Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Banques et du commerce
Fascicule 56 - Le vingt-huitième rapport du comité
Le MARDI 7 septembre 1999
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son
VINGT-HUITIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-78, Loi constituant l'office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et modifiant la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur la continuation de la pension des services de défense, la Loi sur la continuation des pensions de la Gendarmerie royale du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires, la Loi sur la Société canadienne des postes et une autre loi en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 17 juin 1999, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
MICHAEL KIRBY
(28e rapport) ANNEXE
PROJET DE LOI C-78, LOI CONSTITUANT L'OFFICE D'INVESTISSEMENT DES RÉGIMES DE PENSIONS DU SECTEUR PUBLIC:
PRÉOCCUPATIONS CONSTANTES DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE
Le 15 juin 1999, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce déposait son Vingt-septième Rapport, sur le projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public. Même s'il ne proposait aucune modification, le Comité exprimait dans son rapport les préoccupations de ses membres relatives à divers aspects de ce projet de loi. Le Comité exprimait son point de vue sur le comité de cogestion, l'appartenance des excédents des régimes de pensions, l'accès à l'information, la Société canadienne des postes, un examen réglementaire et les prestations au survivant pour les partenaires conjugaux de même sexe.
Les observations qui suivent, fondées sur les séances du Comité des 23 et 24 août 1999, s'ajoutent à celles du 27e rapport du comité en date du 15 juin 1999. Le Comité tient à souligner que les problèmes dégagés dans son rapport de juin continuent à préoccuper ses membres.
UN COMITÉ DE COGESTION ET UNE ENTENTE DE PARTAGE DES RISQUES
Dans son rapport de juin 1999, le Comité recommandait:
Que le Conseil du Trésor reprenne immédiatement les pourparlers avec les représentants des retraités et des employés de la fonction publique fédérale afin de conclure une entente de partage des risques et de cogestion mutuellement acceptable en matière de régimes de pensions de la fonction publique. Cette entente devrait ressembler à celle conclue par les parties avant l'interruption des pourparlers en décembre 1998 et devrait établir clairement la relation entre le comité de cogestion des pensions et l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public qui est proposé.
Le Comité recommandait également:
Que l'utilisation des éventuels excédents des régimes de pensions de la fonction publique fasse l'objet d'une décision du comité de cogestion des pensions, nonobstant les dispositions du projet de loi C-78.
Un comité de cogestion des pensions est un élément important des deux recommandations ci-dessus. La première recommandation découle en partie d'un engagement donné par écrit au Comité par l'ancien président du Conseil du Trésor au nom du gouvernement. Le gouvernement s'engageait ainsi à reprendre les pourparlers avec les syndicats de la fonction publique fédérale en vue d'établir un comité de cogestion des pensions et une entente de partage des risques. Même si toutes les parties pertinentes ont exprimé leur désir d'entamer ces pourparlers, le Comité sait que non seulement une entente n'a-t-elle pas été conclue mais aussi qu'il n'y a pas eu de discussions depuis le dépôt de son rapport en juin.
Au cours de ses audiences sur le projet de loi C-78, le Comité s'est fait expliquer la nature générale des pourparlers entre le Conseil du Trésor et les syndicats de la fonction publique fédérale au sujet des modifications proposées à la Loi sur la pension de la fonction publique. Nous avons appris que, même si les deux parties se sont entendues sur un comité de cogestion des pensions, les pourparlers ont achoppé en décembre 1998 au sujet de l'appartenance de l'excédent actuel du régime de retraite. Des témoins, notamment des syndicats, ont soutenu que le Conseil du Trésor a accepté l'idée d'un comité de cogestion des pensions à condition que le gouvernement contrôle les excédents actuels des régimes de pensions de la fonction publique fédérale.
