Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 17 - Témoignages du 9 mars 1999
OTTAWA, le mardi 9 mars 1999
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit ce jour à 10 h 07 pour examiner des questions liées à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles au Canada.
Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous accueillons aujourd'hui parmi nous M. Stewart, président-directeur général de l'Association nucléaire canadienne, et M. Hunt, directeur des relations gouvernementales et des publications de l'Association. Merci de participer à notre examen de la situation du Canada en ce qui concerne l'énergie nucléaire.
Le moment choisi par le comité pour vous entendre est quelque peu intéressant, étant donné l'attention qu'attire depuis quelques années le secteur nucléaire. Le comité s'efforce d'être contemporain et de traiter de questions qui intéressent le public. Or, dans ce cas-ci, nous ignorions toute l'attention qui allait être portée à cette question en même temps que nous nous y penchions. Votre comparution devant nous aujourd'hui est par conséquent d'autant plus significative dans la poursuite de nos audiences au sujet de ce secteur important.
Mes collègues vous poseront des questions une fois votre exposé terminé. Allez-y, je vous prie.
M. Murray Stewart, président-directeur général, Association nucléaire canadienne: Nous sommes très heureux d'être ici ce matin et de l'occasion qui nous est ainsi donnée de discuter avec vous de cette question d'actualité.
J'ai fait distribuer à l'intention de chacun d'entre vous une pochette de renseignements généraux comprenant deux articles sur l'énergie nucléaire. L'un porte tout particulièrement sur le développement durable et l'autre traite du changement climatique. Je vais assez rapidement passer en revue les transparences que vous trouverez dans la pochette. Un autre document contenu dans la chemise fait la présentation d'un certain nombre de sociétés qui sont actives au sein du secteur nucléaire canadien et que vous ne connaissez peut-être pas.
Je vais vous donner un aperçu général de notre association et de la contribution de la technologie nucléaire au Canada. Je vais vous expliquer le rôle que peut jouer le nucléaire en ce qui concerne le changement climatique, bien que j'aie cru comprendre que le comité va examiner le changement climatique de façon plus détaillée à une date ultérieure. Je vais néanmoins vous donner un petit avant-goût de certaines des choses que nous faisons relativement au changement climatique. Je me ferai ensuite un plaisir de répondre aux questions que vous aurez à nous poser au sujet de notre industrie.
L'Association nucléaire canadienne a été créée en 1960. Elle regroupe une vaste gamme d'entreprises qui s'intéressent au nucléaire. Y figurent les mines de la Saskatchewan; des industries de transformation, des sociétés d'experts-conseils en génie; des fournisseurs d'électricité qui ont des réacteurs nucléaires au Canada -- Ontario Hydro, Hydro-Québec, Énergie NB -- et nombre de leurs fournisseurs; plusieurs banques et sociétés de crédit qui ont des intérêts dans le nucléaire; ainsi que le secteur médical, dont je vais vous parler dans un instant. Un gros volet de notre industrie est celui des radio-isotopes, et c'est pourquoi nous intéressons des sociétés comme la MDS Nordion, un très gros producteurs de radio-isotopes à Kanata. Nous couvrons une très large fourchette de l'industrie nucléaire.
Je décris souvent notre industrie ici au Canada comme ayant trois pieds. Le premier pied est le secteur d'extraction et de transformation de l'uranium. Le Canada est le premier fournisseur mondial d'uranium. Nous fournissons plus du tiers de l'uranium produit dans le monde. Ce secteur connaît à l'heure actuelle au Canada une expansion formidable avec la construction de trois nouvelles mines en Saskatchewan. Grâce à ces mines, le Canada sera compétitif et maintiendra sa position de leader loin dans le XXIe siècle.
Le deuxième pied est le secteur de la médecine nucléaire, de l'irradiation des aliments et des isotopes industriels. Ici encore, le Canada est un chef de file mondial pour certains isotopes, comme par exemple le Cobalt-60. Le Canada compte pour plus de 90 p. 100 de la production mondiale d'isotopes destinés à des fins médicales et d'irradiation des aliments. Le gros de cette production se fait en fait à Kanata. Chaque année, des dizaines de milliers de chargements d'isotopes destinés à des fins médicales, industrielles et d'irradiation des aliments quittent l'aéroport d'Ottawa à destination des quatre coins du globe. Il s'agit là d'un élément clé de l'industrie nucléaire canadienne.
Le troisième pied est la production d'énergie. Aujourd'hui, je vais me concentrer sur la production énergétique et sur les réacteurs CANDU. Environ 17 p. 100 de l'électricité produite au Canada est de source nucléaire. Cela intéresse l'Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick. Nous croyons posséder la meilleure technologie dans le monde pour la production et la livraison d'énergie nucléaire, et je veux parler ici du système CANDU.
En ce qui concerne l'envergure de l'industrie nucléaire au Canada, environ 30 000 personnes y sont directement employées. Si l'on y inclut les emplois indirects, le nombre total passe à 100 000. Ces 100 000 personnes sont réparties parmi 150 sociétés, d'un bout à l'autre du pays. La valeur de l'industrie canadienne se chiffre à environ 6 milliards de dollars. J'ai mentionné que nous sommes le principal fournisseur d'uranium. Nous sommes un exportateur net, ce qui est rare parmi nos industries de haute technologie.
L'industrie nucléaire produit de nombreuses retombées. Par exemple, l'un de nos membres est la CAE Electronics Ltd., qui produit les simulateurs de vol pour les 747 et les Airbus. La technologie qu'emploie cette société a ses origines dans l'élaboration de simulateurs de réacteurs nucléaires. C'est là sa technologie de base, et c'est grâce à cela que la CAE Electronics s'est lancée dans le domaine de la simulation. Cela vaut également pour Spar Aerospace Limited et la mise au point du télémanipulateur spatial Canadarm. La technologie de base de la robotique canadienne est le système robotique de chargement de combustible dans les réacteurs CANDU.
Ces entreprises qui ont élargi leur gamme de produits ont fait leurs débuts dans l'industrie nucléaire canadienne. Pour chaque réacteur CANDU que nous exportons dans le monde, il y a, invariablement, un simulateur de la CAE Electronics qui sert à la formation des opérateurs des réacteurs. Ce n'est pas différent de la façon dont sont formés les pilotes de 747.
Le nucléaire fournit environ 17 p. 100 de l'électricité produite dans le monde, et ce grâce à un tout petit peu plus de 400 réacteurs nucléaires en exploitation dans le monde. À l'échelle mondiale, les combustibles fossiles sont la principale source d'énergie utilisée dans la production d'électricité. Plus de 60 p. 100 sont des combustibles fossiles qui jouent un rôle dans le changement climatique. Au Canada, près de 80 p. 100 de l'électricité est d'origine nucléaire ou hydroélectrique, très peu de combustibles fossiles étant utilisés. En effet, l'on n'utilise des combustibles fossiles qu'en Alberta et dans les provinces maritimes. Le Canada a un secteur de production d'électricité propre du fait qu'il soit principalement hydroélectrique et nucléaire.
L'on construit à l'heure actuelle dans le monde environ 30 réacteurs nucléaires. Il n'y en a pas qui soient en chantier en Amérique du Nord et il y en a très peu en Europe. Il y a une tranche finale en France. La plupart des nouveaux réacteurs sont en construction en Extrême-Orient, au Moyen-Orient, dans les pays russes et en Asie du Sud. Il y a toujours une participation active à la construction des nouveaux réacteurs nucléaires. Au cours de l'année écoulée, il a été enregistré à l'échelle mondiale une augmentation nette de la puissance nucléaire d'environ 6 000 à 7 000 mégawatts. Comme je le disais, il ne se construit pas en Amérique du Nord de nouveaux réacteurs, principalement à cause de la déréglementation. Tant que l'Amérique du Nord n'aura pas utilisé toute son électricité excédentaire, il ne sera pas nécessaire de prévoir de nouvelles sources de génération. Au cours des dix dernières années, l'on n'a construit que très peu de nouvelle capacité de génération. Ce que l'on a construit, surtout, ce sont des centrales de cogénération thermiques, avec des turbines au gaz naturel.
J'aimerais maintenant mentionner trois choses au sujet de l'énergie nucléaire. Tout d'abord, le nucléaire est compétitif; deuxièmement, il y a la gestion des déchets en provenance du nucléaire; et, troisièmement, j'aimerais vous fournir davantage de précisions au sujet de l'impact du nucléaire sur le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre.
Pour ce qui est de la compétitivité du nucléaire, la preuve la plus éloquente est que la totalité des 400 réacteurs existants dans le monde ainsi que les 30 réacteurs en construction ont été construits ou sont en train d'être construits pour des raisons économiques. Heureusement, ou malheureusement, on ne les construit pas pour des raisons environnementales. Qu'il s'agisse de la Corée, de la Chine ou d'un quelconque autre pays, c'est la source énergétique la moins coûteuse dans le contexte de son application à la situation particulière du pays.
La transparence que je vous montre maintenant donne les coûts du cycle de vie de l'énergie nucléaire comparativement à la cogénération et à la production à base de charbon. Ces chiffres ont été préparés par Ressources naturelles Canada dans le cadre d'une étude mondiale de l'OCDE portant sur les coûts relatifs de l'énergie dans le monde. L'étude n'a pas porté sur l'énergie hydroélectrique, celle-ci nécessitant des immobilisations initiales très particulières à chaque site, contrairement aux coûts à long terme. L'étude a fait ressortir que l'énergie nucléaire, la cogénération, les centrales à cycle mixte et les centrales alimentées au charbon coûtent sensiblement la même chose, dépendamment des conditions locales. Dans un cas, l'énergie nucléaire sera légèrement moins coûteuse, dans d'autres cas ce sera le charbon et dans d'autres encore ce sera le gaz naturel qui aura un léger avantage. Ces trois sources énergétiques sont très comparables sur le plan coût commercial et sont très compétitives.
Nous n'avons pas besoin de nouvelles centrales en Ontario, mais si nous en construisions au Canada, ce serait ce genre de coûts relatifs qui seraient pris en compte. Les coûts sont très semblables.
Le président: Je ne suis pas certain de comprendre la terminologie. Pourriez-vous nous expliquer un petit plus dans le détail ce graphique?
