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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 9 juin 1998

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles à qui a été renvoyé le projet de loi C-31, Loi concernant les arpenteurs des terres du Canada, se réunit aujourd'hui à 9 h 40 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous avons le quorum. La parole est à vous.

M. Michael O'Sullivan, arpenteur général et directeur, Ressources naturelles Canada: Le projet de loi C-31 se rapporte à la Loi concernant les arpenteurs des terres du Canada. C'est un projet de loi très particulier en ce qui sens qu'il va créer au Canada la première profession autonome réglementée par le gouvernement fédéral. Ce projet de loi est l'aboutissement de huit années d'efforts visant à préparer l'Association des arpenteurs des terres du Canada à devenir une association autonome. S'il a fallu aussi longtemps, c'est parce qu'il n'existait pas d'autre modèle fédéral à suivre. Il y a de nombreuses associations d'arpenteurs autonomes au niveau provincial. Ce projet de loi intègre les meilleures dispositions des lois provinciales qui les régissent.

La Commission d'examinateurs des arpenteurs des terres du Canada relève actuellement du Secteur des sciences de la terre à Géomatique Canada, au ministère des Ressources naturelles du Canada. Elle existe depuis longtemps, depuis 123 ans. Elle a été créée en 1875 au sein de la Direction des terres du Dominion du ministère du Secrétariat d'État. Les premiers arpenteurs des terres du Dominion ont reçu leur brevet en 1875. Ce sont les fameux arpenteurs dont vous avez tellement entendu parler.

Le sénateur Lynch-Staunton a très bien décrit leur rôle au Sénat. Le plus gros travail d'arpentage réalisé au Canada était le levé des cantons, ces merveilleux cantons de l'Ouest. La deuxième entreprise de grande envergure se déroule actuellement. Elle est réalisée par les arpenteurs des terres du Canada, qui sont les successeurs des arpenteurs des terres du Dominion. Il s'agit d'un levé des terres qui font l'objet des revendications territoriales des autochtones dans le Nord.

La Commission d'examinateurs contrôle l'admission et les normes s'appliquant à la réglementation et à la discipline des arpenteurs des terres du Canada. La loi actuellement en vigueur, qui est la Loi sur l'arpentage des terres du Canada a remplacé l'ancienne Loi sur les arpenteurs. La version actuelle de cette loi remonte à 1950. C'est une loi qui remplit diverses fonctions et qui relève du ministre des Ressources naturelles. Elle réglemente le système d'arpentage sur les terres du Canada. Elle crée mon bureau, le Bureau de l'arpenteur général ainsi que la Commission d'examinateurs des arpenteurs des terres du Canada qui est chargée de réglementer la profession.

À l'heure actuelle, la commissioncomprend l'arpenteur général, qui en est le président, ainsi que quatre membres nommés par le ministre et qui sont spécialisés dans divers domaines de l'arpentage des terres.

Le principal objectif du projet de loi C-31 est de transférer les responsabilités de la Commission d'examinateurs des arpenteurs des terres du Canada à l'Association des arpenteurs des terres du Canada ou AATC. Les dispositions de la loi qui se rapportent à la Commission d'examinateurs sont supprimées et elles font partie du projet de loi C-31.

L'AATC est un organisme non gouvernemental qui regroupe les arpenteurs des terres du Canada. L'Association a été constituée en vertu de lettres patentes fédérales en mai 1985 et elle compte actuellement 450 membres qui sont des arpenteurs des terres du Canada des diverses régions du pays.

Depuis l'adoption de la loi, un arpenteur des terres du Canada doit être membre de cette association pour pouvoir réaliser des levés officiels sur les terres du Canada. Les levés officiels sont ceux qui permettent d'établir les limites des propriétés. L'arpenteur doit également obtenir un permis de l'AATC et obtenir une assurance-responsabilité appropriée. Une entreprise doit compter parmi son personnel un arpenteur des terres du Canada breveté et obtenir un permis de l'Association.

L'AATC disposera désormais des pouvoirs d'autoréglementation et des attributs qui sont ceux de n'importe quelle association professionnelle autonome. Elle aura un conseil de direction, un registraire, une commission d'examinateurs qui fera rapport au conseil, des comités de plaintes et de discipline et un contrôle des normes de conduite professionnelle. Elle établira des règlements administratifs et d'exécution. L'arpenteur général conservera le contrôle des normes techniques s'appliquant aux arpentages et aux documents connexes. C'est parce que le gouvernement fédéral reste de loin le propriétaire de la plus vaste superficie de terres du Canada et est certainement la principale partie prenante.

Il y a au Canada 11 administrations responsables des levés officiels: les 10 provinces et l'administration des terres du Canada. L'arpentage dans chacune des provinces est régi par des organismes autoréglementés auxquels l'adhésion est obligatoire. Nous nous alignons sur la réglementation provinciale. À l'heure actuelle, il n'existe pas d'organisme autoréglementé pour les arpenteurs des terres du Canada.

Les terres du Canada sont définies au paragraphe 24(1) de la Loi sur l'arpentage des terres du Canada. Ce sont des terres du domaine public que le gouvernement détient en fiducie pour la population canadienne. Cela comprend le Territoire du Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et certainement le nouveau territoire du Nunavut lorsqu'il sera créé, la totalité de 2 600 réserves indiennes du Canada, le réseau de parcs nationaux, les zones au large des côtes, les réserves fauniques, les canaux historiques et les lieux historiques.

Voici une carte des terres du Canada. Elles couvrent plus de la moitié de la superficie du pays, les territoires du Nord et les îles de l'Arctique. Les zones vertes représentent les parcs nationaux et tous ces points rouges dans les provinces localisent les réserves indiennes. Cela forme les trous noirs dans les provinces étant donné qu'il s'agit de terres appartenant au gouvernement fédéral, mais ce sont néanmoins des réserves indiennes. Elles font partie du système d'arpentage des terres du Canada. La zone en bleu, qui représente les zones au large des côtes, en font également partie.

Quelles sont les raisons de cette initiative? Cela fait partie des efforts déployés pour abolir et rationaliser les organismes gouvernementaux. C'est ce que le gouvernement fédéral avait annoncé en 1994. L'AATC mettra en oeuvre un comité des plaintes et un comité de discipline pour assurer le respect des normes professionnelles. La Loi sur l'arpentage des terres du Canada était inadéquate à cet égard. Cette loi marque une nouvelle ère dans la régie de la profession.

L'AATC mettra en oeuvre un programme de révision de la pratique de la profession et assurera un programme de formation permanente, ce qui est important à l'heure actuelle pour les professions qui s'autoréglementent. Toutes envisagent des programmes d'éducation permanente obligatoire.

