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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 6 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 24 mars 1998

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 9 h 40 pour étudier des questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles au Canada (séance d'information sur l'entente de Kyoto).

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour. Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins de ce matin, j'aimerais préciser que certains membres du comité sont absents aujourd'hui parce qu'ils participent aux audiences d'un comité itinérant qui étudie un projet de loi et que d'autres le sont en raison des élections qui ont lieu en Nouvelle-Écosse. Voilà donc pourquoi nous sommes si peu nombreux pour l'instant. D'autres membres du comité doivent cependant se joindre à nous sous peu.

Nous avons hâte que vous nous décriviez les initiatives prises par le gouvernement dans le cadre de l'entente de Kyoto. La question nous intéresse d'autant plus que nous avons appris des choses fort intéressantes lors de la conférence Globe 98 qui a eu lieu à Vancouver la semaine dernière.

Permettez-moi maintenant de vous souhaiter la bienvenue et de vous dire que nous nous réjouissons de nous entretenir avec vous. Les membres du comité qui ne peuvent pas être des nôtres aujourd'hui liront avec intérêt le compte rendu de la séance.

Je vous prie de bien vouloir commencer.

Mme Sue Kirby, directrice générale, Direction de la politique énergétique, Secteur de l'énergie, Ressources naturelles Canada: Je m'appelle Sue Kirby. Je suis directrice générale de la politique énergétique à Ressources naturelles Canada. Ma collègue, Anne-Marie Smart, est directrice générale du Bureau des changements climatiques à Environnement Canada. Nous avons convenu que je prendrais la parole en premier.

Comme vous le savez, le dossier du changement climatique relève des deux ministres que nous représentons. Voilà qui explique que nous comparaissions ensemble devant le comité. Comme c'est le ministre Goodale qui est principalement chargé de mettre en oeuvre notre politique nationale dans ce domaine, je vais d'abord vous parler de cet aspect de la question. Anne-Marie vous entretiendra ensuite de l'aspect international, du volet scientifique, du lien entre le changement climatique et l'assainissement de l'air ainsi que de la sensibilisation du public.

Vous pourrez suivre mon exposé en vous reportant au document qui vous a été distribué.

Parlons d'abord de l'aperçu de la présentation qui correspond à la table des matières du document. Je vous parlerai des trois premiers sujets: le point sur le changement climatique; le processus de mise en oeuvre fédéral et fédéral-provincial; et les mesures en vue de la mise en oeuvre des dispositions du protocole de Kyoto à l'échelle nationale. Ma collègue et moi comptons être brèves de manière à ce que vous ayez amplement le temps de nous poser des questions.

Je vous invite à vous reporter à la page 3 du document que vous avez sous les yeux. Elle porte le titre suivant: le point sur le changement climatique et l'année à venir. Maintenant que l'accord de Kyoto est une réalité, nous avons entrepris d'établir quelles mesures nous devons prendre à l'échelle nationale pour y donner suite. Il est notamment prévu que plusieurs réunions ministérielles auront lieu au cours de l'année dans le but d'établir les grandes lignes d'un plan d'action national.

Depuis plusieurs années déjà, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l'Énergie et de l'Environnement se réunissent pour discuter de la question du changement climatique. Nous nous attendons à ce que le rythme de ces réunions s'accélère. Jusqu'ici ces rencontres ont eu lieu chaque année à l'automne. La prochaine réunion se tiendra cependant les 23 et 24 avril à Toronto. C'est la première fois depuis Kyoto que les ministres auront l'occasion de s'interroger sur la meilleure façon de donner suite à l'accord. Une deuxième réunion suivra en octobre.

Le choix de ces dates découle surtout des discussions tenues entre les premiers ministres. En décembre dernier, les premiers ministres se sont effectivement réunis pour discuter de la question du changement climatique au lendemain de Kyoto et pour envisager les mesures pouvant être prises par le Canada pour donner suite à l'accord. À l'issue de cette réunion, ils ont confié aux ministres de l'Énergie et de l'Environnement de leurs gouvernements respectifs la responsabilité de veiller à la mise en oeuvre de l'accord à l'échelle nationale. Ils ont alors demandé qu'on leur fasse rapport à ce sujet en juin. La réunion d'avril à laquelle participeront les ministres de l'Énergie et de l'Environnement sera notamment l'occasion d'établir les grandes lignes de ce rapport.

Sur le plan international, la quatrième réunion de la conférence des parties à l'accord doit avoir lieu en novembre à Buenos Aires, en Argentine. Cette réunion revêt une grande importance dans le cadre des négociations internationales. Comme je l'ai dit plus tôt, Anne-Marie vous entretiendra un peu plus tard du volet international de la question. À notre avis, les négociations internationales et la mise en oeuvre à l'échelle nationale de l'accord sont inextricablement liées. Les deux processus s'imbriquent l'un dans l'autre, d'où l'importance que nous attachons à cette réunion.

Passons maintenant à la page 4, où il est question de deux ou trois domaines sur lesquels il convient d'insister dans la mise en oeuvre des mesures prévues à l'accord. Cette page traite de l'établissement du fondement de la stratégie et de la nécessité d'agir rapidement. Le dernier budget fédéral reprend ces thèmes. L'établissement du fondement de la stratégie repose, à notre sens, sur une analyse des mesures à prendre, pour faire participer les gens au processus, les sensibiliser et les préparer aux changements qui s'imposent si l'on veut qu'un consensus se dégage parmi ceux dont relèvera la mise en oeuvre de l'accord. Voilà essentiellement ce que nous entendons par «établissement du fondement de la stratégie».

La «nécessité d'agir rapidement» renvoie aux mesures significatives qui peuvent être prises immédiatement. Nous avons déjà mis en oeuvre un certain nombre d'initiatives dans le domaine du changement climatique, lesquelles visaient, dans une large mesure, à accroître l'efficacité énergétique. Dans la foulée de l'accord de Kyoto et en prévision des nouveaux défis que nous devrons relever, nous nous attendons à ce que certaines mesures soient prises rapidement et, pour ne nommer qu'un des domaines visés, je cite la technologie. C'est d'ailleurs un domaine où mon ministère a un rôle important à jouer. Nous comptons que la technologie nous fournira bon nombre des solutions au problème du changement climatique puisqu'il nous faut notamment trouver d'autres façons de produire, de distribuer et d'utiliser l'énergie. À cet égard, nous avons réorienté la majeure partie de nos activités, de nos programmes et de nos partenariats de R-D vers la recherche de solutions au problème du changement climatique. C'est dans ce domaine que nous nous attendons à voir les premiers résultats des mesures prises dans le cadre de l'accord de Kyoto.

Quant aux objectifs à viser, les premiers ministres nous ont donné deux ans pour les établir; nous devons donc élaborer, pour la fin de l'année 1999, une stratégie nationale de mise en oeuvre des engagements pris à Kyoto. Tous les paliers de gouvernement doivent participer à l'élaboration de cette stratégie. Les premiers ministres ont fait valoir que la collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral s'imposait pour que la stratégie soit vraiment nationale.

Notre objectif premier est donc d'établir une stratégie d'ici la fin de 1999, mais il n'est pas question d'attendre jusque-là avant d'agir. Nous ne parviendrons peut-être pas à élaborer une stratégie complète avant cette date, mais notre deuxième objectif consiste à mettre en oeuvre une série de mesures immédiates.

Le gouvernement a annoncé récemment la création d'un secrétariat fédéral du changement climatique. Le secrétariat existe maintenant depuis deux mois. Il est dirigé par David Oulton qui occupe le poste de sous-ministre adjoint. Vous avez mentionné que bon nombre des membres du comité siégeaient aussi au Comité de l'agriculture. Ils sauront donc que M. Oulton vient d'Agriculture Canada. L'effectif du secrétariat sera sans doute de 10 à 15 personnes. Le secrétariat aura pour rôle de coordonner le travail de mise en oeuvre des mesures à l'échelle fédérale et de faire participer au processus les provinces et les divers intervenants du domaine. On ne sait pas encore si le secrétariat sera fédéral seulement ou s'il sera national. Pour l'instant, il s'agit d'un secrétariat fédéral, mais il est bien évident qu'un secrétariat fédéral ne pourra pas à lui seul coordonner tout le processus national.

Au niveau fédéral, beaucoup plus de ministères fédéraux que par le passé participent à la gestion du dossier du changement climatique. Les deux ministres qui jouent actuellement un rôle de premier plan dans ce domaine sont le ministre des Ressources naturelles et le ministre de l'Environnement. La participation de plusieurs autres ministères fédéraux est cependant essentielle si nous voulons aller de l'avant. Les sous-ministres et les sous-ministres adjoints de tous les ministères fédéraux visés se rencontrent régulièrement pour discuter des questions liées au dossier. Les ministères des Finances, des Affaires étrangères, de l'Industrie et des Transports ne sont que quelques-uns des ministères fédéraux dont la collaboration nous est acquise. Nous pourrons revenir sur cette participation si vous avez des questions à ce sujet.

