Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 11 - Témoignages pour la séance du matin
OTTAWA, le mercredi 7 octobre 1998
[Traduction]
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a été saisi de l'étude du projet de loi C-29, loi portant création de l'Agence Parcs Canada et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, se réunit ce jour à 9 h 05 pour étudier ledit projet de loi.
Le sénateur Nicholas W. Taylor (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président: Honorables collègues, je déclare la séance ouverte. Notre premier témoin d'aujourd'hui est le maire de la Ville de Banff, Ted Hart.
Bienvenue. Voulez-vous commencer votre exposé?
M. Ted Hart, maire, ville de Banff: Monsieur le président, honorables sénateurs, mesdames et messieurs, je vous remercie. Je suis heureux de me trouver ici. La dernière fois que j'ai rencontré ce comité, c'était à Banff il y a environ 18 mois, à l'occasion de votre tournée d'information des Parcs nationaux dont celui de Banff, à l'époque de l'étude Bow Valley. Dans une certaine mesure, une grande partie de ce dont il est question aujourd'hui est directement liée à tout cela.
Honorables sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous présenter mon pedigree.
J'ai obtenu une maîtrise en histoire de l'Ouest canadien à l'Université de l'Alberta en 1971 et, l'année suivante, j'étais employé comme archiviste au Whyte Museum of the Canadian Rockies, à Banff. J'y suis toujours d'ailleurs; j'en ai été le directeur pendant 16 ans et, plus récemment, j'ai été nommé directeur général de la fondation Peter and Catharine Whyte qui exploite le musée. Pendant mes quelque 27 années au musée, j'ai consacré l'essentiel de mes activités à recueillir, préserver, rechercher et organiser des données historiques et patrimoniales sur les Rocheuses canadiennes pour les mettre à la disposition du public. J'ai publié huit ouvrages sur l'histoire de Banff et du Parc national de Banff. On dit de moi que je suis l'un des plus grands spécialistes actuels de l'histoire et de la culture de cette région.
Par ailleurs, depuis plus de 20 ans, j'oeuvre au sein de ma collectivité en qualité de bénévole et d'élu. J'ai notamment servi au conseil scolaire local et j'ai été président de la Banff Community Society, organisme qui, dans les années 80, a négocié avec le gouvernement du Canada et le gouvernement de l'Alberta la constitution de 1990 qui a fait de Banff la première ville du monde se trouvant dans un parc national. De 1990 à 1992, j'ai été conseiller municipal de Banff et je suis maire depuis 1995.
Je suis en mesure d'affirmer que toute cette époque a été fort intéressante et qu'elle a été porteuse d'un des plus importants changements pour Banff et pour le réseau des parcs canadiens. J'ajouterai qu'elle a été fort instructive en ce qui me concerne.
Je crois pouvoir affirmer que mon bagage dans le domaine de l'histoire des parcs et de la politique des parcs me donne un point de vue tout à fait unique sur le dossier dont vous êtes saisis aujourd'hui, soit le projet de loi C-29 portant création de l'Agence canadienne des parcs. Je débuterai par quelques remarques d'ordre général sur l'actuel réseau des parcs canadiens et sur ce projet de loi, après quoi je formulerai des remarques plus précises sur les propositions contenues dans ce texte.
Tout d'abord, je dirais que la mesure proposée de création de cette agence renferme certains éléments intéressants, surtout dans le domaine du financement, puisque la loi donne un certain nombre de nouveaux pouvoirs financiers à cet organisme.
Il est notamment question de confier à l'Agence un budget d'exploitation de deux ans et de lui permettre de reporter à l'exercice suivant la partie non utilisée de l'enveloppe; on y confirme qu'elle aura le pouvoir de réinvestir la totalité de ses recettes et l'on annonce l'établissement d'un compte de crédit permanent alimenté par des crédits parlementaires, par le produit des ventes des propriétés excédentaires ainsi que par des dons. L'autre bonne chose est l'engagement de consulter le public tous les deux ans, ce qui permettra aux Canadiennes et aux Canadiens de faire connaître leur point de vue sur les programmes et sur l'orientation de la direction. Toutefois, il aurait été possible de réaliser facilement ces deux objectifs en modifiant la loi actuelle et sans pour autant créer une agence -- aspect dont je vais tout de suite vous entretenir.
En ce qui concerne la création de l'agence, je suis surtout préoccupé par le fait qu'on la décrit dans la documentation d'information comme étant une «société ministérielle». C'est là une formule tout à fait expérimentale dans notre système d'administration publique et je ne crois pas que le gouvernement devrait se livrer à ce genre d'exercice avec l'un des actifs les plus précieux du Canada, je veux parler du patrimoine naturel et humain de notre pays représenté par le réseau des parcs nationaux.
L'idée même que notre réseau de parcs puisse être administré comme une entreprise privée m'est insupportable. Le projet de loi et les documents d'accompagnement se veulent très positifs et rassurant, mais ils masquent la crise sous-jacente que connaissent nos parcs nationaux. Cette crise est due en grande partie à un sous-financement chronique des ressources dont le réseau a besoin pour réaliser les nobles objectifs décrits dans le projet de loi, et je crains que le statut d'agence ne fasse qu'aggraver ce problème.
Le premier paragraphe du document d'information sur l'établissement de Agence canadienne des parcs stipule que la souplesse et les pouvoirs conférés par la loi ont pour objet d'aider l'Agence à offrir ses services avec des budgets considérablement réduits. Pour moi, cet énoncé indique que la situation ne peut qu'empirer pour notre réseau de parcs.
Dans le passé, les parcs sont toujours arrivés en queue de peloton pour les crédits parlementaires. Les générations d'administrateurs et d'employés dévoués qui se sont succédé aux parcs ont essayé de s'accommoder des miettes qu'on leur laissait tout en tentant de convaincre leur maître politique qu'il leur fallait davantage de ressources, et des ressources de meilleure qualité, pour réaliser leurs objectifs.
Au cours de toutes ces années, Parcs Canada et les organismes qui l'ont précédé ont toujours fait partie d'un ministère fédéral et l'on peut affirmer qu'ils ont été ballottés d'un bord à l'autre, passant récemment du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord à celui des Ressources naturelles, à Environnement Canada, puis au Patrimoine canadien. Cela étant, Parcs Canada a toujours fait partie du processus budgétaire et de reddition de comptes, ce qui me semble devoir disparaître avec le nouveau statut d'agence. Cette agence semble n'être qu'une autre étape présidant au déclin des parcs nationaux et je crains qu'il devienne plus difficile pour les parcs d'accéder aux ressources nécessaires dont j'ai parlé plus tôt.
Dans les documents d'accompagnement du projet de loi, on veut donner l'impression que tout ira bien sur le plan financier et sur celui des ressources humaines. On veut convaincre le lecteur qu'en permettant aux parcs de conserver les recettes qu'ils produisent, on aura plus d'argent pour en créer d'autres et exploiter les anciens. À voir l'argent qui rentre actuellement dans les caisses des parcs, je me permets d'en douter. Le parc où je vis est actuellement l'un des rares au Canada dont les revenus représentent une partie importante du budget de fonctionnement.
Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin que la partie consacrée aux ressources humaines, qui seront gérées selon un régime plus souple. En point saillant, on annonce fièrement que pour s'acquitter de ses fonctions, Parcs Canada peut maintenant compter sur quelque 5 000 employés, dont un tiers sont des saisonniers et plus de 90 p. 100 travaillant à l'extérieur de la région de la capitale nationale. On peut y lire également que l'agence sera chargée d'exploiter les 38 parcs, les 131 sites historiques nationaux que possède et exploite actuellement Parcs Canada, les 661 lieux historiques nationaux possédés et exploités par des tierces parties, les sept canaux historiques, les trois régions de conservation maritime, les 165 gares ferroviaires du patrimoine et les 31 cours d'eau du patrimoine.
Elle aura pour responsabilité d'administrer la politique fédérale pour plus de 1 000 bâtiments fédéraux du patrimoine ainsi que d'administrer et de mettre en vigueur la politique archéologique du gouvernement fédéral. Cela veut dire qu'on ne peut compter que sur quelque 3 000 employés à temps plein, dont 2 700 à l'extérieur d'Ottawa, pour assumer l'ensemble des responsabilités que je viens de mentionner. Je ne vois rien là dont je puisse m'enorgueillir. J'ai plutôt peur qu'il ne soit pas possible d'assumer ce mandat avec des ressources exploitées à leur maximum.
Nul besoin d'aller ailleurs que chez moi, dans Parc national de Banff, pour savoir que mes craintes sont fondées. L'administration des parcs est en pleine crise après la série ininterrompue de dégraissage des effectifs et de restructuration, que nous avons connue au cours des dernières années, en fait depuis plus d'une décennie maintenant.
Dans le service des parcs, le moral des employés à la base n'a jamais été aussi bas, du moins parmi les rares qui restent encore et dont la plupart cherchent à se recaser ailleurs. Ils ont l'impression de n'avoir ni l'appui des échelons supérieurs du Patrimoine canadien ni les ressources nécessaires pour faire leur travail.
Je trouve extrêmement ironique qu'à l'heure où Mme Copps et M. Mitchell vantent le nouveau monde merveilleux des parcs canadiens, en insistant sur la gestion de l'écosystème et sur le fait qu'il n'y aura pas de répercussions environnementales négatives nettes, je trouve ironique donc que l'organisme n'ait même pas les ressources nécessaires pour s'acquitter des tâches qu'on lui avait confiées avant, et encore moins pour la myriade des nouvelles fonctions qu'on compte lui attribuer.
Il est en effet très pénible de voir le service des gardes du parc de Banff aux prises avec les problèmes de gestion écosystémique et de gestion de la faune alors qu'ils essaient d'assurer la protection de plus de 4 millions de visiteurs sans disposer des ressources humaines et autres nécessaires. Je sais, pour m'être entretenu avec mes contacts dans d'autres parcs nationaux, que cette situation déraisonnable existe partout dans le réseau.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple qui m'est cher. Dans le Plan communautaire de Banff ainsi que dans le Plan de gestion du Parc de Banff, on a rappelé l'importance de protéger le patrimoine construit. La ville a mis sur pied une société à qui elle a confié ce dossier -- la Banff Heritage Corporation -- qu'elle a dotée en fonds et en ressources pour lui permettre de faire oeuvre utile dans le cas de quelques-uns des plus importants bâtiments du patrimoine de la ville. Malgré sa responsabilité en matière de patrimoine bâti sur les terres des parcs, Parcs Canada n'a rien fait de concret pour appuyer cette initiative, si ce n'est de nous proposer des espaces à bureau vacants, dont il regorge.
Je ne pourrais vous donner meilleur exemple d'une ressource patrimoniale de valeur que celui de la résidence du directeur du parc, une très belle maison pièce sur pièce construite en 1920 sur la rivière, l'un des bâtiments les plus importants de Banff. Eh bien, cette maison est en train de pourrir, faute de fonds pour arrêter sa détérioration et bien évidemment pour la restaurer. J'estime que c'est là un déshonneur national qui se produit dans le cas d'autres structures nationales importantes dans le réseau. Je ne crois pas que cette situation s'améliorera à la suite de la création d'une agence, et je suis même persuadé que les choses vont empirer.
Pour en venir à des questions plus concrètes, vous savez sans doute que le conseil municipal de Banff et moi-même sortons juste d'une bataille de trois ans avec le ministère du Patrimoine canadien en général, et avec Mme Copps en particulier, au sujet du plan communautaire et du règlement d'urbanisme de la ville de Banff. J'ai publiquement dénoncé le rapport de force caractérisant nos relations avec le gouvernement fédéral comme étant anormal et antidémocratique. Si ce n'est ici ni le moment ni le lieu pour vanter les mérites d'un plan qui aurait permis de réduire des deux tiers le potentiel de développement à Banff, je tiens à commenter le processus car je crains qu'on ait suivi exactement le même dans le cas du projet de loi. Je crois, essentiellement, que le projet de loi donne beaucoup trop de pouvoir au ministre qui n'a pas à demander l'approbation du Parlement.
Le document d'information dont je parlais plus tôt comporte une rubrique traitant de la responsabilité accrue envers les Canadiens où l'on dit que le ministre conservera les pleins pouvoirs en matière d'orientation des activités de l'Agence et que la loi prévoit des mécanismes de reddition de compte au Parlement, nouveaux ou améliorés.
Si je suis d'accord avec l'adoption de quelques nouveaux mécanismes, je doute fort qu'on puisse améliorer les mécanismes en place. La plupart de ces initiatives consistent à faire rapport sur ce qui a été fait plutôt qu'à formuler des recommandations sur ce qu'il conviendrait de faire et qui, selon moi, devrait être approuvé par le Parlement. Au contraire, le projet de loi perpétue un système qui se prête tout à fait aux manipulations par le ministre responsable, sans que celui-ci ait publiquement à rendre de comptes.
Je pense plus particulièrement à l'article stipulant que les plans de gestion des parcs nationaux et des lieux historiques nationaux seront déposés au Parlement. C'est déjà le cas, et je pense qu'il y aurait lieu de modifier le processus. Pour l'instant, la ministre et ses hauts fonctionnaires prennent toutes les décisions et les incluent dans le plan de gestion -- qui est bien sûr le document maître établissant ce qui se passera dans chacun de nos parcs nationaux -- puis ils soumettent le plan au Parlement comme étant un fait accompli. On ne tient pas de débat en Chambre, on ne propose aucun projet de loi, on n'a l'occasion d'apporter aucune modification. Comme l'on dit, l'affaire est entendue d'avance.
Eh bien, permettez-moi de vous rappeler les conséquences récentes d'un tel état de fait pour la Ville de Banff.
Depuis toujours, le Plan de gestion du Parc national de Banff est formulé à la suite d'une consultation publique où chacun a l'occasion d'exprimer son point de vue et de suggérer les améliorations aux ébauches proposées.
Jusqu'en juin, la plus récente version du plan avait évolué en fonction de l'étude repère Banff-Bow Valley, examen exhaustif de l'intégrité environnementale du parc réalisé sur une période de deux ans et qui avait fait l'objet d'une participation publique jusque-là inégalée. Le nouveau plan de gestion qui en a découlé a été déposé au Parlement à l'automne dernier et acclamé par tous comme étant le produit d'un processus exemplaire susceptible d'assurer un grand avenir au Parc national de Banff ainsi qu'aux autres parcs du réseau.
