Délibérations du comité sénatorial
permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources
naturelles
Fascicule 2 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 18 novembre 1997
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 05, en vue d'examiner des questions qui pourraient survenir occasionnellement et qui concernent l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles du Canada (Forum pré-Kyoto).
Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Monsieur Janzen, au nom du comité, je vous souhaite la bienvenue. Si vous voulez bien faire votre exposé, nous vous écoutons.
M. Henry Janzen, chercheur scientifique, Lethbridge Research Centre, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Monsieur le président, je tiens au départ à vous remercier de nous avoir invités à faire ce bref exposé. Je suis accompagné, ce matin, de M. Ray Desjardins, chercheur spécialisé dans les gaz à effet de serre à l'administration centrale d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, à Ottawa.
Avec votre permission, je ferai mon exposé à côté de l'appareil de projection.
Ce matin, je vais vous parler brièvement de trois questions. Tout d'abord, quelle part des émissions de gaz à effet de serre est due à l'agriculture? Ensuite, quelles sont nos options pour atténuer ou réduire certaines de ces émissions? Enfin, quelles incertitudes nous attendent alors que l'agriculture elle-même fera face sous peu à des changements mondiaux?
Pour vous situer en contexte, je vais vous décrire brièvement l'effet de serre. Nous savons que les rayons solaires qui atteignent la surface de la Terre réchauffent notre planète qui, à son tour, émet des rayonnements de grande longueur d'ondes dans l'atmosphère. Une partie de ces rayonnements est absorbée par divers gaz présents dans l'atmosphère, y compris le méthane, le dioxyde de carbone et les oxydes d'azote. L'absorption de ces rayonnements de grande longue d'ondes réchauffe essentiellement l'atmosphère et le climat terrestre. C'est un effet favorable. Sans cet effet de serre, il ferait en moyenne 33 degrés de moins sur la Terre.
Le hic, naturellement, c'est que la concentration de ces gaz s'accroît. La concentration du méthane augmente au rythme d'environ 0,9 p. 100 par année, celle des oxydes d'azote, de 0,25 p. 100 par année, et celle du dioxyde de carbone, de 0,5 p. 100 par année. Au cours des dernières décennies, les concentrations de dioxyde de carbone dans l'atmosphère sont passées d'environ 320 milligrammes par litre en 1960 à environ 360 milligrammes par litre actuellement.
Bien qu'il subsiste beaucoup d'incertitude au sujet de l'impact de ces changements sur le climat, nous pouvons maintenant affirmer, avec pas mal d'assurance, que la composition de l'atmosphère est en train de changer. Les effets de ce changement nous préoccupent.
Quelle part des émissions est due à l'agriculture? L'agriculture joue un rôle important dans l'émission de ces trois gaz. Elle est, en premier lieu, une source d'oxydes d'azote. Une grande partie de ces oxydes viennent des terres agricoles, surtout de celles sur lesquelles on a épandu divers produits à base d'azote, par exemple des engrais azotés, des engrais organiques et divers résidus organiques.
L'agriculture est également source de méthane, en raison de l'élevage du bétail. Les bêtes en dégagent, tout comme le fumier. Dans une certaine mesure, une faible quantité de méthane passe lentement de l'atmosphère aux «agroécosystèmes». Les sols absorbent lentement du méthane présent dans l'atmosphère, de sorte qu'il y a un mouvement vers le bas jusque dans les agroécosystèmes, bien que le taux soit très faible par rapport aux quantités de gaz émises par les agroécosystèmes mêmes.
Le dioxyde de carbone est unique, parmi ces trois gaz, en ce sens que les écosystèmes agricoles en dégagent beaucoup dans l'atmosphère. L'agriculture sert aussi de puits de carbone. En d'autres mots, les écosystèmes agricoles absorbent beaucoup de CO2. Quand on étudie l'impact de l'agriculture sur l'atmosphère, il faut tenir compte des mouvements dans les deux sens.
Voici une diapositive qui illustre des prévisions actuelles des quantités réelles dégagées par les écosystèmes agricoles au Canada. Les trois gaz sont énumérés à gauche. La colonne suivante, intitulée «Réel» représente le taux absolu d'émission de gaz exprimé en millions de tonnes par année. Comme vous pouvez le voir, les taux sont loin d'être uniformes.
Il faudrait souligner que ces gaz n'ont pas tous le même potentiel de réchauffement de la planète. Les oxydes d'azote sont beaucoup plus puissants, soit à peu près 300 fois plus puissants que le CO2, par exemple. La dernière colonne donne l'équivalent-carbone en vue de rendre compte du potentiel variable de réchauffement de la planète des trois gaz. Vous pouvez constater que, parmi les trois, les oxydes d'azote pourraient être le plus important gaz dégagé par l'agriculture canadienne.
Le président: Que représente la troisième colonne?
M. Janzen: C'est l'équivalent-carbone. Si l'effet des émissions de N2O était transformé en unités d'émission de CO2, voilà ce que cela donnerait.
Dans la diapositive que voici, on vous donne les émissions des écosystèmes agricoles, exprimées en termes de pourcentage des émissions anthropiques au Canada. Comme vous pouvez le voir, les écosystèmes agricoles sont une importante source d'oxydes d'azote et de méthane, mais une source relativement négligeable de CO2, lorsqu'il est exprimé en ces termes.
Bref, si l'on tient compte du potentiel variable de réchauffement de la planète des divers gaz, illustré dans la dernière colonne de droite, on estime que l'agriculture représente environ 11 p. 100 des émissions anthropiques de gaz à effet de serre au Canada.
Les écosystèmes agricoles canadiens sont actuellement une source des trois gaz. Toutefois, les prévisions comportent une certaine part d'incertitude, particulièrement en ce qui concerne les oxydes d'azote qui sont très difficiles à mesurer et dont les émissions sont très sporadiques.
Il faut ensuite se demander ce que nous pouvons faire pour atténuer l'effet de ces émissions, pour réduire le taux d'émissions.
Dans le cas des oxydes d'azote, un certain nombre de stratégies ont été avancées. La plupart sont axées sur une amélioration de l'efficacité d'utilisation des azotes dans les écosystèmes agricoles, par exemple développer des méthodes plus efficaces d'application des engrais et faire une utilisation plus judicieuse des engrais organiques.
En ce qui concerne le méthane, une grande partie des travaux d'atténuation se concentre sur l'élaboration de méthodes plus efficaces d'utilisation des pâtures, entre autres changer jusqu'à un certain point les rations, envisager la possibilité d'intégrer divers additifs à l'alimentation et améliorer les systèmes de gestion des engrais organiques.
Le CO2 est le gaz qui a suscité le plus vif intérêt parce que l'agriculture en produit et en absorbe à la fois.
Afin de mieux vous expliquer le phénomène, j'ai ici un diagramme simplifié du cycle du carbone dans les écosystèmes agricoles. Essentiellement, le CO2 est absorbé par les récoltes et transformé en carbone organique sous diverses formes. Une partie de ce carbone organique est éliminé à la récolte. Le reste s'infiltre dans le sol où il est emmagasiné sous forme de matière organique et d'humus. La matière organique se décompose graduellement en CO2, complétant ainsi le cycle.
Depuis les milliers d'années que l'homme exploite le sol, ces réserves de carbone ont augmenté au point qu'il y a plus de carbone dans le sol que dans l'atmosphère. Si un changement survient dans la quantité de carbone emmagasinée dans le sol, la quantité de carbone atmosphérique en est touchée. Si le carbone enfoui dans le sol s'épuise et que la concentration baisse, cela signifie que le sol en produit plus qu'il n'en absorbe. Par contre, si le carbone accumulé augmente, cela entraîne une baisse nette du CO2. On qualifie ce processus de «piégeage du carbone».
Plusieurs stratégies ont été avancées pour modifier cela. En d'autres mots, les réserves de carbone dans le sol sont fonction de la gestion. Si nous examinons l'effet qu'a eu par le passé la gestion sur le carbone présent dans le sol, nous constatons qu'avant le début de la culture vers le début du siècle, il y a eu une nette baisse de la quantité de carbone stockée dans le sol. Les terres agricoles ont toujours été une importante source de CO2.
Le sénateur Gigantès: Je ne m'y connais peut-être pas suffisamment sur le plan technique, mais je ne suis pas sûr d'avoir compris si c'est une bonne chose que d'avoir beaucoup de carbone dans le sol.
M. Janzen: Je m'en excuse. C'est avantageux. Chaque quantité de carbone absorbée par le sol représente une quantité correspondante de moins dans l'atmosphère. Donc, en ce qui concerne le CO2 présent dans l'atmosphère, ce serait un processus avantageux.
Actuellement, nous nous intéressons à inverser cette tendance. Nous aimerions favoriser les pratiques qui entraînent une augmentation des réserves de carbone dans le sol. Nous avons repéré plusieurs pratiques qui, du moins en certains endroits, peuvent augmenter la quantité de carbone stockée dans le sol. Sur la diapositive que voici sont énumérées quatre pratiques, soit un travail du sol moins intensif, une moins grande dépendance à l'égard de la jachère, une utilisation accrue des diverses cultures fourragères et une meilleure utilisation des nutriments culturaux. La jachère demeure une pratique répandue dans les Prairies, où l'on laisse le sol se reposer pendant une saison. Les cultures fourragères sont des légumineuses et des graminées. On obtient une meilleure utilisation des nutriments culturaux grâce à l'épandage d'engrais et à divers additifs.
Le sénateur Gigantès: Cela fera augmenter le carbone dans le sol.
