que l'on fait référence aux délibérations du comité consultatif sur la Loi sur la pension de la fonction publique. Le mandat n'était pas de négocier une réforme de la pension, mais plutôt d'informer le président du Conseil du Trésor.

Il y a eu des rencontres au cours de cette période et j'ai préparé deux rapports. L'attente d'une réponse au premier rapport a été de plus de deux ans. Le second rapport, soumis en 1998, a mené à la négociation et à des consultations au sujet de la réforme des pensions qui ont duré jusqu'en décembre 1998.

Monsieur le président, l'ANRF a été très active au cours de l'été et la plupart des filiales -- il y en a 82 qui regroupent plus de 100 000 membres -- ont rencontré leurs sénateurs et députés fédéraux respectifs ou leur ont écrit. Nous avons dit à toutes ces personnes que le projet de loi C-78 passe à côté de la véritable réforme des pensions en ne créant pas un conseil de gestion de la pension et que le gouvernement a une obligation morale et éthique de partager l'excédent de manière équitable.

En prenant cette mesure, les pensionnés ont manifesté une confiance renouvelée mais prudente face au processus parlementaire. Ils ont raisonnablement confiance que le Sénat fera non seulement des recommandations, mais qu'il présentera certains amendements très nécessaires au projet de loi C-78.

Votre comité a signalé plusieurs lacunes du projet de loi C-78, et, jusqu'à maintenant, il n'a recommandé aucune modification. Le ministre a déclaré hier que des amendements seraient présentés dès après la sanction royale. Selon nous, cela n'a aucun sens et le rôle du Sénat est d'empêcher, pour paraphraser sir John A. Macdonald, «...toute loi hâtive ou mal étudiée».

Monsieur le président, le projet de loi C-78 ne contient rien qui vise la réforme des pensions. Il a été préparé trop rapidement et des changements s'imposent.

Je vous remercie de bien vouloir considérer notre point de vue.

M. E.W. Halayko, président national, Association canadienne des pensionnés et rentiers militaires: Nous vous remercions de nous autoriser à témoigner devant votre comité. Il me semble que la dernière fois nous nous soyons énervés un peu parce que, selon moi, le Parlement ou le gouvernement du Canada traitait nos recommandations avec dédain à cause de l'absence de consultation. Il n'y a pas eu de négociation avec quiconque.

Je rappelle qu'à l'époque de la mise sur pied du Régime de pensions du Canada et de son amalgamation à la Loi sur les pensions de retraite des Forces canadiennes, nous n'avons jamais été consultés. On nous a expliqué que les deux éléments avaient été combinés parce que nous ne pouvions nous permettre de cotiser aux deux distinctement. Cela a été soulevé concernant les membres des Forces qui reçoivent une pension du Canada. Si nous attendons suffisamment longtemps, aucun membre des Forces canadiennes ne bénéficiera du RPC parce que les deux versements s'annuleront l'un l'autre. À compter de l'an 2014, personne ne touchera de prestation réelle en vertu du Régime de pensions du Canada.

Ce qui nous préoccupe le plus est qu'il n'y a pas eu de consultation. Quelqu'un a décidé que les militaires étaient trop occupés et qu'ils n'avaient pas les connaissances nécessaires concernant les investissements pour participer à quelque négociation que ce soit. Nos supposés «leaders» s'en sont occupés à notre place.

Un aspect intéressant du projet de loi C-78 est que la responsabilité concernant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes incombe au président du Conseil du Trésor et non au ministre de la Défense nationale. C'est bien le ministre de la Défense nationale qui devrait négocier avec nous, et personne d'autre. Il ne l'a jamais fait. Pourtant, c'est bien lui qu'il faudrait mettre en cause comme nous avons ciblé les gens de la GRC. Il devrait défendre notre dossier. Après tout, c'est notre argent.

Je suis accompagné de Mme Fiona Campbell, notre conseillère juridique. Elle participe aux deux causes qui sont devant les tribunaux et qui ont été mentionnées plus tôt. Dans le premier cas, il s'agit, et j'utilise le mot volontairement, d'un «vol» de 4,6 milliards de dollars à même notre caisse. Dans le second cas, il est question de la façon dont l'intérêt a été appliqué au fonds. Elle est ici pour répondre à toute question à cet égard.