Ces mesures vont aligner l'AATC sur les autres associations professionnelles d'arpenteurs qui s'autoréglementent. La nouvelle loi va permettre de réaliser des économies, surtout parce que le gouvernement fédéral n'aura pas à mettre sur pied un processus d'examen des plaintes et de discipline qui n'existe pas actuellement. S'il devait le faire, cela représenterait des frais.

Nous allons maintenant parler de l'organisation de la loi. Il y a bien entendu des dispositions préliminaires. Les parties en jaune se rapportent aux fonctions de l'AATC, à sa structure, ses pouvoirs de réglementation, et cetera.

La troisième partie se rapporte aux brevets, aux permis, à l'assurance-responsabilité professionnelle et aux licences des entreprises. La quatrième partie concerne le pouvoir de prendre des règlements, les infractions et peines, les rapports et certaines dispositions générales. Enfin, nous avons les modifications corrélatives et les dispositions transitoires ainsi que l'entrée en vigueur.

Ce projet de loi va transférer la responsabilité de la Commission d'examinateurs du gouvernement fédéral à l'AATC qui deviendra une association professionnelle autonome, réglementée par le gouvernement fédéral. Elle réglementera la profession de la même façon que les associations provinciales ou les autres associations professionnelles comme celles des avocats, des ingénieurs, des architectes, et cetera. Cela alignera les arpenteurs des terres du Canada sur les membres des autres professions. Cette initiative va améliorer la réglementation de la profession et confier cette fonction à un organisme non gouvernemental.

M. Peter Hammond, conseiller juridique, Ressources naturelles Canada: M. O'Sullivan a parlé de la Commission d'examinateurs actuelle. Vous remarquerez que, dans le projet de loi C-31, nous avons apporté de nettes améliorations en ce qui concerne l'équité de la procédure et le processus de discipline et d'examen des plaintes. Dans l'ancienne loi, tout cela se retrouvait dans un seul et même article. La nouvelle loi propose d'aborder ces questions de façon détaillée et complète. Quand la loi a été promulguée dans les années 50, l'équité de la procédure et ce genre de questions ne nous préoccupait pas autant que maintenant compte tenu de la Charte des droits. C'est un domaine dans lequel nous estimons avoir apporté une amélioration importante.

Le président: Vous avez soulevé la question de l'équité de la procédure. Lorsque j'ai examiné le processus de plaintes pour établir quelles étaient les étapes à suivre, j'ai constaté des lacunes, car le projet de loi ne clarifie pas vraiment quels sont les droits de la personne contre qui une plainte a été logée. Elle dit seulement qu'à la première étape, vous n'avez pas droit à une audience. En fait, l'article 26 porte que le comité des plaintes n'est pas obligé de tenir une audience et je suppose donc qu'il examine le dossier pour voir si, à première vue, il y a lieu d'aller plus loin. Il n'y a pas d'obligation.

Néanmoins, à l'étape suivante, rien n'est précisé pour ce qui est des droits de l'accusé. Peut-il se faire assister d'un avocat? Y a-t-il une audience? L'alinéa 28a) indique que le comité de discipline «tranche, sous réserve de l'article 29, les questions de manquement professionnel...». Selon vous, qu'est-ce que cela signifie du point de vue de l'accusé?

M. Hammond: C'est le droit de savoir quelle est la plainte portée contre vous et le droit de répondre à ces allégations.

Le président: Pensez-vous que l'expression «tranche» confère à la personne contre qui une plainte est logée la possibilité de se faire assister d'un avocat, de se faire entendre ou de confronter son accusateur?

M. Hammond: Oui.

Le président: Cette opinion se fonde sur des bases juridiques?

M. Hammond: Oui. Lorsque nous avons fait examiner le projet de loi par les gens du ministère de la Justice, ils nous ont dit qu'en ce qui concerne l'équité de la procédure, le plus gros problème n'était pas le contenu de la loi comme telle, mais la façon dont le comité l'appliquerait. Même si vous décrivez dans tous les détails ce qu'il faut faire, quand un problème se pose, cela dépend généralement de la façon dont le comité tient son audience.

Le président: Par conséquent, vous estimez que l'expression «tranche» oblige le tribunal à respecter tous les principes de la justice naturelle, du point de vue de l'accusé? Telle est votre position?

M. Hammond: Oui.

Le sénateur Cochrane: Vous avez dit que cela représenterait des économies, pour le gouvernement je suppose. Pourriez-vous nous donner une idée du montant qui sera économisé? Avez-vous un chiffre estimatif?

M. O'Sullivan: Je n'en suis pas certain, mais je peux vous citer un chiffre. Je touche actuellement des honoraires de 5 000 $ pour mes responsabilités en tant que président de la Commission. Les quatre autres membres de la commissionreçoivent un montant équivalent. Il s'agit d'une commission de travail. Nous ne nous contentons pas de nous réunir. Nous procédons à des examens, par exemple. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises au cours de l'année dans diverses régions du pays. À ces coûts s'ajoutent les frais de déplacement, les frais de secrétariat et de gestion des dossiers. Jusqu'à récemment, l'administration était assurée par une personne dont le salaire s'élevait à environ 50 000 $.

La principale économie viendra du fait que le gouvernement fédéral n'aura pas à mettre des mécanismes en place pour l'examen des plaintes et les sanctions disciplinaires. Je n'ai pas chiffré ce que cela représente, mais il y a là deux comités qui auront des frais de déplacement étant donné que cet organisme se déplacera d'un bout à l'autre du pays. S'il faut mettre ces mécanismes en place et y nommer des représentants des diverses régions, cela risque d'être très coûteux. J'hésite à citer un chiffre, mais ce serait certainement plus que ceux que je vous ai mentionné, pour ce qui est du secrétariat de la commission.

Le sénateur Cochrane: Vous avez mentionné que l'association pourra enquêter sur les plaintes et imposer des sanctions, si nécessaire. Y a-t-il actuellement un mécanisme qui permette de le faire?

M. O'Sullivan: L'article 16 de la loi actuelle confère des pouvoirs tout à fait inadéquats à la Commission d'examinateurs. Par exemple, les seuls motifs que nous pouvons invoquer sont la corruption et la négligence grave. Ceux d'entre vous qui sont avocats comprendront que, dans le contexte des levés officiels, il est pratiquement impossible de prouver la négligence grave si vous vous en tenez à la définition juridique.

Par le passé, la Commission d'examinateurs a eu de la difficulté à imposer des sanctions disciplinaires. Je connais un cas où nous avons réussi à poursuivre un arpenteur, mais sans pouvoir imposer des sanctions disciplinaires.