M. Janzen: Oui.
Le président: Ainsi, une plus grande quantité du CO2 que nous rejetons dans l'atmosphère par divers moyens, particulièrement ceux qui découlent de la consommation de pétrole et de gaz, serait absorbée. Plus de CO2 serait absorbé, ce qui pourrait être avantageux, sur le plan du réchauffement de la planète.
M. Janzen: Vous avez tout à fait raison.
Le président: Peut-on pousser le raisonnement jusque-là?
M. Janzen: Si la réserve de carbone dans le sol augmente d'une tonne, c'est une tonne de moins dans l'atmosphère. Toute augmentation de la réserve de carbone dans le sol entraîne une baisse du CO2 dans l'atmosphère.
Le sénateur Spivak: Ces pratiques, mis à part le fait qu'elles soient liées au réchauffement de la planète, sont aussi très avantageuses sur le plan de l'agriculture durable. Il faudrait les adopter de toute façon.
M. Janzen: Justement.
Le président: Le puits de carbone et le piégeage sont-ils essentiellement synonymes?
M. Janzen: Quand j'ai dit que le sol agit comme puits de carbone, je veux dire que le sol est capable d'absorber du CO2. Par contre, quand j'ai dit que le sol est une source, cela signifie qu'il dégage des émissions nettes dans l'atmosphère.
Le sénateur Taylor: Le carbone s'infiltre dans le sol par photosynthèse et par croissance végétale, n'est-ce pas? Le piégeage s'effectue par photosynthèse.
M. Janzen: Effectivement.
Le sénateur Taylor: Il ne suffit pas qu'une particule de dioxyde de carbone tombe au sol pour qu'elle soit absorbée. Il faut qu'il y ait photosynthèse.
M. Janzen: Vous avez raison.
Le sénateur Taylor: Donc, plus il y aura de végétaux au sol, par exemple des arbres et la jachère, plus il s'effectuera de photosynthèse.
Je crois savoir que les océans absorbent aussi beaucoup de CO2. Est-ce en raison de la présence d'algues dans l'eau? Les océans absorbent plus de CO2 que les sols, mais je ne suis pas sûr d'avoir compris la nature du phénomène.
M. Janzen: On se demande ensuite quel visage aurait l'agriculture au Canada si nous réussissions à accroître le recours à ces diverses pratiques. Voici un diagramme des régions agricoles du pays. Si nous généralisions le recours de ces pratiques partout au pays, combien de carbone retiré de l'atmosphère serait stocké dans le sol? Nous n'avons pas encore réussi à faire de bonnes prévisions à cet égard. Le mieux que je puisse faire, c'est de vous donner un exemple très hypothétique afin de vous donner, à défaut d'autres choses, une idée de l'ampleur du phénomène.
Supposons que, sur une période de 20 ou de 30 années, il y ait une augmentation de trois tonnes de carbone sur un hectare de terrain, en d'autres mots, que l'on ait retiré trois tonnes de CO2 de l'atmosphère. Si la superficie touchée est d'environ 35 millions d'hectares, soit l'équivalent des terres cultivées dans les Prairies, cela représenterait un peu plus de 100 millions de tonnes de carbone piégé ou de CO2 éliminé, soit l'équivalent presque de la quantité de carbone que dégage chaque année la combustion de carburants fossiles. Le chiffre n'est pas, du moins en théorie, insignifiant.
Il faut tenir compte de quelques facteurs. Les sols ne peuvent pas absorber du carbone indéfiniment. C'est un processus à court terme. Tôt ou tard, les gains en carbone cessent, quand le sol a atteint un nouveau point d'équilibre. Le phénomène se produit sur plusieurs années. Il est relativement lent.
Autre point important, la plupart des écosystèmes agricoles ont besoin d'un supplément d'énergie. Nos écosystèmes utilisent des combustibles fossiles de sorte qu'à long terme, les émissions de CO2 ainsi produites pourraient bien annuler une grande partie des gains en carbone. En fait, à long terme, elles pourraient bien les annuler complètement. Par conséquent, l'effet net du piégeage du carbone est un avantage à court terme.
En résumé, il existe plusieurs stratégies d'atténuation des effets du N2O, du méthane et du CO2 et il est peut-être possible, du moins à court terme, d'abaisser les émissions de CO2 en deçà de zéro. En d'autres mots, il est peut-être possible aux agroécosystèmes d'effectuer un retrait net de CO2 de l'atmosphère. Nous croyons, cependant, que cela ne durera que très peu de temps, quelques années peut-être, plusieurs décennies au plus, après quoi ils recommenceront à être des sources nettes de CO2.
Bon nombre de ces pratiques, comme on l'a déjà souligné, sont très avantageuses de toute façon. Selon les phytotechniciens, il faudrait chercher à accroître la quantité de carbone dans le sol, quelle qu'en soit l'impact sur l'atmosphère. En effet, bon nombre des pratiques dont nous avons parlé plus tôt favorisent la durabilité et la productivité de l'agriculture. Toute amélioration du tableau des gaz à effet de serre est un avantage supplémentaire. On peut dire la même chose des pratiques d'atténuation visant d'autres gaz. Certaines d'entre elles du moins entraînent une plus grande efficacité et une meilleure utilisation des ressources.
Nous avons beaucoup parlé de l'impact des agroécosystèmes sur l'environnement mondial, sur l'éventuel réchauffement de la planète et ainsi de suite, mais il ne faudrait pas oublier l'effet en sens inverse. Si l'environnement de la planète change, l'agriculture sera manifestement touchée.
Permettez que je vous énumère quelques-unes des incertitudes qui pourraient en découler, la première étant les changements dans les pratiques comme telles de production. Par exemple, une demande accrue de production d'aliments exerce des pressions sur les systèmes agricoles, pressions qui pourraient peut-être devenir elles-mêmes sources de changements. Une augmentation du nombre de têtes de bétail peut avoir des répercussions sur les émissions de méthane et d'oxydes d'azote. Une autre incertitude a trait aux changements climatiques. Les augmentations de température et les changements du niveau de précipitation nuisent à la productivité de nos systèmes.
La dernière incertitude, sur notre liste, est un changement dans la concentration de CO2 comme telle. Nous savons que le CO2 est une matière première de la production agricole. C'est de CO2 dont se servent les cultures pour produire de la matière organique. Par conséquent, une augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique pourrait être avantageuse pour les récoltes, et certains chercheurs affirment qu'elle pourrait avoir un léger effet positif, bien que beaucoup d'incertitude continue d'entourer cette question. Il faudrait faire plus de la recherche à cet égard.
Le sénateur Gigantès: Quel est le rapport entre ce qui se passe au Canada et ce qui se produit ailleurs dans le monde? La pollution dans d'autres régions du monde est-elle si grave que ce que nous faisons aura peu d'influence? Après tout, c'est de l'atmosphère de toute la planète dont il est question.
M. Janzen: Je crois comprendre que le Canada produit à peu près 2 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre du monde. C'est un pourcentage relativement faible. Par contre, le milieu agricole aimerait au moins mettre de l'ordre dans ses affaires et faire en sorte de ne pas contribuer au problème. Il n'existe probablement pas de solution unique au problème des gaz à effet de serre. Il n'existe pas, non plus, de solution facile. Au sein de la collectivité agricole, nous aimerions pouvoir au moins dire que nous ne contribuons pas excessivement au problème et que nous prenons toutes les mesures à notre portée, peu importe, en vue d'en réduire l'impact.
Le sénateur Gigantès: C'est moralement très satisfaisant, mais tout ce qui se passe actuellement dans le reste du monde est-il si affreux que même si nous faisons de notre mieux, cela ne changera rien?
M. Janzen: Vous avez tout à fait raison; nous pouvons modifier nos pratiques culturales, mais cela ne diminuera que légèrement les émissions de gaz à effet de serre et n'aura qu'un effet peu marqué sur l'environnement global.
Le sénateur St. Germain: Ma question porte sur le changement climatique. Vos ministères observent-ils le changement climatique et ses effets sur l'agriculture? Nous avons vu récemment des annonces publicitaires de certains secteurs et de l'industrie qui prétendent qu'il n'y a pas réchauffement de la planète. Certains vont même jusqu'à dire qu'il y a refroidissement de la planète. Est-ce que votre ministère et votre secteur particulier de l'industrie observent l'évolution de la situation?
M. Raymond Desjardins, chercheur scientifique, micrométéorologie, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Le ministère de l'Agriculture a des stations de recherche dans tout le pays. Dans ces stations, des postes météorologiques recueillent des données météorologiques depuis pas mal d'années. Nous examinons ces données qui sont envoyées à Environnement Canada; elles sont très variables, mais certaines tendances s'en dégagent depuis 50 ans. Il arrive qu'aucune tendance ne se dégage d'un mois à l'autre, mais il suffit d'examiner la saison complète de croissance ou une année entière pour observer une augmentation de la température de près de 0,9 degrés ces 100 dernières années dans certains endroits. Dans d'autres endroits, cette augmentation est moindre. Ces 16 dernières années, nous avons connu, par exemple, les 10 années les plus chaudes jamais enregistrées à l'échelle de la planète. L'Ontario et le Québec ont été plus chauds pendant 8 des 10 dernières années; par contre, les Prairies ont été plus froides que la normale pendant 6 des 10 dernières années.
Le tableau de la situation n'est pas parfaitement clair, mais il ne fait aucun doute que, à long terme, la saison de croissance ou le nombre de journées de croissance augmenteront. C'est inévitable. Compte tenu de l'augmentation prévue, si nous acceptons le modèle, cela sera nécessairement encore plus considérable.
