Délibérations du comité sénatorial
permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources
naturelles
Fascicule 3 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 25 novembre 1997
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, en vue d'examiner les questions qui peuvent se poser à l'occasion en matière d'énergie, d'environnement et de ressources naturelles au Canada.
Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Au nom du comité, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Priddle et à Mme Hanebury, de l'office national de l'énergie.
Chers collègues, nous tenons aujourd'hui la première réunion de ce qui deviendra, je l'espère, une tradition annuelle, soit la rencontre avec le président de l'office national de l'énergie. M. Priddle se distingue à la présidence de cet organisme depuis 10 ans. J'ai été attristé d'apprendre qu'il prend sa retraite à la fin de l'année. M. Priddle a dirigé l'office durant des périodes très difficiles étant donné la vitesse à laquelle évolue le contexte du secteur de l'énergie, un secteur vital pour notre économie. Un des faits saillants pour ceux d'entre nous qui viennent de Calgary a été le déménagement de l'office national de l'énergie à Calgary.
M. Priddle a gagné le respect d'une grande partie des membres du secteur du pétrole et du gaz et de gens d'un peu partout au pays. C'est donc un honneur de le compter parmi nous, ce matin.
Monsieur Priddle, vous avez la parole.
M. Roland Priddle, président, Office national de l'énergie: Monsieur le président, je vous remercie. C'est un privilège d'être des vôtres aujourd'hui.
Il y a bien des années que l'office national de l'énergie n'est venu témoigner devant votre comité ou devant le comité des ressources naturelles et des opérations gouvernementales de la Chambre des communes.
Monsieur le président, je commencerai par vous énumérer des faits au sujet de l'office national de l'énergie, après quoi nous pourrons peut-être entamer une discussion. J'ai demandé au greffier de vous distribuer un exemplaire, en français et en anglais, de mon exposé.
À la page 1, vous trouverez une description du mandat de l'office national de l'énergie. L'office tire bien sûr son mandat de lois, y compris de la Loi sur l'office national de l'énergie et de certaines parties de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, ainsi que, dans une faible mesure, de la Loi fédérale sur les hydrocarbures. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale nous confie aussi des responsabilités. Enfin, nos employés agissent comme inspecteurs aux termes du Code canadien du travail.
L'office a pour principale activité, naturellement, de réglementer la construction et l'exploitation des pipelines internationaux et interprovinciaux pour lesquels il émet des certificats de commodité et de nécessité publiques. Si quelqu'un souhaite construire pareil pipeline, il faut d'abord que l'office décide si sa construction correspond à l'intérêt public. Nous réglementons ces pipelines du point de vue économique également, c'est-à-dire que nous approuvons les droits et tarifs.
C'est également l'office qui réglemente le nombre relativement important de lignes de transport d'électricité internationales sur très courtes distances.
Qui plus est, la Loi sur l'office national de l'énergie confère au gouverneur en conseil le pouvoir d'exiger qu'une ligne de transport d'électricité interprovinciale soit approuvée par l'office national de l'énergie.
L'office réglemente le commerce de l'énergie, y compris des exportations de pétrole. Cette activité est à court terme, et notre rôle se borne à surveiller, tout comme nous surveillons les exportations à court terme de gaz. Nous délivrons aussi des licences d'exportation à long terme qui doivent satisfaire au critère prévu dans la loi, soit que les quantités exportées sont «excédentaires» par rapport aux besoins raisonnablement prévisibles du Canada.
Nous délivrons des permis d'exportation d'électricité. Au Canada, il n'y a pas d'importation à long terme de gaz. Nous réglementons aussi l'activité pétrolière et gazière, les programmes de travaux géophysiques de même que les forages de puits de pétrole et de gaz dans les régions non assujetties à un accord fédéral-provincial.
Nous prodiguons des conseils au ministre des Ressources naturelles, sur demande. En règle générale, ces conseils ont trait à la politique de réglementation.
Nous estimons avoir pour raison d'être de rendre des décisions qui sont justes et respectées. Le principe de la justice est garanti par le processus à suivre et par l'indépendance et l'impartialité de l'office. Pour être objectif, l'office s'intéresse avant tout aux faits. Comme avait l'habitude de le dire un de mes prédécesseurs, il n'y a rien, dans le domaine de la réglementation, qui puisse remplacer les faits.
Nous espérons que nos décisions sont respectées. Il est possible qu'elles ne soient pas toujours appréciées, mais nous espérons que le processus de décision -- justice et objectivité -- en assure le respect.
L'indépendance et l'impartialité de l'office sont ce que nous considérons de plus précieux. Nos intervenants, ceux qui présentent des demandes, comptent sur nous au chapitre de l'indépendance et de l'impartialité.
Si vous passez, mesdames et messieurs les sénateurs, à la page 2, il est important de noter ce que l'office ne réglemente pas.
Nous ne réglementons absolument pas la production et la conservation du pétrole et du gaz, domaines de compétence des provinces. Nous réglementons peu l'électricité, qui représente un cas particulier au plan constitutionnel. Le gouvernement fédéral ne s'occupe pas du transport interprovincial et du commerce de l'électricité. Cette réalité s'oppose à celle des États-Unis où l'organisme homologue au nôtre, la Federal Energy Regulatory Commission, réglemente le commerce de l'électricité inter-États et se sert de ce pouvoir pour susciter d'importants changements sur le marché américain de l'énergie électrique.
Alors que nous cherchons à conserver notre indépendance en matière de prise de décisions, nous cherchons également à minimiser tout chevauchement et à tirer le meilleur parti possible de tous les niveaux de ressources gouvernementales en coopérant, par exemple, avec les offices de réglementation provinciaux, avec l'excellent Alberta Energy and Utilities Board, ainsi qu'avec les offices de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse. Le territoire du Yukon sera sous peu responsable de la réglementation de ses propres ressources en pétrole et en gaz et prévoit, si je comprends bien, confier le travail environnemental et d'inspection technique à notre office, qui connaît bien ce domaine.
Bien sûr, nous travaillons en liaison très étroite avec l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, le Bureau canadien de la sécurité des transports et le ministère des Ressources naturelles dont nous relevons.
La page 3 donne un aperçu de la structure de notre organisation. À l'heure actuelle, l'office dispose de six membres permanents au lieu de neuf. Avec mon départ à la retraite à la fin de l'année, il en restera cinq. Les compétences de nos membres sont variées: économie, droit, génie, zoologie et études environnementales. Nous disposons également de quatre membres temporaires, dont deux sont des environnementalistes et des professeurs d'université. L'un est ingénieur et occupe également le poste de directeur exécutif du personnel. Il s'est démis de ces fonctions pour agir à titre de membre temporaire pendant deux ans. Notre dernier membre temporaire est un avocat. Nous avons un effectif de près de 270 personnes, soit 250 toujours en poste, les autres pouvant être en congé, affectées à d'autres ministères, et cetera.
Le coût de fonctionnement de l'office représente près de 28 millions de dollars par an, dont 85 p. 100 sont recouvrés à même l'industrie réglementée.
Depuis 1991, notre siège social se trouve à Calgary. Auparavant, nous avions des bureaux à Ottawa, Calgary et Yellowknife. Nous avons ouvert un bureau temporaire à Halifax pour le projet énergétique de l'Île de Sable. Ce bureau existe toujours, car un suivi des activités doit se faire, y compris, je crois, l'examen des demandes relatives à la construction de pipelines latéraux jusqu'à Saint John et Halifax.
L'office a procédé à des compressions d'effectifs de manière autogérée plutôt que sous la direction du gouvernement. Nous avons diminué nos effectifs de plus de la moitié par comparaison à 1984.
À l'heure actuelle, du côté organisationnel, le projet de l'Île de Sable est notre plus gros défi, sans compter les activités de haut niveau dans l'industrie pétrolière et gazière de l'Ouest du Canada que vous connaissez bien, monsieur le président, et qui vont donner lieu à de nombreuses demandes de pipelines et de constructions connexes.
Le deuxième défi consiste à attirer et à conserver du personnel au siège social de Calgary. Nous sortons tout juste d'un gel salarial de cinq ans. Entre temps, l'économie de Calgary a connu un essor sans précédent et nous avons perdu quelques bons éléments.
À la page suivante, j'essaie de vous décrire, monsieur le président, ce que fait l'office national de l'énergie aujourd'hui, le mardi 25 novembre. Il s'agit amplement d'un office au travail pratique. Dans 40 minutes une audience au sujet du très important projet pipelinier Alliance va commencer. Si l'office approuve ce projet, ce pipeline partirait du nord-est de la Colombie-Britannique, traverserait l'Alberta et une partie de la Saskatchewan pour ensuite arriver aux États-Unis jusqu'à Chicago.
À Magog-Orford, au Québec, une audience est en cours au sujet d'un pipeline qui partirait de la rive nord du Saint-Laurent, juste au nord-est de Montréal, en direction du sud-est des Cantons de l'Est et qui se raccorderait au réseau d'acheminement du gaz naturel de Portland. Le projet est proposé par le gazoduc Trans-Québec et Maritimes. Il permettrait d'étendre le réseau actuel et d'acheminer le gaz de l'ouest du pays jusqu'au New Hampshire, au Maine et au Massachusetts.
Après avoir terminé les audiences sur les installations de 1998 du TCPL, l'office en est maintenant à l'étape de ses délibérations. En fait, je participerai cet après-midi, par téléphone, à une réunion des membres du conseil qui ont entendu les témoignages sur cette grande expansion d'environ 825 millions de dollars qui se traduira par la construction de pipelines, d'installations de compression et autres.
Nous étudions aussi un projet moins coûteux, de quelque 80 millions de dollars, qui pourrait toutefois, s'il est approuvé, modifier radicalement les mouvements de pétrole dans le centre du pays, en renversant le flux du pipeline de pétrole brut entre Sarnia et Montréal, sur la canalisation 9 du réseau interprovincial.