Entre-temps, la municipalité de Banff a travaillé sur son nouveau plan communautaire, conformément à ce qui était prévu dans le plan de gestion du parc, et elle a consulté ses habitants sur les caractéristiques que devait présenter ce plan. On se rend à présent compte que la ministre n'a pas aimé ce qu'elle a vu ou, plus exactement, que les pressions dont elle a fait l'objet l'ont amenée à ne pas aimer cela, mais elle n'est pas parvenue à exprimer clairement ses réserves au conseil.
Quand l'avant-projet du plan a été terminé et que les résidents de Banff ont plébiscité les aspects touchant à la croissance -- c'est-à-dire une réduction de deux tiers comme je le disais plus tôt -- la ministre a, sans détours, utilisé le plan de gestion pour parvenir à ses objectifs politiques. Sans consultation publique et sans même aviser le conseil municipal de Banff, le Ministère a modifié le plan de gestion du parc et a annoncé par voie de communiqué et lors d'une conférence de presse, qui s'est tenue à Ottawa le 26 juin dernier, les changements prévoyant l'expropriation des baux commerciaux et une diminution de 17 p. 100 de la superficie de la ville, éléments qui, je le rappelle, n'ont jamais été soumis à l'examen du public ni même à celui du conseil municipal. De plus, si je me souviens bien, le Parlement ne siégeait même pas à l'époque et il n'a pas été mis au courant de ces changements.
À ma connaissance, le nouveau plan de gestion du parc de Banff n'a pas encore été déposé au Parlement, bien que l'on soit en train d'effectuer les travaux d'arpentage pour déterminer les nouvelles limites de la ville et qu'on ait pris les mesures voulues pour mettre un terme aux baux commerciaux.
À mes yeux, c'est là un détournement du système qui sera perpétué -- et même ennobli -- avec la nouvelle agence. Si mes amis écologistes sont tentés de dire que la ministre a agi de plein droit et qu'elle a bien fait, je les invite à y penser à deux fois. Diraient-ils la même chose si la situation avait été l'inverse, autrement dit si un autre ministre avait estimé que la superficie de la ville devait être augmentée de 17 p. 100 et qu'il ait simplement consigné cela dans le plan de gestion du parc, sans consultation? Je ne le pense pas et c'est précisément là que se trouve le danger. Force est de constater que l'avenir de notre réseau des parcs nationaux dépend du bon vouloir du ministre en place ainsi que de son orientation personnelle. Dieu nous vienne en aide!
Je dirais, pour terminer, qu'il s'agit-là de mon point de vue personnel, point de vue que je n'ai pas soumis au conseil municipal et qui n'a donc pas été approuvé par celui-ci.
Le vice-président: Vous représentez-vous cet automne?
M. Hart: Non.
Le sénateur Cochrane: Merci beaucoup, monsieur Hart, d'être venu nous rencontrer pour nous faire part de vos préoccupations très sérieuses au sujet de cette nouvelle mesure législative. Quand nous sommes passés à Banff, c'est notre président, le sénateur Ghitter, qui faisait parti du groupe, mais je me réjouis d'être aujourd'hui sous la gouverne du vice-président, le sénateur Taylor. Le sénateur Ghitter a dû rentrer à Calgary pour assister à des funérailles, mais sachez qu'il aurait beaucoup aimé se trouver ici.
Je dois vous demander une précision à propos de ce que j'ai entendu hier de la bouche de M. Lee. Je me trompe peut-être, mais dans le procès-verbal d'hier il est dit que le maire de Banff aurait déclaré que l'idée de cette agence est une idée gagnante à tout point de vue.
M. Hart: Par récemment.
Le sénateur Cochrane: Je pense que M. Lee a déclaré cela hier. Il a dit que c'était une parole du maire de Banff.
M. Hart: Je suis surpris que M. Lee ait affirmé cela, puisqu'il savait que j'allais m'exprimer moi-même devant vous.
Le sénateur Cochrane: Il ne parlait pas d'un autre maire. Vous occupez cette fonction depuis plusieurs années et c'est pour cela que j'ai été surprise que vous ayez pu faire une telle déclaration.
M. Hart: Ce n'est pas ce que j'ai dit, c'est lui qui l'affirme.
Le sénateur Cochrane: Passons à la question du financement de Banff. Vous dites que le financement pose problème. Expliquez-nous un peu comment la Ville de Banff est financée.
M. Hart: La Ville de Banff et tous les parcs nationaux ont toujours été financés par voie de crédits parlementaires. C'est la méthode habituelle de budgétisation du gouvernement.
J'ai conclu de mon étude de l'histoire de Banff et des autres parcs, que la capacité des parcs de s'acquitter de leur mission au cours des 100 dernières années a été très limitée par le manque de fonds. Mais il ne faut pas s'en étonner, car cela s'explique par les situations et les politiques gouvernementales qui ont changé au fil des ans.
Cependant, au cours des 20 dernières années, on a mis de plus en plus l'accent sur la nécessité de comprendre et d'apprécier la gestion écosystémique et la gestion de la faune, sans compter que le tourisme a pris une ampleur considérable, puisque les parcs accueillent maintenant près de 4 millions de visiteurs. Cela étant posé, on peut s'étonner que l'enveloppe budgétaire ait diminué en termes réels, ainsi que les effectifs chargés d'effectuer le travail sur le terrain. Je ne parle pas ici des gens qui travaillent à la planification ou à l'administration centrale, je parle de celui ou de celle qui est sur le terrain. Même si l'on ne constate pas une réduction en termes réels, il y a effectivement eu diminution des ressources humaines et financières en regard du travail à effectuer.
Comme je l'ai dit dans ma présentation, je trouve ironique que ceux qui prêchent en faveur du nouveau statut d'agence, au nom du Patrimoine canadien, disent qu'ainsi les parcs parviendront à faire davantage. Moi, je dirais qu'ils ne font déjà pas un très bon travail. Et ce n'est pas à cause des exécutants et de tous ceux qui travaillent dans le réseau. Ces gens-là n'ont tout simplement pas les outils nécessaires pour s'acquitter des missions prévues. Voilà pourquoi je crains que le statut d'agence ne soit, dans une certaine mesure, guère plus qu'un des six exercices de restructuration de Parcs Canada effectué au cours des douze dernières années. À l'occasion de cette restructuration en situation de crise, de cette apparente panacée, on croit que l'agence parviendra à résoudre tous ses nouveaux problèmes financiers parce qu'on lui permettra de réinvestir l'argent qu'elle percevra dans le réseau des parcs. Or, les parcs ne peuvent pas survivre grâce à leurs seuls revenus. Certes, cela les aidera, mais ne réglera pas le problème.
Je crains que l'agence, plutôt que d'être rapprochée du centre de pouvoir n'en soit éloignée et qu'il soit ainsi beaucoup plus facile de l'oublier pour ceux qui sont appelés à prendre les décisions financières.
Le sénateur Cochrane: À la lecture de votre mémoire, j'ai compris que vous avez communiqué avec d'autres personnes résidant dans des collectivités qui se trouvent dans des parcs comme le vôtre. Vous dites que ces personnes en sont arrivées à la même conclusion, c'est-à-dire que les parcs vont se détériorer et qu'ils n'auront pas suffisamment d'argent pour continuer de croître à partir de la base actuelle.
M. Hart: C'est vrai. Grâce à mon travail -- pas celui de maire, mais celui de directeur du Whyte Museum -- je suis en contact avec les gens du réseau des parcs nationaux, partout au Canada et ailleurs, de même qu'avec l'UICN. Il n'y a pas que pour la Ville de Banff que cette question est préoccupante. Ce n'est pas le fait qu'on ne nous permette pas de croître qui nous préoccupe, pour reprendre vos propres mots. Ce que nous voulons, pour l'instant, c'est maintenir le statu quo.
La ministre Copps et le secrétaire d'État Mitchell ont donné aux Canadiens et aux Canadiennes l'espoir qu'on pourrait réaliser un grand nombre de choses nouvelles dans les parcs: la gestion écosystémique, une incidence environnementale nette nulle et autres initiatives environnementales. Je n'ai rien contre tout cela, mais je ne vois pas comment les effectifs actuels, exploités à limite de leurs capacités, parviendront à réaliser ces choses-là. J'ai l'impression que nous courrons à l'échec. Pourtant, les Canadiens ne s'y attendent pas à cause de la rhétorique et de toute l'attention publique dont ont fait l'objet la ville de Banff en particulier, et maintenant tout le réseau des parcs. On s'attend à ce qu'il y ait suffisamment de ressources pour faire ce que les maîtres politiques annoncent. Je ne vois pas comment cela est possible.
Le sénateur Fitzpatrick: Monsieur Hart, je vous ai écouté attentivement nous faire part de vos préoccupations. J'ai l'impression que vous critiquez le statu quo mais que vous n'êtes pas convaincu que l'agence puisse changer grand chose.
M. Hart: C'est exact.
Le sénateur Fitzpatrick: En fin de compte, vous dites qu'il n'y a pas assez d'argent pour faire ce qui devrait être fait, selon vous. C'est cela?
M. Hart: Eh bien, c'est l'un des points forts de ma position. Par ailleurs, je soutiens qu'au cours des douze dernières années, on a spolié Parcs Canada sur les plans de la gestion et de l'organisation. Personnellement, j'estime qu'en créant l'Agence, on transforme de nouveau les parcs en cobayes à l'occasion d'une autre réorganisation, d'une autre façon de fonctionner, comme disent certains. Comme je le disais, les parcs ont déjà subi une douzaine de changements de ce type. Pour moi, ce n'est pas ainsi qu'il faut expérimenter.
Le sénateur Fitzpatrick: Mais vous avez dit que le statu quo n'est pas acceptable. À la façon dont je vois l'Agence, elle permettra d'apporter un nouvel élan, d'être plus efficace et peut-être d'inciter les employés à réaliser les objectifs dont vous parliez, justement pour décoller du statu quo; mais je crois comprendre d'après ce que vous dites, que cela n'en vaut pas la peine.
M. Hart: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que si cette agence n'est guère plus qu'un faux semblant destiné à permettre de faire ce qui n'a pas été fait dans le passé ou à corriger les excès des réorganisations précédentes, et cela m'inquiète. Tout comme vous, j'absorbe toute l'information dont on nous nourrit. Vous savez, les gens qui rédigent les documents d'information sur les projets de loi ne se demandent pas si les textes sur lesquels ils travaillent sont une bonne idée ou pas. Ils ne font passer que les bonnes nouvelles et tout est fait pour calmer les inquiétudes du lecteur. Dans ce cas, ils ont jonglé avec les mots pour nous faire penser que cette mesure sera la panacée à tous nos problèmes du passé. Ces documents et ce dossier n'échappent pas à la règle générale.
Ce que je dis, c'est que le Parc national de Banff et le réseau canadien des parcs sont en situation de crise et je ne pense pas que l'Agence permettra de régler ce problème.
Le sénateur Fitzpatrick: Monsieur le président, je tiens à dire qu'à l'occasion de mes entretiens avec les hauts fonctionnaires ayant participé à tout cela, j'ai eu l'impression que ces gens là se dévouent à la réalisation des mêmes objectifs que ceux exprimés par M. Hart. Par ailleurs, je n'ai pas l'impression d'avoir été victime de propagande. Je vous laisserai là-dessus, monsieur Hart. J'ai la sensation qu'il existe, au sein de l'administration, des gens très sincères et dévoués qui partagent les mêmes préoccupations que vous.
Le vice-président: J'ai conclu d'autres témoignages que la méthode de réinvestissement de l'argent dans les parcs est plus intéressante pour des parcs comme Banff et qu'elle l'est moins pour des régions éloignées ou des parcs qui n'ont pas le même chiffre d'affaire ou qui n'accueillent pas autant de visiteurs que Banff. Autrement dit, le résultat est exactement l'inverse de ce que vous prétendez. S'il y a un parti pris dans le système, c'est plutôt en faveur des parcs ayant de gros chiffres d'affaire et accueillant de nombreux touristes, comme celui où vous résidez. Voulez-vous réagir à cela?
M. Hart: Uniquement dans la limite de mes connaissances restreintes relativement au plan de réinvestissement des recettes. D'après ce que je crois comprendre, et je me trompe peut-être, l'argent sera réinvesti dans le réseau en général et pas nécessairement dans les parcs où il aura été gagné. Le Parc national de Banff fait office, surtout à sa limite est, de point d'accès aux quatre parcs nationaux des Rocheuses. C'est le point d'entrée principal. Je trouve qu'il serait injuste pour le réseau des parcs, parce que c'est de lui dont je parle vraiment aujourd'hui, de dire que l'argent restera à Banff, parce que les visiteurs qui vont à Yoho ou à Kootenay passent par Banff, et que les droits d'entrée sont perçus au point d'entrée.
Le vice-président: Cela m'amène à un autre problème. Comme vous le savez, Banff est un des rares parcs canadiens a être éventuellement surutilisé, du moins pour une partie. Si les parcs qui produisent des revenus deviennent des vaches sacrées dans le réseau, on aura peut-être tendance à les surutiliser eux aussi. Que dites-vous de cela?
M. Hart: J'ai tendance à être d'accord avec vous, sénateur Taylor. Nous sommes quotidiennement confrontés à la question des droits d'accès au parc, à cause de la réaction des visiteurs. Par exemple, les gens supposent que le stationnement devrait être gratuit dans la ville de Banff parce qu'ils ont payé un droit d'entrée à la barrière. Ils ne se demandent pas où va l'argent qu'ils versent à l'entrée, pas plus que nous quand nous voyageons ailleurs.
Il est certain que l'augmentation des droits d'entrée a été source de bien des préoccupations sur plusieurs plans, surtout du point de vue de l'égalité d'accès à notre réseau des parcs canadiens. Pour en revenir à la création de l'Agence, je conviens que nous ferions un progrès en permettant de réinjecter dans les parcs les fonds recueillis. Cependant, si ce doit être là la principale façon de recueillir des fonds pour financer le réseau des parcs, alors nous allons droit dans le mur parce qu'il faudra alors tellement augmenter les droits d'entrée qu'on finira par limiter l'accès des parcs aux seuls touristes étrangers nantis. Le gros des Canadiens n'aurait plus les moyens d'aller dans les parcs ou ne voudrait pas y aller à cause d'un prix d'entrée trop élevé.
Si, a priori, cette formule semble être intéressante, je crois que nous devons veiller à ne pas en faire le principal moyen de financement d'un parc ou du réseau.
Le sénateur Kenny: Excusez-moi d'être en retard, monsieur Hart; c'est à cause de mon avion.