Cette loi prévoit un processus beaucoup plus complet. Un arpenteur peut être déclaré coupable d'une faute professionnelle pour diverses raisons, que ce soit l'incompétence ou une infraction au code de déontologie ou toutes sortes de raisons y compris la fraude. C'est un processus beaucoup plus complet. D'autre part, il n'est pas nouveau. La plupart des autres associations professionnelles autonomes ont un comité de discipline où sont représentés des gens de l'extérieur. Le processus existe donc déjà.

Le sénateur Cochrane: C'est un organisme qui s'autoréglemente, n'est-ce pas? Je crois que le ministre exerce des pouvoirs au sein de cet organisme?

M. O'Sullivan: Oui, il s'autoréglemente et le ministre a le pouvoir ultime. Au cas où l'association ne s'acquitterait pas de ses principales obligations et objectifs, qui sont de protéger le public en ce qui concerne les levés officiels, le ministre a le pouvoir d'intervenir et d'assumer certaines des fonctions de l'association ou même la totalité. Il ne le ferait que dans des circonstances extrêmes s'il était évident que l'association ne s'acquitte pas de sa mission. Ce sont sans doute les membres de l'extérieur qui le signaleraient.

Le sénateur Adams: Les témoins ont-ils entendu parler du nouveau parc qui doit être aménagé pour la migration ou la mise bas des caribous dans la région d'Inuvaluit? On se pose des questions pour ce qui est de l'utilisation de ce parc pour la migration et la mise bas des caribous étant donné que ces terres recèlent peut-être également du pétrole et du gaz. Qui va décider de ce qu'il adviendra de ces terres? Comment le système fonctionne-t-il? Le gouvernement prend-il des décisions au nom de ces organismes?

M. O'Sullivan: Pour ce qui est de la politique d'établissement du parc, elle ne relève pas de mon bureau ou de l'AATC. C'est Parcs Canada qui en assume la principale responsabilité.

Quand viendra le temps de tracer les limites extérieures du parc, je voudrais y participer. Je confierais cette tâche aux membres de l'association, mais les questions de politique ne sont pas de mon ressort.

Le sénateur Adams: Et les concessions minières? Je sais que les relevés ont déjà eu lieu. Il est question d'exploiter à l'avenir des gisements d'or et de diamants. En attendant, des entreprises de l'Est et de l'Ouest cherchent à obtenir de nombreuses concessions dans ce secteur. Elles s'attendent à ce qu'il y ait une exploitation pétrolière ou gazière à l'avenir. Vont-elles devoir encore obtenir leur permis d'Ottawa ou l'obtiendront-elles sur place? Va-t-on leur accorder des concessions ou comment le système fonctionne-t-il maintenant?

M. O'Sullivan: Encore une fois, cela dépend de la réglementation minière des Territoires. Notre service et les membres de l'AATC s'occupent seulement de l'arpentage pour la location de ces terrains. Nous ne nous chargeons pas de la pose des jalons.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je dois déclarer encore une fois que je m'intéresse personnellement à ce projet de loi étant donné que mon grand-père, qui était un immigrant irlandais, est devenu arpenteur des terres du Dominion. J'ai fait des recherches poussées à son sujet et sur la profession.

L'article 43 est formulé de façon assez inquiétante en ce sens que le titulaire de permis et toute personne agissant sous sa direction «peuvent, afin d'exécuter un arpentage cadastral, pénétrer sur le terrain de qui que ce soit, le traverser et en mesurer les limites; ils prennent toutefois les précautions voulues pour éviter de causer quelque dommage en ce faisant.» L'arpenteur peut entrer sur le terrain en tout temps sans en avertir le propriétaire, le résident ou l'occupant. Est-ce exact?

M. O'Sullivan: C'est ce qui est dit et cela peut sembler draconien. Cette disposition se retrouve, par nécessité, dans toute loi canadienne concernant l'arpentage des terres. L'arpenteur est, en réalité, un agent de l'État. Il peut arpenter votre terrain, si c'est vous qui payez la facture, mais il est légalement tenu de respecter les droits de tous les propriétaires de terrains voisins étant donné que nous établissons où se trouvent les limites entre votre propriété et les immeubles adjacents. L'arpenteur le fait en toute objectivité.

Lorsqu'on arpente un terrain, il faut en situer les extrémités là où elles ont été établies au départ, ce qui oblige à examiner les arpentages précédents. Dans les secteurs où une bonne partie de la preuve a disparu, l'arpenteur peut être obligé d'aller assez loin pour rebâtir le plan d'origine, ce qui l'oblige à pénétrer ou à traverser la propriété de beaucoup de gens.

Nous cherchons à avertir les propriétaires que nous irons chez eux. Mais ce n'est pas toujours possible. Il ne faudrait pas qu'un propriétaire interdise à l'arpenteur de s'acquitter de ses fonctions, du rôle quasi judiciaire qu'il doit jouer. Voilà pourquoi cette disposition est nécessaire. Elle protège l'ensemble du public. L'arpenteur ayant des responsabilités d'agent de l'État, il doit pouvoir retracer les limites originales du terrain.

Le sénateur Buchanan: De quel article parlons-nous?

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous en sommes à la page 14, article 43. Un arpenteur peut-il pénétrer sur un terrain, y compris un terrain privé ou provincial, sans la permission du propriétaire?

M. O'Sullivan: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est très fréquent actuellement au Québec depuis la tempête de verglas. Hydro-Québec veut poser de nouvelles lignes et envoie des arpenteurs ce qui mécontente beaucoup les propriétaires. Les arpenteurs arrivent sans s'annoncer et commencent à poser des piquets.

M. O'Sullivan: Toutes les associations d'arpenteurs sont conscientes du problème. Elles savent que le public n'aime pas toujours voir un arpenteur se présenter sans s'annoncer. En principe, les arpenteurs doivent avertir le propriétaire qu'ils pénétreront sur son terrain. Néanmoins, il ne faut pas les placer dans une situation où ils se verraient interdire l'accès à ce terrain. Il peut contenir un élément de preuve. Pour faire un arpentage, il faut tenir compte des limites de toutes les propriétés voisines. Il est important que les arpenteurs puissent le faire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Un arpenteur peut-il défricher un terrain pour faire un arpentage plus précis, s'il y a des arbres, des buissons ou un mur dans son chemin?

