Aller au contenu
BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 2 novembre 1998

Le sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 08 pour poursuivre son étude de l'état actuel et futur de l'exploitation de la forêt boréale au Canada.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins, qui représentent l'Association canadienne des pâtes et papiers. Si je comprends bien, le sigle RPF correspond à «Registered Professional Forester».

Vous avez la parole.

M. David Barron, premier vice-président, Environnement, Ressources et technologie, Association canadienne des pâtes et papiers: Merci de votre invitation. L'ACPP est l'association nationale qui représente à l'échelle du pays le secteur des pâtes et papiers sur différentes questions de politiques publiques ainsi que dans un certain nombre d'autres domaines.

Les entreprises qui sont nos membres sont généralement de grande taille et intégrées. Nombre d'entre elles opèrent aussi dans le secteur du bois d'oeuvre, mais nous ne les représentons pas dans cette spécialité. Je crois savoir que vous allez visiter demain la Miramichi et rencontrer l'un de nos membres qui est une entreprise intégrée. C'est un voyage qui devrait vous plaire.

Nous allons aborder un certain nombre de sujets. Nous commencerons toutefois par vous donner un aperçu général de la situation dans laquelle se trouvent nos secteurs, d'abord sur le plan économique et écologique, puis d'un point de vue forestier.

Fiona Cook, qui est économiste, commencera par faire le compte rendu de la situation économique.

Le président: Avant que l'on commence, j'aimerais avoir une précision. Est-ce que les membres de l'Association canadienne des pâtes et papiers font la coupe et le débardage du bois ou est-ce qu'ils se contentent de transformer le bois en pâte?

M. Barron: Les situations sont diverses mais, pour la plupart, nos membres sont des grosses entreprises à intégration verticale allant de la coupe en forêt jusqu'aux scieries et qui, bien souvent, font venir les copeaux pour les transformer en pâtes et papiers.

Le président: Il est donc rare que vos membres aient de petites coupes de bois ou des concessions forestières et vendent leur bois aux usines de pâtes à papier?

M. Barron: Non, ce genre d'exploitant va le plus souvent travailler pour le compte de l'un des membres de notre association.

Mme Fiona Cook, vice-présidente, Commerce international et relations gouvernementales: Je crois savoir que votre comité tient des audiences depuis maintenant un an environ. Je suis sûre qu'après avoir consulté tout au long de cette année les différentes parties prenantes, vous avez appris que les forêts faisaient partie intégrante du développement de l'économie canadienne au cours de l'histoire. Elles jouent aussi un rôle important dans la mentalité canadienne.

Les gouvernements, l'industrie et l'ensemble de la société doivent s'efforcer en permanence de maintenir un certain équilibre entre la valeur économique et la valeur sociale de la forêt. J'évoquerai brièvement le rôle joué par notre secteur, qui est l'un des grands moteurs de l'économie canadienne.

Le secteur de l'exploitation forestière est à n'en pas douter le principal employeur au Canada, puisqu'il emploie, directement et indirectement, 1 million de personnes à l'échelle du pays. Nous calculons qu'un quart de million de ces emplois correspondent à ce que nous appelons des emplois directs. En appliquant un coefficient multiplicateur de trois, nous en déduisons qu'il y a 750 000 emplois indirects. Cela signifie qu'un emploi sur 12 au Canada se trouve dans le secteur de l'exploitation forestière.

Chaque année, les entreprises du secteur exploitent quelque 190 millions de mètres cubes de bois, sur une possibilité de coupe annuelle totale de 230 millions de mètres cubes. Elles en tirent des produits d'une valeur de quelque 55 milliards de dollars qui se décomposent en 61 millions de mètres cubes de bois, 8 millions de mètres cubes de panneaux en bois et 30 millions de tonnes de pâtes et papiers.

Il est important de signaler que c'est le bois et les panneaux qui constituent la majeure partie de la production annuelle de notre secteur. Près des deux tiers des fibres utilisées pour les pâtes et papiers sont des déchets de scierie.

Étant donné les quantités produites et la taille relativement réduite du marché canadien, il n'est pas surprenant de constater que notre industrie est largement tributaire des marchés internationaux. Quelque 70 p. 100 de la production de notre secteur est exportée, la moitié environ à destination des États-Unis.

L'année dernière, le secteur de l'exploitation forestière a rapporté pas moins de 31 milliards de dollars de devises à l'économie canadienne. C'est un chiffre impressionnant, et c'est bien normal pour un secteur qui depuis 75 ans est le plus gros exportateur de produits forestiers dans le monde. Nous ne sommes pas le plus gros producteur forestier au monde, mais nous sommes le plus gros exportateur.

Nous avons un tableau qui fait état de la contribution nette à la balance commerciale; soit les exportations moins les importations. Sans l'énorme contribution des produits forestiers, il est indéniable que la balance commerciale du Canada ainsi que l'ensemble de son économie en souffriraient. Sans notre secteur, notre balance commerciale aurait été déficitaire l'année dernière.

Le président: Pourquoi êtes-vous si modeste et pourquoi n'englobez-vous pas les pâtes et papiers dans les produits forestiers? Est-ce que ce graphique est incomplet?

Mme Cook: Non. J'aurais dû le préciser. Ce chiffre de 31 englobe les pâtes et papiers. Ce n'est pas un graphique cumulatif. Les pâtes et papiers entrent pour un peu plus de la moitié.

Le sénateur Spivak: C'est le pourcentage des exportations. Quel est le pourcentage représenté par le secteur forestier dans les exportations? Quel est le pourcentage représenté par le secteur forestier dans notre économie? Quel est le pourcentage que représente le secteur forestier dans notre commerce à l'exportation? Quel est son pourcentage par rapport à l'économie?

Mme Cook: Les pâtes et papiers représentent 3,5 p. 100 du PNB. L'ensemble de l'exploitation forestière doit se situer à quelque 6 p. 100 du PNB annuel.

Le sénateur Spivak: Vous ne savez pas ce que ça représente par rapport aux exportations?

Mme Cook: Non, parce que nous avons tendance à raisonner en chiffres absolus.

Le sénateur Spivak: Les communications, par exemple, occupent une plus grande place que l'exploitation forestière.

Mme Cook: C'est purement du point de vue des exportations. Il en est de même pour le secteur automobile, si vous prenez les chiffres absolus.

Le sénateur Spivak: Toutefois, l'exploitation forestière occupe une plus grande place que l'agriculture. C'est bien ça?

Mme Cook: Oui.

Le sénateur Spivak: J'aimerais avoir ces chiffres.

Mme Cook: Je vous les ferai parvenir.

Notre secteur alimente donc notre économie grâce au commerce international. Il y a au moins 350 localités de notre pays qui dépendent de notre secteur et de ses possibilités de commercialisation sur les marchés mondiaux.

Les chiffres ne trompent pas. Le secteur de l'exploitation forestière apporte une large contribution au tissu socio-économique du Canada. Pour préserver ce tissu, notre secteur doit opérer en fonction des principes du développement durable. Il faut que la réglementation et que les initiatives volontaires opèrent en harmonie pour que l'on puisse apporter des solutions efficaces et pratiques aux défis écologiques qui se posent.

Le sénateur Spivak: Madame Cook, pouvez-vous nous dire combien il existe, par province, d'usines de pâtes et papiers, de scieries, d'usines de panneaux à particules orientées, et cetera? Avez-vous des chiffres qui nous montrent la progression enregistrée dans l'Ouest au cours des cinq dernières années?

Mme Cook: Je n'ai pas ces chiffres ici, mais je vous les ferai parvenir.

Le sénateur Spivak: Nous avons entendu parler d'un problème d'approvisionnement en Ontario. Vous faites état d'une exploitation durable, mais étant donné la situation qui règne en Ontario, il faut en conclure que cette exploitation n'est pas durable. Si elle est durable, cela veut dire qu'on doit pouvoir la maintenir pendant longtemps.

On a enregistré une énorme progression de l'exploitation, notamment dans le nord-est de l'Alberta. On peut en dire autant du Manitoba et de la Saskatchewan. Indépendamment des considérations écologiques, peut-on penser que les forêts vont pouvoir résister à un tel assaut et rester durables?

Je ne comprends pas très bien tous ces chiffres. Nous voudrions mieux les comprendre. Nous vous saurions gré de nous aider dans toute la mesure du possible en nous donnant un état de votre secteur dans les différentes provinces, notamment en ce qui a trait à la forêt boréale. Autrement dit, quelle est la possibilité annuelle de coupe? Qu'est-ce que vous exploitez, comparativement à la taille de la forêt? Quel est le nombre d'industries? Comment se répartissent-elles, par exemple?

Mme Cook: Nous exploitons moins que la possibilité annuelle de coupe au niveau national. Il y a un autre facteur qui vient du fait que les investissements en R-D dans notre secteur ont fait augmenter les rendements de sorte que l'on peut faire plus avec moins. J'essaierai de vous trouver davantage de données à ce sujet.

Le sénateur Spivak: Votre exploitation est peut-être moindre à l'heure actuelle, mais il y a un hiatus. Les entreprises cherchent à doubler leur production et à étendre leurs activités à d'autres secteurs comme les parcs. C'est ce que l'on envisage actuellement en Ontario. C'est toute la question.

Le président: De manière générale, dans nos comités sur les ressources naturelles, nous savons quel est l'état des réserves et ce que nous utilisons, que ce soit du gaz et du pétrole, du nickel ou de l'or. Pour ce qui est des forêts, nous avons bien des difficultés à le déterminer. Chacun nous dit combien on coupe de bois chaque année, mais personne n'est en mesure de savoir combien il y en a sur pied et combien on pourrait en prélever chaque année. À mesure que nous nous déplaçons dans le pays, il est de plus en plus évident pour nous qu'il est d'ores et déjà impossible de remplacer tout ce que l'on coupe. Il serait très intéressant d'avoir ces chiffres.

Le sénateur Spivak: On peut toujours couper à ce rythme, mais dans 15 ans il n'y aura plus de forêt. Ça ne durera pas toujours.

M. Barron: Lorsque M. Rotherham prendra la parole, nous pourrons probablement revenir à la question de l'approvisionnement en fibres. Si l'on se tourne vers l'avenir dans notre pays, je pense que vous allez constater -- c'est du moins notre expérience -- que les taux de croissance vont être bien plus élevés qu'ils ne le sont à l'heure actuelle. Pendant certaines périodes et dans certaines régions, on va peut-être enregistrer un certain déficit temporaire, mais à long terme le potentiel est très élevé. Si vous le permettez, nous attendrons la partie de notre exposé consacrée spécialement à la forêt.

Le sénateur Spivak: J'aimerais savoir quels sont les produits. On parle beaucoup de l'expédition de billots. Je ne suis pas bien informée à ce sujet. Quelle est la part qui est transformée en cure-dents envoyés au Japon, par exemple?

M. Barron: Je ne sais pas si l'on peut être aussi précis que cela.

Le sénateur Spivak: Pour quelle raison expédie-t-on du bois et quel est l'usage des différentes essences de bois?

M. Barron: Nous allons vous montrer une diapositive à ce sujet.

Le sénateur Spivak: Cela se rapporte à la valeur ajoutée.

M. Barron: Je vais vous faire part d'un certain nombre des résultats que nous avons enregistrés du point de vue écologique pour que vous ayez une idée d'ensemble. Nous suivons cette question depuis longtemps dans notre secteur. Notre graphique fait état de nos dépenses liées à l'écologie pour ce qui est de nos usines. Elles portent sur l'air, l'eau et les déchets solides. Vous voyez qu'il y a un gonflement récent de nos dépenses consacrées au traitement de l'eau. Cela est dû en partie à la réglementation fédérale qui a amené toutes les usines du pays à retraiter l'eau. Il s'ensuit un gonflement de 5 milliards de dollars de nos dépenses pendant la période considérée.

Sur la question de l'eau, notre secteur continue de lui-même à progresser. Un grand programme qui bénéficie d'une aide fédérale au sein de l'institut de recherche vise à utiliser progressivement l'eau en circuit fermé.

Le président: Les chiffres en valeur absolue, à gauche de la diapositive, sont-ils en millions de dollars?

M. Barron: En milliards de dollars.

Le président: Je ne vois pas ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de millions de dollars dépensés au sujet de l'eau.

M. Barron: Ce sont des millions de dollars d'investissement visant à remédier aux problèmes écologiques propres aux usines.

Le président: Je comprends. Avez-vous un graphique qui montre les résultats obtenus?

M. Barron: Oui.

Le sénateur Spivak: Lorsque vous parlez de refermer le circuit de l'eau, voulez-vous dire que vous allez travailler en circuit fermé sans qu'aucun rejet ne soit fait dans l'eau?

M. Barron: C'est bien ça.

Le sénateur Spivak: Combien d'usines au Canada sont déjà équipées?

Mme Cook: Trois.

Le sénateur Spivak: Envisagez-vous de toutes les équiper?

M. Barron: Nous nous orientons dans cette voie, mais le problème est complexe parce qu'il y a de nombreux types d'usines. Certaines d'entre elles utilisent davantage de produits chimiques que d'autres. Les usines dont on parle ici utilisent moins de produits chimiques et il est donc plus facile de les adapter.

Le sénateur Spivak: C'est plus rentable, n'est-ce pas?

M. Barron: Tout dépend si on récupère la chaleur. Il y a de nombreuses possibilités.

Le sénateur Spivak: C'est un mode d'exploitation plus efficace, n'est-ce pas?

M. Barron: Il est possible que ça le soit. C'est dans une optique écologique que cela se fait. Toutefois, lorsque de nouvelles techniques apparaissent, elles ont tendance à être plus efficaces.

Vous voyez maintenant un graphique qui rend compte de nos résultats par rapport aux exigences fixées par le programme d'intervention volontaire du gouvernement fédéral en matière de réduction et d'élimination accélérée des rejets toxiques. Ce sont les résultats que nous avons obtenus sur toute une gamme de produits chimiques polluants. Vous voyez que nous avons enregistré une nette diminution au cours de la période.

Le sénateur Spivak: Avez-vous une répartition par région, par exemple pour les Grands Lacs?

M. Barron: Nous avons éventuellement une répartition selon les grandes régions.

Le sénateur Spivak: Ce serait très utile.

M. Barron: Elle ne se rapportera pas toutefois aux Grands Lacs eux-mêmes. Il est possible cependant que nous ayons des chiffres pour l'Ontario. Nous chercherons à le confirmer.

Le graphique qui suit a trait à la diminution de l'utilisation de l'eau. On peut en déduire l'avènement des procédés d'utilisation en circuit fermé. On peut voir que la quantité d'eau utilisée diminue constamment. Traditionnellement, le papier est fabriqué à l'aide de trois éléments: les fibres, l'eau et l'énergie. Petit à petit, la quantité d'eau diminue.

Je vais passer en revue quelques produits polluants soumis à la réglementation fédérale. Il y a tout d'abord la quantité totale de produits solides en suspension. Vous pouvez voir qu'elle diminue et que la quantité globale au niveau du pays est inférieure à celle que prévoit la réglementation fédérale.