M. Stewart: Le sigle LUEC correspond au coût unitaire moyen de l'énergie sur le cycle de vie. Si vous construisez une centrale nucléaire, sur un cycle de vie de 30 ou 40 ans, le coût de cycle de vie de la production d'électricité de la centrale sera de 3,42 cents. Ce serait là le coût total de la centrale, y compris traitement des déchets, déclassement et tous les coûts connexes. Il s'agit du coût global de cycle de vie de la centrale nucléaire.
Le sénateur Spivak: De quel genre de traitement de déchets parlez-vous? S'agit-il de ce qui se fait à l'heure actuelle?
M. Stewart: Il s'agit du stockage initial dans des bassins, du stockage à sec pour une période de plusieurs décennies et du financement de l'enfouissement profond.
Le sénateur Spivak: Cette décision n'a pas encore été prise. C'est une possibilité.
M. Stewart: Non, cela n'a pas été décidé. Pour que les coûts soient comparables, il faut inclure le coût prévu de l'enfouissement profond. Les 15 milliards à 18 milliards de dollars pour le cycle de vie de tous les réacteurs du Canada sont à l'heure actuelle en train d'être ramassés par les compagnies d'électricité. Cela est inclus dans ces coûts.
Le sénateur Kenny: J'ai fait un bond lorsque j'ai vu ce tableau. Il y a une impression que les contribuables ont déjà sensiblement subventionné l'énergie nucléaire. Si tel n'est pas le cas, vous pourriez peut-être nous éclairer. Y a-t-il des subventions correspondantes pour les turbines à gaz ou la cogénération?
Lorsque vous avez dit que ces coûts sont à peu près les mêmes, avec quelques petites variations selon l'emplacement géographique, ma première réaction a été de m'interroger sur ce que vous excluez et sur qui paie en fait le coût. Une part importante du coût revient-elle aux contribuables, ce de façon à en arriver à ce même résultat net?
M. Stewart: Les colonnes intitulées O&M et Fuel (exploitation et gestion et combustible) correspondent aux coûts d'exploitation. Ces coûts reflètent uniquement la situation du point de vue du service d'utilité publique. Le coût de l'investissement est le coût commercial total, que le matériel soit fabriqué par des ingénieurs de l'EACL ou par d'autres sociétés. C'est le coût tout à fait rentable de la construction d'un réacteur nucléaire.
Le sénateur Kenny: Avez-vous tenu compte de tous les fonds publics que nous avons dépensés à Chalk River pour mettre au point au départ la technologie de réacteur?
M. Stewart: Non, j'ignore comment l'on pourrait le faire étant donné que cela coûte si cher de construire et d'équiper une centrale nucléaire.
Nous pouvons cependant vous montrer l'impact net de l'investissement R-D que le Canada a consacré à l'industrie nucléaire au cours des 40 ou 50 dernières années. Le facteur de rendement multiple sur cet investissement pour le Canada est formidable. Nous pourrions vous remettre des exemplaires d'une étude de Ernst & Young qui a été effectuée dans le cadre de l'examen de l'EACL. Celle-ci fait ressortir que l'investissement canadien en R-D a obtenu un très bon rendement général. Nous ne parlons que de l'investissement R-D.
Le sénateur Spivak: Qu'en est-il des coûts de financement?
M. Stewart: Les coûts de financement sont inclus ici. S'il a fallu emprunter pour financer un réacteur, le coût est inclus dans ce calcul.
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas là-dessus que porte ma question.
Le sénateur Kenny: Y a-t-il des subventions gouvernementales comparables pour le gaz naturel ou le charbon?
M. Stewart: Je ne peux pas me prononcer sur les incitatifs consentis par le gouvernement pour l'exploration ou pour la production de gaz naturel ou de charbon.
Le sénateur Kenny: Ce que vous nous montrez ici correspond, en gros, aux coûts de construction et d'exploitation d'une centrale aujourd'hui.
M. Stewart: Vous profiteriez de la technologie mise au point par le Canada au cours des 50 dernières années et que renferme l'EACL ainsi que de nombreuses autres sociétés canadiennes, ce grâce soit aux fonds R-D que le gouvernement a consacré à de la recherche à long terme ou à des travaux de physique de base, soit à d'autres recherches entreprises par quantités d'autres sociétés désireuses d'élaborer la technologie à l'appui des systèmes CANDU.
Le sénateur Spivak: Les coûts de financement que j'évoquais sont les coûts que doivent payer les contribuables canadiens pour la vente des réacteurs CANDU et les subventions permanentes. Chaque pays qui se fait vendre un réacteur CANDU est financé par le gouvernement canadien.
M. Stewart: Nous utilisons le mécanisme de financement des exportations lorsque nous vendons un réacteur CANDU outre-mer, et cela se fait normalement aux taux commerciaux. C'est le cas s'il s'agit de mécanismes de financement normaux. C'est la situation canadienne.
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Je veux connaître la réalité.
M. Stewart: Je ne suis pas de votre avis. Il est vrai qu'au Canada les services d'utilité publique qui construisent des centrales les financent à même leurs propres fonds ou leurs obligations. Ontario Hydro, Énergie NB et Hydro-Québec émettent des obligations à des taux commerciaux en devises américaines ou canadiennes, et c'est ainsi que ces sociétés financent leurs immobilisations.
Le sénateur Spivak: Je ne vais pas poursuivre la discussion là-dessus, monsieur le président, mais ce que je veux dire est que ces ventes ne se feraient pas si le Canada ne mettait pas de l'argent à la disposition de ces pays qui achètent les réacteurs CANDU. C'est bien cela, n'est-ce pas?
M. Stewart: Je n'en suis pas certain. Ce n'est pas pertinent dans le contexte d'un réacteur canadien. Il est vrai que la plupart des pays qui achètent de gros projets d'infrastructure, qu'il s'agisse de systèmes ferroviaires, de centrales ou d'aéronefs, recourent à du financement en provenance du pays qui les fabrique et les exporte. Les réacteurs CANDU ne sont pas différents de tout autre projet d'infrastructure pour lequel le Canada possède la capacité technique et que le Canada peut exporter du fait de sa situation concurrentielle sur le marché mondial. Oui, nous finançons les réacteurs CANDU sur la base des taux de Consensus de l'OCDE.
Le sénateur Buchanan: Dans ce tableau, vous incluez les turbines à gaz. Je suppose que l'on parle ici de gaz, et non pas de gaz naturel?
M. Stewart: Il s'agit d'un cycle combiné au gaz naturel.
Le sénateur Buchanan: En Alberta?
M. Stewart: Non, ces chiffres correspondent à l'Ontario. Cela comprendrait le transport du gaz de l'Alberta en Ontario.
Le sénateur Buchanan: Il est intéressant que votre coût unitaire moyen soit de 4,44 pour le gaz naturel et de 4,31 pour le charbon. Cela fait plus de 20 ans que je lutte pour la survie des charbonnages du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse. À Ottawa, on fait tout simplement la sourde oreille. Or, cette région se trouve au seuil d'une catastrophe économique. Je suis suffisamment réaliste pour savoir que la production de charbon au Cap-Breton et que le nombre de personnes qui y travaillent vont être réduits, mais le plan est de supprimer carrément cette industrie.
Pendant de nombreuses années, on nous a dit que l'on trouverait du gaz naturel au large des côtes et qu'on le transporterait jusqu'à terre. J'ai travaillé très fort pendant les années 80 pour être certain que cela arrive, et c'est aujourd'hui le cas. Ce qu'il y a de malheureux en politique... c'est que d'autres sont aujourd'hui en train de s'en féliciter, au lieu de féliciter ceux qui ont abattu tout le travail dans les années 80.
On nous dit que le gaz naturel est beaucoup plus efficient, mais je ne suis pas de cet avis. On nous dit que cela coûte moins cher de produire de l'électricité avec le gaz naturel, mais je ne suis pas de cet avis non plus. D'autres ne sont pas de cet avis, et c'est le cas tout particulièrement des gens des charbonnages et des habitants du Cap-Breton, qui connaissent le secteur minier du Cap-Breton. On dit que si les charbonnages vont disparaître, alors qu'ils disparaissent, parce que le gaz naturel de lîle de Sable va venir au Cap-Breton et l'on fera la conversion. J'ai examiné le coût de la conversion de la production de 1 000 mégawatts d'électricité du charbon au gaz naturel et je peux vous dire que ça monte.
Il est intéressant de voir quel est votre coût unitaire moyen pour le gaz naturel comparativement au charbon; le charbon est à 4,31, ce qui est, bien sûr, inférieur au CUME du gaz naturel. C'est la première fois que je vois cela. Je suis heureux que vous ayez apporté ces chiffres avec vous.
Laissant de côté les subventions consacrées au charbon du Cap-Breton au fil des ans, je suis convaincu, et je suis loin d'être le seul, que si une nouvelle mine était construite à Donkin, nous pourrions faire mieux que 4,31. N'êtes-vous pas de mon avis?
M. Stewart: Je vous appuie pleinement en ce sens que ce qu'il y a de meilleur marché au Canada pour la production d'électricité, c'est le charbon de l'Alberta, dont le coût unitaire est en fait inférieur à trois cents. Il est clair que les centrales alimentées au charbon de Sundance et de Keep Hills produisent l'énergie la moins coûteuse au Canada.
Cependant, il y a dans le cas du charbon la question du changement climatique. Il faudra peut-être recourir au confinement du carbone ou à d'autres méthodes pour que ces centrales restent ouvertes. J'ai un graphique portant sur la fourchette des coûts des centrales alimentées au charbon au Canada. Cela varie de 2,5 cents à 4 ou 5 cents pour le charbon. Cela dépend largement de l'emplacement. L'Alberta a un autre avantage. Dans cette province, il n'est pas nécessaire d'équiper les centrales d'épurateurs, car les émissions de soufre sont très faibles.
Le sénateur Buchanan: Dans une de nos grosses centrales, celle de Point Aconi, il n'y a pas d'épurateur. Cela a commencé à l'époque où c'était un gouvernement très progressiste qui était au pouvoir. Point Aconi a une centrale à lit fluidisé qui élimine tout simplement 80 ou 85 p. 100 du SO2.