Le sénateur St. Germain: Vos données ne remontent qu'à 50 ans. Je me souviens avoir survolé le sud de la Saskatchewan et me dire qu'à un moment donné, il ne devait y avoir que des zones désertiques entre Moose Jaw et Medicine Hat, en Alberta. Sait-on de façon certaine que ce soit lié à l'activité humaine, ou est-il possible que ces changements soient cycliques? Si l'on examine la situation d'il y a un million d'années, ou même d'il y a mille ans, ces changements de température pourraient-ils être attribués à des changements naturels, cycliques et non à l'intrusion humaine dans l'environnement?
M. Desjardins: Ils pourraient être attribués à des changements cycliques et il nous est difficile de prouver le contraire. Il ne fait aucun doute que nous fermons des fenêtres dans l'atmosphère. Les émissions de certains gaz à effet de serre augmentent. Nous savons qu'il y a des endroits par où la chaleur de la terre peut s'échapper et, en augmentant ces gaz, nous savons, d'après les lois de la physique, que nous fermons quelques fenêtres. Vous avez raison de dire que les données sur l'eau fluctuent, et on pourrait défendre ce que vous avancez. Toutefois, je ne pense pas que l'on doute vraiment de la tendance au réchauffement ni non plus du fait qu'une concentration plus élevée de gaz à effet de serre influe sur la température globale.
Le sénateur Spivak: Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, qui existe depuis environ 1988, a recours aux services de 1 000 scientifiques et autres, spécialisés dans le domaine des changements climatiques; ils semblent dire qu'un impact anthropique sur le climat est de plus en plus évident. N'est-ce pas la déclaration qui fait le plus autorité en la matière?
M. Janzen: C'est certainement ce que je crois également.
Le sénateur Spivak: Vous examinez les pratiques culturales qui non seulement peuvent donner des résultats positifs en ce qui concerne les changements climatiques, mais aussi des résultats avantageux pour l'industrie agricole en ce qui concerne l'érosion des sols, et cetera. Pourquoi examinez-vous ces tendances? Après tout, à cause de certaines politiques du gouvernement, comme le retrait des subventions au transport, et cetera, nous assistons à d'énormes changements dans le domaine de l'agriculture. Par exemple, la production de porcs a augmenté, tandis que celle des céréales a diminué.
Quel en sera l'impact non seulement sur le changement climatique, mais aussi sur l'agriculture et la production alimentaire en général? Étant donné que les provinces contrôlent pratiquement tout, quels sont les pouvoirs du ministère de l'Agriculture qui lui permettent de façon macroéconomique d'observer ces changements et de les orienter? Pourquoi ne proposez-vous pas que l'on produise du bison à la place des porcs pour des raisons comme la nutrition, le changement climatique et l'agriculture durable? Laissez-vous la production de porc augmenter sans contrainte, sans aucune orientation de la part du gouvernement fédéral?
M. Janzen: Je ne sais pas vraiment comment vous répondre si ce n'est dire que, dans une certaine mesure, je ne suis familier qu'avec ce qui se fait à la direction générale de la recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous sommes nombreux à nous occuper de la mise au point de systèmes plus durables. La plupart du travail préalable à celui que nous faisons sur les émissions de gaz à effet de serre a essentiellement porté sur la durabilité. Initialement, beaucoup d'entre nous avons travaillé sur le cycle du carbone et le cycle de l'azote, non du point de vue des émissions dans l'atmosphère, mais du point de vue de la conservation des sols. Nous avons une certaine expertise et continuons à faire de la recherche sur l'impact éventuel de tout changement en matière de gestion et d'une conversion à des systèmes fondés davantage sur l'élevage et sur la durabilité de ces systèmes à plus grande échelle; nous ne faisons donc pas uniquement de la recherche sur les gaz à effet de serre.
Pour répondre partiellement à la question posée, je dirais que l'augmentation des animaux d'élevage peut avoir des effets autant positifs que négatifs sur la durabilité et sur toute la question de l'effet de serre. Une augmentation des animaux d'élevage peut entraîner l'augmentation des émissions de méthane et d'oxyde nitreux. Par contre, nous savons également qu'une augmentation des animaux d'élevage peut augmenter la superficie des sols consacrés aux cultures fourragères et les cultures fourragères peuvent avoir des effets favorables sur les sols et sur la durabilité des terres agricoles. Le tableau général de la situation est très complexe.
Le sénateur Spivak: Fait-on une évaluation des divers types d'animaux d'élevage, comme les bovins, les porcs ou le bison, pour savoir lesquels conviennent le mieux et lesquels ont l'impact le plus important sur les gaz à effet de serre dans les Prairies? D'énormes changements se produisent. Fait-on des études à ce sujet?
M. Janzen: L'une des plus grandes questions, soit celle de la gestion des déchets, est de plus en plus étudiée dans les divers centres de recherche de l'Ouest du Canada et de l'Est aussi, j'en suis sûr.
Le président: Vous êtes originaire de Lethbridge, monsieur Janzen, et vous connaissez sans aucun doute les problèmes reliés à une forte concentration de l'élevage du porc. C'est une question importante. On retrouve d'immenses exploitations d'élevage de porcs et de parcs d'engraissement dans cette région. Cette forte concentration a-t-elle eu un effet sur votre région?
M. Janzen: On assiste en ce moment à une soudaine poussée de la recherche. Des travaux de recherche à long terme ont été faits, mais on recommence aussi à s'intéresser à d'autres questions comme celle de la qualité de l'eau. On essaie, par exemple, de déterminer l'impact de l'augmentation de l'épandage de fumier, du lessivage de nitrates dans la nappe d'eau souterraine, sur la qualité des eaux de puits, et cetera.
Je dirais tout simplement que la question du nombre d'animaux d'élevage est reliée à un éventuel excès de nutriments. Les nutriments du fumier du bétail sont bénéfiques. Il y a problème, lorsque leur concentration dépasse la capacité d'absorption des plantes; ils sont alors lessivés dans la nappe d'eau souterraine et émis dans l'atmosphère sous forme de gaz à effet de serre et de divers autres polluants.
Le sénateur Hays: Vous concluez en disant que modifier les pratiques culturales présente des avantages, non seulement en ce qui concerne la conservation des sols et pour d'autres raisons, mais aussi en ce qui concerne le piégeage du carbone. On peut retirer quelques avantages des nouvelles pratiques culturales en suivant les quatre méthodes proposées que vous nous avez montrées à l'écran, c'est-à-dire en laissant plus de résidus, plus de cellulose et plus de matières carbonées en place. Nous connaissons la valeur du fourrage grossier pour les ruminants, ce qui n'a rien à voir avec l'exemple donné par le sénateur Spivak au sujet des porcs qui eux, se nourrissent de céréales.
À l'autre extrême, nous savons que, dans le domaine de la politique agricole, nous passons à un paradigme de prise de décisions plus axé sur le marché. Pourriez-vous nous dire comment vous conciliez les deux? Laissez-vous les agriculteurs faire ce qu'ils veulent et, si les gens veulent manger plus de porc, les encouragez-vous à élever plus de porc? Sinon, sachant que cela représenterait un avantage pour l'environnement de la planète, encouragez-vous les agriculteurs à choisir une autre option qui ne soit pas axée sur le marché? Les indemniseriez-vous pour abandonner l'élevage du porc? Y avez-vous songé?
M. Janzen: Des pratiques culturales susceptibles de rendre ces mesures économiquement souhaitables pourraient être mises au point. Par exemple, de nombreux travaux de recherche ont porté sur l'élaboration de ce que l'on appelle «méthodes culturales de conservation du sol» ou méthodes culturales de non-labour, soit une technique permettant aux agriculteurs de faire des cultures avec un minimum de labour. La recherche a été axée sur la mise au point de l'équipement, des méthodes de désherbage et des pratiques agronomiques visant à assurer que de telles méthodes fonctionnent, qu'elles soient économiquement viables, voire même, profitables. Ces pratiques sont maintenant largement acceptées dans la plupart du Canada. Le taux d'adoption de ces méthodes a été élevé grâce essentiellement aux facteurs économiques.
Le sénateur Hays: Êtes-vous en train de dire que pour motiver les agriculteurs, on a recours à la carotte et pas au bâton?
M. Janzen: Dans le cas des méthodes culturales de conservation du sol, c'était certainement la carotte. Je ne sais pas vraiment comment on pourrait procéder.
Le sénateur Hays: Si l'on ne dispose que de ces genres d'incitatifs, pensez-vous que l'on pourrait y avoir recours pour contrebalancer les émissions de carbone causées par les combustibles fossiles? Par exemple, pourront-nous dire en 2005, lorsque le Canada comparera ses émissions de carbone par rapport à celles de l'an 2000, que la situation s'est améliorée de beaucoup du fait que les agriculteurs ont contribué à la suppression du carbone, si rien ne permet de les obliger à le faire?
M. Janzen: Je ne sais pas comment on pourrait le prévoir. Il s'agit en fait de prouver qu'il existe des avantages agronomiques.
Je devrais ajouter que l'éducation interactive entre agriculteurs, chercheurs, et cetera, est précieuse. Les agriculteurs comprennent très bien ce que représente la conservation des sols. Ils reconnaissent qu'il s'agit de quelque chose de crucial pour les prochaines générations qui disposeront ainsi des ressources nécessaires pour poursuivre l'agriculture. C'est un autre facteur de motivation. C'est à nous qu'incombe la responsabilité de poursuivre ce travail en matière d'éducation et de diffusion de l'information.
Le sénateur Hays: Vous en avez déjà fait beaucoup dans ce domaine. En avez-vous évalué la valeur? Par exemple, dans des régions sujettes à l'érosion éolienne, les pratiques culturales ont changé. Lorsque l'on survole la région entre Calgary et Lethbridge, on voit moins de jachères. Plus de techniques culturales entraînent plus de déchets de récolte. L'avez-vous évalué en tant qu'avantage?