M. O'Sullivan: C'est une question délicate. Cet article précise qu'il faut éviter de causer des dommages. Dans les régions boisées peu peuplées, l'arpenteur doit nécessairement couper à travers la végétation pour voir devant lui. Il le fait généralement avec l'accord du propriétaire. Cela ne pose pas de problème habituellement étant donné que c'est le propriétaire qui demande l'arpentage.

Dans les régions peuplées, cela pause davantage de problèmes. Bien souvent, vous verrez un arpenteur écarter un arbuste de sa ligne de mire de façon à ne pas couper quoi que ce soit. L'arpenteur est certainement responsable des dommages qu'il cause.

Le sénateur Buchanan: Y a-t-il un problème de champ de compétence lorsqu'un arpenteur fédéral pénètre sur un terrain privé dans la province sans le consentement du propriétaire?

M. O'Sullivan: Cela poserait un problème uniquement à la limite entre deux champs de compétence. Disons à la limite extérieure d'un parc national ou d'une réserve indienne si vous avez, d'un côté, des terres qui appartiennent à la province et de l'autre, des terres du Canada.

La loi précise qu'en pareil cas, si les droits sur les terres provinciales risquent d'être touchés, l'arpentage doit être effectué par un arpenteur des terres provinciales. Nous avons pour politique d'engager un arpenteur qui détient à la fois un brevet d'arpenteur des terres du Canada et, si c'est en Saskatchewan, un brevet d'arpenteur des terres de la Saskatchewan. L'arpenteur n'aura alors aucune difficulté à avoir accès au terrain en question, que ce soit en vertu de la loi provinciale ou de la loi fédérale.

Le sénateur Buchanan: L'arpenteur sera un arpenteur provincial selon la loi provinciale et un arpenteur fédéral aux termes de cette loi.

M. O'Sullivan: C'est exact.

Le sénateur Gustafson: Ce projet de loi s'applique-t-il aux terres et pâturages vendus par la Couronne dans le cadre de la Loi sur le rétablissement agricole des Prairies? Vous n'en faites pas mention ici. Il y a d'importantes superficies de terres, dans les Prairies, surtout en Saskatchewan, qui sont visées par cette loi. Est-ce la même chose pour les réserves?

M. O'Sullivan: À ma connaissance, ces terres ne sont pas incluses dans les terres du Canada. Il s'agit sans doute de terres provinciales. Je n'ai jamais vu d'allusions à ces terres dans la définition des terres du Canada ou dans la Loi sur l'arpentage des terres du Canada.

Le sénateur Gustafson: Je serais étonné que ces terres relèvent des provinces étant donné que le gouvernement fédéral administre les pâturages en vertu de la Loi sur le rétablissement agricole des Prairies. Je suppose qu'il y a, dans ces terres, de nombreux puits de pétrole qui relèvent du gouvernement fédéral et auxquels cette loi s'appliquerait probablement, ce qui soulève un tas de questions.

M. O'Sullivan: À ma connaissance, ce n'est pas inclus dans les terres du Canada. Cela ne figure certainement pas dans la définition des terres du Canada.

Le sénateur Gustafson: Cela m'étonne.

Le sénateur Lynch-Staunton: Resterez-vous assujettis à la Loi sur les langues officielles avec la nouvelle loi?

M. O'Sullivan: Cet organisme ne sera pas un organisme gouvernemental comme tel, mais en ce qui nous concerne mon bureau et moi-même, nous resterons assujettis aux dispositions de la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pour le moment, la Loi sur les langues officielles s'applique au ministère et aux arpenteurs des terres du Canada.

M. O'Sullivan: Elle s'applique seulement aux arpenteurs à l'emploi du gouvernement fédéral. L'AATC sera une association professionnelle autonome.

Le sénateur Lynch-Staunton: Elle devra se soumettre à certaines obligations. Maintenant que le gouvernement privatise ses services, nous constatons que les obligations de la Loi sur les langues officielles ne sont pas toujours maintenues. Je me demande si quelqu'un du gouvernement pourrait nous en expliquer la raison?

Je ne veux pas me vanter, mais lorsque nous avons transféré la gestion des aéroports aux administrations aéroportuaires locales, nous avons veillé à ce que les dispositions pertinentes de la Loi sur les langues officielles continuent de s'appliquer à l'administration aéroportuaire afin de ne pas défavoriser les employés actuels et futurs.

Il y a eu, l'autre jour, un débat à la Chambre des communes au cours duquel un amendement a été proposé à la dernière minute pour que certaines dispositions de la Loi sur les langues officielles s'appliquent à la nouvelle organisation de Parcs Canada. Je n'ai rien trouvé dans cette loi qui permette de maintenir ces obligations. C'est une lacune qu'il faudrait examiner. J'espère que cet oubli n'est pas délibéré.

M. O'Sullivan: La question n'a pas été soulevée. Les levés qui sont actuellement effectués sur les terres du Canada sont confiés, à 99 p. 100, à des arpenteurs du secteur privé, sur une base contractuelle. Tous les arpenteurs des terres du Canada qui font partie de mon personnel sont donc certainement assujettis aux dispositions de la Loi sur les langues officielles. Mais quand il s'agit de faire exécuter le travail, rien n'oblige les arpenteurs du secteur privé à répondre aux exigences de cette loi. Une fois que les arpenteurs auront leur association autonome, la situation restera la même.

Le sénateur Lynch-Staunton: Combien y a-t-il d'arpenteurs au gouvernement à l'heure actuelle? Combien d'entre eux peuvent-ils être vraiment considérés comme des employés du gouvernement?

M. O'Sullivan: Il y en a une cinquantaine.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ont-ils subi l'examen des Langues officielles?

M. O'Sullivan: Dans les régions du Canada où c'est une exigence, à Ottawa, par exemple, et à notre bureau du Québec, certainement. Mais pas en Alberta ou en Colombie-Britannique.

Le sénateur Lynch-Staunton: La nouvelle association devra-t-elle faire subir des examens aux termes de la Loi sur les langues officielles pour recruter de nouveaux arpenteurs?

M. O'Sullivan: Elle ne recrute pas d'arpenteurs. C'est le gouvernement fédéral qui continuera d'attribuer les contrats d'arpentage, par exemple dans le cadre des revendications territoriales.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez dit qu'il y avait actuellement une cinquantaine d'employés du gouvernement qui seront transférés dans la nouvelle association?

M. O'Sullivan: Non, ils continueront de travailler pour moi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ils resteront au gouvernement?

M. O'Sullivan: Oui, et ils seront assujettis à la loi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je soulève peut-être un problème qui n'existe pas?

M. O'Sullivan: Cette loi ne va rien changer.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je pensais que le personnel serait transféré en même temps que l'association serait créée.