Il en est de même pour la demande biochimique en oxygène. Elle diminue progressivement, en grande partie du fait des installations de retraitement qui sont mises en place.

L'utilisation de chlore atomique a nettement diminué. Nous continuons à nous servir du dioxyde de chlore pour le blanchiment, mais des améliorations comme celle-ci, ainsi que d'autres apportées aux procédés, ont entraîné la suppression des dioxines et des furannes dans les effluents. Je vais vous montrer une diapositive qui fait état des résultats.

Ce n'est pas dû uniquement à la réglementation fédérale mais aux efforts volontaires qu'ont faits les entreprises du secteur lorsqu'elles ont découvert il y a quelques années des furannes et des dioxines chlorées dans leurs effluents. Elles ont fait de nombreuses recherches pour trouver l'origine de ces produits chimiques et ont immédiatement instauré des changements. Même si nous sommes assujettis à une réglementation fédérale en la matière, nous avions fait le plus gros du travail avant que cette réglementation entre en vigueur.

Le sénateur Spivak: Avez-vous identifié tous les produits organochlorés? Je me souviens qu'à l'époque de gros efforts ont été faits, mais on a fait remarquer que la plupart des produits organochlorés n'avaient pas encore été identifiés.

M. Barron: Il y a une longue liste de tous ces produits sous différentes formes. Ce sont ceux qui sont considérés les plus dangereux. Nombre d'entre eux existent dans la nature. Il y a encore des produits organochlorés qui sont rejetés, mais les quantités sont en baisse.

Le sénateur Spivak: La science n'a pas encore suffisamment progressé pour qu'on puisse tous les identifier. C'est un peu comme lorsqu'on cherche à répertorier tous les gènes.

M. Barron: Je suis sûr que vous avez raison, mais je pense qu'il y a certaines catégories que l'on comprend et dont on sait qu'elles réagissent d'une certaine manière. D'après les études scientifiques que j'ai pu lire, on ne s'inquiète pas beaucoup aujourd'hui au sujet de ce qui se trouve aujourd'hui dans l'eau.

Le sénateur Spivak: Pouvez-vous nous dire quels sont les organismes de recherche qui travaillent sur la question?

M. Barron: L'Institut canadien des pâtes et papiers, à Pointe-Claire et à Vancouver.

Le sénateur Spivak: Est-ce que vous englobez les universités?

M. Barron: Je ne peux pas parler de chacun des intervenants, mais il y a tout un réseau.

Au sujet des produits organochlorés, voici quelle est la situation actuelle: au total, à l'échelle du pays, le niveau est de 0,6 par tonne de produit. C'est bien inférieur au seuil de 2,5 qu'a fixé le gouvernement fédéral et à partir duquel on n'a plus à s'inquiéter au sujet des produits organochlorés.

Aujourd'hui, la grande question est celle des changements climatiques. Notre secteur s'en occupe depuis la plus grande partie de la dernière décennie. Nous avons heureusement la possibilité de nous convertir à l'utilisation des combustibles tirés de la biomasse lorsque nous changeons nos procédés d'utilisation de l'énergie. Nous modifions largement notre utilisation des combustibles, nous faisons beaucoup de conservation, mais nous avons aussi la possibilité de passer à l'utilisation de combustibles tirés de la biomasse. Il continuera à y avoir des améliorations avec le temps. Même s'ils émettent du gaz carbonique dans l'atmosphère, les combustibles tirés de la biomasse sont recyclés par la forêt. Ce gaz carbonique fait partie d'un cycle et cette utilisation des combustibles tirés de la biomasse est donc considérée comme une bonne chose.

Notre secteur recycle actuellement plus de 50 p. 100 de l'énergie qu'il utilise. Le reste est représenté par les combustibles tirés de la biomasse, l'électricité qui est achetée et les combustibles d'origine fossile.

Le président: Avez-vous des statistiques se rapportant au coût des BTU dans chaque secteur? Est-ce que ce sont surtout les questions de rentabilité qui priment ou les préoccupations écologiques?

M. Barron: En grande partie, ce sont les enjeux écologiques qui priment. Là encore, nous avons la chance d'avoir la possibilité de nous convertir à l'utilisation de ces combustibles tirés de la biomasse.

Le sénateur Spivak: Pouvez-vous m'expliquer la chose? En quoi cela consiste-t-il?

M. Barron: Lorsque vous irez visiter demain l'usine de pâtes à papier, vous allez voir une chaudière de récupération chimique ou chaudière de combustibles tirés de la biomasse. Les parties de l'arbre qui ne sont pas des fibres, ligaments et autres parties du même type, sont transformées en combustible par les entreprises, qui s'en servent pour produire de la vapeur et de l'énergie qu'elles utilisent.

Le sénateur Spivak: Depuis combien de temps utilise-t-on ce procédé?

M. Barron: Depuis plusieurs décennies.

Le sénateur Spivak: N'y a-t-il pas eu des empêchements à la cogénération et autres procédés du même genre?

M. Barron: La cogénération, c'est autre chose. Nous sommes favorables à la cogénération parce que nous utilisons la vapeur dans nos usines. Lorsque nous parvenons à produire de la vapeur pour nos usines tout en restituant de l'énergie dans notre réseau, nous améliorons largement nos rendements et nous faisons des économies.

Le sénateur Spivak: Au bout du compte, c'est certainement une mesure qui améliore les rendements. S'il vous fallait utiliser de plus en plus la biomasse, et plus particulièrement si vous vous lanciez dans la cogénération, ce serait là une mesure qui améliore vos rendements, n'est-ce pas?

M. Barron: C'est bien entendu une mesure qui améliore les rendements.

Le sénateur Spivak: Je vois bien que c'est une mesure écologique, mais c'est toujours mieux lorsque c'est en même temps une mesure rentable.

M. Barron: Vous avez raison. À mesure que l'on réinvestit et que de nouvelles machines sont installées, ce procédé devient en soi de plus en plus rentable. Depuis 1990, nous avons réduit à peu près de 15 p. 100 nos émissions de gaz carbonique à effet de serre. Nous sommes probablement l'un des rares secteurs qui, en raison de la possibilité d'utiliser cette biomasse, peut en fait apporter une contribution positive à l'environnement.

Le président: Les combustibles d'origine fossile -- et indirectement l'électricité, parce que nous faisons largement appel au charbon pour produire l'électricité -- contribuent probablement à augmenter la quantité de gaz carbonique que nous rejetons dans l'atmosphère. Est-ce que vous allez dégager moins de gaz carbonique ou de soufre dans l'atmosphère en utilisant la biomasse qu'en utilisant la même quantité d'énergie tirée d'un combustible d'origine fossile?

M. Barron: Non. La biomasse offre un rendement moindre que les combustibles d'origine fossile.

Le président: Elle offre un rendement moindre compte tenu des quantités que vous brûlez? Je parle des quantités émises dans l'atmosphère. L'énergie solaire n'a pas un très bon rendement, mais elle est parfaite du point de vue de la pollution. Quelles sont les quantités qui se dégagent des cheminées?

M. Barron: Il y a des émissions de gaz carbonique qui viennent des carburants tirés de la biomasse. Toutefois, il résulte des débats au sein de la convention internationale et du Groupe intergouvernemental sur les changements climatiques que l'on peut considérer les combustibles tirés de la biomasse comme étant neutres. Ils sont neutres du point de vue de l'émission de gaz à effet de serre parce qu'ils font partie d'un cycle. C'est du gaz carbonique naturel qui est recyclé dans les plantes et dans les forêts à condition qu'on remplace les forêts.

Le sénateur Spivak: Si on tire 53 p. 100 de l'énergie de la biomasse, est-ce que ce pourcentage augmente rapidement ou lentement?

M. Barron: Il augmente régulièrement.

Mme Cook: La plus forte augmentation a été enregistrée depuis 1990. On a fait un véritable bond.

M. Barron: On a fait un véritable bond au cours de cette période. Nous faisons des mesures depuis 1972.

Je peux vous montrer l'évolution de notre utilisation de combustibles d'origine fossile, qui est le pendant de notre conversion aux combustibles tirés de la biomasse. Voici ce qui correspond aux combustibles d'origine fossile. Vous pouvez voir que cette utilisation est constamment à la baisse en raison de notre conversion aux combustibles tirés de la biomasse, de l'utilisation d'autres combustibles et de l'amélioration en général de nos rendements.

Voilà pour ce qui est des facteurs écologiques. Je peux vous montrer deux ou trois autres diapositives concernant l'exploitation forestière avant que M. Rotherham vous présente son carrousel. Il va vous montrer des photographies prises sur le terrain.

Vous avez probablement vu ces statistiques ailleurs, mais ce graphique illustre la répartition des terres au Canada. On peut voir quel est le territoire recouvert de forêts, celui qui ne l'est pas, quel est le pourcentage que l'on peut considérer comme étant des forêts exploitables, soit 21 p. 100, et quelle est la quantité de forêts protégées. Ce sont là les différentes catégories de forêts. En notre qualité d'exploitant, nous parlons de ces 21 p. 100.

Le président: Avant que nous quittions le sujet, j'ai quelques questions à vous poser. En tant qu'écologiste, que pensez-vous du fait qu'il y a 3 p. 100 de forêts protégées? Nous avons entendu dire à maintes reprises à l'échelle du pays que dans le cadre d'une bonne politique d'aménagement territorial, le Canada devrait avoir entre 10 et 15 p. 100 de forêts protégées. Est-ce que ça se trouve sur l'autre diapositive?

Le sénateur Spivak: Nous n'avons pas cette diapositive.

M. Tony Rotherham, directeur des forêts, Association canadienne des pâtes et papiers: Puis-je intervenir à ce sujet pendant une minute?

Le sénateur Spivak: Allez-y.

M. Rotherham: C'est 3 p. 100 du territoire canadien et non pas 3 p. 100 des forêts. Il y a environ 41 p. 100 du territoire canadien qui est recouvert de forêt. Ce doit être quelque 13 à 14 p. 100 de l'ensemble des forêts. Au titre des forêts du patrimoine, cela représente 12, 13 ou 14 p. 100 du territoire recouvert de forêt. On trouve aussi au Canada des zones étendues de toundras, d'eau et d'autres terres non recouvertes de végétation. C'est un pourcentage bien plus élevé de la zone boisée que de l'ensemble du territoire canadien.

Mme Cook: Nous veillerons à ce que vous receviez un exemplaire de cette diapositive.

Le président: Pouvez-vous nous expliquer ce que vous avez fait ici?

M. Rotherham: Si vous partez de l'ensemble du territoire canadien, qui est d'environ 1 milliard d'hectares, les terres non recouvertes de forêt représentent environ 51 p. 100 du total et l'eau, 8 p. 100. Par conséquent, les terres recouvertes de forêts équivalent à 16 plus 12, plus 21, plus 3, soit à environ 41 p. 100 du total.

Le président: Cela signifie que les 3 p. 100 de forêts protégées ne représentent en fait que 7 p. 100 de l'ensemble des forêts. On pourrait doubler ce pourcentage. Si les forêts couvraient 50 p. 100 du territoire et si l'on protégeait 3 p. 100 de celui-ci, cela nous amènerait à protéger 6 p. 100 de l'ensemble de la zone recouverte de forêts. Puisque c'est 59 p. 100, on en reste quand même qu'à 7 p. 100 environ?

M. Rotherham: Nous vous ferons parvenir un tableau tiré par le gouvernement fédéral de ses propres statistiques sur les forêts du pays. Cela vous donnera ces pourcentages en fonction du territoire recouvert de forêts et il vous sera ainsi plus facile de comprendre.

Le sénateur Spivak: Ce n'est pas tant le pourcentage qui compte, même si j'apprécie qu'il soit plus élevé. Ce qui compte, c'est ce que l'on en fait. Est-ce que nous conservons les différents types de forêts? Ainsi, il nous faudrait peut-être conserver toute la forêt ombrophile du sud parce que c'est une ressource limitée, non renouvelable. Peut-être devrions-nous recourir davantage à nos plantations. Peut-être faudrait-il éviter de couper trop près des étendues d'eau. Peut-être devrions-nous préserver les endroits qui abritent des espèces en voie de disparition ou des plantes telles que les sabots de la vierge, que l'on ne trouve plus. Voilà ce qui est important.

Pour vous donner une idée de ce que nous avons vu, dans certaines régions on tient compte de ces facteurs. Dans ma province du Manitoba, on n'en tient absolument pas compte. Les sociétés d'exploitation forestière font ce qu'elles veulent.

J'aimerais savoir ce que signifient ces pourcentages du point de vue de la protection des forêts en se fondant sur les valeurs et les critères de ce type. C'est important.

Le président: M. Rotherham s'est proposé de nous donner davantage de renseignements à ce sujet.

M. Barron: Les pourcentages, ce n'est pas ce qui est important. L'important, c'est ce qu'on cherche à faire. Nombre de choses que vous avez mentionnées peuvent être réalisées avec une bonne politique de gestion forestière en plus de la protection de certaines zones.

Le sénateur Spivak: Voulez-vous dire par là que c'est aussi le cas de la forêt ombrophile du sud?

M. Barron: C'est bien possible. Si vous allez demain à la Miramichi, vous pourrez demander aux responsables quel est le pourcentage de leur territoire réservé à l'amélioration des cours d'eau. Vous avez mentionné par ailleurs les bordures et les zones protégées. Les chiffres sont bien intéressants.

C'est un type de propriété de la terre que vous avez déjà vu. Le Canada a un régime de propriété publique avec de toutes petites zones de propriétés privées, très productives cependant.

Enfin, nous avons répertorié, en collaboration avec le gouvernement, les quantités d'argent qui sont affectées à la gestion des forêts dans les différentes catégories par le gouvernement fédéral, les provinces ainsi que l'industrie. Nous le faisons depuis un certain temps. Nous relevons ces chiffres dans différentes catégories.

De manière générale, voilà le genre de statistiques que nous cherchons à vous présenter.

Le sénateur Spivak: Il nous manque quelques diapositives par rapport à ce que vous avez.

Mme Cook: Je peux vous garantir que vous aurez la série complète.

Le président: Si l'on excepte les Maritimes, nous sommes allés dans presque toutes les autres provinces. Constamment, on s'aperçoit que le secteur forestier ne fait aucun effort -- ou très peu -- pour fournir des emplois aux autochtones alors que ces derniers occupent une grande partie de la forêt que vous exploitez.

Autrement dit, alors que vous êtes en train d'abattre le toit qui les abrite, vous n'avez aucune politique vous permettant de collaborer avec eux. Est-ce que l'Association canadienne des pâtes et papiers a un sous-comité, ou y a-t-il des sections de l'association qui se penchent sur la question de l'emploi et de la formation des autochtones ainsi que des relations avec les autochtones en général?