M. Janzen: Certainement, des observations ont été faites; M. Desjardins pourrait peut-être en parler.
La télédétection est une autre technique utilisée. Certains de ces changements peuvent être évalués par imagerie satellite.
M. Desjardins: Nous avons fait ce dont vous parlez, monsieur le sénateur. Nous avons examiné la quantité de carbone que nous avons perdue dans les années 90. En fonction de la tendance actuelle du non-labour et du recours accru aux engrais, nous avons noté que, d'ici 1998-1999, nous aurons atteint un point d'équilibre et nous ne perdrons pas de carbone. Les sols vont commencer à piéger le carbone jusqu'en 2010 au moins. Si la production agricole augmente de 10 à 20 p. 100 jusqu'en 2010, la diminution de la perte de carbone du sol sera égale à l'augmentation des émissions causées par le méthane produit par le bétail. Entre 1990 et 2010, les gains ou pertes de l'agriculture seront nuls. C'est une solution à court terme. L'agriculture continuera d'être une source pour l'avenir.
Le sénateur St. Germain: L'équilibre dont vous faites mention s'applique-t-il uniquement à la quantité de CO2 émise dans l'atmosphère par suite de l'agriculture, ou s'agit-il du tableau général de la situation des émissions dans le pays?
M. Desjardins: Il s'agit uniquement des émissions agricoles. Cela n'a rien à voir avec le pays dans son ensemble, car l'agriculture joue un petit rôle dans les émissions de gaz à effet de serre. Nous représentons près de 11 p. 100 des émissions au total.
D'après nos calculs, nous pouvons contrebalancer l'augmentation de nos émissions d'ici l'an 2010, émissions du secteur agricole seulement. Cela ne tient pas compte du transport, de la production alimentaire ou de la fabrication des engrais.
Le sénateur Hays: Ces 11 p. 100 prennent-ils en compte tous les gaz à effet de serre, y compris le méthane?
M. Desjardins: Oui.
Le sénateur Gigantès: A-t-on fait une étude comparative entre les émissions de gaz et la production de viande des divers animaux? Les porcs sont-ils par exemple plus pollueurs que les bisons, par livre?
M. Janzen: En ce qui concerne les émissions de méthane, celles produites par les ruminants sont plus élevées, les ruminants étant les bovins et les bisons, par opposition aux porcs, par exemple.
Le sénateur Gigantès: Les porcs ne produisent-ils pas plus d'oxyde nitreux?
M. Desjardins: Oui, à partir du fumier. Les bovins produisent près de 75 p. 100 de méthane, les porcs près de 25 p. 100.
Le sénateur Gigantès: Est-ce parce qu'il y a moins de porcs que de bovins, ou est-ce calculé par livre?
M. Desjardins: Par livre, les bovins en produisent beaucoup plus. Les bovins laitiers en produisent 500 litres par jour, les bovins non laitiers, comme les bouvillons, en produisent 200 litres par jour.
Le sénateur Buchanan: J'aimerais poser une question au sujet du CO2. Je viens d'une région du pays où 70 p. 100 de notre électricité provient du charbon. Entre 1977 et 1990, nous avons construit cinq centrales de 150 mégawatts. Cette période a été plutôt intéressante en matière de politique en Nouvelle-Écosse.
Nous avons été en butte aux critiques à la fin des années 1980 pour avoir construit ces centrales à cause des niveaux de SO2. Les premiers ministres des provinces de l'Atlantique ont signé un accord avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre pour maintenir le SO2 à un certain niveau, ce qui a été fait.
La centrale à lit fluidisé de Point Aconi a été la dernière construite. Elle permet de diminuer le niveau de SO2 de près de 90 p. 100, le ramenant à des quantités négligeables. Nous avons ensuite été critiqués pour les émissions de CO2. David Suzuki est venu à Halifax m'accuser d'avoir accepté la construction de ces centrales. Je lui ai proposé d'aller faire cette déclaration au Cap-Breton.
À l'époque, beaucoup de gens qui, je crois, savaient ce dont ils parlaient, ont déclaré que nous devrions planter des millions d'arbres, non seulement au Cap-Breton, mais aussi dans toute la Nouvelle-Écosse. Ils ont même dit que si nous financions la plantation d'arbres jusqu'en Amérique du Sud, nous faciliterions la lutte contre le CO2. Est-ce vrai?
M. Desjardins: La Nouvelle-Zélande adopte la même approche. Tout dépend du genre de sol où l'on plante ces arbres. C'est probablement vrai si vous plantez les arbres sur des sols marginaux parce que, à long terme, ils vont piéger le carbone. Cela n'est pas vrai si vous utilisez de bonnes terres agricoles.
Le sénateur Gigantès: Personne ne le ferait.
M. Desjardins: Certains, oui.
Le sénateur Spivak: C'est le contraire.
M. Desjardins: Il ne fait aucun doute que les forêts représentent un puits très important de CO2. Reste à savoir maintenant si nos forêts canadiennes peuvent absorber tout le dioxyde de carbone que nous produisons au Canada. Il manque un puits de carbone. Certains pensent que c'est l'océan, d'autres la forêt boréale.
Le sénateur Buchanan: Avant de changer de sujet, j'aimerais dire clairement que même si nous brûlons du charbon et continuerons de le faire, nous produisons moins de 0,1 p. 100 de tout le dioxyde de carbone émis dans l'atmosphère au Canada.
Le président: Le sénateur des Maritimes ne vous pose pas une question. Il ne fait qu'une simple observation.
Le sénateur Gigantès: Je ne comprends pas tellement bien ce que vous avez dit au sujet des forêts canadiennes.
M. Desjardins: Le dioxyde de carbone favorise la croissance des plantes. Les concentrations de dioxyde de carbone augmentent de 0,5 p. 100 environ par année. Les plantes peuvent donc compter sur de plus grandes quantités de dioxyde de carbone pour leur croissance. D'après certains observateurs, les forêts pousseraient plus vite du fait que les arbres et les sols absorberaient plus de carbone. La plupart du carbone généré par les combustibles fossiles serait donc absorbé de cette façon.
La combustion de combustibles fossiles génère 6 gigatonnes de dioxyde de carbone par année. Cela vaut pour l'ensemble de la planète. D'après les analystes, les océans en absorbent environ deux gigatonnes. Il existerait d'autres sources d'absorption. Finalement, deux gigatonnes seraient absorbées par l'atmosphère, deux par les océans, et deux par d'autres sources à l'échelle planétaire. Autrement, la concentration de CO2 augmenterait beaucoup plus vite que ce n'est le cas actuellement.
Les scientifiques effectuent des recherches en vue de trouver les autres sources d'absorption du dioxyde de carbone. Les forêts boréales pourraient figurer parmi celles-ci.
Le sénateur Gigantès: Malgré la destruction des forêts tropicales?
M. Desjardins: On laisse entendre que la destruction des forêts tropicale dégage de grandes concentrations de carbone dans l'atmosphère.
Le sénateur Taylor: J'aimerais vous poser une question au sujet du réchauffement de la planète.
Ai-je raison de dire qu'il y a très peu de carbone, sinon aucun, qui est piégé l'hiver, quand le sol est recouvert de neige?
N'est-il pas vrai que le réchauffement de la planète nous donnerait des hivers plus courts et des étés plus longs, et qu'il prolongerait aussi la saison de croissance? N'est-il pas également vrai que plus la saison de croissance est longue, plus la quantité de carbone absorbée est élevée, et plus le réchauffement de la planète ralentit, ainsi de suite? Autrement dit, est-il possible que la nature ait développé un mécanisme autorégulatoire? Est-ce possible, à votre avis?
M. Janzen: Comme l'a mentionné M. Desjardins, l'augmentation des concentrations de CO2 n'est pas aussi élevée que prévue, si l'on tient compte du niveau d'augmentation des émissions. Les plantes, les océans, ainsi de suite, absorbent une certaine quantité de carbone. Il y en a donc moins dans l'atmosphère. Toutefois, malgré cela, les émissions de CO2 continuent d'augmenter ou ont augmenté, ce qui m'amène à penser que, même s'il y a une rétroaction positive ou négative quelconque, cela ne suffit pas pour maintenir les concentrations au niveau préindustriel.
Le président: Vous avez bien dit que, dans les Prairies, le puits de carbone absorbe quelque 100 millions de tonnes de CO2 par année?
M. Janzen: C'est 100 millions de tonnes échelonnées sur le nombre d'années qu'il faut au sol pour absorber le carbone. Cela peut prendre 20, 30 ou 40 ans. Ce n'est pas une augmentation annuelle. Il s'agit là d'un point important. C'est un processus qui prend beaucoup de temps. La quantité n'est pas énorme, compte tenu du débit d'émission. Elle ne représente qu'une partie infime des émissions de CO2 générées par les combustibles fossiles.
Le président: Est-ce que les niveaux d'absorption pourraient augmenter, compte tenu des facteurs que vous avez énumérés?
M. Janzen: Encore une fois, la courbe que je vous ai montrée n'est qu'une projection théorique de la quantité qui pourrait être absorbée, si ces pratiques étaient adoptées.
À l'heure actuelle, on pourrait dire que les sols sont presque à l'état neutre. Ils ne dégagent pas de CO2, et n'en absorbent pas non plus. On pourrait dire qu'ils sont à l'état neutre.
Si nous adoptions ces pratiques -- et je dis bien si -- nous pourrions capter environ 100 millions de tonnes de carbone additionnelles. Non pas sur une base annuelle, mais progressivement, sur plusieurs décennies. Ce chiffre ne représente qu'un très faible pourcentage des émissions de combustibles fossiles qui sont générées tous les ans, si l'on tient compte du débit d'émission annuel de CO2 qui est enregistré.