Monsieur le président, je pense qu'il serait intéressant que le comité examine le coût du parachèvement de la mine Donkin. Le chiffre de 4,31 serait supérieur à cause du coût de l'exploitation du charbon à Phelan et à Prince. Cependant, avec une nouvelle mine, sur laquelle ont déjà été dépensés 90 millions de dollars en dollars de 1985... il faudrait, pour terminer la construction de la mine, dépenser environ 100 millions de dollars. Le charbon est là, prêt à être tout de suite sorti de terre, et le coût à la tonne serait inférieur. Si nous utilisions le charbon de Donkin et de Prince en éliminant Phelan, ce 4,31 se rapprocherait du coût en Alberta.
Le sénateur Taylor: En ce qui concerne votre graphique, monsieur Stewart, je constate que vous avez un taux d'escompte de 5 p. 100. N'y a-t-il pas là un peu de tripotage de chiffres? Je vous pose cette question très gentiment pour l'heure, en ingénieur. Vous avez des dépenses d'immobilisations énormes avec le nucléaire et des coûts continus de combustible énormes avec le charbon et le gaz. Par conséquent, si vous utilisiez un taux d'escompte de 10 p. 100 au lieu de 5 p. 100, vos coûts n'augmenteraient-ils pas un tout petit peu?
M. Stewart: Pour cette analyse-ci, le point de rupture se situerait entre 7,5 p. 100 et 8 p. 100.
Le sénateur Taylor: C'est ce que j'ai pensé. Si vous utilisez des pourcentages supérieurs, alors celui qui coûte plus cher à exploiter s'en tire mieux que celui qui coûte cher à monter. Le point de rupture est-il d'environ 7 ou 7,5 p. 100?
M. Stewart: Dans ce cas particulier.
Le sénateur Taylor: C'est intéressant. Je pensais que c'était mieux que cela.
Le président: Le tableau comprend-il les 700 millions de dollars versés au cours des 20 dernières années par le gouvernement fédéral pour le stockage des déchets et les travaux de recherche dans ce domaine?
M. Stewart: Pas de façon spécifique. Ce que l'on voit ici correspond aux résultats nets de ce que cela coûterait aujourd'hui pour l'enfouissement final en profondeur. Cependant, l'EACL établirait le prix de l'unité.
Le président: Ces chiffres ne sont pas très utiles. Pour en revenir à ce que disait le sénateur Kenny au sujet du coût pour le contribuable, ces chiffres ne tiennent aucunement compte des 700 millions de dollars que doit prévoir le gouvernement fédéral en vue de régler le problème de l'entreposage. Ce montant ne figure pas dans ces chiffres, n'est-ce pas?
M. Stewart: Non, il s'agit ici de chiffres commerciaux. Que je sache, il n'y a pas d'investissement gouvernemental en R-D qui soit récupéré.
Le président: Je ne parle pas de la R-D en particulier. Je me reporte ici à ce rapport censément secret qui attire pas mal d'attention ces jours-ci. Il est dit ici que l'élaboration du concept de traitement des déchets nucléaires et des technologies connexes en matière de stockage et de transport s'est échelonnée sur une période de 20 ans et a coûté environ 700 millions de dollars, le gros étant financé par le gouvernement fédéral. Cela se trouve-t-il reflété dans vos chiffres?
M. Stewart: Pas de façon précise, non. Le coût final de l'enfouissement en profondeur, ou en tout cas son coût estimatif, se trouve contenu ici, mais non pas le rendement sur le financement gouvernemental passé.
Le président: Poursuivez, je vous prie.
M. Stewart: Permettez-moi de parler quelques instants des déchets. Pour mettre les choses en perspective, la première chose que j'aimerais dire est qu'alors que nous sommes ici en train de discuter, tous les déchets canadiens à forte charge nucléaire sont gérés de façon efficace et sont tout à fait inoffensifs. Ces déchets sont entièrement contenus dans les limites des sites nucléaires. Il n'y aucun danger pour le public.
Tous ces sites qui entreposent à l'heure actuelle du combustible irradié sont accrédités par la Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCEA). Dans chaque cas, il y a eu évaluation environnementale avec participation du public. Chacun de ces sites a été approuvé par suite d'un processus public exhaustif, avec intervention de la CCEA.
Les sites existants pour chacun des réacteurs nucléaires canadiens ont été conçus en fonction du volume des déchets nucléaires que devraient produire ces centrales sur une durée de vie normale, en tenant compte également de toute prolongation de leur durée de vie. L'on entend parler de prolongation de la vie de centrales nucléaires, comme par exemple celle de Point Lepreau et d'autres encore. Les sites ont été conçus en fonction de la durée de vie complète de ces centrales nucléaires. Je souligne cela pour des raisons bien précises. Si vous regardez du côté de notre voisin du Sud, ce n'est pas dans ce contexte qu'ont été construites les installations nucléaires américaines. Les Américains ont en effet supposé que le gouvernement allait mettre au point des systèmes centralisés de stockage et de traitement et, partant, n'ont pas prévu pour les centrales nucléaires la capacité nécessaire au stockage, ne serait-ce que provisoire, de tous les déchets produits. Étant donné les retards accusés par le gouvernement américain dans la création de dépôts centraux, voire même d'installations de stockage centraux provisoires, vous lirez dans la presse et entendrez ailleurs que les centrales nucléaires américaines éprouvent des difficultés du fait de ne pas avoir d'installations de stockage. Une approche différente a été suivie au Canada. Nous n'avons pas ce problème.
Pour vous donner un exemple, la transparence suivante montre les installations de stockage à sec à Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick. Des installations très semblables existent dans les autres centrales canadiennes. Par ailleurs, en Argentine, en Roumanie et en Corée vous verrez une situation semblable là où il y a des réacteurs CANDU. Il s'y trouve de gros silos de béton de tailles et de configurations différentes. Cependant, une fois le combustible stocké pendant six ans dans ces piscines, lorsqu'on en est arrivé à un centième du niveau de radiation relevé lors de la sortie du combustible du réacteur, le combustible utilisé est alors entreposé dans ces silos. Il peut y demeurer pendant des décennies en attendant que le Canada en arrive à un système de disposition à long terme.
Ces installations sont parfaitement sûres. Vous pourriez vivre tout à coté et il n'y aurait rien d'autre que le rayonnement naturel. Il y a un rayonnement naturel dans ces installations. Il n'y a pas de refroidissement forcé. Il n'y a que du refroidissement naturel. Il n'y a pas de dispositif mécanique ou électronique qui puisse faire défaut dans ces installations de stockage des déchets.
Le président: Pourquoi donc faut-il les déménager? Pourquoi s'y attarde-t-on dans le rapport Seaborn, dans cette note de service secrète du Cabinet qui fait état de la nécessité de trouver un autre emplacement?
M. Stewart: Il est, je pense, nécessaire, de les stocker ultérieurement dans des installations permanentes.
Le président: Pourquoi?
M. Stewart: Le plan et l'engagement pris envers les localités dans lesquelles nous avons construit des réacteurs nucléaires était qu'une fois ces réacteurs arrivés à la fin de leur vie utile, que ce soit 40, 50 ou 60 ans, et une fois déclassés, ils seraient reconvertis en installations vertes, comme c'est le cas pour tout autre processus industriel ou usine.
Cet engagement figure dans l'évaluation environnementale originale. Vous pourriez arguer que ces installations pourraient demeurer en place indéfiniment, mais le plan prévoit que ces sites, une fois leur durée de vie écoulée, soient retournés, comme ce serait le cas de toute autre installation, à leur état naturel. C'est pourquoi vous voudrez entreposer les déchets dans un lieu de stockage final.
Le président: Nous aimerions continuer de discuter de cette question car il s'agit d'un aspect fondamental de nos préoccupations.
Le sénateur Taylor: Monsieur Stewart, quels sont ces déchets? S'agit-il de poudre ou de lingots? Sous quelle forme sort ce produit que vous appelez déchets?
M. Stewart: Je ne pense pas avoir de photo ici avec moi. Une grappe de combustible CANDU fait à peu près le diamètre de ce pichet. C'est un bouquet de 20 ou 30 tubes de zirconium. À l'intérieur de ces tubes de zirconium se trouvent toute une série de petites pastilles en céramique. Ces pastilles en céramique sont le combustible nucléaire. Il s'agit d'oxyde d'uranium. Le combustible lui-même est une céramique qui ressemblerait à une tasse de café.
Le sénateur Taylor: Le combustible est-il soluble dans l'eau?
M. Stewart: Non. Il s'agit véritablement de céramique. La densité est très élevée. Le composé aura été fritté dans des fours à haute température pour devenir comme de la céramique.
Le composé est contenu dans ces bouquets de grappes. Ces bouquets sont alors chargés dans la conduite d'un côté du réacteur. Les réacteurs CANDU sont munis de systèmes de ravitaillement en continu. Il y a deux robots. Vous chargez sans cesse les nouvelles grappes de combustible d'un côté du réacteur. Lorsque vous en chargez une, la grappe utilisée sort à l'autre bout. Et il y a donc un processus de ravitaillement continu en cours d'opération du réacteur CANDU. Ce qui sort du réacteur ressemble à ce qui y est entré.
Le sénateur Taylor: J'ai une autre question technique. Comme vous le savez, les terrils se font retravailler depuis le moyen-âge, avec des techniques qui s'améliorent sans cesse. Vous retournez à l'ancien dépotoir et vous en retirez davantage de fer, d'or, d'argent ou autre.
Dans ce cas-ci, il est possible ou probable que, si le combustible n'est pas entièrement épuisé, l'on invente un jour des réacteurs qui réutilisent les mêmes cartouches céramiques et qui en retirent de l'énergie.
M. Stewart: Cela ne remplace pas la remise au rebut définitive, mais vous pourriez retransformer le combustible. Il s'y trouve malgré tout certains contaminants qu'il vous faut retirer pour pouvoir le retransformer, sans quoi ceux-ci pourraient avoir une incidence sur l'efficience de la réaction. En ce qui concerne l'uranium, le bon 238 que vous utilisez pour la réaction, vous n'utilisez qu'environ 3 p. 100 du contenu énergétique du combustible par passage dans le réacteur CANDU. Au prix actuel de l'uranium, soit 10 $ la livre, il est plus facile de produire du combustible à base d'uranium naturel supplémentaire.
Le sénateur Taylor: Au début de l'utilisation du pétrole, l'on n'en tirait qu'environ 3 p. 100 du contenu énergétique. Les stocks de déchets devraient donc, pour les générations à venir, être accessibles au cas où nous voulions utiliser ce qui a été écarté.