La page 5 de notre document porte sur le processus fédéral-provincial de lutte contre le changement climatique. Parallèlement au processus fédéral, dans le cadre duquel diverses mesures doivent être prises au cours des deux prochaines années, nous nous efforçons de favoriser la participation des provinces et des intervenants à la concrétisation de l'accord de Kyoto, car il s'agit de faire participer tout le pays aux décisions touchant les mesures à prendre et l'information à recueillir. On demandera aux groupes sectoriels et à d'autres intervenants de fournir des analyses et des avis.

Les gouvernements fédéral et provinciaux détermineront ensuite la trajectoire à suivre. Les ministres de l'Énergie et de l'Environnement se réuniront à cette fin, deux fois l'an sans doute, et il est prévu que les premiers ministres discutent aussi du sujet. Ces réunions viseront à établir le fondement de la stratégie que nous voulons nous donner pour les deux prochaines années.

La page 6 traite brièvement du fondement de la stratégie et d'une intervention rapide. Au cours des deux ou trois prochaines années, nous mettrons l'accent sur le fondement de la stratégie puisque c'est par ce moyen que nous pensons qu'on en arrivera à une vision et à une compréhension communes des défis à relever, de la portée du problème et des possibilités qui s'offrent à nous. Les interventions seront surtout axées sur l'éducation du public et la communication avec le public et les intervenants.

Parallèlement à l'établissement du fondement de la stratégie auquel nous consacrerons nos efforts au cours des deux ou trois prochaines années, nous comptons mettre en oeuvre certaines initiatives sans tarder. J'ai déjà mentionné un domaine cible. Nous essaierons évidemment de prendre des initiatives dans autant de domaines que nous le pourrons. En réservant dans le budget 150 millions de dollars échelonnés sur trois ans aux initiatives dans ce domaine, le gouvernement fédéral a démontré qu'il tenait à mettre en place une stratégie et à prendre des initiatives immédiates. Nous devons à cet égard nous assurer la participation des provinces et du public puisque aucun consensus ne pourra se dégager sans cette participation.

La page 7 fait état des mesures complémentaires à la mise en oeuvre de la stratégie initiale. Ces mesures devront faire l'objet d'une discussion de fond. Il s'agira sans doute de mesures beaucoup plus contraignantes que celles auxquelles nous songeons actuellement. Il faudra donc qu'elles reposent sur un consensus et un soutien plus larges. Ces mesures sont prévues pour un avenir plus lointain contrairement aux mesures immédiates dont nous venons de parler. L'établissement du fondement de la stratégie vise notamment à ouvrir la voie aux analyses et aux accords sur lesquels s'appuieront ces mesures.

La page 8 s'intitule: «Après Kyoto». Nous sommes convaincus que le changement climatique demeurera une question prioritaire au niveau fédéral. Il ne faut pas compter voir disparaître cette question de la liste des préoccupations du public. Kyoto a été un point tournant important et le changement climatique demeurera une question brûlante en partie en raison de l'intérêt que le phénomène suscite à l'échelle internationale.

Nous avons effleuré le sujet des négociations qui auront bientôt lieu à Buenos Aires. La séance préparatoire est prévue en juin. Le changement climatique continuera de retenir l'attention pendant encore longtemps en raison de la nature même de la question, de sa complexité et de ses conséquences éventuelles tant pour l'environnement que l'économie, le commerce et la technologie.

Les progrès que nous pourrons réaliser dans le domaine du changement climatique dépendent de notre crédibilité. Il nous faut à cet égard regagner la confiance des provinces. Il importe que notre crédibilité ne fasse aucun doute tant sur la scène nationale que sur la scène internationale.

De façon générale, la question du changement climatique est susceptible d'amener les gouvernements à réorienter leurs actions, leurs efforts, leurs priorités et leurs initiatives.

Mme Anne-Marie Smart, directrice générale, Bureau des changements climatiques, Environnement Canada: Honorables sénateurs, depuis l'adoption du protocole de Kyoto, nous avons oeuvré activement dans trois secteurs clés: la scène internationale; les politiques environnementales, et notamment les politiques scientifiques; et l'éducation du public et la communication. Je vais tâcher de vous donner un aperçu des initiatives prises dans ces trois secteurs.

Il est question de l'activité internationale à la page 10. Les préparatifs en vue de la réunion qui aura lieu à Buenos Aires vont bon train. Les négociations sont en cours et plusieurs rencontres ont déjà eu lieu.

Au début janvier, tout de suite après Kyoto, le ministre et ses collaborateurs se sont rendus à Washington pour discuter avec leurs homologues américains de la stratégie adoptée en prévision de la réunion de Buenos Aires. Cette rencontre s'est déroulée dans un climat très propice. Il a été entendu que nos deux pays collaboreraient sur la question des échanges internationaux de droits d'émissions et oeuvreraient de concert à faire participer les pays en développement à la recherche de solutions au problème du changement climatique. Comme ces pays n'ont pas adhéré au protocole de Kyoto, nous avons cru qu'il fallait les faire participer aux négociations de Buenos Aires. Il a aussi été convenu lors de cette réunion que nos deux pays pouvaient collaborer dans le domaine de l'éducation du public et de la communication.

Le Canada a déjà accompli des progrès dans ces trois secteurs. La semaine dernière, à Vancouver, le Canada et les États-Unis ont discuté de la question des échanges internationaux de droits d'émissions. Nous avions invité 70 personnes à cette réunion binationale et 150 y sont venues. Le milieu des affaires, l'industrie, les groupes environnementaux et le secteur financier y étaient largement représentés. La plupart des participants venaient du Canada et des États-Unis, mais d'autres pays ont aussi tenu à être présents.

Il s'est dégagé de la discussion que tous les pays en étaient au même point en ce qui touche les échanges internationaux de droits d'émissions. La question est abordée dans le protocole. Personne ne sait au juste comment ce dossier évoluera. Les participants à la réunion ont dit beaucoup s'intéresser à la question et souhaitaient en savoir davantage sur le fonctionnement d'un système d'échange de droits d'émissions entre les pays industrialisés.

Les délibérations intégrales ainsi qu'un résumé des questions abordées durant ce colloque d'un jour paraîtront au cours de la semaine. Je vous en enverrai volontiers un exemplaire si vous le souhaitez. Le Canada et les États-Unis comptent collaborer à la mise sur pied d'un système d'échange des droits d'émissions au cours des prochains mois. On consacrera aussi beaucoup d'efforts à cette question au Canada même parce qu'il faut intégrer ce système à notre stratégie de mise en oeuvre du protocole à l'échelle nationale.

Pendant le colloque, un certain nombre de groupes et d'entreprises se sont demandé s'il ne conviendrait pas d'accorder des crédits aux entreprises prêtes à prendre des mesures immédiates. Les entreprises aimeraient commencer à réduire maintenant leurs émissions de gaz à effet de serre, mais elles ont demandé à savoir comment on reconnaîtra leurs efforts. Notre ministère et Ressources naturelles Canada étudient actuellement la question et continueront de le faire au cours des prochains mois en prévision des négociations de Buenos Aires et dans la perspective de la mise en oeuvre de notre politique nationale.

Le ministre s'est aussi rendu en Chine à la mi-janvier. Les fonctionnaires chinois reconnaissent l'importance de prendre des mesures en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Lors de ces réunions et des réunions qui ont eu lieu au cours des dernières semaines à Budapest et à Washington, il a été question des échanges internationaux de droits d'émissions et de deux autres sujets dont traite le protocole: un mécanisme pour un développement «propre» et la mise en oeuvre conjointe du protocole. Le Canada souhaitait que ce mécanisme qui prévoit une certaine souplesse dans la lutte contre le changement climatique soit inclus au protocole pour être en mesure de respecter ses engagements. Nous voulons collaborer avec les pays en développement à l'établissement du mécanisme pour un développement «propre» et nous comptons chercher des moyens de le faire dans le cadre de la réunion de Buenos Aires prévue en novembre.

Les négociations se poursuivront au cours des mois à venir. Une réunion déterminante aura lieu en juin pour permettre au Canada d'établir la position qu'il défendra à Buenos Aires. Je m'attends à ce que le Canada tienne compte à cet égard de sa politique interne et de l'avis de certains de ses partenaires internationaux.

La page 12 souligne les efforts importants qui ont été consacrés dans un autre secteur clé, celui de la science et de la politique environnementales. Il ne fait aucun doute que notre position à l'échelle internationale reposera sur notre politique environnementale globale ainsi que sur notre plan national de mise en oeuvre de cette politique. Les ministères de l'Environnement et des Ressources naturelles poursuivront leurs efforts dans ce domaine.