J'ai lu votre mémoire et j'ai écouté vos échanges avec mes collègues. Pour ce qui est des droits d'entrée dans les parcs, je suis d'accord avec vous: il ne faut pas qu'ils soient trop élevés pour le Canadien ordinaire. D'un autre côté, on pourrait faire davantage d'effort pour recueillir ce genre de fonds.
J'ai l'impression qu'un très grand nombre d'automobilistes traverse simplement le parc en empruntant la route express et qu'on ne fait pas vraiment tous les efforts nécessaires pour s'assurer que ces gens-là ont un autocollant sur la voiture quand ils passent à Banff.
Je me demande si vous êtes de cet avis. J'en ai parlé avec plusieurs directeurs de parcs qui m'ont tous plus ou moins dit ne pas vouloir mobiliser leur personnel pour percevoir des droits d'entrée qui sont reversés à Ottawa, préférant consacrer leurs effectifs au travail d'interprétation ou de garde.
Ne trouvez-vous pas que le projet de loi incite davantage à percevoir les droits d'entrée? Je dirais que la moitié des visiteurs du parc de Banff ne paient aucun droit d'entrée. Ma remarque n'a rien de scientifique et elle est simplement fondée sur ce que j'ai constaté personnellement lors de mes déplacements là-bas. J'en ai parlé avec Dave Day et Charlie Zinkan, deux autres directeurs qui, en l'espace d'une décennie, m'ont répondu la même chose.
M. Hart: Eh bien, ils m'ont peut-être transmis leur point de vue, car je ne pense pas être d'un avis très différent. Je ne nie pas que, du simple point de vue financier, il serait plus intéressant de percevoir ces droits. Cependant, vous devez comprendre que Banff se trouve le long de la transcanadienne. Nous ne pouvons demander de droit d'accès aux automobilistes qui traversent simplement le parc, parce qu'ils se trouvent sur la transcanadienne. Le règlement ne permet pas au parc de le faire.
Le sénateur Kenny: C'est vrai. Mais je pensais davantage aux terrains de stationnement où les véhicules sont censés porter des autocollants. Je serais prêt à parier que si nous allions là-bas aujourd'hui nous constaterions que 30 à 40 p. 100 des automobiles n'en ont pas.
M. Hart: C'est possible. Le règlement précise également que toute personne traversant le parc peut, même sans autocollant, s'arrêter pour prendre un repas, acheter de l'essence ou autre. Donc, il est très difficile à Parcs Canada d'appliquer les droits d'entrée dans la ville de Banff. L'application du règlement se fait sur les routes qui sillonnent le parc. On intervient surtout du côté des pentes de ski, où les voies sont dédiées et réservées à des utilisations spéciales. Les rares personnes que je peux mobiliser sur cette tâche interviennent normalement dans ces secteurs. Ces deux ou trois dernières années, j'ai constaté plusieurs nouvelles activités d'application du règlement qui m'étaient jusque-là inconnues. Cependant, je ne soutiendrai pas qu'il est impossible de faire davantage sur ce plan.
Le sénateur Kenny: Si Banff était surfréquentée, que choisiriez-vous: un système de loterie ou des droits d'accès?
M. Hart: Je suis d'avis qu'à long terme nous devrons limiter le nombre de visiteurs en appliquant une démarche très sélective. Pas question de refuser une voiture sur deux à l'entrée, après que les gens auront fait la queue. Cela reviendrait à imiter Mme Copps qui a imposé une limite à la croissance de la ville de Banff en décrétant qu'on ne devrait pas dépasser un certain nombre d'habitants. J'ai envie d'aller déposer le premier bébé qui marquera le dépassement de cette limite sur les marches de sa résidence à Ottawa.
Je pense plutôt au modèle utilisé au parc Pacific Rim, qui impose des quotas pour les secteurs sensibles. C'est d'ailleurs ce qui se passe cette année. La vallée de la Larch a été fermée et je crois que ce fut une excellente mesure. Je pense que cette année, on a déjà commencé à fixer des quotas pour l'entrée à Skokie, à moins qu'on ne commence l'année prochaine.
Le sénateur Kenny: Donc, on ne peut actuellement pas franchir le col Sentinel.
M. Hart: Je ne suis pas sûr qu'on puisse aller au col Sentinel. Soit il est fermé, soit son accès est limité à un petit nombre de visiteurs par la vallée de la Larch.
Le sénateur Kenny: Il est assez difficile de se rendre au col Sentinel sans passer par la vallée de la Larch.
M. Hart: C'est exact. J'ai cru comprendre qu'elle était fermée pour l'instant et peu importe qu'elle le soit à cause de la présence de grizzlis ou de l'activité humaine, le résultat est le même. Cette région ne peut pas être surutilisée. Parfois, Parcs Canada invoque l'activité de la faune pour parvenir à des objectifs qu'il ne peut réaliser autrement.
Le sénateur Kenny: Vous avez dit ne pas croire que les parcs pourraient conserver leurs recettes et que celles-ci seraient versées dans un fonds central.
M. Hart: Pas dans un fonds central, mais pour l'ensemble du réseau.
Le sénateur Kenny: Je ne vois pas la différence. Si tel est le cas, j'ai l'impression que cela ne va pas inciter les gestionnaires à mieux gérer. On voulait notamment motiver les directeurs de parcs, comme celui Banff, en leur disant que si leur gestion était plus rentable ils toucheraient en retour une partie des économies.
Il serait intéressant de tirer cela au clair, monsieur le président, quand la ministre comparaîtra devant nous, et de déterminer si les fonds seront centralisés ou si les parcs rentables pourront en profiter.
M. Hart: Sénateur, je ne prétends pas être un spécialiste sur la façon dont ces fonds seront distribués, parce que je ne suis pas bien au courant de la formule envisagée. Banff n'est plus géré comme un parc individuel. Le directeur est maintenant un simple superviseur sur le terrain. Tout le monde a davantage de responsabilités et il est difficile de suivre tous les joueurs sans s'appuyer sur un programme, à cause des multiples réorganisations qui ont eu lieu.
Il est certain qu'on considère que les quatre parcs des Rocheuses, et surtout Kootenay, Yoho, et Banff, constituent un bloc. Je pense que les bénéfices financiers seront redistribués au niveau des blocs si ce n'est de façon centrale.
Le sénateur Kenny: Dans votre mémoire vous parlez de la détérioration du logement de fonction du directeur. Des directeurs m'ont dit que s'il n'en tenait qu'à eux, ils vendraient ce genre de logements, qu'ils en tireraient plus d'argent qu'en s'en servant de logements de fonction.
M. Hart: Je sais, par exemple, que Charlie Zinkan paie un loyer mirobolant.
Le sénateur Kenny: En fait, je parlais d'un prédécesseur de Charlie.
M. Hart: Il est ici question de patrimoine national. Je ne parle pas de ceux qui y habitent. Il se trouve que c'est le logement de fonction du directeur, mais je vous aurais dit exactement la même chose si j'avais moi-même résidé dans cette maison. Il s'agit d'un bâtiment historique qui a été négligé.
Ce n'est qu'un exemple de ce qui se passe à Banff où l'on a, par voie législative, confié à Parcs Canada la responsabilité des ressources patrimoniales sur place. La Ville de Banff a été créée par la suite et a hérité de cette responsabilité. C'est un de mes domaines d'intérêt et je dois dire que je me suis démené pour essayer de protéger certaines de nos ressources patrimoniales en ville.
En fin de compte, cette responsabilité incombe toujours à Parcs Canada même si, jusqu'à un certain point, nous en avons hérité à l'occasion de notre constitution en ville. La Ville de Banff fait beaucoup plus pour préserver le patrimoine dans les parcs nationaux que les parcs nationaux eux-mêmes, ce qui est anormal. Les parcs devraient au moins s'occuper de leurs édifices, dont la résidence du directeur est un excellent exemple, et faire davantage pour le patrimoine bâti, à plus grande échelle.
Encore une fois, je ne cite ce cas qu'à titre d'exemple, pour montrer que le travail n'est pas effectué et je ne m'attends pas à ce qu'il le soit dans l'avenir à la suite de la création de l'agence.
Le sénateur Kenny: Ma dernière question concerne le fait que notre comité fait face à un dilemme. D'une part, il y a le sous-financement chronique du réseau des parcs. Les nouveaux ministres semblent vouloir desserrer la ceinture en créant des parcs pour, si j'ose dire, «s'en péter les bretelles». Plus tard ils diront: «quand j'étais ministre, j'ai créé X parcs». Ainsi, les parcs naissent mais les ressources ne suivent pas.
Par ailleurs, on se rend de plus en plus compte que si l'on ne préserve pas quelques parties importantes du pays dès maintenant, dans vingt ou trente ans d'ici, il sera trop tard pour le faire. Comment vous situez-vous par rapport à ce dilemme?
M. Hart: Je rejoins sans doute votre position, sénateur. Je comprends qu'il est nécessaire de protéger toutes les écozones du pays ainsi que les lieux historiques nationaux, mais j'estime qu'il n'est pas très avisé de continuer à créer des parcs en une époque de sous-financement chronique, pour reprendre ce que vous avez dit. Une personne qui agirait ainsi dans le secteur privé, par exemple, se ferait traiter de folle.
Supposez que le propriétaire d'une chaîne de dix restaurants ait de la difficulté à faire face à la demande à cause d'un manque de liquidités. Supposons toujours que sa société achète deux nouveaux terrains pour y bâtir des restaurants. C'est un bon exemple parce que, quand on crée un parc, on crée aussi des infrastructures. Eh bien, si l'on agissait ainsi dans le privé, les gens nous traiteraient de fous. Dans le meilleur des cas ils nous diraient: «C'était peut-être une excellente occasion à côté de laquelle vous ne pouviez passer, et peut-être allez-vous vous refaire plus tard, mais d'ici là je vends mes actions». Voilà ce que je pense de tout cela.
Le sénateur Cochrane: Monsieur Hart, je me rends bien compte que vous êtes maire de Banff, mais vous vous intéressez au parc et à sa stabilité et, si vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec les employés de l'AFPC, que vous ont-ils dit au sujet de la création de cette agence et des changements que cela va entraîner?
M. Hart: Les membres de l'AFPC se doivent d'être sur la défensive à cause de l'initiative bâclée des parcs quand on a voulu confier une grande partie des tâches à contrat, surtout chez nous où il ne semble pas qu'il restera un grand nombre d'employés membres de l'AFPC. Ces gens-là ne parlent pas beaucoup pour l'instant. Je ne sais pas ce qu'ils disent par la bouche de leurs représentants nationaux.
Je pense à l'opérateur de chasse-neige. Il y a à peu près deux ans de cela, on lui a dit qu'il pourrait soumissionner pour faire la même chose, mais en qualité d'entrepreneur privé. Sinon, le contrat serait confié à un important entrepreneur en déneigement.
Les employés ont combattu cette idée pendant deux ou trois ans et Parcs Canada a insisté sur le fait que c'était la voie de l'avenir. Parcs voulait tout confier à contrat, estimant que cette formule serait plus efficace et plus rentable. La direction a consacré une grande partie de son temps à essayer de convaincre les employés. Elle a prétendu que c'était la voie de l'avenir, que les parcs fonctionneraient davantage comme le secteur privé et que c'est comme cela qu'on fait dans le privé.
Eh bien, à Banff, le même opérateur de chasse-neige sillonnera les mêmes routes cet hiver, sans doute à sa grande surprise, parce que toute cette initiative a fait long feu. Le nouveau style de gestion a été rejeté parce que quelqu'un a pris le temps de retravailler les chiffres et a constaté que des services confiés à contrat reviendraient plus cher. On en entend plus beaucoup parler d'ailleurs.
Un grand nombre des employés du réseau des parcs ont quitté la fonction publique à cause de l'annonce de cette initiative et de l'orientation générale qui se profilait à l'horizon. Ils n'ont pas voulu créer de compagnies de deux employés pour louer leurs services d'interprètes au Parc national de Banff, et c'est pour cela que nous avons perdu un grand nombre de gens intéressants. Ceux qui sont restés sont contents d'avoir gardé leur emploi. Tant qu'ils sont payés, je ne suis pas certain qu'ils s'inquiéterons de savoir si Parcs Canada deviendra une agence ou si l'on conservera la structure actuelle.
Je ne pense pas que les employés membres de l'AFPC aient organisé un lobby dans un sens ou dans l'autre.
Le sénateur Cochrane: Pensez-vous que la nouvelle agence va relancer le processus d'affermage?
M. Hart: Dieu seul le sait. Ce dossier pourrait être rouvert, puisque ce ne sera là qu'une des nombreuses initiatives et réorganisations que Parcs Canada a connues au cours de la dernière décennie. Si les gens s'imaginent pouvoir faire quelque économie en confiant des travaux à contrat, je suppose qu'ils remettront cela. Le projet de loi portant création de l'agence semble garantir que personne ne perdra son emploi à cette occasion, du moins je ne le pense pas.
Le sénateur Cochrane: Je ne crois pas que cette disposition soit prévue pour durer trop longtemps.
M. Hart: Eh bien, je suppose que tous ceux qui étaient employés par Parcs Canada seront employés par l'agence. Quant à savoir s'ils seront encore employés dans un an, comme vous le disiez, c'est une autre paire de manches.
Le vice-président: Dans votre mémoire vous employez à plusieurs reprises les termes «démocratie» et «anti-démocratique». Vous semblez vouloir laisser entendre qu'il serait anti-démocratique de ne pas aller dans le sens des desiderata des résidents de Banff. Ce serait peut-être le cas dans bien d'autres lieux, mais comme Banff se trouve dans un parc national, au milieu d'un trésor national, ne pensez-vous pas que l'avis de la population canadienne, exprimé par la voie de son gouvernement actuel, ne compte pas autant si ce n'est plus que celui des résidents du parc? Je ne suggère pas pour autant que vous êtes des squatters, des parasites vivant aux frais de la princesse. Quoi qu'il en soit, ne pensez-vous pas qu'on pourrait juger que vos droits démocratiques, votre droit au développement, votre droit de faire ce que vous voulez de vos propriétés au milieu du parc de Banff ne devrait pas être le même que celui que vous auriez à Toronto, à Montréal ou à Calgary?
M. Hart: Eh bien j'aurais deux choses à vous dire à ce propos, sénateur.
Le processus de constitution de la Ville de Banff précise les droits des résidents ainsi que les secteurs où de tels droits peuvent être exercés. Il s'agit d'une entente fédérale-provinciale qui est consignée dans la charte ou constitution de la ville, comme nous l'appelons. Je vais m'y référer pour savoir ce qu'il en est.