Le président: Pouvez-vous nous dire quelle quantité de carbone les terres agricoles absorbent sur une année? Ou est-il trop difficile de compiler des données sur ce sujet?
M. Janzen: Nous avons établi quelques projections fondées sur les modèles informatiques.
M. Desjardins: En 1990, nous perdions environ 6 millions de tonnes de dioxyde de carbone par année, et nous continuons d'en perdre. Depuis que nous pratiquons la culture du sol, nous avons perdu 1 600 millions de tonnes de carbone, et 6 000 millions de tonnes de CO2. Toutefois, nous devrions commencer à récupérer, d'ici l'an 2005, entre un et 2 millions de tonnes de dioxyde de carbone par année.
Le sénateur Gigantès: Que voulez-vous dire par «perdre» et «récupérer» dans ce cas-ci?
M. Desjardins: Le sol, avant qu'il ne soit cultivé, contenait de grandes quantités de carbone. Celui-ci a diminué progressivement au point de se retrouver en état d'équilibre. Grâce aux pratiques de gestion actuelles, la quantité de carbone dans le sol a commencé à augmenter légèrement. Les plantes aident le sol à absorber le dioxyde de carbone qui se trouve dans l'atmosphère.
Le sénateur St. Germain: Ces changements entraînent des coûts. Les agriculteurs n'exercent pas d'influence sur les prix. Ce ne sont pas eux qui les fixent. Il s'agit là d'un facteur très important.
Les plus grands pollueurs au sein de la société sont les villes et ses habitants. Quelqu'un devra en payer la note. Si l'agriculture est considérée comme une source possible de réduction des gaz à effet de serre, croyez-vous que cela pourrait à la longue avoir un impact sur les coûts? Les gens ont tendance à privilégier les solutions les plus économiques et les plus efficaces qui soient.
Je me suis lancé dans l'élevage du bétail il y a 12 ans. Les prix en vigueur aujourd'hui sont toujours les mêmes, s'ils ne sont pas moins élevés. Toutefois, les dépenses ont quadruplé, qu'on parle des tracteurs ou des impôts. Avons-nous essayer de trouver des moyens d'aider les agriculteurs à absorber ces hausses de prix?
M. Janzen: Je ne crois qu'on ait fait beaucoup de recherches là-dessus. Je sais, par contre, qu'il a été question de donner aux agriculteurs un crédit pour le carbone stocké dans les sols. Je ne sais pas comment ce crédit serait financé. Quoi qu'il en soit, les sommes en cause seraient relativement minimes et peut-être pas assez importantes, du point de vue économique, pour inciter les agriculteurs à adopter de nouvelles pratiques.
Même si ces mesures étaient adoptées de façon générale, les pratiques agricoles continueraient de produire des gaz à effet de serre en raison des émissions de méthane et d'oxyde nitreux qu'elles génèrent.
Le sénateur Taylor: J'aimerais vous poser une question au sujet du piégeage du carbone.
Comme vous le savez, vous pouvez injecter du gaz ammoniac dans le sol. Est-il possible de piéger du carbone, sous pression, dans le sol?
M. Janzen: Il serait possible de le faire. La quantité serait toutefois négligeable.
Des recherches ont été effectuées dans ce domaine. Les Japonais ont essayé de voir si l'on pouvait injecter du CO2 dans les océans. Il y a des mécanismes chimiques qui permettraient de piéger ces concentrations de CO2. Toutefois, cette procédure, autant que je sache, n'est pas très rentable.
Le sénateur Taylor: Cela pourrait fonctionner en Nouvelle-Écosse. On pourrait prendre le dioxyde de carbone que produisent les usines alimentées au charbon et l'injecter dans les serres. La Nouvelle-Écosse pourrait-elle faire pousser du radis deux fois plus vite en utilisant les gaz de houille? Est-ce que le dioxyde de carbone injecté dans les serres peut vraiment faire une différence?
M. Janzen: Je pense qu'on le fait déjà dans de nombreuses serres. On enrichit l'atmosphère avec du CO2, ce qui a pour effet d'accélérer la croissance des cultures. Le problème, c'est que la quantité de CO2 généré par la combustion de combustibles fossiles est tellement élevée qu'on arrive difficilement, avec cette pratique, à réduire les concentrations de CO2 dans l'atmosphère.
Le président: Merci, messieurs Janzen et Desjardins, d'avoir partagé vos vues avec nous.
Nous accueillons maintenant l'Association canadienne des producteurs pétroliers.
Vous avez la parole.
M. David J. Manning, c.r., président, Association canadienne des producteurs pétroliers: Monsieur le président, comme vous le savez, le changement climatique est un sujet d'actualité. Pour une raison ou une autre, nous semblons être particulièrement touchés par ce phénomène.
Nous représentons le secteur amont de l'industrie qui participe à l'exploration, à la mise en valeur et à la production du pétrole et du gaz naturel. Les membres de l'association produisent environ 95 p. 100 du pétrole et du gaz naturel canadien.
Il me fait grand plaisir de vous annoncer aujourd'hui qu'il y a maintenant six provinces qui assurent la production de pétrole et de gaz au Canada. La plate-forme Hibernia est entrée en service hier. Les prévisions quant aux ressources de pétrole qui se trouvent au large de Terre-Neuve dans le seul champ pétrolifère d'Hibernia ont presque doublé. Cette plate-forme produira à elle seule, dès l'an prochain, 180 barils de pétrole par jour, du jamais vu. Cela correspond presque à la quantité de pétrole produite par l'usine Syncrude. Nous sommes très fiers de représenter l'industrie dans la région de l'Atlantique et dans l'Ouest canadien. Il s'agit là d'un facteur clé.
Le sénateur Buchanan: Vous n'avez pas parlé des ressources qui se trouvent au large de la Nouvelle-Écosse.
M. Manning: J'y arrive. Le sondage qu'a mené l'industrie, et que M. Peirce vous décrira dans un instant, avait pour but de connaître l'opinion des Canadiens sur l'importance de notre industrie, le changement climatique et divers autres sujets.
Une des premières questions que pose une industrie est la suivante: croyez-vous que notre industrie est importante? Je suis très fier d'annoncer que 48 p. 100 des habitants des Maritimes considèrent notre industrie comme l'une des plus importantes de la région de l'Atlantique. Cette situation s'explique en grande partie par l'intérêt incroyable que suscitent les ressources au large de la Nouvelle-Écosse et de l'île de Sable.
J'ai travaillé pendant plusieurs années à New York, où j'étais appelé à défendre les intérêts commerciaux de l'Alberta. À ce moment-là, on disait que le champ pétrolifère de l'île de Sable entrerait en service vers l'an 2020 et 2025. C'est ce qu'affirmait le consul général de l'époque. Cet échéancier a maintenant été devancé à l'an 1999. Nous sommes convaincus que ce projet va pouvoir être lancé, maintenant que nous avons surmonté plusieurs obstacles réglementaires.
Le changement climatique est une question qui intéresse la Nouvelle-Écosse. Comme vous le savez sans doute déjà, l'Atlantique est l'une des seules régions où les pluies acides continuent de causer des problèmes. Bien entendu, plus de la moitié des émissions de SO2 proviennent des États-Unis. Le gaz naturel en provenance de Halifax, qui sera acheminé en partie aux États-Unis, permettra d'alimenter des usines beaucoup plus efficientes et de réduire les émissions de CO2. Il permettra également d'alimenter les usines dans le nord-est des États-Unis et des Maritimes qui contribuent aux émissions de SO2. Halifax a un rôle très important à jouer dans le débat entourant les CO2.
Nous avons remis au comité une pochette d'information que nous venons tout juste de préparer. Vous trouverez des renseignements intéressants dans un document qui s'intitule «Mesures planétaires plus efficaces/Action décisive à l'échelle nationale». Ce guide sert de fondement à la campagne d'information publique que nous avons lancé à l'échelle du pays. Vous trouverez des copies des messages que nous avons diffusés dans la pochette d'information.
Je tiens à féliciter nos gouvernements pour le consensus qui s'est dégagé de la réunion de Regina. En tant qu'ancien sous-ministre de l'énergie de l'Alberta, j'ai sans doute assisté à une demi-douzaine de réunions ministérielles mixtes au fil des ans. J'attendais à l'extérieur de la salle de réunion, mercredi dernier, à Regina, pendant que les représentants provinciaux et fédéraux essayaient d'arriver à un consensus sur cette question. J'ai été étonné de voir qu'ils étaient parvenus à s'entendre. Le premier ministre du Canada a dit qu'il voulait fixer des objectifs plus élevés que ceux des États-Unis. C'est ce qu'il a fait, mercredi, et il est important de le souligner.
Les provinces pourront appliquer diverses mesures, et le gouvernement fédéral, lui, veillera à ce que modalités des ententes internationales sont respectées. Les États-Unis n'ont pas été en mesure de s'entendre à ce chapitre.
J'ai rencontré, il y a deux semaines, le chef de cabinet du ministère américain de l'Énergie. Il a pris les messages que l'Association a diffusés dans les journaux canadiens et les a montrés au président pour qu'il constate de lui-même le niveau de collaboration qui existe entre les gouvernements et l'industrie au Canada.
J'ai appris que la délégation américaine à Kyoto pourrait comprendre jusqu'à une douzaine de sénateurs républicains, y compris leur personnel. La tâche s'annonce très ardue. Il sera très difficile d'arriver à un consensus sur cette question aux États-Unis.
Le premier défi que nous devons relever pour venir à bout de ce problème est celui de la croissance démographique. La population du Canada a augmenté de plus de 10 p. 100 depuis 1990, ce qui est trois fois plus que le pays de l'OCDE qui le suit.