Je suis aussi accompagné de Mme Helen Rapp, présidente du groupe qui représente les veuves de militaires. S'il y a lieu, elle répondra à vos questions à ce sujet.

Il a été question des prestations supplémentaires de décès. Cela ne fait pas partie intégrante du compte de pension de retraite des Forces canadiennes. C'est une question distincte. Personne n'oserait y toucher parce que cela risquerait d'affecter tous les régimes d'assurance-vie du pays. Ce n'est pas un problème. Il ne s'agit même pas d'une promesse ou d'une carotte.

Il a été question aussi du régime de soins dentaires. Cela n'a rien à voir avec le projet de loi à l'étude. De fait, nous avons appris que ce régime sera vraisemblablement mis en place l'an prochain, peu importe ce qu'il adviendra du projet de loi C-78.

Nous avons entendu le ministre qui vous encourageait à adopter le projet de loi C-78 et qui a précisé que la négociation viendrait plus tard. Je suis sûr que vous avez bien entendu ce qu'il a dit: «Faites-moi confiance, je représente le gouvernement. Je suis ici pour vous aider». Voilà exactement ce que je comprends. Il n'y a pas eu de négociation. Nous n'avons pas été consultés. Même aujourd'hui, nous n'avons pas eu l'occasion de rencontrer le ministre. Par le passé, les choses bougeaient après une rencontre avec les ministres.

Nous devions faire partie d'un certain comité consultatif. Ces détails sont contenus dans mon mémoire et je n'y reviendrai pas, sauf pour dire qu'aux yeux de la bureaucratie, nous n'étions pas des représentants acceptables des retraités des Forces canadiennes. On nous considérait comme trop rebelles et on ne voulait pas de nous. On ne veut personne qui crée des vagues. On a même trouvé les mots suivants sur une note de service ornée d'un large sourire: «Voilà qui devrait régler leur compte». Et ce sont des bureaucrates qui sont censés travailler pour nous. Nous ne sommes pas bien représentés relativement à toute négociation sur ces projets de loi.

Selon nous, le projet de loi devrait être abandonné ou renvoyé pour étude et modifié.

Faisons le travail correctement dès le départ. On en a fait un grand secret. De fait, le ministre de la Défense nationale et le président du Conseil du Trésor ont correspondu avec nous pour nous informer de ce qu'ils allaient faire, mais déjà le projet de loi avait été adopté par la Chambre des communes. Selon moi, il ne s'agit pas de consultation, et le processus n'est pas démocratique.

Le sénateur Tkachuk: J'ai une question concernant la lettre du capitaine Sjoquist, datée du 4 août, à laquelle la ministre a fait référence. Elle faisait référence à la première lettre envoyée au ministre Massé, à la fin de juin, et dans laquelle on se demandait pourquoi il n'y avait eu aucune rencontre entre le gouvernement et l'un ou l'autre groupe visé. Par la suite, la lettre du 4 août a été mentionnée. Voici ce qui est précisé à la page 2 concernant la réforme des pensions:

En conséquence, je vous prierais bien respectueusement de convoquer une réunion du comité consultatif de la pension de la fonction publique sans conditions préalables afin que toutes les parties puissent aborder librement toute question jugée en suspens. Cela devrait être fait en prévision de la présentation par le Sénat de modifications approuvées au projet de loi C-78 et qui seraient acceptables pour le gouvernement, les fonctionnaires fédéraux et les retraités. En conséquence, il est urgent qu'une telle rencontre ait lieu avant la prochaine séance de travail du comité du Sénat.

Selon vous, que signifient les mots «sans conditions préalables»?

M. Halayko: Pour moi, «conditions préalables» signifie que l'on a déjà décidé de ce qui allait être fait et que peu importe les discussions, ces gens agiront à leur guise.

Je crois que vous avez demandé au président du Conseil du Trésor de reprendre le dialogue avec ces gens. Je ne me souviens d'aucune référence à des conditions préalables ni au sujet des discussions. Je crois comprendre que la discussion aurait porté entièrement sur le projet de loi C-78. Nous n'avons pas une pension, nous avons une pension de retraite, et il ne s'agit pas d'un excédent, mais d'un salaire différé. On a répété à plusieurs reprises qu'il s'agit d'un salaire différé ou d'épargnes en prévision de la retraite. Il ne s'agit pas d'un excédent. Ce sont nos fonds.

