Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 15 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 17 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-38, modifiant la Loi sur les parcs nationaux (création du parc Tuktut Nogait), se réunit aujourd'hui, à 9 h 05, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous allons poursuivre notre discussion sur le projet de loi C-38. Un certain nombre de témoins se sont présentés devant nous pour exprimer leur appui à cette loi importante, qui créé un grand parc dans l'Arctique de l'Ouest. Un certain nombre de témoins nous ont dit également qu'ils souhaitaient le retrait d'une partie du parc. Ils souhaitent supprimer environ 2,5 p. 100 des quelque 16 000 kilomètres carrés du parc, pour permettre de nouvelles activités de prospection dans le secteur. Car ils pensent qu'il pourrait y avoir un important gisement minéralisé, et qu'il y a des anomalies dans une partie du parc.
Nous avons également reçu les témoignages d'organisations et de personnes que la possibilité de supprimer une portion du parc inquiète, et qui estiment que cela créerait un précédent négatif en ce qui a trait aux limites du parc. On pense que cette région pourrait être une zone où les caribous Bluenose viennent mettre bas.
Ce matin, deux groupes de témoins vont nous présenter leurs points de vue sur la création du parc. Nous commencerons par l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, qui sera suivie par la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada.
J'ai le plaisir de vous présenter M.Tony Andrews et M. David Comba. Allez-y, je vous en prie.
M. Tony Andrews, directeur exécutif, Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs: Nous apprécions de pouvoir nous présenter aujourd'hui devant vous. Nous avons suivi avec grand intérêt les discussions de votre comité, et nous pensons pouvoir vous offrir des opinions et des informations qui pourraient vous être utiles. L'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, ou ACPE, est une association nationale qui appuie les activités de prospection et de développement de notre industrie. Ces activités sont en amont de notre industrie et elles comprennent également les investissements de prospection.
Nous avons environ 7 000 membres, dont la plupart sont canadiens, mais 20 p. 100 d'entre eux sont étrangers. M. Comba et moi-même sommes tous deux géologues, ce qui veut dire que nous avons eu le privilège de travailler partout au Canada et de voir une bonne partie de ses sites naturels. M. Comba a 35 années d'expérience de géologue de terrain, et j'ai pour ma part exercé ma profession dans le milieu universitaire, dans l'industrie et au gouvernement.
Notre objectif aujourd'hui est de vous fournir une perspective nationale de la question. Il nous semble que les discussions ont jusqu'à présent porté largement sur des points précis, et nous aimerions élargir le contexte. Nous allons également vous informer sur les pratiques de l'industrie, et vous rassurer en vous montrant qu'il existe des outils efficaces qui pourraient permettre de répondre à la fois aux besoins d'exploitation et de protection.
Après mon introduction, M. Comba vous parlera des pratiques de l'industrie, en se concentrant plus particulièrement sur les techniques de prospection et de découverte, et vous montrera comment on peut procéder en respectant l'environnement.
Je vais vous parler d'exploitation et de protection des terres, et d'équilibre entre ces deux éléments. Je tiens également, dans mon introduction, à définir la position de l'industrie à propos de deux grandes questions.
Premièrement, l'industrie est acquise à la conservation de la biodiversité, à la protection de la faune et à la conservation de l'habitat. Tout le monde s'entend là-dessus. C'est sur les moyens à prendre pour réaliser ces objectifs, par contre, que l'on ne s'entend plus. J'y reviendrai plus tard.
Deuxièmement, quelle que soit l'approche retenue, la souplesse doit être un élément clé. Le paysage du monde qui nous entoure est dynamique, il change sans arrêt. Notre connaissance et notre compréhension de la conservation de la biodiversité évoluent constamment, tout comme notre connaissance de la science de la terre, de la prospection et des gisements minéralisés. Toute approche retenue pour gérer l'utilisation des sols doit offrir suffisamment de souplesse afin que l'on puisse s'adapter à ces changements. Il n'est pas très logique d'appliquer un cadre rigide à une situation aussi dynamique.
M. David Comba, directeur de la gestion, Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs: C'est un privilège d'être ici aujourd'hui. J'ai débuté ma carrière à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, en 1963. De 1963 à 1968, j'ai vécu à la fois à Port Radium, sur le Great Bear Lake, et à Yellowknife, sur le Great Slave Lake. J'ai participé, à cette époque, à des missions de recherche et de sauvetage, à titre de civil bénévole. Ces vols de repérage m'ont souvent amené à survoler des caribous Bluenose. Je connais bien les migrations annuelles de ces animaux, au printemps et en automne.
J'aimerais vous parler du cycle minier de notre industrie. J'ai délibérément choisi d'utiliser une pyramide pour l'illustrer. Au début, lorsque nous décidons où nous allons investir notre argent, nous devons couvrir une zone aussi vaste que possible, ce qui constitue la base de la pyramide. Par notre processus de prospection, nous rétrécissons la zone, et nous concentrons nos activités sur les secteurs qui nous paraissent les plus prometteurs.
Ce processus initial est très écologique. En fait, il comporte assez peu de contact physique de quelque nature que ce soit, avec le sol. Mais il arrive un stade où nous avons la chance de faire une découverte, et alors nous commençons à avoir un impact sur l'environnement. Au bout du compte, cette découverte peut amener à la production.
Lorsque nous faisons une découverte, que nous exploitons une mine et que nous produisons, nous avons des plans de fermeture qui font l'objet de lois et règlements. La zone que nous exploitons au cours de nos activités minières est très restreinte par rapport à celle que nous avions prospectée au début.
D'abord, nous sélectionnons un secteur. C'est ce que Léon LaPrairie a fait en décidant de diriger ses activités vers la baie Darnley. Il savait personnellement ce que Inco avait fait là dans les années 50.
Le fait que les compas des navires se mettent à s'agiter violemment dans la baie Darnley avait intrigué Inco. Lorsque les premiers baleiniers faisaient escale à cet endroit, les capitaines notaient généralement de nets mouvements de leurs compas dans la baie elle-même. Cela intriguait les géologues, et M. La Prairie le savait. Il avait une certaine connaissance de la région, et il avait accès aux études qui avaient été réalisées. Les géologues de prospection s'en servaient beaucoup -- et plus particulièrement des levés des richesses minérales dont vous avez entendu parler.
Avec le temps, au fur et à mesure que notre compréhension des gisements minéralogiques s'améliore, nos vues changent. Cela a un effet direct sur les évaluations des richesses naturelles. Là où il y a quelques années nous ne voyions qu'un potentiel modéré, nous voyons tout d'un coup des possibilités beaucoup plus importantes.
Le gouvernement canadien a effectué une prospection aéroportée. Des levés géochimiques et des activités de prospection ont été réalisés par d'autres également, notamment par Inco. Les superficies que nous couvrons dans le cas présent sont de l'ordre de 10 000 kilomètres carrés. Nous n'avons pas besoin de routes, sauf pour la prospection, et nous effectuons peu d'activités au sol.
M. LaPrairie aimait bien la région. Lorsque nous avons pu examiner les levés aéroportés effectués par le gouvernement en 1964, et mis à profit cette information en traitant les données par différents moyens, il a eu très envie de retourner dans la région.
Il y a eu un autre facteur déterminant dans cette histoire -- et c'est certainement l'une des raisons de la présence de la Falconbridge. Nous savons tous que des activités d'extraction du charbon ont été entreprises dans la région de la baie Darnley au siècle dernier. Ce n'est qu'au cours des 12 dernières années qu'un géophysicien canadien de l'Université de Toronto -- le professeur Naldrett -- a été autorisé à visiter les gisements de Noril'sk, en Sibérie russe, soit les plus grands gisements de nickel au monde.
Le professeur Naldrett a constaté que ce qui différenciait Noril'sk des sites de Sudbury ou d'Australie, c'était la présence de filons de charbon. C'est l'une des raisons pour lesquelles il faut absolument réexaminer la baie Darnley. Les études géophysiques réalisées par le gouvernement à propos des anomalies gravitationnelles et magnétiques indiquent au géologue qu'il y a eu quelque chose de très gros, de très chaud et de très dense sous la baie Darnley à une époque. La présence du charbon est un ingrédient particulier, et la combinaison de ces roches chaudes en dessous et du charbon pourrait signifier un nouveau Noril'sk.
M. LaPrairie a décidé d'acquérir le terrain. Il a rencontré la communauté et a clairement expliqué ses intentions. Il a également écouté la communauté. Durant la mise en route du projet, il a emmené des observateurs du groupe de protection de troupeau de caribous dans ses survols de la région. Avant même d'entamer ses travaux d'évaluation, il faisait participer la communauté.
Le travail de repérage entrepris par Darnley Bay Resources Limited restreignait encore davantage la zone d'intérêt. La zone visée est de plus en plus petite, mais aucune route n'a encore été construite et il y a eu très peu d'activités au sol. M. La Prairie a conclu des ententes où il s'engage à utiliser la main d'oeuvre locale pour réaliser les quadrillages et participer à la prospection. Il n'est pas question de tranchées ou de déboisement, car nous savons que ce que nous visons se trouve à de grandes profondeurs. Par contre nous allons procéder à des carottages.
Ce transparent est un résumé de ce que vous a présenté la Falconbridge. Le cercle rouge indique l'anomalie gravitationnelle. La partie verte représente la zone qui a fait l'objet d'un levé aéromagnétique. Ce sont ces deux éléments qui, ensemble, ont provoqué les forts mouvements des compas des baleiniers.
Paulatuk signifie «suie noire». Ce sont les horizons carbonifères de la région qui sont à l'origine de ce nom. Ça fait bien longtemps qu'il y a des activités minières dans la région. En 1964 le levé du gouvernement indiquait que c'était cela, l'anomalie magnétique, mais qu'elle était très amorphe. Elle ne comportait pas de détails. Le levé de M. LaPrairie a permis aux gens de choisir des secteurs particuliers pour y poursuivre leurs recherches. Il y en a huit au total, mais deux se situent en dehors de la région du permis de M. LaPrairie, et elles sont sous l'eau. Il y en a six sur terre, et l'une d'elles se trouve dans le parc.
La Falconbridge ira dans la baie Darnley et fera des forages dans les anomalies terrestres, mais elle utilise déjà bien moins que la zone couverte par le permis. Nous savons tous que l'on ne découvre pas une mine à chaque endroit foré. De fait, 90 p. 100 des activités de prospection dans le monde prennent fin après le carottage.
Si l'on découvrait quelque chose dans l'une des anomalies qui ont été retenues à la suite des travaux de repérage aériens, les activités se poursuivraient ainsi. On construirait probablement un chemin de portage pour accéder à l'un de ces cinq sites -- ou six, si le site qui se trouve dans le parc en est retiré. La route serait construite, et la communauté participerait aux travaux. En fait, la communauté effectuerait une bonne partie des travaux.
Aujourd'hui au Canada, il est impossible d'obtenir un permis pour faire quoi que ce soit -- même prélever un échantillon global -- sans soumettre un plan de fermeture et des garanties financières. Il faudra prélever des échantillons, mais comme les sites sont sous la surface, il faudra procéder par voie souterraine. Il faudra tenir compte de divers règlements sur la santé et la sécurité, et de facteurs environnementaux.
Si nous avons la chance de découvrir un gisement minier à cet endroit, et s'il est semblable à celui de Noril'sk, il pourrait encore être en exploitation dans 100 ou 200 ans. S'il s'agit d'un gisement comme celui de la baie de Voisey, l'exploitation pourrait se faire dans 15 ou 20 ans.
Durant cette période de développement, la communauté connaît généralement une vraie stabilité et une vraie croissance. Elle a des occasions de formation qui peut ensuite servir à d'autres fins -- même à l'extérieur de l'industrie -- et l'on bâtit toute une infrastructure nouvelle. Ce sont quelques exemples de ce qu'il faut faire pour que les gens puissent travailler en toute sécurité dans la mine, et contrôler les effets sur l'environnement lui-même.
Ce processus finit par être moins coûteux. Les mesures correctrices sont entamées et maintenues ensuite durant tout le cycle minier. La quantité de terrain touché est réduite constamment.
À un moment donné, il faudra fermer la mine qui aura été découverte. Il y a des procédures très strictes à suivre pour cela. Un plan de fermeture doit être présenté au moment de l'ouverture de la mine. La communauté participe au processus, car c'est probablement elle qui se chargera du programme de vérification et de la réhabilitation du site. Si l'on juge que l'on ne veut plus de routes dans ce secteur, les routes sont supprimées.
Nous avons procédé à la sélection et à l'acquisition du site. Notre projet en est là pour l'instant. Nous avons fait l'acquisition du terrain. Nous avons réalisé des levés aériens, et réduit la zone d'intérêt à six anomalies. La Falconbridge effectuera des forages au diamant, à un moment donné. Nous espérons avoir la chance de découvrir un gisement minier dans l'une de ces anomalies, et pouvoir mener le processus jusqu'au bout.
M. Andrews: Concernant l'utilisation des terres, leur protection et l'équilibre à trouver entre les deux, il y a deux questions sous-jacentes qui ont un rapport direct avec ce dont nous sommes en train de débattre ici. Premièrement, l'exploitation et la protection doivent-elles toujours être considérées comme s'il fallait choisir entre l'une ou de l'autre? D'après ce que j'ai pu lire dans les transcriptions des audiences du comité, il me semble que certaines personnes ici pensent ainsi. Deuxièmement, prendrait-on des risques inacceptables si l'on modifiait les limites du parc, comme le suggèrent les Inuvialuits?
S'agissant de la première question, il faut réaliser qu'il existe toute une panoplie d'outils à notre disposition pour réaliser les objectifs de conservation et de protection. En 1995, le gouvernement du Canada a annoncé une stratégie de la biodiversité. Le Canada est très fier d'avoir été l'un des premiers pays à répondre à la Convention des Nations Unies sur la biodiversité par la publication d'un document. Pour l'élaboration de ce document, le gouvernement fédéral a travaillé avec les autorités provinciales et territoriales, et avec de nombreux groupes intéressés au Canada.
Cet extrait pris directement dans la table des matières de la Stratégie canadienne de la biodiversité illustre bien la panoplie d'outils qui peuvent être employés pour réaliser parallèlement les objectifs de protection et d'utilisation. Notez que les aires protégées, ou parcs -- et j'emploie les deux termes comme des synonymes -- ne constituent qu'un article dans cette longue liste. Pourtant on a réellement mis l'emphase sur ce type d'outil au détriment d'autres types d'outils.
Étant donné cette grande diversité d'outils à notre disposition, comment faire pour les utiliser le plus efficacement possible? On suppose qu'il faut d'abord définir l'objectif recherché dans le paysage, et ensuite choisir les outils les plus efficaces pour le réaliser.
Ceci est une illustration très simple de la gamme des objectifs possibles, et des outils que nous pourrions choisir pour les réaliser. À l'extrême droite de la gamme on trouve une exploitation à 100 p. 100. À l'extrême gauche, la protection à 100 p. 100. À mesure que l'on se déplace de droite à gauche, on augmente le niveau et le caractère prioritaire de la protection.
À l'extrême droite, j'ai défini un champ que j'ai appelé «développement contrôlé». L'exploitation est une priorité et la réglementation devient le principal outil de protection. Les activités dans ce champ pourraient être l'agriculture, l'aménagement urbain ou le développement industriel. C'est, comme il se doit, un champ réduit, car nous ne voulons pas que ce type de développement prenne trop de place dans le paysage.
À l'extrême gauche, se trouve le champ de conservation, où la protection devient la priorité. C'est un champ où il faut choisir entre l'une ou l'autre possibilité, et où la conservation a la priorité. Encore une fois, il s'agit d'un champ réduit, comme il se doit, car nous ne voulons pas de grandes aires protégées qui excluent toute autre possibilité.
En fin de compte, nous avons, au centre, un large champ où la protection et l'utilisation sont des objectifs communs. Comme nous l'avons vu, nous avons une large gamme d'outils à notre disposition. Nous pouvons nous positionner avec précision n'importe où dans ce champ, pour réaliser des objectifs situés entre la protection et l'exploitation, selon nos besoins spécifiques.