Le Comité est profondément perturbé par l'absence continue d'une entente sur un comité de cogestion des pensions et sur la gestion des risques, d'autant plus que notre rapport de juin 1999 indiquait qu'un grand nombre de nos préoccupations relatives au projet de loi C-78 seraient dissipées si les parties parvenaient à s'entendre sur cette question. Avant le début du congé d'été en juin, le Sénat a adopté une motion qui renvoyait le projet de loi C-78 au Comité des banques et du commerce afin que ce dernier puisse surveiller les discussions auxquelles faisait allusion la lettre de l'ancien président du Conseil du Trésor qui était annexée au Rapport déposé par le Comité en juin 1999. À ce moment-là, de nombreux sénateurs espéraient que le Conseil du Trésor et les syndicats de la fonction publique fédérale parviendraient à s'entendre sur cette question. Ces espoirs ne se sont pas matérialisés, et le Comité est à la fois déçu et frustré. En juin 1999, nous pensions que les deux parties -- le gouvernement et les représentants des membres du régime -- désiraient sincèrement entreprendre des pourparlers significatifs afin de parvenir à cette entente, mais cela n'a pas encore eu lieu.
Le Comité croit que les discussions ne se sont pas poursuivies cet été en raison de l'imposition apparente d'une condition préalable par le gouvernement et par les membres des régimes quant à savoir si l'excédent actuel du régime serait visé ou non par les pourparlers. Le capitaine M. R. Sjoquist, coprésident du Conseil national mixte, a déclaré dans une lettre adressée le 28 juin 1999 au président du Conseil du Trésor de l'époque, M. Marcel Massé, que « les pourparlers ne pourraient reprendre sans une entente de négociation de l'excédent des caisses de retraite ». Exprimant le point de vue du gouvernement dans une lettre adressée le 25 juin 1999 à M. Daryl Bean, président national de l'Alliance de la fonction publique du Canada, le président du Conseil du Trésor déclarait que la position du gouvernement sur l'utilisation des excédents actuels restait inchangée. Étant donné que le gouvernement avait assumé tous les risques financiers puisqu'il était le seul répondant du régime, tout «avantage» résultant de ces risques devait être remis aux contribuables du Canada. Une minorité de membres du Comité sont désormais fermement convaincus que le gouvernement n'a pas vraiment tenté de reprendre les pourparlers après la résolution adoptée au Sénat en juin 1999, et ils ne sont donc pas optimistes que des efforts sincères seront déployés à l'avenir, en particulier à la lumière des lettres de M. Bean et du capitaine Sjoquist, datées respectivement du 3 et du 4 août 1999, qui sont annexées au présent rapport.
En outre, le Comité a été informé que, lorsque les négociations ont achoppé en décembre 1998, même si une entente de principe était intervenue, toutes les modalités du comité de cogestion des pensions n'avaient pas été établies. De plus, les représentants des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada n'ont pas participé à ces pourparlers. Il faut établir ces modalités et négocier avec les Forces canadiennes et la GRC, avant que des modifications puissent être apportées au projet de loi C-78.
Aux séances les plus récentes du Comité, la présidente du Conseil du Trésor a déclaré: «... aussitôt qu'un accord final de gestion conjointe des régimes de retraite de la fonction publique sera conclu à la satisfaction de toutes les parties, je veillerai à déposer le plus rapidement possible les dispositions législatives requises pour la mise en <#0139>uvre du cadre de gestion conjointe». En outre, dans une lettre adressée le 20 août 1999 aux sénateurs Kirby et Tkachuk, la présidente du Conseil du Trésor indiquait que le projet de loi C-78 est la première et non la dernière étape de la réforme et qu'un cadre de cogestion du régime de pension de la fonction publique est la seule option qui placera le régime sur des assises solides pour l'avenir. Le Comité a l'intention de surveiller de près ces discussions.
En attendant, la majorité des membres du Comité est favorable à l'adoption du projet de loi C-78 dans sa forme actuelle. Tous les membres du Comité sont fortement en faveur de la négociation d'un comité de cogestion des pensions et d'une entente sur le partage des risques et souhaiteraient que le projet de loi C-78 puissent intégrer les caractéristiques essentielles d'un tel comité convenues par les parties en décembre 1998. De ce point de vue, nous attendons avec impatience les modifications législatives promises lorsque les pourparlers auront abouti.