M. Stewart: Absolument. Même dans le cas de l'enfouissement profond, l'une des options qui a été ajoutée plus tard dans cette approche était que ces déchets soient récupérables. Je conviens avec vous que d'ici à 20 ou 30 ans, l'on voudra peut-être exploiter ces déchets; cela est totalement et absolument faisable. Il s'agit certes là d'une possibilité. C'est l'une des possibilités qu'a envisagées la Commission, et c'est certainement une possibilité que gardent en tête les compagnies d'électricité.
Le Canada a investi 500 millions de dollars -- vous avez utilisé le chiffre de 700 millions de dollars -- au cours des 20 dernières années pour mettre au point un concept d'enfouissement profond à long terme. Celui-ci a, avec le panel Seaborn, subi l'une des évaluations environnementales les plus exhaustives jamais entreprises au Canada. Le panel a fait rapport au gouvernement en mars 1998 et, comme nous le savons, le gouvernement fédéral a réagi au rapport Seaborn en décembre dernier.
L'un des éléments fondamentaux de la réaction du gouvernement au rapport du panel Seaborn a été la reconfirmation de la politique fédérale canadienne en matière de déchets. Elle est très simple. C'est une approche axée sur le principe que c'est le pollueur qui doit payer. Je ne vais pas l'éplucher avec vous dans le détail, mais il s'agit en gros d'un système selon lequel celui qui produit les déchets est responsable financièrement de leur gestion, de leur traitement dans les normes et, en dernière analyse, de leur disposition. C'était là l'un des principes fondamentaux de la politique fédérale en matière de déchets. C'est sans doute là que réside la principale divergence entre les suggestions du panel Seaborn et la réponse de Ressources naturelles Canada ou du gouvernement.
La réponse du gouvernement a reconfirmé le cadre de politique sur les déchets radioactifs du Canada, selon laquelle c'est le pollueur qui paie, qui est financièrement responsable et qui doit assurer la gestion de ces déchets. La réponse du gouvernement comportait trois principaux éléments. Producteurs et propriétaires devaient créer une organisation de gestion des déchets en tant qu'entité distincte et demeurer responsables de la gestion à long terme des déchets, quelle que soit l'option retenue. C'est à l'organisation de gestion des déchets qu'il devait revenir de proposer les différentes options envisageables.
Il y avait par ailleurs un engagement quant au financement exhaustif des coûts rattachés aux déchets. Comme vous le savez, ce n'était pas le cas avec les compagnies d'électricité canadiennes, parfois pour des raisons d'ordre juridique. Dans d'autres cas, ce n'était tout simplement pas assuré. Là encore, il s'agit d'une condition.
L'organisation de gestion des déchets devait rendre des comptes au gouvernement et déposer auprès de lui son plan, et le gouvernement devait établir un mécanisme de surveillance de l'organisation de gestion des déchets afin de veiller à ce que ces déchets soient traités comme il se doit. Le gouvernement fédéral a déjà mis cela en route.
Vous ignorez peut-être que Ressources naturelles Canada vient tout juste de boucler un processus d'examen public national, avec consultation et participation du public sur la forme que devrait prendre une surveillance appropriée de l'organisation de gestion des déchets et d'une bonne gestion des déchets. Cet exercice s'est terminé le mois dernier. Je n'ai pas vu les résultats de ce processus de consultation, mais celui-ci a été mené d'un bout à l'autre du pays. Cela a demandé quelques mois.
Le message que je tiens à vous communiquer est que, en ce qui concerne la réaction de Ressources naturelles Canada et toutes les conditions proposées par le Canada, l'industrie est tout à fait engagée à satisfaire la totalité des exigences contenues dans la réponse du gouvernement au rapport Seaborn ainsi que toutes les exigences correspondant à l'objet et à l'application de la politique du gouvernement fédéral relative aux déchets radioactifs. Il s'agit là d'un engagement catégorique.
Permettez-moi de parler maintenant un petit peu du changement climatique, car je sais que l'on s'y intéresse aux niveaux fédéral et provincial.
Du point de vue changement climatique, la principale préoccupation concerne le dioxyde de carbone. Je vais mentionner les émissions relatives de CO2 de diverses sources énergétiques. Je vais les exprimer en tonnes de CO2 par heure térawatt. Pour mettre les choses en perspective, l'Ontario produit environ 100 heures térawatt par an. Une centrale alimentée au charbon produit, pour chaque heure térawatt, quelque 840 000 tonnes de dioxyde de carbone. Le pétrole est rarement utilisé. Le gaz naturel, lui, produit tout juste 500 000 tonnes et les centrales nucléaires et hydroélectriques ne produisent quant à elles pas du tout de dioxyde de carbone dans la production d'énergie.
Les centrales à cycle combiné produisent la moitié du CO2 émis par les centrales au charbon. Par conséquent, si vous pouvez remplacer le charbon par le gaz naturel à cycle combiné, vous réduisez de moitié vos émissions de gaz à effet de serre, ce qui est bon. Il y a de nombreux avantages à ce que le Canada exporte du gaz naturel aux États-Unis. Les Américains abandonnent ainsi le charbon, qu'ils remplacent par du gaz naturel.
Malheureusement, du point de vue changement climatique, pour que votre centrale à cycle combiné satisfasse une nouvelle demande accrue d'électricité, vous produirez toujours 500 000 tonnes de dioxyde de carbone par heure térawatt. Si vous remplacez du charbon, le cycle combiné est bon. Si vous satisfaites une nouvelle demande, vous produisez toujours la moitié de ce que vous auriez produit si vous aviez construit une nouvelle centrale alimentée au charbon.
Comme je l'ai dit, il y a dans le monde 400 réacteurs nucléaires. Nous avons fait le total des tonnes de CO2 qui n'auraient pas été émises si une centrale de rechange, hydroélectrique ou alimentée au charbon, avait été construite. En 1995, nous avons évité environ 1,8 milliard de tonnes de CO2. Depuis le lancement commercial de l'énergie nucléaire, près de 22 milliards de tonnes de CO2 ont été évitées. Si l'énergie nucléaire devait disparaître aujourd'hui, les émissions de CO2 augmenteraient d'environ 32 p. 100.
Le contenu du tableau suivant est un petit peu plus près de nous. Il ne renferme que des données de Ressources naturelles Canada et du gouvernement du Canada. La ligne verte montre les émissions de CO2 du Canada pour toutes les sources, de 1958 à aujourd'hui. À partir de 1958 et pour la première moitié du tableau, l'augmentation des émissions de CO2 cadre parfaitement avec la croissance du PIB. Que cela nous plaise ou non, le CO2 augmente avec le PIB. Vous verrez que presque tous les pays du monde qui ont un contenu industriel augmenteront leurs émissions de CO2, que celles-ci soient imputables au transport, à une activité industrielle donnée ou à une quelconque autre source.
Le Canada est néanmoins quelque peu différent car entre le début des années 70 et aujourd'hui, nos émissions totales de CO2 n'ont que très peu augmenté en dépit de l'augmentation enregistrée par notre PIB. La principale raison à cela est l'émergence du nucléaire. Si le Canada avait suivi le même cheminement que les États-Unis en s'appuyant sur des centrales alimentées au charbon, notre situation correspondrait à la ligne rouge sur le graphique, excluant, bien sûr, Gentilly au Québec qui, j'imagine aurait été hydroélectrique. Pendant cette période, au Canada, l'on a évité de produire environ 1,2 milliard de tonnes de CO2. Nous évitons aujourd'hui chaque année de produire 100 millions de tonnes de CO2. Cela vous donne une idée de l'impact qu'a eu l'énergie nucléaire au Canada.
Seuls environ 30 p. 100 de l'énergie utilisée par l'industrie et par les gens sont d'origine électrique. Les 70 p. 100 restants correspondent à des combustibles fossiles consommés par l'automobile, l'industrie, le chauffage et ainsi de suite. Pour s'attaquer véritablement au problème du changement climatique, il faut s'attaquer à ces 70 p. 100, qui correspondent au gros des besoins en énergie.
Les plus gros émetteur de CO2 au Canada, ce sont les moyens de transport.
Vous voulez avoir de l'énergie propre dans le cadre d'autres applications. Bien sûr, le nucléaire est une possibilité. La centrale nucléaire de Bruce, en Ontario, est une centrale de cogénération. L'électricité ne représente que 80 p. 100 de sa production; en effet, les 20 p. 100 restants correspondent à de l'énergie thermique qui chauffe un parc industriel adjacent au site du réacteur de Bruce. Il s'agit d'une centrale à cycle combiné qui n'est pas très différente des centrales à turbines à gaz.
Cette transparence de Ressources naturelles Canada vous donne un petit aperçu du scénario canadien en matière d'émissions de CO2 par secteur, dans l'hypothèse où rien ne changerait. Comme vous le constaterez, le transport est le plus gros producteur d'émissions et c'est ce secteur qui enregistrera la plus forte augmentation de ces émissions. Ce secteur englobe les émissions des automobiles, des avions, des trains et des camions. Nous sommes un gros pays et, au fur et à mesure que nous prospérons, ce que nous comptons faire, nos activités de transport vont aller s'augmentant.
Vous entendrez beaucoup parler du transport. Une façon de réduire les émissions de CO2 des automobiles serait de recourir à des véhicules hybrides équipés d'un moteur à essence à efficience très élevée complété par des systèmes électriques et de piles. Vous avez peut-être vu la nouvelle Toyota Primus à Ottawa. Il s'agit d'un véhicule hybride dont les émissions sont relativement faibles. Aujourd'hui, chacune de nos voitures conventionnelles émet en moyenne 5,4 tonnes de CO2 par an, pour 10 000 milles. Avec une essence hybride, soit la toute dernière innovation, cela pourrait être réduit d'environ le tiers.
L'autre possibilité serait d'utiliser des piles à combustible et à hydrogène. Vous avez certainement tous entendu parler de la cellule à combustible Ballard. L'hydrogène est tout à fait propre dans une pile à combustible lorsque celle-ci produit de l'électricité. La clé est la provenance de l'hydrogène. Si l'hydrogène est produit par électrolyse dans une centrale alimentée au charbon, vous doublez presque les émissions nettes de CO2. Vous pouvez éliminer le CO2 dans la cheminée, mais vous produisez plus de CO2 en réduisant l'hydrogène. De la même façon, si vous optez pour de l'hydrogène produit grâce à la cogénération, les émissions seront équivalentes à celles d'un moteur à essence ordinaire à combustion interne.