Si notre priorité était de protéger une combinaison d'intérêts -- par exemple les caribous, l'habitat des caribous et les intérêts sociaux et économiques -- c'est exactement dans ce champ que nous devrions être. Imaginons que nous voulions avant tout protéger les caribous. Nous prendrions en considération la variabilité de leurs mouvements, et nous choisirions un instrument qui offrirait une certaine souplesse, mais qui donnerait cependant une plus grande priorité aux mesures de protection. Nous serions toujours dans ce champ du milieu, mais peut-être un peu plus vers la gauche, pour assurer un plus grand niveau de protection.
Mon exemple a pour but de montrer que, dans la plupart des cas, la protection et l'exploitation ne s'excluent pas mutuellement. Il ne faut pas nécessairement choisir entre l'une ou l'autre.
Le choix entre l'une ou l'autre s'impose lorsqu'on se situe dans le champ de protection. Il y a des cas où l'on a quelque chose d'unique ou d'exceptionnel, et il faut alors choisir un outil comme un parc ou une aire protégée. Il va sans dire qu'il faut faire très attention lorsqu'on choisit cet outil particulier, car par définition il exclut toute autre possibilité pour toujours. Il incombe au gouvernement de veiller à ce que nous possédions toutes les informations nécessaires avant d'employer ce genre d'outil, et de faire effectuer une évaluation des répercussions sociales, environnementales et économiques qu'entraînera l'utilisation d'un tel outil.
La deuxième question était de savoir si l'on prenait des risques inacceptables en modifiant les délimitations du parc proposé, comme le prétendent les Inuvialuits. En d'autres termes, si nous en modifions les limites, cette petite parcelle -- et les caribous qui s'y trouvent -- sera-t-elle soudain vulnérable? Bien sûr que non. De fait, le régime de réglementation actuel des Territoires du Nord-Ouest assure encore un fort degré de protection à ces régions.
J'aimerais vous donner un aperçu de ce à quoi ce régime de réglementation ressemble. Le Canada est un chef de file en matière de prospection et d'exploitation minière. Notre pays a également les normes de réglementation les plus élevées au monde. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le régime de réglementation relève de trois autorités distinctes; le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement fédéral et, depuis plus récemment, les autorités autochtones.
Les prochaines diapositives portent sur le régime de réglementation qui relève du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et du gouvernement fédéral. Ces règlements sont répartis selon les quatre grandes phases du cycle minier: la prospection préliminaire, la prospection avancée, le développement et la production, et finalement la fermeture.
Commençons par la prospection préliminaire. Ceci constitue une liste des règlements dont je ne vous donne que les titres. On trouve 23 lois et règlements dans la colonne du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, et 17 dans celle du gouvernement fédéral. Et il ne s'agit que de la phase de la prospection préliminaire. Tous ces règlements contrôlent et limitent la phase de prospection préliminaire.
Vient ensuite la phase de prospection avancée. Encore une fois, je ne vous donne que la liste des titres des lois et règlements. Nous en avons 32 dans la colonne des Territoires du Nord-Ouest, et 22 dans celle du fédéral. Là, c'est la phase de développement et de production, et la liste s'allonge. Finalement, il y a la phase de fermeture.
Monsieur le président, ce régime de réglementation est tellement complexe que mon organisation a publié des lignes directrices pour aider ses membres à s'y retrouver dans ce dédale de règlements, et à les respecter. Le document en question compte 200 pages et nous devons le mettre à jour chaque année car les choses évoluent constamment. Il ne comprend pas la législation elle-même; il donne simplement des lignes directrices à suivre pour s'y conformer.
En plus de tout cela, nous avons une nouvelle addition au régime de réglementation qui régit les terres autochtones. Les accords sur la revendication foncière ont donné lieu à la création de lois, qui à leur tour ont donné lieu à la création d'institutions et de procédures. L'étude des répercussions environnementales exigée dans le cadre de l'accord conclu avec les Inuvialuit en est un exemple. Cette démarche fait intervenir des comités locaux de la faune ainsi que des associations de trappeurs et de chasseurs, et se rajoute à l'examen environnemental canadien préalable.
Ce qu'il faut retenir de tout ceci, c'est que l'industrie minière est hautement réglementée et que les règlements eux-mêmes assurent une bonne protection de toutes les terres qui appartiennent à la Couronne. Même si l'on décide d'apporter une légère modification au parc, les terres continueront à jouir d'une importante protection. À mon avis, on prendrait probablement davantage de risques en créant un grand parc dans cette région, sur la base d'informations et d'évaluations insuffisantes.
Monsieur le président, j'aimerais conclure en résumant les principaux points que nous avons essayé de soulever ici aujourd'hui. L'exploitation minière est adaptable et peut se faire sans nuire à l'environnement. Les activités de prospection et d'exploitation minière peuvent se faire en laissant peu de traces, et la souplesse est l'élément clé. Il nous faut des mesures de protection qui puissent être adaptées en fonction des informations et connaissances changeantes, et les réglementations existantes garantissent une bonne protection. D'une certaine manière, les terres de la Couronne sont essentiellement des aires protégées. Les décisions ne doivent pas nécessairement être un choix entre l'une ou l'autre solution. Il est possible de trouver un équilibre entre l'exploitation et la protection des terres grâce au recours aux outils disponibles.
Les parcs sont créés pour toujours et, par définition, empêchent tout autre usage à jamais. Si les parties intéressées sont convaincues que la préservation de la zone est l'outil approprié dans ce cas-là, il faut s'assurer que toutes les données ont été prises en considération. Il faut s'assurer que les répercussions sociales, environnementales et économiques liées à l'utilisation de cet outil ont bien été évaluées.
M. Comba: Ceci est une vue aérienne de la mine d'or du lac Contact, dans le parc provincial du lac La Ronge, dans le Nord de la Saskatchewan. La route d'accès est pratiquement invisible parce qu'elle a été construite étroite. La route suit les contours naturels, de sorte qu'il faut bien plus de temps pour atteindre le lac qu'il n'en faudrait normalement. Comme elle épouse la forme du terrain, la route est à peine visible depuis le ciel.
Ceci fait partie d'un circuit de canoë qui va depuis La Ronge jusqu'à Otter Lake, à l'extrémité nord du parc, et c'est l'une des principales régions que l'on a cherché à protéger en créant le parc. Toute cette partie est à l'intérieur du parc provincial La Ronge. Les canoës traversent ici, et on ne voulait donc pas que la mine soit visible depuis le lac. On ne voulait pas non plus entendre le bruit des activités minières.
On a surtout cherché à limiter l'accès. La route qui mène au parc commence juste en dehors de la limite ouest du parc. Non seulement il y a une barrière à l'entrée, mais il est évident que cette route ne permet pas d'accéder aux rivières et lacs. C'était une des conditions de l'octroi du permis.
La largeur de la route elle-même a été limitée à la taille d'une niveleuse. Il n'y a pas de fossés. La route et la mine se situent au milieu d'un peuplement de pins de Banks qui ont dépassé l'âge de maturité. Ces gens ont travaillé en étroite collaboration avec les groupes autochtones locaux, et hier j'ai eu l'occasion de parler avec Harry Cook, le grand chef de la bande locale. Ici vous apercevez une pancarte, sur le bord de la route, qui avertit les gens de l'existence d'un réseau de piégeage dans le secteur.
Ceci est le centre de la principale zone de minéralisation à Contact Lake, qui a été le site d'un programme intensif de forage vers la fin des années 80 et au début des années 90. Là ce sont les arbres qui poussent sur un sol très peu dense. Là vous voyez les mamelons du substratum rocheux répartis un peu partout. Ils sont recouverts de lichen et de mousse, mais il y a très peu de terre pour retenir les arbres. Le plus étonnant est qu'il n'y a aucun dégât; aucune trace de bulldozer sur les roches, et les arbres n'ont pas été abattus sur le passage de l'équipement lourd.
Ils ont passé pendant l'hiver, lorsque la couche de neige était très épaisse, de sorte que l'équipement n'a pas touché le sol. Lorsque la neige a fondu, les traces laissées par l'équipement lourd ont disparu également. L'entrepreneur a également été rémunéré en fonction du peu d'arbres touchés par le matériel lourd.
Lorsque nous avons fait nos recherches dans cette région, nous avons cherché ce piquet, qui signalait l'un des trous qui a été foré dans ce secteur particulier.
Mais la grande réalisation, ici, ce sont les installations. Cette diapositive montre une porte pour le passage des gens. Cette lourde porte pour le passage de l'équipement a la hauteur de deux étages. Ici vous voyez un bâtiment qui a la taille d'un immeuble de quatre étages. Ce qui est remarquable, c'est que la majeure partie du matériel à l'intérieur est enfouie sous terre. Si ce bâtiment avait été construit au niveau du sol, il aurait été haut de huit ou dix étages. En en mettant au moins la moitié sous terre, on a réussi à réduire le bruit de l'équipement qui provient de la mine, et surtout, à réduire sa visibilité. Si vous passez en canoë sur le lac, vous n'apercevez pas le bâtiment.
Ce bâtiment et tout l'équipement qu'il renferme seront recyclés. Ils seront transportés à Red Lake, en Ontario, pour servir à une autre mine. Tout ce matériel que vous voyez ici et une partie de ces amas de stériles provenant de la mine serviront à remplir ce trou.
La diapositive suivante montre l'intérieur du bâtiment. Lorsque le professeur Andrews et moi-même sommes allés là en septembre, la mine était fermée. Vous pouvez quand même voir qu'une bonne partie est creusée à même la roche. Vous pouvez apercevoir les traces de déflagration sur la roche. Au lieu d'un mur de béton, on est face à la roche naturelle.
Ce sont des installations minières importantes. Cette zone claire à l'arrière n'est pas une porte qui mène à la lumière du jour. Il s'agit d'une autre partie de la mine qui se trouve avoir beaucoup de lumière.
Les installations ont été construites ainsi de manière à ce que les canoéistes n'aperçoivent pas la mine. La seule partie visible est là pour des raisons de sécurité. Il y a un bassin là, en bas, avec cinq pompes, en cas d'incendie. C'est le seul impact au plan visuel.
Cette prochaine diapositive montre la mine Lupin, dans les Territoires du Nord-Ouest, qui se situe donc au sud-est de la baie Darnley.
Cette diapositive montre le jet privé des mines d'Echo Bay qui atterrit, avec des caribous en premier plan.
Là on voit un caribou se promener autour de la mine Lupin. Il s'agit d'une mine souterraine.
La diapositive suivante montre un caribou endormi près d'un réservoir de combustible.
Sur ma dernière diapositive, on aperçoit un troupeau de boeufs musqués au premier plan, et la mine souterraine Lupin en arrière plan.
Ceci met fin à ma présentation.
Le sénateur Taylor: En tant que géologue, savez-vous de quand date ce charbon? S'agit-il de charbon du crétacé?
M. Comba: Sénateur, je crois que vous êtes de l'Alberta. Je suis né et j'ai grandi à Calgary, mais j'ai passé toute ma vie professionnelle dans le secteur de la roche dure. Je ne sais pas exactement de quand date le charbon. Je suppose qu'il s'agit d'un gisement semblable à ceux de l'Alberta, qui est un peu plus vieux que le crétacé.
Ian Lawyer me dit qu'il date du crétacé.
Le sénateur Taylor: Je me demande si le charbon et le carbone fixe ont été altérés du fait de la chaleur qui émane du minerai de nickel. Cela est-il utilisé comme outil de prospection?
M. Comba: Nous en sommes encore au tout début du processus de prospection. Les activités qu'il faudra entreprendre comprennent notamment l'étude des modifications des horizons carbonifères.
Le sénateur Taylor: Quelqu'un a-t-il effectué une étude archéologique dans la région? Cela semblerait naturel, non pas seulement à cause des baleiniers, mais des peuples autochtones qui ont vécu dans la région. A-t-on fait des études archéologiques le long de la rivière et de la baie?
M. Comba: Je ne connais pas ce site personnellement. Je ne suis pas consultant, ni dirigeant, de Darnley Bay.
Le sénateur Taylor: A-t-on effectué des levés électromagnétiques au sol?
M. Comba: Pas encore. Mais il serait normal que la Falconbridge le fasse. Un représentant de la Falconbridge a négocié avec la communauté locale et on lui a promis de collaborer à l'établissement de ces grilles et aux levés au sol. C'est une façon de préciser les données recueillies au moyen des études aériennes.
Le sénateur Taylor: Vous avez dit que 90 p. 100 des trous que vous forez à ce stade de la prospection dans les anomalies ne seraient pas productifs. En d'autres termes, il n'y a qu'une chance sur 10 pour que ces anomalies renferment des corps minéralisés?
M. Comba: Ce que je voulais dire, c'est que 90 p. 100 des projets seraient abandonnés à ce stade. Ce n'est pas comme si un trou sur 10 menait à une découverte. Si seulement c'était le cas.
J'ai effectué des milliers de forages. J'ai eu la chance de faire partie d'équipes qui ont fait des découvertes 11 fois. Jusqu'à présent, seulement cinq de ces gisements ont été exploités.
Le sénateur: Donc, au mieux, l'anomalie du parc n'a qu'une chance sur dix d'être productive.
M. Comba: C'est exact. Il faut beaucoup de souplesse. Il n'y a pas moyen de savoir d'avance laquelle de ces anomalies sur le terrain donnera lieu à une mine -- ni même si ce sera le cas de l'une d'elles.
La Falconbridge suit un modèle géologique et elle doit en tenir compte. Une compagnie de cette envergure ne peut pas se permettre de laisser échapper quelque chose d'entre ses mains. Elle doit participer à ce projet. Pour l'instant, personne ne peut voir plus loin sous terre que vous ou moi. Nous ne savons pas laquelle de ces anomalies sera la bonne, ni même si l'une d'elles sera bonne.
M. Andrews: La question sur la recherche archéologique soulevée par le sénateur était intéressante. S'il s'agit d'une région du Canada où l'on est susceptible de découvrir des sites archéologiques, il faudra faire des études avant d'entreprendre les travaux. Ça a certes été le cas au Labrador, par exemple, pendant le piquetage généralisé qui a suivi la découverte de la baie de Voisey. Les compagnies n'ont pas pu obtenir de permis pour faire de la prospection jusqu'à ce qu'une étude archéologique ait été réalisée.
Le sénateur Taylor: C'est pourquoi je suis étonné que l'on n'ait pas réalisé d'étude ici. Je suis un ancien géologue spécialisé dans l'Arctique, et je sais que c'est un endroit où il serait normal de faire ce type d'étude.
Le sénateur Adams: Nous nous sommes déjà rencontrés à Yellowknife. J'ai vu procéder à de nombreux forages au diamant. Vous parlez de carottage. Vous m'avez montré tout à l'heure comment cela se fait dans le parc en Saskatchewan. Pouvez-vous me donner une idée de l'importance des dégâts environnementaux auxquels il faudrait s'attendre si l'on décidait de faire des forages dans le futur?
J'ai vu certaines des activités de Rankin. Vous parlez de travailler l'hiver. Les gens s'inquiètent pour les caribous et autres choses. Les membres de votre comité se préoccupent des caribous. J'ai vu des caribous près des aéroports, là où les avions atterrissent.
M. Comba: Sénateur, votre question est double. Il ne serait pas du tout déraisonnable de demander aux entreprises de ne pas forer durant les périodes de mise bas des caribous.
Comme vous avez pu le voir sur les diapositives de la région de Contact Lake dans le parc provincial du lac LaRonge, il n'y a avait pas grand-chose qui indiquait que l'on avait procédé à d'intensives activités de forage dans la région. Celles-ci avaient été effectuées exprès à la fin de l'hiver. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas prévoir ce genre de chose avant l'arrivée des caribous, mais alors qu'il y a encore de la neige au sol. Bien souvent, il est plus sûr de déplacer l'équipement lourd en hiver, car on peut traverser les lacs et rivières.
Dans notre industrie -- et dans de nombreuses régions du nord du Canada -- il vaut mieux entreprendre les activités de forage en hiver. Cela permettrait de ne pas nuire aux caribous qui viennent au printemps, et de ne pas les déranger lorsqu'ils mettent bas. Les forages seraient interdits durant cette saison. L'environnement ne devrait pas souffrir de ce type de travail.