Il était entendu, dans l'accord de constitution de la Ville de Banff, que trois ordres de gouvernement étaient signataires, bien que la ville elle-même n'existait pas à l'époque et que seuls le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont signé. Il s'agissait donc d'une démarche coopérative destinée à permettre la création d'une municipalité dans un parc, ce que toutes les parties concernées ont trouvé avantageux à l'époque. J'ai appuyé mes commentaires de tout à l'heure sur le fait que le gouvernement fédéral n'a pas respecté l'esprit de cette entente, qui se voulait pourtant coopérative, toutes les parties étant désireuses de résoudre un problème.
Avec ce qui s'est passé récemment, la Ville de Banff a fait ce qu'elle devait faire en vertu de l'entente, mais le gouvernement fédéral n'a absolument pas coopéré. Il ne s'est pas montré disposé à rechercher une solution. J'ai alors tranché, à la façon d'un juge, en disant: «Faites donc ce que vous avez à faire et nous vous dirons après si nous aimons cela ou pas». J'ai tout de même l'impression que l'esprit du processus démocratique énoncé dans l'accord de création de la ville n'était pas au rendez-vous.
Quant au reste, vous partez du principe que je ne m'exprime qu'en qualité de maire de Banff à propos de ce qui arrive aux résidents de la ville. Cependant, mes remarques sont destinées à aller au-delà, car je tiens à parler du plan de gestion du parc et de tous ceux et toutes celles à qui vous faites allusion, c'est-à-dire les Canadiennes et les Canadiens qui ont effectivement leur mot à dire au sujet des dernières modifications apportées au plan en question. Ils n'ont pas plus été consultés que la Ville de Banff. La population canadienne n'a pas été invitée à dire ce qu'elle pensait des modifications proposées. Le conseil municipal et les résidents de Banff n'ont pas été invités à faire part de leur point de vue sur les amendements proposés.
Habituellement, ce genre de modifications est soumis à une consultation et à des discussions publiques qui s'étalent sur une certaine période; par la suite, on les change ou non et on les inclue dans le plan de gestion du parc. Dans ce cas-ci, personne n'était au courant des changements prévus. Nous sommes venus ici le 26 juin dernier pour rencontrer M. Lee, qui nous a alors annoncé que le plan de gestion du parc était modifié, nous a indiqué les modifications en question et nous a dit qu'elles seraient rendues publiques en conférence de presse le lendemain. C'est exactement ce qu'il a fait. C'est nul! Ce n'était pas une façon de faire pour les résidents de Banff. Ce n'était pas une façon de faire pour l'ensemble des Canadiens qui, comme vous le disiez, ont un intérêt dans tout cela.
Le vice-président: Dans le projet de loi, on nous promet que les choses s'amélioreront dans l'avenir parce qu'on tiendra des consultations publiques jusqu'au niveau politique tous les deux ans ainsi qu'un examen tous les cinq ans. Ce genre de consultation sera donc prévue dans la loi et non dans le règlement comme c'est actuellement le cas. Je reconnais que Banff n'obtiendra jamais ce qu'elle veut. Je ne sais pas si les droits de la population canadienne et ceux de la ville de Banff concernant les emplacements commerciaux sont synonymes. Je pense qu'il existera toujours ce genre de conflit. Il y aura toujours un vendeur de hamburgers qui voudra s'installer, parce que si le premier fait de l'argent, un deuxième voudra en faire plus. Cela existera toujours. Ce conflit existera toujours. Le projet de loi dont nous sommes saisis est un moyen de résoudre ce genre de conflit. Vous êtes en faveur du développement et les Canadiens et les Canadiennes, eux, sont favorables à la conservation de l'état originel des terres.
Vous êtes vous intéressés aux mécanismes de résolution des différends pour savoir comment l'Agence fonctionnera?
M. Hart: Tout d'abord, je pense que les résidents de Banff et les autres Canadiens et Canadiennes tiennent des raisonnements beaucoup plus semblables que vous avez bien voulu le dire. Les résidents de Banff ne sont pas là parce qu'ils veulent exploiter un autre stand de hamburger. Ils sont là parce qu'ils aiment l'environnement, qu'ils adorent les montagnes et les parcs. Nombre d'entre eux veulent consacrer leur temps à vivre et à travailler pour les parcs.
Je ne suis pas d'accord avec ce que vous avez dit au début au sujet des systèmes de freins et de contrepoids, ni quand vous affirmez que le système sera mieux après la création de l'agence. Je ne vois rien qui puisse fondamentalement changer ce qui se passe actuellement. Certes, on produira davantage de rapports, mais il n'en demeure pas moins que le 26 juin dernier, le ministre a modifié unilatéralement et sans consultation préalable le plan de gestion des parcs. Pour moi, ce n'est pas bien. On n'a pas tenu compte alors des droits des Canadiens ni des droits des résidents de Banff, ceux-ci étant également des Canadiens, et je ne vois pas en quoi le statut d'agence changera quoi que ce soit à cela.
Le sénateur Buchanan: Comme je le disais hier, j'adore Banff que j'ai visiter à plusieurs reprises. D'ailleurs, vous devriez venir dans le Parc national de Cap-Breton.
M. Hart: Je l'ai visité et je le trouve merveilleux.
Le sénateur Buchanan: Nous avons deux grands parcs nationaux dans notre province. Tous les ans, on assiste à une augmentation du nombre de touristes qui les visitent. Avec ce projet de loi, je me demande si les services continueront d'être offerts et améliorés ou si l'on va congédier des employés. Si tel devait être le cas, nous devrions nous attendre à une diminution du nombre de visiteurs, parce que les parcs ne seront plus dans le même état que par le passé. Je ne pense pas que ce sera le cas et j'espère le contraire. Entre-temps, nous avons assisté à une augmentation du nombre de visiteurs année après année.
Est-ce que le Parc national de Banff a enregistré une augmentation du nombre de visiteurs année après année? Si oui, pensez-vous que cette tendance se maintiendra dans l'avenir?
M. Hart: C'est difficile à dire, parce que Parcs Canada a décidé de ne plus dénombrer les visiteurs il y a un an de cela. On ne tient plus de statistiques, ce qui me paraît fort étrange.
Le sénateur Buchanan: Effectivement.
M. Hart: On a également arrêté de tenir des statistiques à l'entrée des parcs pour la même raison.
Tout dépend de ce qui se passera ailleurs. Banff est bien sûr l'une des deux ou trois destinations touristiques internationales au Canada. Tout dépendra de ce qui se passera sur les marchés internationaux. Tout dépendra de ce qui se passera en l'Alberta, qui connaît une croissance rapide. Calgary connaît une croissance qui frise sans doute les 30 000 habitants par an. Un grand nombre de personnes déménagent à Calgary parce que la ville est à proximité de parcs qu'elles peuvent ainsi fréquenter à loisir. Je pense donc que le nombre de visiteurs continuera d'augmenter.
Ce qui m'inquiète un peu, c'est qu'on ne dit rien du réseau des parcs des rocheuses, ni de l'infrastructure touristique à l'extérieur, qui est en train de croître et qui va continuer de croître de façon exponentielle dans l'avenir. Cela n'empêchera sûrement pas les gens de venir visiter le parc. En fait, ils seront encore plus nombreux à le faire. La ville de Canmore, qui atteindra bientôt une population de 10 000 habitants, est celle qui connaît la croissance la plus rapide en Alberta depuis plusieurs années et elle atteindra 30 000 habitants d'ici une douzaine d'années.
Tout cela contribue à augmenter la fréquentation quotidienne du parc. Le fait que l'expansion de la ville de Banff soit limitée, n'aura pas vraiment d'incidence sur le nombre de visiteurs. Ainsi, je dirais tout comme vous, qu'on assistera à une augmentation du nombre de visiteurs du parc, sauf si l'on devait décréter une limitation artificielle.
Je suis surtout préoccupé par le fait que Parcs Canada ne dispose pas des moyens pour protéger l'environnement, gérer les gens et assurer la sécurité publique, et qu'il n'en aura pas plus les moyens après la création de l'Agence. Voilà pourquoi j'estime que ce statut d'agence n'est qu'un écran de fumée.
Le sénateur Buchanan: Je n'ai pas manqué de remarquer que le Parc national des Hautes-Terres du Cap Breton et peut-être plus encore celui de Kejimkujik, sont visités par un nombre croissant de Néo-écossais. Pensez-vous qu'un pourcentage important de résidents de l'Alberta visitent Banff?
M. Hart: Oui, bien qu'ils soient découragés dans une certaine mesure par l'augmentation des droits d'entrée. Cette augmentation est en train de devenir un sujet de controverse en Alberta. Les Albertains jugent qu'on leur refuse l'accès à «leurs» parcs. Le gouvernement de l'Alberta, et surtout Peter Lougheed, a créé plusieurs parcs dans la région de Kananaskis. Il s'agit d'un important réseau de parcs en limite des parcs nationaux, pour lesquels il n'est pas nécessaire de payer un droit d'entrée. Ainsi, jusqu'à un certain point, les gens qui, avant, visitaient les parcs dans les mêmes écosystèmes, dans les mêmes montagnes, ont tendance à fréquenter davantage le parc provincial. C'est l'attitude qui semble régner à Calgary. En revanche, je ne dirais pas qu'on retrouve la même attitude ailleurs en Alberta. Sous l'effet de la croissance soutenue de Calgary, les partisans de la ligne dure, qui estiment ne pas devoir payer pour visiter «leurs parcs», finiront sans doute par être écrasés par le nombre.
Les Albertains et les Albertaines demeurent les principaux visiteurs du Parc national de Banff et je ne pense pas que cela va changer dans l'avenir.
Le vice-président: Merci beaucoup, monsieur Hart.
Chers collègues, nous accueillons maintenant Kevin McNamee, directeur de la campagne des terres non protégées, à la Fédération canadienne de la nature. Nous entendrons ensuite Mary Granskou de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada.
Veuillez commencer, monsieur McNamee.
M. Kevin McNamee, directeur de la campagne des terres non protégées, Fédération canadienne de la nature: Honorables sénateurs, je suis très heureux de m'adresser à ce comité depuis ce côté de la table et de vous entretenir des problèmes des parcs nationaux, plus particulièrement du projet de loi C-29.
La Fédération canadienne de la nature a appuyé la proposition du gouvernement fédéral de transformer Parcs Canada en une agence de service distinct, depuis l'annonce de ce concept dans le budget du ministre des Finances, en mars 1996. Cependant, nous en sommes venus à la conclusion que le projet de loi C-29 comporte plusieurs défauts et que nous ne pouvons donc pas lui accorder notre plein appui.
C'est la sixième fois que nous intervenons auprès du gouvernement fédéral à ce propos. Depuis deux ans et demi, nous essayons de renforcer cette agence. Nous aimerions que ce dossier soit classé une bonne fois pour toutes et que le projet de loi soit adopté, mais nous tenons à profiter de cette occasion pour vous recommander certains changements au projet de loi ou alors pour vous inciter à formuler quelques recommandations dans votre rapport à la Chambre des communes.
S'agissant de la Fédération canadienne de la nature, sachez qu'elle existe depuis 1971. Nous sommes un important groupe national de conservation comptant plus de 40 000 membres et partisans partout au Canada. Notre programme est axé sur la conservation maritime et sur la conservation de la faune aviaire. Le programme que je dirige, c'est-à-dire la campagne des terres non protégées, a pour objet de promouvoir la création des parcs nationaux ainsi qu'une meilleure protection de ces parcs.
Je défends les parcs depuis 15 ans. J'ai également servi à titre d'expert-conseil à plusieurs reprises, notamment auprès de ce comité. Comme je le disais hier, je suis un gros utilisateur des parcs nationaux. J'en ai visité 26 sur les 38 que nous avons. J'ai rédigé un ouvrage intitulé The National Parks of Canada, qui loue la beauté extraordinaire des paysages que nous avons su protéger au cours des 115 dernières années et qui constituent sans doute le meilleur réseau de parcs nationaux du monde.
À l'heure où le comité est saisi de ce projet de loi, il est essentiel qu'il examine le contexte dans lequel interviennent certains des défis auxquels est confronté le réseau des parcs nationaux. D'abord, il faut ajouter 15 parcs nationaux au réseau. La protection de la faune est de plus en plus hypothéquée car Parcs Canada ne peut prendre toutes les mesures voulues. Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de nous contenter de 38 parcs nationaux, nous devons en ouvrir d'autres car certains écosystèmes sont en train de disparaître.
L'intégrité écologique des parcs nationaux est exposée à un nombre croissant de menaces internes et externes qui sont le fait de l'homme. Les visiteurs des parcs et l'activité touristique sont sources des plus graves conséquences écologiques sur les parcs nationaux canadiens. L'exploitation forestière et minière, ainsi que les activités agricoles en bordure des parcs nationaux occasionnent également des torts considérables aux écosystèmes de ces parcs.
La nécessité de disposer d'une Agence de Parcs Canada à la fois moderne et solide, axée sur la conservation, est soulignée dans le tout dernier rapport sur l'état des parcs, publié cet été. On peut y lire -- et j'insiste -- qu'entre 1992 et 1997, plus du tiers des 38 parcs nationaux canadiens ont subi une aggravation des conséquences de l'activité humaine sur leurs écosystèmes. En cinq ans, les scientifiques ont mesuré une détérioration de la situation dans un tiers de nos parcs nationaux.
Le projet de loi C-29 est donc une bonne chose à de nombreux égards.
Je commencerai par vous parler de l'orientation de l'Agence en matière d'application de la Loi sur les parcs nationaux, de la politique sur les parcs et des négociations relatives aux nouveaux parcs nationaux. Deuxièmement, nous parlerons de la création du Compte des nouveaux parcs et lieux historiques. Troisièmement, nous discuterons des nouveaux mécanismes de reddition de comptes et, quatrièmement, nous confirmerons qu'il en va de l'intérêt national de gérer l'utilisation des parcs nationaux par les visiteurs et les touristes.
Il est certain que votre comité ne veut pas bloquer ce projet de loi mais je lui suggérerais plusieurs changements, pour consignation au procès-verbal.
D'abord, on devrait ajouter un paragraphe sur l'objet de la loi. Nous pensons qu'il est essentiel d'incorporer un tel paragraphe dans la loi même, afin de préciser la raison d'être de l'agence. Après 87 ans d'administration des parcs, il est temps de confier un mandat législatif explicite à ce qui sera la toute première agence des parcs nationaux. Dans notre mémoire, nous recommandons un libellé, relativement au mandat, qui pourrait être inclus dans la loi.