L'office a entre les mains deux demandes relatives au projet de pipeline TransMaritimes. La première porte sur le tracé de rechange du pipeline à destination des Maritimes et du pipeline du Nord-Est. La deuxième consiste en un projet de pipeline sous-marin pour la collecte et l'acheminement du gaz naturel dans la zone extracôtière de l'Est. TCPL tentera d'obtenir notre approbation pour un projet d'expansion important, appelé «TransVoyageur», dans les Prairies.
Pour vous donner une idée de la variété des dossiers que l'office doit examiner, je vous signale le pipeline de CO2 de Souris Valley qui transporterait, entre une installation de gazéification du charbon, située au nord des États-Unis, et le sud-est de la Saskatchewan, du dioxyde de carbone qui servirait à améliorer la récupération du pétrole brut dans le champ de pétrole Weyburn, en partie épuisé. Il s'agit d'un projet pancanadien.
D'habitude, notre personnel effectue bon an mal an plus de 50 inspections d'installations. Il procède à des vérifications pour assurer que les installations sont conformes au Code canadien du travail. Il travaille aussi en étroite collaboration avec le secteur des canalisations pour le transport des produits pétroliers afin de minimiser les risques de bris des réseaux pipeliniers.
Voilà des exemples de ce que font nos employés à l'heure actuelle, monsieur le président.
À la page 5, vous verrez sept exemples de questions qu'étudie l'office de façon générale, et qui se traduisent à proprement parler par la présentation de demandes pour de nouvelles installations. Les gens de l'industrie dans l'Ouest du Canada s'entendent pour dire que la capacité de production actuelle ne permet pas d'acheminer le gaz naturel ailleurs au Canada. D'après eux, cela signifie que les producteurs de l'Ouest et les percepteurs des redevances, les provinces essentiellement, ne tirent pas le maximum du marché. Les projets y sont donc nombreux pour tenter d'accroître la capacité à l'extérieur de cette importante région.
Nous avons reçu plusieurs demandes, dont un certain nombre sont en suspens, pour des pipelines de détournement qui contourneraient le très vaste réseau de collecte et de transmission du gaz de Nova Corporation en Alberta. Que ces demandes soient reprises ou que d'autres se matérialisent dépend, bien sûr, de la décision de Nova Corporation. Si l'organisme de réglementation, en l'occurrence l'Alberta Energy and Utilities Board, le lui permet, Nova Corporation pourrait exiger des frais concurrentiels sur une base régionale plutôt que de fixer le prix de ses services sur le modèle des timbres-poste comme elle est tenue de le faire à l'heure actuelle peu importe la distance de transport à l'intérieur de la province.
L'Alberta Energy and Utilities Board a rendu une décision dans laquelle il a approuvé un rabais de fidélité qui permettra de conserver un nombre important de producteurs de gaz pour le réseau Nova. Il n'a pas accordé son appui à la construction du pipeline Palliser qui se serait étendu vers l'est en passant par l'Alberta centrale et la Saskatchewan pour aller rejoindre les réseaux de transmission inter provinciaux TransCanada et Foothills.
Il y a, bien sûr, les projets de pipeline dans les provinces Maritimes et dans la zone extracôtière de l'Atlantique dont j'ai déjà parlé, y compris les pipelines latéraux prévus. L'industrie du pétrole lourd et du bitume dilué dans l'Ouest du Canada est florissante, à l'instar de celle du gaz naturel. Un rehaussement de la capacité interprovinciale de transport de pétrole lourd s'impose de toute évidence. La société Interprovincial Pipeline a parlé publiquement de ses plans relativement à ce qu'on appelle, je crois, le «projet Terrace» dont la construction devrait être terminée avant la fin du siècle.
On s'intéresse davantage à un type différent d'exploration dans le Nord que dans les années 70 et qu'au début des années 80. Les provinces productrices se sont progressivement intéressées à l'exploration au-delà du 60e parallèle dans les territoires du Sud et la région Sud-Est du Yukon, plutôt qu'à l'exploration éloignée et très coûteuse dans le Delta et la mer de Beaufort qui ont suscité tant d'espoirs à la fin des années 70 et au début des années 80, des espoirs frustrés essentiellement par des difficultés techniques et par l'abandon, de la part du marché de l'énergie, de la production à partir d'une certaine zone géographique.
Il faut des permis pour exporter de l'électricité et je pense que tous les services publics canadiens qui souhaitent profiter de la libéralisation du marché américain, dans la mesure où les règlements américains le leur permettent, ont déjà des permis généraux d'exportation qui leur donnent une grande marge de manoeuvre.
Enfin, l'office cherche continuellement à affiner, redéfinir et améliorer ses démarches réglementaires pour minimiser ses coûts et les coûts des entités réglementées tout en s'assurant que le règlement est exécuté correctement.
Il est raisonnable de se demander, et je suis sûr que c'est la question que se pose chacun d'entre vous, si nous avons besoin pour l'instant d'un office national de l'énergie. De nos jours, la mode est à la déréglementation plutôt qu'à la réglementation. J'ai exposé dans les documents qui vous ont été remis cinq facteurs qui expliquent pourquoi il est nécessaire d'avoir le genre de réglementation que nous cherchons à exécuter intelligemment.
Premièrement, certains pipelines ont du pouvoir sur le marché. Le pipeline principal, par exemple, qui transporte le gaz naturel de l'Alberta vers l'Est, fait l'objet d'une concurrence indirecte de la part d'autres pipelines, mais pour obtenir un transport assuré et ferme du gaz naturel de l'Alberta, disons vers les marchés de l'Ontario et du Québec, par un autre pipeline, un expéditeur devrait payer beaucoup plus et je doute que l'on fournisse la même garantie en matière d'approvisionnement. Cela confère aux pipelines établis de longue date un «pouvoir sur le marché», comme disent économistes, c'est-à-dire pouvoir demander ce que le marché peut supporter par rapport à des concurrents qui ont une structure de coûts plus élevés. C'est le principe qui sous-tend les droits imposés par les pipelines.
Cependant, grâce à une initiative mise sur pied par l'office en 1988, la plupart des principaux systèmes de transmission au Canada sont régis par des règlements à long terme d'une durée de cinq ans ou plus, qui comportent d'importantes mesures d'encouragement qui amélioreront de toute évidence l'efficience économique des pipelines et permettront aux propriétaires de pipelines et aux expéditeurs de partager les gains en efficience. Un changement tout à fait révolutionnaire s'est opéré dans l'orientation des règlements négociés qui exigent toujours l'approbation de l'office national de l'énergie mais, essentiellement, reflètent les ententes conclues entre le pipeline et ses principaux intéressés, c'est-à-dire les entreprises de distribution de gaz, les provinces, les expéditeurs et tous ceux qui détiennent un intérêt économique dans les droits sur les pipelines.
Deuxièmement, les conditions d'accès à un pipeline peuvent influencer le marché en ce qui concerne le produit expédié. L'office s'est intéressé tout spécialement à cet aspect depuis le tout début, par exemple, de la déréglementation du gaz pour s'assurer que le gaz ne fait pas l'objet d'un traitement discriminatoire. Dans certains cas au cours des 12 derniers mois, il s'est occupé des conditions d'accès pour les liquides du gaz naturel, un secteur important mais relativement peu connu de l'économie énergétique canadienne.
Troisièmement, lorsqu'un pipeline reçoit un certificat de notre office, en vertu de la partie V de la loi, il se voit conférer un pouvoir très important -- le pouvoir de prendre des terres. Ce pouvoir est essentiel à la construction d'un pipeline. Un pipeline qui ne possède pas de tels pouvoirs n'aurait pas la certitude voulue pour agir. Pour décider d'accorder ce pouvoir, il faut bien entendu peser soigneusement les intérêts du propriétaire foncier et ceux de la compagnie de pipeline.
Quatrièmement, les pipelines ne ressemblent à aucune autre entreprise industrielle puisque leurs actifs seront situés sur des terres privées et publiques qui appartiennent à d'autres intérêts. Par conséquent, toutes les questions de sécurité devront être traitées par une instance de réglementation indépendante qui assure l'application des normes. Bien entendu, les stations de compression des pipelines se trouveront sur des terres qui appartiennent au pipeline.
Enfin, comme je l'ai mentionné plus tôt, la loi reflète les préoccupations à long terme du Canada à propos de la possibilité que la demande en matière d'exportation épuise les ressources énergétiques. La loi prévoit que les exportations de gaz naturel doivent être jugées excédentaires aux besoins des Canadiens. Nous avons adopté une méthode d'exportation du gaz axée sur les conditions du marché.
Monsieur le président, Mme Hanebury connaît très bien le domaine de l'environnement. Elle a passé l'été dernier à étudier le droit environnemental à l'Université de Aberdeen. Si vous êtes d'accord, elle abordera le volet environnemental.
Le président: Bien sûr. C'est un domaine qui reçoit beaucoup d'attention ces jours-ci et qui intéresse en particulier certains de nos membres. Vous avez la parole.
Mme Judith Hanebury, conseillère juridique, Office national de l'énergie: Honorables sénateurs, en ce qui concerne les préoccupations environnementales, le domaine que l'office réglemente le plus soigneusement est celui des pipelines -- la construction et l'exploitation des pipelines ainsi que leur mise hors service. En ce qui concerne les pipelines, il y a une longue liste d'aspects au sujet desquels l'office veut obtenir de l'information. Il veut obtenir de l'information sur les marais qui accueillent les oiseaux migratoires. Il veut obtenir de l'information sur des espèces végétales rares et les études qui ont été faites pour en déterminer l'emplacement, comment elles seront traitées et comment on limitera les pertes. Il examine les sites de franchissement de rivières pour déterminer comment cela se fera. Il veut savoir si des poissons vivent dans cette rivière et si leur habitat sera perturbé et remplacé. Il a le mandat important d'examiner les répercussions environnementales des pipelines.
