Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 3 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, saisi du projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux (création du parc national Tuktut Nogait) se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Ce matin, nous poursuivons nos délibérations sur le projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux par la création du parc national Tuktut Nogait. C'est notre troisième journée d'audiences sur la création de ce parc et sur ses répercussions futures dans l'Arctique de l'Ouest.
L'honorable Stephen Kakfwi comparaît devant nous aujourd'hui, comme il l'a déjà fait auparavant. M. Kakfwi est le ministre du Développement économique et du Tourisme dans la région et il est bien connu pour ses éminents travaux portant sur ces sujets. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Kakfwi, au comité sénatorial chargé d'examiner ce projet de loi important. Nous attendons avec impatience vos commentaires.
M. Stephen Kakfwi, ministre du Développement économique et du Tourisme, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest: Je suis ici aujourd'hui pour vous présenter la position du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest sur la création du parc national Tuktut Nogait. J'aimerais tout d'abord passer en revue les responsabilités de notre gouvernement à l'égard des accords sur les revendications territoriales, du développement économique, de l'exploitation minière et des zones protégées. J'examinerai ensuite les événements qui ont conduit à l'élaboration de notre position gouvernementale. Enfin, je vous présenterai la position et la recommandation de notre gouvernement.
La Convention définitive des Inuvialuits, comme tous les autres accords sur les revendications territoriales dans les Territoires du Nord-Ouest, enchâsse constitutionnellement les droits des peuples autochtones à l'intérieur de leurs terres traditionnelles. Les chefs inuvialuits espèrent que la convention créera une assise économique pour leurs peuples. Il en est fait mention à l'alinéa 1b) et au paragraphe 16(2) de la Convention définitive des Inuvialuits. En tant que signataire de cette convention, notre gouvernement a la responsabilité solennelle d'appuyer les aspirations des Inuvialuits comme le prévoit la convention. Notre gouvernement est d'avis que les peuples autochtones doivent avoir davantage de contrôle sur toutes les décisions touchant leur vie et leur avenir. C'est pour cette raison que notre gouvernement a adopté une démarche axée sur des partenariats en collaborant avec les peuples autochtones, et c'est la raison pour laquelle je comparais ici devant vous aujourd'hui.
À titre de ministre des Ressources, de la Faune et du Développement économique, je suis responsable de la gestion de la faune, de la gestion des forêts, de la protection de l'environnement, des parcs territoriaux et du tourisme, et aussi de promouvoir l'autosuffisance économique par le développement durable des ressources naturelles. Il s'est avéré extrêmement bénéfique de pouvoir intégrer les facteurs économiques et environnementaux, puisqu'il faut tenir compte de tous ces enjeux lors de la prise des décisions touchant l'exploitation des ressources.
Je dois vous expliquer comment nous avons décidé d'appuyer l'exploitation des ressources. Je pense que vous êtes familiers avec les défis auxquels est confronté le Nord: des taux de chômage élevés, une forte proportion de jeunes, une main-d'oeuvre essentiellement non qualifiée, un coût de la vie élevé, une pénurie de logements, des dépenses élevées pour les programmes sociaux et un environnement intensément magnifique mais vulnérable. L'exploitation des ressources, si elle est effectuée correctement, peut nous aider à atteindre notre objectif d'autosuffisance économique. Par conséquent, notre gouvernement a décidé d'appuyer l'exploitation des ressources qui répond aux critères suivants: maximiser les avantages pour les résidants du Nord, maximiser les partenariats avec les entreprises du Nord; offrir des possibilités de formation aux résidants du Nord; maximiser les possibilités à valeur ajoutée; et protéger l'environnement.
Je crois également que les Inuvialuits ont tenu compte de ces critères avant de présenter leur demande d'examen des limites du parc national proposé. Leurs arrangements avec la société Darnley Bay Resources maximisent leurs avantages économiques et les processus d'évaluation de l'environnement établis en vertu de la Convention définitive des Inuvialuits garantissent que le caribou et la terre seront protégés, en cas de modification des limites.
Nous avons adopté une autre mesure en faveur de la protection d'importantes zones culturelles et naturelles. L'ex-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a demandé à notre gouvernement de prendre l'initiative en vue d'élaborer une stratégie pour les zones protégées. Ce faisant, le gouvernement fédéral reconnaissait que notre gouvernement, en collaboration avec nos partenaires autochtones et d'autres groupes d'intérêt, se trouvait dans la meilleure position pour prendre ces décisions importantes et fondamentales. Rien ne devait être imposé. Notre gouvernement et le gouvernement fédéral se sont engagés à parachever la stratégie d'ici décembre. Ce sera un outil supplémentaire pour promouvoir une approche équilibrée des décisions concernant l'utilisation des terres. Il est important de faire remarquer que la stratégie est élaborée par et pour les habitants du Nord par le biais d'un partenariat impliquant les gouvernements, les organismes de revendication territoriale, les collectivités, l'industrie et les organisations environnementales. La mise en oeuvre de la stratégie exigera la continuation de ce partenariat avec ces organismes, en particulier avec les groupes autochtones.
Je crois fermement que si la demande des Inuvialuits concernant le parc national Tuktut Nogait est rejetée, nous risquerons de perdre l'appui des groupes autochtones à l'égard de notre stratégie pour les zones protégées. C'est un facteur que le gouvernement fédéral n'a pas encore pris en considération.
Notre gouvernement est également d'avis que les terrains de mise bas des caribous doivent être protégés. Mon ministère est en train de collaborer avec les organismes de revendication territoriale et les utilisateurs des ressources pour élaborer des mesures de protection visant tous les terrains de mise bas des Territoires du Nord-Ouest. Dans le cas de la harde de caribous Bluenose, nous reconnaissons que le parc national proposé n'englobe pas tous les terrains de mise bas. Par conséquent, nous devrons élaborer d'autres mesures. Nous ne pouvons pas le faire sans le partenariat des Inuvialuits et des autres organismes de revendication territoriale. Les Inuvialuits ont déjà parlé de leur engagement envers la protection du caribou et de la faune.
Enfin, notre gouvernement appuie la collecte et l'intégration des connaissances traditionnelles dans la prise de toutes les décisions. Nous croyons que si nous n'utilisons que les connaissances scientifiques, nous ne voyons pas le tableau d'ensemble. Pourquoi? Parce que la science a des limites.
En ce qui concerne la harde de caribous Bluenose, la connaissance des peuples autochtones repose sur des milliers d'années d'observation. Des données scientifiques sur les déplacements de cette harde sont recueillies depuis moins de 25 ans. À son crédit, M. John Nagy a exposé clairement les limites de sa recherche et les conclusions que l'on peut en tirer. Nous devons maintenant poursuivre les recherches scientifiques et intégrer les connaissances traditionnelles comme le recommandent les Inuvialuits.
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a participé aux négociations ayant conduit à la convention en vue de créer le parc national Tuktut Nogait. En fait, j'ai signé la convention lorsqu'elle a été rédigée en 1996. En vertu de la convention, mon ministère doit prendre l'initiative de rédiger le plan de développement communautaire sous la direction du conseil de gestion du parc. Ce plan doit aider les résidants de Paulatuk à mettre en valeur le tourisme et les autres débouchés économiques associés à ce parc et à en tirer profit. Mon ministère collabore actuellement avec le conseil et la collectivité à la rédaction de ce plan.
En février 1998, le président de l'Inuvialuit Regional Corporation m'a écrit, à titre de signataire de la convention, pour demander mon appui à un examen de la limite du parc national proposé en vertu de l'article 22. J'ai consulté mes collègues du cabinet et on m'a demandé de consulter toutes les parties à l'entente, ainsi que les collectivités et les autorités de colonisation rurale concernées par la protection des terrains de mise bas du caribou de la harde Bluenose.
En mars 1998, j'ai rencontré les autres signataires de l'entente, dont le secrétaire d'État chargé de Parcs Canada, l'honorable Andy Mitchell. Les Inuvialuits ont réitéré leur demande en vue d'obtenir mon appui. Le ministre Mitchell m'a informé que le gouvernement fédéral n'appuyait pas la demande. J'ai rencontré le président de la compagnie Darnley Bay Resources. J'ai rencontré les représentants des Gwich'in et des métis du Sahtu, qui partagent la harde de caribous avec les Inuvialuits. Le président du Conseil tribal des Gwich'in a insisté sur la nécessité d'une collaboration entre les habitants du Nord pour maximiser les avantages pour nos peuples.
À la fin du mois de mars, je suis retourné devant le Cabinet avec les résultats de cette consultation. Pour prendre une décision, nous avons tenu compte des facteurs suivants: le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest devrait appuyer un projet d'exploitation lorsque ses répercussions globales économiques, sociales et environnementales sont jugées rapporter des avantages nets aux habitants du Nord; le parc rapportera des avantages économiques et environnementaux limités pour les habitants du Nord; le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest appuie le contrôle local des ressources.
L'accord de concession conclu entre Darnley Bay Resources et les Inuvialuits offre clairement à ces derniers la possibilité d'exercer un contrôle futur sur les ressources minérales. L'entente concernant le parc national Tuktut Nogait prévoit le contrôle local des débouchés économiques par les Inuvialuits. Le projet de plan de gestion de la harde Bluenose appuie le contrôle local sur la harde de caribous Bluenose par tous les utilisateurs. La convention du parc Tuktut Nogait permet de réviser n'importe quelle partie de la convention. Une modification exige le consentement écrit des parties. Le gouvernement appuie l'esprit et l'intention de la Convention définitive des Inuvialuits.
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest appuie la demande des Inuvialuits visant à réviser la convention du parc Tuktut Nogait. J'ai également recommandé au comité permanent d'appuyer la demande des Inuvialuits pour retarder l'adoption du projet de loi C-38 jusqu'à ce qu'un examen ait eu lieu et que trois conditions aient été remplies, à savoir un examen complet de la demande de modification de la limite occidentale, la conclusion d'une entente de cogestion avec les métis du Sahtu et une étude des implications de la preuve scientifique sur les deux hardes.
Ma recommandation repose sur les éléments suivants: un examen nous aidera à décider clairement quels sont les objectifs du parc et quels autres mécanismes existent pour protéger les terrains de mise bas; si le gouvernement fédéral souhaite obtenir l'appui des peuples autochtones pour mettre en valeur de futurs parcs nationaux, il doit faire preuve d'une certaine souplesse maintenant. La convention du parc Tuktut Nogait renferme une clause qui permet un examen de cette convention. Cette clause ne limite pas la portée du motif de la demande d'examen. Si le gouvernement fédéral est d'avis que les limites du parc ne peuvent pas être renégociées, alors il faut qu'il le dise clairement dès le début des négociations. Je ne pense pas que cela a été fait. Un manque de souplesse en réponse à la demande des Inuvialuits pourrait mettre en danger notre stratégie pour les zones protégées. L'accord des autres groupes bénéficiaires des revendications territoriales pour offrir certaines de leurs terres à titre de futures zones protégées serait difficile voire impossible à obtenir.
La création d'un parc n'est pas forcément le moyen le plus efficace de protéger un terrain de mise bas des caribous. Nous devons approfondir les recherches portant sur des solutions de rechange. Pour finaliser la création du parc, toutes les parties devraient être d'accord, surtout lorsque le parc a été créé à la demande des Inuvialuits, qui sont les utilisateurs traditionnels des terres.
Le sénateur Spivak: Quelles collectivités avez-vous consultées, monsieur le ministre? Je sais qu'il y a dans cette région 12 collectivités qui capturent chaque année environ 5 000 à 6 000 caribous de la harde Bluenose. Combien de ces collectivités sont d'accord avec cela?
M. Kakfwi: La consultation a eu lieu avec les représentants des peuples qui vivent dans ces collectivités. Je ne suis pas allé dans toutes les collectivités pour parler aux gens qui y vivent ou à leurs chefs.
Le sénateur Spivak: Est-il vrai qu'il y a environ 12 collectivités qui capturent 5 000 à 6 000 caribous par an? C'est l'information dont je dispose. Il y a d'autres collectivités en dehors de celles qui vivent là.
M. Kakfwi: Oui. Les collectivités de ma circonscription, par exemple, autour du Grand lac de l'Ours, Fort Good Hope, Colville Lake, Deline, Norman Wells, figurent au nombre de celles qui capturent également des caribous.
Le sénateur Spivak: Apparemment, les zones fréquentées avant, pendant et après la mise bas sont les habitats les plus importants. Le projet de plan de cogestion des caribous de la harde Bluenose mentionne que ces zones sont les plus vulnérables aux perturbations. Votre demande enlèvera une zone qui est actuellement utilisée entre 50 et 80 p. 100 du temps par les caribous prêts à mettre bas. N'êtes-vous pas inquiet par les perturbations que cela entraînera pour les caribous? D'après la carte que j'ai en mains, la zone en question se trouve au centre de ce terrain de mise bas.
M. Kakfwi: Je suis probablement plus inquiet que vous, parce que moi aussi, j'ai besoin des caribous.
Le sénateur Spivak: J'en suis persuadée.
M. Kakfwi: Dans ma collectivité, les gens sont tributaires de ces caribous. Nous ne savons pas où se trouvaient les terrains de mise bas il y a 30 ans. Nous ne savons pas où se trouvaient les terrains de mise bas il y a 50 ans. Nous ne savons pas non plus où ils se trouveront dans 30 ans.
L'information scientifique dont nous disposons est limitée. Les conclusions que nous en tirons sont donc également limitées. Nous n'avons pas utilisé les connaissances traditionnelles dans la mesure où nous aurions dû le faire. En fait, ce n'est que récemment que nous avons constaté l'existence de deux hardes génétiquement différentes. Pendant des années, nous avons cru qu'il n'y en avait qu'une.
Oui, cela me préoccupe. C'est la raison pour laquelle il faut absolument faire preuve de souplesse.
Dans la partie orientale du territoire, par exemple, nous n'avons même pas encore conclu l'entente de délimitation avec les peuples du Nunavut. Les métis du Sahtu doivent encore finaliser une entente pour inclure des terres qui se trouvent dans leur zone de peuplement. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral devrait être perçu comme un intervenant réfractaire à toute forme de souplesse sur cette question. Notre décision a reposé sur la meilleure information disponible il y a quelques années. Nous pourrions très bien modifier les limites.
Si l'intention première consiste à protéger les terrains de mise bas, vous feriez mieux d'être prêts à déplacer vos poteaux dans 10 ou 20 ans, et cela pourrait s'avérer impossible.
Le sénateur Spivak: Que vous disent actuellement les connaissances traditionnelles sur les 25 dernières années? Les peuples ne savent pas où se trouvaient les terrains de mise bas il y a 30 ans. Où se trouvent-ils maintenant?