Si vous utilisez du méthane reformé, encore une fois, les émissions seront équivalentes à celles produites par l'hybride.
Bien sûr, la solution ultime est d'utiliser de l'énergie hydroélectrique ou nucléaire. Si vous utilisez cette énergie pour produire l'hydrogène puis le renfermez dans une pile à combustible Ballard, vous pouvez alors réellement vous lancer dans l'adaptation de l'automobile à l'électricité.
Le sénateur Spivak: Pouvez-vous nous dire ce que cela représente en volume total? Les émissions sont-elles les mêmes, que l'on produise de l'hydrogène dans une centrale au charbon ou que l'on brûle de l'essence dans les voitures?
M. Stewart: Je ne vous suis pas très bien.
Le sénateur Spivak: Supposons que nous ayons au Canada des voitures alimentées à l'hydrogène et que cet hydrogène soit produit au moyen de charbon, les émissions correspondant à cette production seraient-elles équivalentes aux émissions des véhicules à essence? Quelle est la comparaison? Quelles seraient les économies, sur le plan des émissions totales, si les voitures étaient alimentées avec de l'hydrogène produit dans une centrale au charbon?
M. Stewart: Combien de voitures y a-t-il au Canada, Colin?
M. Colin Hunt, directeur des politiques et publications, Association nucléaire canadienne: Il y a en moyenne deux véhicules par ménage.
M. Stewart: Il y a probablement 20 millions de véhicules et, avec une production de cinq tonnes par véhicule, cela fait 100 millions de tonnes. C'est à peu près juste, car le Canada émet actuellement 600 millions de tonnes de CO2 par an.
Le sénateur Spivak: Si on enlève les 100 millions de tonnes émises par les véhicules, combien produirait-on d'émissions si ces voitures fonctionnaient avec de l'hydrogène produit dans des centrales thermiques au charbon?
M. Stewart: On produirait 200 millions de tonnes, le double. Nos 600 millions de tonnes passeraient à 700 millions de tonnes. L'engagement de Kyoto est de 550 millions de tonnes.
M. Hunt: Pour que les choses soient claires, sénateur, il faut multiplier ces chiffres par le parc automobile total du pays ou d'une région, et cela vous donne le chiffre.
M. Stewart: Je peux vous remettre des documents d'information qui expliquent les facteurs économiques.
Je dois ajouter une réserve. Nous comparons des pommes et des oranges parce qu'on remplacerait les grosses voitures par des petites voitures légères. Il y a une incitation supplémentaire à alléger les véhicules.
Nous travaillons en collaboration très étroite avec le Secrétariat au changement climatique sur ces tables de changement climatique, soit le processus fédéral-provincial établi pour dégager une solution permettant au Canada de tenir ses engagements de Kyoto.
Puisque nous avons l'avantage d'une production électrique à très faibles émissions, nous réfléchissons à la manière dont l'électricité pourrait aider les autres secteurs. Nous avons élaboré trois scénarios. Le Canada connaîtra au moins une augmentation de 1 p. 100 à 2 p. 100 de la demande d'électricité dans le scénario du statu quo. Nous sommes un pays prospère et notre prospérité ira grandissant. Nous devons produire davantage d'électricité rien que pour maintenir le statu quo.
Je pose trois questions très simples. Premièrement, qu'adviendra-t-il de nos émissions si nous conservons la composition actuelle de la production électrique, soit centrales nucléaires, centrales thermiques et centrales hydroélectriques, pour répondre à la demande croissante? Deuxièmement, de quelle manière faudra-t-il modifier cette composition pour répondre à la demande accrue tout en tenant l'engagement de Kyoto? Troisièmement, si nous mettons à profit la propreté de l'électricité canadienne, et si la demande d'électricité augmente de 30 p. 100 en 2010, comment satisferons-nous cette demande?
La diapositive suivante est une comparaison. Les barres sont en couleurs pour faciliter la lecture. La barre bleue représente l'hydroélectricité, la barre verte l'énergie nucléaire, la noire les centrales au charbon ou aux combustibles fossiles et la jaune est un cycle combiné.
Le sénateur Spivak: Qu'en est-il de la production éolienne et solaire?
M. Stewart: C'est la barre violette en haut. Cette barre englobe l'énergie éolienne et solaire, la biomasse et les piles à combustible.
Si vous regardez la même ventilation, dans le scénario du statu quo, nous émissions augmenteraient de 7 p. 100. Cela ne répond pas aux exigences. Pour obtenir une ventilation appropriée, il faut réduire la production par combustibles fossiles et faire appel davantage aux centrales hydroélectriques.
J'ai postulé que nous avons 22 réacteurs nucléaires en bon état de fonctionnement. À l'heure actuelle, comme vous le savez tous, ce n'est pas le cas.
Le sénateur Taylor: S'agit-il là de 22 nouveaux réacteurs?
M. Stewart: Non, les réacteurs existants. Nous avons actuellement 22 réacteurs au Canada. En ce moment, huit sont à l'arrêt, mais si nous les remettions en état de fonctionner selon les meilleures normes, nous pourrions produire jusqu'à 20 p. 100 ou 30 p. 100 d'électricité de plus avec notre parc actuel de réacteurs. Cela suppose que le plan de sauvetage d'Hydro Ontario réussisse. Nous pouvons facilement respecter les engagements de Kyoto dans le secteur de la production électrique.
Le président: Je ne comprends pas le diagramme qui parle de moins 6 p. 100. Moins 6 p. 100 par rapport à quel point de départ?
M. Stewart: Le protocole de Kyoto dit que le Canada doit réduire ses émissions de 6 p. 100 par rapport à 1990. Nous prenons les émissions de 1990 du secteur de la production électrique et demandons: comment parvenir à moins 6 p. 100 en 2010, pour que notre secteur respecte l'engagement canadien?
Le président: S'agit-il là uniquement de votre secteur?
M. Stewart: Oui, juste notre secteur.
La troisième barre montre que ce résultat dans notre secteur ne suffit pas, car les autres secteurs ne pourront pas atteindre l'objectif de 6 p. 100. Ils ne le peuvent pas à cause de l'énorme croissance de ces secteurs, et il ne s'agit pas de freiner la croissance industrielle du Canada.
Nous examinons ce que le secteur électrique peut contribuer aux autres secteurs, en substituant l'électricité aux combustibles polluants, à condition que l'électricité soit propre, par exemple des piles à combustible automobiles. Le tableau de production électrique tient compte de taux de croissance élevés et des coûts supplémentaires encourus par le Canada pour produire davantage d'électricité. Une mesure simple consisterait à généraliser le broyage électromécanique dans les usines de pâte et papier. On utiliserait ainsi moins d'énergie thermique et davantage d'électricité. Une autre mesure consisterait à électrifier les gazoducs.
Le sénateur Spivak: Ce scénario englobe-t-il des mesures de conservation et d'amélioration du rendement énergétique?
M. Stewart: Absolument. Encore une fois, cela dépend de la croissance nette. RNCan postule le chiffre de 1 p. 100 d'augmentation de la consommation d'électricité. Or, au cours des dernières années, le chiffre a été plutôt de 2 p. 100 à 2,5 p. 100. Même le scénario du statu quo suppose un effort considérable en matière de conservation et de rendement énergétique. C'est la première chose à faire.
Le sénateur Spivak: Cela suppose-t-il des mesures telles que changer toutes les ampoules électriques dans tous les bâtiments du Canada? Sur le plan pratique, que suppose l'option conservation?
M. Stewart: Elle diminuerait le rythme de croissance. Même dans le scénario du statu quo, le rythme de croissance de l'électricité ne deviendrait pas négatif. L'industrie est la plus grande consommatrice d'électricité au Canada.
Le sénateur Spivak: Cela ralentirait le rythme de hausse.
M. Stewart: Oui.
Le sénateur Spivak: Supposez-vous que toutes les mesures de conservation seraient prises dans tous les bâtiments de toutes les industries du Canada?
M. Stewart: C'est indispensable.
Le sénateur Spivak: Dans vos discussions avec Ressources naturelles et quiconque d'autre sur ce que serait votre quota, tout cela est-il pris en compte? Je veux savoir quelles sont les prémisses.
M. Stewart: Tout à fait. La prémisse sur le plan de l'électricité et du changement climatique suppose que l'on fasse tout le possible au niveau de la conservation. L'autre prémisse est que l'on fasse tout le possible au niveau des énergies de substitution, c'est-à-dire que l'on maximise l'énergie solaire et éolienne.
Le président: Ai-je raison de penser que si l'on ne fait rien et que si l'on ne modifie pas la ventilation, vous n'atteindrez pas l'objectif de Kyoto?
M. Stewart: C'est juste.
Le président: Combien en coûterait-il au contribuable pour parvenir à moins 6 p. 100?
M. Stewart: Dans le secteur de l'électricité pure, il n'y aurait probablement pas de coût. On ferait plutôt une économie. Si les centrales nucléaires fonctionnent mieux, cela permet des économies.
Le sénateur Spivak: Ma crainte est que l'on irradie les générations futures parce que nous voulons faire des économies.
Le sénateur Taylor: Parlons un peu de la fabrication d'hydrogène pour les voitures. Je ne pense pas que les conducteurs auraient dans le coffre de leur voiture une pile nucléaire qui transformerait le carburant en hydrogène.
M. Stewart: C'est l'hydrogène lui-même qui serait le carburant.
Le sénateur Taylor: Y aurait-il une station centrale où l'on pourrait faire le plein, un peu comme avec le propane ou le gaz naturel?
M. Stewart: C'est juste.
Le sénateur Taylor: C'est une substance hautement inflammable. Faudrait-il aller jusque dans le fond du bois pour faire le plein?
M. Stewart: Le produit le plus dangereux que nous manipulons chaque jour est probablement l'essence. Il s'agit de se familiariser avec la substance et de disposer de la bonne technologie pour la confiner. L'essence est un produit incroyablement dangereux. Elle s'enflamme. Il faut des équipements adaptés pour la contenir, tout comme le propane.
Le sénateur Taylor: On fabrique actuellement de l'hydrogène. On s'en sert dans la soudure à l'acétylène.