Le sénateur Adams: Il y a avait une entreprise de prospection dans la région de Rankin Inlet, et elle cessait généralement ses activités durant la saison de mise bas. Je ne sais pas pourquoi Parcs Canada s'inquiétait pour l'avenir des gens de la communauté dans cette région. Vous avez visité des communautés dans la région de Paulatuk. Pouvez-vous m'indiquer combien de gens pourraient trouver un emploi? Les Inuvialuits ont conclu un règlement de leur revendication foncière, et beaucoup d'entre eux sont sans travail. Même si la région devient un parc, cela m'inquiète.
La communauté est-elle plus importante, ou doit-on se préoccuper davantage des caribous? Les caribous vont où ils veulent. Faut-il croire que dans 20 ans, ils viendront encore au même endroit pour mettre bas? Ils pourraient aller ailleurs.
M. Comba: La Falconbridge a fait du bon travail dans le cas de l'entente de Raglan dans le nord de l'Ungava. Quelqu'un de la Falconbridge devrait vous répondre, en fait, car ils savent combien d'emplois ont été générés. Mais je sais cependant que d'importants contrats de travail sont négociés avec les diverses communautés.
Je suis l'un des dirigeants d'une jeune société qui a une propriété immédiatement à l'est de celle de la Falconbridge dans l'Ungava. L'été dernier, nous avons travaillé à partir d'une communauté autochtone sur la côte. Cela nous a permis d'établir les rapports de confiance que nous recherchions. Et la communauté a pu nous fournir presque tous les services dont nous avions besoin. C'était logique pour nous de nous installer dans la communauté locale, et de nous rendre chaque jour en hélicoptère sur notre site qui se trouve juste à l'est de la propriété de Raglan.
Le sénateur Adams: Pouvez-vous me dire combien de temps il vous faudrait pour faire la prospection? Pouvez-vous me donner une estimation? Auriez-vous besoin de deux mois ou d'un an?
M. Comba: Cela ne se ferait pas de manière continue. Lorsqu'on fore, on n'a que des petits cylindres de roches pour travailler. Il est très difficile d'imaginer de quoi ce gisement a l'air en trois dimensions. Afin d'éviter de perdre beaucoup d'argent, et de forer des trous inutiles, on procède généralement par étapes. On fore d'abord un certain nombre de trous, et ensuite on retourne les examiner. On détermine la direction probable, et on continue dans la prochaine série. Cela prend généralement plusieurs années.
Dans le cas du projet Raglan, il a fallu plus de trente ans à la Falconbridge. Ce n'est qu'au début des années 90, après avoir observé les gisements en Australie, à Sudbury et à Noril'sk, que la compagnie a vraiment réussi à comprendre ce qui se passait à Raglan. Il y a eu une période très intense. La mine est en exploitation à présent. L'été dernier, il y avait huit foreuses en activité sur la propriété. C'est un processus continu.
Entre le moment où l'on fore le trou où a lieu la découverte et celui où l'on est autorisé à commencer l'exploitation de la mine, il faut compter de huit à dix ans.
Le sénateur Adams: Vous avez dit que vous n'avez pas besoin de route pour aller là, si le minerai est suffisamment profond.
M. Comba: Avant de creuser sous le parc, il vaut mieux avoir obtenu les droits d'exploitation minière. Il vaudrait mieux exclure cette partie du parc.
Il y a certainement des cas en Alberta où l'on a voulu protéger certains éléments en surface. Les compagnies pétrolières peuvent forer des trous en angle. Les trous descendent verticalement, et puis se prolongent horizontalement. Elles peuvent extraire du pétrole et du gaz de régions situées sous des sites où l'on ne veut pas déranger quoi que ce soit. Elles y accèdent en s'introduisant par les côtés.
Dans le cas des mines, les galeries inclinées peuvent être percées par le côté de manière à ne pas nuire à ce qui se trouve immédiatement au-dessus du gisement. C'est une possibilité. Mais ce n'est que de la spéculation, pour l'instant, car on n'a pas encore trouvé de gisement.
Le sénateur Adams: Nous avons rencontré des exploitants de ranch dans le secteur où l'on fait de la prospection en Alberta. Nous les avons rencontrés il y a quatre ou cinq ans.
Si la Falconbridge ne réussit pas à faire exclure cette partie du parc, avez-vous un avenir là-bas? Ouvrira-t-elle une mine ailleurs?
M. Comba: Je pense que la Falconbridge resterait et testerait d'autres endroits. D'après mes discussions avec ses représentants, il semble que l'anomalie qui se trouve dans le parc est la moins profonde. Ce serait donc logique de commencer les recherches là.
Je ne suis pas employé par la Falconbridge, mais je pense qu'elle resterait vraiment là pour tester d'autres anomalies, à l'extérieur du parc.
Dans notre secteur, c'est un vieux truisme que d'affirmer que l'on commence toujours par le plus facile. C'est un secteur d'activités difficile en tout temps, qui comporte des risques élevés, et il faut donc toujours commencer par les anomalies les moins profondes.
Le sénateur Butts: Quand votre association a-t-elle commencé à s'occuper de ce dossier?
M. Andrews: Nous savions depuis un certain qu'il était question de créer ce parc, et nous avons suivi la chose avec intérêt. Cela dure depuis longtemps. Mais nous n'avons commencé à prendre part directement aux discussions que très récemment, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Le sénateur Butts: Pourquoi êtes-vous intervenus?
M. Andrews: Nous estimons que l'on peut protéger et exploiter la nature en même temps. Il ne faut pas nécessairement choisir entre les deux. La décision qui sera prise aura des répercussions sur toute notre industrie, et sur le climat d'investissement au Canada.
Notre secteur est hautement compétitif, sénateur. Et pour être compétitif, il faut pouvoir attirer les investissements. Si l'on estime ailleurs dans le monde que le Canada prend de mauvaises décisions en matière de ressources renouvelables et non renouvelables, cela nous gênera pour trouver des investissements.
Le sénateur Butts: J'ai étudié votre document sur la gestion rationnelle du paysage. Vous désignez les aires protégées, ou parcs, comme des «zones exclusives». Vous parlez ensuite de «réserves flottantes», qui sont des terres qui pourraient faire l'objet d'activités minières, puis être abandonnées, et à nouveau exploitées, ou réhabilitées. C'est cela, une terre flottante, si je comprends bien.
M. Andrews: Nous sommes très contents du concept de la gestion rationnelle du paysage. Il illustre comment nos connaissances augmentent et changent sans arrêt. Nous y voyons une approche qui devrait permettre la réalisation des objectifs environnementaux -- la préservation de la biodiversité notamment -- tout en évitant les conflits.
De nouvelles données indiquent fortement que la création de parcs et d'aires protégées n'est pas un moyen efficace pour assurer la conservation de la biodiversité. Notre industrie est acquise à la préservation de la biodiversité, mais nous voulons nous assurer que les outils utilisés pour réaliser cet objectif seront efficaces.
La gestion rationnelle du paysage s'applique à la totalité du paysage, où toutes les activités sont gérées en tenant compte de l'objectif primordial qui est la conservation de la biodiversité. Nous estimons que cet outil présente une certaine logique, et il y a des chances que l'on parvienne à réaliser ces objectifs.
Le sénateur Butts: Ce n'est que ce bout de parc qui nous intéresse. Je vais donc faire une nouvelle tentative.
Dites-vous -- ou votre organisation pense-t-elle -- que l'on pourrait exploiter les minerais dans tous les parcs nationaux?
M. Andrews: Je ne dis pas cela. Je dis qu'il y a de nombreux cas où l'on n'a pas besoin de se servir d'un outil de conservation pour réaliser les objectifs de préservation du paysage, et qu'il est possible d'utiliser des outils de conservation et de gestion pour réaliser à la fois les objectifs d'exploitation et de protection. Il nous semble probable que ce soit le cas de ce parc.
Le sénateur Butts: Est-il probable que vous feriez du parc de Tuktut Nogait une réserve flottante?
M. Andrews: C'est difficile à dire.
Le sénateur Butts: Vous avez juste envie.
M. Andrews: La seule façon de s'y prendre dans de telles situations est de définir d'abord ses objectifs pour une région donnée, et de choisir ensuite ses outils. Ce qui nous dérange, c'est qu'il y a de nombreux exemples au Canada où la création d'un parc a été l'objectif, plutôt qu'un outil pour réaliser un objectif.
Le sénateur Butts: L'histoire de ce parc ne permet pas d'affirmer cela. Les gens qui vivent là et qui se soucient de la région ont demandé la création de ce parc. Ils ont signé une entente après six ou sept années de démarches.
Le sénateur Adams: Pas sur sa délimitation.
M. Andrews: Je ne sais pas quand les discussions avec les Inuvialuits ont commencé. Si vous le dites, je vous crois.
L'objectif numéro un du parc est de protéger les caribous et leur habitat. Je m'interroge sur l'utilité d'employer un outil rigide pour réaliser un objectif qui est dynamique. Il n'y a rien qui garantit que les caribous reviendront toujours dans cette région particulière pour mettre bas, et cela m'inquiète.
Le deuxième objectif est de créer une aire protégée représentative de la région, mais l'objectif ne dit pas pourquoi on veut une aire protégée représentative de la région. Quel est l'objectif visé?
Le sénateur Butts: Rien ne garantit que les caribous reviendront toujours là, mais rien non plus ne garantit que vous trouverez vos minerais à cet endroit.
M. Andrews: C'est tout à fait vrai. C'est pourquoi nous insistons sur le fait qu'il faut être souple, quelle que soit l'approche retenue pour exploiter ou protéger la région. Il faudra qu'elle soit suffisamment souple pour s'adapter aux conditions changeantes. Dès lors que vous optez pour un outil de préservation, comme un parc ou une aire protégée, vous limitez étroitement vos possibilités à tout jamais.
Le sénateur Hays: Merci pour votre présentation. Elle a été intéressante car vous avez été rassurants et vous nous avez expliqué comment les choses se passeraient si des activités minières avaient lieu. Mais on parle d'une entente sur la délimitation d'un parc que Parcs Canada est déterminé à maintenir, et dont les autres parties intéressées sont déterminées à obtenir la renégociation ou l'abandon. Franchement, je crois qu'elles veulent renégocier.
Une fois le parc délimité et créé, votre association ne s'attend évidemment pas à y entreprendre des activités minières. Je crois que cela ressort clairement de ce que vous dites. Quant à vos intérêts, si la région présente un potentiel minéralogique, votre devoir, dans ce secteur minier hautement compétitif, est de trouver la meilleure façon de l'exploiter, coûte que coûte. Je n'essaie pas de vous faire paraître imprudent ou injuste. Vous représentez un point de vue qui sera toujours le même. N'ai-je pas raison?
M. Andrews: Nous représentons effectivement les intérêts de nos membres qui sont prospecteurs et entrepreneurs. En revanche, nous serions fort imprudents si nous cherchions à promouvoir nos activités coûte que coûte -- nous pouvons, ni ne voulons agir ainsi.
Nous sommes pour la conservation de l'environnement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la question n'est pas de savoir s'il faut préserver la biodiversité, mais bien de savoir quels outils utiliser pour atteindre cet objectif.
Le sénateur Hays: Alors quelle est la position de votre association sur la question des parcs et de la création d'un réseau étendu de parc souhaité par le Canada?
M. Andrews: Nous estimons que les parcs sont des outils légitimes à utiliser dans certaines circonstances, mais nous devons admettre que ce sont des outils de préservation, et pas simplement des outils de conservation ou de protection. Nous admettons qu'il y a des situations où il faut employer cet outil. Il y a des endroits uniques et exceptionnels que personne ne souhaite toucher. Par contre, nous estimons également que cet outil de préservation a probablement été utilisé de façon excessive, ou inopportune, au Canada.
Là où un outil de conservation ou de protection aurait été tout à fait approprié, on a utilisé plutôt un outil de préservation. Cela crée de gros conflits et empêche toute autre possibilité qui pourrait être souhaitable à cet endroit précis. C'est cela, notre position, monsieur le sénateur.
Le sénateur Hays: C'est une bonne réponse, je n'en doute pas. Elle est suffisamment ambiguë pour indiquer que vous appuyez l'idée de la création d'un réseau de parcs, mais pas les décisions inopportunes qui pourraient être prises. C'est vous qui qualifiez ainsi cette décision.
Vous avez laissé entendre que cette anomalie est celle qui a le plus de chance de renfermer un gisement, car c'est la moins profonde. Ce n'est pas ce que l'on nous a dit jusqu'à présent. J'avais l'impression qu'il n'était pas plus probable de trouver du minerai là que dans n'importe lequel des autres endroits.
Pouvez-vous nous clarifier cela? Vous avez eu l'air de dire que c'était l'endroit le moins profond, et le plus intéressant. Vous avez dit que vous commencez toujours par l'endroit le plus facile et vous vous êtes immédiatement concentré sur le site à l'intérieur du parc. Sur quoi reposent vos conclusions? Je ne crois pas que la Falconbridge nous ait dit cela, par exemple.
M. Comba: Je n'ai pas assisté aux audiences précédentes, et je ne peux donc me prononcer à ce sujet. Peut-être Ian Lawyer, qui est vice-président de Darnley Bay Resources, pourrait-il répondre à cela.
J'ai parlé de cela avec les gens de la Falconbridge à Toronto. De fait, je travaille en ce moment avec Falconbridge au Zimbabwe. Certaines des personnes qui s'occupent de ce projet travaillent également sur celui de la baie Darnley.
Nous utilisons une formule mathématique très sophistiquée. Un mathématicien plutôt excentrique, qui travaille dans le sous-sol de sa maison, à Perth, en Australie, effectue des calculs avec les chiffres des levés aériens. J'ai vu un peu de quoi il s'agissait, sans vraiment comprendre comment le processus fonctionne, mais la signification de ces calculs a été soulevée au cours de conversations avec les gens de la Falconbridge. J'ai vu des calculs semblables pour les anomalies autour de Sudbury, qui révèlent des structures qu'aucun de nous ne connaît ni ne comprend vraiment.
Au cours de nos conversations, les gens de la Falconbridge ont indiqué qu'à leur avis, toute la structure de la baie Darnley s'enfonce de plus en plus à mesure que l'on se rapproche de la mer. Ce qui signifie que l'anomalie du parc est celle qui est la moins profonde. Mais tout ceci est fondé sur des calculs très ésotériques, et c'est pourquoi, en fin de compte, il faudra que quelqu'un aille faire des forages sur place.
Le sénateur Hays: Il est encore tôt, mais vous avez répondu à ma question, la pente de l'anomalie est en direction du nord.
M. Comba: C'est exact.
Le sénateur Hays: Vous dites que ce sont des calculs très ésotériques, alors vous ne miseriez pas gros là-dessus?
La plupart des témoins nous ont dit qu'ils ne savaient pas où on a le plus de chance de trouver quelque chose. Est-il juste de dire que c'est également votre opinion?
M. Comba: Oui, nous n'en sommes qu'au tout début de l'opération, mais le prix à gagner est énorme.
Le sénateur Hays: Je suis tout à fait prêt à me fier à ce que M. Ian Lawyer a dit à propos des activités de la Falconbridge.
Le sénateur Gustafson: Puisque le terrain en question à l'intérieur du parc constitue environ 2,5 p. 100 de sa superficie, serait-il possible d'agrandir le parc à d'autres endroits qui ne gêneraient pas directement les projets de développement minier? S'il ne s'agit que de 2,5 p. 100, on doit pouvoir s'entendre et repousser un peu les limites à un endroit ou un autre, pour avoir la même superficie.
M. Andrews: Vous suggérez que si l'on rajuste les limites du côté ouest pour permettre ces activités de prospection, on pourrait compenser à un autre endroit. Cela a été fait à d'autres occasions, et c'est une possibilité qui paraîtrait certainement valable à l'industrie minière.
Le sénateur Gustafson: L'autre point important à prendre en considération dans cette affaire est la possibilité de fournir des emplois aux Autochtones et de leur assurer ainsi un niveau de vie raisonnable dans une région difficile de notre pays.