M. Kakfwi: Lorsque j'étais jeune, dans les années 50, il n'y avait pas de caribous à Fort Good Hope. Il n'y avait pas de caribous à Colville Lake. Les caribous se trouvaient quelque part au nord de Colville Lake. Il y a des hivers où il n'y avait pas de viande de caribou. Je m'en rappelle lorsque j'étais enfant. Je ne sais pas où ils étaient, mais définitivement ils n'étaient pas là.
Il y a environ cinq ans, les caribous ont traversé à la course Fort Good Hope. Ils couraient dans les rues. Ils sont entrés tout droit dans Norman Wells. Ils ont traversé tout le territoire du Sahtu et cela n'était jamais arrivé de toute ma vie. C'était la première fois.
Le sénateur Spivak: J'imagine qu'ils doivent aller où ils peuvent trouver des pousses vertes à manger. Est-ce la raison?
M. Kakfwi: Nous ne savons pas grand chose sur eux. Nous n'avons pas consacré beaucoup de temps à parler aux anciens sur les déplacements et le mode de vie des caribous. C'est ce que j'essaie de vous faire comprendre.
Le sénateur Hays: Parcs Canada est d'avis qu'une convention a été signée, que vous étiez l'un des signataires de cette convention et qu'il ne veut pas la rouvrir. Il a ses raisons, notamment les précédents et d'autres questions touchant les limites du parc. Cela n'a pas été mentionné dernièrement, mais il y a également le précédent entourant la position du Canada à propos de la réserve faunique nationale de l'Alaska et de la harde de caribous du Yukon, la Porcupine, qui migre dans cette région pour y mettre bas.
Vous représentez le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qui a donné son accord sur les limites du parc. Légalement parlant, cela revient à la signification de l'article 22. Quant aux questions environnementales, il est clair qu'un parc est une bonne façon de protéger un terrain de mise bas. Je ne pense pas que quelqu'un argumenterait là-dessus. Nous devrons trouver d'autres moyens, parce que le parc ne couvre pas tout le secteur et ne le fera jamais.
Quant à la question juridique entourant l'article 22, dites-moi ce qui s'est passé qui pourrait faire changer d'idée le gouvernement. Vous avez mentionné que vous avez rencontré les membres du Cabinet. Qu'est-ce que cela signifie pour la relation entre le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada? Quand leur avez-vous parlé? Qu'ont-ils répondu? Vous avez eu une rencontre en mars avec le secrétaire d'État Mitchell, après avoir rencontré en février des représentants de l'Inuvialuit Regional Corporation. À titre de porte-parole du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, quel est votre point de vue sur la question légale entourant l'article 22? Qu'avez-vous dit au gouvernement du Canada et quand l'avez-vous dit?
M. Kakfwi: Je ne peux pas vous dire tout ce que j'ai dit ou ce que les autres ministres ont dit. Il s'agissait de discussions informelles. Mon attitude ressemble à celle de Yogi Berra -- il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Moins de deux semaines après que les Inuvialuits eurent déclaré clairement qu'ils souhaitaient un examen et qu'ils avaient des inquiétudes à propos de la limite, le gouvernement fédéral faisait avancer le projet de loi, en claquant la porte à toute possibilité de discussions. Cela a inquiété tout le monde.
Au début des années 80, j'étais président de la nation dénée, représentant les chefs de la vallée du Mackenzie. Parcs Canada m'a demandé si j'appuierais un projet de parc sur le bras est du Grand lac des Esclaves. À l'époque, j'avais répondu que c'était une possibilité dont nos peuples seraient très heureux d'entendre parler.
Les représentants du gouvernement fédéral sont venus et je me rappelle avoir été très surpris par l'animosité des anciens, qui sont habituellement de fins diplomates. Ils ont essentiellement dit aux représentants de Parcs Canada: «Nous ne vous croyons pas. Oui, vous protégerez peut-être les terres et la faune, mais vous bafouerez bon nombre de nos droits. Nous ne croyons pas un traître mot de ce que vous dites et nous ne voulons pas en discuter avec vous. Nous voulons que vous partiez.» Ce furent les paroles du chef à l'époque, qui était un ancien. Cela m'a frappé et je ne l'ai jamais oublié.
Le sénateur Hays: Dans le cas présent, le gouvernement a, de toute évidence, obtenu la confiance de tout le monde.
M. Kakfwi: Absolument. Les Inuvialuits ont été le premier groupe des Territoires du Nord-Ouest à signer une convention. Ils ont été punis pendant des années par les autres groupes autochtones pour avoir cru que le gouvernement fédéral respecterait l'esprit et l'intention de cette convention. Ils ont cru le gouvernement sur parole et ont signé. C'est un des tests aujourd'hui.
Le gouvernement fédéral s'est engagé à faire tout son possible pour appuyer la mise en valeur d'une assise économique et l'autosuffisance pour les Inuvialuits. C'est l'intention de l'accord sur les revendications territoriales. Cependant, il claque la porte au moment de réviser quelque chose qui aura une incidence sur leur autosuffisance économique.
Le sénateur Hays: C'est intéressant, parce que cela met en lumière les raisons pour lesquelles Parcs Canada juge qu'il est si important de faire adopter le projet de loi. Il est peut-être de cet avis parce qu'il serait extrêmement difficile, dans les meilleures conditions, d'ajouter des terres dans le parc provenant des territoires Nunavut ou du Sahtu. Si la convention est ouverte pour une renégociation, le gouvernement estime peut-être qu'il y aura une négociation à mort. Autrement dit, j'essaie de comprendre la perspective de Parcs Canada, ainsi que celle des Inuvialuits et des autres parties. Qu'avez-vous à dire là-dessus?
M. Kakfwi: J'espère que Parcs Canada ne pense pas que c'est sa dernière contribution positive à la création de parcs dans les Territoires du Nord-Ouest. Cette clause contenue dans le projet de loi stipule que l'on peut effectuer un examen et, comme l'a dit le ministre Andy Mitchell, c'est une clause standard dans toutes les conventions. Les Inuvialuits ont été incités à croire qu'ils pourraient avoir un examen des limites en tout temps avant que la convention ne soit adoptée sous forme d'un projet de loi.
Ils ont mentionné cette clause et déclaré qu'ils souhaitaient un examen. Comme le dirait le gouvernement, s'ils souhaitent un examen et en ont pris l'initiative, ils ne devraient pas en perdre le contrôle.
Le sénateur Hays: En toute équité, cela a été revu. Ils veulent un changement de la limite, pas un examen.
M. Kakfwi: Ils ont demandé un examen et nous l'avons appuyé.
Le sénateur Hays: Parcs Canada ne veut pas modifier la limite. Nous avons de bonnes raisons. Je vais préciser dès maintenant que je n'aime pas cet article. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'exiger l'unanimité pour modifier quelque chose dans la convention. C'est ainsi qu'ils interprètent la clause; de toute évidence, vous l'interprétez différemment.
Estimez-vous qu'il faut l'accord de cinq des six parties ou de trois des six ou d'une des six? Je pense que Parcs Canada l'interprète de cette façon -- c'est-à-dire que chaque partie devrait être d'accord pour modifier la limite, ce qui est essentiellement ce que l'examen ferait. Je pense que cela a déjà été revu. Les positions des deux parties sont claires. Êtes-vous en désaccord avec cette interprétation et, si oui, pourquoi? Ils disent qu'ils ont le droit de se fier à la convention signée, et que l'article 22 ne confère pas le droit à cinq des six parties de la rouvrir. Seulement six parties sur six peuvent la rouvrir. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé par vous interroger, avant de poser mes questions, sur votre relation, en tant que gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, avec le gouvernement du Canada sur cette question délicate. Je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé. Il est certain qu'une ligne dure a été adoptée et je m'efforce de mieux comprendre d'après vos paroles pourquoi c'est le cas.
M. Kakfwi: Toute convention exige beaucoup de travail et de confiance, et elle est appliquée de bonne foi. C'est fondamental. Ma première réaction a été de me demander pourquoi il y avait un revirement maintenant et quelle raison il y aurait d'appuyer un examen? Même si j'étais sceptique, j'ai gardé l'esprit ouvert sur cette question. J'en ai parlé avec mes collègues du cabinet et nous avons décidé que nous devions appuyer les Inuvialuits. Cela fait partie de l'esprit et de l'intention de notre façon de travailler dans le Nord. C'est par un consensus, et en se facilitant mutuellement les choses, que l'on peut maintenir la bonne volonté nécessaire pour réaliser des progrès futurs sur tout un éventail de questions. En faisant la concession d'effectuer un examen, on peut envisager que les peuples du Sahtu et du Nunavut négocieront de bonne foi pour ajouter des zones à ce parc. En fait, vous pourriez prendre le temps d'essayer de comprendre pourquoi nous n'avons pas de convention actuellement avec les peuples du Sahtu et du Nunavut au sujet de zones supplémentaires qui devraient faire partie de ce parc, et pourquoi nous avons avancé seulement avec la zone concernant les Inuvialuits. Si vous ne le faites pas, il se pourrait fort bien qu'ils ne fassent jamais partie de ce parc que vous avez tellement hâte de finaliser.
Le président: En tant que signataire de cette convention pour établir le parc national, monsieur Kakfwi, avez-vous participé aux pourparlers ayant abouti à sa signature?
M. Kakfwi: Même si je n'ai pas participé personnellement aux pourparlers, j'ai été informé de l'aménagement du parc et je l'ai appuyé tel que signé.
Le président: Le paragraphe 22.1 auquel le sénateur Hays faisait référence stipule que:
Toute partie à l'accord peut demander que l'accord soit en partie ou en entier revu par les parties à l'accord. Si les parties y consentent, l'examen aura lieu dans les (90) jours suivant la demande à cette fin.
Pouvez-vous me dire de quelle façon les Territoires du Nord-Ouest ont interprété cet article? Que vous ont dit vos collègues ou quelle est votre position personnelle quant à l'interprétation du paragraphe 22.1 de cette convention?
M. Kakfwi: Je comprends qu'il s'agit d'une convention dans laquelle nous sommes tous parties prenantes et que si l'un d'entre nous demande un examen, nous l'appuierons tous pour maintenir la convention. Légalement, cela signifie probablement que si l'un d'entre nous n'est pas d'accord, il n'y aura pas d'examen. Toutefois, ce que je crois comprendre, et c'est une définition du Nord je suppose, c'est que nous sommes obligés de nous supporter mutuellement pour maintenir l'appui.
Le sénateur Adams: Je suis d'accord avec la réponse que vous avez donnée au sénateur Spivak sur ce qui est arrivé aux caribous il y a 30 ou 40 ans. C'est la même chose actuellement partout dans les territoires. J'ai actuellement 63 ans et, lorsque j'étais jeune, nous chassions le caribou en hiver. C'était une activité typique du bon vieux temps. Aujourd'hui, la technologie a tout changé.
De nos jours, les caribous se déplacent sur l'ensemble du territoire. Nous ne savons pas d'où ils viennent, ni pourquoi cela arrive. C'est peut-être parce qu'il y a eu une maladie. Ils peuvent tomber malades et crever simplement comme des lemmings. Il y a dix ans, dans le nord du Québec, la population de caribous a tout bonnement connu un déclin brutal.
Les caribous peuvent se déplacer partout. Vous nous avez dit qu'ils ont traversé votre collectivité. Vous voulez que ces terres soient disponibles pour les hardes à l'avenir, mais nous devons envisager ce qui est dans le meilleur intérêt de la collectivité. Il y a quatre lacs dans cette région, et si les caribous n'aiment pas un endroit, ils peuvent aller ailleurs.
Monsieur le ministre, je crois que certains comités autochtones se sont penchés sur la question des limites. Depuis le début, j'ai eu des discussions avec des représentants de l'Inuvialuit Regional Corporation, qui me demandent toujours où nous en sommes à l'heure actuelle et qui dit la vérité à notre comité. Nous obtenons très peu d'informations du comité de la Chambre des communes car il me semble que, là-bas, chacun a peur de son propre patron. Les sénateurs sont différents car nous ne sommes pas élus mais nommés. Nous tenons à nous assurer que les habitants des collectivités et les caribous sont traités convenablement. Nous ne sommes pas vraiment des politiciens; nous n'avons pas à nous préoccuper de la prochaine élection. Nous voulons nous assurer que le projet de loi C-38 est bon pour les collectivités du Nord.
Le président: Si seulement c'était vrai, sénateur Adams.
Le sénateur Adams: Ma voisine ici, le sénateur Butts, ne vit pas de la même façon que nous vivons dans le Nord. Notre mode de vie est différent. Ici, nous avons le choix de nous déplacer et de rechercher un emploi presque partout, mais les gens du Nord qui n'ont pas de travail ne peuvent pas se permettre de se déplacer pour chercher des emplois car il n'y a pas de route et ils n'ont pas les moyens de prendre l'avion.
La semaine dernière, nous avons entendu des représentants du ministère qui nous ont dit que le caribou se déplaçait. Même si certains des animaux ont des colliers émetteurs à des fins de repérage, les renseignements sur leurs déplacements ne sont pas complets.
Monsieur le ministre, vous détenez ce portefeuille depuis plusieurs années. Le comité et vous-même avez collaboré avec les Inuvialuits sur la question des limites du parc. Je vous ai entendu dire qu'il n'y a actuellement pas de limites et pas de convention jusqu'à présent entre les Inuvialuits, les métis du Sahtu et les peuples du Nunavut. Ils ont besoin de trouver et de signer une entente afin de savoir où se trouvent les limites dans l'éventualité d'une exploitation minière future.
Vous avez dit, et d'autres témoins aussi, que l'article 22 prévoit un examen de la convention. Cependant, les représentants de Parcs Canada disent qu'ils ne modifieront pas les limites. J'ai de la difficulté à comprendre comment le gouvernement peut décider de ne pas reconnaître certains articles de la convention, surtout lorsque l'avenir économique d'une collectivité est en jeu. Dans dix ans, la harde Bluenose se sera déplacée. Entre-temps, les gens de Paulatuk demeureront sans emploi parce que Parcs Canada n'autorisera pas l'exploitation minière dans la région.
Même si les peuples du Nord chassent le caribou, nous le protégeons également. On nous a dit que les activités minières n'affecteront pas le caribou dans le parc parce qu'il s'agira d'une exploitation souterraine. N'oublions pas que le caribou peut se déplacer partout et en tout temps.
Avez-vous quelque chose à ajouter à ce que je viens de dire, monsieur?
Le président: Je pense que le ministre est d'accord avec vous, sénateur Adams.