Le deuxième défi à trait à la croissance économique. Nos chiffres indiquent que la croissance a plafonné en 1990. Elle a repris depuis, et cette croissance a entraîné une hausse de l'activité économique et des émissions de CO2.
Le troisième défi concerne la croissance des exportations de pétrole et de gaz naturel, mais aussi de produits à forte intensité énergétique. Par exemple, nous exportons beaucoup plus de voitures que nous n'en importons. Il faut beaucoup d'énergie pour produire des véhicules. L'agriculture nécessite également beaucoup d'énergie. Les exportations dans chacun de ces secteurs ont augmenté, et c'est pour cette raison, entre autres, que l'économie du Canada est plus forte. Nous sommes, en fait, un pays exportateur.
Ce sont là les principaux défis que nous devons relever. Nous y parviendrons en adoptant des actions décisives à l'échelle locale, ce que nous avons toujours prôné. Ces actions nous permettront de favoriser l'adoption, à l'échelle internationale, de mesures planétaires plus efficaces, parce que ce sont les pays développés qui enregistreront une véritable croissance. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas prendre des mesures à l'échelle nationale ou que nous devons absolument déployer des efforts concrets pour assurer notre crédibilité, mais le Canada, grâce au dossier des mines antipersonnel et à sa longue participation aux opérations de l'ONU, a l'occasion de jouer un rôle important dans ce domaine.
Comme vous le savez, la réunion de l'APEC aura lieu la semaine prochaine à Vancouver. Le président de la Chine profitera de cette réunion pour visiter Calgary. Je reviens moi-même de Beijing. Je suis heureux d'apprendre qu'un petit groupe de représentants aura l'occasion de dîner avec lui. Quel contraste avec son voyage aux États-Unis, où il a été obligé de répondre aux questions de la presse internationale concernant le massacre de la place Tienanmen, et où il a rencontré de l'opposition à chaque étape. Quel pays, autre que le Canada, est mieux placé pour collaborer de façon positive avec la Chine au sommet de Kyoto?
M. Chris Peirce, vice-président, Association canadienne des producteurs pétroliers: Nous aimerions consacrer la plupart du temps qui nous est alloué à vos questions. Nous sommes prêts à le faire maintenant, de même que dans les jours et semaines à venir, dès que vous aurez eu l'occasion d'examiner la documentation que nous vous avons remise. Vous n'êtes que le second groupe à l'avoir reçue. Cette pochette d'information a été préparée au cours des dernières semaines, et nous sommes heureux de vous la remettre, monsieur le président.
L'Association a décidé d'intervenir dans le débat sur le changement climatique parce qu'elle avait l'impression que les discussions lancées au début de l'année, en prévision de la réunion de Kyoto, se polarisaient. Il y avait d'un côté ceux qui estimaient que des mesures s'imposaient, mesures qui, à notre avis, auraient compromis la croissance économique qu'a connue le Canada ces dernières années, de même que les efforts déployés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et de l'autre, ceux qui estimaient qu'aucune mesure de devait être prise.
Nous avons commandé au début de l'année un sondage d'opinion qui a été complété au printemps. Le résumé du sondage se trouve dans la pochette d'information qui vous a été distribuée. Nous avions l'intuition que les Canadiens voulaient que des mesures concrètes soient prises afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Les résultats de notre sondage envoient un message très clair à l'industrie, de même qu'au gouvernement. Dans le cas de l'industrie, les Canadiens ont dit que nous sommes mal placés pour nous lancer dans un débat sur le changement climatique parce que nous n'avons aucune crédibilité en la matière, peu importe ce que nous en pensons, et qu'il faut laisser à d'autres, c'est-à-dire à ceux qui possèdent les connaissances et les compétences voulues, le soin de régler ce problème. Toutefois, les Canadiens veulent en savoir plus sur nous. Nous sommes une industrie de haute technicité qui figure parmi les plus respectueuses de l'environnement, une industrie qui fait partie de la solution planétaire au problème des émissions de gaz à effet de serre.
Il est un autre point qui se dégage de ce sondage: les Canadiens veulent qu'on adopte des mesures responsables qui protègent l'environnement et favorisent la croissance économique. Ils ne sont pas prêts à accepter des solutions qui risquent de compromettre l'un ou l'autre de ces éléments.
Nous estimons avoir un rôle à jouer dans le débat public, un rôle qui nous permettrait de contribuer à l'élaboration de politiques adéquates et d'obtenir le genre de garanties dont nous avons besoin pour effectuer des investissements à long terme dans des projets comme celui qui a été entrepris en 1979 au large de Terre-Neuve et qui produit enfin du pétrole aujourd'hui. Les investissements de ce genre ne se font pas du jour au lendemain. Nous avons besoin de règles bien établies pour attirer les investissements qui favoriseront le développement du secteur pétrolier et gazier au Canada.
Pour composer avec la question du changement climatique, nous avons adopté une démarche pratique qui met en équilibre le bien-être de l'environnement et la solidification de l'économie. Les documents que nous vous avons distribués indiquent que nous devrions prendre des mesures prudentes qui nous permettront de mieux maîtriser les émissions de gaz à effet de serre à l'échelle globale et de favoriser la croissance économique du Canada.
Notre industrie est consciente du fait qu'elle doit non pas se croiser les bras, mais prendre des actions décisives à l'échelle locale. Nous devons intensifier nos efforts.
En ce qui concerne le gouvernement, le régime planétaire actuel ne tient pas compte de certains facteurs propres au Canada. D'abord, nous exportons plus de la moitié du gaz naturel et du pétrole que nous produisons. Nous avons tort de croire que le Canada est le principal consommateur d'énergie par habitant quand on voit ce que nous faisons avec l'énergie que nous produisons. Plus de la moitié de celle-ci est exportée.
Le sénateur Gigantès: Est-ce que cela comprend le pétrole?
M. Peirce: Oui. L'exportation de gaz naturel, surtout aux États-Unis, constitue un pas positif sur le plan écologique. Une fois arrivé aux États-Unis, le gaz naturel remplace invariablement d'autres types de combustibles plus polluants ou moins efficients. Le Canada fournit plus de 14 p. 100 du gaz naturel qui est consommé aux États-Unis.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, il s'agit là d'une percée énorme pour un produit canadien, compte tenu des règles qui régissent le commerce mondial. Ces exportations n'ont donné lieu à aucun différend commercial. Notre part de marché risque d'accroître grâce au projet de l'île de Sable et à l'exploitation d'autres gisements de gaz naturel.
Nous avons besoin d'un régime planétaire qui tient compte du fait que nous devons émettre des gaz à effet de serre pour produire le gaz naturel et l'exporter. À l'heure actuelle, on considère cela comme un point négatif. On ne tient aucunement compte du fait que ce gaz naturel doit être produit en vue d'être exporté, et qu'il n'est pas consommé au Canada.
Nous avons également besoin d'un régime planétaire qui tient compte des mesures qui sont prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, peu importe l'endroit où elles sont mises en oeuvre. Si le Canada ou des entreprises canadiennes prennent des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ici, en Chine ou ailleurs, il faut que le régime planétaire en tienne compte, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Lorsqu'un réacteur CANDU est construit en Chine ou qu'une entreprise canadienne installe un gazoduc en Amérique du Sud, les efforts déployés par le Canada pour réduire ou éliminer les émissions de gaz à effet de serre ne sont nullement pris en compte.
De plus, les pays en développement doivent participer à l'effort planétaire en vue de réduire les effets de gaz à effet de serre. Nous n'attendons pas d'eux qu'ils prennent les mêmes engagements que les pays développés. Ce n'est pas ce que nous disons. Les pays en développement doivent adopter des mesures qui leur permettront d'avoir accès aux technologies mises au point au Canada et dans les pays développés, de solidifier leur économie, et aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Nous sommes conscients du fait que nous devons faire plus. Le Canada doit intensifier ses efforts. Par conséquent, en ce qui concerne les mesures volontaires et le registre, nous avons accru notre participation au programme, qui englobe maintenant la production de pétrole et de gaz naturel de plus de 96 p. 100 des sociétés membres de l'Association. Nous savons que cette participation doit se traduire par de nouvelles réductions des émissions de CO2. Or, entre 1992 et 1996, nous avons réduit nos émissions de CO2 de 8 millions de tonnes. Nous savons que nous devons faire plus. En fait, tous les secteurs de l'économie canadienne doivent faire plus. Nous comptons pour seulement 12 p. 100 des émissions de CO2 qui sont produites au Canada.
Voilà, dans ses grandes lignes, la position de l'Association sur le changement climatique. Nous sommes prêts maintenant à répondre à vos questions.
Le sénateur Gigantès: Vous avez parlé des pays en développement et de la Chine. La Chine, si je ne m'abuse -- et il m'arrive souvent de me tromper -- possède d'énormes réserves de charbon polluant. On peut difficilement l'empêcher d'utiliser ce charbon, compte tenu de la taille de sa population et du fait qu'elle doit développer son potentiel industriel.
Est-ce que votre industrie effectue des recherches, comme l'a fait la Nouvelle-Écosse, en vue de mettre au point des épurateurs-laveurs qui permettraient de nettoyer et de réduire les émissions produites par les usines alimentées au charbon, et qui pourraient être exportés vers des pays comme la Chine? La Chine peut-elle se permettre de tels systèmes?
M. Manning: Le rôle de l'industrie pétrolière et gazière canadienne consistera à fournir des installations de gaz naturel. La Chine possède d'innombrables réserves de gaz naturel. La qualité de l'eau constitue un sérieux problème pour la Chine. Son objectif premier, pour l'instant, est d'améliorer la qualité de l'eau. Elle est également consciente du fait que les trains sont alimentés à 40 p. 100 par le charbon, et que ce système est totalement inefficace.