M. O'Sullivan: Non. Je suis probablement la seule personne qui a été transférée. Au lieu d'être le président de la Commission d'examinateurs, je vais désormais siéger au conseil. C'est la seule différence.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela me rassure.

Le sénateur Buchanan: Je remarque que les terres du Canada comprennent les zones au large des côtes. En 1982, nous avons négocié et signé un accord fédéral-provincial, l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. Il a été révisé et un nouvel accord a été signé en 1986. Ces deux ententes ont été inscrites dans la législation de la Nouvelle-Écosse et du Canada.

La compétence à l'égard de la zone contestée au large de la Nouvelle-Écosse a été déterminée non pas par un tribunal, mais par une entente. Cette entente a notamment mis sur pied la commissionextra-côtière Canada-Nouvelle-Écosse qui est chargée d'administrer cette zone. Une Commission Canada-Terre-Neuve a également été établie aux termes d'un autre accord. Qui a compétence ici?

M. O'Sullivan: Nous ne nous intéressons pas aux questions de politique. Nous savons qu'il y a un conflit en ce qui concerne la propriété des ressources extra-côtières. C'est un problème fédéral-provincial en dehors du champ de compétence des arpenteurs qui sont seulement chargés de s'occuper des droits de propriété dans les zones au large des côtes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le travail que nous faisons ici n'a pas été fait à la Chambre des communes. Ce projet de loi a été adopté à toute vapeur, un après-midi, avec le consentement de tous les partis, et les députés étaient si peu nombreux à la Chambre qu'ils ont dû demander le quorum. Il n'y avait aucun représentant du gouvernement et l'opposition s'en est plaint. Je voulais simplement le souligner. Ceux qui nous reprochent de ne pas faire notre travail, devraient se regarder dans le miroir. C'était plutôt pathétique. On peut dire qu'il s'agit d'un projet de loi non controversé, mais chaque projet de loi est important et devrait être examiné attentivement. Nous faisons le travail qui aurait dû être accompli à l'autre endroit et nous le faisons bien. Je tenais à ce que ce soit dit.

Le sénateur Buchanan: Le conflit dont parlent les médias au sujet des bateaux qui enregistrent l'activité sismique au large des côtes, qu'ils soient étrangers ou canadiens, entre-t-il dans votre champ de compétence?

M. O'Sullivan: Non.

Le président: Je voudrais explorer l'article 44 qui, selon moi, confère des pouvoirs exceptionnels à un arpenteur. Si j'ai bien compris, l'un des 450 titulaires de permis d'arpenteurs du pays qui ne peut pas obtenir de renseignements d'une personne peut demander à un juge de paix de citer cette personne à comparaître. Si l'intéressé comparaît, le titulaire de permis peut jouer le rôle de tribunal afin d'obtenir les renseignements voulus. Si l'intéressé ne comparaît pas, le titulaire de permis peut obtenir un mandat contre lui.

À ma connaissance, c'est le seul cas où quelqu'un qui n'a pas une formation juridique a le pouvoir d'interroger et d'examiner un témoin. Il suffit à un arpenteur d'en faire la demande à un juge de paix pour obtenir ces pouvoirs extraordinaires.

J'ai examiné la législation afin de vérifier si ces pouvoirs existent ailleurs au Canada. En Nouvelle-Écosse, l'arpenteur ne s'adresse pas à un juge de paix, mais à un juge. S'il désire se livrer à un examen, il le fait devant un juge. Ici, l'examen peut être fait au milieu des bois. Un arpenteur qui n'a aucune formation juridique peut citer un pauvre diable à comparaître et le soumettre à une inquisition. Je voudrais savoir ce que vous pensez de ces pouvoirs qui me paraissent extraordinaires.

M. O'Sullivan: Tout d'abord, les arpenteurs officiels reçoivent une formation pour ce qui est de la collecte et de l'examen de la preuve. Ce n'est pas une situation unique. Je ne connais pas la situation dont vous parlez en Nouvelle-Écosse. Je sais ce qu'il en est dans plusieurs autres provinces où la législation provinciale confère à l'arpenteur le droit de recevoir un témoignage sous serment.

C'est nécessaire parce qu'il existe diverses formes de preuves quant aux limites d'un terrain. Par exemple, une personne âgée qui a vu l'emplacement original d'une borne et qui sait qu'elle se trouvait exactement à 2 pouces de ce rocher, peut fournir un témoignage essentiel pour situer les limites. Il faut recueillir ce témoignage. Il entre dans les fonctions de l'arpenteur de recueillir tous les renseignements disponibles quant à la position d'une borne étant donné qu'il a l'obligation de replacer cette borne là où elle était au départ, et non pas où les mesures indiquent qu'elle se trouve.

Il s'agit de recueillir les meilleures preuves. On peut le faire verbalement en questionnant les personnes qui ont vu la borne originale ou qui savent où elle se trouvait. C'est pourquoi les arpenteurs ont le pouvoir de recevoir des déclarations sous serment. C'est une disposition essentielle pour pouvoir bien délimiter les terrains afin que nous puissions vivre en paix les uns avec les autres. Il est nécessaire que les arpenteurs puissent replacer les limites là où elles étaient.

Le président: Je pourrais avoir des raisons de ne pas vouloir dire ce qu'il en est à l'arpenteur ou, si je le fais, je pourrais vouloir bénéficier des privilèges que m'accorderait un tribunal.

Je ne vois pas d'inconvénient à ce que l'enquêteur cherche à obtenir ces renseignements, mais selon moi, tel est le rôle de nos tribunaux. Je ne voudrais pas être interrogé par quelqu'un qui n'est pas un juriste et qui me dirait en agitant sa citation à comparaître: «Répondez à mes questions».

Je ne connais aucune autre loi qui accorde de tels pouvoirs. Pourriez-vous me citer d'autres professions en exemple? Les avocats n'ont pas ces pouvoirs. S'ils ne les ont pas, personne ne devrait les avoir.

M. O'Sullivan: Je ne suis pas d'accord avec vous. Les arpenteurs ont un rôle unique à jouer dans la société. C'est un rôle quasi judiciaire, le rôle d'agent de l'État. Cette disposition donne de bons résultats au Canada depuis plus de 200 ans. Je ne pense vraiment pas qu'il y ait eu de plaintes. Cette loi n'a sans doute pas été appliquée très souvent, mais étant donné le travail qu'ils doivent faire, les arpenteurs ont besoin de ce genre de pouvoir.