Pendant dix ans j'ai représenté la région qui contient les parcs de prairies dans le sud de la Saskatchewan. Parfois l'État n'est pas très raisonnable lorsqu'il s'agit de décider où le bétail peut paître ou non. Le site du barrage Rafferty dans le sud de la Saskatchewan se trouvait également dans la région que je desservais. Parfois le gouvernement en arrive à des conclusions ridicules qui touchent la population là-bas, et parfois il y a beaucoup de gâchis.
La question que je me pose est de savoir si nous pensons réellement à la population autochtone. Il y a différentes solutions à envisager pour le parc. Les témoins qui se sont présentés devant nous ont dit essentiellement qu'une fois que la délimitation du parc aura été déterminée, le parc sera soumis à une réglementation très stricte. Il me semble que dans le cas présent, il serait raisonnable d'apporter une légère modification. Ce n'est pas beaucoup demander -- seulement 2,5 p. 100.
Mon autre question devrait probablement être posée au prochain groupe de témoins, car elle porte sur tout le problème de la revendication foncière. Vous avez indiqué que cela vous préoccupait également.
M. Andrews: Sénateur, je pense que vous avez tout à fait raison. Les peuples autochtones, surtout dans le nord, comptent fortement sur le succès de l'industrie minière pour les aider à améliorer leur niveau de vie. Il faut en tenir compte dans la formule par laquelle les territoires acquièrent davantage de responsabilités et d'indépendance. L'industrie minière est prête à assumer ce rôle, bien sûr, mais nous croyons que cela doit se faire de façon équilibrée.
Le sénateur Gustafson: À titre d'exemple, bien des gens disaient qu'il n'y aurait jamais d'eau dans le barrage de Rafferty, à Estevan. Aujourd'hui il y a 51 pieds d'eau. Les gens viennent de tout le pays pour pêcher. C'est l'un des projets les plus réussis dans toute la province de la Saskatchewan. En fait, il attire trop d'Américains à présent, et certains pêcheurs de la région s'inquiètent. C'est un exemple de situation où il importe de faire les choses comme il faut. Dans ce cas également, il faudrait apporter quelques modifications qui seraient positives pour les Autochtones, et également pour le parc. Ce serait simplement un ajustement raisonnable.
Le sénateur Fairbairn: Vous avez dit que l'évaluation actuelle, la prospection aérienne et les calculs sont quelque peu ésotériques, et qu'il est très difficile de juger où le potentiel est le plus grand.
Lorsque vous parlez de développement et de possibilités d'emplois, n'avez-vous pas l'intention de tester les régions à l'extérieur des limites du parc qui se trouvent actuellement sur nos cartes? Comptez-vous faire de la prospection dans ces autres endroits?
Je crois que vous avez dit que «le prix à gagner est énorme». Ma question est la suivante: si vraiment le prix se trouve là, continuera-t-on à y aller, parc ou pas parc -- en prenant soin bien sûr de chercher à tester ces autres endroits de l'anomalie?
M. Comba: Excusez-moi, monsieur le sénateur, je pensais avoir indiqué clairement que la Falconbridge, à ce que je sache, a l'intention de prospecter à l'extérieur du parc. Je ne suis pas actionnaire de la Falconbridge, mais du point de vue de ses actionnaires, il serait regrettable que la société réalise tout ce travail pour se rendre compte finalement que cette chose s'enfonce effectivement vers le nord. Sa crainte est qu'après avoir effectué tout ce travail à l'extérieur du parc, le prix lui échappe finalement s'il se trouve à l'intérieur du parc.
Le sénateur Fairbairn: Elle a cependant l'intention de poursuivre?
M. Comba: Je pense qu'elle continuera sans aucun doute. Cette structure est vraiment trop grosse pour être ignorée. Elle présente toutes les caractéristiques associées à Noril'sk. Je ne vois pas comment elle pourrait justifier l'abandon de la prospection.
M. Andrews: C'est la nature de notre profession. Il y a eu une situation semblable en 1980, lorsqu'on a découvert l'important champ aurifère de Hemlo, en Ontario. Trois mines sont en activité actuellement à cet endroit. Cet endroit avait fait l'objet de prospections pendant des années, car il présentait des signes de minéralisation.
On a construit la route transcanadienne à côté, et bien des géologues ont passé par là en voiture et auraient juré qu'il n'y avait rien à cet endroit. De fait, le gouvernement de l'Ontario était prêt à créer un parc dans cette région, et puis tout d'un coup une entreprise est arrivée et, après avoir foré 70 trous, a découvert l'un des plus grands champs aurifères du Canada. Bien que de nombreux géologues aient passé par là pendant des décennies, personne ne s'était rendu compte de l'existence de ce gisement.
Cela fait partie de notre profession. Dieu a créé ces gisements et puis il les a cachés astucieusement. Les géologues doivent essayer de les trouver, mais aussi compétents soient-ils, c'est une tâche extrêmement difficile.
Le président: Monsieur Andrews, vous avez dit que l'on prendrait de grands risques en créant ce parc sur la base d'évaluations insuffisantes, mais vous n'avez pas précisé votre pensée. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire, s'il vous plaît?
M. Andrews: J'ai dit cela dans le sens où un parc est un outil de préservation et que son utilisation, au fond, élimine à jamais toute autre possibilité. Pour pouvoir décider qu'un parc est l'outil le plus approprié, il faut s'assurer que l'on a toute l'information nécessaire, surtout en ce qui a trait à la population locale. J'estime qu'il faut évaluer toutes les répercussions sociales, environnementales et économiques liées à l'utilisation de cet outil dans la région. J'ai l'impression que nous n'avons pas encore étudié toutes les informations qui pourraient nous servir à prendre cette décision.
Le président: Vous parlez du parc entier, pas seulement des 2,5 p. 100. Vous estimez que la création du parc au complet est fondée sur des informations insuffisantes?
M. Andrews: Oui.
Le sénateur Taylor: J'aimerais en revenir à une question que vous avez soulevée à propos du levé aéromagnétique. Je n'étais pas présent lorsque les représentants de la Darnley Bay ont fait leur présentation, mais vous semblez avoir eu des échanges avec eux lorsque vous mentionnez la pente du corps minéralisé, que vous parlez de la profondeur des anomalies, et ainsi de suite. Vous n'êtes pas sans savoir que les levés aéromagnétiques ne suivent pas simplement le contour du parc, ils le chevauchent. Je vois les limites de l'ancien permis ici.
Je suppose que les levés magnétiques et gravimétriques couvraient probablement la région qui est indiquée sur cette carte. Est-ce la seule anomalie qui ait été trouvée, où est-ce l'anomalie qui se trouve en bordure du levé? En d'autres mots, a-t-on survolé le reste du parc, et est-ce la seule anomalie qui se trouve dans tout le parc? Ou, inversement, n'a-t-on pas survolé le reste du parc et cela est-il l'anomalie qui se trouve en bordure du secteur survolé?
M. Comba: En réponse à la première partie de votre question, monsieur le sénateur, je dirais que la détection originale de cette anomalie est attribuable aux travaux effectués par la Commission géologique du Canada. Ils ont survolé la région en 1964. Ce levé aérien portait sur une région bien plus vaste. L'anomalie gravitationnelle est surtout le résultat de données recueillies au sol. Ce genre d'étude ne peut être faite par avion; il faut des stations terrestres. Encore une fois, ce travail a été réalisé par la Commission géologique du Canada.
Je crois savoir que la Commission avait les permis pour examiner la portion de l'anomalie qui a été survolée par Darnley Bay. Monsieur le président, je crois que c'est la réponse qui a été donnée par M. La Prairie lorsqu'on lui a posé cette question lors de son témoignage. J'ai cru comprendre qu'elle avait la permission.
Le sénateur Taylor: Ce n'est pas tout à fait ce que je vous ai demandé. Je voudrais savoir si cela représente l'extrémité du levé ou non. Vous connaissez la théorie de la graine de pastèque; elle va de pair avec les trous improductifs. Vous savez, chaque fois que vous croyez attraper une anomalie, elle vous échappe des mains et se retrouve de l'autre côté, sur le terrain qui ne vous appartient pas. Alors il faut revenir et l'acheter la fois suivante.
M. Comba: J'ai foré pas mal de trous de ce genre.
Si je comprends bien, le levé qui a été effectué par Darnley Bay se situe essentiellement en bordure. Le levé de la Commission géologique du Canada couvrait un secteur bien plus vaste et, encore une fois, il s'agit de ce processus qui consiste à restreindre progressivement la zone d'intérêt. Une bonne partie du parc a été couverte par des levés aériens, mais il n'y a rien d'autre du même genre dans le parc. Ceci est une des cinq grandes anomalies de ce type en Amérique du Nord. C'est un phénomène tout à fait inhabituel.
Le sénateur Butts: Dans le mémoire que vous avez soumis au comité le 2 novembre 1998, vous parlez de demander une modification de la délimitation du parc. Vous dites que le fort potentiel minéralogique du secteur aurait des répercussions socio-économiques et spirituelles positives importantes pour les gens.
Qu'entendez-vous par répercussions spirituelles?
M. Comba: Monsieur le sénateur, j'estime que les gens sont très fiers d'eux-mêmes lorsqu'ils ont des emplois intéressants.
Le sénateur Butts: Pour moi ce sont des répercussions économiques.
M. Comba: Je crois que c'est plus que cela. Les gens qui ont des emplois rémunérateurs en retirent une grande fierté personnelle.
Le sénateur Butts: Ils s'enorgueillissent encore davantage de la beauté de la nature. Et cela est davantage spirituel qu'économique.
M. Comba: Nous avons tenté de démontrer que l'on peut avoir les deux. Pour les gens qui travaillent dans le nord, la beauté du paysage a autant d'importance que leur travail. Les deux revêtent une grande importance. Je garde des souvenirs extraordinaires de l'époque où je travaillais dans les Territoires du Nord-Ouest. La beauté des paysages est l'une des choses que je garde en moi, ainsi que les images des animaux.
J'ai participé à des missions aériennes de recherche et de sauvetage, et les troupeaux en déplacement que j'ai aperçus étaient impressionnants.
Le sénateur Butts: Si c'est cela que vous entendez par spirituel, ils l'ont déjà. Votre mine ne rendra pas les choses plus spirituelles.
Le sénateur Adams: Vous savez que les Inuvialuits ont conclu un accord foncier avec le gouvernement du Canada. Connaissez-vous l'article 22.1 de cet accord?
M. Comba: J'en ai entendu parler, mais je n'en ai pas une connaissance directe.
Le sénateur Adams: L'entente a été conclue avec le gouvernement du Canada, mais à Parcs Canada, on dit que cet article n'est pas valable, et que l'on n'en sait rien. Par leur règlement de la revendication foncière conclu avec le gouvernement du Canada, ces gens veulent contrôler leurs minéraux, leur pétrole et leur gaz, et les caribous. Mais maintenant le gouvernement dit qu'il n'est pas valable. Nous vivons là-haut, mais ce sont les gens d'Ottawa qui nous disent que nous ne pouvons faire cela car les caribous seront exterminés. Nous n'allons pas exterminer les caribous.
Vous avez passé de nombreuses années là-haut, et vous savez que le troupeau de caribous augmente chaque année. Il y a 120 000 caribous, et on en tue seulement 5 000 par an. Chaque année, il naît entre 30 000 et 40 000 caribous.
Les caribous sont-ils plus importants, ou est-ce la communauté qui a le plus d'importance? C'est ce qui me préoccupe. La plupart des gens là-haut vivent du bien-être social.
M. Comba: En tant que Canadien, je suis personnellement reconnaissant pour les 29 p. 100 des terres des Inuvialuit qui ont été données aux Canadiens sous forme de parcs. Je suis gêné qu'on ne puisse leur rendre la petite parcelle qu'ils demandent, surtout si on leur a donné sur la base d'une cogestion. Je me sens parcimonieux et mal à l'aise de parler de cela. En tant que Canadien, cela me trouble. Ces gens ont été très généreux en ce qui a trait à leurs terres.
Le président: Merci, messieurs, de votre présence et de cette présentation instructive. Nous vous en sommes reconnaissants.
Nos prochains témoins nous viennent de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada. Veuillez commencer.
Mme Mary Granskou, directrice exécutive, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada: Honorables sénateurs, merci de nous accueillir ce matin. Nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui. La Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada a été créée en 1963. Nous allons célébrer son 35e anniversaire jeudi soir. Nous sommes très fiers de nos réalisations tant dans le nord que dans le sud du Canada.
Notre organisation est construite à partir de la base. Nous disposons d'un soutien de la base dans tout le pays. Nous comptons 10 chapitres au Canada, au nord et au sud, qui font avancer les questions de conservation. Nous avons la chance d'avoir Juri Peepre avec nous aujourd'hui. Il pourra vous présenter sa perspective du Nord, qui sera beaucoup plus pertinente à cette question que la mienne. Mais j'aimerais d'abord vous expliquer le contexte.
Avant de vous présenter notre point de vue sur cette question, j'aimerais mentionner une anecdote au sujet de notre organisation. En fait, nous devons notre existence en partie à une question posée, au début des années 60, par un parlementaire, l'honorable Alvin Hamilton, qui était alors ministre responsable des parcs nationaux. Il a demandé comment nous pourrions protéger nos parcs nationaux de tout l'attirail possible et imaginable. Le ministre Hamilton estimait que le Canada avait besoin d'un organisme public pour préserver et protéger nos parcs et demander les mesures nécessaires à la conservation de la nature. Notre organisation est donc née en partie pour cette raison. Je voulais vous en parler, car cela est pertinent à la question que nous étudions.
Nous travaillons étroitement avec les Premières nations dans tout le pays sur de nombreux sujets. M. Peepre vous en parlera plus à fond. Nous travaillons également avec l'industrie. Cette collaboration avec l'industrie porte sur les terres qui entourent les aires protégées, et non celles qui se trouvent à l'intérieur des aires.
Nous collaborons étroitement également avec les collectivités du pays et avec les gouvernements. Les représentants de tous ces secteurs se joindront à nous pour le dîner de gala qui célébrera notre anniversaire et qui aura lieu plus tard cette semaine à Vancouver.
Je vais commencer par sept points rapides.
Premièrement, voici un parc national. Qu'est-ce qu'un «parc national»? Un parc national est créé à l'intention de tous les Canadiens, autochtones et non autochtones. Le parc national préserve les écosystèmes qui représentent une grande richesse pour les Canadiens. Le parc national suit un processus crédible. Dans ce cas, le processus a nécessité sept ans de négociations. Dans le Nord, les parcs nationaux sont créés avec l'appui des collectivités. Cela est également pertinent à la discussion d'aujourd'hui.
Deuxièmement, les parcs sont essentiels à la conservation. La conservation est impossible sans des aires protégées et des sanctuaires naturels. Ce serait comme essayer de traverser Ottawa à pied sans nourriture, sans abri ou sans chaleur en hiver. C'est impossible. Les scientifiques du monde entier sont d'accord pour dire que les réserves flottantes et les mesures du même genre ne nous permettront pas d'atteindre l'objectif fondamental de la conservation. En matière de conservation, le principe fondamental est d'établir des aires protégées.
Troisièmement, il ne s'agit pas d'éviter les effets sur l'industrie minière, il s'agit de protéger un écosystème qui est important pour le pays.
Quatrièmement, cette mine n'est pas une réalité. Nous parlons ici de l'étape de prospection, qui est très incertaine. Il y a eu beaucoup de discussions ce matin au sujet de la baie de Voisey. Celle-ci a fait l'objet d'un article du Globe and Mail intitulé «Dead in the Water». On y précisait que l'industrie était désavantagée par la faiblesse des prix mondiaux, en particulier sur le marché des produits. Ce marché est très aléatoire.
Cinquièmement, que veulent les gens? Les Canadiens adorent leurs parcs nationaux. En fait, les Canadiens estiment que les parcs nationaux sont encore plus importants, en tant que symbole de l'identité canadienne, que le hockey. Que veulent les gens du Nord? M. Peepre en parlera plus longuement, mais les collectivités ont soutenu la création de ce parc national, qui est pour elles un moyen d'atteindre l'objectif de conservation du caribou.