Ce mandat lui est confié en vertu de la Loi sur l'office national de l'énergie, qui le charge de la réglementation dans l'intérêt public, et en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui est la grande loi fédérale en matière d'évaluation environnementale. La plupart des demandes présentées à l'office national de l'énergie déclenchent des évaluations en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
L'un des principaux défis que l'office a été appelé à relever ces dernières années a été d'intégrer ses processus quasi judiciaires prévus par la Loi sur l'office national de l'énergie et les processus prévus par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. C'est une initiative en cours depuis un certain temps. Nous apprenons sur le tas.
L'office a la capacité d'évaluer les répercussions environnementales des lignes internationales de transport d'électricité, ce qu'il fait. Il examine également les répercussions environnementales de l'exportation de gaz, de pétrole et d'électricité. L'exportation de pétrole se fait généralement par permis et ne fait donc pas habituellement l'objet d'une évaluation. Cependant, si une demande de permis d'exportation à long terme de pétrole nous est présentée, l'office en évalue les répercussions.
En ce qui concerne l'exportation de l'énergie, il n'y a aucun mécanisme de déclenchement prévu par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. L'évaluation des répercussions des exportations ne peut se faire qu'en vertu de la Loi sur l'office national de l'énergie. Ces dernières années, l'office a mis au point des essais pour établir ce qu'il examinerait et comment il examinerait les répercussions environnementales des exportations.
Le mandat confié à l'office par la Loi sur les opérations pétrolières du Canada lui permet aussi d'assurer la réglementation dans le Nord et dans les régions extracôtières, autres que les régions assujetties à un accord. Un principe fondamental de cette loi est que l'environnement doit être protégé. Pratiquement chaque étape du processus d'approbation par l'office de la mise en valeur du Nord s'accompagne habituellement d'une forme d'évaluation.
Je vous demande de passer à la page 8 de notre mémoire où nous décrivons notre démarche en matière d'évaluation environnementale.
L'office a des exigences très sévères quant aux renseignements que doit fournir une compagnie avant que sa demande soit approuvée. Lorsqu'elle présente une demande, la compagnie doit fournir une liste détaillée des études environnementales, des considérations d'ordre environnemental et des travaux qu'elle a faits sur les aspects qui préoccupent l'office en matière environnementale. Ce n'est toutefois qu'un début. Ce sont les renseignements de base dont a besoin l'office pour entamer le processus d'évaluation. L'office examine alors ces renseignements, dans le cadre d'un rapport écrit ou, s'il s'agit d'un processus public, d'une audience publique. En cas d'audience publique, souvent les intervenants environnementaux y prennent une part active et interrogent le requérant.
Si une demande est approuvée, l'office procède aux vérifications. Il a un programme d'inspection environnementale et les inspecteurs ont la capacité de mettre fin immédiatement à un projet sans repasser par l'office s'ils craignent une détérioration de l'environnement.
L'office exerce également une fonction de contrôle. Les sociétés sont habituellement tenues de déposer un rapport de contrôle après la construction indiquant qu'elles ont donné la suite voulue aux préoccupations environnementales soulevées lors de l'étude de la demande et ont effectivement atténué les impacts.
L'harmonisation est l'un des défis auxquels fait face l'office en matière d'évaluation environnementale. Un exemple récent d'harmonisation est l'évaluation des projets côtiers et extracôtiers de l'Île de Sable, en collaboration avec la province de la Nouvelle-Écosse. L'office a aussi harmonisé son processus avec celui de l'office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. En ce qui concerne le projet de l'Île de Sable, un groupe mixte d'évaluation a été constitué se composant de cinq membres, dont trois provenaient de l'office national de l'énergie. Le rapport du comité mixte a été publié il y a environ un mois.
L'office a également procédé à des évaluations conjointes avec l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Le projet Pipeline Express, un nouvel oléoduc qui traverse les prairies au sud de l'Alberta, est un exemple d'évaluation conjointe faite avec l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, à laquelle a été nommé un membre de l'office national de l'énergie. Les quatre membres qui ont examiné la demande portaient en fait deux chapeaux: celui d'évaluateur nommé par le ministre de l'Environnement et celui de membre de l'office national de l'énergie.
La substitution est l'un des objectifs de l'office. En vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, il est possible, lorsqu'une agence a instauré un processus d'évaluation environnementale jugé satisfaisant par le ministre de l'Environnement, de substituer au processus d'évaluation un examen par voie d'audience en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. À ma connaissance, jusqu'à présent, aucune disposition de substitution n'a été prise en vertu de cette loi mais l'office travaille à l'heure actuelle avec l'agence à un processus de substitution.
En ce qui concerne l'harmonisation, l'office travaille en collaboration avec divers organismes dans le Nord pour harmoniser ses processus d'évaluation avec les divers processus prévus par les accords sur les revendications territoriales. Ceux d'entre vous qui ont examiné ces accords constateront que chacun semble prévoir un processus différent. Ce projet s'est donc avéré assez long et ardu.
À l'heure actuelle, tout le monde parle des «gaz à effet de serre». L'office lui-même n'a pas de mandat précis concernant les questions relatives aux gaz à effet de serre. Cela dit, c'est un aspect dont l'office tient compte lorsqu'il procède à des évaluations environnementales.
Les pipelines émettent du dioxyde de carbone et de l'oxyde nitreux. Ces émissions proviennent principalement des compresseurs. La plupart des pipelines adhèrent au programme d'observation volontaire, surtout les grosses compagnies. De plus, l'office surveille la situation, encourage les pipelines à installer de nouveaux compresseurs et se renseigne pour déterminer si les compresseurs font appel aux nouvelles technologies qui permettent de réduire le niveau des émissions d'oxyde nitreux. De plus, l'office demande parfois aux sociétés de vérifier les niveaux d'oxyde nitreux ou de CO2 dans l'air ambiant afin de s'assurer que les lignes directrices établies par le gouvernement fédéral, particulièrement en ce qui concerne le NOx, sont respectées.
M. Priddle: Je tiens à souligner que nous avons été assez sélectifs dans la documentation que nous vous avons fournie. Nous sommes partis du principe que le comité s'intéresserait surtout à l'aspect environnemental et à notre mode de fonctionnement.
L'autre domaine est l'approvisionnement énergétique, dont nous parlons à la page 9 de notre mémoire. On s'interroge sans cesse sur la situation de l'approvisionnement énergétique du Canada. Est-il suffisant? Est-ce que nos exportations nuisent à l'approvisionnement énergétique vers les marchés intérieurs par exemple?
L'office a un mandat général en vertu de la partie II de la loi d'étudier et de revoir constamment toutes les questions qui relèvent de la compétence du Parlement du Canada. Nous accordons également une certaine importance aux exportations de gaz. J'utilise régulièrement le mot «excédent», qui figure à l'article 118 de la loi. Nous sommes également tenus, en vertu de l'article 52 de la Partie III de notre loi, de nous assurer que l'approvisionnement en pétrole ou en gaz est suffisant pour la construction d'un nouveau pipeline.
Nous tenons le public au courant de la situation concernant les approvisionnements énergétiques en tenant des audiences sur les exportations et les pipelines. Par exemple, la demande sur les installations de 1998 de TransCanada Pipelines Ltd. a fait l'objet d'une analyse très détaillée par une firme bien connue d'ingénieurs-conseils de Calgary, qui a évalué les ressources gazéifères du bassin sédimentaire de l'Ouest canadien. Cette analyse a servi de fondement à la demande. L'office n'a encore pris aucune décision. Par conséquent, nous ne savons toujours pas s'il y a suffisamment de gaz pour alimenter les pipelines existants, ni quelle sera la capacité d'acheminement des installations de 1998 de TransCanada.
Les audiences publiques constituent un des éléments du processus d'examen. Nous procédons à l'évaluation périodique du marché du gaz. Nous avons effectué neuf évaluations jusqu'ici. Une des plus récentes portait sur les mesures prises par les producteurs pour s'adapter à l'évolution du marché, à savoir les fluctuations dans le prix du gaz naturel. Nous avons constaté que les producteurs réagissent remarquablement vite aux signaux de prix, et qu'ils augmentent l'approvisionnement quand le prix est à la hausse. Ils agissent avec beaucoup de célérité.
Nous effectuons également des études périodiques de l'offre et de la demande. La dernière étude a été réalisée à l'automne 1994.
J'aimerais vous citer certains passages du rapport de l'office national de l'énergie. Le premier, concernant le gaz, est tiré de la dernière évaluation dont a fait l'objet le marché du gaz naturel. On y lit que le secteur de la production est dynamique et vigoureux, et travaille activement à exploiter et à mettre en valeur les ressources de gaz naturel du Canada. Il a clairement démontré sa capacité de fournir un approvisionnement suffisant, à une juste valeur marchande, pendant des périodes caractérisées par un accroissement rapide de la demande.
Dans les années 70 et au début des années 80, on avait tendance à croire que l'approvisionnement énergétique ne réagirait pas rapidement aux signaux de prix. À cette époque, l'intervention étatique était fort courante, et c'était les gouvernements, et non les marchés, qui fixaient les prix. On a constaté -- et je suis certain qu'il n'y a beaucoup d'intervenants du secteur pétrolier et gazier qui en sont surpris, bien que, sur le plan des affaires publiques, cela ait de quoi étonner -- que l'approvisionnement en énergie, pétrole, gaz et liquides extraits du gaz naturel est sensible aux signaux de prix tout comme l'approvisionnement de la plupart des autres produits et biens manufacturés.
En ce qui concerne le pétrole, nous vous faisons part des observations de l'office concernant le pipeline Express, ce nouveau pipeline qui doit voir le jour dans l'Ouest canadien après de nombreuses années de disette. Si je dis «nouveau», c'est parce que le pipeline sera la propriété d'une nouvelle entreprise. Au cours des 40 dernières années, on a surtout cherché, dans l'Ouest canadien, à accroître la capacité des pipelines interprovinciaux et internationaux existants. Seule exception à la règle: la construction d'un gazoduc, au début des années 80, par la Foothills Pipe Lines. En 1996, nous avons approuvé la construction d'un nouvel oléoduc dans le bassin appartenant à la TransCanada PipeLines et à la Alberta Energy Company Ltd.