Le président: Dans la loi de la Nouvelle-Écosse, il est dit que le témoignage reçu par le juge de la cour de comté doit être transcrit selon les instructions de ce dernier et une fois certifié conforme par le témoin, il sera considéré comme la déposition originale. Toute la procédure est conforme aux règles de la procédure judiciaire étant donné que les droits d'une personne sont en jeu. Ne pensez-vous pas que ce serait une meilleure façon de procéder?

M. O'Sullivan: J'ai vu bien des cas où il ne serait sans doute pas très pratique pour l'arpenteur de traîner quelqu'un devant le tribunal, surtout dans les régions rurales. Cela veut dire seulement qu'une des fonctions de l'arpenteur consiste à recueillir tous ces témoignages et que, pour cela, il doit parler au propriétaire. Cela veut dire qu'il peut recevoir ces témoignages sous serment.

Le sénateur Buchanan: Ces modifications à la loi, aussi progressiste soit-elle, ont été adoptées entre 1977 et 1990.

Le président: Le chapitre 249 est l'un de vos favoris.

Le sénateur Buchanan: Nous l'avons adopté.

Le président: La procédure que prévoit le projet de loi est-elle là pour des raisons pratiques?

M. O'Sullivan: C'est plus que pour des raisons pratiques. Il s'agit d'obtenir sous serment un témoignage quant à l'emplacement d'une borne ce qui donne certainement plus de poids à ce témoignage que si l'arpenteur se contentait d'un renseignement verbal.

Le président: Le titulaire de permis reçoit-il le témoignage sous serment, monsieur Hammond? Lorsqu'il va voir, la citation en main, le pauvre propriétaire en lui disant: «Vous devez me parler» est-ce sous serment? Prend-il sa déposition? Y a-t-il une transcription du témoignage que reçoit le titulaire de permis?

M. Hammond: L'article 45 peut nous aider ici. Il y est dit: «Tout élément de preuve produit à l'audition dans le cadre de l'article 44 est consigné par écrit et lu au témoin qui en est l'auteur et attesté par affirmation de celui-ci et du titulaire de permis». Il obtient donc le consentement de l'intéressé.

Le sénateur Lynch-Staunton: À l'alinéa 44c) il est dit: «assermenter toute personne invitée ou astreinte à comparaître devant lui et recevoir son témoignage». Est-ce ce que vous demandez?

Le président: Oui. J'essaie de comprendre quelle est la procédure suivie. Pourriez-vous l'expliquer? J'ai reçu une citation à comparaître; qu'arrive-t-il ensuite?

M. Hammond: La personne se présentera devant moi, me dira ce qu'elle aura à me dire après quoi je le demanderai: «Jurez-vous que ce que vous venez de dire est vrai?» ou «Affirmez-vous que ce qui est écrit ici est vrai?» L'intéressé répondra oui ou non et signera, sous serment.

Le président: Sans vouloir offenser les arpenteurs, vont-ils faire écrire la déclaration sous serment par le propriétaire ou vont-ils le faire eux-mêmes? Il n'y aura pas de sténographe de tribunal. Comment procédez-vous?

M. Hammond: Les deux parties l'indiqueront par écrit et signeront.

Le président: Je refuse de le faire. J'ai été cité à comparaître; j'ai comparu à mon corps défendant. Je suis là. Que se passe-t-il? Je ne veux rien affirmer par écrit.

M. Hammond: L'étape suivante consiste à demander un mandat et, si le juge de paix estime qu'un mandat n'est pas justifié, il ne sera pas émis.

Le président: Ne serait-il pas préférable de suivre l'exemple de la Nouvelle-Écosse et de recevoir le témoignage dans les règles? Si une personne refuse, elle doit avoir de bonnes raisons. Cela ne doit pas se produire souvent, mais si la situation est aussi tendue ne serait-il pas préférable de suivre l'exemple de la Nouvelle-Écosse au lieu de faire la justice comme du temps du Far-West, ce qui semble être le cas ici?

M. O'Sullivan: Ce n'est pas faire la justice comme du temps du Far-West. Cette façon de procéder a donné de bons résultats pendant des siècles. Je ne pense pas qu'il y ait eu d'abus ou de plaintes. La plupart des propriétaires tiennent à présenter ces preuves et généralement ils ont intérêt à indiquer quelles sont les limites de leur propriété. Je suis certain qu'ils ont tout intérêt à ce que les choses soient faites comme il faut. Il est important que leur témoignage ne soit pas un simple ouï-dire et soit présenté sous serment.

Au cours de ma carrière, qui a débuté il y a bien longtemps, je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui ait opposé un refus ou qui n'ait pas voulu fournir de renseignements. C'est très rare.

Le président: Je le comprends, mais il y a quand même un long article dans ce projet de loi qui s'applique à ces circonstances exceptionnelles. Si c'est exceptionnel, il faudrait régler cela devant les tribunaux.

M. O'Sullivan: Comme je l'ai dit, l'arpenteur joue un rôle quasi judiciaire pour ce qui est d'établir la preuve pour l'établissement des limites. Je pense à certaines situations où dans le Nord, par exemple, l'arpenteur se trouve à un endroit isolé où il coûterait très cher de faire venir quelqu'un jusqu'à la localité la plus proche ou l'endroit où vous pouvez trouver un juge, un juge de paix ou la personne qui devra recevoir ce témoignage. Il pourrait être déraisonnable de demander à un arpenteur de suivre toute cette procédure.

L'arpenteur a reçu une formation pour recevoir les témoignages. Je me souviens de la formation que j'ai reçue sur la façon de recevoir des témoignages sous serment. Je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un avait refusé.

Le président: Dans ce cas, cet article n'est pas nécessaire. Si c'est le cas, pourquoi avoir cet article?

M. O'Sullivan: L'article est là pour que nous soyons certains que l'arpenteur pourra recueillir les renseignements nécessaires.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quel genre de renseignements quelqu'un refuserait-il de donner? À quoi cela servirait-il?

M. O'Sullivan: Je n'en vois pas l'utilité sauf en cas de contestation quant aux limites de la propriété, si l'intéressé pense qu'il a intérêt à garder certains renseignements pour lui.

Le sénateur Lynch-Staunton: S'il empiète sur le terrain de quelqu'un d'autre et ne veut pas que cela se sache, comme cela se produit assez fréquemment.

M. O'Sullivan: Cela peut certainement se produire. Il existe des mécanismes pour régler ces différends, mais un arpenteur veut certainement établir la vérité. Je ne crois pas qu'il faille accorder de droits à quelqu'un qui refuse d'indiquer le véritable emplacement d'une borne.

Le président: Qu'arriverait-il si cet article n'était pas dans la loi? Quelle est la situation actuelle? Je suppose que la législation actuelle n'aborde pas cette question.