Dans son dernier rapport sur la situation de la Loi sur la pension de retraite, qui a été déposé avec neuf mois de retard, le ministre de la Défense nationale fait état d'un excédent des contributions versées de l'ordre de 4,6 milliards de dollars. Il s'agit maintenant de notre excédent, et non de l'excédent des contribuables, comme le gouvernement se plaît de le dire, et aussi de l'excédent des militaires et des agents de la GRC. Toutefois, on semble nous ignorer.

L'expression «conditions préalables» signifie que même s'il y a des pourparlers, on ne nous écoutera pas.

M. Jean-Guy Soulière, directeur exécutif, Association nationale des retraités fédéraux: Pour nous, l'expression «conditions préalables» signifie que le gouvernement ne veut pas que la question de l'excédent fasse l'objet d'une discussion. M. Daryl Bean a précisé très clairement ce matin qu'il était tout disposé à discuter et qu'il soulèverait la question de l'excédent. Ce message a aussi été transmis aux fonctionnaires du Conseil du Trésor. J'estime que l'expression «conditions préalables» s'applique uniquement à l'excédent.

Le sénateur Tkachuk: Le ministre Massé a adressé une lettre à notre président, le sénateur Kirby, et le Sénat a adopté une résolution basée sur cette lettre. J'aimerais entendre vos observations au sujet de cette lettre.

Voici ce que dit le quatrième paragraphe:

J'espère que vous ferez part au comité de l'intention sincère du gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la discussion avec les employés et les représentants des pensionnés reprenne le plus tôt possible en vue d'en arriver à une entente de cogestion pour l'avenir. Le travail a déjà été amorcé concernant la première étape de ce processus, soit l'établissement d'un comité consultatif renouvelé et renforcé.

Qu'est-ce que cela signifie pour vous? Je sais ce que j'y lis mais j'ai du mal à convaincre les membres du gouvernement de ce que tout cela signifie.

M. Soulière: Le nouveau comité consultatif est décrit dans le projet de loi C-78. Il s'agit d'un comité qui se veut renforcé.

Le sénateur Tkachuk: Selon vous, quelles étaient les intentions réelles du ministre quand il a rédigé ce paragraphe?

M. Soulière: Selon moi, il fait allusion au renforcement du comité consultatif dans le projet de loi.

Le sénateur Tkachuk: Que signifient les mots «les mesures nécessaires»?

M. Soulière: En vue des discussions?

Le sénateur Tkachuk: Oui. Si vous disiez cela, qu'est-ce que cela signifierait?

M. Soulière: Pour moi, cela voudrait dire qu'il y aurait établissement d'un ordre du jour et convocation d'une rencontre. Comme je l'ai dit, nous avons l'impression que le gouvernement est disposé à amorcer les négociations sur l'établissement d'un conseil de gestion des pensions, mais qu'il ne veut pas discuter de la question de l'excédent.

M. Halayko: Pour moi, cela signifie que tout est sujet à discussion.

Le sénateur Tkachuk: Pour moi, cela veut dire la même chose.

M. Halayko: Je suis ingénieur et non linguiste, mais pour moi cela signifie que tout peut être abordé et que rien ne s'est produit. Je me dis que quelque chose ne tourne pas rond quand je reçois une lettre deux jours après qu'il ne soit plus ministre responsable, une lettre dans laquelle il me dit ce qu'il entend faire en matière législative. Peut-être qu'il n'a pas été informé, qu'il n'a pas fait attention à ce qu'il signait ou qu'il n'a même pas vu la lettre, bien que sa signature y figure. Cela signifie que tout peut être discuté.

M. Soulière: Il y a un ordre chronologique pour ces lettres. Faites-vous référence à la lettre du mois d'août?

Le sénateur Tkachuk: Non, je parle de la lettre du 14 juin envoyée au comité, et qui explique pourquoi le Sénat a agi.

Je veux savoir ce que signifie pour vous l'expression «toutes les mesures nécessaires». Pour moi, cela signifie tout ce que je puis faire pour que l'on puisse trouver une solution au cours de l'été et, en autant que je sache, rien ne s'est produit cet été.