Sixièmement, nous devons parler de leadership. Nous avons besoin de leadership sur cette question pour préserver le caractère sacré des parcs nationaux au Canada. Les Canadiens demandent au gouvernement fédéral de maintenir les normes les plus élevées en matière de gestion des écosystèmes.
Septièmement, nous ne jouons pas un jeu de pourcentage. Nous parlons de conservation et non de pourcentage. La zone dont il est question fait partie des terres de mise bas essentielles de la harde.
J'aimerais me reporter à une section du rapport de John Nagy, qui vous a été présenté. Par exemple, la mortalité du caribou peut atteindre jusqu'à 50 p. 100 durant le mois qui suit la naissance. Le rapport indique que les femelles qui sont dérangées pendant la mise bas peuvent blesser ou abandonner leur petit. D'habitude, ces petits blessés ou abandonnés meurent. La lactation normale des femelles peut être perturbée si elles sont dérangées à plusieurs reprises. Il en résulte une baisse de la production du lait et du taux de survie des petits. Le rapport précise ensuite qu'au cours des huit à dix jours suivant la mise bas, les petits forment d'importants groupes au sein du troupeau. Si ces groupes sont dérangés, ils peuvent provoquer une panique qui entraîne des blessures et l'abandon des petits. Là encore, les petits blessés ou abandonnés meurent habituellement.
La question est donc de protéger la harde de caribous. Est-ce que l'on verrait une exploitation minière dans une garderie pour enfants? Non bien sûr. C'est la même chose ici.
Je vais maintenant passer le micro à Juri Peepre pour qu'il explique la situation dans le Nord.
M. Juri Peepre, membre du chapitre du Yukon, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada: J'habite à Whitehorse, au Yukon, et je vis dans le Nord depuis 11 ans. J'ai commencé à y travailler au milieu des années 70 et j'ai tellement aimé cet endroit que j'ai su tout de suite que j'aimerais y élever mes enfants un jour.
Je suis ici pour vous parler de la perspective d'une personne qui vit et travaille dans le Nord. Bien que j'habite au Yukon, mon principal objectif est de montrer que nous avons tiré de nombreux enseignements en matière de protection des troupeaux de caribous et d'exploitation minière dans des habitats fauniques vulnérables du Yukon.
Une bonne partie de ma présentation portera sur la harde de caribous de la Porcupine et des parties à l'ouest du parc Tuktut Nogait. Je voudrais vous parler des leçons que nous avons tirées de nos expériences, et qui sont des leçons très utiles.
Le chapitre du Yukon de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada demande instamment au comité du Sénat d'adopter le projet de loi C-38 sans modification. Depuis 10 ans, dans le Nord, nous étudions les questions associées aux parcs nationaux et territoriaux, en particulier tout ce qui touche à la santé des troupeaux de caribou de la toundra et des bois. Nous travaillons en étroite collaboration avec les Premières nations et les collectivités du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest.
Tous les gens du Nord, et tous les Canadiens, sont en faveur des parcs nationaux. Le Canada gère plus de 20 p. 100 de l'espace naturel qui subsiste dans le monde. Dans le Nord du Canada, les grands troupeaux de caribous de la toundra peuvent encore se déplacer sur la totalité de leurs territoires et des centaines de milliers de gibiers d'eau y trouvent refuge pour la couvaison. Si l'on pense à la rapidité avec laquelle les espèces et les aires naturelles disparaissent dans le monde, il devient évident que nous sommes en train de décider de l'avenir d'un bien national inestimable.
Dans le Nord canadien, les démarcations de concessions minières et les propositions d'exploitation se font à un rythme qui dépasse de loin celui des efforts de conservation et de création d'aires protégées. Traditionnellement, on a souvent concédé les terres aux compagnies minières avant d'avoir bien pris en considération la faune et les autres aspects de la conservation de l'environnement ou des intérêts des collectivités.
La valeur environnementale, économique et culturelle des espèces naturelles du Nord canadien augmentera si nous prenons les bonnes décisions dès maintenant. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que les générations futures puissent apprécier la faune et les autres ressources naturelles exceptionnelles du Nord et en bénéficier. Notre organisation cherche à établir un juste équilibre entre la conservation et la mise en valeur, et nous affirmons que les limites actuelles du parc national Tuktut Nogait reflètent actuellement cet équilibre.
Il ressort nettement de nombreuses enquêtes que la majorité des Canadiens non seulement soutiennent le parachèvement d'un réseau de parcs, mais s'attendent à ce que le gouvernement protège la faune à l'intérieur des limites fixées une fois que les aires protégées sont créées.
Les gens de Whitehorse, au Yukon, de même que nos collègues des Territoires du Nord-Ouest, aimeraient souligner que beaucoup de gens du Nord s'opposent à la prospection minière spéculative dans le Parc national Tuktut Nogait. De par notre travail au Yukon et dans la partie occidentale des Territoires du Nord-Ouest, nous savons très bien quelle importance les nombreux peuples autochtones et non autochtones attribuent à la santé des grands troupeaux de caribous de la toundra. Les Gwich'in, notamment, préconisent la protection des aires de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine depuis plus de 20 ans. C'est ainsi qu'au Yukon, deux parcs nationaux, Ivvavik et Vuntut, jouent un rôle essentiel pour assurer la survie de la harde de caribous de la Porcupine.
Le développement industriel n'a pas sa place dans les aires protégées essentielles. Du fait de leurs connaissances scientifiques aussi bien que traditionnelles, la plupart des gens du Nord favorisent la protection des terres de mise bas du caribou. En fait, tant au Yukon que dans les Territoires du Nord-Ouest, on a pratiquement terminé l'élaboration des stratégies concernant les aires protégées. Dans les deux territoires, ces stratégies prévoient principalement qu'il n'y aura pas d'exploitation minière ou autre mise en valeur dans les aires protégées essentielles. Cette politique sur les aires protégées rend compte des engagements pris en 1994 dans l'accord-cadre relatif à l'Initiative minière de Whitehorse à l'élaboration duquel les gens du Nord ont largement participé. Nous continuons d'appuyer ce principe consensuel selon lequel l'exploitation minière est incompatible avec les aires protégées essentielles.
Nous nous réjouissons de voir que la Chambre des mines du Yukon a récemment publié une déclaration à l'appui de la Stratégie sur les aires protégées du Yukon. Nous comptons également sur la Chambre des mines du Manitoba qui a aussi beaucoup oeuvré pour la création de nouveaux parcs nationaux et autres parcs dans cette province.
Nos stratégies sur les aires protégées territoriales, et d'autres au Canada, montrent que la grande majorité des gens ne sont pas en faveur de l'idée des parcs flottants ou des réserves flottantes dont les frontières peuvent être déplacées en fonction d'intérêts miniers spéculatifs. Tout en appuyant les efforts de conservation dans la totalité de la région, les gens du Nord savent également que nous avons besoin de protéger de façon permanente d'importantes aires intactes afin que la faune et notre mode de vie soient maintenus pour toujours. La protection permanente de ces aires est essentielle à la conservation de la biodiversité et au maintien d'une économie saine et diversifiée.
Monsieur le président, contrairement à ce que les témoins précédents ont dit, l'exploitation minière dans le Nord laisse une emprunte importante et durable sur le paysage. Ce ne sont pas seulement les puits de mines, ce sont les routes, les bassins de décantation, les aménagements électriques, l'infrastructure qui, par le passé, ont déjà duré un siècle. Dans la partie nord du Yukon, la mine Faro, qui n'est plus en exploitation à cause de la baisse des prix des métaux, a laissé une dette publique de 100 millions de dollars en coûts de nettoyage. Cela n'est pas un impact à court terme. Ces marques seront présentes pendant des siècles. En fait, dans ce cas, l'exploitation minière a empêché toute autre utilisation possible de la terre. Il ne s'agit pas de s'opposer à l'exploitation minière, mais de souligner que ses effets sont loin d'être négligeables. Si nous choisissons l'exploitation minière, nous devons savoir que cela élimine en fait les options de conservation pour l'avenir. Ce n'est pas un effet négligeable.
Nous avons beaucoup appris de l'exemple de la harde de caribous de la Porcupine. Depuis des années, les Gwich'in, au Canada et en Alaska, préconisent la protection complète des aires de mise bas des caribous de la Porcupine. Les gouvernements du Yukon et du Canada ont toujours appuyé la protection des aires de mise bas et le Canada continue de défendre ce dossier à Washington. Le refuge national faunique de l'Arctique est une des priorités de notre politique étrangère depuis plus de 10 ans. La santé et la vitalité de la harde de caribous de la Porcupine dépendent de l'intégrité de l'aire de mise bas principale sur la côte nord de l'Alaska, ce que l'on appelle les «Terres 1002». Les données scientifiques réunies depuis des décennies montrent que l'exploitation du pétrole et du gaz sur les principales aires de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine serait préjudiciable à la santé à long terme de la harde de même qu'à la survie culturelle des Gwich'in.
Les aires de mise bas situées sur les «Terres 1002» représentent un pourcentage relativement faible du territoire des caribous de la Porcupine, mais à moins de pouvoir accéder sans entrave à cette aire critique de mise bas, la harde pourrait être décimée. La harde de caribous de la Porcupine fournit des exemples très instructifs pour le cas de Tuktut Nogait. De nombreuses données scientifiques montrent que les principales aires de mise bas sont essentielles à la santé du caribou de la toundra.
Au Yukon, il existe également de très nombreuses connaissances écologiques traditionnelles qui attestent la nature sacrée des aires de mise bas. La disparition d'aires de mise bas principales, qui peut sembler modeste à première vue, peut avoir des incidences considérables sur la survie des animaux, puisque des conditions environnementales très spécifiques sont nécessaires au bon déroulement des périodes avant, pendant et après la mise bas.
Laissez-moi poser une question. Prenons l'exemple parallèle du faucon pèlerin en voie de disparition. Si on laissait intacte une bonne partie de son territoire mais que l'on détruisait les falaises où il se niche, qu'arriverait-il à cette population? La position diplomatique du Canada sur la protection des aires de mise bas du caribou de la Porcupine serait sérieusement sapée si l'on permettait la mise en valeur dans les aires de mise bas du parc national Tuktut Nogait. L'avenir des aires de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine sera décidé dans les prochaines années. Il est impératif que le Canada soutienne les efforts des Gwich'in.
Le Parc national Tuktut Nogait a un rôle à jouer pour la protection des aires de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine. Le Sénat du Canada veut-il prendre le risque de nuire à la viabilité de la harde de caribous Bluenose et contribuer à laisser passer l'occasion de protéger les aires de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine, tout cela à cause d'une proposition d'exploitation minière hautement incertaine?
Nous avons beaucoup entendu parler d'emploi. Nul besoin de réfléchir à l'importance des aires de mise bas pour la harde de caribous Bluenose. Si les aires de mise bas sont perturbées, le risque de réduction de la harde est élevé et s'accompagne de coûts environnementaux, économiques et culturels à long terme. La proposition visant à modifier les limites du parc national Tuktut Nogait s'appuie sur l'hypothèse d'une richesse minérale économiquement viable sous le parc. Les gens du Nord connaissent très bien les promesses d'emploi des entreprises minières -- des emplois qui souvent ne se matérialisent pas. En fait, dans le Yukon, seul un pourcentage minime de concessions minières -- et je crois savoir qu'il y en a 7 000 -- aboutissent à l'ouverture d'une mine. La durée moyenne d'une mine au Yukon est de sept ans.
Rien ne garantit que la modification des limites de Tuktut Nogait entraînera la création de nouveaux emplois locaux, et plus particulièrement d'emplois à long terme.
Environ 80 p. 100 du potentiel minier se situe à l'extérieur du parc. Pourquoi ne pas permettre la prospection dans cette région et laisser les limites du parc intactes en évitant le risque de dommages permanents à la harde des caribous Bluenose? Ce serait une solution équilibrée que reflètent déjà les limites actuelles du parc national Tuktut Nogait.
Les parcs nationaux du Nord ont un impact économique important, permanent et positif sur les économies locales. Au Yukon, par exemple, les trois parcs nationaux représentent environ 8 milliards de dollars par an de recettes directes, qui s'accompagnent de retombées économiques dans les secteurs des services et du tourisme.
Les emplois que les parcs créent sont permanents. Bon nombre d'entre eux profitent aux collectivités situées dans les aires protégées. Autrement dit, l'argent est redistribué dans les collectivités qui sont, peut-être, les plus éloignées et celles qui risquent le plus de connaître le chômage. C'est une tendance dans tout le Canada.
La valeur économique à long terme d'un approvisionnement alimentaire fiable pour la harde de caribous est un aspect important de la conservation qui n'est pas souvent pris en compte. Les gens du Nord respectent les aspirations des peuples autochtones. Nous comprenons l'importance de la stabilité des économies communautaires locales. Nous appuyons également la mise en valeur des ressources lorsque cela est approprié et ne pose pas de grands risques pour l'environnement, la faune ou les collectivités.
À notre avis, en ce qui concerne le parc national Tuktut Nogait, tout indique que les limites actuelles du parc représentent un équilibre entre la conservation, d'une part, et les intérêts de mise en valeur, d'autre part. C'est pour cette raison que nous demandons instamment au Sénat d'adopter le projet de loi C-38 sans modification.
Le président: Merci de votre présentation. Je sais que je parle au nom de tous les membres du comité lorsque je remercie la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada de l'excellent et important travail qu'elle accomplit. Nous vous encourageons à continuer dans vos entreprises.
Le sénateur Gustafson: Je m'interroge à propos des antécédents de nos témoins. Vous dites que vous avez passé 12 ans dans le Nord, monsieur Peepre. Travaillez-vous pour la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada?
M. Peepre: Non. Je suis employé à contrat par le Fonds mondial pour la nature. Mais je travaille avec la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada et le Fonds mondial pour la nature. Je m'occupe plus particulièrement de la campagne pour la protection des espèces en péril dans le Nord.
Le sénateur Gustafson: Avez-vous occupé un emploi qui n'est pas directement lié à ce genre de travail?
M. Peepre: Oui. Lorsque j'ai déménagé au Yukon, j'ai été conseiller en aires protégées pendant 10 ans. Une bonne partie de ce travail a été effectué en collaboration avec les Premières nations. Je travaillais dans des collectivités du Yukon sur des propositions d'aires protégées à l'invitation des Premières nations et des collectivités. J'ai également travaillé à Inuvik et dans d'autres endroits des Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur Gustafson: J'aimerais poser la même question à Mme Granskou. Vivez-vous dans le Nord actuellement?
Mme Granskou: Non, j'habite à Toronto, où se trouve notre bureau national.
Le sénateur Gustafson: Les témoins de la région et les autochtones qui ont comparu devant le comité nous ont fait part d'un message différent et de préoccupations très différentes. Ayant écouté ce témoignage, je ne peux m'empêcher d'être impressionné par la connaissance qu'a le sénateur Adams de la région et des préoccupations dont il nous fait part concernant son peuple.
Le problème de la délimitation est minime. Et pourtant, il ne semble pas que l'on veuille faire le moindre compromis.
Dans le Sud -- et je suis sans doute le Canadien qui habite le plus au sud ici puisque j'habite à 20 milles de la frontière américaine -- nous devenons très égoïstes. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas avoir des normes environnementales valables. Nous croyons sans doute à tout cela. Mais les Canadiens du Sud doivent s'intéresser aux autochtones. Il nous arrive de nous trouver dans des situations impardonnables parce que nous ne comprenons pas leurs problèmes.
J'aimerais répéter que je suis sensible à la grande connaissance qu'a le sénateur Adams du sujet parce qu'il a vécu toute sa vie avec ces gens et qu'il sait que l'on doit également en tenir compte. Dans ce cas, le compromis est minime. Il pourrait être obtenu à l'avantage des autochtones et également pour les raisons environnementales que vous avez fait valoir.