Or, nous ne pouvons pas lui venir en aide dans ce domaine. Vous savez très bien que nous n'ayons pas l'habitude de défendre les intérêts de l'industrie du charbon au Canada. Toutefois, nous sommes en train d'aider la Chine à organiser le secteur amont de l'industrie pétrolière et gazière en lui apportant non seulement un soutien financier, mais en lui donnant accès à notre technologie, y compris notre écotechnologie, en vue de favoriser, notamment, l'extraction du gaz naturel. Nous sommes également en train de l'aider à installer des gazoducs qui permettront d'acheminer le gaz naturel jusqu'aux villes. La Chine est un pays très montagneux et les coûts de transport sont très élevés.
Pour ce qui est des techniques non polluantes d'utilisation du charbon, il y a, surtout aux États-Unis, des installations de traitement de gaz naturel qui sont alimentées au charbon, sauf que ces techniques ne sont pas encore utilisées à des fins commerciales. L'industrie du charbon, et notamment les producteurs d'énergie électrique, continuent d'utiliser les épurateurs-laveurs. Soixante pour cent des centrales électriques aux États-Unis sont toujours alimentées au charbon. Ce sont essentiellement le ministère de l'Énergie, les producteurs d'électricité et le Edison Electric Institute qui financent ces programmes. Voilà où en sont les travaux de recherche. Notre industrie n'effectue aucune recherche dans ce domaine. Toutefois, la technique qui consiste à brûler du gaz naturel au-dessus d'une couche de charbon est très prometteuse. Elle permet de supprimer bon nombre des impuretés qui sont dégagées dans l'atmosphère. Elle n'est toutefois pas encore utilisée à des fins commerciales.
Le sénateur Buchanan: Vous avez dit que la Nouvelle-Écosse a commencé à utiliser, dans les années 80, la technique de combustion en lit fluidisé. Nous avons construit la plus grande centrale à lit fluidisé au monde. À ma connaissance, personne ne nous a encore devancé dans ce domaine. On utilise un lit fluidisé, dans lequel on injecte de la dolomite ou du gypse, ce qui permet d'absorber le SO2 avant qu'il ne s'échappe dans l'atmosphère. Cette technique a très bien fonctionné et elle a permis à la centrale de réduire ses émissions de SO2 de près de 90 p. 100. Il existe des centrales identiques aux États-Unis. Nous en avons visité quelques-unes dans les années 80.
Avec l'entrée en service du champ pétrolifère de l'île de Sable, en Nouvelle-Écosse, nous envisageons d'utiliser du gaz naturel et du charbon dans les centrales, parce que la combustion de gaz naturel absorbera bon nombre des gaz qui, autrement, s'échapperaient dans l'atmosphère.
Le sénateur Gigantès: Je sais que cela ne relève pas de votre compétence, mais ce que je vais mentionner risque d'avoir un impact sur votre industrie dans les années à venir. Mercedes Benz a mis au point un moteur qui utilise l'hydrogène comme combustible. Les seules émissions qu'il générera seront le H2O. Je songe en particulier au potentiel hydroélectrique du Labrador. Votre industrie pourrait fournir l'énergie nécessaire ou participer au projet d'une manière ou d'une autre. A-t-on effectué des recherches en vue de produire de l'hydrogène qui pourrait être exporté comme combustible?
M. Manning: Fait intéressant, nous sommes la seule industrie en Amérique du Nord qui utilise de l'hydrogène à des fins commerciales. L'hydrogène est tiré notamment des produits pétrochimiques, du pétrole, du gaz et des sables bitumineux. Nous disposons déjà d'hydroducs pour l'acheminer. Comme vous le savez, ce sont le stockage et le transport de l'hydrogène qui posent le plus de problèmes. On peut produire de l'hydrogène à partir du gaz naturel, et c'est ce que fait actuellement notre industrie. Nous avons des industries connexes qui produisent et utilisent de l'hydrogène en plus d'en assurer le transport. L'industrie pétrolière et gazière joue donc un rôle. Le ministère albertain de l'Énergie finance depuis plusieurs années un programme de recherche sur la production d'hydrogène. Nous participons aux efforts de recherche dans ce domaine.
Le sénateur Gigantès: Vous avez dit qu'il est acheminé au moyen d'hydroducs?
M. Manning: Oui. Il y a des hydroducs au Texas et en Alberta qui assurent le transport de l'hydrogène.
Le sénateur Gigantès: Et si on utilisait l'énergie hydroélectrique du Labrador pour produire de l'hydrogène? Auriez-vous la technologie voulue pour l'acheminer vers les marchés d'exportation ou vers d'autres régions du Canada?
M. Manning: Oui.
M. Peirce: À notre avis, le gouvernement fédéral devrait promouvoir les recherches dans ce domaine afin de trouver de nouveaux moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il est possible, grâce aux technologies nouvelles et aux énergies de remplacement qui existent, de mettre en équilibre ces différentes sources d'énergie. Notre industrie, c'est-à-dire l'industrie pétrolière et gazière, a joué un rôle déterminant dans le développement de ces technologies. Le gouvernement pourrait offrir des incitatifs pour encourager le développement de technologies qui contribueraient à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le sénateur Spivak: Je tiens à vous féliciter de manière générale pour votre politique du sans reproche. Comme je n'en connais pas tous les détails, je vous félicite, mais sous certaines réserves. C'est, en tout cas, un pas dans la bonne direction.
Votre industrie a-t-elle été influencée par la déclaration qu'ont signée les 2 800 économistes, y compris huit prix Nobel de la paix, et qui a été citée par la Royal Society? Cette déclaration dit que non seulement ces mesures n'entraîneront aucun coût, mais que, grâce à une productivité accrue, elles produiront des retombées positives. C'est ce que ce groupe de personnages fort distingués a déclaré.
M. Manning: Sauf votre respect, cette déclaration est libellée en termes très généraux. Elle comporte des éléments forts discutables pour ce qui est, par exemple, des échéanciers et du renouvellement du capital. Ce genre de déclaration pourrait nous donner à penser que des changements majeurs se produiront à court terme au Canada au niveau de l'emploi. Nous prônons une approche plus constructive. Nous pourrons atteindre ces objectifs en exportant la technologie existante et en l'améliorant. C'est le genre de croissance économique que nous entrevoyons à court terme.
D'autres aussi ont abondamment cité la déclaration. Par exemple, Greenpeace estime que le combustible de carbone peut être remplacé immédiatement par d'autres carburants. Je crois qu'il faut faire preuve de prudence.
Le sénateur Spivak: Je suis d'accord avec vous. Ils ont mis l'accent dans le rapport sur la productivité et la réduction des intrants, deux facteurs qui ont été appliqués au programme d'utilisation des sables bitumineux.
Le sénateur Gigantès: Que voulez-vous dire par là, madame le sénateur?
Le sénateur Spivak: Le coût du baril de pétrole produit par Syncrude et Suncor a diminué considérablement, grâce aux efficiences et aux mesures de réduction des intrants.
M. Manning: C'est vrai.
Le sénateur Spivak: Le Sierra Club nous a dit que nous pouvions réduire les émissions en utilisant du gaz, et non du charbon, pour produire de l'électricité. On ne pourrait pas le faire du jour au lendemain. Pouvez-vous nous donner votre avis là-dessus?
Ma deuxième question porte sur les transports. Nous pourrions grandement réduire les émissions de gaz dans le domaine des transports, un problème majeur, si nous changions la technologie des moteurs. Le comité a tenu tout un débat sur le MMT et il y aura d'autres discussions entourant les changements technologiques. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des technologies dites «écoefficientes»?
M. Manning: J'ai trois commentaires à faire à ce sujet. D'abord, en ce qui concerne les sables bitumineux et les techniques écoefficientes, deux exemples me viennent à l'esprit. On prend du sable et on le déverse dans de grands barils. On utilise la chaleur et des composés chimiques pour séparer le pétrole du sable. Le sable est ensuite répandu sur le sol et le pétrole est consommé. La température utilisée dans ce processus a été réduite grâce aux améliorations apportées aux technologies.
Le sénateur Gigantès: Réduite de combien?
M. Manning: Elle est passée de 80 à 35 degrés Celsius. La technologie n'est pas encore en place, bien que les travaux de conception soient terminés. Elle sera installée au cours des deux à trois prochaines années.
Des améliorations ont également été apportées aux camions utilisés pour les travaux miniers. Ces camions, qui ont une capacité de 240 tonnes, auront bientôt une capacité de 370 tonnes. On est en train de remplacer la machinerie lourde qui coûte trop cher à l'entretien et qui est moins efficient.
Il y a un autre secteur où des améliorations ont été apportées, soit celui du transport de l'hydrogène. Au lieu d'utiliser des convoyeurs, nous acheminerons l'hydrogène au moyen de pipelines fermés où la séparation se fera pendant le cycle de transport. La chaleur sera appliquée de façon uniforme. Encore une fois, on utilisera moins d'énergie.
J'aimerais maintenant vous parler du charbon de l'Alberta.
Le sénateur Spivak: Vous voulez dire pour produire de l'électricité?
M. Manning: Oui. Dans le cas de l'Alberta, une partie du problème tient au fait que l'électricité produite au charbon est hautement efficiente. On trouve dans l'Ouest canadien du charbon dur et non polluant, ce qui n'est pas le cas du charbon de Virginie qu'utilise Ontario Hydro. Il contient moins de 0,05 p. 100 de soufre. Les centrales sont carrément installées au-dessus de filons houillers. Il n'y a pas de coûts de transport. Nous devons faire preuve de prudence lorsque nous parlons de remplacer un système aussi efficient.