M. O'Sullivan: Si, dans la Loi sur l'arpentage des terres du Canada.

Le président: Il y a un article identique à celui-ci?

M. Hammond: L'article 20.

Le président: Je suppose qu'à l'époque le comité sénatorial ne se souciait pas autant que nous des droits de la personne.

Le sénateur Buchanan: Je me réjouis que vous ayez soulevé cette question. Je n'avais pas lu l'article 44. Dites-vous que le paragraphe 44(5) n'a pas été contesté?

M. O'Sullivan: Non.

Le sénateur Buchanan: Qu'arriverait-il, selon vous, si quelqu'un le contestait en disant qu'il est ultra vires? Autrement dit, qu'est-ce qui autorise le gouvernement fédéral à accorder à un arpenteur des terres fédérales, au titulaire d'un permis fédéral, le pouvoir de citer à comparaître le propriétaire d'un terrain privé?

M. O'Sullivan: Vous n'avez que des terrains privés dans les territoires où la Couronne a cédé des terrains. Cette loi s'applique aux terres de la Couronne. Elle s'applique également aux terrains privés des territoires où s'étend le champ de compétence du gouvernement.

Le sénateur Buchanan: Il s'étend aux terrains privés?

M. O'Sullivan: Dans les territoires.

Le sénateur Buchanan: Par exemple, le parc national Cape Breton Highlands est fédéral. Les arpenteurs, les titulaires de permis, travaillent dans le parc. Le titulaire d'un permis fédéral qui veut obtenir des renseignements d'un propriétaire résidant à l'extérieur des limites du parc dira: «Si vous ne me donnez pas ces renseignements, je vais vous citer à comparaître». Quelqu'un fera valoir que rien ne peut l'obliger légalement à fournir ce témoignage.

M. O'Sullivan: Tout d'abord, l'arpenteur qui ferait ce travail aurait deux permis. S'il procède à l'arpentage en vertu de la Loi sur l'arpentage des terres du Canada, cette loi contient une disposition semblable qui lui permet de recevoir des témoignages au sujet des bornes en question.

Je ne vois pas ce qu'il y aurait d'ultra vires à ce qu'il recueille des témoignages au sujet de ces bornes. S'il s'agit d'un terrain situé à l'extérieur, du côté provincial, l'arpenteur des terres provinciales qui se servira alors de son permis provincial, sera assujetti aux lois de la province.

Le sénateur Buchanan: Il faudra alors suivre non pas cette procédure, mais celle que prévoit la loi provinciale.

M. O'Sullivan: Oui, si c'est pour vérifier une borne qui ne se trouve pas sur la ligne de démarcation entre les terres provinciales et les terres fédérales. Si elle se trouve du côté provincial, l'arpenteur sera assujetti à la législation provinciale.

Le sénateur Buchanan: Cet article ne s'appliquera pas du tout.

M. O'Sullivan: Il s'applique à la limite, mais pas du côté provincial.

Le sénateur Buchanan: Si l'arpenteur veut obtenir un témoignage du côté provincial, il doit le faire aux termes de la loi de la Nouvelle-Écosse.

M. O'Sullivan: C'est exact.

Le sénateur Gustafson: Je m'intéresse à la question à la suite d'un article publié dans The Western Producer indiquant que dans les pâturages loués pour 99 ans ou quelle que soit la période, les agriculteurs ne sont plus propriétaires des droits de surface sur les puits de pétrole.

Selon moi, cela pose un problème pour les réserves indiennes, par exemple le parc national Grasslands qui couvre une vaste superficie. Les droits de surface et les droits miniers sont des questions importantes pour les Prairies, surtout en Saskatchewan où chaque section de terre appartenait à la Couronne tandis que le reste appartenait aux agriculteurs.

Maintenant, selon cet article, un changement important va être apporté. Ce projet de loi va-t-il s'y appliquer et pourquoi la Loi sur le rétablissement agricole des Prairies n'en fait-elle pas partie? Nous avons dans la région des pâturages où il y a un certain nombre de puits de pétrole. Comment le projet de loi s'y applique-t-il?

Pour ce qui est des réserves, par exemple, dans la municipalité de Corning, lorsque les revendications territoriales ont été réglées avec la réserve de White Bear, 10 p. 100 des terres municipales ont été prises pour la réserve. Est-ce la bande qui reçoit la rémunération sur les terres ou est-ce totalement sous le contrôle du gouvernement fédéral? Comment est-ce organisé?

M. O'Sullivan: C'est une chose dont nous ne nous occupons absolument pas. Ce projet de loi ne s'applique pas à ce genre de chose. Il y est uniquement question des arpenteurs des terres du Canada, de leurs attributions et de leurs pouvoirs, des restrictions, etc. Les questions dont vous parlez relèvent peut-être des dispositions concernant le pétrole et le gaz des terres indiennes. Il se peut que nous arpentions ces terrains, mais nous n'avons rien à voir avec les questions de politique qui s'y rattachent.

Le sénateur Gustafson: Qui procède à l'arpentage?

M. O'Sullivan: C'est nous.

Le sénateur Gustafson: La réserve White Bear englobe une vaste superficie de terres agricoles qui est louée en majeure partie aux agriculteurs locaux. Certains membres de la réserve les cultivent eux-mêmes. Quelqu'un doit obtenir une permission pour traverser les champs de blé avec un tracteur à quatre roues. Ce sont des choses qui posent parfois de sérieux problèmes dans notre région.

M. O'Sullivan: Les questions dont vous parlez relèvent d'autres organismes fédéraux, mais il ne s'agit pas de terres du Canada comme telles, sauf pour ce qui est des réserves. Il y a la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes et les règlements d'application. Nous nous occupons seulement de l'arpentage.

Le sénateur Gustafson: Pourriez-vous vérifier pour ce qui est de la région visée par la Loi sur le rétablissement agricole des Prairies?

M. O'Sullivan: Je suis certain que ce sont des terres fédérales, mais pas des terres du Canada. Il y a d'autres propriétés fédérales telles que les bureaux de poste ou, par exemple, le terrain sur lequel se trouvent ces immeubles, mais ce ne sont pas des terres du Canada. Même si les propriétés appartiennent au gouvernement fédéral, ce n'est pas sous cette forme.

Le sénateur Buchanan: L'Ile de Sable en est un exemple. Elle fait partie de la Nouvelle-Écosse, mais ses terrains appartiennent au gouvernement fédéral en fief simple. L'île comme telle fait partie de la Nouvelle-Écosse.