M. Stewart: Oui, c'est juste.
Trois mécanismes sont associés au protocole de Kyoto. L'un sont les échanges d'émissions, où les pays peuvent s'échanger le droit de polluer pour réduire le coût d'ensemble. Les deux autres consistent en des projets conjoints. Le premier type est ce que l'on appelle la «mise en oeuvre conjointe», l'autre est le mécanisme de développement propre. Il s'agit dans ce cas pour un pays de transférer une technologie, d'offrir une aide financière ou autre pour faciliter la mise en place de technologies propres dans un autre pays. Si un pays comme le Canada fait cela au Brésil ou ailleurs, les deux pays peuvent partager les réductions de CO2 selon une formule très simple.
Prenez les réacteurs CANDU que le Canada a construit à l'étranger depuis la convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique. Si l'on prend 1990 comme repère, nous avons construit trois réacteurs en Corée, deux en Roumanie et deux sont actuellement en construction à Qinshan, en Chine. Tous ont été construits depuis que le changement climatique est apparu comme un problème. Dans chaque cas, la source d'énergie de remplacement aurait été le charbon. C'était la solution de rechange en Chine, en Roumanie et en Corée car le charbon reste leur principale source d'énergie. J'ai totalisé les réductions de CO2 obtenues grâce à cela et tracé la courbe sur ce diagramme. J'ai pris la date où le réacteur est entré en service et la diminution correspondante de CO2. Il s'agit dans tous les cas de CANDU 6, un réacteur CANDU de 700 mégawatts. Chaque CANDU évite l'émission de 4,5 millions de tonnes de CO2 par an, comparé au charbon. Les réacteurs que le Canada a exportés depuis 1990 réduiront les émissions de CO2 d'environ 30 millions de tonnes par an.
Je projette jusqu'en 2012 parce que l'échéancier du protocole de Kyoto va de 2008 à 2012. L'effet cumulatif des seules exportations de réacteurs canadiens depuis 1990 sera alors une réduction de 400 millions de tonnes de CO2, presque la production canadienne annuelle totale de CO2 en provenance de toutes les sources. C'est un gros chiffre. Nous ne parlons là que des sept réacteurs CANDU que nous avons exportés depuis 1990, dont certains sont en cours de construction.
Le président: Pour ce qui est des échanges d'émissions dont on parle tant, l'utilisation des réacteurs canadiens que nous exportons dans le monde prévient des émissions. Dites-vous que le Canada pourrait alors, aux fins de la détermination des chiffres de Kyoto, tirer partie de cela?
M. Stewart: Absolument. Tout dépend du modèle MDP.
Le sénateur Spivak: Mais les niveaux baissent chaque année.
M. Stewart: Pour prendre l'exemple de Qinshan, les deux réacteurs chinois, ces centrales auraient été alimentées au charbon. Les chiffres d'émissions baissent. Dans certains cas, les réacteurs remplacent d'anciennes centrales au charbon. Dans d'autres cas, ils en évitent de nouvelles.
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire que les chiffres d'émissions globales de chaque pays doivent baisser néanmoins.
Le président: Ceci les fait diminuer.
M. Stewart: Non, peut-être pas, car il s'agit là de pays en développement. La raison d'être du mécanisme de développement propre est de permettre aux pays comme la Chine, le Brésil ou l'Indonésie de se doter d'industries propres. Cela donne une incitation à ces pays à construire des centrales solaires et éoliennes à émission zéro, ou tout ce que vous voulez, au lieu de construire une centrale au charbon.
Le sénateur Spivak: Le chiffre d'émissions global doit baisser chaque année.
M. Stewart: C'est vrai, dans le cas des pays développés.
Le sénateur Spivak: Vous ne pouvez pas effectuer des échanges internationaux dans un contexte stationnaire, car le maximum n'est pas stationnaire. Il ne cesse de baisser.
Le président: Ou encore il n'augmente pas aussi vite que prévu.
M. Stewart: Les émissions des pays en développement augmenteront parce que leurs industries se développent. Ce que l'on cherche à faire, c'est scinder le taux de croissance et casser sa relation avec le développement industriel et la croissance démographique.
Certains de ces pays en sont encore à électrifier les campagnes. Il faut éviter de construire des centrales électriques à hautes émissions de CO2. Il faut utiliser une technologie de remplacement propre et faire en sorte que les pays développés promeuvent et facilitent cela. Nous devons également transférer la technologie pour permettre à ces pays de mettre en place ces solutions par eux-mêmes. En contrepartie, le pays développé et le pays en développement se partagent la réduction. C'est sujet à négociations.
Voilà le principe. Sinon, le développement industriel au Canada s'arrêtera et nous ne remplirons pas l'objectif de moins 6 p. 100. Chaque société canadienne, au lieu d'ajouter une aile à une usine, construira une usine quelque part où il n'y a pas de limites. Les émissions mondiales de CO2 grimperont alors en flèche, et personne n'en sortira gagnant.
Du point de vue de la politique énergétique, nous pensons que l'énergie nucléaire devrait être un élément de cet effort. J'ai expliqué les nombreux avantages écologiques, les avantages économiques et les avantages sociaux, sous forme de création d'emplois. Bien entendu, nous avons une garantie d'approvisionnement, à l'échelle nationale, car c'est une industrie totalement indigène. Elle est concurrentielle. Nous avons parlé de certaines des utilisations non électriques de l'électricité. Je n'ai pas abordé les coûts prévisibles, mais l'un des avantages de l'énergie nucléaire est que le coût du combustible est si faible, comparé au combustible fossile et au gaz naturel.
Cette dernière diapositive est ce que j'appelle mon auto-collant de pare-chocs. C'est une photo des deux réacteurs CANDU de Qinshan actuellement en cours de construction en périphérie de Shanghai, en Chine. Cette centrale électrique aurait été alimentée au charbon si la Chine n'avait pas choisi les CANDU. Le volume d'émissions de CO2 évité par ces deux réacteurs équivaut aux émissions de 2,5 millions de véhicules. Cela met les choses en perspective.
Le président: Dans quel délai?
M. Stewart: Chaque année. C'est une opération arithmétique simple.
Le président: Merci, monsieur Stewart.
Le sénateur Kenny: Je vous remercie de cet intéressant exposé. Il brosse très bien la toile de fond pour le comité.
L'une des principales raisons pour lesquelles nous entreprenons cette étude maintenant est la préoccupation sous-jacente concernant la sécurité nucléaire, principalement celle des réacteurs qui existent actuellement dans le monde. Il nous semblait qu'une façon logique de mener cette étude serait de commencer par le Canada et de faire le point de la situation chez nous, avant de voir ce qu'il en est ailleurs dans le monde.
Notre prémisse -- et je la soumets à votre appréciation -- est que, si un problème se pose avec un réacteur en Bulgarie, tôt ou tard cela deviendra un problème pour nous, ici. Parler de sécurité avec les gens du secteur nucléaire est un peu comme parler de sécurité avec les compagnies aériennes. Ils n'aiment pas réellement qu'on en parle trop car cela mène à des grands titres alarmistes dans la presse qui leur font du tort.
Est-ce que tous les réacteurs au Canada sont des CANDU?
M. Stewart: Tous les réacteurs de génération électrique commerciale sont des CANDU. Il y a quelques réacteurs expérimentaux et des réacteurs de production d'isotopes, mais les 22 dont nous parlions sont tous des CANDU.
Le sénateur Kenny: Y a-t-il des niveaux ou des cotes pour les réacteurs? Existe-t-il un organisme qui note régulièrement les réacteurs du point de vue de leur sécurité et fiabilité?
M. Stewart: Ce n'est pas fait pour tous les réacteurs. L'Association mondiale des exploitants de réacteurs nucléaires a mis au point un mécanisme standardisé de mesure de la performance, permettant de mesurer la sécurité et le fonctionnement selon un ensemble de paramètres. Ce travail est maintenant effectué par Hydro Ontario. Chaque mois, elle cote la performance de tous ses réacteurs selon ces normes de l'AMERN.
Le sénateur Kenny: Sont-ils cotés en ce moment?
M. Stewart: Hydro Ontario le fait, mais c'est assez récent.
Le sénateur Kenny: Si nous voulions savoir quel est le réacteur le plus sûr au Canada, actuellement personne ne pourrait nous le dire, et si nous voulions savoir lequel est le plus dangereux, personne ne pourrait le dire non plus.
M. Stewart: Je dirais qu'ils sont tous sûrs. Je ne sais pas comment vous définissez «le plus sûr»?
Le sénateur Kenny: Votre homologue de Bulgarie me donnerait-il la même réponse?
M. Stewart: Probablement pas. Il y a certainement quelques réacteurs dans l'ancienne Union soviétique qui n'offrent pas la même sécurité inhérente qu'un CANDU. Ils sont de conception différente. Je ne dirais certainement pas que le réacteur de Tchernobyl est aussi sûr que le CANDU ou un réacteur à eau bouillante moderne ou un réacteur à eau sous pression.
Le sénateur Kenny: Vous êtes maître dans l'art de la litote.
M. Stewart: Pour dire les choses carrément, le réacteur de Tchernobyl n'aurait jamais pu être construit nulle part ailleurs qu'en Union soviétique. Il n'aurait jamais été agréé.
Le sénateur Kenny: Nous n'avons pas de système d'évaluation de la sécurité des réacteurs au Canada tel qu'on puisse dire qu'un réacteur obtient A+ à chaque test et qu'un autre réacteur est en troisième place sur la liste parce qu'il a une cote de B+ ou C-, ou tout ce que vous voudrez. Je suis heureux de vous entendre dire qu'ils sont tous sûrs, mais c'est un peu comme dire que toutes les voitures fabriquées par General Motors sont sûres. Certes, elles sont sûres, mais certaines le sont plus que d'autres. Certaines sont en meilleur état que d'autres. Certaines sont mieux entretenues que d'autres. Certaines sont mieux conçues au départ que d'autres.
Dans la mesure où tous nos réacteurs ne sont pas de conception identique et sont d'ages différents, sont gérés par des gens différents, il y a forcément des niveaux de sécurité différents chez les réacteurs canadiens.
M. Stewart: Nous avons des normes élémentaires que tous les réacteurs doivent respecter, et ils le font. Les mesures de l'OMERN n'autorisent pas des évaluations comparatives comme celles que vous évoquez.