M. Peepre: Comme je l'ai dit au début, j'ai utilisé l'exemple du Yukon pour faire un parallèle. Je peux vous assurer que le peuple Gwich'in estime qu'aucune des aires de mise bas du caribou en Alaska ne doit faire l'objet d'un compromis ou de négociations. Le fait est que dans une aire d'allaitement -- puisque c'est ce dont il s'agit -- un petit parc peut avoir des effets dévastateurs. La limite originale du parc qui a été négociée est déjà un compromis. Les exemples des Gwich'in et de l'Alaska sont des situations parallèles. Il n'y a pas de place pour le compromis dans cette zone critique. C'est là la question.
Du point de vue de la conservation, il n'est pas possible de déplacer les limites pour que la superficie reste la même. Nous parlons d'une région importante sur le plan écologique. S'il s'agissait simplement de paysage, notre organisation, et d'autres, ne verraient probablement pas d'inconvénient à modifier les limites. Mais nous parlons d'une population faunique critique qui n'est pas négociable, comme le montrent les données.
Le sénateur Gustafson: Pour ce qui est du nombre des caribous, il me semble que les chiffres sont différents selon les gens. Le sénateur Adams dit que le nombre augmente.
Le sénateur Adams: Oui, en effet.
Le sénateur Gustafson: Dans le Sud, actuellement, il y a tellement d'oies dans les quarts de section que l'on a augmenté les limites de prises à 30 oies. On craint qu'une partie de l'habitat dans le Nord ne soit détruit. Vous en savez probablement plus que moi là-dessus.
M. Peepre: En fait, la harde de caribous de la Porcupine a diminué d'environ 20 000 têtes depuis cinq ans. La harde de l'Arctique centrale a diminué d'environ 10 p. 100, en grande partie à la suite de l'exploitation du pétrole en Alaska. Les populations varient selon l'endroit. Il n'est pas exact de supposer que tous les troupeaux de caribous augmentent. En fait, certains augmentent et d'autres diminuent.
Le sénateur Gustafson: Qu'en est-il de la région de la baie Darnley?
M. Peepre: Parlez-vous de la harde de caribous Bluenose?
Le sénateur Gustafson: Oui.
M. Peepre: Je ne connais pas la biologie de ce troupeau, en dehors des renseignements dont vous disposez.
Le sénateur Adams: Vous avez parlé des caribous de la Porcupine. Est-ce que leur population a diminué?
M. Peepre: Oui.
Le sénateur Adams: Vous savez qu'au cours des années, tous les caribous ne restent pas au même endroit tout le temps. Vous comprenez cela, n'est-ce pas?
M. Peepre: Oui.
Le sénateur Adams: Ne pensez-vous pas que certains pourraient se déplacer dans une autre région?
M. Peepre: Oui. Ce chiffre n'est pas le mien. C'est un chiffre qui a été fourni par le Service canadien de la faune, en collaboration avec le peuple Gwich'in. En fait, c'est le Porcupine Caribou Management Board qui en est arrivé à ce chiffre. C'est le fruit d'une collaboration entre les scientifiques et la population locale. Ils ont déterminé que l'ensemble de la harde avait diminué. Ils n'offrent pas d'explications car, actuellement, il n'y a pas d'activités de mise en valeur dans le territoire des caribous de la Porcupine. La harde est donc intacte.
Le sénateur Adams: Les caribous vont n'importe où, tant qu'ils ont de la nourriture et de l'eau. Ils n'utilisent pas les mêmes pistes chaque année. Vous comprenez cela, n'est-ce pas?
M. Peepre: Oui. Le territoire du caribou de la Porcupine couvre toute la partie nord du Yukon ainsi qu'une énorme partie du nord de l'Alaska.
Il est vrai que le caribou se déplace beaucoup au cours de l'année, mais les aires de mise bas principales sont limitées. La harde de caribous de la Porcupine, au Yukon, utilise des aires très différentes sur son territoire hivernal. Mais depuis 10 à 15 ans, elle est toujours retournée à un endroit bien précis pour la mise bas.
Il est vrai qu'ils se déplacent autour des aires de mise bas principales, mais ils restent essentiellement dans la même région. Il y a des raisons bien précises à cela. Sur la côte nord, c'est parce qu'ils veulent éviter les insectes et qu'il existe là des plantes bien particulières.
Le sénateur Hays: J'aimerais parler de l'effet qu'aurait une modification des limites sur la position de négociation du Canada et la position constante de l'administration des États-Unis face à ce que proposent le sénateur Stevens et le sénateur Murkowski sur la conservation de la faune nationale en Alaska. Avez-vous des observations à ce sujet?
On nous a beaucoup parlé de projets de parcs et délimitations. Ce ne sont pas encore des parcs puisque le Parlement n'a pas encore décidé d'en faire des parcs. Pourquoi est-ce si important dans ce contexte?
Mme Granskou: Voilà de bonnes questions.
Premièrement, je parlerai brièvement de la position du Canada au sujet du Refuge faunique national dans l'Arctique. C'est une des principales priorités de notre politique étrangère depuis plus de 10 ans. En 1995, le président Clinton a opposé un veto à un projet de loi budgétaire qui aurait ouvert les aires de mise bas à des activités de mise en valeur, en raison en partie de l'intervention du gouvernement canadien, aux niveaux les plus élevés, en faveur d'une conservation de la région.
Si cette limite est modifiée, nous savons de source sûre que cela détruirait des années de travail à l'appui des collectivités autochtones et de l'environnement. Certaines délégations du Congrès en particulier, que vous connaissez, utiliseraient cela contre nous et pour favoriser la mise en valeur dans cette région très vulnérable.
Il est difficile pour le Canada de jouer un rôle de chef de file sur une question très importante comme celle des aires de mise bas des caribous et d'en adopter une autre sur une autre question.
M. Peepre: J'aimerais parler de la position du gouvernement du Yukon. J'ai ici une lettre du chef du gouvernement du Yukon sur sa position au sujet de la harde de caribous de la Porcupine. Notre chef de gouvernement, Piers McDonald, s'est rendu récemment à Washington où il a parlé avec le sénateur Stevens au sujet de la harde de caribous de la Porcupine. Il a réaffirmé la position ferme du gouvernement du Yukon selon laquelle il faut protéger toute l'aire de mise bas principale de la harde de caribous de la Porcupine en Alaska. C'est la position que défend le gouvernement du Yukon depuis 20 ans.
Le peuple Gwich'in a également déclaré que la position diplomatique du gouvernement canadien est extrêmement importante. Mais il est aussi important que le Canada agisse clairement afin de ne pas nous retrouver dans une situation contradictoire où nous ferions la morale aux Américains sur un sujet que nous négligeons chez nous. Les Gwich'in sont très fermes sur ce point.
Je ne suis pas Gwich'in et je ne peux pas parler pas en leur nom. Mais je fais partie d'un comité directeur chargé d'aider à définir les exigences en matière de protection de la harde de caribous de la Porcupine.
Le sénateur Hays: Connaissez-vous la position du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest sur la harde de la Porcupine, et plus particulièrement sur les aires de mise bas dans le refuge faunique de l'Arctique?
M. Peepre: Je ne connais pas la position officielle du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Les Inuvialuit participent activement aux efforts visant à sauver l'aire de mise bas principale dans cette région.
Le sénateur Hays: Nous parlons d'aires de mise bas et de la période de mise bas en mai. Quelle est la période de gestation du caribou? Est-ce que les femelles ovulent plus d'une fois pendant la période d'accouplement?
M. Peepre: Je n'ai pas de formation de biologiste et je ne voudrais donc pas m'aventurer dans un domaine que je connais pas. Je suis sûr que le sénateur Adams en saurait davantage sur ce point.
Le sénateur Hays: Je lui parlerai plus tard.
Le président: J'ai de la difficulté à comprendre l'argument précédent. Il me semble que lorsque le comité s'est rendu à Washington avec le président Carney, nous avons rencontré des représentants qui ont parlé en faveur de la préservation de la harde des caribous de la Porcupine et des aires de mise bas. Je me rappelle également que nous avons affirmé fortement notre position à ce sujet. Or, j'essaie de faire le lien avec la question qui nous occupe; nous sommes ici pour fixer la limite du parc et nous sommes ici pour écouter les intéressés. Les responsables des Territoires du Nord-Ouest se sont adressés à nous, ainsi que les autochtones. Ils nous ont dit que les caribous Bluenose ne posaient pas le même genre de problème.
On parle de forer des puits de pétrole dans la région, alors que dans le cas présent on parle d'une mine souterraine de la taille d'un centre commercial. Pouvez-vous nous présenter des arguments plus solides sur le danger de ce précédent, étant donné que, selon moi, les deux régions ne sont pas analogues?
M. Peepre: Les régions sont semblables sur le plan écologique. Les troupeaux de la toundra sont différents dans la mesure où ce sont des troupeaux différents qui occupent des niches différentes de l'écosystème. Mais la vraie question, c'est celle de la fonction des aires de mise bas principales. Qu'il s'agisse d'exploitation pétrolière ou d'une mine métallique, la question est la suivante: Plaçons-nous indûment ces troupeaux de caribous dans une position de risque? Le risque est-il trop élevé pour procéder à l'exploitation?
Premièrement, même si l'industrie minière nous dit que cette mine n'occuperait que la superficie d'un centre commercial, si l'on tient compte de l'infrastructure et des exigences de la prospection pour l'exploitation de mines métalliques, nous pouvons tous convenir que cela laisse des traces beaucoup plus importantes et pendant beaucoup plus longtemps. Si vous ajoutez toute l'infrastructure, cela devient considérable.
Deuxièmement, au Yukon, là où l'on a prospecté et foré et où l'on n'a pas réalisé les travaux de remise en état, il reste des cicatrices permanentes. En fait, la remise en état dans le Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest prendra des siècles. Les effets sont durables.
Est-ce un précédent? Les gens du Yukon le voient davantage comme une question d'analyse des risques. Ils estiment que les Américains pourraient alors présenter des arguments solides pour réfuter la position canadienne. Qu'il s'agisse d'exploitation de mines métalliques ou d'exploitation pétrolière, ce n'est pas la question. La question est la suivante: Perdrons-nous notre crédibilité sur le plan international en adoptant une position diplomatique sur la harde de caribous et une position différente sur une autre harde? C'est une question de cohérence.
Le sénateur Adams: Je préfère parfois ne pas poser de questions aux témoins qui ne viennent pas de ma région, car ils essaient souvent de dire aux gens du Nord comment vivre. Vous habitez là-bas depuis 12 ans. Vous êtes-vous rendu sur le terrain pour chercher des minéraux? Vous êtes payé toutes les deux semaines, mais vous pouvez voir tous les gens de votre communauté qui n'ont pas de travail. Chaque fois que nous essayons de protéger quelque chose, nous faisons tort à des gens dans la collectivité.
Il y a des années, Greenpeace a fait campagne dans tous les États-Unis et dans le Nord. À combien de gens cette campagne a-t-elle nui? Les gens ne peuvent plus chasser le phoque et le renard. Ils ne peuvent plus faire de trappage. Quelle sera la prochaine campagne? Voulez-vous protéger les mammifères? Nous protégeons les mammifères.
J'ai parfois honte de dire aux gens d'Ottawa que certains groupes font tort à la population des communautés du Nord. Vous dites que vous vivez là bas depuis 12 ans. Qu'avez-vous appris depuis tout ce temps?
Vous n'achetez pas des machines ou des motoneiges pour aller chasser. Les gens doivent acheter des fusils et de l'essence pour travailler sur la terre.
Le caribou sera toujours là. Ce n'est pas une mine qui va les tuer. Si l'on exploite une mine, les gens du Nord auront un meilleur avenir. Ils ne se suicideront pas parce qu'ils n'ont pas de travail.
Dans le Nord, tout est coûteux. Imaginez des gens de Toronto dire à la population de Paulatuk d'adopter le projet de loi C-38 sans modification. Si nous n'avons pas d'exploitation minière, quel sera notre avenir?
Vous avez parlé du faucon pèlerin. Je peux aller sur place et les voir revenir chaque année à leur nid. Personne ne les dérange. Vous pouvez voir les caribous sur les pistes d'atterrissage. Vous pouvez voir les boeufs musqués qui se nourrissent à l'extérieur des camps miniers. Le boeuf musqué commence à se déplacer vers la mer parce que le climat se réchauffe, qu'il y a trop de moustiques et qu'il cherche un endroit plus frais. Il semble que les caribous font la même chose l'été. Ils se rendent près de la côte parce qu'il y a trop de moustiques.
Les gens nous ont demandé quand l'exploitation minière commencerait. Ils ne croient pas que les mines vont nuire aux troupeaux. Quelle importance 2 p. 100 des terres peuvent-elles avoir, lorsque les limites définitives n'ont même pas encore été approuvées? Les consultations ne sont pas encore terminées sur les limites du Nunavut. Je peux appuyer les gens qui vivent à Paulatuk et travaillent avec les Inuvialuit. Je ne peux pas appuyer ce que les témoins nous disent aujourd'hui.
M. Peepre: Merci de vos observations. Premièrement, j'aimerais dire un certain nombre de choses au sujet de notre organisation.
Nous admettons qu'il y a quelques années, certains organismes environnementaux se sont rendus dans le Nord pour y faire la morale à propos du piégeage et de la chasse. Nous savons très bien les dommages qu'ils ont causés. Je tiens à vous assurer que la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada n'est pas et n'a jamais été une organisation anti-piégeage ou anti-chasse. Nous sommes tout à fait d'accord avec les accords de revendications territoriales dans le Nord. Nous ne nous sommes jamais opposés à la chasse ou au piégeage.
Je veux que le comité comprenne bien que les organisations environnementales ne sont pas toutes semblables. La Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada est composée de représentants des communautés du Nord. Nous avons des membres à Old Crow, où vivent les Gwich'in, et de tout le Yukon. Nous avons des membres à Inuvik et dans toutes les collectivités des Territoires du Nord-Ouest.
Nous travaillons avec les collectivités du Nord. Actuellement, nous travaillons sur les aires protégées, dans les parcs nationaux et territoriaux du Yukon, à la demande le plus souvent des Premières nations. C'est à la demande des collectivités que nous sommes invités à travailler sur ces questions. Je ne pense pas que nous essayons de dicter quoi que ce soit. Nous voulons collaborer avec les collectivités. Nous travaillons avec elles et nous nous sommes engagés dans plusieurs projets. Nous travaillons notamment en collaboration avec les Gwich'in sur la question des caribous de la Porcupine.
Je suis fier d'être du Nord, mais je suis également fier d'être Canadien. J'aimerais dire que nous parlons ici d'un parc national. C'est la raison de notre présence ici. Tous les Canadiens se préoccupent de l'avenir du parc national Tuktut Nogait. Nous avons beaucoup de respect pour la collectivité de Paulatuk et les aspirations des Inuvialuits, mais nous sommes ici pour présenter des divergences de point de vue. Nous voulons que vous sachiez que d'autres gens du Nord, au Yukon, ont des opinions différentes. Toutes les organisations autochtones du Yukon n'ont pas les mêmes opinions. Il y a une diversité de points de vue. Nous sommes ici pour représenter une partie de cette diversité. Mais j'en reviens au fait qu'il s'agit d'un parc national.
Pour ce qui est des emplois, nous avons beaucoup réfléchi à l'aspect économique des aires protégées et de la mise en valeur des ressources. Nous nous inquiétons du fait que l'exploitation minière et le développement industriel sont très souvent des projets à court terme. Nous ne tenons pas compte des coûts à long terme. J'ai fait allusion à l'exemple de Faro et à l'énorme dette publique.
Nous ne nous opposons pas à l'extraction minière. Nous nous inquiétons des promesses de richesse et d'emplois alors que ces emplois sont souvent à court terme et créent des problèmes avec lesquels la collectivité doit vivre ensuite pendant des décennies ou même des siècles.
Nous avons eu des exemples de déversement de déchets acides dans le Yukon que l'on tente maintenant de nettoyer. Nous demandons qu'il y ait un équilibre entre la conservation et la mise en valeur. Nous ne sommes pas contre l'extraction minière, mais nous nous inquiétons de certains arguments économiques utilisés pour la justifier.