M. Kakfwi: Si je comprends bien, la limite du parc proposé avec le territoire du Sahtu n'est pas finale telle qu'elle est tracée. Du côté du Nunavut, la limite du parc n'est pas finale. Elle sera finalisée lorsque vous parviendrez à une entente avec les peuples du Nunavut sur le côté est. Du côté sud, cette limite sera finalisée quand et si un accord intervient un jour avec les métis du Sahtu.
Les limites de votre parc n'ont pas été finalisées, même si vous pouvez penser qu'elles l'ont été. Je comprends qu'il y a une proposition en vue de changer les limites de ce parc dès que des conventions interviendront avec les peuples du Nunavut et avec les métis du Sahtu. C'est la raison pour laquelle je dis qu'il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Il est important que mon gouvernement fasse preuve de souplesse à mesure que nous continuons à collaborer de bonne foi et en partenariat avec les organismes autochtones dont ces conventions englobent les terres et la faune.
La seule partie qui est finalisée est la partie de la limite que contrôlent les Inuvialuits. Ils demandent un examen et je dis que nous devons appuyer cette demande.
Le sénateur Adams: Êtes-vous en train de nous dire que la convention qui a été signée n'a pas fixé les limites du parc et que Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), les métis du Sahtu et les Inuvialuits peuvent changer cette limite afin de pouvoir avoir accès à cette région où Falconbridge a trouvé le minerai? Pouvez-vous faire cela?
M. Kakfwi: Les Inuvialuits souhaitent modifier la limite et notre gouvernement est ouvert à un tel examen. La principale raison de notre appui c'est qu'il y a d'autres enjeux que ce parc. Ce qui est en jeu, c'est la relation de travail que nous essayons de promouvoir entre les gouvernements et les peuples autochtones. Nous avons besoin de l'appui des peuples autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest pour élaborer et mettre en oeuvre une stratégie pour les zones protégées. Nous en avons besoin si nous voulons mettre en valeur d'autres parcs et d'autres zones protégées dans les Territoires du Nord-Ouest. Par conséquent, nous devons faire preuve de souplesse et de bonne foi et de loyauté. Certains de ces éléments font défaut à l'heure actuelle, mais ce n'est pas trop tard.
Le sénateur Adams: Suivez-vous les travaux effectués par les conseils de gestion du caribou mis sur pied par NTI, les métis du Sahtu et les Inuvialuits? Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest emploie-t-il des gens pour surveiller ces travaux?
M. Kakfwi: En tant que gouvernement, nous appuyons le contrôle local. Nous appuyons les peuples qui sont tributaires des terres, de la faune et des ressources et qui prennent l'initiative d'exprimer leurs points de vue.
Il y a deux ou trois ans, par exemple, le caribou de Peary, qui est une espèce particulière de caribou indigène dans l'extrême Arctique, était, et est toujours, en danger d'extinction en raison du changement climatique. Les conditions météorologiques les empêchent d'atteindre leur source de nourriture. En conséquence, ils étaient affamés par milliers.
Mon gouvernement et le gouvernement fédéral, sur le conseil des biologistes, avaient décidé de louer un avion Hercules, de trouver des filets et de capturer environ 25 de ces animaux pour les transporter par avion au zoo de Calgary. De cette façon, nous aurions pu sauver des reproducteurs si bien que, même en cas d'extinction, nous aurions pu restaurer l'espèce lorsque les conditions s'amélioreraient.
Les Inuits nous ont dit poliment: «C'est une idée stupide. Nous ne sommes pas aussi inquiets que vous. En tout cas, nous ne sommes pas d'accord avec votre projet. Nous aimerions avoir notre mot à dire dans la décision à prendre, le cas échéant». En tant que ministre, j'ai acquiescé.
La situation m'inquiète. Toutefois, les Indiens sont les personnes qui sont tributaires du caribou pour se nourrir. S'ils estiment qu'en envoyer par avion au zoo de Calgary ne leur fera aucun bien, alors je dois acquiescer, et c'est ce que j'ai fait.
Aujourd'hui, nous leur laissons donc prendre l'initiative sur ce sujet. Je remercie le sénateur qui a soulevé cette question.
L'idée d'avoir un parc était une suggestion magnifique. Toutefois, pour commencer ce n'était pas votre idée. Assurément, personne n'a eu cette idée à Ottawa. Elle a été avancée avant l'arrivée du Parti libéral au pouvoir. Cependant, cela peut encore être une bonne idée. Elle exige une certaine souplesse, certaines concessions de bon voisinage. Nous devrions dire: «Très bien, si vous voulez réviser la convention, alors faisons-le et revenons à nos moutons le plus tôt possible».
Le sénateur Butts: Monsieur le ministre, votre gouvernement a-t-il écrit une lettre officielle demandant des changements aux limites du parc?
M. Kakfwi: Non.
Le sénateur Butts: Votre gouvernement a-t-il pour politique d'ouvrir à l'exploration ou à l'exploitation minière les principaux terrains de mise bas de la harde Bluenose?
M. Kakfwi: Non.
Le sénateur Butts: À un certain endroit dans votre exposé, vous avez déclaré de pas avoir assez de connaissances, et à un autre endroit vous avez parlé de vos milliers d'années d'observation. Vous aviez assurément les milliers d'années d'observations lorsque vous avez signé la convention en 1996. Qu'est-ce qui manquait?
M. Kakfwi: Sénateur, vous feriez mieux de me répéter tout cela.
Le sénateur Butts: J'ai relu à nouveau votre exposé. À un moment donné, vous parlez de la nécessité d'avoir davantage de connaissances et ensuite, à un autre moment, vous parlez de milliers d'années d'expérience d'observation du caribou. Vous possédiez les milliers d'années d'expérience d'observation du caribou lorsque vous avez demandé, et signé, la convention pour ce parc et ses limites en 1996. Qu'est-ce qui manquait en 1996?
M. Kakfwi: Sénateur, il manquait les connaissances traditionnelles. Les connaissances que votre gouvernement et notre gouvernement ont utilisées pour aller de l'avant avec ce projet de convention étaient la preuve scientifique qui vous a été présentée il y a deux semaines par John Nagy. Il s'agissait de la preuve scientifique recueillie au cours des 25 dernières années. Les connaissances traditionnelles des Inuvialuits, des peuples du Nunavut et des peuples du Sahtu n'ont pas été intégrées et utilisées pour la création du parc proposé. C'est ce qui manquait.
Le sénateur Butts: Vous avez parlé d'une consultation avec d'autres interlocuteurs en février 1998. Est-ce que ces collectivités sont tributaires du caribou de la harde Bluenose?
M. Kakfwi: Les peuples que nous avons consultés en mars, avril et mai sont des peuples concernés par la convention établissant ce parc. Ils représentent les collectivités qui capturent des caribous de cette harde.
Le sénateur Butts: Est-ce que toutes ces collectivités ont demandé un changement des limites du parc?
M. Kakfwi: Non. La collectivité de Paulatuk a demandé spécifiquement un examen en vue d'étudier un changement des limites du parc. Je crois que les représentants des Inuvialuits appuient cette demande.
Le sénateur Butts: Est-ce que les Gwich'in sont d'accord pour changer les limites du parc?
M. Kakfwi: Le président du Conseil tribal des Gwich'in a déclaré que la chose la plus importante consiste à s'assurer de travailler en partenariat les uns avec les autres et d'appuyer nos aspirations mutuelles. C'est ce que j'ai dit dans mon exposé. C'était un élément important car il ne s'agit pas de la seule convention que nous aurons à conclure entre nous, en tant que gouvernements, et les organismes autochtones. Ce n'est qu'une convention parmi tant d'autres. Cependant, il est important de maintenir la bonne volonté et l'esprit de collaboration nécessaires pour les conventions futures. C'était le principal point soulevé par M. Nerysoo lorsque nous lui avons parlé en avril.
Le sénateur Butts: Il y a une lettre du Conseil des ressources renouvelables gwich'in, en date du 10 mars 1998, dans laquelle il déclare, en partie, qu'il s'oppose à tout changement des limites du parc Tuktut Nogait et estime que toute exploitation minière future sur les terrains de mise bas ou à proximité devrait être assujettie à un examen des incidences environnementales. Il explique pourquoi il s'oppose à tout changement des limites.
Si vous dites que vous êtes dans l'obligation de vous appuyer mutuellement, et que ce changement mettra en danger cet appui, ce n'est pas écrit. Nous avons un problème avec un autre groupe qui ne veut pas changer les limites. Pourriez-vous nous faire connaître vos réactions?
M. Kakfwi: Je ne serais pas aussi catégorique. J'ai rencontré ce groupe. J'ai compris leur position à l'époque. Il s'agit d'un conseil de gestion de la faune, mis sur pied pour représenter les Gwich'in, le gouvernement fédéral et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. C'est un groupe technique.
Son principal objectif consiste à examiner cette question précise. Je veux dire que le gouvernement est confronté à bien d'autres choses qu'à ce petit projet de loi. Je m'efforcerai de présenter, dans un mois, la stratégie pour les zones protégées que votre gouvernement a demandée. Je ne suis pas certain de pouvoir la présenter dans un mois. Cela dépendra de la façon dont nous abordons ces questions. Beaucoup de choses viennent se greffer là-dessus. Il y a des points sensibles qu'il faut prendre en considération et je les soulève devant vous. Ce n'est pas une question réglée d'avance.
Le sénateur Milne: Monsieur le ministre, pour donner suite aux propos du sénateur Butts, êtes-vous en train de nous dire que le droit traditionnel ne nous a pas dit où les caribous mettent bas?
M. Kakfwi: Ce que j'essayais de dire, c'est que votre gouvernement n'a pas pour politique d'utiliser les connaissances traditionnelles au moment de prendre position et de recueillir la preuve scientifique. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a fait un grand pas vers l'intégration des connaissances traditionnelles dans notre base de données lorsque nous prenons des décisions.
Lors du tracé des limites du parc proposé, nous ne l'avons pas fait. Nous n'avons pas déployé tous les efforts nécessaires pour recueillir les connaissances traditionnelles des Inuvialuits et des métis du Sahtu et des peuples du Nunavut et nous ne leur avons pas demandé d'en faire usage ici. Ayant lu la preuve scientifique sur laquelle nous avons fait reposer le projet de parc, je sais que cela change. Nous n'avons pas recueilli d'informations qui remontent suffisamment loin. Sur cette base, si ce sont les limites du parc proposé, quelle garantie avons-nous que les terrains de mise bas ne seront pas ailleurs dans 30 ans. Comment savoir qu'ils n'étaient pas ailleurs il y a 30 ans? Vous ne le savez pas. C'est en partie pour cela que nous appuyons cette demande. Dans trente ans, lorsque votre parc sera établi là et qu'il n'y aura plus de terrains de mise bas dans ses limites, quelle sera son utilité?
Le sénateur Milne: Ce que je voulais dire, c'est qu'au moment où vous avez signé cette convention, vous n'aviez pas exploré les connaissances traditionnelles dans la région. L'avez-vous fait depuis? Savez-vous que les terrains de mise bas se déplacent? S'ils le font, alors ne serait-ce pas une raison logique d'élargir plutôt que de réduire les limites du parc?
M. Kakfwi: Encore une fois, si tel est le cas, alors je suis d'accord. Je prétends également que le gouvernement fédéral est encore davantage obligé de faire preuve de souplesse, parce que vous n'avez pas finalisé les limites du parc. Vous devez encore en arriver à une entente avec les peuples du Sahtu et du Nunavut. J'ai l'impression que vous aurez des difficultés à y parvenir à moins de faire preuve d'une certaine souplesse. Ils n'accepteront jamais une limite, en sachant que dès qu'ils auront signé ce genre de convention avec vous, elle sera figée.
Le sénateur Milne: Si le gouvernement fait preuve de souplesse, qu'adviendra-t-il si la compagnie Darnley Bay Resources trouve une autre anomalie géologique à l'intérieur de cette région? Selon vous, qu'arriverait-il au parc éventuel?
M. Kakfwi: C'est une question hypothétique, sénateur. Je sais que les Inuvialuits suggèrent une concession précise. C'est tout ce que nous avons à étudier à l'heure actuelle. Comme je l'ai déjà mentionné, si le parc est créé principalement pour protéger les terrains de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine, c'est un bon objectif et je continue de l'appuyer. Toutefois, nous devons nous assurer qu'il englobe tous les terrains traditionnels de mise bas de la harde. Nos renseignements scientifiques sont limités. Je répète qu'il y a quelques années seulement, nous avons découvert qu'il existe deux troupeaux génétiquement différents à l'intérieur de ce troupeau de caribous supposément unique. Ceci repose sur notre preuve scientifique. Rien ne laissait supposer qu'il y avait un seul troupeau, mais c'est ce que nous supposions. Aujourd'hui, la preuve scientifique démontre qu'il y a des troupeaux génétiquement différents dans ce que nous avons appelé la harde Bluenose. Cela nous incite à nous interroger sur la solidité du fondement de notre façon d'agir en premier lieu. C'est une raison de plus d'être souple.
Le sénateur Milne: Je suis d'accord avec vous que c'est une courte période pour une observation scientifique de la harde, mais c'est également une longue période d'observation par le biais des coutumes traditionnelles. Je suis abasourdie de constater que cela n'a pas été pris en considération en premier lieu. Ces peuples sont sur place et le sont depuis des générations. Ils savent ou ils devraient savoir. Peut-être que la harde se déplace vraiment et que le parc devrait être encore plus grand.
Le président: Souhaitez-vous faire des commentaires à ce sujet, monsieur le ministre?
M. Kakfwi: Nos connaissances traditionnelles sont là, mais il est vraisemblablement plus difficile d'y avoir accès. Les chercheurs souhaitent toujours se faire entendre et donner leurs opinions. Les anciens n'adoptent pas forcément cette vision. Pour avoir parlé à quelques-uns d'entre eux, je sais qu'ils ne souhaitent pas toujours partager leurs informations avec n'importe qui. Cela exige certains préparatifs. Ils doivent savoir comment sera utilisée l'information. Ce n'est qu'au cours des cinq dernières années que nous avons commencé à en faire une politique publique officielle d'intégrer les connaissances traditionnelles dans nos travaux de recherche. Même là, nous avons essuyé beaucoup de critiques du milieu scientifique pour certaines des choses que nous avons demandées à notre personnel.
Le sénateur Gustafson: Il me semble que le changement demandé n'est pas très gros. On parle de 2 p. 100 de la superficie. Vous demandez un examen, au moins d'étudier la question. C'est ce que je crois comprendre.
À votre avis, y a-t-il un manque de volonté d'en arriver à un compromis pour parvenir à une convention raisonnable?