En ce qui concerne le pipeline lui-même, nous avons conclu que l'ampleur de la base de ressources en pétrole brut dans l'Ouest canadien et l'évolution continue probable de la technologie d'extraction de ces ressources feront en sorte que des volumes suffisants de pétrole permettront d'en assurer la viabilité.
À la page 10, nous essayons de décrire ce qu'on peut attendre de l'office national de l'énergie. On peut s'attendre à un traitement prompt et équitable des demandes mûres. Nous recevons parfois des demandes qui ne peuvent faire l'objet d'une audience parce qu'elles sont incomplètes, ne respectent pas les critères de l'office et ne contiennent pas suffisamment de données pouvant nous aider à prendre une décision. Toutefois, les demandes mûres seront traitées avec célérité et de façon équitable.
Nous apportons une grande attention aux questions environnementales pertinentes. Nous avons établi un excellent processus d'audiences publiques où les preuves fournies sont soumises à contre-interrogatoire. Ce processus est juste et objectif.
La sécurité publique constitue, pour nous, une question prioritaire. Les compagnies de pipelines, de même que l'Association of Energy Pipelines, accordent la plus haute priorité à la sécurité publique. Nous collaborons avec l'industrie, non pas contre elle, dans ce dossier.
Nous réservons un bon accueil aux innovations en matière de réglementation. Je mentionne ici la médiation et les autres moyens de résolution de différends. Nous nous engageons en même temps à faire preuve de vigilance en matière d'intérêt public dans les domaines de l'environnement, de la sécurité publique, de l'accès aux pipelines et du fonctionnement libre des marchés de l'énergie. Il est vrai que l'objectif de l'office, surtout au cours des 12 dernières années, et de tous ses membres est de faire en sorte que les marchés de l'énergie qui utilisent ces installations -- c'est-à-dire le gaz, le pétrole et les liquides extraits du gaz naturel -- et qui sont assujettis à nos règlements concernant le matériel, qui ont des tendances monopolistiques, fonctionnent librement.
Monsieur le président, voilà qui termine notre exposé. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci, M. Priddle et Mme Hanebury. Nous vous remercions de vos observations et de vos suggestions. Nous allons commencer la discussion.
Le sénateur Kenny: M. Priddle mérite toutes nos félicitations, puisqu'il a supervisé l'immense remaniement dont a fait l'objet l'office au cours des dernières années. Nous avons beaucoup de chance de l'avoir comme président. Je vous souhaite la bienvenue, M. Priddle.
Ma question ne porte pas vraiment sur votre exposé, mais sur l'approvisionnement énergétique au Canada, surtout l'approvisionnement pétrolier. Je suis certain que vous êtes au courant des études qu'a réalisées l'OCDE sur les conséquences qu'entraînerait une pénurie de pétrole ou un choc pétrolier. L'AIE a effectué des études par pays qui concluent que le Canada est un exportateur net et qu'il serait obligé de venir en aide aux autres pays, en cas d'urgence, en leur fournissant du pétrole.
Nous sommes peut-être un exportateur net, mais le pays est vraiment divisé en deux grands blocs. L'Ouest aurait suffisamment de réserves pour répondre à ses besoins en cas de choc pétrolier, mais l'Est verrait ses réserves réduites à néant assez rapidement. L'AIE a fixé des exigences en matière de réserves pour la plupart des pays. Par exemple, les Américains doivent avoir des réserves qui leur permettront de subvenir à leurs besoins pendant 120 jours. Les autres pays doivent avoir des réserves qui leur permettront de répondre à leurs besoins pendant au moins 60 jours. Bien qu'il y ait des projets prometteurs au large de la côte est, ce pétrole est destiné non pas à l'Est canadien, mais aux États du sud. Nous n'avons même pas de raffineries dans l'Est qui sont en mesure de traiter le pétrole que produira Hibernia.
Que se passera-t-il s'il y a un choc pétrolier? Comment l'Est canadien pourra-t-il subvenir à ses besoins? Qu'arrivera-t-il au Nouveau-Brunswick, à la Nouvelle-Écosse ou même à Terre- Neuve s'il y a pénurie de pétrole, compte tenu du fait qu'aucun des pipelines de l'Ouest canadien se rend jusque-là?
M. Priddle: Vous avez raison de poser cette question, sénateur Kenny. Je tiens toutefois à souligner que cela ne relève pas de la compétence de l'office national de l'énergie, mais je vais tout de même essayer d'y répondre du mieux que je peux.
À la fin de 1974, début 1975, j'ai participé à ce qu'on appelait «l'initiative Kissinger», qui a abouti à la mise en place du système de répartition du pétrole en cas d'urgence de l'Agence internationale de l'énergie qui, comme l'a indiqué le sénateur Kenny, fait partie de l'OCDE. Il s'agit-là d'un organisme de secours bien structuré et expérimenté qui oeuvre au sein de l'agence et de différents pays membres. Au Canada, ce système est organisé par le ministère des Ressources naturelles.
Le Canada est un important exportateur net de pétrole. Grâce à nos efforts diplomatiques, nos exportations de liquides de gaz naturel, de pétrole brut et de condensats -- de propane, de butane et d'éthane -- contribuent à améliorer nos exportations nettes de produits pétroliers. Cela nous donne un avantage énorme dans le système de répartition du pétrole en cas d'urgence. C'est notre ratio consommation-production qui permet d'établir que nous constituons un exportateur net. Ce ratio ne tient pas compte des flux réels. Pour le calculer, il faut diviser la consommation par la production. Le résultat peut refléter un excédent d'exportation de 50 p. 100. Comme nous sommes un exportateur net important, nous sommes exclus des premières coupures qui sont décrétées lorsqu'une urgence se produit et que le système de répartition est mis en branle. Bien entendu, nous devons présumer que ce système est efficace. Les réserves de pétrole vont être réparties en premier lieu entre les pays importateurs nets.
Le système vise également à empêcher ou à dissuader les pays comme le Canada -- et je n'en vois pas d'autres -- qui sont des exportateurs nets, mais dont une région, comme l'Est canadien, est tributaire des importations, et l'autre, comme l'Ouest canadien, affiche un excédent exportable, de réduire leurs exportations dans l'Ouest et de dévier le pétrole vers l'Est tout en maintenant le flux d'importation pendant la première phase du programme de répartition. Par ailleurs, si vous réduisez vos exportations, malgré l'existence de ce système, vos importations vont être coupées. Vous ne gagnez donc rien à alimenter le marché interne.
Le système de répartition du pétrole en cas d'urgence pourra compter pendant longtemps sur les réserves du Canada. Toutefois, supposons que le système tombe en panne et qu'il s'avère nécessaire d'alimenter l'Est en pétrole. La Pipeline International Inc., qui a présenté une demande en vue d'inverser le débit de la canalisation no 9, a pris soin de préciser qu'elle pourrait rétablir le débit très rapidement en sens inverse et acheminer de grandes quantités de pétrole vers l'Est, quoique le volume de pétrole ainsi acheminé ne permettrait pas de répondre aux besoins de l'ensemble des régions des Maritimes et du Québec. Toutefois, elle pourrait rapidement acheminer vers l'Est environ un quart de million de barils par jour.
Ce qui nous amène à nous poser la question suivante: l'Ouest canadien serait-il en mesure de fournir aux raffineries du Québec et des Maritimes le type de pétrole dont elles ont besoin? Je ne le sais pas.
Le sénateur Kenny: Monsieur Priddle, j'aimerais vous poser des questions au sujet de votre mandat en tant que conseiller du gouvernement. Vous avez une très vaste expérience dans ce domaine.
Les premières coupures auxquelles vous avez fait allusion ne nous obligeraient peut-être pas à réduire notre consommation, mais elles nous obligeraient à augmenter nos exportations. Ce qui aurait pour effet de créer un problème tout aussi complexe.
Par ailleurs, notre plan d'urgence national comporte un volet d'information publique. On invitera d'abord des gens respectés, comme vous-même ou le ministre de l'Énergie, à prononcer un discours à la télévision et tenter de convaincre le public qu'il n'y a pas de situation d'urgence. Nous pouvons présumer que toutes les personnes intelligentes vont immédiatement remplir leur réservoir d'essence à 80 p. 100 de sa capacité plutôt qu'à 50. Il suffit d'une simple hausse de 50 à 60 p. 100 pour perturber la chaîne d'approvisionnement.
On cherchera ensuite à établir ensuite processus de rationnement. Or, dès qu'on prononce le mot «rationnement», il y a de longues files d'attente qui se forment.
Pourquoi n'y a-t-il pas de réserves dans l'Est canadien? Pourquoi ne pas reconnaître que nous avons deux marchés distincts qui sont alimentés de façon très différente? Ne serait-il pas prudent, si l'on tenait compte des intérêts à long terme du Canada, de constituer des réserves qui permettraient d'amortir le choc, s'il y en avait un? Les approvisionnements dans l'Est canadien sont instables. Pourquoi n'avons-nous pas des réserves de 60 ou de 120 jours dans l'Est canadien pour parer à toute éventualité?
M. Priddle: Monsieur le président, ces questions relèvent de la politique gouvernementale. M. Goodale et le ministère pourraient très bien y répondre. Il est vrai qu'on s'attendrait à ce que le Canada maintienne ses exportations et les augmente aussi, s'il y avait une capacité de production et une capacité pipelinière excédentaires, ce qui n'a jamais été le cas. Techniquement, on pourrait le faire à l'occasion, mais pas toujours.
Le ministère a souvent envisagé de constituer des réserves dans l'Est canadien. Le système d'approvisionnement en pétrole canadien, y compris en pétrole étranger pour l'Est canadien, a fait ses preuves dans un grand nombre de circonstances très différentes, y compris lors des crises de 1973-1974, de 1979-1980 et de 1990-1991. Les Canadiens n'ont jamais manqué de pétrole.