Deuxièmement, nous estimons que le préambule devrait être transformé en un mandat de base à l'occasion de son inclusion dans la loi. Cela est nécessaire pour plusieurs raisons. D'abord, il faut donner à l'agence de nouveaux pouvoirs d'application, car il ne suffit pas d'adopter une loi et de dire que Parcs Canada devra continuer de mettre en oeuvre la loi actuelle. Ce projet devrait aller plus loin.
Je soulignerai au passage au comité que huit de nos 38 parcs nationaux, soit 20 p. 100 du réseau des parcs, échappent à la Loi sur les parcs nationaux. Des parcs comme Gros Morne, Pukaskwa, Pacific Rim et Grasslands -- certains députés ont d'ailleurs visité les deux derniers -- ne relèvent pas de la Loi sur les parcs nationaux. Il est donc important que Parcs Canada dispose d'un mandat législatif pour protéger ces régions.
En outre, quand le Parlement et le public canadien reviendront sur cette agence dans cinq ans, il sera important de s'appuyer sur de mesures du rendement -- sur de repères -- pour évaluer jusqu'à quel point cette agence aura été une réussite. J'estime que certains des éléments qu'on retrouve dans le préambule ne sont rien d'autres que des repères.
Nous recommandons donc que les points b) à m) du préambule soient transformés en mandat pour l'Agence et fasse clairement partie du corps du projet de loi C-29. Sinon, vous pourriez revenir sur une simple modification que la Fédération canadienne de la nature et la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada avaient formulée au Comité permanent du patrimoine canadien.
Je préciserai, pour en terminer avec cette question, que nous avions recommandé tous ces changements au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes qui les a très largement rejetés. Ils ont été rejetés parce que les fonctionnaires de Parcs Canada sont venus déclarer au comité que le mandat de l'Agence découlait des lois qu'elle administre et que le projet de loi n'a pas pour objet de réaménager les mandats ni, d'un point de vue législatif, de chercher à renforcer le mandat contenu dans la Loi sur les parcs nationaux.
Je tiens toutefois à souligner à votre comité sénatorial que, lorsqu'il a annoncé son programme de consultation publique relativement à cette nouvelle agence en 1996, le gouvernement fédéral a déclaré que la création de l'Agence canadienne des parcs serait l'occasion de renforcer la raison d'être de Parcs Canada. En 1997, le gouvernement fédéral a répété au public que la loi créant l'Agence viendrait appuyer et, si possible, renforcer le mandat actuel. Pourtant, quand les Canadiens formulent des recommandations pour changer la loi sur l'Agence, recommandations respectant l'esprit du programme de consultation publique de 1996 et de 1997, on nous dit que nous interprétons mal l'objet de cette loi. La Fédération canadienne de la nature ne peut que s'élever avec force contre une telle accusation puisque nous n'avons fait que donner suite à l'invitation du gouvernement.
Troisièmement, parlons de la protection des écosystèmes à l'extérieur des parcs. Quand le Comité sénatorial permanent sur l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles a visité les parcs nationaux de Waterton Lakes et de Grasslands, en 1994, il semble, d'après votre rapport, qu'il ait bien compris que pour assurer le maintien et l'essor d'une région protégée, tous les propriétaires fonciers voisins doivent collaborer.
Cela, vous l'avez entendu au Parc national de Pacific Rim et au Parc national Kejimkujik. Dans ce dernier parc, on a dit au comité qu'un des défis auxquels les parcs sont confrontés consiste à améliorer les relations avec les propriétaires fonciers voisins, compte tenu de l'importance que revêt l'habitat attenant sur le plan de la survie écologique du parc.
Étant donné tout cela, nous suggérons, dans l'intérêt national, d'ajouter ce paragraphe au préambule:
n) d'assurer la conservation des écosystèmes et des secteurs naturels situés à l'extérieur des limites d'un parc national en collaborant avec les propriétaires fonciers voisins et en participant aux travaux de recherche, d'évaluation et de planification environnementale dans la région.
Il n'est pas question ici de conférer aux parcs un pouvoir législatif à l'extérieur de leurs limites, mais d'indiquer clairement au personnel de Parcs Canada que le Parlement estime de l'intérêt national qu'ils travaillent à l'extérieur des limites des parcs nationaux, en collaboration avec leurs voisins afin de protéger les écosystèmes assurant la survie de l'homme et des espèces fauniques.
Nous ne voulons pas dire par là que Parcs Canada ne le fait pas déjà, mais nous avons découvert à maintes reprises que le personnel de ce service n'a participé à aucune évaluation environnementale et à aucun programme de planification d'envergure à l'extérieur des limites des parcs nationaux. C'est là, selon moi, un message très clair qu'il faut communiquer au personnel.
Notre quatrième point porte sur la mise sur pied d'un comité consultatif. Je tiens à reprendre ici la recommandation très appuyée que le M. Robert Page a adressée hier à votre comité quant à la nécessité d'instaurer un comité national. Nous ne voulons pas d'un comité où l'on siégerait simplement pour donner des conseils au ministre, car nous voulons établir un dialogue dans les deux sens. J'estime d'ailleurs qu'il aurait été possible d'éviter certains des malentendus dans les médias au sujet de l'Agence, de la privatisation des parcs et de l'affermage de certains travaux, si nous avions eu un tel dialogue bilatéral.
Nous avons suggéré la création d'un conseil consultatif sur les parcs, mais si l'actuel secrétaire d'État et le SMA de Parcs Canada sont absolument contre l'idée, ne refusons pas pour autant la possibilité à un prochain ministre d'en créer un. Comme l'a recommandé Patrimoine Canada dans son exposé, faites en sorte de prévoir dans le projet de loi la possibilité de créer un tel conseil consultatif plus tard.
Mon dernier point portera sur les dispositions financières relatives à la création d'un compte pour les nouveaux parcs. Nous nous réjouissons de cette initiative. C'est une excellente idée. Comme l'a déclaré le gouvernement, la souplesse inhérente à ce fonds permettra à Parcs Canada de profiter de possibilités inattendues d'achat de terrains pour Parcs Canada. C'est excellent. Cela va tout à fait dans le sens de l'esprit d'entreprise en faveur duquel prêchait ce comité dans son rapport sur la protection des parcs et des lieux publics.
En fait, le projet de loi C-29 vient entraver sur cette souplesse parce qu'il confie au Conseil du Trésor le soin d'approuver ou de refuser les paiements du compte. Par exemple, le paragraphe 21(3) stipule que les sommes ne peuvent être débitées du compte que si un plan d'entreprise a été approuvé par le Conseil du Trésor. Le paragraphe 22(2), quant à lui, indique que les sommes ne peuvent être débitées qu'en conformité avec les conditions stipulées par le Conseil du Trésor. Enfin, voici ce que dit très clairement le paragraphe 33(4):
Il est interdit à l'Agence d'exercer des activités d'une façon incompatible avec le plan d'entreprise approuvé par le Conseil du Trésor.
Nous estimons que ces dispositions annihilent la souplesse qu'on nous avait promise par ailleurs. Ainsi, si l'on proposait l'achat d'une propriété se trouvant dans un futur parc national qui n'apparaîtrait pas dans un plan d'entreprise, les sommes réclamées pourraient ne pas être débloquées. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit dans le passé.
Juste avant que les gouvernements fédéral et provincial ne concluent un accord portant sur l'établissement du Parc national Bruce Peninsula, on a proposé à ce parc de se porter acquéreur d'un terrain très important. Eh bien, le Conseil du Trésor s'est opposé à l'achat parce qu'aucun accord n'avait été conclu. C'est un privé qui a acheté le terrain en question, qui a été perdu pour les parcs nationaux et je serais prêt à parier que s'il était remis en vente, ce serait à deux, trois et même quatre fois son prix originel. On ne peut pas parler là de souplesse.
D'ailleurs, en ce qui concerne le ranch Empire Valley, qui était au coeur du projet du Parc national Turn Creek, en Colombie-Britannique, Parcs Canada n'a rien fait pour s'en porter acquéreur parce qu'on savait que les lignes directrices du Conseil du Trésor l'interdiraient.
Nous avons deux suggestions à faire à ce propos. D'abord, il conviendrait de modifier les paragraphes 21(3) et 22(2) et d'éliminer le paragraphe 33(4), pour réduire le rôle du Conseil du Trésor en matière d'achat de terrain, voire pour l'éliminer. Sinon, ce comité pourrait recommander dans son rapport à la Chambre des communes que les conditions d'utilisation des fonds, définies au paragraphe 22(2), permettent expressément l'acquisition de secteurs naturels pour les futurs parcs nationaux, en l'absence d'accord fédéral-provincial.
Deuxièmement, nous suggérons que l'agence fasse l'objet d'un examen obligatoire tous les cinq ans.
Nous avons exprimé le même point de vue que celui de M. Page relativement à l'élimination du rôle du sous-ministre relativement aux parcs.
Je conclurai en disant que le Canada a bénéficié de la vision et du dévouement de générations de Canadiens, de politiciens et de fonctionnaires qui se sont consacrés à constituer un réseau de parcs nationaux qui est un modèle pour le reste du monde. Nous voulons être certains qu'à l'heure où le flambeau est transmis à la nouvelle Agence canadienne des parcs, l'orientation de la politique publique relativement aux idées et aux valeurs qui ont présidé à l'instauration et au maintien de ce réseau demeure telle quelle, et soit même renforcée.
Je vous remercie de m'avoir écouté. Je serais heureux de répondre à vos questions éventuelles après l'exposé de Mme Granskou.
Mme Mary Granskou, directrice exécutive, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada: Je vais commencer par vous présenter très brièvement la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada. Elle a été fondée en 1963 pour devenir la porte-parole de la population canadienne sur les questions relatives aux réserves naturelles. D'ailleurs, c'est le ministre de l'époque, l'honorable Alvin Hamilton, qui avait réclamé la création d'un organisme public pour prendre position sur le dossier des réserves naturelles et surtout au sujet du réseau des parcs nationaux. Notre existence est donc étroitement liée au programme législatif et au programme des parcs nationaux, et cela depuis la fondation de notre société.
La Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada compte 10 000 membres partout au pays. Nous sommes un organisme essentiellement bénévole composé de 10 sections locales en différents coins du Canada. Nous sommes intervenus de façon très vigoureuse dans plusieurs dossiers. L'une des principales questions qui nous intéresse depuis 25 ans est l'amélioration de la gestion du Parc national de Banff ainsi que des autres parcs nationaux au Canada.
Bien que je ne sois pas venue ici pour vous parler du problème de Banff, étant donné la discussion que vous avez eue plus tôt, nous serions très heureux, M. McNamee ou moi-même, de répondre à vos éventuelles questions à ce sujet.
C'est notre organisme qui a réclamé la première politique d'administration de Parcs Canada. Depuis, nous avons participé à chaque grande révision de cette politique. Nous sommes intervenus très activement lors des révisions de la Loi sur les parcs nationaux, vers la fin des années 80, à l'époque où M. McNamee était encore parmi nous. Nous nous sommes tout de suite intéressés au projet de loi dont vous êtes saisis, dès qu'il a été déposé.
Notre organisme appuie cette mesure législative et je puis vous dire qu'il en a été beaucoup question à notre conseil d'administration. Nous avons d'ailleurs mis sur pied un comité spécial que nous avons chargé de suivre ce projet de loi au fur et à mesure de sa progression à la Chambre des communes. Nous avons conclu qu'il a fait l'objet de suffisamment de changements, lors de sa progression à la Chambre, pour mériter notre appui.
Certes, toutes les améliorations que nous aurions souhaitées, comme certaines qui ont été mentionnées par Kevin McNamee, n'ont pas été retenues par la Chambre. Il n'en demeure pas moins que nous appuyons l'adoption de ce projet de loi sans qu'il soit nécessaire de le modifier autrement. Nous souhaitons par-dessus tout que l'on permette à Parcs Canada de se concentrer sur sa mission de base. Nous aimerions que l'Agence atteigne au plus vite sa vitesse de croisière, car Parcs Canada doit s'attaquer à des questions pressantes un peu partout au pays.
Pour ce qui est du programme législatif, nous espérons que le Parlement accordera la priorité aux modifications très importantes qu'il convient d'apporter à la Loi sur les parcs nationaux ainsi qu'à la législation concernant la conservation du milieu marin.
Je tiens cependant à vous faire part de certaines de nos préoccupations au sujet du projet de loi. Comme l'a indiqué Kevin McNamee tout à l'heure, nous avions réclamé que le préambule ait force de loi. Ce faisant, le libellé du préambule aurait été considérablement renforcé, car nous estimons que la plupart de ses dispositions sont importantes. Notre organisme croit, et nous avons d'ailleurs été parties prenantes à plusieurs causes jugées par les tribunaux, qu'il est préférable que le préambule ait force de loi. Cela vaut mieux que de se présenter devant les tribunaux pour obtenir une clarification d'ordre juridique, ce qui semble être la tendance.
Certains changements ont été apportés au préambule et j'aimerais vous en signaler quelques-uns. Quand le projet de loi a été présenté, le préambule ne faisait pas référence aux peuples autochtones du Canada. Nous avons alors jugé que c'était là une mission grave, qui a été corrigée depuis. Bien que le texte actuel ne soit pas aussi fort que nous l'aimerions, il y est maintenant fait mention des autochtones.
Nous appuyons également la proposition de la Fédération canadienne de la nature, soit d'ajouter un article concernant l'utilisation des parcs par les visiteurs et l'amélioration de l'intégrité écologique commémorative.
M. McNamee et M. Hart ont tous deux parlé de consultations publiques. Lors de la première série d'audiences publiques par le comité de la Chambre, nous avons prêché en faveur de la création d'un comité consultatif, estimant que les organismes publics de conservation, les organismes touristiques et les autres sont suffisamment compétents en la matière et qu'ils sont en mesure de contribuer au déblocage des dossiers. Nous avons vigoureusement soutenu ce point de vue auprès de madame la ministre Copps et de M. Mitchell. Nous sommes heureux de constater qu'on a modifié quelque peu ce projet de loi en vue de répondre en partie à la nécessité d'améliorer la consultation publique, en prévoyant la tenue d'une table ronde biennale. Toutefois, cela ne va pas aussi loin que nous l'aurions souhaité.
J'ajouterai qu'un conseil d'administration a été chargé, à partir du début des années 1900, de la partie historique du mandat de Parcs Canada. Nous estimons donc nous être appuyés sur des bases solides pour demander la création d'un comité consultatif ou d'un conseil d'administration pour la partie «parcs».