Je viens d'un milieu agricole. Lorsque je pense à certaines des mesures que le gouvernement a prises, par exemple le projet de loi C-68, je pense qu'il n'a jamais compris la position du milieu agricole. L'expérience des collectivités est un outil. Dans le cas de vos peuples, nous connaissons les antécédents de ce projet de loi.
À votre avis, y a-t-il un manque de la volonté nécessaire pour en arriver à un compromis, pour étudier et régler la situation de façon raisonnable, et un manque de compréhension de la région et de ce qu'elle signifie pour vos peuples?
M. Kakfwi: Je crois que, lorsque le Cabinet fédéral prend position, tous les députés doivent suivre la ligne du parti. Ils n'ont pas à y réfléchir plus longtemps. Ils doivent simplement donner leur appui. Il y a un manque apparent de souplesse, ce qui est malheureux, car il y a beaucoup plus d'intérêts en jeu que ce qui a été présenté ici.
Le sénateur Gustafson: Croyez-vous qu'il y a ici des intentions cachées?
M. Kakfwi: Je suis trop naïf pour le penser.
Le sénateur Gustafson: Le ministère est-il très préoccupé par le fait qu'un précédent sera créé?
M. Kakfwi: Absolument. Nous savons qu'un débat est en cours en Alaska à propos des terrains de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine. Je ne sais pas s'il s'agit d'un élément d'extrême droite, mais il y a un lobby pro-développement qui souhaite ouvrir à l'exploration pétrolière et gazière une large région, englobant les terrains de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine. Les Américains n'ont pas encore pris de décision.
Notre gouvernement a adopté une position à toute épreuve, en disant qu'absolument aucun développement ne devrait avoir lieu dans cette région. Je suppose que l'on craint que le gouvernement fédéral puisse être jugé un peu hypocrite à cet égard.
Je ne pense pas que cela fera de différence quant à la façon dont les Américains traiteront leurs terres et leurs ressources.
Le sénateur Fairbairn: Monsieur Kakfwi, lorsque vous avez décrit la façon dont les connaissances traditionnelles ont été incorporées dans le processus décisionnel du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, vous avez également mentionné qu'elles n'ont pas été incorporées dans cette convention en particulier. Pourquoi?
M. Kakfwi: Je ne peux pas répondre avec certitude, mais je sais que l'idée d'intégrer les connaissances traditionnelles aux connaissances scientifiques fait l'objet d'un débat depuis un certain temps dans le milieu scientifique. Il y a ceux qui acceptent l'idée tandis que d'autres disent dès le départ: «De quoi s'agit-il de toute façon? Existe-t-il quelque chose comme la connaissance traditionnelle?» Certains la rejettent catégoriquement comme n'étant rien d'autre qu'une supercherie et des croyances spirituelles et culturelles, alliées à une certaine superstition. Ils disent que c'est cela la connaissance traditionnelle.
Lors de l'élaboration de la convention, tout ce que je sais c'est qu'elle a été fondée principalement sur les informations scientifiques limitées portant sur les terrains de mise bas et les déplacements des caribous, recueillies par notre gouvernement à partir de deux hardes de caribous dans cette région. Comment arriver à faire accepter aux gouvernements les connaissances traditionnelles des Inuvialuits, des métis du Sahtu et des peuples du Nunavut? C'est tout un travail en perspective.
Nous serions heureux d'amorcer certains travaux pour étudier leur intégration, car je pense que ce serait important de l'utiliser dans d'autres domaines, pas seulement dans celui-ci.
Le sénateur Fairbairn: L'examen proposé porterait présumément sur les limites, mais il y aurait un examen permanent pour essayer d'incorporer certaines de ces connaissances traditionnelles des habitats possibles des hardes. Si cela devait se dérouler, pourrait-on également s'entendre pour qu'aucune mise en valeur des ressources ne soit permise pendant ce temps? Combien de temps pensez-vous qu'un tel examen durerait?
M. Kakfwi: Sur la question des connaissances traditionnelles, lorsque j'étais adolescent, j'ai demandé à mon grand-père: «Pourquoi certaines des personnes âgées parlent-elles des bisons? Pourquoi disent-elles qu'elles avaient l'habitude de chasser le bison? Le bison n'est pas venu si loin au Nord.» Cette conversation se déroulait en langue dénée et ma connaissance était limitée à l'époque. Il m'a répondu: «Évidemment, il y avait des bisons.» Je pensais qu'il parlait des bisons ou des buffles. Il disait: «Nous avions l'habitude de chasser le bison, de vendre les peaux et de manger la viande. Mais ils sont partis.» Ce fut l'un des cas où je pensai que mon grand-père très religieux mentait. Jeune homme, ce fut pour moi un moment dramatique. Pourquoi disait-il cela?
Il y a une dizaine d'années, un pilote de brousse m'a dit: «J'ai vu quelques boeufs musqués entre Good Hope et Norman Wells.» Je pensais que le gars avait des visions. Aujourd'hui, il y a un troupeau de boeufs musqués à 20 milles de Norman Wells. Ils reviennent dans la région. Mon grand-père parlait de boeufs musqués, pas de buffles ou de bisons.
Dans les années 1800, les gens avaient l'habitude de chasser le boeuf musqué et de vendre les peaux à la Compagnie de la Baie d'Hudson. C'était un produit commercial important mais nous n'en savons rien et les archives en font à peine mention. C'est un exemple de connaissances traditionnelles.
J'ai demandé à un Déné des montagnes pourquoi une certaine chaîne de montagnes n'avait pas de mouflons. Ce sont des montagnes. Il m'a répondu: «Il y avait des mouflons là mais, pour une raison quelconque, tout le troupeau qui vivait sur cette chaîne de montagnes est mort.» Il m'a dit en quelle année cela s'est passé. Encore une fois, aucun de nos biologistes ne le savait car nous ne disposons pas de cette information.
Nous savons que les peuples transmettent des informations sur le déplacement et le mode de vie de la faune. Ils en savent plus sur le caribou que nous. C'est évident. Nous n'avons tout simplement pas encore trouvé la bonne approche. C'est une chose que nous devrions examiner lorsque nous envisageons un examen. Nous devrions nous assurer que tous les efforts sont déployés pour utiliser les connaissances traditionnelles des peuples autochtones de cette région.
Le sénateur Fairbairn: Je comprends que ces négociations, comme bien d'autres, ont duré pas mal de temps avant d'en arriver à une convention. Je crois que cela a pris sept ans. Au cours de ces sept années, à cause des répercussions possibles du parc sur la région occupée par les Inuvialuits, les anciens ont-ils participé à la consultation, monsieur Kakfwi? Leur a-t-on demandé leur point de vue à un moment quelconque?
M. Kakfwi: Je crois qu'ils ont été consultés mais cela n'était pas forcément dans le but de recueillir toutes les connaissances des anciens concernant le caribou pour aider durant les pourparlers. Je comprends ce que vous voulez dire, mais je ne crois pas qu'un processus spécifique a été établi pour s'assurer que les connaissances traditionnelles des Inuvialuits soient prises en considération dans l'élaboration de ce projet de parc. Je sais que cela n'a pas été fait. En rétrospective, je prétends que cela aurait dû être fait à l'époque et que cela devrait être fait maintenant.
Le président: Sur ce sujet, monsieur le ministre, les représentants de Falconbridge nous ont dit la semaine dernière que c'est seulement au cours de la dernière année qu'ils se sont rendu compte qu'il existait, dans les limites de ce projet de parc, une petite portion de ce qu'ils considèrent avec optimisme comme ayant du potentiel. Cette information n'était pas disponible au cours des sept années antérieures de discussions et de négociations. Ils avaient étudié la région et l'avaient rejetée, jusqu'à ce qu'un levé électromagnétique les rende assez optimistes quant au potentiel.
Est-il vrai que c'est seulement au cours de la dernière année que cette information est devenue disponible et que c'est ce qui a vraiment motivé les peuples locaux à demander un examen, à cause des nouvelles preuves scientifiques qui ont démontré le potentiel pour certaines explorations?
M. Kakfwi: En ce qui concerne les intérêts miniers, je crois que c'est vrai. Encore une fois, c'est quelque chose que nous avons pris en considération. Nous savons également que les informations dont disposaient les sociétés minières étaient limitées. Elles ont maintenant augmenté considérablement. Elles continuent à travailler dans la région. Elles ont fait des travaux cet été. Les renseignements scientifiques, d'après lesquels nos biologistes ont conseillé votre gouvernement, et le nôtre, sur l'emplacement des terrains de mise bas et sur le comportement et le déplacement des caribous, étaient limités. Ils n'englobaient pas les connaissances traditionnelles des peuples autochtones.
Cela nous oblige à faire preuve d'une certaine souplesse. Au départ, nous avons appuyé le processus de bonne foi. Aujourd'hui, nous avons des raisons de plus en plus évidentes justifiant d'appuyer un examen.
Le sénateur Buchanan: Monsieur le ministre, j'aimerais faire plusieurs observations. Tout d'abord, je suis d'accord que les peuples devraient constituer une priorité lors de la prise des décisions. Si je saisis bien cette situation, recueillie lors de nombreuses réunions, il y a un désir d'établir un parc. Tout le monde est d'accord qu'il devrait y avoir un parc. Deuxièmement, il faut protéger les caribous de la harde Bluenose. Troisièmement, il faut des possibilités d'emploi. Quatrièmement, il y a l'éventualité d'un développement économique.
J'ai ramené toute cette question à ceci: que les 2 p. 100 soient exclus du parc ou non, on me dit que les caribous et les terrains de mise bas seront protégées. Il y aura de nombreuses protections, même si les 2 p. 100 sont exclus.
Deuxièmement, je crois comprendre que le chômage est très élevé dans cette région particulière. S'il se fait de l'exploitation, cela créera de l'emploi pour les habitants de cette région à partir de ces 2 p. 100, en plus de la région située à l'extérieur du parc.
Troisièmement, l'économie de la région sera certainement rehaussée si les 2 p. 100 sont exclus et si l'on procède à une exploitation minière souterraine. Environ 98 p. 100 du parc existera toujours.
Êtes-vous d'accord avec ma conclusion que les 2 p. 100 ne sont pas très importants comparativement à ce que les gens tireront du développement économique et de l'emploi, et en tenant également compte de la protection du caribou par divers ministères gouvernementaux?
M. Kakfwi: Oui, sénateur, c'est exact. Lorsque j'ai examiné la preuve scientifique pour l'emplacement des principaux terrains de mise bas en rapport avec la limite proposée, j'ai pensé, d'après les informations recueillies jusqu'à présent, que la limite proposée du parc ne l'englobait pas de toute façon. Votre limite proposée pour ce parc ne fait même pas convenablement le travail. Ce n'est pas à moi de le dire. Je prétends que l'information est limitée et souligne la nécessité d'avoir une certaine souplesse.
Le sénateur Cochrane: Ce fut très intéressant de vous entendre parler ce matin, monsieur le ministre, car le caribou me rappelle le poisson. J'ai les mêmes problèmes dans ma région. Les caribous et les poissons ne connaissent pas les frontières. Nous parlons de ce petit morceau de terre dans l'Ouest. On nous dit que probablement l'an prochain, ou l'année suivante, ces caribous mettront bas dans des endroits autres que cette région précise que la compagnie minière et les habitants de Paulatuk souhaitent reprendre. C'est la même chose avec le poisson. Il ne connaît pas de frontières.
Permettez-moi de vous raconter ce qui se passe dans ma province. Par suite des problèmes rencontrés avec nos ressources naturelles, nous perdons environ 10 000 habitants par an. Je peux comprendre pourquoi les habitants de Paulatuk veulent cette parcelle de terre, si elle signifie qu'ils en tireront des avantages économiques. Le caribou bénéficie d'une large part, 98 p. 100, pour se promener et mettre bas et cetera, et les habitants de Paulatuk ne demandent que ces 2 p. 100 pour obtenir leurs avantages économiques.
Pouvez-vous me dire combien d'emplois seraient créés si cette petite parcelle de terre était rendue à ces gens?
M. Kakfwi: Je crois savoir que le gouvernement fédéral a dit qu'il engagera environ 10 millions de dollars dans la création de ce parc, ce qui aboutira à au moins deux emplois dans la collectivité de Paulatuk.
Le sénateur Cochrane: Deux emplois pour 10 millions de dollars?
M. Kakfwi: Il doit mettre en valeur Parcs Canada quelque part.
Le sénateur Cochrane: Alors, qui en bénéficiera le plus? C'est la question à laquelle il faut répondre.
M. Kakfwi: Sénateur, il y a des gens dans la fonction publique fédérale qui s'occupent des terres et de l'eau des Territoires du Nord-Ouest. Ils vont travailler tous les jours à Hull. Ils ne travaillent pas à Yellowknife. Ils ne vivent nulle part dans les Territoires du Nord-Ouest. Ils vivent ici même dans cette ville et prennent soin de nos ressources et de nos terres.
Le sénateur Cochrane: En prenant également des décisions.
M. Kakfwi: Je soupçonne que les 10 millions de dollars iront quelque part à Hull.
Le sénateur Cochrane: Si le projet allait de l'avant, votre gouvernement recevrait-il des redevances de cette exploitation minière?
M. Kakfwi: Non, sénateur. Toutes les redevances provenant de l'exploitation des ressources dans les Territoires du Nord-Ouest reviennent au gouvernement du Canada. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest reçoit une somme dérisoire.
Le président: Je voudrais explorer brièvement un dernier point qui n'a pas encore été abordé. Je crois comprendre que M. Nagy, qui était ici la semaine dernière et qui est votre biologiste de la faune, est employé par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
M. Kakfwi: Oui.
Le président: Je lui ai posé cette question, concernant M. Mitchell:
Lorsque le ministre a comparu devant nous, il était préoccupé par le fait qu'il s'agissait d'un terrain clé pour les mises bas. S'il n'y avait aucune activité dans la région pendant la saison de mise bas, ces inquiétudes seraient considérablement réduites. Seriez-vous d'accord avec cette déclaration ou êtes-vous d'accord à l'heure actuelle?
Il a répondu:
Ce serait un facteur d'atténuation important, oui.
La question avait pour but de déterminer s'il serait faisable pour la société minière de cesser toute activité pendant cette brève saison de mise bas. Si ces 2,5 p. 100 des 13 000 kilomètres carrés étaient soustraits du parc, cela les ramènerait dans votre secteur de compétence, n'est-ce pas?
M. Kakfwi: Cela ramènerait ces terres sous la compétence de tout le monde, et c'est ce que nous voulons. Nous souhaitons que les Inuvialuits, nous-mêmes, les métis du Sahtu et les peuples du Nunavut continuent de collaborer ensemble pour faire tout ce que nous pouvons de façon créative pour protéger la faune, les terres et l'environnement du Nord. Oui, cela reviendra dans notre secteur de compétence.