À titre d'exemple, vous pourriez dire que les réacteurs A de Pickering ne sont pas aussi sûrs parce que l'une des conditions de leur remise en service -- et j'espère que cela sera le cas l'année prochaine ou l'année suivante -- est l'ajout d'un système d'arrêt secondaire indépendant. Ce sont les plus vieux CANDU canadiens. Avant de les remettre en service, on leur installera un système d'arrêt secondaire totalement indépendant ou une variante d'un tel système.
Vous pourriez arguer que ces unités ne sont pas aussi sûres que, mettons, Pickering B, Darlington ou Bruce. Il faudrait considérer chaque cas particulier.
Le sénateur Kenny: Dites-vous que nous n'avons pas à nous inquiéter, et que ces réacteurs ne sont pas en marche actuellement, si bien qu'ils ne présentent pas de risque?
M. Stewart: Exact.
Le sénateur Kenny: Vous dites qu'il y a un système international ou mondial?
M. Stewart: Oui, l'Association mondiale des exploitants de réacteurs nucléaires a un système de mesure qui couvre tous les aspects des centrales nucléaires. Il couvre non seulement la sécurité, mais aussi la performance, les facteurs économiques. Il couvre un vaste éventail de considérations, notamment la sécurité individuelle des travailleurs. Il y a toute une série de facteurs.
Le sénateur Kenny: L'Association a-t-elle des représentants ou un bureau ici, au Canada?
M. Stewart: Elle n'est pas représentée ici, mais elle a un système normalisé. Le président actuel de l'OMERN est Al Kupcis, l'ancien président d'Hydro Ontario.
Le sénateur Kenny: Comment pouvons-nous la joindre?
M. Stewart: Elle est à Atlanta. Si vous voulez entrer en contact avec elle, je me ferais un plaisir de vous donner une référence.
Le sénateur Kenny: Vous nous avez remis une carte montrant l'importance de l'énergie nucléaire dans le monde. Elle date un peu, puisqu'elle est de 1990. La carte du monde a changé. Où se trouvent les réacteurs nucléaires qui vous inquiètent, personnellement?
M. Stewart: Comme je l'ai déjà dit, certains réacteurs de l'ancienne Union soviétique sont la principale source d'inquiétude.
Le sénateur Kenny: S'il se produit un autre Tchernobyl ou un autre Three Mile Island, cela signifie que vous ne construirez jamais d'autres réacteurs au Canada.
M. Stewart: Je ne débattrai pas de cela avec vous. C'est un grave souci. Nous aimerions autant qu'il n'y ait pas d'autre Tchernobyl. Il y a certainement eu un afflux d'aide à la Russie pour l'aider à améliorer ses systèmes de sécurité, améliorer la capacité opérationnelle de ses réacteurs car ce désastre, dans une large mesure, était dû à un problème de conception. Cependant, il y a eu également des erreurs humaines effarantes. Le désastre a réellement été causé par une défaillance humaine, couplée à un vice de conception.
Le sénateur Kenny: À la page 39 de l'annuaire nucléaire du Canada de 1998, vous donnez la capacité mondiale de réacteurs. Vous dressez la liste des pays qui ont des réacteurs nucléaires et vous les classez. Au bas de la page, vous parlez des types de réacteurs. Est-ce que les réacteurs à refroidissement au gaz, les GCR et AGR, sont les plus dangereux?
M. Stewart: Non. Ce sont là les premiers réacteurs britanniques.
Le sénateur Kenny: Quels réacteurs sont les plus dangereux? Lesquels n'ont pas l'enceinte de confinement?
M. Stewart: Vous parlez là des réacteurs modérés par graphite refroidis à l'eau.
Le sénateur Kenny: On continue pourtant à en construire.
M. Hunt: Il y a une vingtaine ou une trentaine de réacteurs de type LGR ou RBMK, dont au moins trois ou quatre sont indiqués comme en construction, bien que l'on n'y ait pas vraiment travaillé au cours des dix dernières années.
Le sénateur Kenny: Y a-t-il 20 ou 30 RBMK en service aujourd'hui?
M. Hunt: Quatorze sont indiqués ici. Ce ne sont pas là tous les réacteurs de l'ancienne Union soviétique. Ils représentent de 35 p. 100 à 40 p. 100 des réacteurs de l'ancienne Union soviétique.
Le sénateur Kenny: Si vous deviez déterminer lesquels inspecter en premier, choisiriez-vous ceux-là?
M. Hunt: Ils sont les premiers aujourd'hui et ils étaient les premiers immédiatement après 1986 et l'accident de Tchernobyl oui.
Le sénateur Kenny: Le réacteur de Tchernobyl était-il de ce type?
M. Hunt: Oui. C'était un réacteur de type RBMK.
Le sénateur Kenny: Pour changer de sujet, qu'en est-il de ce que j'appelle les États hors-la-loi figurant dans votre liste? L'Iran et la Corée du Nord sont deux exemples. Est-ce que ces pays se conforment aux conventions internationales et les associations internationales ont-elles la capacité de les contrôler et de suivre ce qui se passe chez eux?
M. Hunt: Le gouvernement iranien a déclaré, et l'Agence internationale de l'énergie atomique en a convenu, qu'à aucun moment l'Iran n'a violé ou même menacé de violer aucune de ses obligations en tant que signataire du traité de non-prolifération.
M. Stewart: Vous ne pouvez dire la même chose de la Corée du Nord. Elle n'est pas signataire du traité de non-prolifération.
Le sénateur Kenny: Quels autres pays de cette liste ne sont pas signataires?
M. Stewart: Les autres qui me viennent à l'esprit sont le Pakistan et l'Inde.
M. Hunt: Si je puis apporter un rectificatif, la Corée du Nord est signataire du TNP. Cela a été la source de problèmes entre l'AIEA, les États-Unis et la Corée du Sud. La Corée du Nord est signataire et il y a eu des allégations de violation de son statut.
M. Stewart: Il y a un problème d'inspection.
Le sénateur Kenny: J'essaye de déterminer ou de me faire une idée du degré d'assurance que nous pouvons avoir quant à l'intégrité de nos systèmes. Comment nous classons-nous par rapport aux autres? Devrions-nous nous concentrer sur ce qui se passe au Canada et sur la qualité de nos propres systèmes? Comment pouvons-nous nous en assurer? Si les réacteurs d'Europe de l'Est connaissent un accident de type Tchernobyl, est-ce que le lait canadien deviendra radioactif 48 heures après?
M. Stewart: Vous devez évidemment vous assurer que les réacteurs canadiens sont sûrs.
Le sénateur Kenny: Comment devrions-nous nous y prendre pour cela?
M. Stewart: Vous devez parler à ceux qui savent. Je vous conseillerais de parler à la CCEA. Je vous conseillerais certainement de contacter les trois producteurs d'électricité qui sont responsables de ces réacteurs. Vous pourriez également parler avec l'AECL puisque c'est elle qui met au point la technologie à l'appui de ces services publics.
À l'échelle internationale, vous pourriez prendre langue avec l'Association mondiale des exploitants de réacteurs nucléaires. Un autre organe au Canada est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international car il a un rôle au niveau des exportations. Il a un rôle clé en ce qui concerne la non-prolifération.
Le sénateur Kenny: Quel organe désintéressé pourrions-nous contacter? Autrement dit qui n'est pas un exploitant désireux d'exporter? Qui pourrait nous donner des avis impartiaux sur notre propre situation?
M. Stewart: L'Organisation mondiale des exploitants de réacteurs nucléaires est aussi une émanation de l'industrie. Ce n'est pas un organisme de contrôle en soi.
Le sénateur Kenny: Est-ce que l'AIE fait du travail là-dessus? Est-ce que l'OCDE en fait?
M. Stewart: Je vous recommande l'AIE. L'Agence internationale de l'énergie, qui fait partie de l'OCDE, pourrait vous donner ce que vous cherchez. Je vous suggère également de contacter l'Agence internationale de l'énergie atomique.
M. Hunt: Pour que les choses soient claires, il y a deux organisations ayant une appellation similaire. Vous avez mentionné l'une d'elles. L'Agence internationale de l'énergie atomique s'intéresse de près à la prolifération. Vous feriez bien de l'inviter. L'Agence internationale de l'énergie n'a absolument rien à voir avec la prolifération ni les questions de sécurité.
Le sénateur Kenny: Est-ce que l'une d'elles fait partie de l'OCDE, à Paris?
M. Hunt: Non. L'Agence internationale de l'énergie est tout à fait indépendante. L'Agence internationale de l'énergie atomique n'est pas une émanation de l'OCDE, mais des Nations Unies. Son siège est à Vienne, en Autriche.
M. Stewart: L'autre groupe est l'Agence pour l'énergie nucléaire, qui dépend de l'OCDE.
Le sénateur Kenny: Est-elle dirigée par Sam Thompson?
M. Hunt: Non, c'est Donald Johnston.
Le sénateur Kenny: Je parle de l'énergie?
M. Hunt: C'était M. Echavarri. Il était au Canada il y a deux mois.
M. Stewart: Je vous suggère également de visiter n'importe laquelle des installations nucléaires canadiennes. Tous nos membres seraient ravis de vous accueillir, que ce soit à Darlington ou dans une usine de production de combustible nucléaire, n'importe laquelle des mines ou installations de retraitement. Il y en a une tout à côté de chez vous, à Kanata, si vous êtes intéressé à visiter le plus gros producteur mondial d'isotopes radioactifs médicaux.
Le sénateur Spivak: Qui sont les groupes indépendants de recherche scientifique qui se consacrent à l'énergie nucléaire? Je sais que la Société royale, par exemple, a quelques spécialistes de l'énergie nucléaire. Dans lequel des groupes de recherche scientifique y a-t-il des gens qui travaillent, mettons, sur les déchets?
M. Stewart: Il faudrait que nous vous dressions une liste, mais la plus grande part des recherches se fait probablement dans diverses universités de par le monde. Ces dernières sont la principale source de R-D.
Le sénateur Spivak: Avez-vous idée d'où se situent les centres d'excellence dans ce domaine de recherche?
M. Stewart: Il faudra que nous recherchions la réponse. Nous pourrions vous recommander quelques universités réellement indépendantes. Le ministère de l'Énergie américain a d'importantes installations, à Oakridge et ailleurs, où se font des recherches poussées sur les déchets nucléaires et la technologie nucléaire.