L'autre question que je veux porter à votre attention touche à la responsabilité vis-à-vis de la politique. Nous sommes heureux de constater que l'article 6 du projet de loi rend l'Agence responsable de la mise en oeuvre de la politique. Cependant, nous croyons qu'il aurait été possible de faire mieux en rendant cela davantage explicite, en particulier en rappelant l'actuelle politique opérationnelle des parcs dans l'annexe du projet de loi. Nous estimons en effet que la politique actuelle est excellente. Comme beaucoup d'entre vous le savent, la mise en oeuvre de cette politique est une des pierres d'achoppement.
Je vais vous parler de deux autres questions. La première concerne la garantie de financement public et l'autre le maintien de bons principes scientifiques.
S'agissant de financement public, nous-mêmes et d'autres avons recommandé le versement de crédits annuels minimums à Parcs Canada, correspondant à un pourcentage du total, car cet organisme a été durement touché quand son budget a été réduit de 25 p. 100. Nous sommes convaincus que les Canadiens s'attendent à ce que le réseau des parcs nationaux soit financé par des fonds publics. Après tout, ce sont des trésors naturels nationaux. Nous n'avons pas atteint cet objectif, mais c'est une question que je tiens à vous soumettre, parce que la situation n'ira pas en s'améliorant en matière de financement de notre réseau de parcs nationaux.
Je vais d'ailleurs faire un rappel historique. Dans les premiers jours qui ont suivi de la création de Parcs Canada, qui a été le premier service de parcs nationaux du monde, J.B. Harkin, premier commissaire du réseau des parcs nationaux, est parvenu à obtenir un financement qui était loin d'être négligeable pendant la crise de 1929. S'il est parvenu à cela pendant la Grande crise, pour que le réseau des parcs nationaux continue d'être géré pour l'ensemble des Canadiens, j'espère que nous parviendrons à trouver un financement aujourd'hui. Nous sommes nombreux, un peu partout au pays, à estimer qu'il faut augmenter le financement public de nos parcs nationaux.
Je terminerai par la question des bonnes méthodes scientifiques, par la nécessité de continuer à exercer des activités scientifiques crédibles. La promotion d'activités scientifiques dignes de foi et la possibilité, pour les employés de l'Agence, de faire connaître librement leur point de vue, de façon responsable et professionnelle, sont essentielles à toute bonne prise de décisions. On a pu s'en apercevoir ces dernières années, surtout dans le cas de dossiers particulièrement délicats touchant à l'intégrité écologique, à Banff et ailleurs, dans des causes qui ont retenu l'attention du public. Nous avons réclamé une modification de l'article 13 afin de préciser que le personnel de l'Agence ne sera pas réprimandé pour communiquer le résultat d'études scientifiques, mais on ne nous a pas écoutés.
Je voulais vous donner une idée de certaines des préoccupations que le projet de loi continue de soulever au sein de notre organisation. Je rappelle cependant que nous l'appuyons dans son ensemble. On y a apporté plusieurs modifications importantes. Il n'est pas parfait, mais nous aimerions que Parcs Canada le mette en oeuvre et prenne les importantes décisions qui s'imposent relativement à une multitude de questions fondamentales auxquelles est confronté notre réseau des parcs nationaux.
Le sénateur Kenny: Vous êtes revenus sur une question à propos de laquelle j'ai interrogé le témoin précédent. Je ne sais si vous étiez présents dans la pièce à ce moment-là, mais il s'agit du problème que soulève le sous-financement des parcs quand vient le temps d'acquérir d'autres terres. On dirait que vous êtes résolument d'avis qu'il faut acquérir ces terrains maintenant, même si cela ne ferait qu'étirer davantage les minces ressources disponibles.
M. McNamee: C'est exact. Je vais commencer par un rappel historique. Quand on a recommandé la création du Parc national de Waterton Lakes, en 1893, les fonctionnaires de l'époque s'y sont opposés, soutenant qu'il y avait déjà Banff, Yoho et Glacier. À quoi bon, disaient-ils, élargir le réseau? Il y avait déjà suffisamment de problèmes avec ces trois parcs nationaux. Eh bien, si le ministre avait suivi l'avis de ses fonctionnaires, nous n'aurions pas Waterton Lakes, qui est maintenant un Site du patrimoine mondial. Nous avons déjà relevé ce genre de gageure dans le passé. Je dirais que si nous pouvons nous permettre de créer d'autres parcs nationaux, c'est qu'il n'est plus question de conclure des transactions se chiffrant en centaines de millions de dollars, comme ce fut le cas pour Gros Morne et Gwaii Haanas. Les ententes envisagées ont une portée beaucoup moins économique et sont davantage axées sur la protection de l'environnement. Elles donnent des emplois aux Autochtones et aux résidents des collectivités locales. Il est une réalité: il y a environ cinq ans, 65 p. 100 des terres naturelles canadiennes avaient été attribuées pour être aménagées ou avaient été aménagées. Nous n'avons plus la possibilité de protéger ces terres. Il n'y a qu'à voir ce que donne la course à l'exploitation minière dans le Nord. Tout ne peut pas se ramener à une simple question d'argent, bien qu'il nous faille réduire les montants que nous consacrons pour favoriser ce genre d'entreprise. Il nous faut mettre la main sur ces régions et les façons de s'y prendre ne manquent pas.
Le sénateur Kenny: Il me semble que vous avez tous deux adopté des approches légèrement différentes ce matin. Mme Granskou recommande l'adoption de ce projet de loi alors que vous dites qu'il faudrait, soit le modifier, soit formuler des suggestions dans le rapport que nous rédigerons à son sujet. Il est relativement simple de faire des recommandations dans un rapport à la Chambre. Mais cela risque de ne pas d'avoir beaucoup d'effet. Où voulez-vous en venir avec cela, monsieur McNamee? Voudriez-vous que nous modifions le projet de loi et en retardions l'adoption? Voudriez-vous plutôt que nous rédigions un rapport, en supposant que nous soyons d'accord avec ce que vous nous avez déclaré?
M. McNamee: C'est une bonne question. Je comprends tout à fait la position de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada. Personnellement, je dirais que nous devrions nous pencher sur les questions de fond. Cependant, nous avons déclaré au Comité permanent du patrimoine canadien que nous n'appuierions pas le projet de loi -- parce que nous voulions qu'il soit modifié -- mais que cela ne nous empêcherait pas de collaborer avec la nouvelle Agence canadienne des parcs. Je suis tout à fait en faveur de cette agence et c'est plutôt le projet de loi qui me pose problème. Je ne fais que vous exposer le point de vue de la Fédération canadienne de la nature. J'essaie d'être cohérent avec ce que nous avons déclaré au comité. J'essaie de vous donner une idée des différentes options s'offrant à nous. Je ne veux pas que tout cela traîne une autre année, mais je me sens obligé, au nom de mon organisation, de vous indiquer les changements que nous aurions voulu voir dans ce projet de loi. En revanche, je puis vous garantir, sénateurs, que si vous faites rapport à la Chambre, nous n'aurons de cesse de le citer par la suite. J'estime que ce sont les électeurs qui croient dans vos recommandations et qui les appuient qui peuvent faire en sorte que les rapports du Sénat aient du poids.
Le sénateur Kenny: J'ai pris note de ce que vous avez dit à propos du rôle du Conseil du Trésor. Je ne m'attarderai pas sur cela pour l'instant, parce que je crois que nous aurons beaucoup plus de plaisir à le faire quand le ministre viendra nous rencontrer. Vous avez cependant formulé une recommandation que je ne comprends pas, celle concernant l'élimination du sous-ministre. J'avais l'impression que le sous-ministre était nommé par le premier ministre, que le ministre et le premier ministre devaient avoir toute la souplesse voulue pour pouvoir choisir la personne à qui ils veulent confier l'administration de cette organisation. Pourquoi voulez-vous supprimer ce poste?
M. McNamee: Eh bien, je vais être très clair, surtout si le sous-ministre me regarde à la télévision. Je ne recommande absolument pas de supprimer le poste de sous-ministre. Notre recommandation rejoint ce que M. Page a fait remarquer hier, dans le document du gouvernement, à savoir que le sous-ministre continuera d'avoir essentiellement pour rôle de conseiller le ministre en matière de politiques, sur toutes les questions concernant l'Agence. Nous appuyons cette agence, parce qu'elle sera distincte et indépendante du ministère du Patrimoine canadien. Ce n'est pas le poste que je veux éliminer, mais tout comme M. Page ainsi que plusieurs autres, j'estime que le sous-ministre ne devrait plus jouer le rôle de principal conseiller sur des questions concernant une agence qui sera indépendante du Ministère.
Nous avons formulé cette suggestion pour plusieurs raisons. D'abord, nous ne voulons pas d'intermédiaire entre l'agence et le ministre. C'est d'ailleurs pour cela que le gouvernement s'est opposé à la constitution d'un comité consultatif composé de citoyens. Il ne veut pas que quelque chose vienne s'interposer entre le ministre et le pdg. Deuxièmement, il faut se rappeler que le sous-ministre du Patrimoine canadien qui a précédé celui-ci, à l'époque où Parcs Canada a été transférée au ministère du Patrimoine canadien, a causé énormément de torts. C'est donc à cause d'événements passés, qui ne sont pas le fait du sous- ministre actuel que nous respectons beaucoup, mais de son prédécesseur, que nous sommes venus à penser de la sorte. Le sous-ministre en question a supprimé les directeurs des parcs et a modifié le système de rapport, de sorte que le personnel à l'Administration centrale n'avait plus aucune idée de ce qui se passait sur le terrain. Tant qu'à créer une agence distincte, assurez-vous qu'elle soit bel et bien indépendante et qu'il n'y ait plus d'intermédiaire entre le ministre et le pdg.
Le sénateur Kenny: Mais cela ne se ramène pas à un problème de personnalité. Vous êtes en train de dire que vous ne voulez pas que le ministre puisse choisir librement la personne qu'il veut pour se faire conseiller. J'aurais besoin d'un meilleur argument que cela... Visiblement, vous n'aimiez pas le sous-ministre précédent.
M. McNamee: Je n'aurais peut-être pas dû vous parler de ce problème de personnalité, mais je tiens à insister sur la question de l'indépendance de l'Agence. Nous estimons par-dessus tout, que tout doit se passer entre le pdg de l'Agence, qui est censée être autonome, et le ministre. C'est ce que nous soutenons.
Le sénateur Spivak: Je tiens à vous dire toute notre gratitude, au nom des gens de la Colline parlementaire -- et j'espère m'exprimer pour la plupart d'entre eux -- pour les efforts déployés par vos deux organisations. J'ai beaucoup pratiqué l'organisation de M. McNamee, mais beaucoup moins l'autre. Nous n'aurions jamais pu réaliser autant, sans ce que vous avez fait.
Monsieur McNamee, je veux que nous parlions des zones tampons, qui est un dossier très important au Manitoba. Le parc qui entoure Clear Lake sera détruit par ce qui se passe là-bas. En général, ce genre de dossier est dominé par les autorités provinciales et par leur manque de compréhension réelle des problèmes. La même chose s'applique dans le cas de la mine Cheviot, en Alberta. N'existe-t-il pas des outils, dans tout l'arsenal dont dispose le gouvernement fédéral ou l'agence des parcs, pour régler ce genre de problème?
M. McNamee: On pourrait recourir aux lois, comme la Loi sur les pêches et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Nos deux organisations sont actuellement devant la cour fédérale parce que nous croyons que l'examen de la mine Cheviot n'était pas conforme aux normes établies ni aux règles énoncées dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale en matière d'évaluation cumulative. On pourrait donc avoir recours à ces instruments législatifs.
Mais celui qui est le plus prometteur entre tous est celui de la coopération -- c'est-à-dire le fait de rechercher à informer les gens qui sont appelés à prendre part aux divers processus provinciaux.
On m'a dit qu'à l'occasion de l'évaluation environnementale de l'exploitation forestière autour du Parc national Riding Mountain, le ministère du Patrimoine canadien -- Parcs Canada -- a été le seul ministère fédéral ayant un intérêt dans ce dossier à ne pas être intervenu lors des audiences. Les groupes provinciaux de conservation ont écrit à l'honorable Sheila Copps pour lui demander une explication. Voilà pourquoi je dis que le Parlement devrait, au moins, indiquer aux fonctionnaires de Parcs Canada qu'il en va de l'intérêt national qu'ils participent à ce genre d'audiences.
Mme Granskou: J'aurais plusieurs suggestions à faire. Nous croyons qu'il est temps de chercher à conclure des ententes fédérales-provinciales relativement aux terres qui jouxtent les parcs nationaux. Prenons l'exemple de ce qui se passe en Alberta, avec la mine Cheviot et plus particulièrement avec les terres entourant le Parc national de Jasper. Pour la première fois des représentants de Parcs Canada siègent aux comités chargés d'atténuer les impacts à proximité du Parc de Jasper. Malheureusement, ils n'ont aucun pouvoir, car ils siègent à des comités provinciaux. Il nous faudrait créer des comités fédéraux-provinciaux pour que les représentants fédéraux aient les pouvoirs voulus afin d'appliquer la politique. Nous sommes tout à fait en faveur d'accords fédéraux-provinciaux.
Notre organisation ainsi que plus de 200 autres travaillons au règlement de cette question à propos de laquelle Parcs Canada et son homologue américain ont conclu une entente. Autrement dit, nous nous intéressons à des secteurs particuliers où il faut rechercher une solide collaboration fédérale-provinciale à propos de régions se situant entre le Parc de Yellowstone et le Yukon. Les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent non seulement servir de tampons, mais ils peuvent aussi veiller à instaurer des liens entre nos principaux parcs nationaux et d'autres régions protégées, de compétence provinciale, territoriale ou autochtone. Voilà donc les deux remèdes que je proposerais personnellement.
Le sénateur Spivak: Je pense que nous avons beaucoup appris et je suis d'accord avec vous sur la question de la coopération. Pensez-vous que nous devrions mentionner cette question de recherche d'une collaboration fédérale-provinciale dans la loi? Dans ma province, il est urgent de parvenir à une entente fédérale-provinciale et il est peut-être nécessaire de mentionner cette idée dans un rapport. Seriez-vous favorable à cela?
Mme Granskou: Je serais tout à fait d'accord pour qu'on en parle dans le rapport. Cependant, je n'irais pas jusqu'à recommander de l'inclure dans ce projet de loi. Je crois que le contexte serait très important dans ce cas-ci. D'ailleurs, tout cela irait tout à fait dans le sens de certains des aspects que M. McNamee aborde dans son mémoire.