Les aires protégées du Yukon ont une valeur économique. Mais elles en ont une aussi dans les Territoires du Nord-Ouest. La différence est que lorsqu'un parc est créé, il n'y a pas nécessairement 100 emplois pendant cinq ans. Il y a peut-être 10 à 15 emplois permanents. C'est une des différences. Les retombées sont énormes. Le tourisme est la deuxième industrie maintenant au Yukon. Je suppose que c'est la même chose dans les Territoires du Nord-Ouest.
Nous devons trouver d'autres solutions pour l'avenir du Nord. Oui, nous avons besoin d'une forte industrie minière. Nous avons besoin d'une forte industrie forestière communautaire là où il y a des arbres, dans la partie sud de notre région. Mais le tourisme est également considéré comme un moteur économique dans le Nord. En garantissant la santé des hardes de caribous et en nous dotant d'un réseau de parcs nationaux, nous pouvons garantir la stabilité économique des gens du Nord.
Le sénateur Butts: Madame Granskou, j'ai noté vos sept points. Je suis étonné que vous n'ayez pas parlé des autres parcs dont les limites sont déjà fixées, mais qui ne relèvent pas de la Loi sur les parcs nationaux au Canada en général. Est-ce que cela vous préoccupe?
Mme Granskou: Oui, beaucoup. Ce ne sont pas seulement les sept parcs nationaux qui ne relèvent pas de la loi qui nous préoccupent énormément, se sont toutes les aires protégées au Canada. Je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure sur le fait que les Canadiens comptent sur un réseau de parcs nationaux pour maintenir les normes les plus élevées de gestion des aires protégées, fondées sur la nécessité de protéger l'écosystème.
Si l'on décidait de modifier les limites d'un parc national, pour répondre aux intérêts miniers, en particulier en retirant une aire essentielle à la faune, cela inciterait l'industrie à faire pression pour obtenir l'accès à des aires protégées dans tout le Canada. Je sais d'expérience que se fait déjà en Ontario, au Manitoba et dans d'autres régions.
Cela va au-delà du réseau des parcs nationaux. D'abord et avant tout, les décisions sur la délimitation des parcs nationaux ont une grande influence sur notre crédibilité nationale. Tous les Canadiens veulent que ces limites soient permanentes, crédibles et sûres. L'industrie parle de certitude commerciale. Nous avons besoin d'une certitude en matière de conservation également.
C'est là la principale préoccupation du milieu de la conservation pour ce qui est des autres parcs nationaux.
Le président: Mais il faudrait ajouter que nous sommes ici pour fixer les limites du parc. Le parc n'est pas encore créé. C'est pourquoi nous tenons ce débat. On nous parle comme s'il s'agissait d'un fait accompli, comme si le parc existait déjà et que nous devions en modifier les limites. Nous sommes ici pour fixer les limites du parc en tenant compte de tous les témoignages.
Le sénateur Butts: Un accord a été signé au sujet des limites. Ce qui n'est pas fait, c'est le rajout du parc à la liste des parcs régis par la Loi sur les parcs.
J'aurais maintenant une question pour M. Peepre. Vous y avez répondu en partie, mais une blague circule ici au sujet du fait que ce parc coûte 10 millions de dollars pour deux emplois. J'aimerais en savoir plus. Pourriez-vous me dire ce qui s'est passé au Yukon? Par exemple, vous dites que cela représente 8 millions de dollars par an de recettes directes et vous parlez des emplois dans le parc et des retombées touristiques. Pouvez-vous nous donner des chiffres qui me permettraient de voir autre chose que ces deux emplois?
M. Peepre: Je n'ai pas les chiffres sur les prévisions qui ont été faites pour le parc national Tuktut Nogait, mais je peux vous parler de deux ou trois choses que je crois intéressantes.
Le ministère des Parcs des Territoires du Nord-Ouest a réalisé une étude sur cette question. En général, les parcs sont un investissement judicieux. On a découvert que pour chaque dollar que le gouvernement investit, on obtient environ 3 $ en retombées, comme le tourisme. Dans la plupart des cas, les parcs ne perdent pas d'argent; en fait, ils créent de nouveaux emplois et des possibilités économiques. Ce n'est pas comme si c'était une perte pour l'ensemble de l'économie. Voilà un point important.
Bien que Parcs Canada n'investisse qu'un montant d'argent limité dans la gestion du parc national Tuktut Nogait, il y aura certainement, et il y a déjà probablement, une petite industrie touristique qui se développera.
J'aimerais ajouter qu'il existe un petit parc territorial au nord du Yukon appelé le parc territorial Herschel Island. En fait, ce parc a permis de créer seulement quatre emplois saisonniers, mais ces quatre postes occupés par des habitants de Aklavik sont extrêmement importants car il n'y a pas d'autres sources d'emploi. Un petit nombre d'emplois dans une toute petite localité peut avoir des retombées importantes si quatre personnes touchent un salaire la moitié de l'année au moins. C'est le contexte dans son ensemble qu'il faut envisager, sur une longue période.
Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, on estime normalement que pour chaque dollar investi, on obtient beaucoup plus par la suite. Je pourrai vous donner des exemples plus précis sur le Yukon si vous voulez. Je ne sais pas quelles précisions vous souhaitez.
Le sénateur Butts: C'est utile. Nous parlons ici de postes garantis, ce que les mines ne peuvent pas offrir. Si nous obtenons 3 $ pour chaque dollar dépensé, de quoi nous plaignons-nous?
Le sénateur Adams: Pourquoi ont-ils besoin de tourisme dans le parc Tuktut Nogait pour créer des revenus? Actuellement, nous parlons de protéger le caribou et d'interdire toute activité dans le parc. Pourquoi les touristes devraient-ils s'y rendre?
M. Peepre: Ce serait à la collectivité de décider.
Le sénateur Adams: J'estime qu'il n'y a pas de revenu possible pour la collectivité. On parle de 10 millions de dollars dépensés par Parcs Canada depuis sept ans. En attendant, on parle de limites qui n'ont pas encore été fixées. Maintenant on parle d'introduire le tourisme. Nous disons qu'il ne faut pas perturber le caribou, mais s'il y a des touristes, ils vont perturber les caribous pendant la saison de mise bas. Il n'y a pas de route et on ne peut pas construire de route. Comment les touristes se rendront-ils au parc? Savez-vous combien cela coûte de passer des vacances à Paulatuk?
M. Peepre: Oui, je le sais. Il y a de bons exemples au Yukon. Il y a le parc national Ivvavik et le parc national Vuntut. Nous avons sauvegardé ces aires pour protéger les hardes de caribous. Dans le cas du parc national Vuntut, les Gwich'in voulaient maintenir leur approvisionnement en eau et ainsi de suite. Maintenant que le parc existe, on travaille déjà aux possibilités touristiques à Ivvavik.
Par exemple, les Inuvialuits possèdent une compagnie d'affrètement d'aéronefs et transportent régulièrement des touristes au parc national Ivvavik et jusqu'au parc territorial de Herschel Island. Il y a des centres d'interprétation et des visites guidées de la nature. Tout cela s'est développé depuis la création du parc.
Vous avez soulevé un argument important. Personne ne suggère de créer du tourisme de masse, qui perturbera le caribou. Mais les gens qui visitent cette région apprécient la possibilité de voir des caribous lorsque c'est possible. Au Yukon, nous constatons que l'intérêt international pour les territoires a augmenté de 20 p. 100 depuis cinq ans. Les Allemands, les Autrichiens et d'autres Européens s'intéressent énormément à la faune, mais également aux cultures autochtones du Yukon. Ils sont très intéressés par les activités guidées.
Pourtant, ce sont des vacances onéreuses, mais les gens sont prêts à payer le prix et le font déjà.
Le sénateur Adams: Entre le Canada et les États-Unis, nous avons maintenant une surpopulation d'oies blanches et nous allons nous battre pour savoir qui va tuer les oies cette année et l'année prochaine. Vous ne pouvez pas protéger cette faune. C'est la nature. On ne peut pas réglementer la faune. Actuellement, tous les oiseaux se rendent dans le Nord. Il y a abondance de nourriture, mais il y a surpopulation. Entre l'an dernier et cette année, nous avons eu une très grande quantité d'oies blanches. Comment allons-nous interrompre cette croissance?
On nous a dit que dans 10 ou 15 ans, le parc Tuktut Nogait n'aura peut-être plus de caribous. Que ferez-vous alors avec les gens qui vivent dans cette région?
Le sénateur Butts vous a posé une question sur les 10 millions de dollars dépensés par Parcs Canada. La dernière fois que nous avons entendu des témoins du gouvernement territorial, ils nous ont dit que les emplois restent à Ottawa et ne sont pas créés dans la région. Cela ne crée pas d'emplois sur place. Si vous voulez un parc national, pourquoi aller dans le Nord et créer un parc national? Vous pouvez très bien faire un parc dans le Sud, et qui sauvera le Nord? C'est notre terre et nous voulons la contrôler.
Le sénateur Gustafson: J'aurais un commentaire à faire. Si une modification de 2,5 p. 100 des limites ne changera rien au fait que s'il y a des limites, il y aura toujours des gens qui seront payés pour s'occuper du parc, il est absolument ridicule de dire que ce changement de 2,5 p. 100 modifiera la situation. Le témoin précédent qui a comparu devant le comité a fortement recommandé une utilisation raisonnable, dans des conditions environnementales adéquates, et la présence d'un parc. Pourquoi ne serait-il pas raisonnable d'adopter cette stratégie? Elle me paraît raisonnable.
Ne me dites pas que le retrait de 2,5 p. 100 de ce parc pour permettre une utilisation raisonnable vis-à-vis de l'environnement empêchera la création de quatre emplois à l'intérieur du parc, comme vous l'avez dit. Soyons réalistes.
Le sénateur Taylor: Et si le gouvernement prenait 2,5 p. 100 par an? Rien ne garantit qu'il ne reviendrait pas l'année suivante pour prendre 2,5 p. 100 de plus.
Le sénateur Gustafson: C'est ce qu'il ferait s'il comptait construire une autoroute. Mais la raison doit prévaloir.
Le sénateur Hays: Si Parcs Canada décidait d'être raisonnable -- ce qui n'est pas le cas, c'est donc une hypothèse -- cela impliquerait nécessairement de nouvelles négociations. Ils voudraient certainement faire un échange contre des terres sur la région côtière ou quelque chose du genre, ce qui prolongerait la négociation.
Si Parcs Canada répondait aux demandes des autres intervenants visant à rouvrir la question de la délimitation du parc dans l'intérêt de ceux que Parcs Canada représente, c'est-à-dire nous tous qui voulons que le réseau des parcs soit bientôt terminé, ne pensez-vous pas qu'ils entameraient des négociations plus larges impliquant la région côtière au-dessus du parc et ainsi de suite?
Si vous n'avez pas d'observation à faire, c'est très bien.
Mme Granskou: J'aimerais répondre à vos deux autres questions, si vous le permettez.
La question qui nous occupe porte sur les aires de mise bas principales. N'oublions pas que le premier principe de l'accord sur le parc et sa raison d'être, c'est de protéger la harde des caribous Bluenose. Les aires de mise bas principales sont les lieux d'allaitement. Cette région chevauche les aires de mise bas principales. À notre avis, il n'est pas acceptable de modifier les limites car on doit protéger au maximum les aires de mise bas principales. Comme M. Peepre l'a dit, il y a déjà eu un compromis puisque le parc ne comprend pas la totalité du territoire de mise bas de la harde.
Pour ce qui est de savoir s'il peut être échangé pour d'autres terres afin de ne pas réduire l'ensemble du territoire, je dirais que c'est un projet distinct. Dans ce cas, nous parlons de cette limite en particulier, et c'est pour cette raison que nous n'appuyons pas ce changement.
Le sénateur Hays: Je participe à ces audiences pour ce sujet précis: pour savoir ce qui est prévu pour s'assurer que le cycle de mise bas du caribou Bluenose est respecté et que son intégrité reste intacte, dans la mesure où cela peut se faire parallèlement à la mise en valeur des ressources.
La pose de ces colliers pendant un certain nombre d'années, dont il est question dans l'étude de M. Nagy, m'a permis d'avoir une très bonne idée de la migration des Bluenose. Même s'ils se déplacent dans cette zone en particulier, ils se déplacent dans toute la région. Cette terre précise n'est qu'une petite partie de l'ensemble, et cela ne résout pas le problème de ce qui se trouve ou non dans le parc.
Mais vous avez répondu à cette question du mieux que vous pouviez.
Le sénateur Taylor: D'après mon expérience d'ingénieur des mines, les compagnies essaient d'épuiser les mines en dix ans environ. Il est de loin préférable d'utiliser l'énergie renouvelable que l'énergie non renouvelable. Les travailleurs miniers se déplacent dans le monde entier et ce ne sont pas toujours les populations locales qui obtiennent ces emplois.
Cette région est très bonne pour la pêche à l'omble chevalier de même que pour son panorama. Le tourisme est très important pour créer des emplois. Vous avez parlé du tourisme associé au caribou, mais qu'en est-il de la pêche? Nous détruisons nos rivières à poisson dans la zone tempérée du Canada avec l'exploitation forestière et ainsi de suite. Cette région va donc devenir plus intéressante.
M. Peepre: Je suis heureux que vous souleviez cette question. Nous n'en avons pas parlé dans notre présentation, mais vous avez tout à fait raison. La qualité de l'omble dans la rivière Hornaday de même que le paysage sont des ressources naturelles utilisées pour attirer le tourisme. C'est une dimension importante de ce parc.
Le sénateur Fairbairn: La question d'équilibre a joué un grand rôle dans cette controverse ainsi que dans d'autres, dans les régions nordiques et ailleurs -- comment réaliser le meilleur équilibre entre le développement de la population humaine et la protection de la population animale.
Pensez-vous qu'avec ces limites, on ait véritablement cherché à réaliser un juste équilibre entre la mise en valeur à l'extérieur et la protection à l'intérieur? Voyez-vous là l'équilibre qui préoccupe tant de gens?
Mme Granskou: Au cours de la présentation de Darnley's Bay, j'ai été heureuse d'entendre que les 20 p. 100 à l'intérieur du parc qui les intéressent sont, en fait, les réserves les plus profondes et les moins accessibles, du moins si l'on se fie à l'analyse préliminaire. Il est très heureux que les réserves plus à l'ouest se trouvent plus près de la surface. Par ailleurs, les représentants de la Falconbridge ont déclaré devant ce comité qu'ils continueraient les travaux d'exploration. Si les limites demeurent telles quelles, il est évident qu'ils ne plieront pas bagage.
Visiblement, l'intérêt commercial est toujours là. Dans cette perspective, je dirais oui.
L'industrie minière a signé l'Initiative minière de Whitehorse, qui appuie un système d'aires protégées. Nous lui demandons d'honorer cet engagement. Dans ce cas particulier, une entente a déjà été conclue.
En terme d'équilibre pour les collectivités, on nous a beaucoup parlé d'emplois dans les mines. J'aimerais insister sur l'intérêt que le caribou représente pour les collectivités qui comptent sur cette ressource. Il y a 10 communautés qui souffriraient d'un déclin rapide de la harde de caribous Bluenose. L'omble chevalier est extrêmement important. La zone de frai de l'omble chevalier se trouve à l'intérieur du parc.
En termes d'équilibre, si l'on prend en compte la santé de l'ensemble de la région, la santé de la population de caribous revêt une importance fondamentale. Aujourd'hui, notre présentation était axée sur le maintien de la santé de la faune qui doit être un principe fondamental.
M. Peepre: Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous estimons que des compromis ont déjà été consentis au cours des sept années de négociations, de discussions et d'évaluations prudentes. Nous croyons que ce compromis est bon. Avec 80 p. 100 des minerais à l'extérieur du parc et 20 p. 100 à l'intérieur, ces compromis sont choses faites. Que sommes-nous encore prêts à rogner, en faisant courir des risques aux caribous et aux autres richesses du parc?
Je dirais que l'équilibre est atteint actuellement.
Le sénateur Gustafson: Vous avez présenté un bon argument à propos du tourisme. Si les gens ne viennent pas visiter cette région, le tourisme n'est qu'une blague. Si vous avez des touristes, ils auront une certaine incidence sur les caribous. En ce qui me concerne, du côté économique de la situation, l'argument est plutôt faible.