L'automne dernier, nous avons publié plusieurs études scientifiques, les études pancanadiennes, qui évaluent les conséquences possibles du changement climatique au Canada. Chaque fois que les conditions climatiques fluctuent beaucoup, les sondages démontrent que les Canadiens attribuent le phénomène au changement climatique. Les recherches scientifiques dans ce domaine se poursuivront à mesure que nous mettrons en oeuvre le plan national. Plusieurs études paraîtront d'ailleurs au cours de l'année. Les études pancanadiennes font l'objet d'un suivi pour établir les conséquences du changement climatique à l'échelle régionale et sectorielle. Nos politiques à l'échelle internationale et nationale continueront de s'appuyer sur les recherches scientifiques dans le domaine.

Environnement Canada essaie également d'établir si les mesures de lutte contre les pluies acides et le smog ont une incidence positive sur le changement climatique.

Beaucoup de recherches scientifiques portent sur le smog et les pluies acides. Plusieurs études analysant les incidences bénéfiques des mesures de lutte contre le changement climatique paraîtront dans les mois qui viennent.

Le dernier point sur lequel je veux insister, et dont il est question à la page 13, concerne l'éducation du public et la communication. Depuis plusieurs années, le ministère de l'Environnement, en collaboration avec le ministère des Ressources naturelles, a déployé beaucoup d'efforts pour faire connaître au public les projets en matière d'efficacité énergétique ainsi que les recherches scientifiques menées sur le changement climatique. Plusieurs trousses d'information sur ces sujets existent. J'ai apporté à votre intention les documents les plus récents mis à la disposition du public par l'Internet, des écoles par SchoolNet et des parlementaires par l'entremise des intervenants. Nous continuerons de fournir cette information au public dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie nationale et de nos efforts sur la scène internationale.

Les sondages que nous avons menés indiquent que les Canadiens se préoccupent beaucoup du changement climatique et de ses conséquences pour leur santé et celle de leurs enfants. La plupart des personnes interrogées craignent que nous ne léguions un environnement en piteux état à nos enfants et à nos petits-enfants. Elles ont dit vouloir que cet environnement soit aussi propre et sain que possible.

Le protocole de Kyoto a sensibilisé l'opinion publique canadienne à la question du changement climatique. Nous avons constaté que les Canadiens souhaitent être beaucoup mieux renseignés sur le sujet. Ils disent ne pas trop savoir ce qu'ils peuvent faire individuellement pour contribuer à régler le problème.

Nous nous efforçons donc de tenir compte de ce désir dans l'élaboration des politiques et nous réfléchissons à la meilleure façon de communiquer de l'information à ce sujet aux Canadiens. Il ne fait aucun doute qu'il faut faire participer le public et les principaux intervenants aux mesures qui seront adoptées par les gouvernements pour lutter contre le changement climatique.

Pour comprendre la question, les Canadiens doivent être mieux renseignés. Ils souhaitent vraiment savoir quelle est l'incidence du changement climatique sur leur vie et comment ils peuvent modifier leurs habitudes pour lutter contre le problème. Ils souhaitent également qu'on leur présente les «meilleures pratiques» ou des modèles de travail. Des sociétés et des particuliers s'efforcent actuellement de rassembler cette information. Ils pourraient sans doute être amenés à émuler les meilleures pratiques ou les modèles qui leur seraient présentés.

Les Canadiens s'attendent sans conteste à ce que leurs gouvernements montrent la voie et prennent des mesures décisives. Peu leur importe que ce soit le gouvernement fédéral, les provinces ou les municipalités qui prennent l'initiative; ils souhaitent cependant que leurs gouvernements fassent preuve de leadership.

Une part des 50 millions de dollars qui ont été réservés dans le budget à la mise en oeuvre d'initiatives liées au changement climatique sera affectée à l'éducation du public et à la communication. Le ministère de l'Environnement collabore à cet égard avec le ministère des Ressources naturelles ainsi qu'avec les ministères des Transports, de l'Agriculture et de l'Industrie. De nombreux ministères devront participer aux efforts globaux afin de mieux renseigner le public sur la question du changement climatique et de trouver des moyens de lui communiquer cette information.

Mme Kirby et moi-même répondrons maintenant volontiers à vos questions.

Le président: Permettez-moi d'abord de dire qu'il faut certainement attacher beaucoup d'importance à la communication avec le public comme vous l'avez toutes deux souligné.

Cette semaine, des gens de Calgary m'ont fait parvenir un document qui réfute les données scientifiques sur lesquelles se fonde l'hypothèse du réchauffement de la planète. Des journalistes du Globe and Mail et d'autres publications nient aussi l'existence de ce phénomène. Je suppose que c'est en accroissant les efforts de communication qu'on réussira à convaincre les Canadiens de l'existence du problème. J'aimerais savoir ce que vous en pensez avant que nous abordions la question de la crédibilité de vos ministères.

Si j'en juge par les articles qui m'ont été envoyés, il semblerait que certains Canadiens doutent que le problème soit réel.

Mme Kirby: Il est vrai que certains scientifiques nient l'existence du problème. De plus en plus de scientifiques canadiens et étrangers semblent cependant maintenant convaincus de son existence.

Le groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, principal organisme scientifique international à avoir étudié le sujet, a fait état dernièrement des répercussions manifestes des activités anthropiques sur le climat. Nous nous fions aux conclusions scientifiques de cet organisme.

Comme Mme Smart l'a dit, Environnement Canada, en collaboration avec le ministère des Ressources naturelles et d'autres ministères, a évalué l'impact possible du changement climatique sur le Canada. Vous pourriez peut-être comparer ces documents à ceux qu'on vous a transmis.

Une fois que nous aurons sensibilisé les gens au problème, nous leur donnerons l'information voulue pour qu'ils participent à la recherche de solutions. Par le passé, nous avons axé nos efforts de communication sur l'efficacité énergétique, qui est l'un de nos principaux domaines cibles. Or, les gens n'établissent pas encore de lien entre l'efficacité énergétique et le changement climatique. C'est là-dessus que nous devrons faire porter nos efforts.

Mme Smart: Nous nous efforçons dans la mesure du possible de détromper les gens lorsqu'on leur a fourni des renseignements erronés.

À titre d'exemple, il est vrai qu'un certain nombre d'articles ont nié l'existence du problème du réchauffement de la planète au moment de la parution des études pancanadiennes, l'automne dernier. Tout ce que nous pouvons faire -- et je ne songe pas ici seulement aux ministères, mais aux scientifiques et aux intervenants -- , c'est de continuer à faire paraître des études, à diffuser l'information exacte, à essayer de susciter un bon dialogue et à dissiper les malentendus. Nous continuerons de le faire aussi activement que possible et nous inciterons les scientifiques qui ne sont pas directement liés au ministère à tâcher de faire de même.

Le président: Certains disent que la température moyenne de la surface de la Terre a en fait diminué au cours de la dernière décennie? Qu'en pensez-vous?

Mme Smart: Certains le soutiennent effectivement. Nos scientifiques connaissent bien les études qui portent sur la question. Mme Kirby a fait allusion au groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat qui a publié les meilleures études sur le sujet.

Nous ne contestons pas que les avis divergent sur la question. Le rapport du GIEC précise seulement que la majorité des études établissent maintenant que les activités anthropiques ont une incidence manifeste sur le climat. Personne ne conteste l'existence d'études qui aboutissent à la conclusion contraire. La majorité des études et des scientifiques tant au Canada qu'aux États-Unis concluent cependant à une incidence des activités anthropiques sur le climat.

Le président: Vous avez fait allusion dans votre témoignage à des sondages. D'après ces sondages, les Canadiens voient-ils le réchauffement de la planète comme un problème?

Mme Smart: Entre 70 et 80 p. 100 des gens disent que c'est un problème dans tous les sondages. Plusieurs sondages sont publics. Je vous transmettrai volontiers un document qui les résume.

Le président: Cela nous serait utile. Je vous remercie.

Mme Smart: L'utilisation des expressions «réchauffement de la planète» et «changement climatique» ne fait pas l'unanimité. J'étais aux États-Unis il y a deux semaines et des collègues m'ont dit qu'ils allaient demander l'avis de groupes-témoins sur ces termes. L'expression «réchauffement de la planète» semble mieux acceptée du public américain.

Je me suis rendu compte qu'au Canada, où le climat est très froid, le terme «réchauffement de la planète» a une connotation positive. Le terme «changement climatique» reflète donc mieux la situation. Comme il s'agit d'un domaine en pleine évolution, personne ne peut prétendre avoir répondu à toutes les questions. Je peux cependant vous transmettre les résultats de ces sondages si vous le souhaitez.

Le président: Il semblerait bien que le climat change, si l'on en juge par toutes les tornades et les inondations qui se produisent, mais je ne suis pas sûr de la forme que prend ce changement.

Mme Smart: Chaque fois qu'un désastre naturel se produit, qu'il s'agisse d'une tempête de verglas à Ottawa ou du débordement de la rivière Rouge ou du Saguenay, les gens attribuent la situation au changement climatique même si les scientifiques ne peuvent pas le prouver.