Le vice-président: Je crois que c'est très important dans le cas des terres qui jouxtent les parcs fédéraux.
Si je vous disais que le gouvernement fédéral dispose déjà de suffisamment de munitions pour intervenir sur ce point-là, s'il en a le courage, en invoquant la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection des eaux navigables?
Le sénateur Spivak: Je tiens à vous mettre en garde, d'après ce que j'ai lu dans la los sur les pêcheries, on veut affaiblir ce pouvoir.
M. McNamee: Parfois, tout se ramène à une décision politique. Dans le passé, on a pu s'apercevoir que le gouvernement fédéral ne veut pas courroucer les provinces sur la question des parcs nationaux.
Je dirais au sénateur Spivak qu'au Manitoba, on a prévu, dans l'accord portant la création du Parc national Wapoos, de mettre sur pied un conseil de gestion. Les gouvernements provincial et fédéral sont censés collaborer sur les questions qui ne sont pas visées par l'entente sur le parc.
Nous essayons de faire la même chose dans le cas de l'entente proposée au sujet du Parc national des Basses-Terres, au Manitoba, parce que les limites actuellement proposées sont tout à fait inadéquates. Les forestiers s'appuient sur un plan d'exploitation de 13 ans pour prolonger la coupe jusqu'à la limite du parc. Cela va nous replonger dans les mêmes problèmes que ceux à propos desquels nous nous battons dans les vieux parcs.
S'agissant des nouveaux parcs nationaux, le Manitoba s'est vraiment posé en modèle sur la façon de régler ce genre de problèmes.
Le sénateur Spivak: Pour ce qui est de la question des nouveaux parcs et de l'achat des terres, par rapport au fait que nous n'avons pas suffisamment d'argent pour nous occuper déjà de ce que nous avons, ne serait-il pas simplement question d'acheter des terres et de ne pas s'en occuper pendant quelque temps? Cette solution ne serait-elle pas meilleure que de ne pas les acquérir ou encore de créer des parcs dont on ne pourrait pas vraiment s'occuper avant un certain temps? Dans une telle situation, cette solution ne serait-elle pas la meilleure? Qu'en pensez-vous?
M. McNamee: Je tiens à apporter une précision. Je crois qu'on fait fausse route, parce qu'on semble vouloir dire qu'il faut acheter des terres un peu partout au Canada pour créer nos parcs nationaux. Or, c'est rarement le cas, car il s'agit en majorité de terres domaniales. Ces parcs nationaux sont créés par le transfert de terres domaniales provinciales au gouvernement fédéral et nous espérons que c'est ce qui se passera dans le cas des terres basses du Manitoba.
En revanche, le bât blesse parfois quand il faut se porter acquéreur de terres appartenant à des tierces parties, surtout à des sociétés forestières ou d'exploitation minière. Voilà pourquoi il ne faut pas s'arrêter là parce que la plupart de ces parcs ne se trouvent pas dans ce genre de situation. Vous ne faites que retarder l'adoption du projet de loi en essayant de régler ce problème maintenant.
L'autre possibilité, que je considère comme étant une idée tout à fait raisonnable, est mentionnée dans le plan d'entreprise national de Parcs Canada. Parcs Canada va en effet s'efforcer de créer un parc national dans chacune des 15 régions jusqu'ici non représentées, d'ici l'an 2000, ou va essayer d'obtenir ce que nous appelons un décret de soustraction de certaines terres ou un décret de protection provisoire. Dans le dernier cas, les autochtones pourront continuer à faire un usage traditionnel des terres, mais les sociétés forestières et d'exploitation minière ne pourront y accéder tant que les études de planification ne seront pas terminées et que les limites n'auront pas été clairement établies. Cette façon de faire permet d'éviter que le prix des terres augmente et que celles-ci ne fassent pas l'objet de travaux de développement tant qu'une décision n'est pas prise. Je crois qu'à cet égard, Parcs Canada fait de son mieux et obtient d'ailleurs de bons résultats.
Le sénateur Spivak: Pour ce qui est de la coopération, le Manitoba permet toutes sortes d'usages dans ses parcs provinciaux. Pourrait-on envisager de combiner ressources provinciales et ressources fédérales ou de les utiliser en tandem pour administrer ces parcs? C'est peut-être une idée radicale. Est-il encore trop tôt ou pensez-vous que le Manitoba soit la dernière province à conserver une vision aussi rétrograde des parcs provinciaux?
Mme Granskou: Notre section locale travaille d'arrache-pied sur des dossiers épouvantables concernant le réseau des parcs du Manitoba. Figurez-vous que le Manitoba permet le développement industriel dans son réseau de parcs. Cela vient gâcher le travail fait ailleurs au Canada dans le réseau des terres protégées. Je recommande d'instaurer une véritable collaboration -- à la fois financière et administrative -- à propos de tout ce qui se passe au voisinage immédiat des parcs nationaux.
Dans son rapport, le vérificateur général confirme que les parcs sont de plus en plus empêtrés dans les problèmes se produisant à leur limite. Tout est bien défini jusqu'à ces limites. De plus en plus de biologistes tout à fait dignes de foi, spécialistes de la conservation en Amérique du Nord et dans le monde, estiment qu'à long terme les parcs ne parviendront pas à préserver certaines espèces à grand rayon d'action, s'ils continuent de travailler en vase clos. La coopération, prise au plein sens du terme, s'impose donc de façon urgente.
En outre, il est urgent que les ministères fédéraux se serrent les coudes sur ces questions -- comme Pêches et Océans, Parcs et les autres -- parce que la Loi sur les pêches ne suffira pas, à elle seule, à apporter les solutions voulues.
Le sénateur Fitzpatrick: Vous avez tous deux affirmé qu'un conseil ou un comité consultatif s'imposait. Envisagez-vous cela sous l'angle d'un gouvernement d'entreprise pour l'agence ou songez-vous plutôt à un type de conseil consultatif travaillant davantage sur le plan des concepts en matière d'environnement, de possibilités de développement et d'interrelations avec le public? Placeriez-vous ce conseil à l'échelon du pdg ou à celui du ministre?
M. McNamee: Encore une fois, je veux être clair. Je pense pouvoir m'exprimer ici au nom de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, tout autant qu'au nom de mon organisation. Nous ne pensons pas que ce conseil devrait être placé entre le ministre et le pdg. C'est très clair. Il ne serait pas non plus question de gouvernement d'entreprise. Le ministre a la charge de faire appliquer la loi, les règlements ainsi que la politique. Nous ne voulons pas changer cela et nous ne voulons pas créer un conseil d'administration. Bien d'autres témoins ont d'ailleurs exprimé le même avis lors des consultations publiques.
Je vais vous donner un exemple pour vous faire comprendre pourquoi il est important de disposer d'un conseil. Quand Parcs Canada a annoncé son intention de fonctionner davantage comme une entreprise, l'organisme s'est doté d'un plan d'entreprise national. Les membres de plusieurs groupes au Canada ont alors protesté. Finalement, Mme Granskou et moi-même avons téléphoné au SMA pour réclamer une rencontre à l'occasion de laquelle il nous a expliqué le rôle du plan d'entreprise national. Personnellement, je dirais que ce plan est tout à fait censé. Le Ministère prépare le plan de gestion des parcs, dégage les priorités, mais ne finance rien. Voilà maintenant qu'on propose de se doter d'un plan de gestion et d'un plan d'entreprise des parcs. Le plan d'entreprise garantira le financement des secteurs prioritaires en matière de conservation ainsi que de toutes les autres interventions nécessaires. Tout cela est fort logique.
Si nous avions eu un conseil consultatif se réunissant régulièrement, le SMA aurait pu expliquer à plusieurs personnes venant des quatre coins du pays ce qu'était son plan d'entreprise, ce qu'il voulait en faire et il aurait pu recueillir nos réactions et nos commentaires à cette occasion. Si nous avions pu expliquer à ceux et celles que nous représentons ainsi qu'aux groupes environnementaux ce qu'était le plan d'entreprise national envisagé, nous aurions pu éviter une grande partie de la controverse. Nous aurions pu obtenir une meilleure coopération à l'échelon des parcs. En fait, nous voulons instaurer un dialogue bilatéral qui n'existe pas actuellement. Pourquoi ne pas l'instaurer de façon officielle?
Mme Granskou: Nous sommes prêts à participer aux tables rondes biennales prévues dans le projet de loi. Nous voulions rencontrer régulièrement le ministre. Nous pensons avoir obtenu cela, mais ce n'est pas tout ce que nous réclamions.
Le sénateur Cochrane: Je vais vous parler de consultations publiques relativement à la mise sur pied de cette agence. Notre autre témoin d'aujourd'hui, M. Hart, nous a dit que la décision de créer cette nouvelle agence des parcs a été prise le 26 juin et qu'il n'y avait pas eu de consultations préalables à l'échelle du pays. Personnellement, j'aurais préféré qu'il y en ait eu, surtout avec les usagers des parcs, afin de recueillir les points de vue de tout le monde. Pouvez-vous nous parler un peu du genre de consultations auxquelles vos groupes ont pu participer?
M. McNamee: Il est possible que le maire de Banff ne se soit pas bien fait comprendre, et je ne voudrais pas m'exprimer à sa place. Si j'ai bien compris votre question, je vous répondrai qu'il y a effectivement eu des consultations publiques à propos de l'agence. Si j'ai bien entendu ce qu'il a dit dans son témoignage, le maire a soutenu qu'il n'y avait pas eu de consultation à propos de l'annonce faite par le ministre au mois de juin, relativement à la mise en valeur de la ville de Banff.
Le vice-président: Je pense que c'est bien cela.
M. McNamee: Quant à la création de l'agence, elle a été annoncée dans le budget du ministre des Finances de mars 1996. Cet été-là, Parcs Canada a diffusé un document et a tenu une vingtaine de réunions partout au pays. Nous avons même été mis au courant des réactions exprimées lors de ces réunions.
L'honorable Andy Mitchell a été nommé après l'élection et, à l'été 1997, le Ministère a diffusé un autre document. Les gens ont eu l'occasion de faire part de leurs réactions. Enfin, il y a eu les audiences du comité permanent auxquelles nous avons tous deux participé.
Sans parler de la qualité des consultations, je dois dire que le gouvernement fédéral a fait ce qu'il fallait pour consulter les Canadiens et les Canadiennes à propos de la nouvelle Agence canadienne des parcs.
Le vice-président: Merci beaucoup. Votre témoignage a été très instructif.
Nous accueillons maintenant Rita Morbia du Sierra Club du Canada.
Mme Rita Morbia, Sierra Club du Canada: Monsieur le président, je tiens à préciser que je parle au nom d'Elizabeth May, notre directrice générale. Elle n'a pu se rendre à votre invitation à cause d'engagements antérieurs. Je m'efforcerai de la remplacer de mon mieux.
Le Sierra Club du Canada est une organisation écologique nationale composée d'adhérents. Nous sommes présents sur la scène canadienne depuis 1968. Le Sierra Club a été fondé aux États-Unis en 1892. Nous avons des groupes locaux et des sections un peu partout au Canada. Nous avons six bureaux dans trois sections. Notre énoncé de mission précise que nous devons nous intéresser aux menaces suivantes: disparition d'espèces animales et végétales; détérioration des océans et de l'atmosphère et destruction des derniers sites naturels.
Cela fait longtemps que nous intervenons sur la question des parcs nationaux. Nos membres ont milité en faveur de la création de South Moresby, de Pacific Rim, de Grasslands et de bien d'autres parcs au Canada. De plus, nous avons contribué à tirer la sonnette d'alarme relativement aux menaces pesant sur l'intégrité écologique, puisque certains parcs actuels, comme Riding Mountain, Jasper et Wood Buffalo, sont menacés par l'exploitation forestière et minière.
Il est temps de se préoccuper véritablement du sort de nos parcs nationaux. D'ailleurs, le vérificateur général a déjà établi que l'intégrité écologique de nos parcs est menacée, et il est même allé jusqu'à dire qu'elle était déjà compromise. Le réseau national des parcs n'est qu'à moitié parachevé en ce qui concerne l'élément terrestre, alors que l'on vient à peine de débuter dans le cas des parcs marins. Malgré l'engagement pris par les gouvernements qui se sont succédé depuis 1979, notamment par le gouvernement fédéral dans son premier Livre rouge, à savoir que le réseau des parcs nationaux serait terminé d'ici l'an 2000, force est de constater qu'on est très loin de l'objectif. Il est grand temps que le présent gouvernement s'intéresse aux parcs nationaux.
Malheureusement, le Sierra Club du Canada ne peut apporter son appui à ce projet de loi. Habituellement, quand un projet de loi en est à ce stade, on s'attarde aux articles posant problème ou au libellé de la loi nécessitant des modifications ou une reformulation. C'est une des rares fois où même la dissection du texte ne permettra pas de trouver ce qui ne va pas. Ce n'est pas au niveau du détail que le bât blesse. C'est dans la philosophie sous-jacente. Selon nous, l'orientation de la loi sur le plan du fonctionnement présente un danger potentiel et va même à l'encontre de la Loi sur les parcs nationaux que l'agence devra appliquer.
Le temps est venu de réfléchir sérieusement à tout cela. Il est certain que Parcs Canada est à court de ressources. Les amputations récentes du budget du service des parcs ont démoralisé le personnel et, comme je le disais, ont porté atteinte à l'intégrité écologique de nos parcs nationaux. Le Sierra Club s'est opposé au transfert des parcs d'Environnement Canada au Patrimoine canadien en pleine fièvre électorale de l'été 1993. Nous avions soutenu que nos parcs nationaux avaient pour rôle premier de veiller à la protection de zones représentatives et viables situées dans les différentes régions écologiques canadiennes. Il existait un certain point commun entre cette fonction et le rôle d'Environnement Canada et nous avions craint que cette mission ne soit éclipsée au sein du Patrimoine canadien par des objectifs tout à fait valables mais différents, comme la promotion du français, la défense de la culture canadienne et la promotion du sport. C'est effectivement ce qui s'est produit. On a même réduit les services votés de Parcs Canada pour financer le sport amateur à une époque où le budget du service canadien des parcs était déjà très réduit. Les contraintes imposées aux ressources viennent de tous les côtés.