M. Halayko: Bien que je ne contribue plus, ils ont déjà mon argent, et ils le garderont.

En ce qui a trait à un comité consultatif, je puis vous conseiller de faire toutes sortes de choses, mais vous n'êtes pas tenu de m'écouter. Nous voulons faire partie de l'équipe de gestion. Je ne voudrais certainement pas commencer à investir notre part de 12 milliards de dollars. Je ne saurais même pas compter jusque-là. Toutefois, nous embaucherions les meilleurs cerveaux du monde pour se charger d'investir ces fonds de manière indépendante, sous réserve de vérifications, d'un examen par le vérificateur général et ainsi de suite. Rien de cela n'est précisé dans le projet de loi C-78. J'estime que ce projet de loi n'est qu'un instrument qui permet à l'État de s'approprier les 30 milliards de dollars.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Ma question porte sur la présentation de M. Guy, que j'ai seulement en anglais. Vous parlez du 13 milliards de dollars qui représenteraient un déficit dans la caisse de retraite dont on prétend aujourd'hui qu'il y a un surplus. Vous attribuez néanmoins cela à l'indexation, qui a été introduite dans le paiement des pensions. Dois-je comprendre de cette affirmation que la pension des retraités du gouvernement canadien est totalement indexée?

M. Soulière: Oui, c'est totalement indexé.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que c'est la règle générale, dans les entreprises canadiennes, que les caisses de retraite privées soient indexées, ou serait-ce une exception?

M. Soulière: Ce n'est pas une norme. Il faut préciser que l'indexation n'est pas gratuite, nous la payons. Un bénéfice est retiré du fait que tous les fonctionnaires paient, ils contribuent 1 p. 100 de leur salaire pour payer cette indexation. C'est donc un bénéfice comme les autres régimes de retraite peuvent avoir d'autres bénéfices, mais dans le cas de la Fonction publique et des deux autres régimes de caisses de retraite, c'est indexé parce que nous payons pour cela.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si on fait la comparaison, parce qu'il s'agit ici de fonds publics, est-ce qu'habituellement, dans les caisses de retraite privées, la contribution est de proportion 50/50, 70/30 ou 40/60?

[Traduction]

M. Keith Patterson, directeur exécutif adjoint, Association nationale des retraités fédéraux: Au fond, la réponse à cette question est que vous en avez pour votre argent. La plupart des régimes de pension du secteur privé ont des taux de contribution beaucoup plus faibles que ceux des régimes de pension de la fonction publique, des Forces canadiennes ou de la GRC. En conséquence, les retraités touchent des prestations plus faibles. Ces prestations plus faibles tiennent en partie au fait qu'elles ne sont pas indexées. Le coût de cette indexation a été prélevé à même le chèque de paie des employés ou dans le cadre de salaires moindres, comme M. Bean vous l'a expliqué plus tôt. Nous avons payé pour tout cela. Ce n'est pas un cadeau que le gouvernement nous fait ni rien de cette nature.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je comprends que la portion couverte par les employés n'est pas un cadeau, mais il reste quand même que l'employeur, selon les époques, y a contribué à partir de l'enveloppe générale du budget du gouvernement fédéral qui a gagné entre 30 et 40 p. 100 pour les employés et entre 60 et 70 p. 100 pour l'employeur.

Pour ma part, l'entreprise au sein de laquelle je travaillais, une entreprise qui faisait 500 millions de dollars de chiffre d'affaires, n'avait pas de régime de retraite. Cela ne coûtait pas cher à l'employeur puisqu'il n'y avait aucune contribution de la part de celui-ci. Ce n'est pas une règle, sauf pour les sociétés qui ont beaucoup d'années d'opération. Dans le secteur privé les contributions de l'employeur sont beaucoup plus élevées. Le travailleur donne donc moins et reçoit moins.

Est-ce que je comprends bien que, pour l'avenir, vous êtes d'accord avec la philosophie d'une contribution de proportion 50/50, ainsi que la participation au risque que peut comporter cette formule?

M. Soulière: Il nous faut préciser que nous représentons ceux qui sont déjà retraités. Les questions de contribution aux régimes de retraite concernent surtout les futurs retraités, et non pas les retraités du moment. Il appartient aux syndicats de faire les interventions et les représentations nécessaires sur la question des contributions immédiates. De notre côté, nous nous préoccupons surtout des avantages concernant les retraités.