Le sénateur Di Nino: Je suis sûr que de nombreux Canadiens aimeraient connaître la réponse à la question que je vais maintenant vous poser. Au cours des dernières années, nous avons consacré des millions et des millions de dollars à étudier ce phénomène. Nous ne sommes pas le seul pays à l'avoir fait. Beaucoup de questions restent cependant encore sans réponse. Pourquoi? Est-il vraiment si difficile de répondre à ces questions ou est-ce qu'on les formule mal?

Mme Kirby: Ces questions sont vraiment complexes. Nous avons brièvement parlé de l'état des connaissances scientifiques dans ce domaine. Les problèmes scientifiques à résoudre sont loin d'être simples. Il a fallu 15 à 20 ans pour qu'un consensus se dégage au sein des milieux scientifiques internationaux.

La question de savoir que faire au sujet du changement climatique est également une question complexe de même que celle qui consiste à en évaluer les conséquences possibles pour l'économie, la technologie, le commerce ou le développement régional. Les nombreuses études qui portent déjà sur le sujet nous permettent de prévoir de façon générale quelles en seraient les conséquences. Par ailleurs, la situation évolue sous l'impulsion des négociations internationales, de sorte qu'il faut continuellement modifier nos cibles et nos hypothèses. Nous sommes convaincus que le problème est réel et que toute l'économie devra participer à la recherche d'une solution. Si l'on veut s'attaquer au problème de la façon la moins coûteuse possible, il faudra être patient et attendre l'arrivée de nouvelles technologies.

Nous sommes déjà assez sûrs de l'orientation que nous devrions prendre. Le consensus qui se dégage sur le changement climatique n'est cependant pas encore assez solide pour que nous puissions agir avec toute la détermination que nous souhaiterions. Pour l'instant, nous comptons surtout maintenir, élargir et approfondir nos efforts dans le domaine de l'efficacité énergétique et des énergies de rechange. Nous commençons aussi à étudier la question des échanges de droits d'émissions. L'idée suscite beaucoup d'intérêt, mais nous ignorons comment le système fonctionnerait. Le Canada n'est pas le seul pays à tâtonner encore dans ce domaine.

Je suis personnellement d'avis que le problème est complexe. Nous devons cependant nous y attaquer sans tarder. Nous devrons d'ailleurs y consacrer plusieurs millions de dollars.

Le sénateur Di Nino: Les dépenses engagées par différents intervenants de ce pays et dans beaucoup d'autres, sans doute, visent-elles plus ou moins le même objectif? Y a-t-il moyen d'orienter les recherches qui portent sur le changement climatique pour que nous puissions nous fier davantage aux résultats obtenus dans un avenir prévisible?

Mme Kirby: Il existe divers outils de coordination des recherches scientifiques sur le changement climatique. À titre d'exemple, les quatre ministères du domaine des ressources naturelles, Environnement Canada, Ressources naturelles Canada, Agriculture Canada et Pêches et Océans, ont signé un protocole de coordination des recherches scientifiques.

Par ailleurs, les principaux sous-ministres visés -- ils étaient neuf au départ, mais ils sont maintenant plus nombreux -- se rencontrent chaque semaine pour coordonner l'action des divers ministères fédéraux. Nous avons dit quelques mots au sujet du secrétariat fédéral dont on a récemment annoncé la création et dont le rôle sera de renforcer la coordination des recherches entreprises ainsi que la diffusion de leurs résultats. On se demande à l'heure actuelle si ce secrétariat ne devrait pas être national, mais quelle que soit la décision prise à cet égard, le secrétariat sera à tout le moins chargé de coordonner les recherches entreprises au niveau fédéral et de favoriser la communication avec les provinces et les intervenants. Nous nous attendons en fait à ce qu'on élargisse le rôle du secrétariat fédéral et à ce qu'il devienne un secrétariat national.

Au cours des deux prochaines années, pendant que nous établissons la stratégie de mise en oeuvre, nous comptons mener les consultations les plus approfondies à ce jour. À mesure que nous progresserons dans la mise en oeuvre de la stratégie, la coordination des études deviendra de plus en plus importante puisqu'il s'agira d'éviter les doubles emplois et les dépenses inutiles. Le gouvernement ne sera pas le seul à faire ce travail. Voilà d'ailleurs en grande partie pourquoi on a créé un secrétariat à qui on a confié un rôle de coordination.

Le sénateur Di Nino: Les provinces participent-elles à cet effort de coordination des recherches et des dépenses?

Mme Kirby: Les provinces y participent très directement. Diverses initiatives ont également été prises à cet égard à l'échelle internationale. Mme Smart a mentionné certaines initiatives de son ministre. Le ministre Goodale était à Washington cette semaine pour signer un protocole d'entente avec les États-Unis sur la coopération en matière de R-D dans le domaine du changement climatique. Il y a donc aussi coopération à l'échelle internationale pour étudier le problème et y trouver des solutions.

Mme Smart: Au début janvier, le gouvernement fédéral a entamé des discussions avec les provinces pour les amener à participer, au cours des deux prochaines années, à l'établissement de la stratégie nationale de mise en oeuvre du protocole. Cette tâche sera peut-être confiée au secrétariat dirigé par David Oulton. Il est sérieusement question de faire de ce secrétariat fédéral un secrétariat national de manière à favoriser la participation directe ou indirecte des provinces. Des échanges par courrier électronique et par l'Internet ainsi que des réunions entre fonctionnaires permettraient d'exploiter au maximum les possibilités qu'offrent la collaboration et la coordination dans ce domaine. Les résultats obtenus jusqu'ici sont encourageants et je crois qu'à mesure de l'établissement des plans de travail et de leur progression, un véritable dialogue s'instaurera entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires dans le but de trouver une solution au problème du changement climatique. L'expérience très intense des trois derniers mois a été extrêmement positive.

Le sénateur Di Nino: Je me demande si je vous ai bien compris. S'agit-il vraiment d'une initiative toute récente?

Mme Smart: Non, l'initiative était déjà en cours.

Le sénateur Di Nino: Vous avez dit que l'initiative remontait au mois de janvier.

Mme Smart: J'aurais dû dire que les efforts s'étaient intensifiés en janvier. Les trois paliers de gouvernement collaborent depuis le début, mais les engagements pris à Kyoto et le fait que les premiers ministres ont demandé en décembre aux provinces et au gouvernement fédéral de leur soumettre d'ici deux ans une politique nationale de mise en oeuvre du protocole les ont amenés à resserrer leur collaboration. Au lieu de se réunir trois, quatre ou cinq fois l'an, les représentants de tous les gouvernements se rencontrent beaucoup plus régulièrement.

Le sénateur Adams: Vous avez mentionné le chiffre de 50 millions de dollars. Cette somme est-elle exclusivement réservée à faire connaître le problème? Ces crédits proviennent-ils du gouvernement fédéral et des provinces? S'agit-il simplement de mieux renseigner les gens sur les façons dont nous polluons la planète? À quoi serviront ces 50 millions de dollars?

Mme Kirby: Cinquante millions de dollars par année pendant trois ans seront affectés à ce dossier. Une part de cette somme ira à l'éducation et à la communication, mais ce n'en sera pas la majeure partie. Nous espérons que le Conseil du Trésor nous fera savoir très bientôt la répartition exacte de cette somme et les deux ministres feront ensuite publiquement connaître leurs intentions à cet égard.

Cette somme devrait servir à plusieurs fins. J'ai parlé plus tôt de l'établissement d'un fondement à la stratégie, d'analyses, de consultations et de communication. Une partie des crédits annuels de 50 millions de dollars qui seront accordés pendant trois ans servira aussi à financer les interventions immédiates qui ne seront pas uniquement le fait du gouvernement fédéral.

Mme Smart: Cette somme de 50 millions de dollars s'ajoute aux crédits qui sont déjà réservés dans d'autres budgets aux initiatives relatives au changement climatique. Vingt millions de dollars ont déjà été affectés dans des budgets précédents à l'exécution de projets dans le domaine de l'efficacité énergétique. Cet argent doit donc permettre l'établissement du fondement de la stratégie, la mise en oeuvre d'initiatives immédiates et l'élaboration d'ici deux ans d'un plan national de mise en oeuvre du protocole en collaboration avec les provinces. Voilà les trois fins auxquelles cette somme servira.

Le sénateur Adams: Vous avez dit que le programme serait échelonné sur trois ans. D'autres pays que le Canada ont pris des engagements au Japon. Ont-ils affecté à ce dossier un budget semblable au nôtre? Comment le Canada contribuera-t-il à la réduction des émissions de gaz à effet de serre? La communauté internationale va-t-elle concerter ses efforts dans ce domaine? Les discussions qui ont eu lieu au Japon ont-elles abouti à une entente?

Mme Smart: Je présume que vous faites allusion au protocole adopté en décembre.