Je suis certain que la perspective de la mise en service -- au bout d'une période assez longue -- de plusieurs champs de pétrole brut, en plus de Hibernia, influerait sur les politiciens. Peut-être que la qualité de pétrole de ces champs ou la configuration des raffineries dans l'Est du Canada seraient telles que ces dernières pourraient raffiner une quantité considérable de pétrole de la côte est.
Le sénateur Cochrane: Monsieur Priddle, avez-vous en ce moment de nouvelles demandes de prospection ou d'exploitation de champs de pétrole, en plus de Hibernia, au large des côtes de Terre-Neuve?
M. Priddle: Sénateur, avec tout le respect que je vous dois, je dirais que l'office n'a pas de pouvoir de réglementation en matière de prospection et d'exploitation de pétrole et de gaz au large des côtes. C'est l'office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers qui s'occupe du cas de Terre-Neuve. Nous donnons à cet office des conseils techniques très spécialisés sur, par exemple, ce qui a trait à la plongée sous-marine; toutefois, nous ne réglementons pas l'industrie. Je ne suis donc pas au courant de la situation, sénateur.
Le sénateur Milne: Ce que je sais à propos de la construction de pipelines s'explique par le fait que mon mari a travaillé dans ce domaine pendant de nombreuses années. Il est maintenant à la retraite et agit à titre de consultant sur les questions environnementales liées à la construction de pipelines dans d'autres pays.
À la page 2 de votre mémoire il est fait mention de la coopération avec les divers organismes de réglementation provinciaux. Avec quel groupe coopérez-vous en Ontario, et que se passe-t-il lorsque de tels groupes n'existent pas?
M. Priddle: En Ontario, c'est l'Ontario Pipeline Coordinating Committee (OPCC) du côté de l'environnement qui est notre principal interlocuteur. Il y a au gouvernement ontarien un comité interministériel que je ne connais pas trop. Lorsqu'une société de pipeline réglementée par l'office souhaite construire un nouveau réseau -- en général dans une emprise déjà existante, bien que récemment dans le cas de la construction du réseau Trans-Canada 1998, il s'agisse d'une nouvelle emprise -- le OPCC cherche à assurer la coordination entre tous les ministères visés. Il s'agit du ministère des Ressources naturelles et de l'ancien ministère de l'Énergie et de l'Environnement, maintenant appelé ministère de l'Énergie, des sciences et de la technologie de l'environnement. Le OPCC veille à ce que toutes les questions touchant l'Ontario soient réglées de manière coordonnée afin que la société de pipeline n'ait pas à traiter avec plusieurs ministères différents.
Le OPCC nous présente alors l'ensemble des points qui devraient se refléter dans nos conditions de certificat. Il s'agit des conditions que nous imposons aux sociétés de pipeline à propos de, par exemple, la traversée de rivières ou de terres humides, le genre de choses dont Mme Hanebury a fait mention.
Le sénateur Milne: Cela vous simplifie les choses, puisque vous n'avez pas besoin de traiter avec divers ministères.
M. Priddle: Oui, c'est exact.
Le sénateur Milne: À la page 3 du mémoire, il est question de la composition de l'office. Vous avez bien dit que l'un de vos membres temporaires était directeur exécutif du personnel?
M. Priddle: C'est exact.
Le sénateur Milne: N'y a-t-il pas là conflit d'intérêt?
M. Priddle: Il est arrivé dans le passé que des membres du personnel ayant des qualifications particulières, ainsi que les titulaires des postes les plus importants, ont été nommés à titre de membres temporaires. Mme Judith Snider, notre ancienne directrice des affaires juridiques, a été membre temporaire pendant un certain temps avant d'être nommée membre permanente.
Gaétan Caron a fait ses preuves à l'office en tant qu'ingénieur de pipeline. À un moment donné, il s'est occupé de la réglementation des finances et, pendant quelques années, a été directeur exécutif. C'est quelqu'un d'expérience qui a une vaste connaissance de nos processus de réglementation, puisqu'il a été gestionnaire de projets à l'occasion d'audiences importantes. Il était tout choisi pour devenir membre temporaire. Des membres du personnel supérieur occupent son poste de directeur exécutif par roulement.
Le sénateur Milne: Vous avez parlé du regain d'intérêt dans la prospection dans le Nord. Cherchez-vous à mettre à jour vos propres exigences environnementales au moment où vous allez vers le Nord et vers des terres arctiques de plus en plus fragiles?
Mme Hanebury: Certaines de nos exigences environnementales définies dans nos lignes directrices traitent déjà de questions comme celles du pergélisol. Nous participons toutefois à des discussions continues avec divers groupes du Nord, maintenant que l'exploitation dans le Nord devient plus active, pour nous assurer que nous réglons comme il le faut diverses questions propres au Nord. Nous travaillons ensemble pour faire en sorte que nos processus se complètent les uns les autres.
Le sénateur Milne: La restauration est l'une de vos exigences. Comment procédez-vous pour vous assurer que les sols dont la restauration pourrait prendre 100 ans sont en fait restaurés? Y a-t-il des processus particuliers que vous pourriez utiliser?
M. Priddle: Le sénateur Milne aborde bien évidemment une question importante. Les pipelines sont construits dans toutes sortes de contextes différents -- villes, terres agricoles, prairie comme dans le cas mentionné par Mme Hanebury, forêts en Colombie-Britannique, pentes instables, et cetera. Bien évidemment, plus vous allez vers le Nord, plus les pipelines se heurtent à des difficultés. Nous avons encore beaucoup à apprendre. Beaucoup de leçons ont été tirées, sénateur, par exemple, de l'expérience du pipeline IPL (NW). C'est un pipeline de pétrole brut au diamètre relativement petit qui part du champ Norman Wells, et traverse la vallée du Mackenzie dans le sens sud, sud-est, pour arriver à Zama, dans le nord de l'Alberta.
Je ne me suis pas rendu sur les lieux, mais d'après ce que je comprends, les problèmes qui se sont posés ne se sont pas en général révélés insolubles. Le pergélisol n'a pas été endommagé. Il n'y a pas eu fonte du pergélisol susceptible de causer un problème environnemental ou d'avoir un effet négatif sur le pipeline.
On a trouvé des façons d'isoler le pergélisol. Le pétrole peut être refroidi. En général, l'expérience acquise au fil du temps, donne d'assez bons résultats.
Le sénateur Milne: Êtes-vous allé au-delà de nos frontières pour voir ce qui se passe en Alaska dans le domaine des pipelines? Ces renseignements nous seraient très précieux.
M. Priddle: Sénateur, je ne connais pas vraiment le travail effectué à l'étranger dans ce domaine. Je sais que beaucoup de travail se fait en France, par exemple, ce qui est assez surprenant. Il y a à Caen, en Normandie, un laboratoire de recherches sur le pergélisol; des scientifiques et ingénieurs canadiens y ont travaillé. Les Français s'intéressent à la construction routière à très haute altitude dans les Alpes et étudient les pipelines dans l'environnement du pergélisol.
Je suis sûr que l'industrie canadienne du pipeline a tiré les leçons de l'expérience du pipeline Alyeska, le pipeline de pétrole brut qui traverse l'État d'Alaska.
Le sénateur Milne: Quel genre de coopération avez-vous avec les autorités provinciales et municipales en matière d'environnement? Vous avez parlé de l'évaluation environnementale des exportations. Proposez-vous un genre de réglementation qui empêcherait que l'on rejette sur le Canada la responsabilité de projets lancés par des sociétés canadiennes à l'étranger, qui tournent très mal?
Je pense en particulier à TCPL ou au fiasco du Iroquois Pipeline. Existe-t-il une façon pour le Canada de se protéger à cet égard? Vous intéressez-vous à ce qui se passe au-delà de nos frontières, lorsque vous parlez de l'évaluation environnementale des exportations?
M. Priddle: Le sénateur soulève plusieurs points. Nous coopérons avec les gouvernements provinciaux; ainsi, la commission d'examen conjoint qui s'est penchée sur les projets énergétiques de l'Île de Sable tient compte non seulement des intérêts fédéraux, mais aussi des intérêts de l'office Canada- Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et du ministère de l'Environnement de la Nouvelle-Écosse.
Je vais demander à Mme Hanebury de répondre à la question de l'évaluation environnementale des exportations, ainsi qu'à celle des effets environnementaux des projets énergétiques du Canada au-delà de nos frontières.
Mme Hanebury: Par suite d'une affaire judiciaire sur les exportations d'électricité dont a été saisie la Cour suprême du Canada et par suite de la mise au point par l'office de ses propres critères, toute exportation énergétique autorisée par l'office doit être soumise à l'évaluation des effets environnementaux des installations connexes, qui sont habituellement des installations de production et de transport. Il peut s'agit des deux sortes d'installations ou d'une seule.
De façon très générale, nous examinons les installations dont la construction est prévue et nous évaluons si elles sont en corrélation suffisamment étroite avec la demande de licence d'exportation, c'est-à-dire si, en fait, elles sont entièrement ou partiellement construites pour faciliter l'exportation. C'est le critère que nous retenons. Nous procédons ensuite à l'évaluation de ces installations de transport ou de production. Ce sont les points que nous examinons dans le cadre de l'évaluation des exportations.
Reste à savoir si l'office peut évaluer les effets environnementaux de l'utilisation ultime de l'énergie après la production, c'est-à-dire, par exemple, au niveau du bec du brûleur, s'il s'agit de gaz, ou à celui de la construction d'installations pour amener ce gaz au sud de la frontière: c'est la question dont a été saisi l'office ces deux dernières années. Si je me souviens bien, il s'agit de l'audience relative au pipeline d'Express, pipeline de pétrole se prolongeant au-delà de la frontière sud de l'Alberta. Dans ce cas précis, l'office a examiné son mandat législatif et en est arrivé à la conclusion que pour s'occuper des questions se posant au sud de la frontière, il devait avoir l'autorité express de le faire en vertu de la loi à laquelle il est assujetti; autrement, il doit limiter l'évaluation des effets environnementaux au Canada. Il en a conclu qu'aucun mandat express de cette nature ne lui est conféré par la loi à laquelle il est assujetti, si bien qu'il n'évalue pas les effets environnementaux au sud de la frontière.