Le président: Dans ce cas, pensez-vous qu'il serait pratique pour vous d'envisager d'adopter des règlements qui interdiraient toute activité minière pendant ces 30 jours, en supposant qu'il y ait des mises bas dans cette région? D'après les preuves, les caribous se déplacent et ils n'ont pas mis bas dans cette région depuis de nombreuses années. En supposant qu'il y aurait des mises bas sur ces terres, serait-il pratique pour vous d'envisager des règlements qui interdiraient toute activité minière pendant la saison de mise bas?
M. Kakfwi: C'est une possibilité, oui. Notre gouvernement pourrait prendre certaines mesures pour résoudre ce problème. Le gouvernement fédéral émet également des permis d'exploitation minière. Il pourrait s'agir d'un critère d'obtention d'un permis que le titulaire ne travaille pas dans certaines conditions. Ce ne serait pas une façon inhabituelle de faire des affaires.
Le président: Monsieur Kakfwi, merci beaucoup. Nous avons largement dépassé le temps qui nous était imparti en raison de l'intérêt des membres du comité pour votre témoignage. Nous apprécions que vous soyez venus partager vos points de vue avec nous.
Sénateurs, nous allons maintenant entendre les représentants de la compagnie Darnley Bay Resources Limited.
Je souhaite la bienvenue aux représentants de Darnley Bay Resources Limited. Vous avez la parole.
M. Bill Allen, conseiller juridique, Darnley Bay Resources Limited: Monsieur le président et honorables sénateurs, je ne suis pas ici en tant qu'avocat, mais en tant qu'un des administrateurs et des fondateurs de Darnley Bay Resources. Le président, M. Leon La Prairie est le véritable fondateur de la compagnie. Comme lui, j'ai participé aux activités de la compagnie depuis ses débuts.
M. La Prairie est un vrai prospecteur canadien. Tout d'abord, il vous parlera de son intérêt pour l'anomalie géologique. Ensuite, je vous ferai un rapport sur certaines questions qui, d'après ce que nous savons, ont été soulevées lors d'audiences antérieures, y compris sur notre arrangement avec les Inuvialuits, notre abandon de quelques permis de prospection, à la demande des Inuvialuits, et les résultats de notre relevé aérien de 1997 et leur lien avec la demande de changement des limites du parc formulée par les Inuvialuits.
M. Leon La Prairie, président, Darnley Bay Resources Limited: Je ne remonte pas aussi loin que les peuples autochtones mais mes antécédents historiques remontent à 1642. L'un de mes ancêtres était caporal dans l'armée française sur les plaines d'Abraham. Nous n'avons pas encore perdu cette bataille.
Je suis un homme marié et fier d'avoir quatre enfants. Mes parents ont eu neuf enfants. J'ai six frères et deux soeurs. Je suis né dans une cabane en bois rond à Timmins. Notre famille compte quatre ingénieurs des mines. Après avoir servi dans l'armée, je suis allé à l'université. L'un de mes copains à l'armée était le sénateur Bill Kelly. Je lui ai enseigné certaines choses et il m'a enseigné certaines choses.
Après l'université, j'ai commencé à travailler comme mineur à Timmins. Je suis allé dans le nord du Québec comme arpenteur souterrain. J'ai travaillé au Cap-Breton comme ingénieur des mines et j'ai travaillé dans l'exploration au Québec et en Ontario. En Alberta, j'étais directeur de mine et j'ai également travaillé dans une mine d'uranium à Uranium City. J'ai travaillé en Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon.
Nous ne sommes que trois ici aujourd'hui car deux de mes collègues ne pouvaient pas être présents. M. Hank Vuori a travaillé dans l'Arctique pendant environ 30 ans avec la compagnie Inco. Il a couvert la région allant de l'Ungava jusqu'à l'île de Victoria et de l'autre côté en Alaska. C'est lui qui a eu vent le premier de l'anomalie de Darnley Bay en 1955. M. Vuori est ingénieur des mines. John Dowsett était le directeur de l'exploration chez Inco et il a travaillé dans tout l'Arctique. Mon expérience dans l'Arctique englobe Rankin Inlet, Chesterfield Inlet, l'île du Roi-Guillaume, et cetera.
Je laisserai aux membres du comité un croquis qui montre quelques-unes des exploitations sur la côte de l'Arctique. Les diapositives que je vais présenter montrent le projet de Rankin, une nouvelle entreprise de Falconbridge, et d'autres projets, y compris celui de Darnley Bay. Il y a également le projet à Red Dog, qui est exploité par Cominco Mines.
La région de peuplement englobe Holman, Sachs Harbour, Tuktoyaktuk, Aklavik, Inuvik et Paulatuk. L'anomalie est située dans cette région. Avant de nous lancer dans toute exploration, nous avons demandé le point de vue des résidants, parce qu'ils avaient certaines inquiétudes. Certains se disaient préoccupés par les caribous, d'autres par les baleines et d'autres encore par l'omble chevalier.
J'ai sillonné le Nord, y compris Rankin Inlet, Fort McMurray, Yellowknife, Norman Wells, Inuvik, Tuktoyaktuk, et j'ai rencontré des habitants de Holman et de Sachs Harbour pour expliquer notre programme. Ce dernier comprend des antécédents historiques illustrant ce qui s'est passé il y a 80 ans lorsqu'il y avait des autochtones dans la région de Coppermine. Ils portaient des peaux en guise de vêtements et n'avaient que des os pour seuls outils. Ils utilisaient de l'urine humaine pour décolorer leurs vêtements et des excréments humains pour faire de la cire.
Une autre de mes diapositives remonte à 1950 lorsque j'ai commencé à travailler dans l'Arctique. Elle illustre un igloo et une famille. Ils vivaient de la terre. Ils avaient très peu de ressources en dehors du caribou. J'ai pris ces photos moi-même. L'une des mes photos illustre une tente en peau de caribou et vous pouvez voir les mouches en dessous. Les autochtones ont écorché la tente et mangé les oeufs de mouches.
Toutefois, les choses évoluent et, comme vous pouvez le voir d'après cette autre diapositive, ils ont accès à l'occasion à des produits commerciaux. Vous pouvez voir de la farine et une boîte de conserve, mais ils ont continué à vivre de la terre et pas dans des collectivités.
Ma diapositive suivante montre à nouveau les autochtones et vous constaterez qu'ils portent encore des peaux pour se vêtir. Ils ont peut-être des télescopes, mais ils ne les utilisent pas. Dans cette région, les ours blancs et les caribous sont munis de colliers. Tout ce qu'il leur faut, c'est un radiogoniomètre pour les localiser et ils peuvent les suivre sur leurs motoneiges.
La diapositive suivante montre la première résidence à Rankin Inlet. Vous pouvez voir la tente dans laquelle je vivais avec mon associé lorsque nous avons jalonné Rankin Inlet.
Les diapositives suivantes montrent Chesterfield Inlet dans les années 50. Les seules personnes qui y vivaient étaient les blancs.
Les diapositives suivantes montrent l'hôpital à Hudson Bay, dont l'électricité est fournie par une éolienne, ainsi que l'école. Aujourd'hui, c'est une collectivité d'environ 2 000 âmes.
Ensuite, c'est Baker Lake. De nouveau, les seules personnes qui vivaient là étaient des blancs. Les autochtones vivaient de la terre. Cette diapositive montre la piste d'atterrissage construite par l'armée américaine en 1942, pendant l'effort de guerre.
J'ai des diapositives qui montrent Holman au début des années 50 et Holman aujourd'hui. Rankin Inlet, Chesterfield Inlet et Paulatuk ressemblent à Holman. Les gens ne vivent plus de la terre. La prochaine diapositive montre où nous travaillons à Paulatuk.
Jusqu'à il y a une cinquante d'années, les autochtones vivaient de la terre. Au cours des 48 années que j'ai passées dans le Nord, j'ai constaté que les caribous sont orientés par les loups pour se déplacer dans certaines directions et qu'ils recherchent les premiers lichens après la fonte des neiges. À l'arrivée des mouches, ils se déplacent vers le nord. La mise bas peut se dérouler plus au sud s'il s'agit d'un hiver précoce. S'il s'agit d'un hiver tardif, la mise bas a lieu dans le nord. Elle se déroule à de nombreux endroits. Le prêtre qui vit à Paulatuk depuis 42 ans n'a jamais vu de mise bas dans la région de Paulatuk. Les chiens pourchassent les caribous et les loups les font se déplacer dans une certaine direction.
Le projet de Darnley Bay comporte trois caractéristiques principales, à savoir l'accessibilité, le potentiel minier et la source d'énergie. La région est accessible par la route de Dempster, construite par le gouvernement Diefenbaker. Nous avons des installations de transport océanique et des pistes d'atterrissage commerciales. L'un des slogans que j'avais l'habitude de voir là-bas disait: «Une route d'un igloo à l'autre». Nous avons encore une infrastructure, mais nous n'avons plus les igloos. Nous avons des pistes d'atterrissage commerciales à Paulatuk, Tuktoyaktuk et Aklavik. Comme vous pouvez le voir sur la prochaine diapositive, un concasseur de 28 000 tonnes peut avoir accès à l'Arctique de l'Est. Il peut fonctionner dans cette région pendant environ sept mois par an.
Nous disposons également d'une accessibilité depuis Paulatuk, en descendant le fleuve Mackenzie, jusqu'à une gare terminale. Au moins un milliard de dollars d'infrastructures conduisent jusqu'au Nord, sans desservir aucune collectivité. Leur construction est due principalement à la présence de gaz et de pétrole dans l'Arctique. Le plus grand potentiel se trouve à Paulatuk.
Sur ma prochaine diapositive, vous pouvez voir l'itinéraire océanique. Des chargements sont expédiés vers l'Angleterre et l'Europe et vers le sud par l'Est des États-Unis. Depuis Paulatuk, vous pouvez expédier des marchandises au Japon et en Chine, ainsi que vers la côte ouest des États-Unis. Nous utilisons également des barges depuis la gare terminale vers le sud jusqu'à Hay River.
Cette diapositive présente Inuvik, où se trouve la route de Dempster, et le delta du fleuve Mackenzie. La mer de Beaufort se trouve au nord d'ici. Le gouvernement a dépensé 16 milliards de dollars en infrastructures dans cette région. À Inuvik, nous avons des services aériens, du transport par barges, des services d'alimentation, des fournitures pour les camps, du matériel pour le carburant et des services de camionnage.
À Paulatuk, le gouvernement fédéral a dépensé 36 millions de dollars pour les pistes d'atterrissage. Mes diapositives montrent à la fois la vieille piste et la nouvelle qui a une longueur de 5 000 pieds. Un avion Hercules peut s'y poser. Il y a deux vols réguliers par semaine. Dans cette région, nous avons également un poste de soins infirmiers, un détachement de la GRC, un magasin, une école, un motel et des bassins pour hydravions.
Cette diapositive montre Paulatuk avec ses 270 habitants, dont environ 35 p. 100 sont de jeunes enfants.
La diapositive suivante montre le bassin pour hydravions près du fleuve Mackenzie. Cela pourrait devenir un port en eau profonde à l'avenir.
Dans les premiers temps, le gouvernement a décidé d'avoir là une réserve de carburant. Lorsque je travaillais dans l'Arctique, il fallait planifier les approvisionnements en mazout environ deux ans à l'avance. Maintenant, nous pouvons puiser dans cette réserve de carburant, en autant que nous la remplissions avec le premier approvisionnement qui se rend dans le Nord.
L'an dernier, l'école a été agrandie pour un montant d'un million de dollars.
La diapositive suivante montre l'hôtel.
En tout, il y a au moins un milliard de dollars en infrastructures ici. L'accessibilité est excellente.
Nous étudions le potentiel minéral, surtout du nickel, du cuivre et des métaux du groupe du platine.
Je me suis rendu dans les écoles de Paulatuk et d'Inuvik parce qu'une partie de mon travail, en vertu de la convention, consiste à expliquer le projet aux collectivités. Je leur explique que le centre de la terre n'est rien d'autre que du magma fondu. C'est une substance très lourde qui contient du nickel, du cuivre, de l'or et tous les autres éléments.
La théorie de Darnley Bay est qu'un météorite, semblable à celui qui a atterri à Sudbury, a frappé la surface de la terre, pénétré le manteau, fracturé tout ce avec quoi il est entré en contact et poussé les éléments vers le haut. Ces éléments sont maintenant à la surface.
Ces filons-couches basiques que vous voyez sur cette diapositive sont importants. Lorsque le magma s'y engouffre, après une période de refroidissement d'environ 200 ans, les métaux se déposent au fond. Dans le document qui illustre l'exemple de Sudbury, un météorite a entaillé la surface de la terre, fracturé le manteau et les solutions ont monté. Après 200 ou 300 ans de refroidissement, les métaux se sont déposés sur le fond. L'exploitation minière existe à Sudbury depuis 1885. C'est la possibilité que nous étudions à Paulatuk.
En 1955, lorsque mon associé et moi-même étudions des cartes des Territoires du Nord-Ouest, il a remarqué une anomalie magnétique. Lorsqu'il s'est rendu là-bas en 1959, il n'y avait que de jeunes peuplements. Lorsqu'il a remonté la rivière Hornaday pour pénétrer dans les gorges, il a trouvé ces blocs rocheux basiques. Ce sont les mêmes types de filons-couches basiques que vous voyez à Sudbury. Vous trouvez également dans ces gorges du cuivre natif et des sulfites.
Ce qui traverse cette région, c'est une couche de charbon épaisse et c'est de là que Paulatuk tient son nom. Il signifie «suie noire». C'est là que les baleiniers et les gens que nous avions coutume d'appeler les «Esquimaux» obtenaient leur combustible.
En 1969, le gouvernement du Canada a effectué des relevés tous les huit milles partout dans l'Arctique. Ces relevés devaient tester l'intensité de la roche souterraine et déterminer celle qui était la plus lourde. À Paulatuk, les relevés ont été très élevés. Les fonctionnaires ont effectué environ 1 000 relevés, qui leur ont révélé qu'il y avait quelque chose d'extrêmement lourd dans le sol. C'est quatre fois la force de l'ensemble du bassin de Sudbury, qui a produit pour 2,5 milliards de dollars de métaux par an, de l'ordre d'environ 1,8 milliard de dollars avec les prix actuels. Dans la région de Sudbury, il y a 21 mines en production autour du périmètre. Cela revient à laisser tomber une grosse roche dans un bassin d'eau et les éclaboussures se rapprochent de la surface. C'était la première indication de l'anomalie gravitationnelle.