Mme Cook: Pour l'instant, nous n'avons rien créé d'officiel. Toutefois, nous envisageons d'élaborer un répertoire. Certaines entreprises travaillent en bonne intelligence avec les autochtones qui occupent les terrains qu'elles exploitent. Près de 10 p. 100 de la main-d'oeuvre de notre secteur est composée d'autochtones. Ils jouent un rôle important dans ce que nous faisons.

M. Rotherham: Je ne connais pas ce rapport parce qu'il m'a été donné cet après-midi par un collègue du service canadien des forêts. Il s'agit toutefois d'un rapport qui étudie les relations entre les autochtones et le secteur canadien de l'exploitation forestière. On y trouve une bonne quantité de renseignements sur ce que font les entreprises pour faire participer les autochtones à la gestion des forêts et à l'exploitation forestière. Je tiens à vous en remettre un exemplaire.

Le sénateur Spivak: Que pensez-vous du fait que les entreprises font des coupes sur les terrains faisant l'objet de revendications territoriales? Nous avons vu des sociétés d'exploitation forestière faire effectivement des coupes dans ces territoires. Nombre de gouvernements provinciaux n'ont pas le sentiment qu'il leur appartient en tant que responsables fiduciaires de protéger ces zones revendiquées. J'imagine que vous vous êtes penché sur la question et que vous savez quand vous devez couper ou non lorsqu'il y a un conflit au sujet d'un territoire revendiqué par les autochtones.

M. Barron: Dans l'ensemble, c'est une question qui relève des relations entre le gouvernement fédéral et les provinces d'une part, et les autochtones, d'autre part. Nous avons toujours dit que nous aimerions que la question de ces revendications soit réglée. Nous ne pouvons pas faire grand-chose d'autre. Nous avons des obligations vis-à-vis de la Couronne concernant la planification annuelle et à long terme. Ces plans sont établis à l'avance. Nous avons toujours dit qu'il fallait régler ces questions, mais elles sont très complexes et elles ne datent pas d'aujourd'hui.

Le sénateur Spivak: Ça se règle sur le terrain; les entreprises coupent le bois. C'est ce qui se passe. Est-ce que vous ne vous sentez pas des responsabilités et n'avez-vous rien à proposer?

M. Barron: Ce que nous proposons, c'est que ces questions soient réglées par les parties concernées.

Le sénateur Spivak: Dans l'intervalle, les entreprises coupent le bois.

M. Barron: Nous agissons dans le cadre établi par la Couronne et sous sa responsabilité.

Le président: Êtes-vous employé ou consultant de l'Association canadienne des pâtes et papiers?

M. Rotherham: Je suis employé de l'association.

Avant d'entrer au service de l'association en 1979, j'ai travaillé pour le compte de diverses entreprises au Canada. J'ai aussi travaillé au Kenya et en Iran dans le cadre de projets de gestion forestière.

Je vais essayer de vous montrer à quel point la gestion forestière a évolué avec les années au Canada, à quel point notre secteur a changé, et quelle va être l'évolution à l'avenir. Je vais m'efforcer de le faire en vous présentant une série de photographies et de notes historiques. N'hésitez pas à m'interrompre à n'importe quel moment si vous voulez poser des questions.

Je ne suis pas un historien des sociétés, mais en tant que spécialiste de la forêt, je considère que nous sommes passés au Canada par cinq étapes ou régimes différents en matière de gestion forestière. De 1840 environ jusqu'en 1920, nous sommes passés par une période d'exploitation des ressources. C'est au cours de cette période que nous avons coupé les grands pins dans la vallée de l'Outaouais et dans d'autres régions du Canada. On ne pensait pas véritablement à reboiser. Il s'agissait simplement de répondre aux besoins d'une société de pionniers attelés à la lourde tâche de bâtir notre pays.

Mes dates sont très approximatives parce qu'il s'est passé différentes choses à différents moments, dans différentes régions du pays. Vers 1920, les gouvernements provinciaux se sont mis à insister sur la possibilité d'assurer une exploitation durable. Elles ont exigé que les compagnies déterminent quelle était la possibilité de coupe annuelle dans une région donnée, élaborent un plan de gestion et s'y tiennent. À l'époque, toutefois, on se contentait uniquement d'exploiter le bois.

De 1960 jusqu'en 1975 ou 1980 environ, nous sommes passés à une étape que je qualifierais d'utilisation multiple. Les gouvernements et les entreprises ont commencé à s'intéresser aux besoins des autres usagers de la forêt et à en tenir compte dans les plans de gestion.

De 1975 ou 1980 jusqu'à environ 1990, nous avons progressé dans cette voie et nous avons commencé à faire les choses de manière plus officielle. Je qualifierais cette étape de gestion intégrée des ressources forestières. Il a fallu procéder à des consultations. Des facteurs tels que l'importance de la faune ont été intégrés aux plans de gestion.

Depuis 1990 environ, nous sommes passés à un aménagement des paysages forestiers et à une gestion durable des forêts tel que cela a été défini au Canada par la formule de Montréal et entériné par le Conseil canadien des ministres des Forêts.

Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Nous entrons dans l'ère de la gestion durable des forêts. Pour déterminer comment vont être gérées les forêts et quelles méthodes d'exploitation forestière vont être utilisées, nous devons tenir compte, non seulement du bois et des besoins des autres usagers, mais aussi de facteurs tels que le fonctionnement de l'écosystème.

J'ai ici la représentation d'un convoi de billots de pins qui passe devant les édifices du Parlement sur la rivière des Outaouais. Si vous aviez été ici au cours des années 1890, vous auriez pu le voir passer de votre fenêtre.

La répartition que vous voyez ici est celle des différentes catégories de terres forestières. Elle porte uniquement sur le territoire canadien recouvert de forêts. Nous avons environ 43 p. 100 de notre territoire recouvert de forêts alpines clairsemées et par la forêt boréale, soit au total quelque 193 millions d'hectares. Au moment où ces chiffres ont été rassemblés, il y avait quelque 27 millions d'hectares de parcs et 24 millions d'hectares de zones forestières dont l'exploitation est limitée par la réglementation. Il s'agit des réserves protégées le long des lacs et des cours d'eau ainsi que des réserves aménagées pour servir d'habitat à la faune, pour que les orignaux puissent mettre bas, et cetera.

Environ 46 p. 100 de la superficie totale, soit 209 millions d'hectares de terres recouvertes de forêts peuvent être exploités. Nous estimons qu'environ 11,3 p. 100 de cette superficie a été coupée depuis 1840. Il ne s'agit pas là d'une très grande superficie de la forêt de notre pays. Une grande partie, cependant, a déjà été coupée à plusieurs reprises.

Cette carte vous montre où sont les régions forestières du Canada. La bande vert foncé qui va de Terre-Neuve jusqu'au Yukon correspond à la forêt boréale, celle qui nous intéresse en premier. On y indique aussi plusieurs autres régions forestières que je vais passer rapidement en revue.

La forêt de feuillus est composée presque intégralement de bois dur. C'est la zone nord de la forêt carolinienne que l'on retrouve principalement dans le sud de l'Ontario.

Voici une photo de la forêt boréale prise en hiver autour de Thunder Bay, un territoire recouvert d'arbres et de lacs. Vous avez ici une photo de la forêt boréale en été.

Voici une représentation de la forêt alpine et subalpine près de Prince George, en Colombie-Britannique. Cela vous donne une idée de la forêt côtière en Colombie-Britannique. On y trouve un sous-bois très dense et luxuriant ainsi que de très gros arbres.

Voici une photo de la forêt subalpine de l'Alberta. À l'arrière, il n'y a pratiquement que des pins de Murray ayant poussé à la suite d'un très grand incendie. À mi-plan, vous voyez des épinettes et au premier plan des trembles. Au-dessous des trembles, on voit pousser un grand nombre de jeunes épinettes. C'est un bon exemple de reconstitution de la forêt. L'épinette prendra finalement le dessus sur les trembles et, au bout du compte, on aura aussi une forêt d'épinettes au premier plan.

Voici la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent, dont fait partie Ottawa. Cette région s'étend le long du fleuve Saint-Laurent jusqu'aux Grands Lacs. La forêt est un mélange de conifères et de feuillus. Cette forêt est très diversifiée. Elle l'est moins qu'une forêt tropicale, mais elle reste très intéressante.

Dans les huit régions forestières, nous avons quelque 50 essences d'arbres commercialisables, dont une trentaine sont importantes. Parmi celles-ci, il y a une vingtaine de conifères et 10 ou 12 feuillus. On trouve quelque 200 espèces différentes de mammifères, environ 180 espèces de poissons d'eau douce et au total quelque 131 essences d'arbres même si, dans leur majorité, elles n'ont aucune valeur commerciale. Il y a environ 580 espèces d'oiseaux, 48 000 espèces d'insectes et quelque 4 000 espèces végétales différentes.

Le sénateur Spivak: Quel est le pourcentage qui est en voie de disparition et que vous avez répertorié dans vos listes? Nous ne connaissons toujours pas la majorité des espèces qui se trouvent dans ces forêts.

M. Rotherham: À peu près toutes les espèces ont été répertoriées, sauf pour ce qui est des insectes, qui sont un peu plus difficiles à découvrir et à classer.

Je crois qu'il y a quelque 270 espèces classées en voie de disparition au Canada, mais je ne peux pas vous dire dans quelle mesure ce sont des espèces animales ou végétales. On les retrouve dans leur plus grande majorité dans les régions peuplées du Canada; le sud du Québec, le sud de l'Ontario et la basse vallée du Fraser en Colombie-Britannique.

Je regrette que ce graphique ne soit pas totalement à jour. S'il l'était, cependant, il ne serait pas très différent. On y voit que la possibilité annuelle de coupe de résineux et de feuillus est de l'ordre de 230 ou 235 millions de mètres cubes au Canada et que nous coupons entre 180 et 190 millions de mètres cubes selon les années.

Si nous traçons la courbe de la durabilité en forme de voûte, la clé de voûte est de s'assurer que la possibilité de coupe annuelle n'est pas dépassée. La possibilité de coupe annuelle, c'est l'intérêt sur le capital, en l'occurrence sur le volume de bois sur pied. Si nous respectons cette limite, nous devrions pouvoir continuer à exploiter pendant longtemps. L'exploitation est durable, à condition de respecter ce seuil.

Le sénateur Spivak: Est-ce que chaque province fixe sa propre possibilité de coupe annuelle?

M. Rotherham: Oui.

Le sénateur Spivak: Chacune des provinces se fonde sur des critères différents; c'est bien ça?

M. Rotherham: C'est bien ça.

Le sénateur Spivak: Que devons-nous en penser? Qui sait si les critères d'un développement durable sont respectés ou non? Il n'y a pas de normes nationales et les provinces se font concurrence pour attirer les entreprises. Comment savoir si nous pourrons continuer à exploiter toujours si nous ignorons sur quels critères nous nous fondons. Bien souvent, c'est calculé en fonction de la capacité des routes d'accès.

M. Rotherham: Ce n'est pas tout à fait ainsi que je vois les choses. Selon notre Constitution, les provinces sont habilitées en droit à gérer leurs ressources naturelles sur leur territoire. En vertu de leurs pouvoirs législatifs, toutes se sont dotées d'un ministère chargé d'administrer les forêts à propriété publique. Elles disposent de mécanismes leur permettant de répertorier les forêts et de surveiller leur croissance et elles procèdent aussi à des études de rendement, d'où elles tirent les données leur indiquant quelle est la possibilité de coupe annuelle.

La possibilité de coupe annuelle est déterminée non seulement par la croissance et par le rendement de la forêt, mais aussi par la superficie qui peut faire l'objet d'une activité commerciale ainsi que par les normes d'utilisation en vigueur au moment considéré. De manière générale, les normes d'utilisation sont à la hausse. Cela veut dire qu'une plus forte proportion des arbres est utilisée et que la superficie de forêts mise à la disposition des entreprises de notre secteur pour être exploitée est à la baisse, de plus en plus de secteurs étant intégrés à différents types de parcs et de réserves.

Les possibilités de coupe annuelle font l'objet de fluctuations permanentes. J'ai confiance dans les provinces et je suis convaincu qu'elles restent vigilantes et qu'elles s'acquittent parfaitement de leur mandat.

Le sénateur Spivak: Prenons le cas des provinces de l'Alberta et de l'Ontario. Pouvez-vous me dire combien de gens emploient les ministères des ressources naturelles et des forêts de ces provinces pour s'assurer que ces normes sont respectées?

M. Rotherham: Non, je ne peux pas vous donner ce chiffre.

Le sénateur Spivak: De nombreuses entreprises se présentent, et c'est souvent ce qui détermine la possibilité de coupe. Les choses ne se passent pas nécessairement comme vous le dites, uniquement en fonction de la croissance et du rendement. Ainsi, lorsque ma province du Manitoba reçoit une proposition d'une entreprise forestière qui vient créer des emplois, on considère généralement que c'est une bonne chose et voilà comment ça se passe. On n'a pas toujours affaire à un mécanisme aussi impartial.

M. Rotherham: Il y a quelque temps, nous avons fait certains calculs d'après des données historiques qui remontent aux années 1870. Nous sommes ensuite remontés jusqu'en 1840 en extrapolant la quantité totale de bois qui a probablement été exploitée au Canada et la superficie de la forêt coupée puis reboisée. Nous avons estimé que sur les 200 et quelques millions d'hectares de forêts qui ne font pas partie des réserves et dont le bois peut être exploité -- qu'il s'agisse des terrains privés ou des terres publiques -- environ 25 p. 100 avaient été exploités. Là encore, je vous répète qu'il y a une superficie considérable qui a été exploitée à plusieurs reprises. Ce n'est absolument pas un calcul scientifique mais nous considérons qu'il s'agit là d'une estimation raisonnable.

Ce que nous voulons faire comprendre ici, c'est qu'il y a une grosse part de la forêt qui dans notre pays n'a encore jamais été exploitée. Nous avons une immense réserve de terres boisées dans notre pays.

Le sénateur Spivak: Est-ce que vous avez procédé à certains relevés géodésiques pour arriver à ce chiffre?

M. Rotherham: Non. Nous sommes partis de données historiques.

En tant qu'Européens, lorsque nous sommes arrivés dans ce pays, nous avons eu bien du mal à en comprendre toute l'immensité. La partie en rouge au milieu de la diapositive a la taille de l'Allemagne après la réunification. Je dis toujours à mes auditoires allemands que ce n'est pas pour montrer à quel point le territoire de l'Allemagne est réduit, mais à quel point celui du Canada est étendu.

Vous voyez dans cette diapositive une autre forêt de conifères. La photographie a été prise dans la forêt subalpine de la région de l'Okanagan en Colombie-Britannique. C'est une zone d'assez grande étendue qui a été coupée à blanc il y a une quinzaine d'années. Parce que l'on voit la neige dans la partie centrale de la diapositive, vous pouvez constater qu'il y a de nombreux petits arbres qui poussent. J'aurais peut-être une diapositive qui vous montrera de quoi ça a l'air au sol.