J'imagine qu'il pourrait y avoir exception uniquement lorsqu'un événement survenant au Canada peut avoir un effet au sud de la frontière. Par exemple, si le pipeline doit franchir une rivière juste au nord de la frontière américaine et qu'il s'ensuit un phénomène d'envasement au sud de la frontière, nous pourrions évaluer cet effet environnemental.
Le sénateur Spivak: C'est une façon très intéressante d'évaluer les impacts environnementaux. Étant donné que votre mandat de convenance et de nécessité publiques ne permet pas de procéder à ces évaluations, en avisez-vous l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, laquelle est responsable des exportations? Si je pose cette question, c'est parce que, d'après Ressources naturelles Canada, près de la moitié de l'augmentation de 46 mégatonnes de CO2 du Canada ou d'émissions équivalentes est attribuable à l'utilisation et à la production de combustibles fossiles. Cela soulève de gros problèmes quant aux émissions de gaz à effet de serre. Je parle ici de la situation globale et non de la situation particulière de telle ou telle société de pipelines.
Pourriez-vous également vous prononcer sur l'exactitude de certains renseignements qui m'ont été transmis? En Ontario, les émissions de soufre ont apparemment augmenté de 25 p. 100 au cours des 12 derniers mois, en raison d'expéditions de pétrole brut lourd à forte teneur en soufre de l'Alberta vers des raffineries vieillissantes et aussi parce que la désulfuration avant et pendant la production ne se fait plus ou se fait à un moindre degré.
Est-ce que l'office national de l'énergie a son mot à dire quant à la qualité du produit expédié vers l'Est ou exporté à destination des États-Unis ou au sujet de la dépollution avant et pendant la production, qui serait assurée par les producteurs avant l'expédition? L'office tient-il compte des capacités des raffineries, des vieilles raffineries notamment, en matière de pétrole brut plus usé?
Mme Hanebury: Les exportations ne figurent pas sur la liste de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale; par conséquent, lorsque l'office reçoit une demande d'exportation d'énergie, il ne déclenche pas d'évaluation en vertu de cette loi. L'évaluation ne se fait qu'en vertu de la Loi sur l'office national de l'énergie.
Par ailleurs, aucun avis n'est donné à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale au sujet d'une demande de licence d'exportation. Tous nos documents sont publics, bien sûr, et toute personne ou entité, y compris l'Agence, qui souhaiterait des renseignements à propos des exportations y a accès.
Au sujet des pipelines qui par exemple transportent des produits d'exportation à destination des États-Unis, nous avons à l'occasion informé les États-Unis que nous avions une demande au Canada et qu'une question avait été posée au sujet des effets environnementaux potentiels au sud de la frontière. Nous les avertissons. Je pense en particulier au projet pipeline d'Express au sujet duquel nous avons donné un avis aux autorités américaines à propos d'effets environnementaux potentiels.
Nous limitons notre examen à l'intérieur de nos frontières.
M. Priddle: Permettez-moi de répondre aux remarques du sénateur Spivak concernant l'augmentation des émissions de dioxyde de carbone attribuables à la combustion des fossiles. Je suppose qu'il doit en être ainsi et je ne conteste pas ce qu'elle dit. D'après moi, mes collègues de RNCan et, bien sûr, de l'industrie pétrolière et gazière de l'Ouest canadien, voudraient signaler qu'une partie de cette augmentation serait due au grand essor que connaît cette région du pays depuis 1990 pour ce qui est de la production d'énergie. Dans la mesure où cela suppose, par exemple, la préparation d'un combustible plus propre aux fins d'exportation aux États-Unis, le Canada, j'en suis convaincu, essaierait d'obtenir un certain crédit à cet égard. Si le Canada traite le gaz naturel qui est, par rapport au charbon, une source d'énergie qui ne produit aucun résidu et une faible quantité de dioxyde de carbone lorsqu'il est brûlé au sud de la frontière, il devrait alors obtenir une partie du crédit. Le Canada ne devrait pas être désavantagé lorsque l'on attribue les émissions.
Sénatrice Spivak, je ne suis pas du tout au courant d'un changement important qui serait survenu dans la qualité du pétrole brut acheminé dans les raffineries de l'Ontario au cours des dernières années. Ces raffineries sont approvisionnées essentiellement en pétrole brut de l'Ouest canadien, de densité faible et moyenne, de bonne qualité et à assez basse teneur en soufre. Une certaine quantité de pétrole importé d'une qualité similaire atteint également l'Ontario en passant par les États-Unis, sans compter celle qui provient des champs pétrolifères américains. Il y a aussi une importante quantité de pétrole synthétique des sables bitumineux à très basse teneur en soufre qui est utilisé plus particulièrement par la raffinerie Suncor à Sarnia. Cependant, à ma connaissance, la teneur en composés soufrés du pétrole brut acheminé dans les raffineries ontariennes n'a pas été augmentée.
À part le traitement du bitume sulfureux en Alberta aux installations de Syncrude et de Suncor, il n'y a pas de traitement en amont, du moins à ce que je sache, du pétrole brut naturel avant son raffinage.
Le sénateur Spivak: Je crois comprendre que le gouvernement fédéral tente de mettre au point des règlements en vue de réduire les émissions de dioxyde de soufre provenant du gaz. Cette information se rapporte à Imperial Oil.
M. Priddle: Ce n'est pas nouveau pour moi.
Le sénateur Spivak: Ma question d'ordre général en ce qui a trait aux émissions de gaz à effet de serre est la suivante: étant donné le mandat qui vous a été confié d'agir dans l'intérêt public, pas seulement dans l'intérêt commercial, de quoi tenez-vous compte pour fixer des objectifs généraux? Vous pouvez peut-être répondre plus tard à cette question.
Le sénateur Comeau: En ce qui concerne le projet gazifère de l'Île de Sable, est-ce que je me trompe en disant que la commission d'examen conjoint a donné le feu vert au projet de pipeline des Maritimes et du Nord-Est? Dans l'affirmative, l'office examinera-t-il les demandes de pipelines concurrentes?
M. Priddle: La commission d'examen conjoint a approuvé le projet, à de nombreuses conditions, mis de l'avant par les promoteurs tant pour la composante côtière qu'extracôtière. La principale composante côtière en aval de l'installation de traitement du gaz de Goldboro en Nouvelle-Écosse serait le projet de pipeline des Maritimes et du Nord-Est. C'est ce qu'a approuvé la commission d'examen conjoint mixte d'évaluation. Elle a conseillé, dans un certain sens, à ses trois membres de l'office, de recommander au gouverneur en conseil d'émettre un certificat d'approbation pour le pipeline des Maritimes et du Nord-Est.
Cela n'a pas encore été fait, sénateur. La publication du rapport de la commission d'examen conjoint remonte à la fin octobre et un certain nombre de processus interviennent en ce qui le concerne. Dans la mesure où le gouvernement l'approuve, conformément à la Loi sur l'office national de l'énergie, l'office fera alors sa recommandation en ce qui a trait au pipeline des Maritimes et du Nord-Est. Techniquement, l'office national de l'énergie n'a pas encore donné son approbation puisqu'elle doit attendre d'obtenir du gouverneur en conseil l'autorisation d'émettre le certificat.
Le sénateur Comeau: Je crois comprendre que le groupe TransMaritime avait également présenté une proposition de pipeline sous-marin qui n'a pas été examinée par la commission d'examen conjoint. Je crois que l'office était vaguement au courant que ces deux intérêts concurrents souhaitaient présenter des projets et que c'est seulement par l'information glanée dans les journaux qu'il en a eu vent. Les demandes concurrentes n'ont fait l'objet d'aucun examen pratique. Néanmoins, la commission d'examen conjoint est bel et bien allée de l'avant et a fait des recommandations. S'ils veulent examiner d'autres solutions de rechange, les membres de l'office seront placés dans une position assez inconfortable, à savoir mettre de côté les recommandations de leurs collègues. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'une façon assez gauche d'examiner des solutions de rechange pour un projet qui revêt si grande importance pour les Maritimes.
M. Priddle: Je demanderai à Mme Hanebury de répondre à votre question, mais je ne suis pas convaincu qu'il serait vrai de dire que la Commission d'examen conjoint -- dont, bien sûr, je n'étais pas membre -- n'a pas étudié les solutions de rechange. Les membres ont dit qu'ils l'avaient fait.
Les demandes auxquelles vous faites allusion en ce qui a trait aux deux pipelines dans le cadre du projet de pipeline TransMaritime et la demande relative au gazoduc North-Atlantic sont maintenant devant l'office national de l'énergie qui y donne suite.
Le sénateur Comeau: Ma deuxième question porte sur le forage du Banc George. Pourriez-vous me dire brièvement où en sont les demandes présentées à cet égard?
Mme Hanebury: Premièrement, nous ne sommes pas sûrs d'avoir complètement répondu à votre question portant sur les solutions de rechange.
La Commission mixte a estimé qu'elle avait examiné les solutions de rechange qui lui avaient été présentées comme le prévoir la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Vous devez en tenir compte sérieusement lorsque vous constatez que le projet qu'on vous a soumis a d'importantes répercussions environnementales. Dans ce cas, vous examinez si un autre projet doit être mis de l'avant pour y faire face.
Ce que tentaient de faire, je crois, les promoteurs des projets de pipeline concurrents, c'est de retarder la décision de l'office national de l'énergie à l'égard du projet de l'Île de Sable tant que les autres projets ne pourraient être étudiés. La décision serait ainsi rendue à l'égard des trois possibilités en même temps. L'office a refusé de le faire. Il a répondu qu'il ne retarderait pas une demande en attendant que d'autres demandes soient déposées et rattrapent le retard à proprement parler. Il a ajouté qu'il allait poursuivre son examen de la demande qu'on lui avait soumise et qu'il se pencherait sur les autres projets au moment opportun.