Le gouvernement fédéral et les provinces comptent établir conjointement un plan d'action d'ici 18 à 24 mois. On s'entend pour reconnaître que le gouvernement fédéral ne doit pas établir à lui seul un plan national pour respecter les engagements pris à Kyoto en ce qui touche les émissions de gaz à effet de serre. Les solutions conçues à Ottawa n'ont pas donné de bons résultats par le passé. Le succès des initiatives repose sur la collaboration des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral. Voilà pourquoi on prévoit consacrer de 18 à 24 mois à l'établissement d'une stratégie nationale de mise en oeuvre du protocole.

Le sénateur Adams: Vous mettrez de 18 à 24 mois à établir avec les provinces cette stratégie, mais comment allons-nous coordonner nos efforts avec les autres pays avec lesquels nous avons conclu des ententes?

Mme Smart: Comme je l'ai dit, le travail est en cours. Environnement Canada concerte ses efforts avec les ministères des Ressources naturelles et des Affaires étrangères, qui possèdent de l'expérience dans ce domaine. Les préparatifs en vue de la conférence de Buenos Aires en novembre, où l'on fera le suivi de la conférence de Kyoto, ont été amorcés.

Un certain nombre de questions restent à régler à Buenos Aires. À titre d'exemple, il faudra s'entendre sur la façon dont on mettra en oeuvre le système d'échanges internationaux de droits d'émissions. Il s'agira aussi de s'entendre sur la forme que prendra le mécanisme pour un développement «propre». On se demandera aussi comment faire participer les pays en développement à la recherche de solutions au problème du changement climatique étant donné qu'ils n'ont pas adhéré au protocole de Kyoto. La réduction des gaz à effet de serre suppose la participation de ces pays aux efforts internationaux.

Les Nations Unies se penchent aussi activement sur le dossier. Les ministères de l'Environnement, des Ressources naturelles et des Affaires étrangères participent également à ces réunions et à ces discussions parce que la nécessité de lier notre intervention à l'échelle nationale à celle que nous faisons à l'échelle internationale ne fait aucun doute. L'une ne va pas sans l'autre.

Mme Kirby: Vous avez demandé à savoir quelles étaient les initiatives qui ont été prises par d'autres pays. Certaines initiatives ont été annoncées, mais elles ne sont pas très nombreuses. Dans son discours à la nation, le président des États-Unis a donné certaines indications à ce sujet. Le Congrès n'a cependant pas encore approuvé les mesures qui ont été proposées et certains s'attendent à ce que le Congrès tempèrent les ambitions du président dans ce domaine. Nous ne nous attendons cependant pas à ce que les États-Unis s'engagent dans une voie bien différente de celle du Canada. Nos deux pays mettent l'accent sur les mêmes priorités. Les États-Unis se demandent notamment comme nous comment on pourrait reconnaître les mesures immédiates prises par certaines entreprises. Le plan américain insiste aussi sur le rôle de la technologie.

Si le Congrès ne réduit pas la portée du plan d'action qui lui a été soumis, on pourrait s'attendre, compte tenu de la différence dans l'importance de nos deux économies, que les États-Unis consacrent un budget dix fois plus important que le nôtre à ce dossier. En fait, nous ne pensons pas que l'affectation de 50 millions de dollars par année sur une période de trois ans suffira à nous permettre de respecter les engagements découlant du protocole de Kyoto. C'est la somme qui nous apparaît cependant nécessaire dans un premier temps pour amener notamment les provinces et les intervenants à participer au processus de l'établissement de la stratégie. Des crédits supplémentaires devront par la suite être approuvés.

Le sénateur Adams: J'ai entendu dire à Washington que les Américains comptaient construire une station d'observation scientifique dans la région de Resolute Bay dans l'Arctique. Certains politiciens ont cependant demandé qu'elle soit construite en Alaska. Que savez-vous à ce sujet?

Mme Smart: Je pourrais me renseigner, mais je ne suis pas au courant de ce projet.

Le sénateur Adams: Avons-nous du matériel nous permettant d'établir si nos efforts en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre portent des fruits?

Mme Smart: Les différents centres d'observation du pays possèdent l'équipement voulu pour évaluer notamment le smog et certaines émissions atmosphériques, mais je ne suis pas spécialiste de cette question. Je pourrai vous obtenir l'information voulue si vous le souhaitez.

Le sénateur Adams: L'air froid pousse les émissions du Sud vers le Nord. On devrait installer de l'équipement permettant d'évaluer l'importance de ces émissions dans l'Arctique.

Le sénateur Butts: J'admire l'optimisme de nos témoins. Je ne vois pas ce que je pourrais dire d'autre. Je ne siège à ce comité que depuis quelques mois, mais j'ai constaté que ses membres ne parviennent même pas à s'entendre sur la question de savoir si l'on devrait cesser de brûler des combustibles fossiles. Certains craignent que cela entraîne une augmentation du taux de chômage. Je crois qu'il faut faire preuve d'un certain optimisme pour dire que non pas deux ministères, mais quatre ou cinq, ainsi que les provinces, le public, les intervenants du domaine et même le Tiers monde s'entendront sur un objectif. J'aimerais que vous me transmettiez un peu de votre optimisme.

J'ai vécu tout près des infâmes sables bitumineux. D'aucuns décrivent cette région comme le pire désastre environnemental au Canada, voire dans le monde entier. Je suis convaincue que tous les paliers de gouvernement ont dépensé plus de 50 millions de dollars à chercher à résoudre le problème sans y parvenir.

J'aimerais que vous me rassuriez d'abord sur votre crédibilité auprès du public. Si on parvenait à régler un problème comme celui des sables bitumineux qui se pose sur terre, cela accroîtrait sûrement votre crédibilité auprès du public.

Le président: Vous pourriez peut-être intercéder auprès des instances divines, soeur Butts, pour qu'elles nous aident à régler ce problème.

Le sénateur Butts: Je ne vois pas d'autre solution. Étant donné le manque de consensus sur la question au sein de ce comité, sans mentionner le manque de consensus dans le reste du monde, je vois mal comment on y parviendra autrement.

Mme Smart: Je conviens que le défi est de taille. Personne ne le conteste. Nous insistons sur la nécessité d'en arriver à un juste équilibre entre le développement économique et la protection de l'environnement et sur l'importance de faire participer les gens à la mise en oeuvre d'un plan d'action réalisable.

Nous n'en sommes qu'au tout début de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Mme Kirby a probablement son propre point de vue sur la chose, mais je pense qu'il est permis d'être optimiste au sujet de la volonté qui a été exprimée de résoudre le problème. Nous verrons bien quels seront les résultats des efforts déployés.

En ce qui touche la participation des collectivités au processus, je suis chargée au sein d'Environnement Canada de l'exécution d'un programme qui s'appelle Action 21 et dont l'objet est d'appuyer les initiatives prises par les groupes communautaires qui s'intéressent à ce dossier. Nous accordons des fonds à environ 350 groupes de ce genre au pays. Ces groupes ne s'intéressent cependant pas seulement au changement climatique, mais à toute une gamme de questions environnementales. Ils interviennent de diverses façons pour protéger l'environnement: ils nettoient un cours d'eau, favorisent le recyclage des produits ou encore, oeuvrent à assurer la survie des espèces en voie de disparition. Certains de ces groupes cherchent aussi à sensibiliser l'industrie au problème du changement climatique et des émissions de gaz à effet de serre et font des recherches sur les moyens de réduire les émissions. L'énorme travail qui est effectué par ces groupes n'est pas très bien connu.

Ces groupes constituent un réseau dont l'importance n'est pas suffisamment soulignée. Ils ne font pas les manchettes des journaux tous les jours. Nous sommes convaincus à Environnement Canada que la contribution des groupes communautaires à la recherche d'une solution aux problèmes environnementaux est précieuse. Notre ministère est chargé d'établir la politique environnementale d'ensemble du gouvernement et de veiller à faire participer d'autres ministères au processus. Nous accordons cependant des fonds et des ressources aux groupes communautaires parce que nous jugeons leur concours essentiel au succès de nos initiatives.

J'ai moi-même pu constater à quel point le travail des groupes communautaires est efficace. Je ne songe pas ici nécessairement à des problèmes environnementaux de la taille de celui des sables bitumineux. J'ai bon espoir que ces groupes contribueront au succès des efforts déployés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Mme Kirby: Je reconnais que le défi est de taille. Il ne consiste pas simplement à en arriver à un consensus, mais aussi à trouver des solutions efficaces au problème. J'appartiens à la Direction de la politique énergétique. Ma direction est convaincue que nous avons maintenant de meilleures chances que jamais auparavant de trouver une solution au problème. Je reconnais cependant qu'il n'est pas facile d'amener les gens à s'entendre sur la question. Je travaille sur ce dossier depuis longtemps et j'ai pu constater à quel point c'était difficile.

Nous espérons pouvoir dire d'ici deux ans que la mise en oeuvre de la stratégie a bien progressé. On ne peut évidemment pas espérer régler le problème en si peu de temps, mais nous espérons à tout le moins que nous serons alors en mesure de mettre en oeuvre une stratégie.