Sur la diapositive suivante, vous voyez un coin de forêt qui a été coupée près de Kelowna. C'est le même type de région forestière. Ces arbres ont été laissés sur place pour différentes raisons. En regardant de près, vous pouvez voir des souches assez hautes. Elles ont été laissées là pour servir de nid à des oiseaux qui nichent dans des cavités. On s'efforce, lorsqu'on procède à des coupes à blanc, de laisser sur pied quelques arbres ainsi que des branchages, tant au sol que sur pied, pour qu'il reste une certaine structure dont les animaux pourront profiter par la suite.

Ce paysage est très désolé pour l'instant parce qu'il n'y a pas encore eu de repousses mais, dans une dizaine d'années, tout paraîtra très différent parce que les arbres et les souches que vous voyez là vont leur fournir un habitat utile.

Le président: Où vont aller les animaux dans l'intervalle?

M. Rotherham: Dans la zone adjacente. Dès que la végétation commence à repousser dans le secteur déboisé, ils vont y revenir pour se nourrir parce qu'il y aura là une excellente végétation qu'on ne trouve pas dans la grande forêt.

La diapositive qui suit est une illustration à petite échelle de ce que nous appelons un réseau d'abris. La photographie a été prise dans les Maritimes. On y voit que lorsqu'on laisse en place quelques arbres pour fournir de l'ombre, de nombreuses plantes repoussent naturellement en dessous.

Au Canada, nous faisons des coupes à blanc. Les dernières statistiques dont je dispose nous indiquent que nous coupons quelque 82 p. 100 de notre bois en pratiquant cette méthode. Au total, nous avons coupé quelque 824 000 hectares en 1995 en recourant à cette méthode. Cela englobe quelque 31 000 hectares de bois servant d'abri, environ 11 000 hectares de plantations et quelque 128 000 hectares de coupes sélectives, ce qui apparaissait bien lorsque je vous ai montré tout à l'heure le bouquet de feuillus. Nous pratiquons l'éclaircissage commercial sur environ 16 000 hectares.

On voit apparaître ici certaines tendances remarquables. Les coupes à blanc sont à la baisse et tous les autres types de coupe à la hausse. La superficie totale coupée selon ces différentes méthodes est de 1,1 million d'hectares. L'exploitation est cyclique et la quantité d'arbres coupés ainsi que l'étendue de la zone exploitée varient selon les années. La tendance à pratiquer des coupes à blanc, que ce soit en valeur absolue ou en pourcentage, est à la baisse.

Comme l'a indiqué Dave Barron dans son tableau faisant état des montants d'argent consacrés chaque année à ces opérations, nos activités sylvicoles sont considérables dans notre pays.

En 1995, nous avons planté quelque 426 000 hectares. Environ 25 000 hectares ont été semés à partir d'hélicoptères ou d'avions. Nous avons préparé quelque 317 000 hectares de terrains et fait des travaux d'aménagement forestier sur 391 000 hectares.

De très gros projets sont mis en oeuvre dans notre pays pour s'assurer que la repousse est bonne après la coupe et que ces arbres vont pouvoir croître dans de bonnes conditions.

La repousse naturelle représente quelque 55 p. 100 du total des activités de reboisement dans notre pays, les 45 p. 100 restants correspondant aux plantations et à l'apport de semences. De manière générale, la tendance à la repousse naturelle est à la hausse et les plantations à la baisse, mais la situation n'évolue pas très rapidement.

Vous voyez ici une pépinière avec des plants qui poussent en pot. La serre que vous avez ici est une petite serre. Elle ne contient que 125 000 plants environ. Il existe de très grosses serres qui peuvent contenir jusqu'à 1 million de plants. Les quelque 650 à 700 millions de plants que fait pousser le Canada chaque année sortent principalement de ce genre de serre.

Voilà un coin de forêt boréale qui a été la proie d'un assez gros incendie. Vous pouvez voir des parties vertes à l'arrière-plan ainsi qu'au tout premier plan en bas et à droite, mais tout le reste est en grande partie noirci ou brûlé par l'incendie avec quelques petites traces vertes. C'est caractéristique du passage d'un incendie. Il ne brûle pas et ne détruit pas toute la zone. Il fait certains détours. Certaines parties près des cours d'eau ne sont pas détruites. C'est tout à fait représentatif des dégâts causés par les incendies au Canada. La forêt boréale, en particulier, est ce que l'on appelle un écosystème réglé par les catastrophes, les catastrophes étant les incendies.

Ceci n'est pas un incendie naturel de la forêt. C'est un brûlis servant à préparer le terrain. De nombreux chercheurs considèrent qu'il n'est pas bon d'écarter tous les incendies de l'écosystème. C'est un phénomène naturel dans l'écosystème boréal et il est bon de préparer jusqu'à un certain point le terrain grâce à des brûlis.

Il y a d'autres catastrophes représentées par les épidémies d'insectes. Cette photographie a été prise dans l'île du Cap-Breton il y a 10 ou 12 ans après que la presque totalité de la forêt de conifères parvenue à maturité sur l'île du Cap-Breton a été détruite par la tordeuse des bourgeons.

Le sénateur Spivak: Vous nous dites qu'il nous faut tirer parti des incendies. Toutefois, le nombre d'incendies et d'hectares brûlés a été multiplié par deux ou par trois ces dernières années.

M. Rotherham: Oui. La superficie de forêt brûlée par les incendies au Canada varie de manière significative chaque année. Le nombre d'incendies dans notre pays va d'un minimum d'environ 8 000 ou 9 000 à un maximum de 11 500 ou 12,000. Si ma mémoire est bonne, les pertes sont variables. La pire année que nous ayons connue récemment, c'est 1989, au cours de laquelle nous avons perdu 7,2 millions d'hectares de forêts du fait des incendies dans l'ensemble du pays. Lors d'une bonne année, notre pays ne va perdre que quelque 300 000 hectares. C'est terriblement cyclique. Tout dépend du temps qu'il fait.

Voilà d'autres représentations de la forêt boréale. Vous avez ici une zone totalement reboisée qui avait été antérieurement coupée dans la région de Thunder Bay. C'est un mélange de résineux et de feuillus. Il y a là une diversité intéressante pour tous ceux qui s'y trouvent et pour la plupart des animaux.

Voilà un type de coupe à blanc que l'on peut encore trouver en Alberta et éventuellement dans certaines zones du nord de la Saskatchewan. La façon de distribuer les zones coupées à blanc évolue.

Vous voyez sur cette diapositive une photographie récente d'une zone coupée à blanc. Elle est plus petite, ses bords sont plus arrondis et il reste davantage d'îlots à l'intérieur.

Vous voyez sur cette diapositive une zone coupée à blanc totalement reboisée. Le reboisement, je tiens à le signaler, fonctionne bien au Canada. Nous avons inversé la tendance vers 1980 et partout au pays les spécialistes de la forêt font un excellent travail de reboisement. On peut le voir partout.

Cette diapositive représente une coupe à blanc, là encore dans l'Okanagan, avec une réserve aménagée autour d'un marais. De plus en plus, vous verrez ce genre de chose dans les exploitations forestières du Canada.

Ici, vous voyez des bouquets d'arbres laissés à l'intérieur d'une zone coupée à blanc. Voilà de quoi ça a l'air, nous sommes toujours dans l'Okanagan, une quinzaine d'années après la coupe. La repousse est très bonne, une partie est naturelle et l'autre partie résulte des plantations. Il y a au moins trois essences d'arbres ici, l'une qui a été plantée et les deux autres sont naturelles. Il y a de l'épinette, des sapins baumiers, des pins de Murray et probablement des Douglas taxifoliés ici et là. Voilà d'autres zones coupées à blanc dans l'Okanagan où l'on peut voir la repousse dans ces bouquets d'arbres.

Sur cette diapositive de la région de Thunder Bay, on peut voir comment se fait l'exploitation forestière en hiver. L'engin jaune au centre, c'est une abatteuse-empileuse.

Cette diapositive représente la forêt boréale dans la région de Thunder Bay. Vous pouvez probablement voir les rangées d'arbres plantés au milieu des plus gros arbres qui ont été laissés après la coupe. On appelle ceci une coupe à blanc mais en réalité une quantité non négligeable d'arbres a été laissée après la coupe et les vides ont été comblés par la suite par des plantations. C'est typiquement le genre de choses que l'on voit de plus en plus de nos jours.

Cette diapositive représente une zone coupée à blanc avec de nombreux bouquets d'arbres et différentes structures laissés en place, de même que des réserves aménagées au bord de l'eau.

Vous pouvez voir sur la diapositive suivante une zone coupée à blanc qui est représentative de ce que l'on peut voir aujourd'hui dans le nord de la Colombie-Britannique. Ses bordures sont arrondies et dentelées, ce qui lui donne un air plus naturel. Il reste quelques arbres debout à l'intérieur de la zone.

Je vais sauter quelques-unes des diapositives qui suivent.

De nos jours, l'une des dimensions les plus importantes de la gestion forestière, c'est la protection de la qualité de l'eau. Les exploitants forestiers et les gouvernements provinciaux prennent cette question de plus en plus au sérieux.

On nous a posé des questions au sujet des produits. En 1995, dans le secteur des pâtes et papiers, nous avons produit au total quelque 10 millions de tonnes de papier kraft blanchi à base de résineux, de papier kraft blanchi à base de feuillus, de papier kraft non blanchi et de pâtes au bisulfite et à haut rendement.

Le sénateur Spivak: Ils sont blanchis au chlore, n'est-ce pas?

M. Rotherham: Certains ne sont pas blanchis au chlore et il n'y en a pas beaucoup qui sont blanchis avec du chlore atomique. La plupart sont blanchis au dioxyde de chlore, qui a un effet différent sur l'environnement.

Les papiers et les cartons représentent au total une production de 18,6 millions de tonnes composées de papier journal, de papier à écrire et à imprimer, de papier kraft, de papiers hygiéniques et spéciaux, de papier d'emballage, de cartons moyens et de carton d'emballage.

Pour ce qui est de la production de bois, comme vous l'a dit Mme Cook, nous produisons quelque 61 millions de mètres cubes de bois de différentes essences: épinettes, pins, sapins, pruches, Douglas taxifoliés, cèdres, et cetera et, pour ce qui est des feuillus: bouleaux, érables, chênes, et cetera.

Pour ce qui est des panneaux de bois, nous produisons quelque 3,5 millions de mètres cubes de panneaux à particules orientées, 2 millions de mètres cubes de contreplaqué, près de 2 millions de mètres cubes d'aggloméré et 300 000 mètres cubes de carton-fibre, soit un total d'environ 8 millions de mètres cubes, qui ne fait qu'augmenter. Dans ce secteur, la production de panneaux à particules orientées progresse très rapidement. C'est un bon produit.

Le secteur canadien des pâtes et papiers a modifié considérablement son approvisionnement en fibres ces 30 dernières années. Vous pouvez bien voir sur ce graphique qu'auparavant les billots représentaient quelque 65 p. 100 de l'approvisionnement total des usines alors qu'il n'y avait que quelque 2 p. 100 de papier recyclé.

Nous en sommes maintenant à environ 26 p. 100 de billots, 62 p. 100 de copeaux de scierie et 12 p. 100 de papier recyclé. De plus en plus, l'industrie recycle les déchets.

Voici comment les copeaux sont livrés de manière générale; ça, c'est la livraison des billots et vous avez là des vieux papiers. Ce sont des déchets, mais l'industrie s'en accommode.

En résumé, nous avons une grosse forêt polyvalente. Nous faisons pousser davantage d'arbres que nous en coupons, mais nous en perdons beaucoup du fait des incendies. Environ 90 p. 100 des terres forestières relèvent de la propriété publique. Le respect strict des lois provinciales et l'obtention d'autorisations et de permis sont exigés avant que l'on puisse faire quoi que ce soit. Les entreprises du secteur prennent en charge l'intégralité de l'exploitation et la majeure partie de la planification. Quelque 800 millions de dollars par an sont consacrés aux différentes activités sylvicoles. Il y a cinq modes de coupe. Les coupes à blanc représentent quelque 82 p. 100 du total, mais elles sont à la baisse. Nos produits ont une valeur d'environ 55 milliards de dollars. Nous exportons environ 70 p. 100 de notre production et l'industrie des pâtes et papiers s'approvisionne avant tout en déchets.

Le président: J'ai une question à vous poser au sujet de l'homologation. Vous avez mentionné que vous exportiez 70 p. 100 de votre production et qu'une bonne partie allait en Europe. Est-ce que cette part prend de plus en plus d'importance? Quelle est la part de la demande sur votre marché à l'exportation qui exige désormais une homologation?

M. Rotherham: Ça devient une activité courante. Un bon nombre d'entreprises canadiennes sont en train de faire homologuer leur exploitation ou leurs mécanismes de gestion. Trois ou quatre marchés dans le monde sont devenus très verts: l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Belgique. D'autres régions sont en train de le devenir. Certains signes nous montrent que les marchés américains et italiens s'intéressent aussi à l'homologation.

Il y a probablement 20 grosses entreprises canadiennes qui mettent en place des systèmes de gestion dans le but d'obtenir une homologation et l'on peut s'attendre à ce qu'il y ait un grand nombre d'homologations au Canada en l'an 2000. Les premières homologations -- une en Colombie-Britannique et une autre en Nouvelle-Écosse -- interviendront probablement le 15 décembre. Bien d'autres se produiront au cours de l'année 1999.

Le sénateur Spivak: Est-ce que nous pouvons avoir un exemplaire de ces diapositives?

Mme Cook: Oui.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Roberts, vous avez maintenant la parole.

M. Ralph W. Roberts, président sortant, Institut forestier du Canada: Mon exposé sera bref, mais pas au point d'être insignifiant. Je vous ai remis un assez long mémoire par écrit. Je m'efforcerai de retracer dans ses grandes lignes le travail des ingénieurs forestiers dans notre pays et notre collaboration avec ces derniers. Je vais aussi vous donner des renseignements concernant la participation du public, la stratégie nationale des forêts et l'intervention de l'Institut forestier du Canada.

Il y a une autre question que nous jugeons importante pour la gestion durable des forêts dans notre pays, c'est celle des critères et des indicateurs qui ont été élaborés au Canada et auxquels nous nous intéressons. Nous tenons à vous en faire part. Nous allons aussi aborder la question de notre répertoire national des ressources forestières, dont vous a parlé rapidement M. Rotherham, et préciser notre position sur cette question importante.

Il y a un sixième point que nous aimerions aborder avec vous, c'est celui de la R-D. Toutes ces questions se rapportent de manière générale à l'ensemble de la forêt canadienne et elles peuvent s'appliquer plus particulièrement à la forêt boréale. Toutefois, notre institut est national, et il se penche sur ces questions en se fondant sur les différents types de forêts. Enfin, nous tenons à souligner à votre intention l'importance de la formation et de l'enseignement.

Voilà les sept points que nous tenons à aborder avec vous.

