Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 17 - Témoignages du 23 mars 1999


OTTAWA, le mardi 23 mars 1999

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 37 afin d'examiner les questions qui peuvent se présenter de temps à en temps relativement à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles au Canada.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous avons devant nous des témoins de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, CCEA. Soyez les bienvenus. Veuillez commencer.

Mme Agnes J. Bishop, présidente-directrice générale de la Commission de contrôle de l'énergie atomique: Monsieur le président et honorables sénateurs, merci de m'offrir la possibilité de participer à vos audiences. En tant que présidente de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, je suis heureuse de vous parler de la réglementation de l'industrie nucléaire canadienne et d'aborder avec vous les plans et les priorités de la commission pour les mois à venir.

J'ai l'intention ce matin de vous donner un vaste aperçu de notre rôle en tant qu'organisme de réglementation de l'industrie nucléaire au Canada. J'aborderai brièvement aussi la transition qui se prépare pour la commission et certains problèmes clés avec lesquels nous devons composer sur une base quotidienne, comme le problème de l'an 2000, la déréglementation des marchés de l'électricité et l'élimination des déchets.

La CCEA a été établie en 1946 en vertu de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. Elle est un organisme fédéral indépendant qui rend compte au Parlement par l'entremise du ministre fédéral des Ressources naturelles. Notre rôle est de réglementer l'industrie nucléaire au Canada de manière telle que le développement et l'utilisation de l'énergie nucléaire ne posent pas de risque indu pour la santé, la sécurité et l'environnement. Nous avons également pour mandat de contrôler l'importation et l'exportation de substances réglementées, d'équipement et de technologies nucléaires et d'aider le Canada à s'acquitter de ses obligations nationales et internationales conformément au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

La CCEA contribue aux activités d'organismes et d'agences internationales qui s'intéressent à l'amélioration du contrôle réglementaire des matières et des installations nucléaires. De plus, nous avons des ententes de coopération particulières avec plusieurs pays.

Pour s'acquitter de cette vaste mission, la CCEA administre un régime de permis couvrant tous les aspects des installations, des substances réglementées et de l'équipement nucléaires. À quelques exceptions près, pour acquérir, utiliser ou éliminer des matières radioactives au Canada, il faut détenir un permis de la CCEA, respecter la réglementation et se soumettre à des inspections.

Avant que l'on puisse délivrer un permis, le demandeur doit satisfaire à certains critères établis par la commission pour le choix du site, la conception, la construction, l'exploitation et le déclassement du projet. Dans plusieurs domaines, nous avons un processus réglementaire conjoint qui fait en sorte que les demandes de permis sont examinées par d'autres organismes de réglementation. De cette façon, la CCEA est capable de tenir compte des préoccupations et des exigences d'autres organismes de réglementation fédéraux et provinciaux dans des domaines comme la santé, l'environnement, le transport et la main-d'<#0139>uvre, avant de délivrer un permis.

Après avoir délivré un permis, la CCEA applique un régime rigoureux de surveillance et d'inspection pour s'assurer de la conformité aux conditions du permis et aux règlements en général. L'exploitation qui ne se conforme pas à ces exigences peut faire face à certaines mesures réglementaires, y compris la fermeture de l'installation.

Pour de nombreux Canadiens, les réacteurs nucléaires CANDU exploités par les compagnies d'électricité constituent l'exemple le plus frappant d'installations nucléaires. Vingt sont 20 installés en Ontario et un dans chacune des provinces du Québec et du Nouveau-Brunswick. Ces installations représentent une bonne partie du travail de la CCEA, mais la technologie nucléaire a bien davantage d'applications dans la société moderne. De fait, nous administrons en permanence de 3 500 à 4 000 permis au Canada. L'utilisation de matières radioactives comme les radio-isotopes est largement répandue. Elles sont utilisées dans de nombreuses applications industrielles de même que par des installations de recherche.

À un moment ou à un autre de son existence, chaque Canadien ou presque sera exposé à l'utilisation de la technologie nucléaire pour les diagnostics médicaux ou pour les procédures thérapeutiques. Le régime de permis et les activités réglementaires de la CCEA s'appliquent aux réacteurs de recherche nucléaire, aux accélérateurs de particules, aux mines et aux usines de concentration et de raffinage d'uranium, aux usines de fabrication de combustible nucléaire, aux usines d'eau lourde et aux installations de gestion de déchets radioactifs.

Je tiens à préciser au comité que le rôle de la CCEA n'est pas de promouvoir l'industrie nucléaire. Nous ne sommes ni pour ni contre l'industrie nucléaire et nous ne construisons ni ne vendons de réacteurs. C'est le travail d'Énergie atomique du Canada limitée, une société d'État entièrement distincte. Nous ne pratiquons pas la médecine nucléaire et nous ne nous adonnons à aucune activité commerciale liée au nucléaire.