La réunion des premiers ministres en décembre m'a beaucoup encouragée parce qu'on y a fait ressortir la nécessité d'un effort concerté. Les premiers ministres ont reconnu l'utilité d'une collaboration sur le dossier du changement climatique. Reste à voir quelle forme cette collaboration prendra. J'estime que nous sommes maintenant appelés à relever le défi plus important qui se soit jamais posé depuis que je travaille dans le secteur de l'énergie. Nous ne pourrons pas relâcher nos efforts d'ici longtemps. Nous verrons s'ils seront couronnés de succès. Rien ne sera facile, mais la volonté de réussir est bien réelle.

Le président: J'aimerais poser une question dans la même veine que celle du sénateur Butts. Vous avez insisté sur l'importance de la crédibilité de vos travaux. Les négociations de Kyoto ont porté un dur coup à votre crédibilité parce que personne ne croit vraiment que nous atteindrons nos objectifs ni même que nous nous en rapprocherons. Il est irréaliste de donner à entendre que le Canada pourra réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 25 p. 100 d'ici l'an 2000 et personne ne croit que c'est possible. Je ne voudrais pas que nous nous engagions dans un débat sur les orientations, mais je peux vous assurer que personne ne croit que les objectifs que nous nous sommes fixés sont réalisables à moins que nous ne soyons prêts à nous passer des voitures et à fermer toutes les usines. Vous ne partagez peut-être pas ce point de vue, mais j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi.

J'étais à Vancouver la semaine dernière pour la conférence Globe 1998. J'ai entendu le représentant du ministère de l'Environnement, M. Ephrem, parler de la stratégie qu'on allait mettre en oeuvre au cours des deux prochaines années alors que l'an 2010 approche à grands pas. C'est comme si Kyoto était hier et que tout avait commencé par ce protocole. On pourrait se poser la question de savoir ce qui a précédé Kyoto. Qu'a fait le gouvernement du Canada pendant les dix années précédant Kyoto? Pourquoi agit-on comme si tout avait commencé à Kyoto? Il faudra maintenant deux ans pour élaborer une stratégie bien que je reconnaisse que vous avez parlé de mesures immédiates. Personne ne vous croit. Personne ne croit que vos objectifs sont réalisables.

Je partage le point de vue du sénateur Butts. Si le gouvernement ou votre ministère avait adopté une politique plus réaliste à l'issue de Kyoto, peut-être les Canadiens pourraient-ils vous faire confiance. Quant à moi, je crois que les engagements pris à Kyoto se fondaient sur des considérations politiques plutôt que sur des considérations pratiques. Il se trouve beaucoup de Canadiens pour penser, comme moi, que vous n'atteindrez jamais vos objectifs. Vous avez parlé d'un défi de taille. Le défi n'est pas simplement de taille, il est impossible à relever. J'espère me tromper, car il importe que nous réalisions des progrès dans ce domaine, mais j'aimerais bien que vous me fournissiez des arguments convaincants.

Mme Kirby: Les progrès qui seront réalisés par le Canada dépendront en partie des initiatives qui seront prises à l'échelle internationale. Certains points ont été exclus des négociations, mais ils n'étaient pas très nombreux. Le Canada s'est fixé à peu près les mêmes objectifs que les États-Unis, l'Europe et le Japon. Nos principaux partenaires commerciaux doivent donc relever le même défi que nous. Les progrès qui seront réalisés seront fonction de la volonté politique et économique collective qui sera exprimée. Il faut être conscient du fait que le Canada n'est évidemment pas le seul pays qui doit relever ce défi.

Vous avez demandé pourquoi nous avons tellement tardé à agir. Je ne pense pas que ce reproche soit qualifié. De grands progrès ont été faits au cours des 25 dernières années, en particulier dans le domaine de l'efficacité énergétique. Les objectifs fixés dans le protocole de Kyoto reflètent des attentes beaucoup plus élevées que par le passé.

Pour comprendre pourquoi il faudra deux ans pour établir un plan de mise en oeuvre du protocole, il faut se reporter au processus prévu pour sa ratification. À Kyoto, la communauté internationale en est arrivée à une entente sur le changement climatique. Les parties au protocole ont maintenant un an pour le signer. Les pays qui auront signé le protocole seront ensuite appelés à le ratifier. Un bon nombre d'entre eux mettront deux ans à le faire. À l'expiration du délai de deux ans, nous verrons combien de pays auront ratifié le protocole qui deviendra alors exécutoire. Le protocole n'entrera en vigueur et ne deviendra exécutoire que lorsqu'il aura été ratifié par 55 pays responsables de 55 p. 100 des émissions des pays de l'OCDE. Je ne vous apprends d'ailleurs sans doute rien de nouveau.

Ce délai de deux ans reflète donc non seulement les efforts qui doivent être déployés pour permettre à un consensus sur la question de se dégager à l'échelle nationale, mais aussi la rapidité avec laquelle nous nous attendons à ce que les autres pays, et notamment les États-Unis, prennent les mesures voulues. C'est aussi sur une période de deux ans qu'on étoffera certains éléments du protocole. Comme Mme Smart l'a dit, nous avons obtenu une certaine marge de manoeuvre à Kyoto comme nous le réclamions, mais les discussions à cet égard n'en sont toujours qu'à l'étape préliminaire. Des négociations sérieuses se dérouleront au cours des deux prochaines années, notamment sur les échanges internationaux de droits d'émissions et l'assainissement de l'air. Toutes ces questions sont liées et voilà pourquoi nous prévoyons un délai de deux ans.

Le président: Ce qui doit être fait ne se fera cependant pas par magie. Il faut s'atteler à la tâche. On pourrait continuer à disserter sur le sujet pendant dix ans. Tous les conférenciers que j'ai entendus à Vancouver répétaient la même chose comme le faisaient déjà les conférenciers que j'ai entendus il y a trois, quatre ou cinq ans. Les arguments qu'on nous présente ne changent pas.

Nous savons déjà ce qu'il faut faire. Si nous voulons réduire les émissions, nous devons concevoir des voitures et des maisons qui utilisent l'énergie de façon plus efficace. Nous savons déjà ce sur quoi nous devons faire porter nos efforts. Le moment est maintenant venu d'agir. Il ne s'agit pas d'approfondir nos recherches. Il faut qu'une volonté politique s'exprime.

Je me demande vraiment si c'est une stratégie qu'il nous faut. On pourrait en un jour établir ce qu'il conviendrait de faire. Il s'agit plutôt de se demander quels moyens employer pour parvenir à nos fins. Pourquoi devons-nous attendre que d'autres pays soient prêts à agir? Le Canada s'est engagé à atteindre certains objectifs d'ici l'an 2010. Nous savons ce qu'il faut faire. Je conviens avec vous que la collaboration des provinces est essentielle, mais pourquoi ne pas agir dès maintenant? Pourquoi attendre deux ans?

Mme Kirby: Ce n'est pas vraiment ce que nous faisons. Nous ne comptons pas attendre deux ans avant de prendre des mesures. Nous avons d'ailleurs dit que certaines mesures seraient immédiates. Nous n'allons pas nous croiser les bras pendant deux ans. Certaines mesures ne peuvent cependant être prises en l'absence de la volonté politique voulue. Leur mise en oeuvre suppose également la participation et l'appui des intervenants.

Nous pouvons cependant dès maintenant prendre certaines initiatives qui compléteront celles que nous avons déjà adoptées. Je conviens avec vous que nous savons en grande partie ce qu'il convient de faire, notamment dans le secteur des transports. On ne produira pas dans l'avenir l'électricité comme on le fait à l'heure actuelle. Nous devons donc trouver des moyens de produire et de distribuer l'énergie tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre.

Nous nous intéressons à la question de l'efficacité énergétique depuis 25 ou 30 ans. Nous pouvons tirer parti des travaux qui ont déjà été faits dans ce domaine, car je pense que nous connaissons assez bien les possibilités qui s'offrent à nous à cet égard. Il n'est donc pas question de ne rien faire pendant deux ans, mais il faudra au moins aussi longtemps, et peut-être davantage pour que tous les intervenants acceptent d'agir à l'unisson.

Le président: Ne convenez-vous pas que la position du Canada est bien différente de celle de beaucoup d'autres pays puisqu'on ne peut nous imputer que 2 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre produites à l'échelle mondiale? Compte tenu du fait que le Canada n'est pas très peuplé et qu'il est un pays dont l'économie repose sur l'exploitation des ressources naturelles, n'est-il pas injuste de le comparer, comme vous le faites, aux États-Unis, le plus gros pollueur, et à l'Europe? Je ne peux pas m'empêcher de penser que la comparaison est injuste. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Kirby: Certains facteurs expliquent que l'objectif du Canada diffère légèrement de celui des États-Unis. Ainsi, nous nous sommes engagés à réduire nos émissions de 6 p. 100 et les États-Unis, de 7 p. 100. Nous avons soutenu avec succès à Kyoto qu'on ne pouvait pas tout à fait comparer l'économie du Canada à celle des États-Unis et nous avons fait notamment valoir que nous exportions de l'énergie non polluante vers ce pays sous la forme de gaz naturel et d'hydroélectricité. C'est en partie ce qui explique que notre objectif ne soit pas le même que celui des États-Unis.