L'Institut forestier du Canada représente quelque 2 400 membres. C'est un institut national qui regroupe 23 sections à l'échelle du pays. Ces sections se répartissent comme vous pouvez le voir dans cette diapositive. Nous couvrons tout le pays. Notre section la plus récente a été créée au Yukon, en plein milieu de la forêt boréale. Douze de nos sections se trouvent dans la forêt boréale. Ces sections sont, si vous le préférez, des groupes décentralisés de membres très dynamiques qui tout au long de l'année se communiquent des données sur les questions forestières, aussi bien au niveau local qu'au niveau national.

Au niveau national, nous nous efforçons de représenter nos membres en organisant des réunions sur des questions clés. Cette année, nous avons adopté pour devise: «l'intendance grâce au partenariat.» Nous avons des partenariats avec un certain nombre d'organisations et d'établissements forestiers affiliés, ce qui nous met en contact avec plus de 10 000 ingénieurs forestiers. La plupart de ces spécialistes sont membres d'associations forestières professionnelles dans les provinces. Je pense qu'ils doivent venir directement vous parler ce soir.

L'Institut forestier du Canada est bien particulier en ce sens que c'est le seul organisme national qui parle au nom des ingénieurs forestiers dans notre pays. Par ailleurs, l'Institut forestier du Canada dispose de réseaux, non seulement dans notre pays, mais aussi à l'étranger. Par l'intermédiaire de nos réseaux, nous pouvons faire circuler l'information susceptible de vous intéresser. Si vous n'avez pas déjà recueilli cette information, nous ne manquerons pas de vous la fournir. Ainsi, nous avons le Frontier Forestry Report du World Resources Institute, qui traite des forêts boréales ainsi que d'autres forêts dans le monde que l'on qualifie de vierges. Il vous sera d'un grand intérêt pour votre étude des forêts boréales.

La Commission mondiale sur les forêts et le développement durable a récemment publié un condensé de son rapport, qui doit paraître en mars prochain. Nous en avons une copie ici. L'Institut forestier du Canada a participé aux audiences de la commission. L'une d'entre elles s'est tenue ici au Canada en ce qui a trait à la forêt boréale.

Notre réseau nous met en contact avec l'Union internationale des sociétés d'ingénieurs forestiers ainsi qu'avec un autre réseau d'organisations de protection de la nature, l'Union mondiale pour la nature. J'ai ici une documentation sur le projet de l'UMN concernant les forêts tempérées et boréales, avec un accent tout particulier sur la Russie et le Canada. Vous apprécierez, j'en suis certain, le fait de pouvoir mieux connaître ses activités, et je sais qu'elle sera très heureuse de pouvoir prendre part à votre étude.

L'Institut forestier du Canada reçoit de nombreuses informations de la part des membres de son réseau. Nous nous efforçons de renvoyer cette information à nos membres par l'intermédiaire de notre chronique forestière, qui est la voix de l'Institut forestier du Canada. Nous avons ici un certain nombre d'exemplaires de cette chronique, qui est publiée tous les deux mois. Parfois, chaque numéro porte sur un thème donné, parfois non. Dans tous les cas, on y trouve des comptes rendus de recherche effectuée au Canada ainsi que des articles professionnels traitant de sujets tels que l'homologation ou l'adoption de certains critères et indicateurs de référence. On pourrait très bien y lire à l'avenir le compte rendu des conclusions du Sénat et de son rapport sur les forêts boréales au Canada.

Je vais vous faire part maintenant de l'énoncé de mission de notre institut, qui est de prendre l'initiative au niveau national en matière forestière, de promouvoir les compétences des ingénieurs forestiers et de faire prendre conscience au public de l'importance des questions liées à la forêt au plan national et international.

Parmi nos membres, on compte des personnes qui ont partie liée avec les forêts et qui ont à coeur une bonne gestion des forêts. Il n'est pas nécessaire d'être ingénieur forestier professionnel pour être membre, même si nombre de nos membres le sont. En fait, si je comprends bien l'intérêt que vous nous portez, vous pourriez prétendre être membre de l'Institut forestier du Canada. Nous vous avons d'ailleurs apporté des formules d'adhésion. Nous espérons que vous penserez à vous joindre à l'IFC.

Parmi les ingénieurs forestiers, il y a aussi des biologistes, des zoologistes, des techniciens, des technologues et d'autres spécialistes ayant une formation qui les amène à s'occuper des forêts.

Nos membres sont partout au Canada et l'on retrouve parmi eux des universités et des collèges ainsi que des spécialistes qui n'ont pas une formation officielle mais qui ont une longue expérience des questions forestières.

Une des questions qui nous paraît particulièrement importante a trait à la participation du public aux prises de décisions concernant les forêts. L'IFC est pleinement d'accord avec le principe de participation du public. Nous préconisons que cette participation présente les caractéristiques suivantes: équilibre de la participation; information du public sur le principe du développement durable; prise en compte déterminée des générations futures; définition claire des droits, des responsabilités et des rôles de toutes les parties, enfin, respect des droits conférés aux concessionnaires des forêts en conformité avec les principes établis dans le cadre du programme national des forêts.

Nous avons réclamé l'instauration et la mise en oeuvre de la participation du public à tous les paliers de décision en matière forestière. Nous avons mis en place chez nos membres des programmes de formation les aidant à se doter des compétences nécessaires et à comprendre les techniques permettant d'instaurer une participation du public.

Notre deuxième point est celui de la stratégie nationale des forêts. En collaboration avec l'Association forestière canadienne, l'Institut forestier du Canada a joué un rôle significatif lors du récent congrès national sur les forêts qui s'est tenu au printemps. En plus de contribuer à organiser le programme, nous avons consacré beaucoup de temps à participer à la rédaction du plan d'intervention correspondant à la mise en place de la stratégie nationale sur les forêts.

La stratégie nationale sur les forêts comporte un certain nombre d'orientations stratégiques que vous connaissez certainement. L'orientation stratégique numéro trois est celle de la participation du public. L'orientation numéro quatre met l'accent sur les collectivités et la main-d'oeuvre. Ce sont là les domaines dans lesquels nous estimons que l'Institut forestier du Canada est particulièrement bien placé pour apporter une contribution utile.

Au cours des cinq prochaines années, nous envisageons d'intervenir au niveau de ces orientations stratégiques de manière à contribuer à la mise en place de la stratégie nationale sur les forêts et au respect des engagements pris dans le cadre de l'accord national sur les forêts.

En tant qu'organisme national, nous cherchons plus particulièrement à collaborer avec le gouvernement fédéral pour l'aider à s'acquitter de ses obligations en vertu de la stratégie nationale sur les forêts de manière à ce qu'il puisse gérer durablement les quelque 23 p. 100 de terres recouvertes de forêts qui relèvent de sa compétence.

Le troisième point porte sur les critères et les indicateurs de référence. On a soulevé tout à l'heure la question de l'homologation. Les critères et les indicateurs de référence ont leur importance dans le cadre de cet exercice, mais ils sont tout aussi importants du point de vue des politiques, de la loi et de la réglementation.

Nos membres participent très activement à la définition d'indicateurs de référence sur le terrain, à partir desquels on pourra développer des critères de gestion durable des forêts au niveau des services de gestion forestière.

Afin de contribuer à mieux définir sur le terrain ce qu'est une gestion durable des forêts, l'IFC fait largement part de ses opinions et de ses conclusions dans ce domaine important en recourant à sa chronique forestière ainsi qu'à son propre site Internet.

Le cinquième point sur lequel nous intervenons, c'est celui du répertoire des ressources forestières. Nous reconnaissons toute l'importance du projet qui consiste à mesurer les trésors que l'on possède. Nous en sommes à reconnaître la nécessité de disposer de données dans un répertoire national sur les forêts, non seulement sur ce que représente le bois, mais aussi sur tout ce que représente la forêt, afin de pouvoir apporter la preuve, tant au plan national qu'international, de nos réalisations dans le domaine de la gestion durable des forêts. L'IFC a entrepris un certain nombre d'activités à ce titre.

En matière de R-D, nous estimons qu'il convient de mettre en oeuvre des politiques visant à privilégier les méthodes d'exploitation durable dans tous les ressorts. Ces politiques doivent encourager les investissements en R-D et nous donner par ailleurs les moyens de coordonner les recherches en recourant à des méthodes de gestion adaptables.

De ce point de vue, nous considérons que le programme canadien des forêts modèles, de même que le programme international des forêts modèles, sont les meilleurs exemples dans la pratique de projets bien adaptés qui font appel à la participation régionale, nationale et internationale.

Il convient d'engager bien davantage de crédits dans ce secteur. Il semble que les crédits engagés soient fortement en baisse et il nous faut par conséquent inverser cette tendance qui s'est développée ces dernières années.

Le mois dernier, nous avons assisté à la création de la coalition pour la promotion de la science et des techniques dans le secteur forestier canadien. Nous considérons qu'il s'agit là d'une initiative utile et nous avons proposé d'y participer.

L'enseignement est fondamental. Nous avons dans notre pays un certain nombre d'établissements d'enseignement de haut niveau en matière forestière. Il n'en reste pas moins que nous avons besoin de former davantage d'ingénieurs forestiers de plus haut niveau. Par «plus haut niveau», j'entends la nécessité d'être mieux au courant des méthodes modernes. Étant donné la diminution des fonds consacrés aux universités et aux collèges, nous devons protéger l'excellente réputation de nos écoles forestières afin de mettre à la disposition de l'industrie et des secteurs gouvernementaux et non gouvernementaux les compétences dont ils ont besoin pour l'avenir.

Lors d'une assemblée annuelle récente, nous avons résolu de faire connaître nos préoccupations aux organisations et aux établissements concernés pour que l'enseignement forestier ne pâtissent pas des compressions budgétaires.

En somme, l'IFC considère que les programmes de formation sont une composante essentielle de tout programme forestier durable et qu'un tel programme doit s'adresser à la fois aux professionnels, aux parties intéressées et au grand public pour garantir une gestion durable des forêts. Notre établissement met aussi un programme d'éducation permanente au service de ses membres. Depuis que nous l'avons créé, ce programme est de plus en plus demandé.

Je vais terminer par quelques observations au sujet de la forêt boréale.

Il est fondamental de bien saisir les principes directeurs ainsi que l'état des politiques et des projets actuels pour comprendre les méthodes de gestion employées dans la forêt boréale canadienne. Pour comprendre la forêt boréale, il faut connaître la sylviculture appliquée aux différentes essences, la dynamique des populations d'arbres, leur durée, leur histoire et les effets des différents bouleversements. Vous devez bien comprendre que l'on ne peut pas mettre la forêt boréale dans le même sac que toutes les autres régions forestières du Canada, y compris celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement, ici en Ontario, au Québec et dans l'Outaouais.

Les ingénieurs forestiers sont responsables de la gestion des forêts. Nous considérons qu'il leur faut connaître sa composition, sa croissance et son rendement. Pour pouvoir gérer les forêts, il faut avoir une connaissance détaillée et à jour de la productivité des populations d'arbres dans le cadre des différents programmes de gestion. Ce sont les provinces qui sont responsables de la gestion des terres provinciales. Toutes ne les gèrent pas de la même manière, mais l'on peut toutefois comparer les résultats obtenus en définitive. Nous estimons que nos ingénieurs, nos gardiens et nos techniciens en matière forestière sont les mieux placés pour donner un avis professionnel et neutre sur la question de la gestion durable de la forêt boréale et des autres forêts du pays.

L'IFC continuera à jouer un rôle d'informateur en matière de gestion durable, non seulement à l'intention de ses membres, mais aussi de ses affiliés et des autres intervenants de ses réseaux. Nos membres travaillent et habitent dans les régions du Canada qui sont recouvertes par la forêt boréale et par d'autres forêts. Nous continuons à travailler en réseau avec des organismes locaux, régionaux, provinciaux, nationaux et internationaux afin de recueillir les données les plus fidèles concernant les méthodes d'exploitation forestière pratiquées au Canada. Nous continuerons à donner dans notre chronique forestière Forestry Chronicle des informations sur les questions forestières et sur les forêts telles que la forêt boréale.

Nous invitons le sous-comité sénatorial à transmettre éventuellement ses conclusions à la Forestry Chronicle pour qu'elles soient publiées et diffusées. J'en ai terminé, et je vous remercie de votre attention.

Le président: Monsieur Cooligan, la greffière me dit que vous nous avez aidés à planifier nos déplacements. Nous souhaitons entendre différents points de vue et vous avez été en mesure de nous recommander certaines personnes qui sont susceptibles de nous être utiles.

M. Dan Cooligan, directeur, Programmes nationaux, Association forestière canadienne: Tout le plaisir fut pour moi.

Merci d'avoir invité l'Association forestière canadienne à participer à votre étude sur la forêt boréale canadienne. Je dois vous transmettre le bonjour de notre président et des autres membres du conseil d'administration, qui viennent des quatre coins du Canada.

Dans mon exposé, j'insisterai sur l'importance qu'il y a d'informer la population à propos des forêts au Canada. Je vous parlerai également de ce que nous considérons être des obstacles à une information efficace. Enfin, je vous indiquerai notre position sur les questions touchant à la forêt boréale et qui font l'objet d'une étude par votre sous-comité, dans les domaines de l'environnement et de la biodiversité, de l'industrie et de l'emploi, des peuples autochtones, des questions fédérales-provinciales et de la préservation de la faune.

Je commencerai par vous présenter brièvement l'Association forestière canadienne. Nous administrons plusieurs programmes axés sur l'information du public et sur la promotion du développement durable des forêts. Notre association, qui a été fondée en 1900, est l'un des plus anciens organismes de protection de la nature au Canada. Au cours des années, elle s'est dotée de sections et de groupes affiliés et, en 1959, elle a été réorganisée en fédération provinciale d'associations forestières.

L'AFC a pour mandat de promouvoir la compréhension et la collaboration en matière d'utilisation judicieuse et de développement des forêts et des ressources connexes du Canada. Cela est tout à fait conforme au mandat originel de l'AFC adopté lors de sa constitution en 1900. L'AFC continue de promouvoir une bonne gestion des forêts et l'éducation du public au seuil de son centième anniversaire, en l'an 2000.

Actuellement, l'AFC compte neuf groupes provinciaux affiliés: le Forest Education British Columbia, l'Alberta Forestry Association, la Saskatchewan Forestry Association, la Manitoba Forestry Association, l'Association forestière de l'Ontario, la Canadian Forestry Association of New Brunswick, The Tree House, la Nova Scotia Forestry Association, la Prince Edward Island Forest Improvement Association et la Newfoundland Forest Protection Association. Toutes ces associations autonomes constituent une vaste représentation du secteur forestier et englobent des gens de tous les milieux.

Bien que chaque association soit unique en son genre pour ce qui est des gens qu'elle sert, ses membres comprennent souvent un ensemble de particuliers, de compagnies forestières, de diverses associations provinciales du secteur forestier, de propriétaires fonciers, de gouvernements et d'autres intéressés par l'information sur les forêts.