Ce qui nous importe, par exemple, c'est que les retraités ont beaucoup contribué au surplus qui existe actuellement, vu leurs contributions préalables. De ce fait, plusieurs d'entre eux souffrent à cause de cette fameuse loi du 6 et 5 qui a été mentionnée à quelques occasions aujourd'hui et que le président du Conseil du Trésor, M. Massé, avait dit qu'il s'attarderait à revoir. Cela n'a pas encore été fait et nous en faisons d'ailleurs part dans notre présentation.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je sais que les gens que vous représentez sont déjà retraités, mais il y a un risque pour les gens même déjà retraités dans le cas d'une caisse de retraite que l'on dit de proportion 50/50. Il y a deux options: soit que les gens reçoivent moins ou qu'ils contribuent plus. Ce sont les fonctionnaires actuels qui devront compenser pour le déficit, parce que vos propres membres pourraient eux aussi être à risque si, au bout du compte, il y avait un déficit dans la caisse de retraite.

M. Soulière: Ce n'est pas vraiment cela parce que l'on parle d'un nouveau plan et d'un ancien plan. La loi et les bénéfices actuels, même si le projet de loi C-78 est adopté, ne concernent pas les retraités actuels, c'est certain. Lorsque le gouvernement fédéral a fait l'annonce, ils ont bien spécifié que les bénéfices ne seraient pas négativement touchés par l'introduction de cette loi.

Le sénateur Hervieux-Payette: Donc les représentations qui sont faites le sont strictement en fonction d'une caisse de retraite qui n'existe pas, mais des 30 milliards de dollars qu'on considère comme étant un montant qui a été mis dans les comptes publics du Canada, avec lequel vous dites que l'on pourrait améliorer le sort des retraités?

M. Soulière: On pourrait par exemple améliorer le sort des veuves ou des survivants qui reçoivent en moyenne une pension de 9 000 dollars par année. Lorsqu'on dit qu'il y a un surplus de 30 milliards de dollars, c'est très difficile pour ces personnes d'accepter qu'elles ne reçoivent que 9 000 dollars. Le 30 milliards de dollars, c'est comme si de l'argent avait été mis en banque, qu'il y a un surplus, donc des intérêts qui sont perçus. Nous avons droit à ces intérêts.

Le sénateur Hervieux-Payette: S'il y avait eu une injustice, comme vous le mentionnez, cela remonterait à quel moment?

M. Soulière: L'injustice du six et cinq remonte à 1982.

Le sénateur Hervieux-Payette: Est-ce que des actions juridiques devant les tribunaux ont été prises depuis ce temps?

M. Soulière: Des actions ont été prises par des employés à un moment donné. Immédiatement après l'adoption de cette loi, un des syndicats a intenté une action en cour contre le gouvernement disant que celui-ci ne pouvait pas appliquer la loi sur les bénéfices.

Lorsque le gouvernement a vu la possibilité qu'il perde cet argument en cour, ils ont décidé de donner un meilleur bénéfice à tous les employés pour compenser pour ce qu'ils avaient pris du six et cinq. Cette même mentalité n'a pas été appliquée à ceux qui travaillaient au gouvernement durant ces années et qui auraient dû recevoir les mêmes bénéfices. C'est l'injustice qu'on dit exister depuis ce temps.

[Traduction]

M. Halayko: On a mentionné d'autres régimes. Il y a la Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario, qui est probablement le troisième régime de pension en importance au pays. Il est indexé et plafonné à six pour cent, mais si le coût de la vie augmentait de six pour cent, les prestataires continueraient de recevoir six pour cent jusqu'à ce qu'ils aient rattrapé l'augmentation. Quant à nous, nous avons tout perdu avec la règle des six et cinq. La caisse de retraite correspond au même système que celui que nous avons, mais elle est gérée par des personnes indépendantes des cotisants et du gouvernement. La caisse a enregistré un excédent. Qu'a-t-on fait? Tous les cotisants ont eu congé de contribution et les bénéficiaires ont touché une prime.