Même si la majorité des membres du Comité continuent de croire que le gouvernement devrait contrôler l'excédent actuel des régimes de pensions, tous les membres du Comité sont d'avis que l'utilisation des excédents futurs, le cas échéant, devrait être décidée par le comité de cogestion des pensions.
APPARTENANCE DES EXCÉDENTS DÉGAGÉS PAR LES RÉGIMES DE PENSIONS
En ce qui concerne l'appartenance des excédents des régimes de pensions, le Comité réitère les observations qu'il a faites dans son rapport de juin 1999. La majorité des membres du Comité continuent de croire que, parce que l'employeur, en l'occurrence, le gouvernement, a assumé la responsabilité des déficits des régimes, il devrait aussi, logiquement, avoir droit aux excédents dégagés par ces régimes. L'ensemble du Comité continue de croire que tout excédent futur devrait être partagé uniquement si les déficits futurs le sont eux aussi.
Plusieurs membres du Comité continuent toutefois de penser que l'employeur ne devrait pas avoir unilatéralement accès aux excédents actuels et que l'utilisation de ces excédents devrait être négociée entre les parties. Une suggestion faite dans le rapport de juin 1999 consistait à effectuer un partage au prorata des cotisations aux régimes de pensions versées par l'employeur et par les employés. Plusieurs membres du Comité estiment par ailleurs que les dispositions de la Loi sur les normes des prestations de pension de 1985 devraient s'appliquer au gouvernement fédéral lui-même.
Quelques membres du Comité n'acceptent pas que, comme il a assumé tous les risques passés, le gouvernement a droit à l'excédent actuel; ils croient plutôt que le gouvernement n'a jamais assumé tous les risques de quelque régime que ce soit. À l'appui de cette position, ces membres du Comité rappellent certains témoignages concernant les majorations passées des taux de cotisation. Les avoirs résultant de ces hausses auraient pu compenser les déficits des régimes ou financer des mécanismes d'amélioration des régimes comme l'indexation. Malgré les limites prévues dans le projet de loi C-78 concernant les hausses futures des taux de cotisation, une minorité de membres du Comité craignent que le gouvernement utilise délibérément son pouvoir de modifier les taux de cotisation pour créer des excédents don't il pourrait ensuite s'emparer.
LES FORCES CANADIENNES ET LA GENDARMERIE ROYALE
Le Comité est indigné que les membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada n'aient pas été consultés sur les modifications proposées à leurs régimes de pensions, d'autant plus que notre rapport de juin 1999 indiquait qu'il fallait trouver un moyen de les inclure formellement aux discussions sur un comité de cogestion des pensions et une entente de partage des risques. Les représentants des membres de la GRC, en particulier, ont présenté des arguments convaincants au Comité au sujet de questions comme le traitement des membres civils à temps partiel et la définition de «rémunération».
De l'avis des membres du Comité, il faut songer sérieusement à inclure les membres à temps partiel de la GRC dans le Régime de pensions de retraite de la Gendarmerie royale, étant donné que les employés à temps partiel dans la fonction publique fédérale sont inclus dans le Régime de pensions de retraite de la fonction publique. En outre, vu que les membres civils travaillent côte à côte avec les membres réguliers de la GRC, toute différence entre les régimes de pensions de chaque groupe devrait être examinée afin de s'assurer qu'elle peut se justifier. C'est notamment le cas des dispositions relatives à la retraite anticipée. Quant à la façon dont le terme «rémunération» est défini, la rémunération d'intérim devrait être incluse, vu son importance comme poste de rémunération.
De l'avis du Comité, les régimes de pensions des membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada doivent être adaptés à la situation particulière de ces groupes, et le Comité demande au gouvernement d'entreprendre immédiatement avec eux des consultations approfondies et de grande envergure. Le Comité surveillera la nature et la portée de ces pourparlers.
De façon plus générale, le Comité est fermement convaincu que chaque fois que des groupes d'employés sont visés et que ces groupes ont des préoccupations particulières, il est préférable de prendre à leur égard des mesures législatives distinctes. C'est la seule façon d'exposer correctement la situation particulière de chaque groupe, d'en discuter et d'en tenir compte. Dans le cas du projet de loi C-78, par exemple, nous croyons que les préoccupations des membres des Forces canadiennes et de la GRC et des employés de la Société canadienne des postes auraient été mieux prises en considération si les régimes de retraite de ces groupes avaient été modifiés par des projets de loi distincts plutôt que par le projet de loi C-78.