Je vais effectuer un rapide survol de nos programmes. Tout au long de notre histoire, nous avons contribué à la bonne gestion des forêts et à la sensibilisation du public à diverses questions forestières grâce à nos programmes éducatifs. L'association a élaboré et encouragé certains des premiers projets en matière de protection de la nature au Canada. Nous avons notamment contribué à l'établissement des facultés de foresterie de l'Université de Toronto et de l'Université du Nouveau-Brunswick au début des années 1900. Nous avons aussi lancé un programme éducatif articulé autour de l'utilisation de wagons de chemin de fer du début du siècle jusqu'aux années 70, grâce auquel plus de 500 millions d'arbres ont été plantés dans les secteurs forestiers et en tant que brise-vent dans les prairies.

Nous poursuivons nos programmes. D'ailleurs, nous administrons actuellement un programme baptisé Logging for Wildlife, qui a pour objet d'amener les exploitants forestiers à comprendre la faune et à s'en préoccuper dans le cadre de leurs activités. Nous poursuivons activement nos programmes d'information du public et des jeunes et nous continuons d'administrer notre programme de prévention des feux de forêt où l'on retrouve l'ours Smokey et qui fait l'objet de la Semaine nationale de la forêt. Nous avons d'autres nouveaux programmes comme Envirothon et Capitale forestière du Canada.

Certains de nos groupes affiliés représentent les propriétaires de boisés. Eux aussi administrent des programmes d'information sur l'intendance de l'environnement à l'intention de leurs membres. Depuis 1906, nous coordonnons les conférences du milieu forestier. D'ailleurs, nous poursuivons cette action aujourd'hui, puisque nous avons coordonné le Congrès forestier national en 1998, qui s'est tenu à Ottawa en avril dernier. Nous administrons aussi le Programme de plantation d'arbres des partenaires d'affaires et dans le cadre duquel des sociétés installées au Canada versent des dons pour planter des arbres afin de protéger l'environnement.

Je vais maintenant vous parler de l'importance qu'il y a pour nous d'informer le public sur les forêts au Canada. Nous croyons que les Canadiennes et les Canadiens ont le droit et la responsabilité de participer de manière véritable à la prise de décisions se rapportant à la gestion de leurs forêts dans leur région. Afin de pouvoir participer efficacement, les Canadiens doivent posséder des connaissances sur la forêt et bien la comprendre. Ils doivent savoir comment la forêt se comporte à l'échelle écologique, quels bienfaits elle peut offrir et comment elle est gérée. Ces connaissances permettent de prendre des décisions judicieuses pour bien orienter la gestion de leurs forêts.

L'AFC et ses groupes affiliés croient qu'il est dans l'intérêt du public de s'assurer que des programmes éducatifs efficaces et équilibrés à l'intention du public et portant sur les forêts du Canada soient appuyés par le secteur forestier global, y compris les industries, les gouvernements, les particuliers et les associations.

Les bienfaits offerts par les industries axées sur les forêts ne se limitent pas à l'arrière-pays canadien. Ces industries emploient des dizaines de milliers de gens dans les principales villes du pays, y compris Montréal, Toronto et Vancouver. Plus de 330 autres collectivités à l'échelle du Canada dépendent de l'industrie forestière pour leur survie.

Nous estimons que l'appui d'une politique forestière équilibrée à l'échelle du Canada est menacé par un manque de compréhension de la part du public concernant les problèmes et la situation des forêts. Ce manque de compréhension vis-à-vis de l'importance cruciale que représentent les forêts pour la santé économique, environnementale et sociale du Canada pourrait perturber le rôle directeur du Canada en matière de gestion durable des forêts ainsi que la santé de notre économie et de notre société.

Voyons maintenant les obstacles à l'éducation sur les forêts du Canada. Nous estimons que le principal obstacle à une éducation équilibrée du public concernant les forêts au Canada est, pour le moment, le désaccord fondamental qui existe entre les divers groupes d'intérêt et même au sein de la population générale en ce qui a trait à la définition d'une bonne gestion forestière. Les guides d'opinions canadiens s'orientent différemment, allant de la protection totale et de l'interdiction de couper du bois dans certaines régions à la défense du développement industriel inconditionnel des forêts canadiennes. Comme c'est le cas pour la plupart des questions qui touchent à nos émotions, on trouve probablement la vérité et une interprétation équilibrée des faits quelque part au centre de ces affirmations.

Le processus éducatif est dirigé par des visions contradictoires de ce que les forêts du Canada sont et de la façon dont elles devraient être traitées. Le public canadien reçoit des messages divergents.

Un autre obstacle à l'éducation sur les forêts que l'on retrouve dans plusieurs compétences territoriales est le manque de financement stable. Les ressources traditionnelles, comme les contributions et les programmes du gouvernement, ont été de beaucoup réduites au cours de la dernière décennie. L'augmentation des programmes du secteur privé n'a pas compensé les baisses du financement public. Une éducation du public moins globale est présentement adoptée et les gouvernements mettent moins d'importance sur l'éducation en matière de forêt et d'environnement dans les écoles.

Bien que le Canada soit une nation forestière, certaines compétences territoriales ne traitent pas assez de ce sujet dans leurs programmes cadres. Des renseignements équilibrés sur les forêts sont une composante essentielle de l'enseignement dans les classes pour que nos futurs citoyens et citoyennes soient mieux informés.

Je conclurai mes remarques en vous parlant de notre position sur les éléments de l'enquête. L'Association forestière canadienne appuie l'orientation de la Stratégie nationale sur les forêts. Les gouvernements provinciaux doivent continuer d'améliorer la planification de l'aménagement du territoire et des ressources. On a besoin de programmes de gestion génétique pour préserver le patrimoine génétique et fournir des chances d'atténuer les répercussions biologiques des changements de climat. Le Canada a besoin d'achever son réseau de zones protégées afin d'assurer la préservation de diverses ressources environnementales, écologiques, économiques et culturelles. En outre, il faut éduquer le public pour fournir un point de vue précis et à jour sur l'état des forêts et de l'environnement.

Quant au deuxième élément de l'enquête, nous estimons que le Canada a besoin de s'assurer que l'accès aux marchés est préservé en discutant des obstacles commerciaux comme le protectionnisme, les normes environnementales inaccessibles et l'acceptation par les consommateurs. On a besoin d'éduquer le public pour s'assurer que les Canadiennes et les Canadiens comprennent les répercussions globales des politiques sur la vitalité de la forêt, l'emploi et la société. Le Canada a besoin de continuer à promouvoir les bonnes pratiques de gestion forestière canadienne à l'échelle nationale et internationale.

Pour ce qui est des peuples autochtones, nous estimons qu'eux-mêmes et leurs collectivités devraient être des partenaires égaux lors du partage équitable des responsabilités et des bienfaits provenant de la gestion de la forêt boréale. Le Canada et les provinces ont besoin de terminer le processus de règlement des revendications territoriales avec les autochtones afin de pouvoir plutôt se tourner vers les bienfaits et les responsabilités de la gestion forestière. On a besoin de programmes d'éducation pour mieux faire comprendre au public comment le processus de règlement des revendications territoriales influera sur la gestion et la vitalité des forêts.

Pour ce qui est des questions fédérales-provinciales, l'AFC appuie l'entente constitutionnelle portant sur la compétence provinciale en matière de gestion des fôrets et d'autres ressources naturelles. Toutefois, l'AFC croit que des programmes nationaux sont appropriés parce que les forêts constituent un point commun pour toutes les provinces canadiennes. Les compétences territoriales ont plusieurs problèmes et défis en commun, comme le commerce, les sciences, l'éducation du public, la mise en valeur du potentiel et l'industrie forestière. Les programmes nationaux peuvent être des outils très efficaces pour traiter de préoccupations globales dans le cadre d'économie d'échelle et de gestion améliorée.

L'éducation du public est un domaine important qui a subi une érosion depuis la fin des ententes fédérales-provinciales. Ces ententes fournissaient des fonds importants pour l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes, mais elles se sont terminées vers la fin des années 80 et au début des années 90. Les organismes de gestion forestière des gouvernements provinciaux ont réduit leurs programmes d'éducation forestière pour le public, qui faisaient partie de leurs activités principales dans la plupart des compétences territoriales et les ont même parfois abandonnées. Le secteur public n'a pas encore pu combler ces lacunes de façon efficace.

Enfin, la préservation de la faune. Nous estimons à cet égard que les compétences territoriales à l'échelle du Canada doivent continuer à mettre sur pied des systèmes de gestion améliorés de la forêt pour orienter les activités forestières.

Une bonne gestion forestière peut améliorer l'habitat et les populations fauniques. Nous croyons qu'une bonne gestion forestière permet de protéger et de préserver les habitats fauniques fragiles. Nous estimons que les gouvernements et l'industrie forestière doivent élaborer des programmes éducatifs pour aider les exploitants forestiers à identifier les ressources importantes et la façon de les préserver.

Je terminerai en vous remerciant pour le temps que vous avez bien voulu nous consacrer. Notre président et les membres du conseil d'administration apprécient l'intérêt que vous portez à ces questions importantes. Je serai maintenant heureux de répondre à vos éventuelles questions. S'il y en avait une à laquelle je ne pourrais répondre tout de suite, je serais heureux de le faire plus tard par écrit.

Le sénateur Spivak: J'ai une question à vous poser au sujet des indicateurs d'accréditation. D'après ce que je crois savoir, l'Association canadienne de normalisation accrédite les techniques de gestion et non la compétence. Autrement dit, elle ne s'intéresse pas à la performance des organismes mais à leur procédure de gestion et au reste. Est-ce que je me trompe?

M. Rotherham: L'Association canadienne de normalisation se fonde sur le système de gestion de l'environnement 14001 de l'Organisation internationale de normalisation, à quelques changements et ajouts près. La norme a en effet été refondue dans le contexte de la gestion des forêts et on y a effectué quatre ajouts. Le premier concerne la participation de la population, dont Ralph Roberts vous a parlé et qui reçoit notre aval.

On a également ajouté des critères et des indicateurs pour un aménagement forestier durable, qui ont été approuvés par le Conseil canadien des ministres des Forêts. Tout cela se retrouve dans la norme, de même que 21 éléments essentiels précisant davantage ces critères. Par exemple, des vérificateurs doivent effectuer des mesures de performance sur place; des prévisions sont aussi exigées.

Les critères et les indicateurs d'aménagement forestier durable font partie du processus de participation du public. Ainsi, les riverains de forêts peuvent dire à leurs experts forestiers quelles valeurs ils veulent protéger, conserver ou produire, en fonction de ces critères.

Les critères en question portent sur la biodiversité, les valeurs sociales, la santé et la productivité de l'écosystème, la conservation des sols et de l'eau, la responsabilité de la société envers un aménagement durable et la contribution de la forêt aux cycles écologiques globaux. Au stade du processus de participation du public, ces riverains seront invités à élaborer, de concert avec les responsables provinciaux de l'aménagement des forêts et les experts forestiers des compagnies, plusieurs objectifs d'aménagement -- qu'on pourrait appeler objectifs de performance, si vous le voulez -- que l'entreprise appliquera ensuite.

Les objectifs sont consignés dans un plan d'aménagement. Les plans d'aménagement à 20 ans établis pour les grandes régions forestières décrivent l'état dans lequel on voudrait retrouver la forêt dans l'avenir. On ne peut cependant pas affirmer que la mise en oeuvre du plan d'aménagement et l'adoption des mesures qu'il contient permettront effectivement d'obtenir une forêt dans l'état souhaité. Il est excessivement difficile d'imaginer les divers stades d'évolution de la forêt.

Donc, pour savoir quel sera l'état de la forêt dans l'avenir, il convient de se livrer à des prévisions grâce à des systèmes d'information géographique, à des cartes informatisées et à des modèles d'évolution des forêts.

Enfin, il faut effectuer des vérifications de la performance sur place.

La norme ne donne aucune précision quant à la performance, mais elle stipule qu'il faut fixer des mesures à cet égard. La norme de la CSA est une combinaison de système de gestion, de vérification de la performance et de vérification sur place.

Le sénateur Spivak: D'après ce que j'ai cru comprendre, ce sont des firmes comme KPMG et d'autres qui effectueront les vérifications.

M. Rotherham: On fera appel à des vérificateurs qui ont reçu la formation technique appropriée, qui possèdent les compétences professionnelles voulues et qui ont eu une formation en matière de normes et de procédures de vérification.

Le sénateur Spivak: Une entreprise pourra-t-elle être acceptée avant d'avoir élaboré son plan ou ne pourra-t-elle l'être qu'une fois celui-ci rédigé?. Quelles sanctions encourent les entreprises qui ne se conformeront pas aux normes, et qui les sanctionnera?

M. Rotherham: Aucune entreprise ne recevra son agrément avant de s'être conformée à la norme. D'abord, elle devra décider de mettre la norme en oeuvre, au niveau de ses systèmes de gestion, dans sa planification et sur le terrain. Une fois la norme appliquée, l'entreprise demandera à faire l'objet d'une vérification. Il faudra facilement deux ans pour mettre tout cela en place, à cause de la grande quantité de travail exigée sur les plans de la formation et des systèmes de documentation.

Après vérification, si l'on confirme que l'entreprise s'est conformée aux exigences de la norme, elle sera agrémentée ou homologuée comme on dit au Canada. L'homologation est donnée conformément à une norme relative au système de gestion, qui confirme que le système en question est conforme aux normes de la CSA ou de l'ISO.

Le sénateur Spivak: La performance n'interviendra donc pas avant 20 ans.

M. Rotherham: Non, elle commence tout de suite. Par exemple, vous pourrez déclarer que vous veillerez à ce que la régénération postérieure aux coupes soit adéquate. Il faudra bien sûr quelques années avant que le secteur que vous aurez déboisé cette année-là ne se régénère, mais les vérificateurs pourront toujours constater ce que vous avez fait dans le passé. Si vous avez une bonne fiche de route ils diront que votre système de régénération fonctionne.

Le sénateur Spivak: Mais encore une fois, quelles sont les sanctions prévues? Nous savons qu'il y a des cas où les entreprises ne sont pas surveillées. Comment les contrôles seront-ils mis en place?

M. Rotherham: D'abord, pour qu'une entreprise obtienne son agrément, elle devra subir une vérification poussée de ses systèmes et de sa performance sur place. Par la suite, elle fera l'objet de visites annuelles. La véritable vérification complète intervient trois ans après, puis tous les cinq ans.

La principale sanction imposée à une entreprise qui n'obtient pas les résultats escomptés est la perte de l'agrément ou de l'homologation. À ce stade, elle ne peut plus prétendre avoir un système en place ni satisfaire aux exigences. J'imagine que cela peut être grave, pour une entreprise, de perdre son agrément.

Sur le plan des sanctions, les gouvernements provinciaux se livrent périodiquement à une vérification de la performance des entreprises exploitant des terres domaniales. La sanction la plus grave sur ce plan est le retrait de la licence d'aménagement forestier. J'ai eu vent d'un cas, en Colombie-Britannique, où une entreprise a perdu sa licence à cause de ses mauvaises performances.