Le sénateur Cochrane: Monsieur le président, qu'en est-il de la participation du public relativement à la sécurité de ces installations d'entreposage? Qui supervise cela et à quelle fréquence la Commission de contrôle de l'énergie atomique procède-t-elle à des inspections, et cetera?
M. Stewart: Avant qu'une installation d'entreposage à sec soit agréée, elle doit passer par une évaluation environnementale initiale de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, laquelle relève du ministère de l'Environnement. Il y a un examen initial avec audiences publiques.
Après cela, elle doit être agréée tant au niveau provincial que fédéral. Dans la plupart des provinces, il y a un processus en double. Les deux paliers font une évaluation environnementale similaire. Les installations doivent être agréées à ces deux niveaux.
Toute activité nucléaire passe par un autre mécanisme d'examen public aux fins du permis de la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Cela, c'est avant le démarrage de toute construction. Après l'évaluation environnementale, elle a encore besoin d'un permis parce que toutes les activités nucléaires sont réglementées par la Commission de contrôle de l'énergie atomique. L'installation doit donc passer par tout le processus d'agrément de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, laquelle émet, pour commencer, un permis de construire.
Ensuite, il y a un autre examen en vue de la délivrance du permis d'exploitation. Puis, au Canada, nous avons un processus de renouvellement de permis. La plupart des installations doivent comparaître devant la Commission de contrôle de l'énergie atomique tous les deux ans, aux fins du renouvellement du permis d'exploitation. Cette procédure s'étend sur 60 jours.
Il y a un examen initial où le public peut intervenir. Entre le premier examen, l'examen intermédiaire et l'examen final, le public est consulté. De fait, vous aurez peut-être des annonces à cet effet dans vos journaux locaux. La CCEA fait des annonces publiques pour aviser que l'installation d'entreposage à sec de Point Lepreau est actuellement en cours d'examen pour le renouvellement de son permis et invite toute partie intéressée à intervenir. Dans certains cas, la CCEA tient même des audiences dans la localité.
M. Bishop a commencé à siéger très agressivement dans les localités pour donner au public un meilleur accès à la Commission concernant ces renouvellements de permis.
C'est un processus très rigoureux avec une participation très large du public.
Le sénateur Cochrane: Est-ce que l'énergie nucléaire offre un avantage sur l'hydroélectrique sur le plan du coût et du rendement? Je songe au barrage sur le cours inférieur du Churchill.
M. Stewart: L'hydroélectricité est très tributaire des sites. Elle exige un investissement initial relativement coûteux. Elle est un peu comme l'énergie solaire, en ce sens que l'on achète de l'énergie à vie lorsqu'on effectue l'investissement initial. Le coût d'immobilisation est relativement élevé, mais le coût de l'exploitation de la centrale est extrêmement bas.
Comme le disait le sénateur Taylor, le coût relatif dépend du taux d'intérêt, du loyer de l'argent et des contrats de fournitures d'électricité provenant du site. L'hydroélectricité est également tributaire du débit d'eau. En Colombie-Britannique, vous avez une dénivellation de 600 pieds. Vous pouvez avoir un barrage relativement petit avec une turbine relativement petite parce que vous avez une importante hauteur de chute. Cependant, au Manitoba, le coût de construction du barrage Conawapa, la centrale suivante sur la rivière Nelson, est relativement élevé parce que la hauteur de chute est faible, ce qui exige des turbines plus grosses. Mais le coût peut être moindre et l'impact environnemental moindre parce que la surface inondée est petite. C'est une centrale au fil de l'eau. Il suffit de barrer en amont jusqu'à Limestone, la centrale suivante.
Le sénateur Cochrane: Pensez-vous que l'hydroélectricité serait moins chère que l'énergie nucléaire?
M. Stewart: Cela dépend du site. J'espère certainement que nous finirons par aménager le cours inférieur du Churchill. C'est une excellente source d'électricité que nous pouvons exporter aux États-Unis dans le cadre de notre développement industriel.
Le président: Dans la réponse du gouvernement à Seaborn, que vous avez citée, on dit que les producteurs et propriétaires de déchets de combustible nucléaire du Canada mettront sur pied une organisation de gestion des déchets à titre d'entité juridique distincte. Avez-vous entamé des démarches à cet égard?
M. Stewart: Vous devriez demander les détails aux trois services publics, mais les pourparlers ont certainement commencé. Ils ont démarré immédiatement, et ces trois services publics ont assurément l'intention d'établir cette entité juridique distincte. Ce travail est en cours en ce moment.
Le président: Réagissent-ils favorablement à la position du gouvernement fédéral?
M. Stewart: Oui.
Le président: Est-il exact que la Roumanie possède déjà l'un de nos réacteurs CANDU?
M. Stewart: Elle en a un en service et un à moitié achevé.
Le président: Quel contrôle le gouvernement canadien devrait-il exercer sur la vente de ses réacteurs CANDU pour assurer qu'ils soient exploités de manière sûre et efficace et ne soient pas utilisés à des fins autres que celles prévues?
M. Stewart: Pour répondre d'abord à la dernière partie de la question, nous sommes évidemment tenus d'appliquer la politique actuelle. Nous traitons exclusivement avec les signataires du Traité de non-prolifération. Le Canada a su ajouter à cela un accord bilatéral. Nous sommes l'un des rares pays à avoir su ajouter un accord bilatéral. Le combustible ne peut être utilisé pour aucune fin autre que celle initialement prévue. Selon cet accord, le pays ne peut même retraiter le combustible irradié sans la permission du Canada.
Le président: Quel contrôle exerçons-nous pour garantir le respect de l'accord?
M. Stewart: C'est fait au moyen d'inspections sur place de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Chaque réacteur du monde relevant du TNP est inspecté par l'AIEA. Il y a des caméras de surveillance. C'est une surveillance serrée. On comptabilise les grappes de combustible. On peut suivre à la trace à chaque instant chaque grappe de combustible d'un réacteur CANDU, depuis le pays de provenance jusqu'à l'entreposage. L'agence envoie des inspecteurs indépendants sur place pour s'assurer que rien ne manque.
Le président: Est-ce le cas également en Ukraine et en Russie, où l'on parle de contrebande et d'exportations et de ventes sur le marché noir? Faut-il s'en inquiéter?
M. Stewart: Je m'inquiéterais tout autant des matériaux militaires. Je m'inquiète personnellement tout autant de ce que le Canada peut ou ne peut pas faire pour éviter les fuites ou la contrebande de matériaux nucléaires utilisés anciennement ou actuellement à des fins militaires.
M. Hunt: Je peux répondre de façon très détaillée à la question, monsieur le président. Il existait et existe trois catégories de matériaux dans l'ancienne Union soviétique: les matériaux de laboratoire, les stocks militaires spécifiques et les combustibles et déchets commerciaux civils. J'englobe dans cela les combustibles et déchets de retraitement. Les matériaux qui ont fait leur apparition sur le marché noir au cours des six dernières années, à peu près, sont tous des matériaux de laboratoire. Il n'y a pas là de matériaux militaires ni commerciaux civils. On le sait grâce aux analyses métallurgiques effectuées sur ces spécimens.
Les quantités en jeu dans ces affaires de contrebande sont extrêmement faibles, moins d'un gramme, en fait. Dans certain cas, cela ne dépasse pas un centième de gramme.
Il y a deux ans, le gouvernement américain a procédé à une vérification militaire du système de sécurité des armes nucléaires russes. Nous croyons savoir qu'elle a donné des résultats plutôt favorables, mais cela couvre uniquement les stocks militaires. Cela ne couvre pas les quantités relativement importantes de matériaux qui peuvent exister dans le réseau des laboratoires russes. Ces matériaux n'existent pas seulement dans les laboratoires militaires. Il y en a dans les universités et dans toutes sortes de lieux.
M. Stewart: Les réacteurs commerciaux sont tous assujettis aux contraintes de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
M. Hunt: C'est juste. Le combustible leur est livré. Il est comptabilisé et restitué après usage. Encore une fois, il faut souligner que la source de préoccupation est le plutonium 239 pur utilisable à des fins militaires ou, dans certains cas, l'U-235 pur. Ces matériaux existent sous forme pure. Ce n'est pas sous cette forme que se présente le combustible ou les déchets de combustible des réacteurs civils.
M. Stewart: C'est du plutonium de type militaire. L'autre est l'UHE, l'uranium hautement enrichi. L'U-235 est hautement enrichi.
Le président: Vous nous assurez que, dans le cas des réacteurs CANDU à tout le moins, les mesures de contrôle et de surveillance et la connaissance de l'usage fait de ces réacteurs sont suffisants et que le Canada n'a pas à s'inquiéter à cet égard. Ai-je bien compris?
M. Hunt: La réponse, monsieur le président, est oui. Tous les pays auxquels nous vendons des réacteurs CANDU rendent compte à l'AIEA de tout le combustible irradié produit par ces réacteurs. Rien ne peut en être détourné pour d'autres fins.
M. Stewart: Nous ne devons pas déroger à notre obligation de diligence pour assurer que l'infrastructure soit en place. La CCEA pourra vous en parler. Nous sommes pleinement en faveur d'une autorité de réglementation puissante au Canada et au sein de l'AIE. C'est nécessaire.
Le sénateur Spivak: Tchernobyl est l'accident qui a engendré d'énormes retombées. Vous ne pouvez peut-être pas répondre à ma question tout de suite, mais pourriez-vous nous indiquer pendant combien de temps la région environnante sera interdite d'accès? Pourriez-vous nous dire également comment cet accident est arrivé? Ce serait une leçon pour le monde. Pourriez-vous également nous donner des renseignements sur toute similitude entre ce désastre et ce qui pourrait arriver si une installation d'entreposage de déchets nucléaires contaminait la nappe phréatique? Ce sont des sujets d'inquiétude. Pourriez-vous nous faire parvenir quelques documents en réponse à ces questions?
M. Stewart: Nous pouvons. Des quantités de recherches ont été faites sur ce qui s'est passé à Tchernobyl.
Le sénateur Spivak: Évidemment, la réaction du gouvernement soviétique a été de taire la vérité au public. Il faut espérer que cela ne serait pas le cas chez nous.
Le président: Monsieur Stewart et monsieur Hunt, merci beaucoup de votre temps et de vos efforts.
La séance est levée.