La carte que je vous montre n'a été produite qu'en 1991.
Le gouvernement a effectué un relevé magnétique en 1973. À l'heure actuelle, nous savons qu'il y a quelque chose de très lourd dans le sol et nous savons qu'il y a quelque chose de magnétique dans le sol. Cela n'a pas les caractéristiques d'une formation ferrifère, mais ressemble à ce que l'on voit à Sudbury. Les constatations dans les deux régions sont homogènes. Il n'y a pas d'effondrements et pas de zones émergées.
En 1969, la Commission géologique du Canada (CGC) est venue ici et a cartographié la région. Voici ce que nous appelons le «bouclier précambrien», les roches les plus vieilles dans le Nord. Dans cette région, vous avez des éléments qui sont magnétiques et lourds et ils sont recouverts par de jeunes sédiments. À cette époque, nous ne connaissions pas l'épaisseur de ces jeunes sédiments.
La découverte de diamant dans cette région à la fin des années 80, à environ 350 milles au sud de Darnley Bay, a piqué notre curiosité.
En 1973, les compagnies pétrolières sont arrivées parce qu'un premier rapport de la CGC avait déclaré que l'anomalie de forte gravité était causée par la formation qui se trouvait plus près de la surface. Les compagnies pétrolières recherchaient des pièges pétrolifères. Elles ont effectué des relevés sismiques qui indiquent une forme de champignon inversé. Ils montrent les filons-couches qui sont semblables à ceux du bassin de Sudbury. Il y a une faille dans la région.
En 1993, la CGC a prélevé des échantillons là où ces filons-couches sont exposés dans le parc proposé et, l'an dernier, nous avons également obtenu la permission de le faire. Elle a trouvé des quantités de nickel, de cuivre, de platine, d'or et d'argent dans les filons-couches, si bien que la source évidente de ces minéraux est l'anomalie. C'est là que la CGC a accordé une cote allant de modérée à élevée pour l'anomalie à propos de la teneur de ces métaux. C'est la cote la plus élevée qu'elle peut accorder sans avoir échantillonné la roche hôte ou sans avoir foré un trou dans le sol.
Nous savons que nous avons là quelque chose de très lourd. Habituellement, les corps minéralisés ont des prolongements en forme de doigts mais, à ce stade, nous ne savons pas si c'est le cas ici.
Si nous pouvions prélever des échantillons dans la région et si nous constations que les roches ont 1 200 millions d'années, nous saurions qu'elles viennent de tout près. Si elles ont 700 millions d'années, nous saurions qu'elles viennent d'une autre région. L'échantillonnage dans le parc a pour but d'essayer de déterminer l'origine des formations.
L'an dernier, nous sommes allés dans le Nord avec un avion perfectionné qui comportait deux magnétomètres au lieu d'un. En 1969, un levé réglementaire a été effectué à une altitude de 1 600 pieds et les mesures étaient distantes de quatre milles. Cette fois-ci, nous avons volé à 450 pieds au-dessus du sol et nous avons pris des mesures distantes de 800 mètres. Ce programme nous a coûté environ 800 000 $, car nous devons survoler toute la région pour cartographier la taille de l'anomalie.
Ce que nous avons constaté était assez différent de ce que nous avions trouvé lors du dernier relevé. Ce n'est pas homogène. Nous avons trouvé une formation de failles extrêmement intéressante.
Vous pouvez voir des cheminées qui sont à moins de 20 mètres de la surface. Le relevé nous montre ce qui se trouve à 3,3 kilomètres sous la surface et ensuite à 1,1 kilomètre sous la surface. De nombreux doigts sont proches de la surface. C'est typique de l'agencement des minerais à Sudbury et à d'autres endroits.
Il y a un soulèvement au centre et toute la formation a été poussée vers la surface. C'est pourquoi les minéraux se trouvent à une plus faible profondeur. Le relevé sismique n'allait pas plus loin que cela. Si cela avait été le cas, ils auraient constaté plus tôt qu'il y avait des minéraux proches de la surface.
Nous estimons que nous avons quatre roches intrusives. Je crois comprendre que les gens de Falconbridge ont étudié nos bandes et disent que nous avons sept roches intrusives. Nos spécialistes nous disent que nous en avons quatre, chacune d'elle pouvant avoir ces pointes ascendantes que nous recherchons.
Notre relevé a montré des cheminées ou des pipes. Nous recherchons des cheminées kimberlitiques, parce qu'elles comportent des diamants. Sur l'île Victoria, ils ont foré sept cheminées, dont quatre sont kimberlitiques. À Lac de Gras, ils ont dépensé 800 millions de dollars pour installer un chaînage. Nous ne saurons pas si nous avons des kimberlites tant que nous ne ferons pas notre échantillonnage en surface.
Nous possédons maintenant des droits exclusifs sur les six régions initiales et sur la queue d'une autre. Celle qui est située dans le parc est de loin la plus longue avec environ 25 milles. Une autre a environ 15 milles de long. Ce sont les zones magnétiques minéralisées sur lesquelles nous voulons travailler.
Les premiers relevés de gravité qui étaient éloignés d'environ quatre milles révèlent qu'il y a quelque chose de très lourd dans le sol. Nous voulons prendre des mesures de gravité tous les 200 mètres. Nous recherchons l'association entre les mesures de gravité et les mesures magnétiques.
La compagnie Inco produit du platine, de l'or, de l'argent, du nickel et du cuivre de ses mines de Sudbury. C'est le plus gros gisement de nickel au monde. Le levé géologique de Darnley Bay le compare à ces activités. Toutefois, Sudbury est située là où se trouvent le magnétisme et la production et la production se trouve là où est la gravité. Le magnétisme est nettement plus faible que la gravité. Si vous mélangiez un seau d'eau avec de l'huile et du gaz et si vous laissiez le tout reposer, vous le verriez se séparer. Les minéraux font la même chose. Le magnétisme crée certains horizons pour le cuivre et le nickel, et ils se déposent à des endroits différents.
L'Afrique produit 70 p. 100 du platine au monde.
Nous avons suffisamment de pétrole brut lourd pour approvisionner Paulatuk pendant un certain nombre d'années.
C'est l'anomalie isolée la plus forte en Amérique du Nord. Nous détenons des droits exclusifs sur un million d'acres, de très bonnes infrastructures et une excellente équipe de gestion. Mon travail consiste à trouver la profondeur et la forme des gisements.
M. Allen: J'ai beaucoup entendu parler de la Convention définitive des Inuvialuits de 1984 et de la clause exigeant que les sociétés exploitantes de ressources signent des ententes concernant l'utilisation des terres, les coûts d'inspection sur les chantiers, l'emploi, les contrats de service et d'approvisionnement, ainsi que l'éducation et la formation, les dédommagements pour la faune et la participation au capital-actions...
La Convention définitive des Inuvialuits de 1984 prévoit un examen environnemental préalable et des permis des Inuvialuits, pas seulement des permis de la Couronne, pour autoriser et contrôler la nature de phases précises des travaux. Il est utile de savoir qui est propriétaire de quoi dans la région de l'anomalie située à l'extérieur du parc. Un peu plus d'un million d'acres de l'anomalie sont disponibles à des fins d'exploration à l'extérieur du parc. De ce chiffre, en vertu de la Convention définitive des Inuvialuits de 1984, les Inuvialuits détiennent les droits miniers sur environ 450 000 acres et la Couronne sur le reste.
Les permis de prospection dans la région, détenus par la Couronne, sont émis par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en vertu du Règlement sur l'exploitation minière au Canada. Nous avons constitué une société et, en décembre 1993, présenté au MAINC une demande de permis de prospection pour la région de l'anomalie, en dehors des droits miniers détenus par les Inuvialuits.
En février 1994, le MAINC a émis les permis. Plus tard au cours de la même année, les Inuvialuits nous ont parlé du projet de parc. Ils nous ont demandé de rétrocéder les parties de nos permis de prospection qui se trouvaient à l'intérieur du parc proposé. Nous avons rétrocédé environ 470 000 acres sans indemnisation. Mme Cournoyea vous en a parlé.
Ensuite, nous avons entamé des négociations avec les Inuvialuits en partant de plusieurs principes. Premièrement, sur la région de l'anomalie située à l'extérieur du parc, les Inuvialuits en détiennent environ la moitié, tandis que nous avons des permis de prospection pour le reste. La nature de l'anomalie se prête à un seul programme global d'exploration. Deuxièmement, que les droits miniers soient détenus par les Inuvialuits ou par la Couronne, tout ce qui se trouve dans la région de peuplement des Inuvialuits représente des terres inuvialuites. La Convention de 1984 stipule que non seulement leur collaboration est nécessaire pour chaque phase d'exploration et d'exploitation, mais qu'ils ont également droit à des possibilités significatives d'investir dans les avantages à long terme qui pourraient survenir, ce qui signifie des avantages dans le capital-actions. Les avantages dans le capital-actions sont disponibles par le biais d'une action ou d'une combinaison d'actions dans la société exploitante des ressources, par un intérêt direct dans la propriété et par des droits de redevance. Chaque formule a ses caractéristiques et ses avantages particuliers.
Après des rencontres avec les habitants de Paulatuk et de longues négociations avec les Inuvialuits, nous avons signé une entente avec eux le 6 octobre 1995. Les principales conditions de cette entente sont les suivantes: nous avons effectivement regroupé nos droits miniers pour permettre une exploration globale.
Dans la zone où les Inuvialuits détiennent les droits miniers, notre société a des droits d'exploration pour 10 ans, période durant laquelle nous pouvons choisir des cibles spécifiques pour procéder à une exploration intensive. Dans chaque cible choisie, nous avons 10 ans à partir de la date du choix pour décider s'il y a un potentiel économique. Dans l'affirmative, nous aurons droit à un bail d'exploitation minière. Nous effectuons des paiements en espèces, certains pouvant être payés en actions de la société, et nous versons également des frais d'administration annuels. Nous sommes tenus d'effectuer des travaux d'exploration substantiels.
Les Inuvialuits recevront une redevance nette sur les produits de fonderie de 3 p. 100 pour n'importe quelle production. Dans chacune des cibles d'exploration intensive, ils ont également le droit de devenir un participant ayant un intérêt direct dans la propriété ou de recevoir une redevance nette supplémentaire sur les produits de fonderie. Ils reçoivent les paiements en espèces et en actions et les frais d'administration annuels.
Dans la zone située à l'extérieur des droits miniers des Inuvialuits, y compris dans la zone des permis de prospection de la société, les Inuvialuits obtiennent une redevance nette sur les produits de fonderie de 2 p. 100. Dans chacune des cibles choisies pour une exploration intensive et une exploitation, ils ont également le droit de devenir un participant ayant un intérêt direct dans la propriété ou de recevoir une redevance nette supplémentaire sur les produits de fonderie.
La société doit fournir aux Inuvialuits les résultats des explorations, une formation, des emplois et des avantages commerciaux. En vertu de cette entente, la société a versé, et verse actuellement, environ 1,2 million de dollars en espèces et environ 1,2 million de dollars en actions de la société.
Nous avons retenu les services d'experts-conseils hautement réputés. Je pense que vous avez la documentation de Patterson, Grant et Watson. Sur leur recommandation visant à améliorer la connaissance géophysique de l'anomalie à l'extérieur du parc, nous avons effectué le relevé aérien de 1997.
James Robertson et Dennis Prince, de Falconbridge, vous ont dit ce que signifiaient les résultats de ce relevé et comment cela a conduit à leur participation.
Comme l'exige notre entente, nous avons également fourni les résultats aux Inuvialuits. Nous n'avons pas entrepris le relevé dans le but de modifier les limites du parc, mais parce qu'il améliorerait la connaissance de la partie de l'anomalie située à l'extérieur du parc.
Les Inuvialuits ont amorcé le processus de changement des limites. À leur demande, nous leur avons fourni de l'information et de l'aide. Nous ne sommes pas signataires de la convention concernant le parc et nous n'avons aucun statut juridique à cet égard. De toute évidence, nous avons un intérêt commun avec les Inuvialuits et nous les appuyons.
Si la limite est modifiée et si la zone devient disponible, notre entente avec les Inuvialuits stipule que, peu importe qu'il s'agisse de terres des Inuvialuits en vertu de la Convention définitive des Inuvialuits de 1984 ou de terres de la Couronne, aux fins de notre entente avec eux elles seront traitées comme des terres des Inuvialuits.
Notre programme d'exploration est axé sur les zones situées à l'extérieur du parc, même si nous avons prélevé quelques échantillons dans le parc -- et M. La Prairie en a fait mention -- pour déterminer les propriétés magnétiques, la densité et la datation. Toutefois, à cause des résultats du relevé de 1997, ce n'est plus inclus. Nous ne pouvions pas effectuer l'exploration dans le parc sans permis et, de toute façon, il est peu probable que des permis seraient accordés.
Nous espérons que ceci répond aux questions portant sur notre société qui découlent d'audiences antérieures.
Leon La Prairie et moi-même avons participé à toutes les négociations avec les Inuvialuits qui ont abouti à notre entente avec eux, y compris aux rencontres avec les anciens à Paulatuk. Nous en sommes revenus avec un sentiment de leur respect profond et de leur préoccupation pour leurs terres et pour la préservation de leur patrimoine. Ils sont également préoccupés par les changements rapides qui les dépassent à mesure qu'ils passent d'une économie de subsistance à une économie mondiale. Nous avons eu le privilège de parler avec des gens qui vivaient de la terre avant que nous, gens du Sud, nous y intéressions. En tant qu'avocat, j'ai eu l'impression que leur tradition n'a pas englobé notre concept de la propriété privée. J'ai appris que les traditions concernant le droit de propriété peuvent être profondément différentes. Les diverses structures exposées dans la Convention définitive de 1984 parlent en faveur de cela et j'estime que nous leur devons bien de traiter avec eux avec tout le respect possible.
Le sénateur Adams: Juste en aparté, je crois qu'il y avait une mine de nickel à Rankin Inlet de 1954 à 1962, date à laquelle elle a été fermée.
M. Allen a collaboré avec les Inuvialuits à propos de leur accord sur les revendications territoriales, et je pense que nous devrions faire la même chose au Nunavut.
La société Cumberland Resources procède à des forages pour extraire des diamants dans la région de Rankin Inlet depuis huit ans. Les gens de la région s'inquiètent de tous les forages effectués dans leur collectivité. Au cours des dernières années, nous avons appris que nous devons nous préoccuper de la protection du caribou et des terrains de mise bas.
Votre société avait-elle un permis d'exploration avant que les Inuvialuits règlent leur revendication territoriale ou après?