Rares sont les entreprises prêtes à prendre ce risque parce que, sans leur licence, elles ne peuvent plus couper de bois pour alimenter leur scierie, ce qui est très mauvais pour leurs affaires, pour leurs dirigeants et pour leurs actionnaires.

Le président: Pourriez-vous nous éclairer sur la différence qui existe entre l'IFC et l'AFC? Je crois savoir que les membres de l'institut s'intéressent à la sylviculture alors que ceux de l'Association forestière canadienne exploitent des forêts ou les mettent en valeur.

M. Cooligan: L'Association forestière canadienne a pour mandat d'informer le public et de promouvoir de saines pratiques d'aménagement forestier. Nous avons divers membres, par l'intermédiaire de nos groupes affiliés, car on retrouve des propriétaires fonciers, des gouvernements, des éducateurs et des particuliers. Nous avons essentiellement pour mission d'informer le public.

M. Roberts: Je dirais que les membres de l'institut sont composés d'exploitants forestiers, de gens qui s'intéressent effectivement aux problèmes de sylviculture.

Le président: Outre ceux qui exploitent la forêt pour en tirer la fibre ligneuse, comptez-vous un grand nombre d'autres utilisateurs de la forêt dans vos organisations? Par exemple, est-ce que les organismes autochtones ou les industries touristiques et pharmaceutiques font partie de vos organismes?

M. Cooligan: Les associations provinciales ont dans leurs rangs des particuliers qui représentent toute la gamme des intérêts dans le domaine sylvicole. Par exemple, on retrouve des écologistes, des chasseurs, des pourvoyeurs, bref, les gens qui n'utilisent pas le bois pour sa fibre sont tous bienvenus au sein de nos associations forestières provinciales.

Le président: Ils sont bienvenus, mais sont-ils nombreux à appartenir à vos associations?

M. Cooligan: Je ne sais pas. Il faudrait que je vérifie les chiffres.

Le président: Est-ce la même chose pour l'institut? Y retrouve-t-on essentiellement des producteurs de fibre ligneuse?

M. Roberts: Ceux qui font pousser les arbres et ceux qui utilisent la fibre ligneuse. Eh bien, si vous utilisez cette expression -- que je ne pratique pas beaucoup -- et qui englobe les chercheurs ou les universitaires s'intéressant à la biodiversité sous ses nombreuses formes, je dois vous répondre par l'affirmative. L'expression «producteurs de fibre ligneuse» ne décrit pas précisément nos membres, car ils sortent de ce cadre restreint. Cependant, les producteurs de fibre ligneuse n'en sont pas exclus.

Je tiens à ce que vous sachiez que l'Institut forestier du Canada est en train de voir comment il pourrait se restructurer pour mieux représenter ce dont vous venez de parler, monsieur le président.

En fait, nous devrions devenir une société de sociétés. Un nouvel institut forestier du Canada pourrait être composé, en plus d'adhérents particuliers, de groupes ayant un intérêt dans les forêts, qu'ils représentent des organismes pharmaceutiques ou d'autres branches de l'agroforesterie. C'est ce que nous sommes en train de faire. Je ne pense pas que le changement se produira du jour au lendemain, car il nous faudra quelques années pour cela.

Le président: Si je vous ai posé cette question, c'est que durant nos déplacements au Canada, nous avons entendu toujours la même plainte: l'aménagement forestier est exclusivement assuré par les forestiers. Cela rappelle le vieil adage voulant que les armées sont trop importantes pour les confier aux militaires.

Eh bien, c'est la même chose ici. On dirait que les gens estiment que les arbres et les forêts sont trop importants pour qu'on les confie aux forestiers -- au sens traditionnel du terme -- et que les forêts ont bien d'autres utilités, de la dépollution atmosphérique à la fabrication des maisons pour les autochtones, en passant par le tourisme et le reste; les gens oeuvrant dans ces domaines ont le sentiment de ne pas avoir suffisamment leur mot à dire dans les décisions qui sont prises. J'aurais pensé que vos organisations auraient été les premières à vouloir régler ce problème en attirant les autres parties à elles.

Appliquez-vous une même politique en matière de feux de forêt? Devrait-on absolument éviter les feux de forêt ou estimez-vous qu'ils ont une utilité quelconque? Votre association fait-elle tout son possible pour trouver une solution ou préférez-vous continuer à vous disputer entre vous?

M. Roberts: Nous continuons à argumenter entre nous.

Le président: M. Rotherham devrait sans doute répondre à ma prochaine question. Est-il généralement établi que les forêts ne sont pas aménagées pour favoriser la régénération; que la régénération est légèrement altérée sur le plan génétique à cause de l'utilisation d'herbicides et de pesticides susceptibles de vous permettre de produire des forêts qui vous rapporteront plus d'argent dans l'avenir? Autrement dit, comme vous n'êtes pas satisfaits de ce que Dieu vous donne, vous agrémentez un peu la sauce.

M. Rotherham: Il est évident que la régénération a pour objet de reboiser avec des essences ayant une certaine valeur commerciale mais, en général, monsieur le président, ce sont les mêmes essences que nous avons coupées dans un premier temps. Nous exploitons des essences ayant une valeur commerciale. En règle générale, celles essences que nous replantons sont tout à fait semblables à celles que nous avons coupées.

Nous utilisons de moins en moins d'herbicides. Ils sont coûteux et n'ont pas bonne presse dans la population. Certaines provinces ont même adopté des lois pour en interdire l'utilisation. C'est le cas, par exemple, du Québec; en Alberta, il est quasiment impossible d'utiliser des herbicides dans les forêts. On se servait en général des herbicides pour décimer les feuillus qui dominaient les conifères de semi, qu'il se soit agi de régénération ou d'une plantation naturelles. Or, ces herbicides n'ont jamais permis d'éradiquer les feuillus. On ne peut rien éradiquer dans la nature. On voulait simplement ralentir la croissance des feuillus pour que les conifères puissent percer.

Dans mon exposé, comme vous l'aurez certainement remarqué, j'ai indiqué que 55 p. 100 de la régénération est naturelle et qu'elle n'est pas l'objet de plantations. Quand il y a régénération naturelle, on retrouve en général le même stock génétique et, dans bien des cas, le même agencement global d'essences que celles qu'on a coupées. Cela étant, j'estime que la coupe et la régénération n'a pas beaucoup changé la composition des forêts canadiennes.

Le président: A-t-on entrepris d'autres études maintenant que l'exploitation forestière remonte de plus en plus vers le nord? Au Québec, par exemple, la coupe commence sur les terres qui sont au nord du 51e parallèle. Dans le nord du Manitoba et le nord de la Saskatchewan, c'est la même chose. On est presque en train de couper des bonsaïs dont le cycle de vie s'approche sans doute beaucoup plus de 150 à 200 ans que de 100 ans. Ne s'est-on pas dit qu'il faudrait examiner de plus près ce genre de pratique?

M. Rotherham: Il est certain que les systèmes sylvicoles mis en place dans les régions nordiques sont différents de ceux du sud. Il faut faire très attention pour assurer la conservation du sol et je dirais même pour protéger la régénération qui est déjà commencée. C'est une des raisons pour lesquelles le Québec a établi son programme CPRS, qui consiste à effectuer des coupes de façon à protéger les sols et la régénération amorcée après élimination de l'étage dominant. Ce programme a permis de modifier les pratiques de régénération au cours des dix dernières années. On constate à présent qu'il y a plus de régénération naturelle au Québec que jamais auparavant. Il y a dix ans, on insistait davantage sur le reboisement.

Le président: Certains nous ont dit craindre, à cause de l'utilisation des copeaux et des déchets de bois, notamment pour la production de panneaux à copeaux orientés, qu'on se mette à couper du bois pour produire des copeaux et des déchets. Dans le passé, il fallait que les arbres soient relativement gros pour qu'on juge intéressant de les couper.

Quelques-uns uns nous ont dit que la tendance au réchauffement planétaire modifie les essences et déplace leurs limites d'implantation. Quelqu'un a-t-il une idée à exprimer à ce sujet?

M. Roberts: L'institut n'a pas de position officielle au sujet du réchauffement global et de son influence sur les forêts. Nous en sommes au tout début et nous attendons que la science nous apporte des réponses. Il semble cependant logique que les limites d'implantation se déplacent. C'est déjà arrivé dans le passé. Dans les collines de la Gatineau, on peut constater qu'il y 10 000 ou 15 000 ans, la région était recouverte de deux kilomètres de glace. Cela a modifié la limite d'implantation des arbres.

Le président: J'ai lu dans le journal d'aujourd'hui que les glaces pourraient revenir.

M. Roberts: Je ne voulais pas dévier de votre question, mais je voulais revenir à la question posée par le sénateur Spivak à propos des indicateurs critères. Quand vous avez parlé d'agrément, je savais que M. Rotherham serait le mieux placé pour répondre à votre question.

Quand j'ai parlé des indicateurs critères à propos de l'appui que l'IFC accorde à cette initiative, je faisais allusion à la prise en compte de méthodes d'aménagement forestier durable dans les politiques et dans la loi, à l'échelon du gouvernement central et dans les provinces.

Il existe deux ensembles d'indicateurs critères que je peux caractériser ainsi. Le premier a trait à l'agrément. L'autre est destiné à modifier nos lois et nos politiques relatives à la forêt et à modifier notre législation et notre réglementation de sorte que le tout soit davantage conforme avec ce que l'on décrit comme étant des pratiques d'aménagement forestier durable. Voilà le processus que l'IFC veut tout appuyer par-dessus tout. Nous avons suivi avec grand intérêt et appuyé les programmes d'écoétiquetage et d'agrément, mais nous avons été davantage passifs que nous le sommes pour ce processus. Vous avez entendu parler du processus de Montréal et de ses cousins, comme celui d'Helsinki. Tous sont destinés à modifier la politique et la législation des pays membres.

Le sénateur Spivak: C'est exact. Le Canada a appuyé tout cela. Cependant, ce ne fut pas le cas d'un grand nombre de groupes non gouvernementaux.

M. Roberts: Nos groupes non gouvernementaux, comme l'Institut forestier du Canada l'appuient.

Le président: Merci de votre participation.

Notre prochain témoin représente l'Ontario Professional Foresters Association. Vous pouvez commencer.

M. Lorne Riley, RPF, conseiller exécutif, Ontario Professional Foresters Association: Monsieur le président, mon exposé se présente sous un angle légèrement différent des deux, voire des trois exposés précédents. Je vais cependant parler d'un sujet que vous avez mentionné à plusieurs reprises, j'ai cité les forestiers.

L'Ontario Professional Foresters Association est une association de forestiers installée en Ontario qui, comme son nom l'indique, regroupe des forestiers professionnels et non des gens qui ont un intérêt dans la sylviculture ou qui peuvent travailler dans ce domaine d'une façon ou d'une autre.

Je suis heureux que vous m'ayez donné l'occasion de prendre la parole devant vous ce soir au nom de l'Ontario Professional Foresters Association. Comme je suis membre de cette association, je suis également forestier professionnel inscrit auprès de la province de l'Ontario. Je suis président sortant de l'association et j'occupe actuellement le poste de premier conseiller.

L'Ontario Professional Foresters Association -- et à l'occasion je lui substituerai l'acronyme OPFA -- ne peut être comprise parmi les groupes généraux mentionnés dans les documents d'information que le sous-comité ciblait pour l'actuelle série d'audiences. Toutefois, nous sommes l'une des cinq associations provinciales de forestiers professionnels au Canada.

Je ne prétends pas parler ici au nom des associations, mais je ne crains pas d'affirmer que les objectifs de l'OPFA sont quasiment identiques à ceux des autres associations canadiennes de forestiers professionnels. Cela étant, mes remarques représentent un point de vue pancanadien.

La charte de l'Ontario Professional Foresters Association se trouve dans la loi provinciale de l'association du même nom (loi de 1957). Nous comptons un peu moins de 800 membres. Si nous ne sommes pas la plus nombreuse des cinq associations de forestiers professionnels, nous sommes tout de même importants. Quelque 75 p. 100 des forestiers ontariens appartiennent à l'OPFA. En outre, certains de nos membres sont extérieurs à la province et même au pays.

Nos critères d'admission sont exigeants, tant sur le plan des résultats universitaires que sur celui de l'expérience professionnelle pertinente, mais ils sont comparables à ceux d'autres associations canadiennes. Ils se conforment aux normes nationales de la Commission canadienne d'agrément en foresterie, organisme indépendant qui évalue et accrédite les programmes de sylviculture dispensés par les universités canadiennes.

Il n'est pas nécessaire de détenir un diplôme universitaire en foresterie pour devenir membre de notre association, mais nous l'exigeons habituellement. Il arrive, dans certains cas, que nous admettions des personnes non diplômées d'université. La sylviculture est une science appliquée. Nous exigeons normalement que les aspirants membres possèdent un diplôme universitaire, non pas pour créer une élite technique, mais pour nous assurer que nos membres comprennent bien cette science, dans la théorie et dans la pratique.

Diverses équipes de spécialistes, appartenant à plusieurs professions et disciplines, participent à la planification de l'aménagement forestier. L'interaction avec le public et les propriétaires de forêts dans les provinces, qu'il s'agisse de forêts privées ou domaniales, est essentielle pour réaliser l'équilibre entre, d'une part, les valeurs que recherche le public et, d'autre part, ce qu'il est possible de réaliser sur certaines étendues boisées. Il faut appliquer des principes scientifiques solides si l'on veut que les forêts soient gérées de façon durable.

Les délibérations sur l'évaluation environnementale de classe, appliquée au début des années 90 à l'aménagement forestier sur les terres domaniales en Ontario, ont constitué une importante tribune publique où l'on a pu analyser les besoins en matière d'aménagement forestier dans les provinces. En outre, ces mêmes délibérations sont majoritairement à la base de ce qui constitue maintenant la politique et la philosophie d'aménagement forestier en Ontario. Le groupe qui s'est chargé de ces audiences a insisté sur l'importance qu'il y a de comprendre, de façon scientifique, la croissance et l'aménagement de nos forêts. Dans son rapport public, la Commission d'évaluation environnementale réclame une plus grande participation des forestiers à l'aménagement des forêts de la province. L'organisation sera appelée à jouer un rôle unique dans l'orientation qu'il faudra donner aux activités d'aménagement forestières en Ontario, parce que ce besoin existe, que ses membres sont bien formés et qu'ils appliquent une discipline professionnelle.

On trouve les membres de l'OPFA dans presque tous les grands domaines touchant à la sylviculture, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou provincial, du milieu de la recherche, de l'industrie, des collectivités urbaines et forestières ou encore, et de plus en plus, du secteur privé. Celui-ci occupe une place de plus en plus prépondérante en matière d'aménagement des forêts de la province, puisque le gouvernement de l'Ontario a réduit sa capacité sur ce plan, surtout dans les régions du sud de la province.

L'OPFA est, pour l'instant, une association d'enregistrement donnant le droit d'utiliser un titre, ce qui revient à dire que l'adhésion y est volontaire.