Ce qui nous distingue pour l'instant assez clairement d'autres pays, c'est notre taux de croissance démographique. Or, il y a un lien important entre la croissance démographique et le taux des émissions. On ne peut peut-être maintenant nous attribuer que 2 p. 100 des émissions mondiales, mais notre population croît assez rapidement. Chaque pays soutient ne pas être dans la même situation que son voisin, et c'est sans doute le cas.

Le sénateur Di Nino: Vous n'êtes pas sans remarquer un certain scepticisme parmi les membres de ce comité. J'ai fait allusion plus tôt aux investissements qui ont déjà été consentis dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Certains non seulement mettent en doute votre crédibilité, mais réfutent vos arguments. Je me permets d'ajouter que je ne conteste pas votre crédibilité personnelle ni celle de votre collègue. J'ai simplement l'impression que les Canadiens ne croient pas vraiment ce qu'on leur dit sur le changement climatique. Comme le président, je pense que nous savons maintenant à peu près comment nous attaquer au problème. Mme Smart a fait remarquer il y a un instant qu'il faut trouver un juste équilibre entre le développement économique et la protection de l'environnement. C'est en partie vrai, mais j'ai l'impression que ce sont des propos qui conviendraient davantage à un représentant du gouvernement qu'à quelqu'un qui est censé faire le point avec nous sur la question.

Pour ma part, je ne pense pas qu'on ait vraiment répondu aux questions que se posent les Canadiens sur les mesures à prendre. Le problème ne touche pas seulement le Canada, mais le monde entier. Les Canadiens ont des doutes quant aux mesures environnementales qu'on leur propose. Est-ce parce qu'ils ont l'impression que personne ne sait ce qu'il fait? Ai-je raison?

Mme Kirby: Comme le président l'a dit, je pense que nous savons effectivement où nous devons faire porter nos efforts et nous savons aussi quels sont les résultats que nous devons viser. Reste à savoir s'il n'y a pas des moyens plus efficaces de parvenir à ces résultats. C'est ce qui explique les grandes divergences d'opinions quant au coût et à la difficulté des mesures à mettre en oeuvre.

Le sénateur Di Nino: J'aimerais vous poser une question sur ceux qu'on pourrait appeler vos détracteurs, les clubs Sierra de ce monde, lesquels, à mon avis, jouent un rôle très utile. Comment les amener à souscrire aux mesures que vous recommandez? Les consultez-vous et comment le faites-vous?

Mme Smart: Nous avons des consultations suivies avec ces intervenants. Ils participent à l'élaboration des plans de travail comme ils l'ont fait dans le cadre du colloque sur les échanges internationaux de droits d'émissions qui a eu lieu la semaine dernière à Vancouver. Ils participeront aussi à l'établissement du plan de travail afin de donner suite à l'entente qui découlera des négociations sur les droits d'émissions. Les participants à ce colloque représentaient le club Sierra, l'Institut Pembina, Pollution Probe, les entreprises, le secteur financier ainsi que les provinces. Plusieurs autres réunions seront consacrées à ce sujet qui est au coeur des négociations internationales actuelles. Les représentants de ces organismes ont participé aux discussions et ils seront aussi appelés à participer à l'établissement du fondement de la stratégie nationale de mise en oeuvre du protocole.

Mme Kirby faisait remarquer que les consultations seront vastes puisque l'objectif visé est d'y faire participer tous les intervenants.

Mme Kirby attirait aussi votre attention sur la mise en oeuvre immédiate de certaines mesures. Le club Sierra participe déjà à l'exécution d'un certain nombre de projets en collaboration avec Environnement Canada dans les domaines de l'éducation du public et de la communication. Avec l'appui d'Environnement Canada, le club Sierra propose certains projets qu'il est chargé de faire connaître à ses membres.

Ces groupes participent déjà à nos projets et continueront de le faire. Nous sommes pleinement conscients du fait que tous les intervenants doivent contribuer à la recherche de solutions aux problèmes environnementaux si nous voulons que nos efforts soient couronnés de succès.

Le sénateur Di Nino: Permettez-moi d'aborder un autre sujet. Les pays en développement font évidemment face à un problème particulier. Leurs gouvernements se demandent comment ils vont bien pouvoir nourrir leurs populations s'ils doivent, comme le leur demandent les pays industrialisés, de ne pas employer les mêmes méthodes qu'eux pour assurer leur développement. Je crois que les pays en développement ont raison de se poser cette question.

Je m'étonne toujours d'entendre des représentants des pays européens, où il ne reste pas un seul arbre, reprocher au Canada d'abattre trop d'arbres. Pour revenir aux pays en développement, les pays industrialisés leur ont-ils proposé une aide financière? Si oui, de quelle sorte d'aide s'agit-il?

Mme Smart: Vous touchez du doigt le problème. Cette question a donné lieu à un vif débat à Kyoto. Les pays en développement ont réclamé que les pays industrialisés leur accordent une aide financière. Autrement dit, ils ont demandé aux pays industrialisés de prêcher par l'exemple. Ils ont allégué qu'ils devaient d'abord s'attaquer au problème de la pauvreté.

La réponse à cette question est dans un sens double. Les pays en développement font déjà ce qu'ils peuvent pour réduire leurs émissions. Ils pourraient aussi adopter les mécanismes dont il est question dans le protocole, et notamment le mécanisme de développement «propre» et le mécanisme permettant de participer à des projets communs avec les pays industrialisés. On ne sait cependant trop quelle forme prendront les mécanismes parce que le protocole ne le précise pas.

Il reste encore beaucoup à faire d'ici novembre pour régler ces questions. Le ministère des Affaires étrangères et l'ACDI collaboreront avec les ministères des Ressources naturelles et de l'Environnement à étoffer ce mécanisme et mettront peut-être en oeuvre dès maintenant certains projets dans les pays en développement. Nous espérons que cela incitera ces pays à souscrire au protocole.

Mme Kirby: La convention-cadre qui a précédé le protocole comporte certaines dispositions touchant l'aide financière et les transferts technologiques. Il existe un certain nombre de nouveaux mécanismes auxquels on pourrait avoir recours dans le cadre de projets individuels afin de montrer aux pays en développement que le protocole comporte des avantages pour eux.

Quant à la façon d'amener les pays en développement à souscrire au protocole ou à prendre des engagements découlant de la convention, on fait ressortir pour l'instant que tous les pays en développement ne sont pas dans la même situation. Certains estiment que des pays comme la Corée et le Mexique, qui font maintenant partie de l'OCDE, devraient prendre les mêmes engagements que les autres pays de l'OCDE parce qu'il n'est pas juste qu'ils fassent concurrence aux pays africains qui sont aux prises avec des problèmes très réels.

Je participais il y a quelques semaines à une réunion où les Brésiliens se vantaient du fait que leur économie est maintenant plus importante que la nôtre. D'aucuns pensent qu'on devrait amener le Brésil à prendre certains engagements. On ne lui demanderait pas de réduire ses émissions de 6 p. 100 comme nous, mais d'un pourcentage plus modeste qui attesterait sa bonne volonté.

Une idée lancée à Kyoto et par la suite abandonnée était de permettre à des pays de prendre des engagements volontaires. Certains pays, surtout en Amérique latine, envisageaient de se fixer des objectifs volontaires. Les pays en développement, sous l'impulsion de la Chine, se sont opposés en bloc à cette idée. Bon nombre de pays d'Amérique latine n'ont donc pas pu agir comme ils le souhaitaient.

Les attentes ne sont pas les mêmes dans tous les pays. Nous nous attendons à ce que les pays dont la croissance est assez forte prennent certains engagements, mais pas nécessairement les mêmes que les nôtres.

Nous essayons aussi de convaincre les pays en développement de réduire leurs émissions dans d'autres tribunes que celles où ont lieu les négociations. Lors de négociations, les parties ont tendance à adopter des positions bien tranchées. L'an dernier, dans le cadre de l'Année de l'Asie-Pacifique au Canada, plusieurs réunions de l'APEC ont eu lieu. Lors d'une réunion réunissant les ministres de l'Énergie, le Japon a proposé que les pays membres de l'APEC -- dont bon nombre sont considérés comme des pays en développement au sens de la convention -- s'engagent volontairement à accroître leur efficacité énergétique au lieu de réduire leurs émissions. Nous tâchons donc d'aborder la question sous cet angle également.