Premièrement, il s'agit d'une région difficile d'accès. Mais quand bien même les touristes arrivaient en hordes et que vous désiriez leur fournir des services, par exemple en les transportant en hélicoptères ou en construisant des routes -- c'est un argument faible. La société minière a déclaré qu'elle fermerait durant la période de mise bas afin de tenir compte des inquiétudes de la communauté. On parle d'un endroit de la taille d'un centre commercial. Je suis prêt à soutenir que la moindre initiative touristique chasserait deux fois plus de caribous que ne le ferait une mine. C'est indiscutable.
M. Peepre: Comme je l'ai dit, le tourisme est la deuxième industrie au Yukon et, vraisemblablement, dans les Territoires du Nord-Ouest. Le gouvernement du Yukon ne peut pas compter exclusivement sur les industries, parce qu'elles fonctionnent selon un cycle d'expansion et de ralentissement. Des gens viennent de Terre-Neuve pour occuper des emplois miniers au Yukon; ces emplois ne sont pas souvent occupés par la population locale. Les sociétés minières recherchent du personnel qualifié dans le monde entier. Peu d'emplois sont accordés aux gens de la région.
Afin de surmonter ce problème, le gouvernement du Yukon s'est doté d'une politique qui consiste à essayer de diversifier et de stabiliser ce cycle. Pour les gens du Nord, le tourisme représente un élément clé susceptible de garantir leur avenir.
Je suis la première personne à admettre que les collectivités doivent faire preuve d'une extrême prudence quant à la manière dont nous gérons le tourisme, afin de nous assurer qu'il n'y ait pas d'impact négatif sur les ressources que les touristes viennent justement apprécier. J'appuie entièrement votre proposition sur ce sujet, mais il s'agit d'un argument économique.
Très peu de gens sont prêts à créer des aires protégées juste pour servir au tourisme. Ce n'est pas pour cela que nous désignons des aires protégées. Nous les créons pour préserver l'environnement; le tourisme est un bénéfice économique qui vient avec l'établissement d'un parc. Je ne pense pas que beaucoup de gens du Nord veuillent des parcs tout simplement pour en tirer de l'argent. Au fond de nos coeurs, nous voulons la conservation des habitats et reconnaissons les forts bénéfices économiques qui vont de pair avec cela. Il faut se rendre à l'évidence: le tourisme existe déjà et il est en voie d'augmentation. La question est de savoir comment le gérer et de s'assurer qu'il s'agit là d'une alternative viable.
On a récemment entrepris une étude pour les services administratifs des parcs de la Colombie-Britannique et on y indiquait clairement que le système des parcs de la Colombie-Britannique est une industrie d'exportation. L'exploitation forestière et les mines sont des industries exportatrices. Il en va de même des parcs. Les parcs attirent une clientèle touristique internationale qui laisse des dollars frais dans le pays. Le travail consiste à nous assurer que ces parcs soient beaux et qu'ils demeurent beaux longtemps afin de faire en sorte qu'il s'agisse d'une industrie exportatrice viable. Il s'agit là de l'un des trois principaux éléments de l'économie du Nord.
Le sénateur Gustafson: Vous devez admettre que cela est contradictoire jusqu'à un certain point. Vous parlez de l'état et du bien-être du caribou Bluenose et, pourtant, vous parlez d'amener des gens.
Une modification de 2 p. 100, de limites qui n'ont pas encore fait l'objet d'une modification de la loi, n'est pas beaucoup demander pour régler la situation qui nous préoccupe. Cela tient compte des autochtones qui vivent ici et des positions que le sénateur Adams a défendues devant ce comité pendant des jours.
Le sénateur Adams: Pourriez-vous me dire combien de caribous sont nés cette année dans cette région?
M. Peepre: Il me faudra consulter l'étude de John Nagy. Je n'ai pas les chiffres en mémoire.
Le sénateur Adams: Étant donné que ce sujet vous préoccupe, je pensais que vous aviez de l'information là-dessus. Nous avons entendu parler de 122 000 caribous. À l'intérieur de la limite des 2 p. 100, combien de petits caribous naissent chaque année?
Mme Granskou: Je ne pense pas que même John Nagy ait calculé cela.
Le sénateur Adams: C'est vous que cette question préoccupe. Ne lui demandez pas. Vous faites une présentation à ce comité. Dites-le-moi.
M. Peepre: Je ne suis pas certain que quelqu'un le sache, pas même les Inuits. Je ne suis pas certain que quelqu'un connaisse ces chiffres.
Le sénateur Adams: De quoi parlons-nous, alors?
M. Peepre: Nous parlons des risques dans les territoires de mise bas des caribous.
Le sénateur Adams: Étiez-vous là pendant la saison de mise bas? Étiez-vous là lorsque la température changeait après la naissance des caribous? Vous dites qu'un nombre croissant de caribous se font blesser chaque année. Qui les blesse? C'est la nature qui leur fait mal, pas l'industrie minière. Vous comprenez cela, n'est-ce pas? Les animaux, c'est comme ça.
Mme Granskou: Oui.
Le président: Je vous sais gré de ce que vous dites, mais nous ressassons des histoires anciennes et le temps presse. Nos collègues ont d'autres obligations.
Je voudrais vous remercier tous deux pour votre présentation de ce matin. Il s'agit d'une question très importante, qui soulève parfois des débats passionnés, mais il est important que des gens comme vous viennent ici et expriment différents points de vue. Je vous remercie beaucoup pour votre beau travail et aussi d'être avec nous aujourd'hui.
Mme Granskou: Merci de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer.
Le président: Nous devions conclure le premier décembre avec d'autres témoins, dont le ministre. Le sénateur Taylor me fait savoir, ainsi que son caucus, qu'ils souhaitent poursuivre sans autres témoins. Visiblement, mon sort est entre vos mains.
Les autres témoins que nous espérions avoir étaient les autochtones de la région qui devaient négocier d'autres questions relatives à la délimitation du parc. Nous avions également prévu de réinviter le ministre et, le 1er décembre, de poursuivre article par article.
Telle était la situation dans laquelle je pensais que nous nous trouvions et j'avais informé les membres du comité que nous ne voterions pas aujourd'hui sur quelque question que ce soit. Notre sort est visiblement entre vos mains. Sénateur Taylor, vous aimeriez peut-être exprimer le point de vue de votre caucus.
Le sénateur Taylor: Inviter ici d'autres personnes du secteur minier, des milieux écologiques ou autochtones, ne jettera pas de nouvel éclairage sur cette question. Nous avons entendu leurs histoires à deux ou trois reprises et je pense que nous sommes prêts à aller de l'avant.
Pour simplifier les choses, je propose de tenir un vote afin de déterminer si nous devons ou non conclure cette étude. Il n'y a qu'un seul article dans le projet de loi C-38. Une étude article par article ne devrait pas prendre de temps puisqu'il n'y en a qu'un seul.
Le président: Quelle est votre proposition?
Le sénateur Taylor: Que nous passions au vote afin de déterminer s'il faut, oui ou non, procéder à une étude article par article.
Le président: En ce moment vous souhaitez procéder à une étude article par article, n'est-ce pas?
Le sénateur Taylor: Oui
Le sénateur Adams: Je suis déçu que vous vouliez maintenant vous livrer à une étude article par article. Aujourd'hui, ce n'est pas notre première réunion; nous travaillons là-dessus depuis trois ou quatre semaines. Je suis déçu que nous n'ayons pas passé plus de temps sur le projet de loi et que nous n'ayons pas entendu tous les témoins que nous voulions entendre. D'autres témoins désirent se présenter devant le comité, spécialement les autochtones qui s'inquiètent de cette limite. Je refuse de procéder à une étude article par article tant que nous n'aurons pas entendu les autres témoins.
Le président: Nous sommes entrés en contact avec les Inuvialuit, les Dénés et les autochtones de la région de Sahtu et les avons convoqués pour le 1er décembre. Nous reconnaissons le fait qu'ils sont en train de négocier les limites de ce parc. Nous aimerions discuter des questions relatives à l'élargissement de ces limites et obtenir également leur point de vue sur la nature des ententes de cogestion qui ont un grand rapport avec notre débat. C'était pour cela que nous les avions invités.
Nous avions ensuite l'intention d'entreprendre une étude article par article. Nous en étions là d'un point de vue organisationnel, du moins jusqu'à ce que l'on m'avise ce matin que certaines personnes voulaient régler cette affaire aujourd'hui.
Le sénateur Comeau: Si je comprends bien, le sénateur Taylor estime que ces groupes n'ont absolument rien à apporter à l'étude actuellement en cours et que nous avons tout vu et tout entendu. C'est le message que nous enverrions si nous votions.
Le président: Nous ne convoquerions aucun autre témoin. Nous procéderions article par article et conclurions ensuite.
Le sénateur Taylor: Premièrement, ce n'est pas qu'ils n'auraient rien à apporter. C'est qu'ils n'auraient rien de nouveau à nous apporter. En d'autres termes, nous tournons en rond avec ce projet de loi.
Deuxièmement, bien que le président nous ait dit que nous avons demandé à d'autres témoins de se présenter, cela n'a pas reçu l'aval du comité directeur. Nous sommes trois dans ce comité. J'ai vérifié avec l'autre sénateur, mais je tiens à ce que ce soit clair: il ne s'agit pas d'un cas où le comité directeur a changé d'idée. De son propre chef, le président a demandé à ces deux autres groupes de se présenter. On ne nous a pas informés à ce sujet.
Demander aux membres des Premières nations de continuer à se présenter devant nous n'est rien qu'une tactique dilatoire. Il n'y a rien de neuf à ajouter. Nous pouvons faire venir un autre groupe autochtone. Cela peut continuer à l'infini et n'apportera rien de neuf. C'est aussi simple que ça: ils veulent un parc et il existe une limite à ce parc.
Il n'est pas question de régions de mise bas du caribou Bluenose, de pêche ou de quoi que ce soit d'autre. La question est celle-ci: avons-nous le droit de modifier les limites d'un parc parce que nous pensons qu'il y a quelque chose de plus profitable à l'intérieur de ces limites qu'un simple parc? Il s'agit d'un problème, surtout à ce stade-ci, parce que -- et c'est l'ingénieur et le géologue qui vous parle -- il s'agit d'un projet hautement spéculatif. Ils ont dit de façon optimiste qu'il y a à peu près une chance sur 100 que l'on puisse trouver quelque chose à cet endroit.
Je ne pense pas que nous devrions donner aux Canadiens l'impression que l'on peut changer les limites proposées des parcs simplement parce que quelqu'un pense qu'une mine ou un puits de pétrole peut présenter un avantage économique. Je viens d'une province où nous éprouvons beaucoup de difficultés avec la production pétrolière. Les Néo-Écossais ont vécu le même problème. Toutes ces choses tournent en rond. Laissez-nous régler cette affaire. Nous devons assister à d'autres réunions du comité et cette affaire prend beaucoup trop de temps.
Le sénateur Butts: Les limites du parc se trouvent sur les terres du règlement de la revendication foncière des Inuvialuit. Les autres qui se trouvent à l'extérieur peuvent encore constituer un parc ou faire partie de ce parc. Dans le cas présent cependant, on enlève une partie des terres des Inuvialuit qui avaient été incluses dans ce parc, et cela avait été consigné dans une entente. Faire venir quelqu'un du sud ou de l'est du pays n'ajoutera rien à notre compréhension du projet de loi C-38. C'est mon opinion. Il y a assez longtemps que nous tournons autour du pot.
Le sénateur Stratton: Et qu'arrivera-t-il s'ils trouvent quelque chose dans le parc?
Le sénateur Taylor: Ils ne peuvent rien trouver dans le parc parce que dès qu'il s'agit d'un parc, ils ne peuvent plus faire d'exploration.
Le sénateur Stratton: Il y a peut-être un important filon.
Le sénateur Taylor: Oui, tout comme il y en a peut-être un sous la ville de Banff.
Le sénateur Stratton: Si je comprends bien, vous nous dites que nous devrions laisser les choses telles qu'elles sont?
Le sénateur Taylor: Oui.
Le sénateur Stratton: Si cet important filon existait vraiment et s'il était découvert, qui en tirerait profit? Les populations nordiques?
Le sénateur Taylor: Voilà qui est sujet à caution. Je suis ingénieur minier et il existe autour du monde un tas de gens prêts à affirmer que les mines n'ont pas fait grand-chose pour eux. Vous nous demandez qui bénéficierait de la découverte éventuelle d'une mine. Comment pouvez-vous trouver une mine dans un parc s'il n'existe pas de règlements?
Le sénateur Stratton: C'est précisément ma question. Une partie de notre discussion sur la forêt boréale représentait, pour les groupes autochtones, une tentative d'élargir leur territoire afin de pouvoir améliorer leur avenir économique. Ici, nous fermons la porte à ce potentiel pour ces populations nordiques.
Le sénateur Taylor: Je pense que vous êtes arrivés un peu tard.
Le sénateur Stratton: C'est vrai.
Le sénateur Taylor: Près de 80 p. 100 de la structure se trouve à l'extérieur du parc.
Le sénateur Stratton: Qu'arriverait-il si les 20 p. 100 qui se trouvent à l'intérieur étaient constitués par le filon?
Le sénateur Taylor: Lorsqu'on aura découvert et extrait du sous-sol les 80 p. 100, les sénateurs de l'époque devront peut-être se poser la question. Une fois qu'on aura exploité le minerai jusqu'aux limites du parc, faudra-il permettre à la compagnie minière de se faufiler en dessous? Pour le moment, 80 p. 100 de l'anomalie prospectée se situe à l'extérieur du parc et, de toute façon, elle avancera.
Le président: La question qui se pose à nous maintenant est celle-ci: Allons nous examiner ou non le projet de loi article par article aujourd'hui ou renvoyer l'affaire au 1er décembre? Peut-être pourrions-nous réfléchir à la proposition du sénateur Taylor, à savoir si oui ou non, nous devons en finir. Doit-on délibérer sur ce point?
Le sénateur Hays: Je regarde autour de la pièce et remarque cinq membres de l'opposition et sept membres du gouvernement, dont l'un, dans la personne du sénateur Adams, ne sera peut-être pas en faveur de la conclusion des travaux du comité. Sur le plan pratique, nous devrions peut-être demander l'avis du sénateur Adams pour voir si oui ou non il désire entendre d'autres témoins. Je ne pense pas me tromper en disant que s'il vote pour ne pas régler maintenant cette affaire, la proposition du sénateur Taylor se retrouvera dans une impasse.
Monsieur le président, peut-être pourriez-vous demander au sénateur Adams ce qu'il a l'intention de faire. D'après mon évaluation des personnes ici présentes, la décision lui appartient.
Le président: Il semble que vous détenez le pouvoir ce matin, sénateur Adams.
Le sénateur Adams: Vous avez mentionné deux autres témoins. Il s'agit de gens que le Service canadien des parcs n'a jamais consultés à propos des limites. Nous pouvons aller au 1er décembre, mais s'il nous faut voter aujourd'hui, si ces deux autres témoins ne sont pas convoqués et ne livrent pas leur témoignage, je voterai contre le projet de loi.
Le président: Pour mémoire, j'aimerais dire quelque chose. Sénateur Taylor, vous n'étiez peut-être pas en ville à cette époque, mais vous vous souvenez peut-être de la réunion que j'ai eue dans notre bureau, et d'une note de service de mon bureau au vôtre suggérant une rencontre, le 1er décembre, en ce qui concerne les deux témoins supplémentaires. Je serais heureux de vous montrer une copie de cette note. Toutefois, ce n'est pas ce qui nous intéresse ici.
Sénateur Hays, vous avez votre réponse je suppose.
Le sénateur Hays: Voulez-vous toujours procéder à un vote, sénateur Taylor?
Le sénateur Taylor: J'en conclus, sénateur Adams, que vous tenez à avoir d'autres audiences.
Le sénateur Adams: Oui.
Le sénateur Taylor: Je vais retirer ma motion.
Le président: Compte tenu de cela, nous levons la séance jusqu'au 1er décembre, date à laquelle nous terminerons nos audiences sur la question.
La séance est levée.