Bref, il n'incombe pas à la CCEA de prendre une décision sur l'opportunité d'utiliser ou non l'énergie nucléaire au Canada. Toutefois, notre rôle commence une fois que la décision a été prise et il ne prend fin que lorsque l'installation a été déclassée conformément aux exigences réglementaires.

Cela est un aperçu de la CCEA comme elle existe aujourd'hui. Toutefois, les honorables sénateurs savent sans doute que nous sommes en période de transition et que l'année 1999 sera marquée par des défis et des changements importants. Au moment de la création de la CCEA, il y a plus de 50 ans, l'industrie nucléaire canadienne prenait naissance. À ce moment, l'organisme de réglementation se préoccupait principalement de questions de sécurité nationale. Depuis, ses intérêts se sont portés sur les conséquences des activités nucléaires pour la santé, la sécurité et l'environnement.

Pour refléter ces préoccupations plus modernes, le Parlement a approuvé, en mars 1997, une nouvelle loi qui remplacera la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique et qui permettra de mieux réglementer l'énergie nucléaire au Canada. Vous connaissez tous la Loi sur le contrôle et la réglementation nucléaires, la loi C-23, qui a été soumis au Sénat il y a deux ans. Depuis ce moment, nous avons pris un nouveau règlement d'application de la loi et nous l'avons publié afin de permettre au public de le commenter. Actuellement, nous préparons la version finale de ce règlement en tenant compte des observations reçues. La nouvelle loi entrera en vigueur dès que le règlement sera approuvé, ce qui devrait survenir plus tard au cours de l'année.

La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires aura des conséquences importantes pour la CCEA. Elle lui fournira le fondement légal requis pour une meilleure réglementation des installations nucléaires au moment où nous aborderons le nouveau millénaire. La CCEA attend ce moment avec impatience, surtout parce qu'elle pourra ainsi renforcer le régime de réglementation nucléaire et mieux protéger la sécurité des Canadiens.

D'abord et avant tout, la nouvelle loi nous donnera un nouveau nom, soit la Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui reflétera mieux notre rôle et notre mandat modernes et qui contribuera à éliminer la confusion actuelle qui existe entre la CCEA, l'organisme de réglementation, et l'AECL, l'organisme de promotion.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire aura aussi un mandat plus clair que celui de la CCEA pour établir et mettre en application les normes nationales dans les domaines de la santé, de la sécurité et de l'environnement. De même, la nouvelle loi établit un solide fondement légal pour la mise en oeuvre de la politique canadienne concernant les questions de sécurité, particulièrement la non-prolifération des armes nucléaires. Certains changements importants seront également apportés à la structure, aux pouvoirs et à l'autorité de l'organisme de réglementation.

Par exemple, la nouvelle loi porte de cinq à sept le nombre de commissaires, ce qui offrira un plus large éventail d'expertises pour la prise de décisions. Elle prévoit, en outre, un système officiel d'examen et d'appel des décisions réglementaires. Les inspecteurs de conformité auront davantage de pouvoirs et les pénalités en cas d'infractions seront beaucoup plus fortes, puisqu'elles passeront du niveau actuel de 10 000 $ à un million de dollars.

La commission aura l'autorité nécessaire pour exiger des garanties financières afin de couvrir les coûts de déclassement d'installations et de gestion des déchets radioactifs et pour ordonner que des mesures correctives soient prises dans les situations dangereuses. La nouvelle loi autorisera en outre la commission à conclure des ententes avec les provinces, y compris l'adoption de lois, de normes et de codes provinciaux dans les règlements de la commission s'il y a lieu ou si la chose s'avère nécessaire pour éviter un chevauchement et une duplication en matière de réglementation.

La tâche la plus urgente à laquelle la CCEA sera confrontée au cours de la prochaine année est de veiller à la mise en oeuvre efficace de la nouvelle loi et du règlement d'application. Ce sera là notre priorité. À cette fin, et comme je l'ai mentionné plus tôt, nous préparons actuellement le texte final du règlement. Les consultations avec les dirigeants de l'industrie, les gouvernements fédéral et provinciaux et le public constituent un élément clé de ce processus et sont essentielles pour assurer une transition en douceur au nouveau cadre réglementaire.

Pour faciliter le processus de transition, la CCEA a également mis en place un programme de formation complet pour s'assurer que le personnel sera capable de bien interpréter et appliquer la nouvelle loi de manière uniforme et efficace. Nous avons également accru nos efforts pour élaborer de nouveaux documents d'application de la réglementation. Ces documents permettront de mieux définir nos attentes relativement à des aspects particuliers de l'exploitation nucléaire, et la rédaction se fait en consultation avec les titulaires de permis, le public et d'autres intervenants.

Tout ce travail de transition se fait parallèlement à nos activités de délivrance de permis et de conformité en vertu de la loi actuelle. Comme vous pouvez le constater, c'est une période d'activité intense pour le personnel de la commission.