M. Allen: La compagnie n'a effectué aucune exploration en dehors de recueillir des données et d'effectuer le relevé aérien de 1997, et un certain positionnement géophysique au cours de l'hiver dernier. Tout a été fait avec des permis.
Le sénateur Adams: Le permis se poursuivra-t-il en vertu de la revendication territoriale des Inuvialuits? Est-ce que Parcs Canada essaie de vous évincer de là?
M. Ian Lawyer, vice-président, Exploration, Darnley Bay Resources Limited: Je pense que nous devrions tous mentionner clairement qu'une fois qu'un parc national est créé, toute exploration ou exploitation est immédiatement éteinte. Il y a eu quelques malentendus la semaine dernière, comme je l'ai remarqué lorsque j'ai eu la possibilité d'assister aux audiences de votre comité sénatorial permanent et aux audiences parlementaires précédentes. S'il vous plaît, il ne faut pas qu'il y ait de malentendus -- une fois qu'un parc est créé, toute exploration ou toute exploitation future est éteinte pour toujours.
M. La Prairie: Dans la région du parc.
M. Lawyer: L'autre aspect est l'examen. Il y a 20 p. 100 de l'anomalie dans les limites actuelles du parc. Nous ne savons pas où nous trouverons des gisements rentables, si ce sera dans les 20 p. 100 ou à l'extérieur. Nous espérons que ce sera dans la région environnante, comme à Sudbury. Comme Dennis Prince, de Falconbridge, vous l'a expliqué la semaine dernière, ce pourrait être comme à Voisey's Bay, où le seul gisement économique se trouverait dans le parc. Il est important de le savoir.
Sénateur Adams, vous avez parlé de la région autour de Rankin Inlet où se trouve la harde Kaminak. Il n'y a pas de parc national dans cette région. Il y a une zone protégée spécifique pour protéger le caribou pendant la mise bas et les déplacements de la harde. Il existe des règlements très stricts pour effectuer une exploration minière dans cette région. C'est un bon exemple.
Le sénateur Buchanan a demandé s'il y a d'autres exemples et d'autres façons de faire les choses à l'extérieur du parc pour protéger le caribou. C'est-à-dire un règlement établi par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour protéger le caribou contre les explorations minières à des périodes clés.
Le sénateur Adams: Parfois, nous avons des hélicoptères qui volent en avril et la saison de mise bas commence en mai. Peut-être plus tard dans l'ouest, peut-être plus tôt. Nous étions préoccupés par la réglementation de l'exploration pour nous assurer que le caribou ne sera pas dérangé pendant la saison de mise bas.
Vous avez dépensé environ 800 000 $ en travaux d'exploration à Darnley Bay.
M. Lawyer: Oui.
Le sénateur Adams: Perdrez-vous tous vos droits si la zone devient un parc? Comment récupérerez-vous vos 800 000 $? Nous avons 2 p. 100 pour la participation des Inuvialuits dans les actions minières.
M. Lawyer: Il y a 80 p. 100 de l'anomalie à l'extérieur du parc. Le relevé aérien a couvert toute l'anomalie, et cela a coûté environ 600 000 $, plus le retraitement et le travail avec nos experts-conseils de Toronto. Cela a haussé la facture à 800 000 $.
Les travaux pourraient encore se poursuivre sur 80 p. 100 de cette anomalie. Le parc ne nous empêchera pas de travailler à l'extérieur de la limite désignée.
Le sénateur Adams: Avez-vous un intérêt dans le matériel qui se trouve dans le parc à l'heure actuelle? Il n'est pas facile de déplacer le matériel et, au coût de 3 000 $ l'heure pour un hélicoptère, ce n'est pas bon marché. Comment récupérerez-vous l'argent si vous perdez votre intérêt dans les terres? Est-ce que Parcs Canada vous dédommagera pour quitter l'endroit?
M. Lawyer: Les 800 000 $ ont été dépensés pour l'ensemble du relevé. Environ 20 p. 100 du relevé a été effectué dans le parc, comme le permettait le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons envisagé de poursuivre les travaux sur la région située à l'extérieur du parc. De toute évidence, si la limite est changée, nous examinerons cette large anomalie, comme l'a montré M. La Prairie, à l'intérieur du parc. À l'heure actuelle, c'est une limite désignée. En attendant qu'elle soit déplacée ou changée, nous concentrerons tout notre argent à l'extérieur de cette zone.
Je vous rappelle que, lorsque la société Darnley Bay a rétrocédé ses permis aux Inuvialuits, à leur demande, cette zone couvrait environ 470 000 acres. Si elle était réintégrée, la zone couvrirait environ 100 000 acres. Initialement, Darnley Bay détenait 470 000 acres qui ont été rétrocédés. Il n'y aura pas de discussions pour les récupérer. Les Inuvialuits ont demandé un examen de la limite autour de l'anomalie et cela couvre environ 100 000 acres.
Le président: Je souhaiterais clarifier ce point. J'ai compris que la superficie totale du parc proposé était de 16 340 kilomètres carrés, même si certaines des limites n'ont pas été fixées. Maintenant, vous dites au sénateur Adams que la zone qui pourrait être exclue couvre 100 000 acres?
M. Lawyer: Je dis qu'à l'origine, Darnley Bay détenait des permis à l'intérieur du parc. Si vous vous souvenez de l'exposé de M. Allen, il y avait environ 470 000 acres. Ils ont été rétrocédés. La zone concernée dans la demande de déplacement de la limite couvre environ 100 000 acres, soit grosso modo un cinquième de la concession de terre initiale faite à Darnley Bay par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
Les Inuvialuits demandent que la région fasse partie de la zone d'exploration. En tant que partenaires des Inuvialuits, nous aimerions que la limite soit déplacée, car cela est logique pour nous. La zone dont nous parlons couvre environ 20 p. 100 de celle qui a été rétrocédée à l'origine par Darnley Bay.
M. La Prairie: La confusion concerne le 2 p. 100, qui est la portion globale.
Le président: Je ne suis pas certain des chiffres, mais vous dites que les 100 000 acres représentent 2 p. 100 de 16 340 kilomètres carrés?
Je ne crois pas que cela soit vrai, mais je ne suis pas un mathématicien. Nous demanderons à quelqu'un d'autre de faire ce calcul.
Le sénateur Hays: J'en déduis que les 100 000 acres représentent la zone couverte par l'anomalie dont vous parlez. Est-ce exact?
M. La Prairie: C'est exact.
Le sénateur Hays: La zone plus vaste est celle qui est potentiellement disponible pour exploration et qui a été rétrocédée par Darnley Bay à la demande des Inuvialuits. Je tiens à confirmer votre témoignage que les travaux supplémentaires effectués en 1997 l'ont été en sachant bien que Parcs Canada avait une convention. Dans leur lettre accordant la permission, qu'ils regrettent maintenant d'avoir écrite je suppose, ils ont déclaré clairement que leur position concernant la limite du parc ne serait pas modifiée par quelque découverte que vous pourriez faire?
M. Lawyer: Le texte disait qu'un ajustement à la limite n'était pas prévu à l'heure actuelle, ou quelque chose du genre.
M. Allen: Nous n'avons pas entrepris le relevé aérien dans le but de modifier la limite du parc.
Le sénateur Hays: Je comprends cela. La lettre dit ceci:
Darnley Bay devrait être avertie qu'aucun changement de limite du parc national désigné n'est prévu.
C'est le commentaire auquel vous avez fait référence. Comment avez-vous compris cela? Avez-vous compris que cela signifie qu'ils pourraient apporter un changement à cette limite, ou l'avez-vous compris au sens strict comme ils l'ont écrit?
M. Lawyer: Je ne faisais pas partie de la société à cette époque, sénateur Hays.
M. La Prairie: Nous avons informé Parcs Canada, le ministère des Affaires indiennes et l'administration des terres des Inuits de notre intention de survoler la région. Au départ, Parcs Canada a déclaré que nous ne pourrions pas survoler le parc. Le ministère des Affaires indiennes a dit que nous devions voler à 1 000 pieds. Le ministère fédéral des Transports a dit qu'il avait compétence en la matière et que nous pourrions voler à moins de 150 pieds, que nous pourrions nous poser seulement en cas d'urgence ou pour un entretien normal.
Nous sommes entrés en contact avec toutes les parties et nous avons obtenu l'approbation de l'administration des terres, mais pas avant d'avoir obtenu la permission de Transports Canada, qui avait compétence en la matière.
Le sénateur Hays: Cette explication indique clairement que cette initiative était envisagée simplement comme une possibilité d'en apprendre davantage sur la géologie de la région. Si la géologie ou le relevé confirmait des ressources, vous ne vous attendiez pas à ce que cette convention soit rouverte.
M. La Prairie: Pour trouver le volume d'un lac, vous devez déterminer la profondeur en son centre et travailler d'une rive à l'autre. Pour mesurer une anomalie, la méthode est la même. Vous devez survoler les points zéro.
Le sénateur Hays: Avez-vous dit que la formation qui vous intéresse se trouve approximativement à 3,3 kilomètres sous la surface?
M. La Prairie: Non. Nous savons que certaines des sources d'alimentation se trouvent à 3,3 kilomètres et que le doigt le plus bas se trouve à 1,1 kilomètre, mais il y a de nombreux doigts. C'est ce qui constitue les zones de minéralisation. Certaines se trouvent à entre 20 et 50 mètres de la surface et certaines sont à 1 000 mètres sous la surface. Nous devons trouver où la gravité est associée aux doigts étroits. Depuis la première mesure de la gravité, nous savons qu'il y a un certain nombre de gravités associées aux doigts peu profonds, mais d'autres études s'imposent.
Le sénateur Hays: Ma première impression était qu'il y avait une probabilité de 80 p. 100 que le meilleur site minier potentiel se trouve à l'extérieur du parc, simplement d'après l'analyse statistique que 80 p. 100 de l'anomalie se trouve à l'extérieur du parc. Auparavant, j'avais l'impression que le meilleur site se trouvait dans le parc. Y a-t-il une raison de ne pas croire que 80 p. 100 se trouvent vraisemblablement à l'extérieur du parc?
M. La Prairie: Cela pourrait être n'importe où.
M. Lawyer: Dennis Prince et James Robertson, de Falconbridge, ont donné un exemple la semaine dernière. À Voisey's Bay, jusqu'à présent un seul gisement rentable a été découvert. Dans le présent scénario, cela pourrait être à l'intérieur du parc. Oui, 80 p. 100 de l'anomalie se trouve à l'extérieur du parc, mais nous ne savons pas encore, et nous ne saurons pas avant longtemps, où il y a des gisements rentables. Alors, même si nous pouvons dire que l'anomalie se trouve à 80 p. 100 à l'extérieur du parc, cela ne signifie pas forcément que c'est là que se trouvent 80 p. 100 des gisements. C'est ce que nous devons trouver.
Le sénateur Hays: Sommes-nous dans une situation semblable à celle de Voisey's Bay?
M. Lawyer: Nous ne le savons pas avec certitude.
Le sénateur Hays: Étant donné que nous ne le savons pas, la meilleure supposition que nous pouvons faire, d'après la géologie, c'est que vous trouverez très vraisemblablement un site minier à l'extérieur du parc.
M. La Prairie: Un expert reconnu a préparé un rapport sur la partie sud mentionnant que c'est une image symétrique de la faille de brousse en Afrique. L'IRC a cette lettre et je pense qu'un certain nombre d'entre vous l'ont également.
Cette région pourrait renfermer 10 mines. Une partie se trouve dans la région où nous avons l'intention de forer. Que se passe-t-il si nous trouvons une mine là? Nous arrêtons-nous à la lisière du parc, ou procédons-nous à une exploitation souterraine?
Le sénateur Hays: Cette situation me rend un peu perplexe, par le fait que vous êtes à un kilomètre de profondeur. Vous devez respecter la limite du parc.
M. La Prairie: Nous n'avons pas dit que c'est à un kilomètre de profondeur. Ce pourrait être tout près de la surface. Au sud, il y a des filons-couches exposés qui pourraient faire remonter les fluides.
Le président: Monsieur Allen, avez-vous examiné cette convention entre les parties en vue de créer le parc national?
M. Allen: Non.
Le président: On nous demande d'incorporer les limites dessinées sur une carte dans un projet de loi quant la majorité de ces limites n'ont pas été acceptées par les propriétaires voisins. Les habitants de Paulatuk ont accepté, mais il n'y a aucune convention avec les autres qui détiennent un intérêt. En tant qu'avocat, que pensez-vous d'un tel projet de loi?
M. Allen: En tant qu'avocat, je n'ai aucune expérience dans l'interprétation de ce genre de situation. C'est une réponse rassurante. Cependant, il me semble que c'est un arrangement incomplet.
Le président: Et probablement impossible à appliquer.
M. Allen: Vous en savez probablement davantage que moi sur ce sujet, mais toute convention est interprétée par la clause elle-même et par sa relation avec l'ensemble de la convention et les circonstances qui l'entourent. Il y a une discipline d'interprétation que les tribunaux appliquent convenablement de cette façon. Mon seul commentaire est que cela semble incomplet.
Le président: Je vous invite à la lire. Vous pourriez en arriver à la même conclusion que moi, que c'est l'une des conventions les plus mal rédigées que j'ai lues depuis longtemps. Je serais intéressé à connaître votre point de vue là-dessus.
J'ai une question à propos de cette lettre qui a reçu tant d'attention du ministre Mitchell, la lettre du 1er février 1995 de Darnley Bay à M. McNamee, le directeur du programme des espaces naturels, sur la rétrocession des terres.
M. La Prairie déclare dans la lettre qu'il est heureux que la décision de rétrocession prise par Darnley Bay ait eu une incidence positive sur l'avenir du parc proposé.
Je suppose qu'en 1995 vous n'aviez pas les renseignements tirés des travaux de 800 000 $ que M. La Prairie nous a montrés.
M. Allen: C'est exact.
Le président: Lorsque vous les avez eus, vous avez de toute évidence reconsidéré votre position et la sagesse de cette lettre?
M. Allen: Non, je ne le pense pas. Comme l'a mentionné M. La Prairie, nous avons appuyé la décision que les Inuvialuits pensaient appropriée pour eux. Ils nous ont demandé de rétrocéder les permis de prospection dans la région du projet du parc. Nous devons travailler avec eux et nous voulons travailler avec eux, que cela nous plaise ou non. Cela nous plaît, car ce sont des partenaires naturels pour nous.
Ils nous ont demandé de bien vouloir abandonner les permis de prospection parce que, comme nous l'avons compris -- et je pense que c'est toujours le cas -- ils voulaient un parc. Dans la mesure où nous avons un rôle à jouer là-dedans, nous les avons appuyés, et je pense que la lettre est conforme à cela.