En ce qui a trait aux émissions de CO2, Weyburn est un bon exemple. Nous utilisons dans ce cas-là les émissions de CO2 qui sont dégagées par une centrale située dans le Dakota du Nord. Il s'agit du plus important programme d'injection au monde. Le CO2 est injecté dans le sol pour récupérer le pétrole. Il existe aussi d'autres façons de piéger les émissions. Oui, il est possible de réduire les émissions de CO2, mais il faudrait pour ce faire engager des dépenses inutiles. Nous ne représentons pas l'industrie du charbon.
La Chine construira au cours des 20 prochaines années environ 110 usines alimentées au charbon. Elles auront toutes une durée de vie allant de 75 à 110 ans. Voilà un projet qui pourrait s'avérer intéressant.
Le transport est un problème de portée plus vaste. Notre industrie utilise des moteurs hautement efficients qui nous ont permis de réduire notre consommation d'énergie.
M. Peirce: Vous soulevez un point important, sénateur, lorsque vous utilisez le mot «efficient». Le régime planétaire doit absolument tenir compte de ce facteur. M. Manning parle des retombées importantes du projet Syncrude, surtout en ce qui a trait à l'utilisation des sables bitumineux. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'une industrie qui en est encore à ses débuts. On peut réaliser des gains importants sur le plan de l'efficience, en réduisant les émissions par unité de production.
L'un des problèmes à notre avis en ce qui a trait à l'année de référence 1990, c'est qu'en 1990 le Canada était de loin moins efficace du point de vue énergétique que l'Allemagne de l'Est, l'Allemagne de l'Ouest et la Grande-Bretagne. Cette année-là, nous ne le cédions qu'à la France en ce qui a trait à notre dépendance par rapport aux combustibles fossiles et cela parmi les pays qui faisaient déjà partie de l'OCDE. Ainsi, le coût supplémentaire que nous devons assumer pour devenir encore plus éconergétique est beaucoup plus élevé que pour la plupart des autres pays.
Le sénateur Spivak: Est-ce que vous tenez mordicus à l'approche volontaire ou ne pensez-vous pas que la réglementation s'imposera, surtout dans le secteur des transports?
M. Manning: La souplesse de l'approche volontaire a ses avantages, mais il faut l'élargir et la renforcer davantage.
Notre industrie ne craint pas la réglementation, mais il est certain qu'il reste encore d'importants gains à réaliser dans le cadre du système souple des mesures volontaires.
Le sénateur St. Germain: L'Association charbonnière canadienne a déclaré qu'il n'y a pas de réchauffement général de la planète. Quelle est la position de votre association à cet égard?
Le système d'évaluation de la contribution pose un problème majeur. N'existe-t-il pas d'autres systèmes qui permettraient de nous attribuer le crédit que nous méritons lorsque nous exportons du gaz naturel? Il me semble injuste que, si un système est modernisé aux États-Unis grâce à l'utilisation de notre gaz naturel, nous n'en obtenions pas le crédit. En fait, à titre de fournisseur, le Canada est désavantagé. Un mouvement a-t-il été amorcé ou des mesures prises pour essayer de changer ce système d'évaluation, ou est-il possible de le changer?
M. Manning: Premièrement, en ce qui concerne les connaissances scientifiques, nous estimons qu'elles seront toujours incertaines. Nous savons que le GIEC a affirmé avoir établi un lien entre l'activité d'origine humaine et le réchauffement de la planète. Il n'a pu quantifier le phénomène. Le GIEC doit présenter son prochain rapport en l'an 2000. De l'avis de l'Association, il n'y a pas à l'heure actuelle de débat efficace et c'est ailleurs qu'on trouvera une réponse scientifique. Cela ne relève pas de notre compétence. Nous estimons qu'il y a des mesures que nous pouvons prendre entre autre en matière d'efficience, peu importe le résultat.
Pour répondre à votre deuxième question portant sur le système d'évaluation international, lorsque je me suis rendu la première fois aux États-Unis en 1988 pour représenter l'Alberta, le Canada y accaparait 4 p. 100 de la part du marché et l'industrie nationale américaine faisait des pieds et des mains pour empêcher les exportations canadiennes. Notre part du marché intérieur est maintenant de 14 p. 100.
Des représentants de l'industrie pétrolière et gazière des États-Unis ne cessent de me demander dans quelle mesure nous pouvons nous fier à notre approvisionnement et l'accroître. Ils ont connu un déclin important sur la côte du golfe du Mexique. Ils tiennent beaucoup à ce que l'approvisionnement canadien soit maintenu.
Nous occupons maintenant une position différente. Nous sommes une des sources d'énergie indispensables des États-Unis et la composante «conviviale» de leurs importations de pétrole. La presque totalité de nos exportations de pétrole sont dirigées vers les États-Unis, surtout dans le midwest, dans la région de Chicago. Dans leur esprit, les États-Unis ne les considèrent même pas comme des importations.
Nous sommes maintenant mieux placés que jamais pour lancer la discussion qui doit avoir lieu au niveau gouvernemental et qui portera sur le nombre de crédits qui devraient être accordés pour la production en amont qui est consommée aux États-Unis. Cette discussion tarde à venir. Nous n'avons pas de plate-forme. Les États-Unis viennent à peine d'engager pleinement la discussion sur cette question depuis les trois ou quatre derniers mois.
Le sénateur Hays: J'aimerais me joindre aux autres pour féliciter l'Association en ce qui a trait à son engagement relativement à cette question. Je crois que cela laisse présager une bonne solution pour la partie de l'industrie que vous représentez et je sais combien la tâche doit être difficile étant donné les différents points de vue qui seraient exprimés au sein de votre organisme.
J'ai deux questions. Je suppose que le gouvernement vous a consultés au cours de l'étape préparatoire à la négociation. Pourriez-vous nous dire ce que la conférence de Kyoto peut apporter au Canada?
M. Manning: Le Canada est en mesure de jouer un rôle constructif dans les pays en développement. Nous hésitons à nous engager dans une guerre de chiffres. Nous hésitons à voir le gouvernement outrepasser le mandat que lui ont confié les provinces, parce qu'il s'est agi d'un succès important. Le premier ministre a l'occasion de tenir parole alors que les États-Unis ne le peuvent pas.
Si Kyoto était un point final, je crois que la conférence serait moins qu'un succès pour toutes les parties. Il nous faut mettre au point un système et un processus qui nous permettront de régler le problème, qu'il s'agisse d'un accord du genre de ceux du GATT ou de l'Uruguay Round. Il nous faut des solutions à plus long terme.
M. Peirce: Nous comprenons qu'il y a une réalité politique en ce sens que le monde s'est fixé des objectifs et qu'il faudra peut-être en établir un autre.
Ce qui est encore plus important en termes de stratégie globale pour la réduction des émissions, ce sont des questions comme la reconnaissance des contributions à la réduction, peu importe leur lieu d'origine, et comme la reconnaissance de véritables contributions aux problèmes que posent les émissions, et auxquels le sénateur St. Germain a fait allusion.
Le Canada, à l'instar de la plupart des autres pays industrialisés, n'a pas atteint la cible qui avait été fixée à Rio en 1992. Il est donc peu malin à mon avis de fixer des objectifs encore plus rigoureux avant d'atteindre ceux de 1992.
Nous avons été encouragés lorsque le premier ministre a déclaré il y a deux semaines, à l'occasion d'un dîner à Ottawa, que le Canada allait apporter à la table internationale ces questions que nous jugeons si importantes, à savoir créditer les mesures prises dans les pays en développement ou ici de même que les exportations de gaz naturel à partir du Canada. Ces questions n'ont jamais été abordées à la table internationale. Il faudra une grande détermination pour défendre ces questions à Kyoto. Pour atteindre quelque objectif que ce soit, il faut donner le crédit qui leur revient aux Canadiens qui ont essayé de bien agir.
Le sénateur Taylor: Est-ce que j'ai raison de croire que les émissions de gaz carbonique provenant d'un véhicule au gaz naturel seraient inférieures de 25 p. 100 à celles d'un véhicule à essence?
M. Manning: Je ne peux confirmer ce chiffre. Notre association n'a pas directement été engagée dans le programme des véhicules au gaz naturel, mais il y a un avantage.
Le sénateur Taylor: Si nous essayons de supprimer le charbon, pourquoi n'essayons-nous pas d'éliminer le brut étranger à Montréal et Toronto puisque nous avons du gaz naturel en provenance des Maritimes? Pourquoi ne pas utiliser le gaz naturel des Maritimes à Montréal et Toronto plutôt que le brut algérien?
M. Manning: Bien sûr, le véhicule au gaz naturel a été plus ou moins le champ d'expertise du secteur gazier en aval. Je le répète, je ne suis pas tellement au courant de leurs problèmes et de leurs activités.
Il n'y a pas de doute que le gaz naturel est un carburant de transport éprouvé et établi. Cependant, vous comprendrez bien que les gains réalisés par ce combustible de transport sont attribuables à des stimulants gouvernementaux, surtout en ce qui concerne l'utilisation des parcs de véhicules.
Dans des villes comme New York, Brooklyn Union Gas, par exemple, dispose de trois autobus au gaz naturel. Le parc de taxis à New York, qui est probablement l'un des moins bien entretenu au pays, pourrait facilement recourir au gaz naturel. Il y a seulement une demi-douzaine de stations-service à New York.
Vous n'entendrez pas notre association s'engager dans un débat public relativement aux deux combustibles. Cependant, il n'y a pas de doute que le gaz naturel comme combustible de transport offre des débouchés réels.
Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
La séance se poursuit à huis clos.