La solution a surgi de ce défaut d'attention politique et de priorité budgétaire: créer l'Agence canadienne des parcs. Ce faisant, le service des parcs ne serait plus exposé à l'empiétement d'autres éléments appartenant au même ministère. Il pourrait conserver la partie de l'enveloppe budgétaire qu'il n'aurait pas utilisée et la reporter d'une année sur l'autre, plutôt que de la voir disparaître. On mettra un terme aux crédits prévus en vertu du paragraphe 19(1), mais les recettes, elles, continueront de revenir dans les coffres du service des parcs. L'agence pourra demander des dons pour créer de nouveaux parcs, elle pourra inviter les Canadiens à se payer eux-mêmes leurs parcs nationaux -- formule qu'on n'avait pas osé imaginer sous le règne sombre de l'ex-ministre de l'Environnement Suzanne Blais-Grenier. L'agence pourra produire des revenus, les épargner et les dépenser sans avoir à se plier aux règles officielles qui empêchent les ministères fédéraux de fonctionner comme des entreprises.
Certes, les fonctionnaires en difficulté de Parcs Canada peuvent être séduits par certains aspects, mais le remède risque d'être pire que le mal. On ne peut considérer que ce projet de loi est acceptable que si l'on suppose que ce nouveau mode de fonctionnement ne donnera lieu à aucun abus. Cependant, dès que la loi sera rentrée en vigueur, il sera extrêmement difficile de rapatrier les nouveaux pouvoirs de l'Agence, advenant qu'on se soit trompé sur les hypothèses d'avenir.
Dans le pire des cas, on peut imaginer que les parcs nationaux, évoluant en vertu du projet de loi C-29, ne seront pas en mesure de rapporter ce qu'ils coûtent, qu'on les mettra en vente et que les revenus qu'on en tirera resteront à l'Agence canadienne des parcs.
Avant de nous dire que cette situation est inimaginable, songez donc à la facilité avec laquelle on pourrait en arriver là. Le Congrès américain a déjà essayé, bien qu'en vain, de pousser à la vente de certains parcs nationaux. Pour respecter le libellé de la Loi sur les parcs nationaux, il suffirait que le personnel des parcs produise une étude établissant que la zone concernée ne correspond pas à une région écologique représentative essentielle et qu'elle est, comme le dirait Conrad Black «excédentaire». Les produits de telles ventes seraient très intéressants, soit pour acheter d'autres propriétés destinées à de futurs parcs, soit pour fournir les fonds nécessaires afin d'assurer la protection et la gestion des parcs restant. Nous nous attendons à ce que les services votés de Parcs Canada soient nettement réduits, et à ce qu'on insiste encore plus sur la capacité de production de recettes de la future agence.
Les directeurs de parcs devront de plus en plus se préoccuper de faire rentrer des sous, ce qui pourrait fort bien donner lieu à la négociation de licences compromettantes. Si Disney a pu négocier les droits d'auteur avec la Gendarmerie royale du Canada, pourquoi ne conclurait-il pas de tels accords avec nos parcs? Il sera difficile de résister à des concessions rapportant plus d'argent à nos parcs nationaux. Les arches macdonaldiennes et Mickey Mouse pourraient fort bien détrôner le castor, symbole de Parcs Canada, en tant que logotypes les plus visibles. Il y a là de quoi craindre sur le plan de l'esthétique. Bien que les représentants du gouvernement nous aient sans cesse répété que le projet de loi C-29 ne constitue pas une privatisation de nos parcs nationaux, cela ne présage rien de bon.
Les parcs devront, encore plus qu'aujourd'hui, s'autofinancer. On exercera de plus en plus de pressions pour attirer davantage de visiteurs et leur extraire un maximum d'argent. Nous éprouvons certaines craintes quant à ce que cela pourra signifier sur le plan de l'accès. Les parcs qui passeront à côté de leurs objectifs de recettes seront négligés, voire carrément laissés pour compte. Les parcs où le nombre de visiteurs serait excessif en regard de leur santé écologique, pourraient être sacrifiés afin de maintenir des rentrées d'argent tant nécessaires. Le sempiternel argument de la protection de l'intégrité écologique de Banff s'intensifiera, car ce parc sera le siège d'un conflit interne entre sa vocation d'entreprise et sa vocation de conservation. Bien que nous soyons d'accord avec la nécessité de disposer d'un financement adéquat pour répondre aux objectifs énoncés dans les plans de gestion des parcs, nous craignons que, dans l'avenir, on insiste trop sur la nécessité de faire rentrer de l'argent.
Si les entreprises étrangères parviennent à mettre la main sur les parcs nationaux et à en faire des marchés porteurs, il sera non seulement politiquement très difficile de les en chasser dans l'avenir, mais une telle décision pourrait être contestée par un État investisseur en vertu du chapitre 11 de l'Accord du libre-échange nord-américain. L'ouverture de l'accès à de nouveaux marchés et le fait de transformer en simple produits des éléments de la nature et du gouvernement traditionnel sont des décisions essentiellement irréversibles. Les règles du commerce, que ce soit celles de l'ALENA ou de l'accord multilatéral sur les investissements qu'on se propose d'adopter, font qu'il sera beaucoup plus difficile de renverser ce genre de décisions qu'il y a dix ans de cela.
C'est une des raisons pour lesquelles nos collègues des autres organismes de conservation ont trouvé que le projet de loi C-29 n'est pas assez précis quant au rôle essentiel des parcs nationaux en matière de préservation de la diversité bioécologique de la planète. Au fond, le projet de loi C-29 ne concerne pas les parcs. Il s'agit d'un plan d'entreprise et c'est comme cela qu'il faut le lire. Il ne semble pas qu'on se soit demandé, au Parlement, si la création d'une agence autonome constitue bien la meilleure solution. Le fait que ce projet de loi ait pu franchir si vite les différentes étapes en vue de son adoption, sans trop d'opposition, prouve bien que tout le monde est d'accord avec les objectifs de lutte au déficit du gouvernement et avec sa rhétorique de la réduction tous azimuts. Cette étape de l'examen est importante et il ne faudrait pas la précipiter au Sénat comme on l'a fait à la Chambre.
Soi dit en passant, les délais de comparution devant les comités de la Chambre étaient tellement serrés et l'attention des députés tellement tournée vers autre chose, que nous n'avons pas comparu devant ce comité.
La question de l'administration nous préoccupe également. L'agence sera dirigée par le président-directeur général et non par un sous-ministre adjoint, qui relèvera du sous-ministre et du ministre. D'ailleurs, le titre même de pdg n'est pas innocent. Le message est clair. L'agence sera administrée comme une entreprise privée. Le nouveau pdg aura des pouvoirs étendus et n'aura que peu de comptes à rendre au public. Même les fonctions ministérielles comme celles énoncées aux articles 23 à 25 ainsi qu'à l'article 28 seront sujettes à délégation au pdg.
Le pouvoir de délégation du pdg, énoncé au paragraphe 12(4), est encore plus étrange. Essentiellement, il pourra déléguer à toute personne les pouvoirs, tâches ou fonctions qui lui sont conférés. Cela est fort bien pour faciliter les transactions commerciales, mais il faudra exercer un contrôle actuellement impensable sur la gestion des parcs.
Cependant, la surveillance n'est pas très pesante. Les rapports annuels sont axés sur les questions et les responsabilités financières relevant du Conseil du Trésor. Le rapport qui portera sur l'état des parcs ne sera exigé que tous les deux ans. L'intégrité écologique, la principale mission énoncée en vertu de la Loi sur les parcs, ne devra faire l'objet d'un rapport que tous les cinq ans après la création d'un parc ou d'un site du patrimoine.
S'agissant de reddition de comptes au public, le pdg sera simplement tenu de convoquer une table ronde. Celle-ci sera composée des personnes intéressées par les questions dont l'agence sera responsable. Son rôle sera purement consultatif. Les membres et le personnel du Sierra Club possèdent une vaste expérience de ce genre de table ronde. Il est fort probable que celle-ci rassemblera tout ce qu'il y aura de groupes de conservation et de parcs, de groupes du patrimoine, d'intérêt touristique et de plus en plus de représentants du secteur privé détenteurs de permis d'exploitation ou louant un accès commercial aux parcs. Il est fort peu probable qu'elle aille au-delà d'une simple apparence de responsabilité vis-à-vis du public. Nous avons remarqué que tout ce qui concernait l'allusion à une tribune publique a été retiré du projet de loi.
Il convient d'élever le débat sur le projet de loi C-29 et d'aller au-delà des articles susceptibles de faire l'objet d'une modeste amélioration. Il faut parler du rôle fondamental du gouvernement, il faut se demander quand la production de recettes est appropriée dans le secteur public et quand elle devient dangereuse. Même dans le plus farouche bastion du libre marché, aux États-Unis, c'est le Secrétaire à l'intérieur qui conserve la responsabilité directe des parcs.
Est-il sage de créer une agence ayant des pouvoirs apparentés à ceux du secteur privé pour conserver les terres, les eaux et les espèces les plus précieuses qui y vivent? Les parcs nationaux sont parmi les sites les mieux protégés et ils tombent donc dans la toute première catégorie. Même dans un régime ministériel classique, l'édifice était en train de s'écrouler. La solution n'est pas de risquer l'essence même de la gestion des parcs, soit la protection des lieux naturels, et de tout sacrifier sur l'autel de la compression tous azimuts. La solution est de ramener Parcs Canada sous l'aile du ministère de l'Environnement, auquel il doit être naturellement rattaché, et de veiller à ce qu'il soit correctement financé pour lui permettre de faire face à ses engagements politiques pris au cours des 20 dernières années.
Ce n'est pas comme si ce gouvernement n'avait pas d'argent. Énergie atomique du Canada limitée, par exemple, continue de recevoir des subventions directes de 100 millions de dollars par an, ainsi que plusieurs autres avantages. Le problème, c'est qu'on ne veut pas verser d'argent aux parcs.
Le vice-président: Merci beaucoup. Vous recommandez de ramener le Service des parcs dans le giron du ministère de l'Environnement, mais vous aurez constaté au passage que vous comparaissez devant le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Autrement dit, si ce service était ramené à Environnement Canada, il serait placé sur le même pied que la mise en valeur de nos ressources pétrolières et gazières ainsi que de l'extraction de diamants dans le Nord.
Vous rendez-vous compte qu'aujourd'hui Environnement Canada est davantage axé sur l'exploitation qu'une agence indépendante spécifiquement chargée d'administrer les parcs?
Mme Morbia: Pourtant, ce rôle convient davantage à Environnement Canada. Environnement Canada se doit de se préoccuper des questions d'environnement. Je sais bien que d'autres considérations entrent en jeu, mais nous avons l'impression que le rôle de la future agence serait davantage compatible avec celui d'Environnement Canada en matière de protection de l'écologie.
Le sénateur Spivak: Je ne me rappelle pas exactement ce qui s'est passé à l'époque où Parcs Canada a été transféré d'Environnement Canada au Patrimoine canadien. Avez-vous une idée des raisons qui ont motivé ce transfert à l'époque?
Mme Morbia: Je ne peux répondre à votre question pour l'instant. Je le ferai plus tard.
Le sénateur Spivak: Le Sierra Club estime-t-il qu'il y a trop de risques à créer cette agence et à faire dépendre son existence de la production de revenus, dans une certaine mesure?
Mme Morbia: Oui.
Le sénateur Spivak: Suggérez-vous que nous devrions ne pas adopter ce projet de loi?
Mme Morbia: C'est effectivement ce que nous suggérons.
Le vice-président: Loin de moi l'idée d'accuser le Sierra Club d'être vieux jeu.
Le sénateur Spivak: Eh bien moi, j'espère bien qu'il est vieux jeu.
Le vice-président: Je me demande jusqu'à quel point le public est sensibilisé à la nécessité de protéger l'environnement autant que possible en Occident, comme dans le reste du Canada ainsi qu'aux États-Unis. Comme nous sommes plus urbanisés que jamais auparavant, il est possible que le public soit très sensible à ce genre de question.
Dites-moi si le temps n'est pas venu de confier les parcs à un organisme indépendant, à l'Agence des parcs, et de donner la possibilité au public de participer à des tables rondes tous les deux ans et de réexaminer la loi tous les cinq ans? Le moment n'est-il pas venu de sortir les parcs du giron des ministères? Si oui, c'est là une façon de s'y prendre.
Mme Morbia: Il est évident qu'on pourrait améliorer la situation sur le plan de la participation du public. Nous craignons que le volet production de revenus prévu dans ce projet de loi ne prenne le dessus. Comme je l'ai dit plus tôt, dans le pire des cas, cela pourrait mettre en péril l'intégrité écologique des parcs, ce qui doit être notre premier souci. Toutes les réserves que nous entretenons découlent de cela. Nous convenons cependant que le public pourrait jouer un rôle beaucoup plus grand dans les parcs.
Le sénateur Cochrane: Je sais que vous vous inquiétez de la commercialisation rampante dans les parcs, mais vous ne nierez pas que les visiteurs des parcs doivent pouvoir bénéficier de certains services comme le logement, la restauration et l'essence pour leurs véhicules. Pensez-vous que l'actuel service des parcs permettrait de réaliser un équilibre plus raisonnable sur ce plan que la nouvelle agence?
Mme Morbia: Nous soutenons que le risque de faire pencher la balance en faveur de la commercialisation est plus grand avec la nouvelle agence que dans une structure où les parcs relèveraient d'Environnement ou dans la structure actuelle.
Le sénateur Cochrane: Comment pouvez-vous conclure cela? Vous fiez-vous à ce qui s'est passé dans d'autres organisations et au fait que l'activité commerciale a augmenté? Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce propos?
Mme Morbia: On exercerait davantage de pressions sur les parcs, sur chaque parc et sur l'ensemble du réseau, pour produire des recettes. À cause de cela, le barème des droits serait modifié et, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, on en viendrait à conclure des accords de licence et d'autres choses du genre qui ne bénéficieraient pas aux volets écologiques de la gestion des parcs.
Le sénateur Cochrane: Merci.
Le sénateur Fitzpatrick: En vous écoutant, j'ai l'impression que ce que vous aimeriez, en fait, c'est que l'agence, ou une autre structure, relève du ministère de l'Environnement. Vous n'êtes pas vraiment opposés à l'agence mais à l'organisme de tutelle. Je me trompe?
Mme Morbia: Vous avez raison, dans une certaine mesure. Toutefois, comme je le disais, ce sont également les larges pouvoirs accordés au pdg dans ce cas qui nous inquiètent.
Le vice-président: Merci beaucoup. Sur ce, chers collègues, nous allons lever la séance.
La séance est levée.