Dans notre cas, il reste 12 milliards de dollars dans le compte de pension de retraite des forces armées après que l'on nous ait volé 4,6 milliards de dollars, et on veut également s'emparer de ce montant. Puis, à compter de l'an 2003, on nous dira qu'il n'y a plus d'argent et qu'il nous faut payer davantage. Entre-temps, on nous a promis que nous continuerions de recevoir ce que nous touchons maintenant. Toutefois, quand on s'attarde à la feuille de route des divers gouvernements, on se rend compte qu'ils ont cherché à désindexer notre pension de retraite. Il a fallu se battre avec vigueur. Ils ont tenté d'apporter toutes sortes de changements sans nous consulter.

Je dois le dire bien franchement -- et je me reporte à mes observations sur la confiance --, nous ne faisons plus confiance à personne. Il n'y a aucune garantie que dans trois ans un autre gouvernement insensible -- parce que nous avons eu le même problème concernant la Sécurité de la vieillesse, comme ceux qui ont participé aux débats s'en souviendront -- dira qu'il récupère tout, que nous n'avons rien payé. Nous savons que ces montants ont été versés. Peu importe quel gouvernement l'a fait, c'est un gouvernement qui l'a fait. Nous ne pouvons faire confiance à personne.

Le président: Je vous remercie de cette observation. Je crois qu'il est maintenant approprié de laisser la parole à un ex-ministre de ce gouvernement insensible et de demander au sénateur Kelleher de poser ses questions.

M. Guy: J'aimerais faire une observation avant de passer aux questions. La mention d'un congé de contribution sème la terreur chez nous parce que comme pensionnés, nous ne bénéficions aucunement d'un congé de contribution.

Le sénateur Kelleher: Je ne vais pas tenir compte des remarques précédentes du président. Je sais qu'il n'était pas sérieux.

Dans ses commentaires, M. Halayko a fait référence à Mme Campbell en disant qu'elle avait quelque chose à voir avec les poursuites en justice qui ont été entamées. En conséquence, ma question s'adresse à elle.

Le président: S'agit-il des deux causes à laquelle on a fait référence hier soir sous le nom Krause?

Mme Fiona Campbell, conseillère juridique, Association canadienne des pensionnés et rentiers militaires/Association nationale des retraités fédéraux: C'est exact, monsieur le président.

Le sénateur Kelleher: Selon vous, quelles seraient les conséquences de l'adoption du projet de loi sur ces deux poursuites judiciaires?

Mme Campbell: Au plan légal, la poursuite pourrait toujours avoir gain de cause. Malheureusement, selon nous, le résultat correspondrait probablement à ce que M. Bean décrivait plus tôt. Si nous avons gain de cause et que les montants prélevés sont remis dans la caisse, le gouvernement pourrait décider de les retirer de nouveau. À moins d'une contestation réussie du projet de loi C-78, les poursuites ne seraient probablement pas très utiles d'un point de vue pratique, à toutes fins utiles.

Le sénateur Kelleher: Pourriez-vous exprimer une opinion sur le caractère moral de ce gouvernement qui souhaite l'adoption de ce projet de loi si tel est l'effet qu'il pourrait avoir sur les poursuites judiciaires déjà en cours?

Mme Campbell: De toute évidence, nous estimons que son intention est tout à fait inappropriée et préjudiciable aux poursuites et que cette assemblée n'est probablement pas l'endroit idéal pour débattre de la question.

Le sénateur Kelleher: Je crois que vous étiez présente ce matin quand M. Bean a répondu aux questions. Il a fait état d'une poursuite que son organisme envisage en cas d'adoption du projet de loi C-78. En clair, cela signifie une contestation juridique du projet de loi C-78. Quel effet aurait l'adoption de ce projet de loi sur une telle poursuite?

Mme Campbell: Je crois qu'il parlait d'une poursuite pour contester le projet de loi C-78 en ce qui a trait au traitement de l'excédent. S'il avait gain de cause dans sa poursuite, je crois que le tribunal pourrait invalider une partie ou la totalité du projet de loi C-78.

Je ne connais pas les détails exacts de la façon dont il entend déposer son action, mais je suppose que c'est ce qui se produirait.

Le président: Je vous remercie, mesdames et messieurs. Nous apprécions le temps que vous nous avez consacré.

Parmi les personnes qui assistent à nos travaux ce matin, se trouve le Dr John Fitzpatrick, que je connais depuis fort longtemps. Bien que son nom ne figure pas sur notre liste de témoins, j'aimerais qu'il nous entretienne du contexte de la question dont nous débattons. Il a été économiste à l'IPFPC, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, à l'époque où le comité mixte spécial de la Chambre et du Sénat a lancé, en 1967, la création du régime de pension de la fonction publique. J'aimerais qu'il commente certaines références historiques qui ont été faites ici ce matin.