M. O'Sullivan: Ce ne sont pas des terres du Canada, en effet.

Le sénateur Butts: Cette loi vise à assurer une formation permanente. La formation des arpenteurs relève-t-elle actuellement des provinces?

M. O'Sullivan: Non. Tout d'abord, les exigences de chacune des lois provinciales en ce qui concerne les arpenteurs sont généralement uniformes d'un bout à l'autre du pays. Il faut faire au moins quatre années d'études universitaires. Dans la plupart des provinces, il faut également une période de stage, de deux ans environ, pendant laquelle vous travaillez dans la province en question. Chaque province a ses propres exigences, mais elles sont maintenant pratiquement uniformes d'un bout à l'autre du Canada.

Le sénateur Butts: Qui va assurer cette formation continue?

M. O'Sullivan: La formation revêt de nombreuses formes. Il peut s'agir de cours donnés par les universités d'autres régions. La profession évolue, comme la technologie, et pour se tenir à jour l'arpenteur professionnel doit poursuivre sa formation tout au long de sa carrière. Il peut le faire en assistant à des colloques ou à des conférences ou de plusieurs autres façons.

Le sénateur Butts: Est-ce que ce serait obligatoire pour conserver son permis?

M. O'Sullivan: Selon cette loi, ce n'est pas obligatoire, mais cela permet à l'association de rendre la formation continue obligatoire si elle le désire. Il semble que ce soit la tendance à l'heure actuelle. De plus en plus, les associations rendent ces programmes obligatoires.

Le sénateur Buchanan: Où l'école de Lawrencetown se situe-t-elle dans votre formation?

M. O'Sullivan: Il s'agit du College of Geographical Sciences, COGS. Nous avons un certain nombre de technologues qui sont diplômés du COGS. Ils obtiennent des crédits en vue de répondre aux exigences universitaires requises pour devenir arpenteurs. Ils doivent ensuite suivre des cours supplémentaires.

Vous devez faire quatre ans d'études universitaires, obtenir un diplôme en géomatique, par exemple, ou l'équivalent et vous pouvez avoir à subir certains de nos examens qui sont de niveau universitaire. Un cours uniforme a été adopté par l'ensemble du Canada.

Le sénateur Buchanan: L'école de Lawrencetown est considérée comme l'une des meilleures au Canada, n'est-ce pas?

M. O'Sullivan: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est en Nouvelle-Écosse?

Le sénateur Buchanan: Oui, j'ai inauguré son agrandissement.

Le sénateur Gustafson: Je voudrais poser une question en ce qui concerne le droit d'être arpenteur. Que faites-vous des gens qui n'ont que huit années de scolarité, mais qui en savent plus que... il est souvent arrivé que des gens du secteur pétrolier en sachent plus sur l'arpentage que n'importe qui. Un titulaire de diplôme universitaire n'aura peut-être pas la moindre idée de ce qui se passe. Certains des gens les plus compétents ont tout appris sur le terrain. Qu'adviendra-t-il d'eux? Obtiendront-ils la sécurité d'emploi?

M. O'Sullivan: À l'heure actuelle, ils n'ont pas droit à un permis officiel. La loi ne changera rien à leur situation. Je suppose que c'est la même chose dans toutes les professions où vous avez des gens qui sont expérimentés dans divers domaines. Mais cela ne leur confère pas le droit de porter le titre d'arpenteur, d'avocat, et cetera.

Si vous confiez à ce genre de personnes les pouvoirs que prévoit cette loi, le comité ne serait sans doute pas d'accord. Je veux parler, par exemple, du droit de traverser une propriété sans avoir les qualifications nécessaires.

Le sénateur Gustafson: Autrement dit, ces personnes perdront toutes leur emploi?

M. O'Sullivan: Non, elles n'obtiendront pas de droits qu'elles n'ont pas déjà. Elles conserveront tous les droits qu'elles possèdent maintenant.

Le sénateur Gustafson: Mais elles n'obtiendront pas d'avancement?

Le sénateur Buchanan: Vous avez soulevé l'article 44. «... le titulaire du permis qui exécute un arpentage cadastral peut, s'il a des motifs raisonnables de croire...». En droit, les «motifs raisonnables» ne signifient pas grand-chose.

Disons que l'on fasse l'arpentage des terres fédérales dans le parc national Cape Breton Highlands et que quelqu'un dise: «John O'Sullivan, de Halifax, a tous les renseignements à ce sujet». L'arpenteur contactera alors John O'Sullivan, mais ce dernier refusera de lui parler. L'enquêteur demandera alors une citation à comparaître à un juge de paix. Le juge de paix pourra-t-il obliger quelqu'un de Halifax, de Sydney ou d'ailleurs à comparaître devant ce titulaire de permis à Antigonish?

M. O'Sullivan: Selon moi, l'arpenteur doit convaincre le juge de paix que cette personne possède des renseignements essentiels pour déterminer où se trouve la borne en question. Le juge de paix établira s'il y a lieu ou non d'émettre la citation.

Le sénateur Buchanan: C'est le juge de paix qui décide, mais le titulaire du permis a-t-il même le droit de lui demander d'obliger quelqu'un qui réside en dehors de la région à venir témoigner? J'ai l'impression que c'est en dehors de la compétence du gouvernement fédéral.

M. O'Sullivan: L'arpenteur doit être lui-même convaincu que cette personne possède des renseignements d'une importance cruciale. Il doit ensuite en convaincre un juge de paix avant que la citation de comparaître ne soit émise.

Le président: J'ai l'impression que, selon vous, cette disposition pose des difficultés. Les avocats ne pensent pas que vous devriez avoir plus de pouvoirs qu'eux. Nous vous remercions infiniment d'être venus aujourd'hui. Nous apprécions votre témoignage.

Je suggère que quelqu'un propose une motion pour que le projet de loi C-31, Loi concernant les arpenteurs des terres du Canada, soit adoptée sans amendement. Quelqu'un peut-il proposer que nous fassions rapport au Sénat du troisième rapport du comité?

Le sénateur Spivak: Je propose la motion.

Le président: Le sénateur Fitzpatrick appuie la motion. Voulez-vous en débattre?

Le sénateur Buchanan: Devrions-nous envisager d'apporter un amendement?

Le président: Vous pouvez en discuter si cela vous semble nécessaire.

Le sénateur Buchanan: Je ne pense pas que John O'Sullivan devrait être obligé de comparaître simplement parce que son cousin d'Ottawa pense qu'il devrait le faire.

Le président: Voulez-vous poursuivre la discussion? Nous avons un vote. Tous ceux qui sont pour? Ceux qui sont contre? Merci. Nous allons en faire rapport.

La séance est levée.


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