Autrement dit, il n'est pas nécessaire d'être membre de l'association pour être forestier en Ontario, bien que la majorité des forestiers soient effectivement membres. Malheureusement, les personnes n'ayant pas forcément été formées sur le plan technique et scientifique peuvent, elles aussi, prétendre être compétentes pour pratiquer la sylviculture en Ontario. La loi leur interdit uniquement de se présenter en qualité de forestiers professionnels agréés.

Les membres de l'association sont liés par des normes de pratique et par un code d'éthique. Ils sont sujets à un examen par des pairs et, au besoin, ils peuvent être soumis à des procédures disciplinaires. Ils s'engagent également à poursuivre leur formation professionnelle tout au long de leur carrière. Ces mécanismes garantissent que nos membres respectent des normes techniques élevées et qu'ils s'efforcent, que ce soit dans le cadre de leurs activités d'aménagement forestier ou dans des domaines connexes, de toujours respecter l'intérêt du public.

Nous sommes heureux d'annoncer au sous-comité que l'association est en voie de devenir une autorité chargée d'octroyer des licences. Le mois dernier, un député a déposé une loi dans ce sens à l'assemblée législative de l'Ontario. Nous espérons que, d'ici l'an prochain, l'Ontario Professional Foresters Association sera considérée sur le même pied que les associations de la Colombie-Britannique et du Québec, autrement dit en tant qu'autorité chargée d'octroyer la licence de forestier professionnel. Les deux autres associations de forestiers professionnels, celles de l'Alberta et du Nouveau-Brunswick, ne donnent pour l'instant que le droit d'utiliser un titre.

Les Ontariennes et les Ontariens s'inquiètent de plus en plus de l'état de leurs forêts et de la façon dont elles sont aménagées, comme les autres Canadiennes et Canadiens d'ailleurs. Les Ontariens sont conscients des demandes multiples, et souvent conflictuelles, imposées sur nos forêts et ils savent qu'il faut recourir à des méthodes d'aménagement scientifique et appliquer des principes de saine planification pour assurer un bon aménagement de nos forêts. Comme les divers ordres de gouvernement, mais surtout le gouvernement provincial en Ontario, ne participent plus directement à l'aménagement des forêts, il est de l'intérêt du public que l'on confie l'aménagement des forêts à des professionnels appliquant des normes élevées. La solution consistant à recourir à des professionnels de la sylviculture, fortement encadrés par la profession, permettra en grande partie de nous assurer que les décisions prises en matière d'aménagement forestier sont fondées sur des principes scientifiques solides. À cet égard, je tiens à mentionner que l'Ontario Professional Foresters Association est signataire de la Stratégie nationale sur les forêts et de l'Accord canadien sur les forêts, dont il a été question plus tôt en cette fin d'après-midi.

Le désir qu'éprouve l'association de devenir un organisme d'émission de licences tient au fait qu'elle veut mieux combler la demande du public en matière d'aménagement des forêts. Il convient, ici, de responsabiliser davantage les experts forestiers et de veiller à ce que ceux qui pratiquent l'aménagement forestier sont compétents.

L'Ontario Professional Foresters Association estime que cinq mesures peuvent permettre de responsabiliser davantage les experts forestiers. D'abord, il convient de définir un cadre de pratique appropriée pour les professions sylvicoles. Deuxièmement, il faut étendre la profession forestière à l'ensemble des personnes travaillant en sylviculture. Troisièmement, il faut veiller à ce que les gens aient reçu une instruction suffisante. Quatrièmement, il faut établir des normes de pratique élevées à l'intention des forestiers et il faut les diffuser dans l'ensemble de la profession. Enfin, il faut créer et appliquer des instruments permettant de maintenir la discipline dans la profession.

Pour gagner la confiance du public, l'OPFA se montrera responsable dans sa façon d'évaluer les bonnes pratiques forestières, en fonction de normes scientifiquement établies, ainsi que des lois de la province. Chaque fois qu'elle se livre à ce genre d'activités, elle applique et respecte les indicateurs critères d'aménagement durable des forêts, indicateurs dont il a été question à plusieurs reprises déjà.

Les dispositions visant à favoriser véritablement la participation du public font partie intégrante du projet de loi. Certes, le public doit être représenté au conseil de l'association, de même qu'à plusieurs de ses comités.

En vertu du régime d'émission de licences proposé, la révocation d'une licence pour faute professionnelle et la perte du droit de pratiquer qui s'en suivrait seraient des conséquences tout à fait concrètes et dissuaderaient les gens de commettre des fautes professionnelles. L'application de mesures disciplinaires professionnelles et la reddition de comptes auprès du public, qui découleront de notre capacité d'octroyer des licences, permettront de renforcer l'idée voulant que la profession est là pour protéger l'intérêt du public.

Je suis conscient que le sous-comité s'intéresse surtout aux problèmes de la forêt boréale et de son aménagement. Les membres du comité sont au fait de l'importance de cette région forestière pour les économies nationales, régionales et locales au Canada. Il est, au Canada, un ensemble de régions forestières à qui l'on pourrait attribuer le vocable de «grenier forestier national»: la forêt boréale. À l'exception éventuelle de la forêt côtière particulièrement productive de la Colombie-Britannique, la forêt boréale est celle qui contribue le plus à l'ensemble de notre économie nationale. En Ontario, il est certain qu'elle constitue la majorité du couvert forestier de la province et qu'elle y est la base de l'industrie forestière.

L'OPFA ne s'occupe pas directement de la forêt boréale et, de nombreux membres de notre association pratiquent dans d'autres régions forestières de la province, une forte proportion d'entre eux exerce cependant dans cette région forestière, c'est-à-dire la région boréale. La plupart des techniques de sylviculture pratiquées dans la forêt boréale sont appliquées ou contrôlées par les membres de l'OPFA.

Comme elle réglemente collectivement et individuellement ses membres, l'association jouit d'une influence considérable sur la façon dont sont gérées les forêts de la province. Nous aimerions, si possible, après avoir reçu le droit d'octroyer des licences, appliquer les normes les plus élevées possibles pour aménager les forêts de l'Ontario et ce, pour le plus grand bien commun.

Je tiens à remercier le sous-comité de m'avoir écouté avec indulgence et intérêt. Je serai heureux de répondre à vos éventuelles questions tout de suite ou de vous fournir des renseignements complémentaires après cette audience, si vous le désirez.

Le président: Comme je suis ingénieur minier, je viens d'un autre domaine des sciences appliquées. Je connais peut-être certains de vos problèmes d'agrément et d'autres.

Lors de nos déplacements en Ontario, nous avons trouvé très intéressant que la province semble vouloir mettre en place un système quinquennal de vérification autonome afin de s'assurer que les compagnies forestières respectent les termes de leur contrat de coupe sur leurs zones d'exploitation respectives. J'ai l'impression qu'on pourrait profiter de ce genre de vérification pour former les forestiers. Toutefois, d'après ce que je crois comprendre de la situation du milieu sylvicole, cela me rappelle ce qui se faisait dans le secteur minier il y a 35 ans, car hors de la fonction publique, c'est-à-dire dans le secteur privé, il n'y a presque pas d'emploi. Il n'y a presque pas d'emploi pour les diplômés du programme abatteur-foresterie.

Trouve-t-on des diplômés des programmes de sylviculture travaillant dans le tourisme comme guides ou dans des organismes semblables? En fin de compte, les forestiers ne sont-ils pas considérés comme étant les laquais des exploitants forestiers et non comme des spécialistes indépendants dont les deux côtés de la barrière peuvent utiliser les services?

M. Riley: Vous avez raison, monsieur le président. L'un des objectifs que nous poursuivons en demandant le droit d'octroyer des licences, est de devenir un organisme fort et indépendant de forestiers qui sera là pour défendre ses membres au cas où ils se feraient, par exemple, accuser d'être des laquais ou de ne pas être loyaux envers leurs employeurs.

Jusqu'à présent, c'est effectivement ainsi que les choses se passent pour les forestiers parce que nous n'avons pas de licence. Un forestier qui désirerait entreprendre une action contraire aux désirs de son employeur n'aurait que peu de recours. C'est là une chose dont nous sommes rendus compte et contre laquelle nous nous sommes élevés, mais nous n'avions pas le pouvoir juridique de faire grand chose. Nous avons décrié cette situation et nous espérons qu'elle va changer. Quoi qu'il en soit, elle n'est pas aussi répandue qu'on veut bien l'affirmer parfois dans la presse ou dans les exposés de certaines organisations non gouvernementales.

Il s'agit d'un problème de relations publiques causé par les forestiers qui continuent de tolérer que cette vision de leur profession persiste dans cette province et ailleurs au Canada.

Le président: Si vous pouviez inclure tous les gens pratiquant la sylviculture sans exiger d'eux un niveau d'instruction élevé ni le respect de normes strictes, par le biais d'une clause de droits acquis, il vous serait sans doute plus facile d'obtenir le droit d'octroyer des licences de spécialiste dans votre domaine. Cette procédure permet plus facilement d'obtenir ce genre de droit. J'aime l'idée que vous avez exprimée, à savoir que si vous aviez l'autorisation d'émettre des licences, des non forestiers viendraient vous aider à administrer la nouvelle association.

M. Riley: Notre projet de loi contient effectivement un article assez exhaustif sur les droits acquis ainsi qu'une disposition prévoyant que les non diplômés d'université puissent continuer à gagner leur vie, comme ils l'ont fait auparavant. J'ai étudié cette question en détail et je me suis rendu compte que nombre de gens gagnent leur vie en pratiquant certains volets de la sylviculture. Nous ne voulons pas les empêcher de gagner leur vie.

Le sénateur Spivak: Vous dites que l'association a une influence considérable sur la façon dont les forêts boréales de l'Ontario sont gérées et vous voulez qu'elles soient aménagées pour le plus grand bien commun.

Comment réagissez-vous au dernier rapport «Lands for Life» qui a été rendu public en Ontario et dans quelle mesure en avez-vous influencé le contenu? Pensez-vous qu'il faille aménager toutes les forêts ou plutôt en laisser certaines évoluer naturellement?

Dans le rapport, on suggère d'ouvrir les terres forestières -- même les parcs -- à la coupe, à l'exploitation minière et ainsi de suite.

M. Riley: Vous savez bien sûr que le rapport «Lands for Life» a fait l'objet de réactions mitigées dans la province. Il a peut être fait l'objet d'une plus grande opposition qu'on l'avait d'abord pensé, puisque ce devait être l'outil grâce auquel le public aurait eu davantage son mot à dire dans la façon dont les forêts de la province devaient être aménagées.

L'association elle-même n'a pas fait de présentation à propos de «Lands for Life», mais plusieurs de nos membres l'ont fait.

Nous ne sommes pas intervenus à cette époque, parce que nous étions en train d'étudier la question et que nous n'étions pas certains au juste de ce que l'on nous proposait. Il semblait exister certaines questions sous-jacentes, quelques-unes que nous aurions pu avaliser et d'autres pas. C'est pour cela que notre organisation a décidé de ne pas comparaître devant le comité. Toutefois, nos membres ont participé au processus.

Quant à savoir s'il faudrait laisser certains secteurs à eux-mêmes, sans intervention humaine, je peux vous dire que tous les forestiers croient qu'il existe encore des régions que l'homme a laissées intactes.

D'un autre côté, quand il y a des feux de forêt, on nous reproche de ne pas nous précipiter pour les éteindre. Pourtant, le feu est l'élément le plus naturel qui soit dans l'histoire de l'écosystème forestier. Comme vous le savez, ce sont sans doute les incendies de forêt qui ont eu la plus grande influence sur la composition de nos forêts boréales d'aujourd'hui.

Nous sommes entièrement d'accord avec la constitution de réserves, en tant que critères et indicateurs d'aménagement durable de nos forêts. Nous estimons qu'il faudrait laisser certains secteurs à l'état naturel, pour que l'homme puisse en jouir, et pour constituer aussi des réserves biologiques.

Le sénateur Spivak: Votre organisme est-il favorable à la coupe dans les secteurs protégés? À la lecture de «Lands for Life», j'ai cru constater que la superficie des régions protégées venait d'être augmentée de 1 p. 100. Étant donné que certains secteurs, comme Temagami, constituent les dernières zones de peuplement, plusieurs espèrent qu'on ne viendra pas les perturber.

Diriez-vous que votre organisation ne veut pas prendre position à cet égard?

M. Riley: Ce n'est pas une question de prise de position ou pas; nous ne voulions pas prendre position avant d'être bien informés.

Le sénateur Spivak: Maintenant que le plan est connu, allez-vous réagir?

M. Riley: Si cela nous semble approprier, nous le ferons. Si je vous parais un peu évasif, c'est parce que nous n'avons pas encore appréhendé toute la question après l'avoir analysé une première fois.

Quant à votre question sur la région de Temagami, nous n'avons pas forcément conclu que le mieux consiste à réserver des terres. Il existe tout un éventail d'écosystème, de types de forêts et de conditions uniques avec lequel il faut composer. Il faudrait réserver des échantillons représentatifs de ces aspects. Cependant, si vous voulez réserver un million d'hectares de forêt boréale dans la province de l'Ontario, je crains que nous ne soyons pas d'accord. Vous ignoreriez alors les autres secteurs qui sont importants. L'échantillon représentatif doit être dosé.

Le sénateur Spivak: Cela va au-delà de la préservation de certains secteurs. Je crois savoir que c'est une région de chalets, de chasse et de loisir. J'ai lu un article où l'on disait que là-bas, on a de fortes chances de se réveiller un beau matin à côté d'une armée d'abatteuses-empileuses, au bord du lac. Je n'ai pas lu le rapport, mais on m'a dit qu'une grande partie de la région a été interdite à l'exploitation pendant longtemps, mais que maintenant, elle est libre.

M. Riley: Je crois que nous parlons essentiellement de deux types de terres: les terres domaniales et les terres privées.

Pour l'instant, si un propriétaire de terrain privé veut faire venir une abatteuse-empileuse pour commencer à exploiter son boisé, il n'y a pas grand-chose qu'on puisse faire. Le programme ontarien d'encouragement à l'entretien de futaies jardinées devrait nous permettre de modifier ce genre de situation car on accordera un allégement fiscal aux gens qui accepteront d'aménager leurs forêts. Par ailleurs, il y a les terres domaniales qui sont sous le contrôle du gouvernement de l'Ontario, c'est-à-dire, indirectement, des Ontariennes et des Ontariens. Je comprends que vous leviez les yeux au ciel, mais c'est ainsi.

C'est ce dont j'ai parlé plus tôt. Parce qu'il comprend la science sylvicole, le comportement des écosystèmes et la nécessité d'appliquer des normes élevées en matière d'aménagement forestier, un spécialiste membre de notre association s'opposerait à l'exploitation des forêts jusqu'à niveau des berges. Tout dépend des circonstances, mais il y a des régions où il faudrait interdire la coupe, pas forcément dans les réserves biologiques.

Le président: Merci, monsieur Riley, d'avoir contribué à nos travaux.

La séance est levée.


Haut de page