Le sénateur Comeau: Il est absolument injuste de faire une recommandation relativement à un projet de forage et de pipeline sans passer en revue les autres solutions de rechange. Je ne favorise ni l'une ni l'autre de ces options. Ce n'est pas du tout le point que je veux faire ressortir. Cependant, je suis tout à fait contre l'idée que la commission donne le feu vert ou fasse une recommandation sans avoir procédé à un examen complet des autres options étant donné les répercussions à l'échelle du Canada atlantique. C'est un peu comme si le Canada central venait une fois de plus dans la région de l'Atlantique pour nous dire que nous ne sommes qu'une bande «d'ignorants». Les membres de la commission auraient dû selon moi examiner les répercussions sur le système de distribution, voire faire des recommandations. Peut-être auraient-ils dû autoriser le forage mais laisser faire la distribution.
Mme Hanebury: C'est une des occasions où je suis heureuse de dire que je ne suis que l'avocate et je vais laisser M. Priddle répondre à cette question.
M. Priddle: Je suis sensible aux préoccupations du sénateur Comeau. En même temps, monsieur le président, je ne suis pas apte à expliquer la décision de la Commission d'examen conjoint. Je crois que cette décision n'a pas besoin d'être expliquée, encore plus par quelqu'un qui n'était pas membre de la commission. La décision est d'ordre public et elle se passe d'explications.
Cependant, j'aimerais assurer le sénateur Comeau que toute demande qui, relevant de notre compétence, est dûment présentée à notre office et est prête à être examinée, fera l'objet d'un traitement prompt, équitable et complet. Nous avons reçu les demandes pour le projet de pipeline TransMaritime. La première des deux porte sur l'acheminement du gaz TransMaritime dans les provinces de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick et, la deuxième, sur la prolongation du gazoduc TQM vers l'Est à partir de la rive sud, au sud de la ville de Québec, jusqu'au Nouveau-Brunswick. Nous avons reçu la demande concernant le gazoduc TQM à la fin de juillet et celle de l'acheminement du gaz TransMaritime à la fin d'août. Nous avons amorcé le processus de réglementation, à commencer par les études environnementales, comme cela doit toujours se faire dans le cas de ces demandes. L'office les examinera consciencieusement.
En ce qui concerne le projet de pipeline de l'Atlantique Nord, qui est un peu moins bien développé que les projets côtiers, il sera soigneusement étudié par l'office à condition qu'on nous fournisse suffisamment de renseignements.
Le sénateur Buchanan: J'aimerais également souhaiter la bienvenue à M. Priddle et à Mme Hanebury.
Je ne suis pas d'accord avec mon distingué collègue de la Nouvelle-Écosse en ce qui concerne le pipeline des Maritimes et du Nord-Est. J'ai assisté à certaines des audiences devant M. Fournier et j'ai été impressionné par la façon dont elles ont été menées. On a accordé aux témoins le temps dont ils avaient besoin pour exprimer leurs préoccupations sur l'environnement, sur les pipelines et sur tout aspect dont ils voulaient discuter. M. Fournier et le comité ont travaillé jour et nuit et se sont rendus un peu partout au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Ils ont fait un travail exceptionnel.
Comme vous l'avez dit, le projet extracôtier Tatham n'est pas très bien développé. J'ai assisté à la conférence sur l'énergie à Boston où ils ont fait une présentation. Si nous attendions la proposition Tatham, nous attendrions jusqu'à l'an 2000 et au-delà.
En ce qui concerne l'autre groupe, premièrement, je considère qu'ils ont tardé à présenter leur demande. Ils auraient pu la présenter plus tôt. Deuxièmement, je trouve qu'ils ont eu droit à une audience satisfaisante de la part de la commission Fournier.
Je suis satisfait de la recommandation concernant le pipeline des Maritimes et du Nord-Est. Nous voulons que ce projet se concrétise. Nous y travaillons depuis longtemps. Le premier office canado-américain des hydrocarbures extracôtiers a été mis sur pied dans les années 80. J'ai signé la première entente de constitution de l'office en 1982, que nous avons révisée en 1986. Il y a longtemps que nous attendons cette initiative. Il est à espérer qu'elle va maintenant se concrétiser.
Je ne vois pas comment les entreprises peuvent procéder au forage de production sans recevoir l'approbation d'une société de pipeline. Elles doivent travailler en collaboration. Êtes-vous d'accord avec ces commentaires?
M. Priddle: Il est difficile d'imaginer qu'on puisse procéder à l'exécution du volet extracôtier du projet si l'on n'est absolument pas sûr du tracé du pipeline, des coûts et du marché qui se trouvera au bout du pipeline. Ces activités -- c'est-à-dire les activités d'ingénierie, les activités commerciales et de vente -- peuvent se dérouler en parallèle.
Le sénateur Buchanan: Quelle est la date finale d'approbation par le Cabinet fédéral de la recommandation de la commission d'examen conjoint?
Mme Hanebury: À ma connaissance, aucun délai précis n'a été établi. Par conséquent, il n'y a pas de date finale.
Le sénateur Buchanan: J'ai lu toutes sortes de choses à ce sujet. J'ai entendu dire que le Cabinet fédéral doit prendre une décision d'ici le 15 décembre. Après vérification, j'ai constaté que cette rumeur était incorrecte. Voulez-vous dire qu'aucune date finale n'a été établie? En d'autres mots, le Cabinet fédéral n'a aucun délai précis dans lequel il doit prendre cette décision?
Mme Hanebury: C'est exact.
Le sénateur Buchanan: Si Mobil Oil et les autres membres du consortium ont raison et qu'ils n'obtiennent pas une approbation dans un délai donné, ils risquent de perdre des marchés importants dans les États de la Nouvelle-Angleterre. C'est ce qu'ils n'ont cessé de dire pendant toutes les discussions de la commission Fournier. Ils l'ont d'ailleurs répété la semaine dernière.
Un autre retard serait désastreux. Les marchés gaziers peuvent être volatiles. Ils tiennent à obtenir notre gaz parce qu'ils se trouveraient à l'extrémité avant du pipeline. Cependant, s'ils constatent des retards de plus en plus nombreux, comme cela a été le cas dans les années 80, nous risquons de perdre ces marchés.
Vous avez parlé de pipelines secondaires dérivés du pipeline principal vers Halifax et du pipeline principal vers Saint John, et de la possibilité d'un pipeline secondaire à partir du détroit de Canso jusqu'à la région industrielle du Cap-Breton. Cela peut être ou non une bonne chose. À l'heure actuelle, le sénateur Butts et moi-même travaillons de très près avec la Cape Breton Alliance qui tâche de déterminer si ce sera une bonne ou une mauvaise initiative pour le Cap-Breton. Comme nous sommes tous deux originaires du Cap-Breton, nous savons quelle est la situation là-bas.
Ils seraient réglementés par la province, et non par l'office, n'est-ce pas?
M. Priddle: Je crois comprendre que les pipelines secondaires feront probablement l'objet d'une demande auprès de l'office national de l'énergie. Ils n'ont pas encore fait l'objet d'une demande formelle conformément à notre loi, mais on nous a demandé de mettre en branle les processus environnementaux initiaux en ce qui concerne les deux pipelines secondaires vers Halifax et Saint John.
Les systèmes de distribution, que ce soit aux Maritimes ou ailleurs au Canada, relèvent de la compétence provinciale.
Le sénateur Buchanan: L'usine de séparation à Goldboro séparera l'éthane, le butane et le propane du gaz naturel et d'autres produits liquides. La décision concernant l'installation d'une usine pétrochimique à cet endroit sera-t-elle prise par l'office national de l'énergie ou par la province?
M. Priddle: Non, cette décision ne relèverait pas de l'office national de l'énergie.
Le sénateur Buchanan: Ce serait une décision provinciale. Le premier ministre MacLellan a déclaré -- et j'approuve cette déclaration parce que nous avons dit la même chose dès les années 80 -- que les liquides de l'usine de séparation ne devraient pas quitter la Nouvelle-Écosse mais être traités en Nouvelle-Écosse. Il a fait cette déclaration il y a quelques semaines. C'est donc le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et non l'office national de l'énergie qui prendrait la décision finale concernant les liquides extraits du gaz naturel.
M. Priddle: Cette décision ne relèverait pas de l'office. Je suppose que le premier ministre MacLellan a demandé des avis juridiques pour savoir s'il était habilité à les empêcher de quitter la province.
Le sénateur Buchanan: Nous avons suivi ces conseils dans les années 80, et c'était de bons conseils.
[Français]
Le sénateur Simard: Je partage l'avis du sénateur Comeau et, celui-ci ayant posé mes questions, je désire simplement faire un commentaire. Le sénateur Comeau a bien reflété les inquiétudes des gens du sud et du nord du Nouveau-Brunswick quant à la décision de la commission mixte d'approuver le projet Mobil Oil. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre réponse sur la façon dont l'office national de l'énergie va s'acquitter de son mandat d'évaluer toutes les alternatives et la compétitivité des coûts dans le domaine de l'énergie. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet?
Comment allez-vous vous acquitter de votre mandat dans l'optique où la commission mixte n'a pas le mandat d'étudier les deux options ?
M. Priddle: Il m'est difficile d'expliquer la décision du comité mixte qui a été présidé par M. Fournier. L'accord fédéral-provincial qui a permis d'instituer le comité mixte concernait seulement le Sable Offshore Energy Project; cela inclut cependant le gazoduc, tel que demandé par le groupe des Maritimes et du Nord-Est. Comme Mme Hanebury l'a noté, ils ont considéré les alternatives, mais à leur avis, vu que le projet de construction du pipeline des Maritimes et du Nord-Est n'avait pas d'impact néfaste sur l'environnement, il n'était pas nécessaire, selon la Loi canadienne sur l'environnement, d'examiner en profondeur les alternatives. Il existe des alternatives, comme le projet de pipeline TransMaritimes, mais étant donné qu'ils ont trouvé acceptable du point de vue de l'environnement le projet des Maritimes et du Nord-Est, il n'était pas nécessaire d'aller examiner en profondeur les autres projets: North Atlantic Pipeline et le projet de pipeline TransMaritime.