Monsieur Fitzpatrick, pourriez-vous situer le contexte historique afin de jeter un peu de lumière sur les observations que nous avons entendues? Pourriez-vous faire un commentaire ou deux du point de vue de quelqu'un qui a été partie au tout début de la négociation collective et, ultimement, de la clause d'indexation des pensions de la fonction publique?

M. John M. Fitzpatrick, témoignage à titre individuel: Monsieur le président, si on exclut les travaux de votre comité, le comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat, créé en 1967, a probablement traité de l'un des dossiers les plus importants en ce qui a trait aux régimes de pension de la fonction publique.

À la base, les deux mesures ont été proposées à la suite des résultats des travaux de ce comité. L'une était ce que nous appelons aujourd'hui «l'indexation» ou clause d'échelle mobile. L'autre est ce que nous connaissons sous la désignation «négociation collective».

Quand il a été question de l'indexation, comme il est indiqué à la page 1467 du compte rendu des travaux, on disait:

[...] ce comité a été constitué à cette date tardive afin d'examiner le problème de ceux et celles qui sont actuellement à la retraite et qui touchent des pensions qui sont considérées, dans certains cas du moins, comme insuffisantes [...]

Avant 1967, il n'y avait pas d'indexation. De fait, en 1967, les comptes de la fonction publique affichaient un déficit important. Pourtant, le comité est allé de l'avant en recommandant un système de négociation collective et l'indexation des pensions.

J'attire votre attention sur cet aspect, honorables sénateurs, parce que les risques et la politique du Conseil du Trésor sont interreliés. Il est difficile de définir l'un sans avoir au moins une certaine connaissance de l'autre.

Avant 1967, la politique du Conseil du Trésor sur les taux d'intérêt était de s'en tenir à un taux supposément «actuariel». Du point de vue du marché, cela correspond à un taux fictif, mais il a une assise. Le taux d'intérêt appliqué au compte était de un pour cent par trimestre ou de quatre pour cent par année. L'application de ce taux d'intérêt au fil des ans s'est avérée trop faible, ce qui a entraîné des déficits.

À la suite de recommandations du comité Bourget-Richard, le Conseil du Trésor a modifié sa politique. Il l'a modifiée relativement au contenu des témoignages formulés à cette époque. J'ai joué un rôle dans cette démarche. Ma proposition, qui bénéficiait de l'appui des autres membres du comité, était d'abandonner le taux d'intérêt actuariel, qui ne donnait pas de résultat, et d'adopter une autre base de calcul. À cette époque, nous proposions d'adopter le taux d'intérêt à long terme des obligations d'épargne. La différence était importante. Même à cette époque, le taux actuariel était de quatre pour cent et le taux d'intérêt à long terme des obligations du gouvernement était de l'ordre de 12 p. 100. Un taux composé de quatre pour cent par rapport à 12 p. 100, voilà toute une différence.

Toutefois, le Conseil du Trésor a pris une décision qui revêt une importance pour les travaux de votre comité. Il a décidé de verser 1,5 p. 100 par trimestre, c'est-à-dire 6 p. 100 dans la caisse en vue du paiement des pensions. La différence, c'est-à-dire ce qu'il reste entre 6 p. 100 et 12 p. 100, servirait à rembourser le déficit.

Cela a été mis en place vers 1967-1968. Dès 1990, tout le déficit avait été remboursé et grâce à l'intérêt à long terme composé au cours d'une période de 10 ans, le compte est passé à un excédent de 30 milliards de dollars.

Je veux vous signaler ici que la notion de risque est directement reliée à la politique du Conseil du Trésor. Au moment de l'adoption de la politique pour que les taux d'intérêt correspondent à un taux actuariel de quatre pour cent -- et le compte affichait déjà un déficit -- le Conseil du Trésor a dit qu'il y avait un déficit. Toutefois, c'est le Conseil du Trésor qui établit et fixe les taux d'intérêt. Quand il a décidé d'opter pour les taux d'intérêt obligataires à long terme, à la demande du comité dirigé par MM. Maurice Bourget et Jean Richard, tout a changé.