Le sénateur Di Nino: Je ne suis pas sûr que vous ayez répondu à ma question. Ce que j'aimerais savoir, c'est si les pays riches, soit les pays industrialisés, ont offert une aide financière aux pays en développement. A-t-on chiffré l'aide que les pays industrialisés pourraient accorder aux pays en développement pour favoriser leur développement étant donné que nous leur demandons d'employer des moyens technologiques coûteux pour eux par souci de protection de l'environnement?

Mme Kirby: Rien n'est prévu à cet égard. La convention originale de Rio créait un fonds environnemental mondial en vue d'aider les pays en développement. Il n'était cependant pas question comme vous le proposez de faciliter le développement ou la reconstruction de ces économies et de donner accès aux pays en développement à de nouvelles technologies. Ce fonds est cependant à l'origine des discussions qui ont maintenant lieu entre les pays industrialisés et les pays en développement sur la question du changement climatique.

Le sénateur Di Nino: On a critiqué le Canada parce qu'il a vendu à la Chine des réacteurs nucléaires sans faire d'étude environnementale préalable. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

Le président: Tout le monde semble croire que les échanges internationaux de droits d'émissions vont permettre de sauver le monde, mais on peut se demander en quoi le fait qu'un non-pollueur vende ses crédits à un pollueur va permettre de réduire la pollution.

Mme Kirby: Il ne peut y avoir réduction générale de la pollution que si le système des droits d'émissions prévoit un plafonnement global des émissions. Si l'on respecte ce plafond, les entreprises qui participent au système peuvent échanger des droits d'émissions. Le système permet d'établir le niveau de pollution globale et de faire un choix parmi les méthodes les plus rentables de lutte contre la pollution.

Il s'agit d'un tout nouveau domaine. Le système n'en est qu'à ses balbutiements et on peut envisager la question sous divers angles.

Le système d'échanges internationaux des droits d'émissions, dont il a été question à Kyoto, fera l'objet de discussions à Buenos Aires. Pour l'instant, ce sont les gouvernements et les pays qui prendront certains engagements à cet égard. Beaucoup de détails restent à fixer. Chaque pays sera tenu de veiller à ne pas dépasser le plafond global et il faudra évidemment que les entreprises s'échangeant des droits d'émissions respectent ce plafond. Ce système supposera un cadre réglementaire et une structure bureaucratique assez imposante chargée d'en assurer la mise en oeuvre. L'idée mérite d'être étudiée étant donné que ce système pourrait se révéler moins coûteux que certaines solutions de rechange.

Le président: Comment l'adoption de ce système entraînera-t-elle une réduction des émissions?

Mme Kirby: La réduction des émissions sera assurée par le respect d'un plafond global. Prenons l'exemple du programme américain de lutte contre les pluies acides. Les États-Unis ont fixé un plafond au dioxyde de soufre pouvant être libéré dans l'atmosphère. Ce plafond a diminué avec le temps. C'est l'adoption d'une réglementation visant à faire respecter ce plafond qui entraîne une réduction de la pollution. Les entreprises peuvent s'échanger des droits d'émissions sous réserve de ce plafond. Le dépassement du plafond global entraîne l'imposition d'amendes. Il y a donc différentes façons de réduire les émissions.

Le président: Pourquoi ne pas simplement rabaisser progressivement le plafond? Pourquoi échanger des droits d'émissions? Pourquoi ne pas simplement fixer un plafond et le faire respecter?

Mme Kirby: Certaines entreprises seraient mieux placées que d'autres pour réduire leurs émissions. La méthode que vous préconisez est une autre façon d'aborder la question. Il est possible qu'on plafonne tout simplement les émissions de chaque secteur, de chaque région ou de chaque entreprise. Il faudrait pour ce faire disposer de beaucoup d'information et d'une structure réglementaire assez imposante, mais ce serait possible.

Le système d'échange des droits d'émissions repose sur l'hypothèse que ce serait une méthode moins coûteuse d'abaisser le niveau des émissions. L'imposition d'un plafond global entraînerait les mêmes avantages pour l'environnement. Sous réserve de ce plafond, une entreprise qui pourrait à moindre coût réduire ses émissions pourrait échanger des droits avec une entreprise à qui il coûterait plus cher de le faire. Le niveau global des émissions demeurerait le même; seuls les coûts seraient moins élevés.

Le président: Une entreprise pourrait aussi ne pas réduire du tout ses émissions et céder simplement ses droits.

Mme Kirby: Tout dépendrait du plafond établi. Si le plafond est fixé au niveau actuel des émissions, il n'y aura peut-être pas de réduction des émissions, mais les échanges de droits seraient permis sous réserve du respect de ce plafond. Si l'objectif est de faire en sorte que les émissions diminuent de 6 p. 100, le plafond serait établi en conséquence. Il ne serait possible d'échanger des droits d'émissions que sous réserve du plafond établi.

Le président: Ai-je raison de croire qu'un pays qui compte un certain nombre de puits de carbone se verra accorder des crédits en raison de sa capacité d'absorption? C'est une façon simpliste de voir les choses. Le même problème se pose.

Mme Kirby: En ce qui touche les puits de carbone, tout dépend des mesures que ce pays prendra. Un pays n'obtiendra pas de crédits parce qu'il possède beaucoup de forêts, par exemple; il obtiendra des crédits pour les mesures qu'il prendra. On obtiendra des crédits pour le reboisement de certaines régions ou pour l'aménagement de nouvelles forêts. On perdra des crédits si l'on dénude une forêt. Les crédits seront donc fonction des interventions anthropiques. Voilà pour la question des puits de carbone.

Revenons maintenant aux échanges d'émissions. Il en coûtera peut-être bien davantage à une entreprise qui a déjà réalisé de grands gains énergétiques -- une entreprise qui a fait ses preuves dans ce domaine -- pour réduire encore plus ses émissions qu'à une entreprise qui n'a jusqu'ici pas réduit du tout les siennes. Conviendrait-il vraiment de pénaliser une entreprise qui a déjà fait sa part quand elle pourrait vendre ses droits à une autre entreprise, ce qui permettrait à cette dernière de prendre les mesures peu coûteuses qui s'imposent? En bout de ligne, les avantages pour l'environnement seraient les mêmes, n'est-ce pas?

Le président: J'aimerais revenir pour un instant à la question des échanges d'émissions. Suncor a conclu une entente à cet égard il y a environ une semaine. Avec qui cette entreprise a-t-elle échangé ses droits d'émissions et en vertu de quel cadre réglementaire l'a-t-elle fait?

Mme Kirby: L'échange a eu lieu avec un service public américain, la société Mohawk Electric. Il s'est agi d'un échange transfrontalier. L'échange a eu lieu bien qu'il n'existe pas encore de réglementation à cet égard et ces deux entreprises prennent donc le risque qu'il n'y en ait jamais. Peut-être que cet échange leur aura coûté plus que ce qu'il leur aurait coûté dans un système d'échange ou peut-être leur a-t-il coûté moins. Le gouvernement ne leur a donné aucune assurance.

Le président: L'échange a donc été fait en prévision de l'adoption d'une réglementation?

Mme Kirby: Ces entreprises y voient un avantage qu'elles ont chiffré. Elles ont décidé d'assumer les risques qui découlent de l'absence d'un régime.

Le président: A-t-on divulgué le coût de cette entente? Je n'ai rien vu là-dessus.

Mme Smart: Je n'ai rien vu non plus.

Le président: Pour que le système fonctionne, il faudrait qu'il repose sur une entente canado-américaine en matière d'échange d'émissions, n'est-ce pas?

Mme Kirby: C'est exact. Ces entreprises pensent qu'un régime sera éventuellement adopté.

Le président: Le système des échanges d'émissions a donné de bons résultats en Californie dans l'industrie automobile. Lorsque le comité s'est rendu en Californie, on nous a démontré que le système d'échange d'émissions avait permis d'assainir l'air en Californie. Il doit donc présenter des avantages.

Mme Kirby: On peut donner des exemples de cas où il a fonctionné. Celui qu'on cite le plus souvent est, comme je l'ai dit, le programme américain de lutte contre les pluies acides qui vise les entreprises publiques de production d'électricité. Le grand avantage du système réside dans le fait qu'il permettrait de réduire les émissions à moindre coût que d'autres méthodes. C'est le principal avantage qu'on y voit. Pour l'instant, notre expérience en ce qui touche les gaz à effet de serre n'est pas suffisamment étendue pour que nous sachions si l'échange des droits d'émissions pourrait avoir des effets positifs vu l'importance et la complexité du problème. Certains soutiennent cependant que le succès que nous avons connu jusqu'ici avec ce système dans des secteurs plus restreints permet de croire qu'il sera aussi efficace dans le cas des gaz à effet de serre.

Quelques petites expériences pilotes ont aussi été menées au Canada. Elles visaient à réduire les pluies acides, les NOx/COV et le smog.

Le président: Je vous remercie toutes deux des avis et des exemples que vous nous avez donnés. Vous avez une tâche ardue devant vous et nous vous souhaitons tout le succès possible.

Le comité suspend ses travaux.


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