Je vous assure que l'office national de l'énergie répondra à la demande de certificat faite par TQM et TransMaritime Gaz Transmission. Nous avons déjà commencé le processus d'examen environnemental de ces projets.
Le sénateur Simard: Quand allez-vous rendre votre décision? Dans six mois, huit mois, un an?
M. Priddle: Cela est impossible à déterminer. Cela a pris environ 12 mois à l'automne 1996 pour étudier la demande de Sable Offshore Energy Project. C'est un projet assez complexe. L'office national de l'énergie doit tenir des audiences publiques.
Je désire également noter que pour le prolongement du gazoduc de TQM à l'est de la ville de Québec, la compagnie a commencé le processus devant le Bureau des audiences publiques sur l'environnement de la province du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Butts: J'ai une question concernant la compétence. L'office a-t-il le pouvoir de constituer une autre commission d'examen conjoint ou de passer outre à la décision de la commission ou de la rejeter?
Mme Hanebury: Faites-vous allusion aux autres propositions qui viennent d'être déposées auprès de l'office national de l'énergie?
Le sénateur Butts: Pas nécessairement. Je tiens simplement à savoir quelle est votre compétence en la matière.
Mme Hanebury: Notre compétence en ce qui concerne la commission d'examen conjoint?
Le sénateur Butts: Vous avez eu vraisemblablement votre mot à dire dans la constitution de cette commission.
M. Priddle: Oui.
Le sénateur Butts: Vous avez trois membres qui y siègent.
M. Priddle: Oui, trois membres sur cinq.
Le sénateur Butts: Vous y détenez la majorité. L'office est-il habilité à établir une autre commission ou à passer outre à ses décisions?
M. Priddle: J'essaierai de ne pas donner une réponse juridique.
L'accord prévoyant un examen conjoint des projets énergétiques au large de l'Île de Sable a été négocié sur une longue période de temps, je crois, au début de 1995. La négociation a été menée au nom du ministre fédéral des Ressources naturelles par les responsables du ministère. Notre office y a participé de même que le ministre fédéral de l'Environnement, l'office Canada- Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, le ministère de l'Environnement de la Nouvelle-Écosse et le ministère de l'Énergie de la Nouvelle-Écosse. Il s'agissait d'une entente multipartite coordonnée par le ministère fédéral des Ressources naturelles, à laquelle nous étions une partie.
J'ai de la difficulté à imaginer que l'office national de l'énergie prenne une initiative comme celle que vous venez de décrire. Nous étions satisfaits, tout en protégeant notre propre indépendance, de participer à cette entente mais je ne prévois pas que nous prenions l'initiative d'une autre entente.
Mme Hanebury: Vous avez demandé si l'office national de l'énergie pouvait passer outre à la décision de la commission d'examen conjoint qui compte cinq membres dont trois proviennent de l'office national de l'énergie. Ce seront ces trois membres qui présenteront en fin de compte les raisons invoquées par l'office national de l'énergie concernant la partie de la demande qui relève de la Loi sur l'office national de l'énergie.
M. Priddle: Sénateur Butts, une fois que l'office a soumis une demande à un quorum de trois membres, je ne crois pas que les autres membres de l'office aient le pouvoir de renverser leur décision. L'office se trouve en fait lié par la décision de ces trois membres.
Le sénateur Simard: C'est préoccupant.
Le président: Lorsque la prochaine commission se réunira pour examiner la prochaine demande, sa composition pourrait-elle différer de celle de la première commission?
M. Priddle: Monsieur le président, les membres des commissions de l'office national de l'énergie sont désignés par l'office au complet, avec l'approbation du président. On examine les antécédents pour voir ceux qui possèdent différentes expériences en matière de traitement des demandes, on tient compte de la disponibilité des membres à un certain moment. Tous ces facteurs déterminent le choix des trois membres. Nous travaillons généralement en comité de trois, parfois de cinq. Je ne parle pas de la commission d'examen conjoint. Il est impossible de déterminer à l'avance les trois membres qui entendront les prochaines demandes relatives au projet gazier de l'Île de Sable.
Le président: C'est un terrain glissant dans la mesure où la prochaine commission pourrait tirer des conclusions différentes de celles de la précédente. Comment des conclusions incohérentes risquent-elles d'influer sur l'office?
M. Priddle: Monsieur le président, une telle chose n'est pas inconcevable. Cependant, le résultat serait déterminé par les faits et les arguments présentés à la commission.
Le président: On revient alors aux préoccupations soulevées par les sénateurs Comeau et Simard. Pour éviter cette situation, il aurait peut-être été préférable de tout entendre en même temps.
M. Priddle: Oui, mais l'un des problèmes, monsieur le président, c'est que la demande du groupe Sable, y compris Maritimes et Nord-Est, comme vous le savez, a été présentée à l'automne 1996. Les demandes de TQM et du projet TransMaritime ne nous ont été soumises qu'en juillet et août de cette année, respectivement.
Le président: Cela pose un réel problème.
M. Priddle: Je ne veux pas trop m'étendre là-dessus. Il faut également être juste envers ceux qui ont présenté leur demande il y a un an ou plus.
Le sénateur Cochrane: Monsieur Priddle, maintenant que le Québec et l'Ontario ouvrent l'accès à leurs lignes de transmission, est-ce que cela accélérera la mise en valeur des chutes Churchill au Labrador?
M. Priddle: Sénateur Cochrane, je ne suis pas vraiment en mesure de répondre à cette question. Je ne le sais tout simplement pas. D'un côté, il s'agit certainement d'un formidable site hydroélectrique à relativement bas prix. Il faudrait toutefois faire une évaluation environnementale très sérieuse. Par contre, les très gros projets à haute intensité de capital, qui ont de longs délais d'exécution ne sont pas tellement prisés dans le secteur de l'électricité aujourd'hui.
Le sénateur Stratton: Monsieur le président, je veux vous adresser une question. Je ne suis pas un membre régulier du comité. La question du sénateur Kenny s'est réverbérée tout autour de la pièce lorsque nous avons discuté des approvisionnements vers l'Est du Canada.
Le gouvernement a-t-il une politique concernant l'approvisionnement dans des moments de ralentissement économique ou de pénurie? Avons-nous des garanties selon lesquelles l'Est du Canada aura un fournisseur? Vu la situation actuelle du pays, il me semblait évident que la politique à long terme du gouvernement consisterait à assurer l'approvisionnement de l'est du Canada par une source au Canada.
Le président: Monsieur Priddle, si je me souviens bien, votre office a traditionnellement considéré que les excédents devaient permettre de répondre aux besoins pendant 10 ans. Je pense que vous vous êtes écarté de cet objectif.
En ce qui concerne cet aspect, souligné par les sénateurs Stratton et Kenny, votre office ne considère-t-il pas que l'approvisionnement doit se faire en fonction de l'intérêt du Canada?
M. Priddle: C'est essentiellement exact, monsieur le président. Un haut fonctionnaire de Ressources naturelles Canada est présent ici ce matin. Il prendra soigneusement note de la discussion concernant la sécurité de l'approvisionnement. Si vous voulez entendre des représentants de ce ministère, je suis sûr qu'ils se feront un plaisir de comparaître.
Le sénateur Kenny a fait une remarque très juste en disant qu'il existe une très importante réserve stratégique de pétrole aux États-Unis, établie par suite de la crise de 1979-1980, bien que cette réserve ait quelque peu diminué ces dernières années. Il ne faut pas oublier que les États-Unis dépendent à environ 50 p. 100 des importations de pétrole alors que nous exportons probablement 50 p. 100 de notre production pétrolière excédentaire. Les États-Unis ne produisent que la moitié du pétrole qu'ils consomment. Leur situation est tout à fait différente de celle du Canada.
Le président: Je vous remercie. Nous prenons bonne note de votre proposition. Notre comité devrait approfondir les questions soulevées par les sénateurs Stratton et Kenny. La marge de manoeuvre de votre office est relativement limitée.
Le sénateur Milne: Au sujet de la coopération entre les différents paliers de gouvernement, j'ai entendu une histoire d'horreur à propos de la construction d'un pipeline où les instances nationales de réglementation exigeaient qu'une compagnie de construction remette en état un étang de castors une fois le pipeline construit. Deux semaines plus tard, les instances municipales sont venues faire sauter la digue de castor qui avait été reconstruite. Est-ce de la coopération?
Le projet d'inversion de IPL m'intrigue. Vous avez parlé du vieillissement et de la détérioration des systèmes de pipeline. Comment évaluez-vous un projet d'inversion, surtout s'il y a de nombreuses années qu'un pipeline n'a pas été utilisé?
M. Priddle: C'est une question très raisonnable, monsieur le président. Nous en débattons encore. La question de sécurité était l'un des aspects les plus importants soulevés relativement à l'inversion du débit de la canalisation no 9 de IPL. Nous avons tenu une partie de nos audiences à London en Ontario pour aborder de façon précise et très sérieuse les préoccupations, par exemple, de la Ontario Pipeline Land Owners Association. Cette association a eu droit à une audience en bonne et due forme.
La compagnie de pipeline avait fait des essais hydrauliques sur l'ensemble du pipeline depuis Montréal jusqu'à Sarnia, en pompant de l'eau à un niveau de pression beaucoup plus fort que la pression à laquelle fonctionnerait le pipeline une fois qu'il transporterait du pétrole. Ils n'ont constaté aucune défaillance. Ils étaient tout simplement ravis que ce pipeline, qui a maintenant plus de 20 ans, réussisse aussi bien l'essai hydraulique. Cela rassure énormément les ingénieurs sur l'intégrité du pipeline.
Le président: Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. Les renseignements que vous nous avez fournis nous ont été des plus utiles. Je suis sûr que cela augure bien des futures réunions annuelles avec l'office. Nous vous remercions d'avoir été des nôtres.
La séance est levée.