En 1997, comme le recommandaient les experts de réputation internationale que nous avons engagés, nous avons effectué un relevé magnétique aérien. Ces renseignements ont généré d'autres renseignements. Nous les avons fournis aux Inuvialuits et ils ont demandé un changement de la limite du parc. Nous les appuyons dans cette démarche.
Nous n'avons aucune difficulté avec cette lettre, ou avec une lettre du ministère mentionnée précédemment disant que nous n'allons pas entreprendre le programme dans le but de modifier la limite du parc. Nous n'avons pas entrepris le programme à cette fin.
Le président: Vous ne demandez pas non plus que les permis que vous avez rétrocédés vous soient rendus?
M. Allen: C'est exact. Nous ne demandons à rien récupérer. Nous appuyons les Inuvialuits dans leur demande en vue d'un changement. C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné précédemment dans mon exposé que, peu importe de savoir si techniquement il s'agit de terres de la Couronne ou de terres des Inuvialuits en vertu de l'alinéa 7(1)a), qui concerne leurs droits miniers, s'il y a un rendement à obtenir sur les débouchés économiques ou la propriété des droits miniers, nous considérerons que les terres sont les leurs.
Je dois dire que cette zone tomberait sous le concept général de notre entente de concession minière avec eux.
Ils ont certains droits supérieurs en rapport avec leurs droits miniers par opposition à notre zone de permis de prospection.
La convention est très compliquée et j'ai seulement essayé de résumer ses points saillants. Nous avons pensé que c'était conforme à leurs souhaits de faire ce qu'ils nous proposaient et conforme à leurs souhaits que, s'ils demandent un changement de la limite, ils devraient en tirer le principal avantage.
M. La Prairie: J'assistais à cette rencontre lorsque la demande a été faite. Nous avons été invités à Paulatuk pour exposer les grandes lignes de notre programme. Lorsque nous sommes arrivés là, nous avons constaté que deux avions remplis étaient venus de l'ouest. Il y avait environ 40 personnes. Au lieu d'expliquer le programme, ce problème concernant le parc a été dévoilé devant nous.
Je vous montre la carte du gouvernement fédéral indiquant que le parc se trouvait à 8 milles plus à l'est, ce qui était une erreur. J'ai écrit au ministère des Affaires indiennes et à Parcs Canada. Ils m'ont répondu que ce n'était pas leur compréhension de la situation.
Si ce que je pensais être la limite du parc avait été confirmée, nous aurions alors eu toute l'anomalie dans notre zone. C'était une erreur du gouvernement fédéral sur cette carte.
Le président: Quelle est la date de cette carte?
M. La Prairie: Elle date de 1994 et a été réalisée par la Commission géologique. Cela a peut-être été maladroit de notre part de ne pas l'avoir vu. Ils avaient les terres A-1 à environ 8 milles plus à l'ouest. Nous avons été pris, car nous ne nous y attendions pas du tout.
Le président: Je me suis renseigné, monsieur La Prairie, comme vous l'avez peut-être entendu, sur la faisabilité de cette suggestion: s'il y a des mises bas dans cette zone, et s'il y a une mine, la mine ne pourrait-elle pas être fermée pendant la saison de mise bas? Le biologiste de la faune nous a dit que cela aurait un effet atténuant sur tout préjudice potentiel causé à la saison de mise bas. Serait-il pratique d'avoir un règlement stipulant qu'entre le 15 mai et le 15 juin, s'il y a des mises bas, vous fermeriez la mine pour ne pas causer de tort au caribou?
M. Lawyer: Monsieur le président, il y a déjà des règles en vigueur qui couvrent actuellement ce problème. Nous devons prendre en considération deux choses à cet égard. La première est la phase d'exploration. Comme l'a démontré John Nagy la semaine dernière, la période critique de mise bas du caribou se situe entre le 25 mai et le 25 juin. Dans mes travaux antérieurs avec une autre compagnie dans la région de peuplement des Inuvialuits sur l'Île de Victoria, la collectivité a insisté pour que notre programme d'exploration prévu au début du printemps ne soit pas effectué à cette époque-là en raison d'inquiétudes concernant les mises bas des caribous. Nous avons accepté et planifié un échéancier nous permettant d'effectuer notre travail sans déranger les mises bas. On peut certainement faire la même chose pour l'exploration. Il y a plusieurs façons de régler cette question.
Dans les territoires, de nombreuses mines ont été exploitées dans le passé. La plus récente a été décrite par Dennis Prince la semaine dernière. Il a déclaré que le caribou traverse toute la zone, qui est à peu près de la taille d'un gros centre commercial, comme celui de Bayshore, ici à Ottawa. C'est la taille approximative d'un complexe minier moyen. Il couvre une très faible superficie de la région où le caribou passe. La harde compte environ 100 000 têtes, ils se déplacent partout et pourraient ne pas rencontrer un site minier.
Il existe des moyens de minimiser n'importe quelle incidence sur la harde. Vous auriez à envisager quelle sorte d'exploitation est la vôtre. Celles que nous envisageons sont probablement des mines souterraines. S'il s'agissait d'une exploitation de surface, elle aurait plus de chances de déranger la harde. Il existe des moyens de revoir n'importe quoi.
Il est difficile de dire s'il est faisable de fermer la mine ou de garder tout le monde sous terre pendant un mois. On peut programmer moins de vols, par exemple, et des choses du genre. La collectivité minière y travaille dans l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest.
Le président: Cela ne me réconforte pas beaucoup. J'espérais que vous alliez nous dire que vous pourriez faire davantage que remettre cette décision à une date ultérieure. Pouvez-vous me donner d'autres moyens par lesquels vous pourriez atténuer les répercussions ou est-ce tout?
M. Lawyer: Il existe de nombreux règlements sévères concernant les exploitations minières dans les territoires.
Le sénateur Spivak: Je décèle une grande sensibilité de la part de votre société, tant actuellement que dans le passé, dans ses tractations avec les habitants locaux. Vous avez également tenu compte des questions environnementales et c'est un grand hommage rendu à votre société.
D'après les renseignements géologiques actuels, vous esquivez vos prédictions et je le comprends. Toutefois, êtes-vous vraiment en train de nous dire qu'il est possible que 80 p. 100 de la région ne donne rien? Quelles sont les possibilités que la seule région productive soit cette zone de 20 p. 100 située à l'intérieur du parc?
Qu'en est-il des forages à l'extérieur du parc? Je parle des forages horizontaux, qui constituent un autre sujet.
Pouvez-vous simplement clarifier ce que vous savez à propos du point chaud dans le parc? Je n'ai pas assisté aux témoignages des représentants de Falconbridge. Sur votre site Web, vous laissez entendre que le point chaud dans le parc est plus profond et que votre programme de forage est ciblé vers des zones situées au-delà du parc.
Pourriez-vous décrire ce que pourrait être votre programme de forage une fois que vous aurez démarré?
M. Lawyer: En ce qui concerne le soi-disant «point chaud», nous comprenons, d'après le relevé magnétique, qu'il y a une partie plus profonde, qui est celle qu'a mentionnée M. La Prairie. Nous avons des anomalies proches de la surface qui sont modélisées aux environs de 700 à 1 000 mètres. En règle générale, elles sont moins profondes dans l'ouest et de plus en plus profondes vers l'est, et deviennent encore plus profondes au nord. Tout cela est de l'interprétation et de la modélisation en utilisant différents programmes informatiques. Il faudra vraiment un trou de sonde pour nuancer cela.
Nous donnons les grandes lignes de notre programme dans le prospectus en annonçant des levés géophysiques sur le sol dans cinq des zones. À l'aide de ces renseignements, nous choisirions les meilleures zones pour effectuer des forages. Nous savons déjà que celle qui est la plus proche de la surface d'après la modélisation est celle qui est le plus près de Paulatuk. Nous demanderons des permis de forage à cet endroit au départ parce que c'est proche de la surface. C'est la zone située la plus à l'ouest.
Toutefois, si les levés géophysiques au sol décèlent qu'il y a un grand conducteur dans l'une des autres anomalies, il serait idiot de ne pas suivre cette piste en premier.
Voilà nos projets actuels.
Le sénateur Spivak: Il est possible qu'il n'y ait rien dans ces sept zones. Que vous dit votre instinct?
M. Lawyer: J'ai eu beaucoup d'occasions d'étudier les gisements de nickel partout dans le monde. J'ai visité des mines en Russie, en Chine, en Australie et partout au Canada. Il n'y a pas beaucoup de gisements exceptionnels de nickel dans le monde.
Le sénateur Spivak: Le nickel ne vaut pas grand chose aujourd'hui.
M. Lawyer: Tout suit des cycles, nous ne sommes tout simplement pas suffisamment renseignés sur eux. Jusqu'à il y a quatre ans, il n'y avait aucun indice de la découverte faite à Voisey's Bay. Deux prospecteurs à la recherche de diamants ont fait cette découverte, ce qui vous montre combien nos connaissances sont limitées sur les gisements de nickel.
Examinons les antécédents. La plupart des principales compagnies minières de nickel n'ont pas fait de découvertes importantes depuis 1962. En autant que nous le sachions, nous ne réussissons toujours pas à découvrir de nouveaux gisements. On ne peut pas dire que la zone située dans le parc désigné n'est pas la meilleure zone de l'anomalie parce que nos connaissances sont insuffisantes.
On continue à faire d'importantes découvertes dans le bassin de Sudbury 90 ans après le démarrage. Ce sont là des points soulevés par Falconbridge, mais c'est un fait que bon nombre des nouvelles découvertes sont faites par des sociétés qui ne sont même pas à la recherche de nickel. La base de connaissances n'est pas solide.
Il existe de nombreux gisements de cuivre bien connus au Canada depuis que nous comprenons où les trouver. Toutefois, le nickel est insaisissable et berne les gens depuis un certain temps, et je soupçonne qu'il continuera à le faire. Vous ne pouvez avoir aucune certitude.
Le sénateur Spivak: Qu'en est-il du forage? Si vous trouvez un petit morceau juste à l'extérieur du parc, y a-t-il moyen de faire des forages horizontaux? Quelle serait la situation si vous deviez aller plus loin, sous le parc?
M. Lawyer: Malheureusement, je ne suis pas familier avec les règlements concernant l'exploitation minière sous la surface dans un parc. Je ne sais pas si nous avons des exemples d'une telle situation. Je suppose que cela ne serait pas permis.
Le sénateur Adams: Si la mine est exploitée, pendant combien de temps pensez-vous que durera la protection? Certaines compagnies minières sont maintenant assujetties à des règlements disant que si vous ne pouvez pas exploiter la mine au cours des 20 prochaines années, alors oubliez tout le projet.
M. Lawyer: Sénateur Adams, c'est exact. Nous devons trouver quelque chose qui a une vie minière de 20 ans, qui traversera deux ou trois cycles. Nous ne savons même pas quels minéraux nous pourrions trouver à cet endroit, mais nous aimerions qu'ils aient une vie minière de 20 à 25 ans, pour traverser deux ou trois cycles, et pour avoir suffisamment de temps pour produire des revenus. C'est l'échéancier.
Dans cette région du Canada, il faudra que ce soit quelque chose de grand et de riche, sinon l'exploitation ne se fera pas.
M. La Prairie: Je crois que vous examinez une situation de classe internationale. Vous examinez un autre bassin de Sudbury qui pourrait durer une centaine d'années.
Le sénateur Adams: Diriez-vous que les caribous ont été dérangés?
M. La Prairie: Ma connaissance traditionnelle du caribou remonte à 48 ans. Ils n'ont pas de lieux de mise bas dans la région. Ils peuvent vêler à différents endroits, selon les conditions météorologiques et la direction que leur imposent les loups. Vous ne trouverez jamais de connaissances traditionnelles des lieux de mise bas parce qu'ils vêlent un peu partout.
Le sénateur Butts: Pouvez-vous me donner la date de l'entente de concession minière entre Darnley Bay et les Inuvialuits?
M. Allen: Le 6 octobre 1995.
Le sénateur Butts: Par conséquent, c'était le lendemain de votre versement de 60 000 $ aux Inuvialuits, exact?
M. Allen: Le lendemain?
Le sénateur Butts: C'était le 5 octobre 1995.
M. Allen: Il s'agirait du premier versement sur le paiement prévu par l'entente. Nous avons signé l'entente, ensuite nous avons commencé à effectuer les versements. Nous n'avons pas fait de versement pour finaliser l'entente.
Le sénateur Butts: Environ une semaine après l'entente sur les limites, un versement de 200 000 $ a été effectué.
M. Allen: Je ne comprends pas très bien.
Le sénateur Butts: Le versement du 10 juillet 1996 a été effectué deux semaines après la signature de l'entente sur les limites; est-ce exact?
M. Allen: Oui.
Le sénateur Butts: Vous avez dépensé tout cet argent après la fixation des limites. Puis-je présumer que vous continuerez à dépenser de l'argent lorsque les limites seront déclarées dans le projet de loi proposé?
M. Allen: En vertu de l'entente d'octobre 1995, nous avons l'obligation de verser aux Inuvialuits certains montants à des dates fixées et de réaliser certains travaux. Nous avons l'intention d'honorer ces obligations lorsqu'elles sont exigibles, indépendamment de tout ce qui a pu se passer d'autre.
Le sénateur Butts: Par conséquent, c'est la même chose que ce qu'ont dit les représentants de Falconbridge il y a deux semaines, que la poursuite des travaux sur l'anomalie n'est pas conditionnelle au changement des limites du parc. Tenez-vous le même discours?
M. Allen: Oui.
Le président: Je vous remercie tous les trois d'être venus ici aujourd'hui et de nous avoir fourni des renseignements aussi cruciaux.
Nous avons un autre témoin qui a demandé à comparaître lors de notre prochaine rencontre. Elle représente la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada.
Le sénateur Adams: Parfois, je suis frustré lorsque des gens qui ne viennent pas de la région et n'y habitent pas veulent faire un exposé.
Le président: Sénateur Adams, cet organisme a demandé à témoigner et il possède une excellente réputation car il se préoccupe de la faune canadienne.
Le sénateur Adams: Je comprends. S'il aide les gens dans la collectivité, c'est parfait. Toutefois, il n'est pas véritablement concerné par ce sujet. De toute façon, cela nous donnera un peu plus de temps.
Le président: Les membres du comité souhaitent-ils entendre la représentante de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada?
Le sénateur Spivak: Oui.
Le président: Dans ce cas, avec votre permission, nous allons ajourner jusqu'à notre prochaine séance, qui nous permettra d'achever nos travaux sur ce projet de loi.
La séance est levée.