L'ÉLARGISSEMENT DES PRESTATIONS AU SURVIVANT
Le projet de loi C-78 élargirait les prestations de survivant aux partenaires conjugaux de même sexe. Même si le Comité reconnaît que cette disposition a été incluse, en partie, pour se conformer à un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, nous répétons notre recommandation de juin 1999 que le gouvernement examine la possibilité d'élargir les prestations aux cas où il existe une situation de dépendance économique et pas seulement aux partenaires de même sexe. Lorsqu'elle a témoigné devant le Comité, la présidente du Conseil du Trésor a reconnu la nécessité de se pencher sur cette question. Elle a indiqué également que, même si le gouvernement n'a pas encore établi comment et quand se déroulera le débat sur cette question, il faut trouver une façon de faire participer les Canadiens à ce débat. Le Comité surveillera de près les progrès dans ce domaine.
CONCLUSION
Bien que le Comité fasse rapport sur le projet de loi C-78 sans modification, une minorité de membres du Comité croient que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-78 ne devrait pas être adopté. D'importantes préoccupations n'ont pas été dissipées dans certains domaines. Une minorité de membres du Comité sont troublés par le fait que le gouvernement préférerait régler certaines questions en suspens après l'adoption du projet de loi C-78, en déposant d'autres amendements à une date ultérieure. Malgré le désir de la majorité des membres du Comité d'adopter le projet de loi C-78 sans modification, une minorité de membres auraient préféré que le projet de loi actuel intègre les caractéristiques essentielles d'un comité de cogestion et d'une entente sur le partage des risques ayant fait l'objet de négociations et qu'il dissipe les préoccupations particulières des membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada.
Le Comité a achevé ses audiences en juin 1999 relatives au projet de loi C-78 sur un engagement du précédent président du Conseil du Trésor en vue de reprendre les pourparlers avec les représentants des employés et des retraités au sujet d'un mécanisme de cogestion, mais les parties n'ont pas encore entrepris ces discussions. Nos audiences d'août 1999 relatives au projet de loi se sont achevées sur un engagement de la présidente actuelle du Conseil du Trésor au sujet de futures modifications législatives visant à mettre en <#0139>uvre les modalités d'un comité de cogestion et d'une entente de partage des risques à la satisfaction de toutes les parties. Le Comité exercera des pressions pour que ce projet de loi soit déposé au plus tôt.
Le Comité réitère qu'un comité de cogestion des pensions est sa solution préférée pour l'avenir. Nous rappelons toutefois l'observation faite dans notre rapport de juin 1999 que, faute d'entente, certains membres du Comité estiment qu'il faudrait mettre en <#0139>uvre des mécanismes de sauvegarde supplémentaires pour protéger les intérêts des contribuables et des membres des régimes, notamment charger le vérificateur général de faire office de vérificateur responsable au premier chef du fonds, veiller à ce qu'une majorité des membres de l'Office d'investissement des régimes de pensions proposé détiennent des connaissances suffisantes en matière de gestion des fonds de pension, exiger que l'Office proposé reste en liaison avec l'actuaire pour comprendre la nature et l'échéancier des éléments de passif des régimes et accroître l'information pouvant être exigée de l'Office et du comité de cogestion des pensions par les membres des régimes.
Le Comité réitère également sa recommandation de juin 1999 que le président du Conseil du Trésor mette sur pied un examen parlementaire du fonctionnement de l'Office d'investissement des régimes de pensions proposé au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur du projet de loi C-78. Vu l'acrimonie qui semble exister actuellement entre le Conseil du Trésor et les représentants des membres des régimes, nous croyons que l'examen parlementaire proposé devrait être élargi pour inclure toutes les questions préoccupant les parlementaires chargés de cet examen, y compris l'efficacité des comités consultatifs sur les pensions proposés dans le projet de loi C-78.