Honorables sénateurs, posez-vous la question suivante: De quoi parlons-nous? Parlons-nous réellement de risque? Ou parlons-nous plutôt des résultats de décisions de politique? Avant 1967, la décision de politique était de verser le plus faible taux d'intérêt possible. Par la suite, elle a été de payer un intérêt correspondant au taux des obligations à long terme. La capitalisation des deux est ce qui fait toute la différence au monde. Est-ce que ce risque était, en premier lieu, une politique douteuse du Conseil du Trésor et peut-être, en second lieu, une politique de paiement d'un taux d'intérêt supérieur à ce que le compte méritait vraiment?

Le président: Je crois comprendre que le sénateur Tkachuk proposera une motion.

Le sénateur Tkachuk: Nous éprouvons des difficultés quant à la façon de poursuivre nos travaux. À la lumière des témoignages, il n'y a pas grand-chose à rapporter, même si on nous a demandé de superviser les négociations qui pourraient avoir lieu entre le gouvernement et les parties intéressées.

Le président: C'est parce qu'il n'y a pas eu de négociation.

Le sénateur Tkachuk: C'est exact. Le problème est que les membres de notre caucus estiment que la motion a été déposée et adoptée au Sénat en juin parce que la lettre du ministre précisait qu'il chercherait à prendre «toutes les mesures nécessaires». Par contre, il semble y avoir désaccord quant au témoignage de la ministre hier soir. Quant à moi, la question est claire. Notre intention n'est pas de soutenir le projet de loi. Nous aimerions que l'on tienne un vote par appel nominal afin de nous opposer au projet de loi.

Le président: Aucune motion n'a encore été déposée. Voulez-vous faire une observation ou présenter une motion?

Le sénateur Kenny: Je propose l'adoption du projet de loi. Le sénateur Tkachuk a décrit sa position avec beaucoup de clarté. Je crois que les sénateurs de ce côté-ci de la table aimeraient que le projet de loi soit reporté et renvoyé au Sénat dès la rentrée. Je fais une motion à cet effet, monsieur le président.

Le sénateur De Bané: Je seconde la motion.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il faire des observations avant que nous prenions le vote? Pour ma part, je souhaite commenter.

Avant de voter sur la motion, ai-je raison de supposer que si elle est acceptée, comme c'est souvent le cas pour notre comité, il y aurait un ensemble d'observations concernant le projet de loi? Si tel est le cas, comme c'est l'habitude pour notre comité, la formulation de ces observations serait-elle laissée au président et au vice-président?

Le sénateur De Bané: C'est-à-dire le sénateur Tkachuk et vous-même.

Le sénateur Tkachuk: C'est ce que nous aimerions faire. En autant que ce soit clair, monsieur le président, nous avons notre point de vue sur ce qui se passe ici. S'il y avait désaccord, nous aurions un rapport minoritaire.

Le président: J'ai dit que cela est parfaitement juste. J'ai dit au sénateur Tkachuk que lui et moi mettrions un bémol à notre allégeance libérale dans nos observations et que nous préparerions des observations ou des commentaires en étant parfaitement conscients qu'en bout de ligne, nous ne favoriserions pas une division trois contre deux, mais bien que nous travaillerions conjointement. Si, en bout de ligne, vous n'êtes pas satisfait, il y aura un rapport minoritaire. Je n'ai pas d'objection à cette approche.

Le sénateur Kenny: Les sénateurs de ce côté-ci de la table aimeraient également faire des observations.

Le président: Au nom de votre côté de la table, je tenterai de négocier des observations qui, selon le sénateur Tkachuk et moi-même, reflètent les deux points de vue. Si cela n'est pas possible, il y aura deux ensembles d'observations et les deux feront partie du rapport.

Le sénateur Tkachuk: Il s'agit là d'une question de procédure. Nous convenons tous que notre rapport précédent en fera partie, avec des instructions supplémentaires à l'intention du Sénat.

Le président: Cela étant dit, vous plaît-il d'adopter la motion déposée par le sénateur Kenny, selon laquelle le projet de loi C-78 devrait être adopté et soumis au Sénat sans modification, mais accompagné d'observations?

Je compte six sénateurs qui y sont favorables, et cinq qui s'y opposent. La motion est adoptée.

La séance est levée.


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