En ce qui a trait à la nouvelle réglementation, je tiens à préciser au comité que la CCEA fait tout en son pouvoir pour harmoniser ses exigences réglementaires avec celles d'autres organismes fédéraux et provinciaux qui ont des responsabilités reliées à l'industrie nucléaire.

La délicate question du chevauchement et du dédoublement de la réglementation continue de retenir notre attention. La CCEA s'est engagée à rationaliser son régime réglementaire, à en minimiser le fardeau et à réduire les frais administratifs dans toute la mesure du possible, tout en assurant un régime efficace et efficient.

Il y a un moment, j'ai dit que la nouvelle loi nous permettrait de mieux collaborer avec les organismes de réglementation provinciaux en matière de dédoublement et de chevauchement. Au niveau fédéral, nous travaillons avec les ministères de la Santé, des Ressources naturelles, des Transports, de l'Environnement, du Développement des ressources humaines et des Pêches et des Océans pour en arriver à une meilleure collaboration sur des questions réglementaires qui ont des répercussions pour l'industrie nucléaire ou qui sont soulevées par l'industrie. Cela continuera d'être une priorité stratégique pour la commission actuelle et pour la nouvelle commission.

Bien que la première priorité de la CCEA soit d'assurer un passage en douceur au nouvel organisme, nous devons aussi nous occuper d'un problème pressant à l'approche du nouveau millénaire, à savoir les répercussions potentielles du problème de l'an 2000 sur les activités nucléaires.

Le problème de l'an 2000 revêt une grande importance pour l'exploitation sûre et fiable des centrales nucléaires et d'autres installations.

Il s'agit d'un grand défi de gestion des risques pour l'industrie et les organismes de réglementation. Il y a déjà un certain temps que l'on a reconnu la possibilité qu'il y ait des problèmes, et depuis ce moment, la CCEA et ses titulaires de permis abordent la question du problème de l'an 2000 de manière globale et uniforme.

Bien que la responsabilité primaire face à ce problème incombe aux exploitants nucléaires, nous avons, en tant qu'organisme de réglementation, un rôle important à jouer relativement à la santé, à la sécurité et à l'environnement.

Nous avons l'obligation de nous assurer que l'industrie sera prête pour aborder le problème de l'an 2000 et d'agir en conséquence si elle ne peut le faire.

La CCEA a mis au point une stratégie complète pour faire face au problème de l'an 2000. Nous prenons les mesures appropriées pour nous assurer que seront protégées la santé et la sécurité du public et des travailleurs de même que de l'environnement.

Les titulaires de permis doivent faire la preuve d'ici le 30 juin de l'année en cours qu'ils sont prêts pour l'an 2000. Par exemple, les exploitants de réacteurs doivent fournir des assurances que les systèmes de sûreté pourront arrêter les réacteurs, continuer d'assurer le refroidissement et le confinement et maintenir des fonctions de sûreté, de contrôle et de surveillance.

La date butoir du 30 juin a été retenue pour deux raisons stratégiques. Elle laisse le reste de l'année 1999 pour que le personnel des installations se familiarise avec les changements opérationnels et les nouvelles procédures, et pour préparer une transition fiable au nouveau millénaire. En outre, la CCEA aura le temps d'intervenir si elle n'est pas convaincue qu'un exploitant particulier est prêt pour aborder l'an 2000.

Un autre élément de notre stratégie consiste à établir un dialogue avec les organismes responsables de problèmes qui ne sont pas de notre ressort, mais qui peuvent affecter les exploitations nucléaires. Je pense en particulier à la stabilité du réseau électrique et des systèmes de communication le 1er janvier 2000.

Nos plans doivent tenir compte des répercussions possibles du bogue de l'an 2000 sur ces systèmes externes.

Au pays, les plans de mise en oeuvre se déroulent bien, mais il ne suffit pas que nous soyons prêts. L'industrie nucléaire ne peut se permettre de travailler en vase clos, car les conséquences d'accidents nucléaires graves ne s'arrêtent pas aux frontières géographiques nationales. C'est pourquoi il est essentiel que les organismes de réglementation et les exploitants partout au monde partagent des renseignements.

La CCEA se penche sur les problèmes de l'an 2000 avec ses homologues d'autres pays depuis un certain temps déjà. Au début de février, nous avons élargi ce dialogue et l'appui mutuel en accueillant un atelier international sur les répercussions du bogue de l'an 2000 pour l'industrie nucléaire.

Quelque 20 pays ont participé à l'atelier de trois jours, qui était parrainé par l'Agence de l'Organisation de coopération et de développement économiques pour l'énergie nucléaire. À cette occasion, des responsables de la réglementation et des exploitants venus de partout au monde ont examiné comment divers pays réagissent au défi de l'an 2000 et ils ont pu se familiariser avec les leçons apprises jusqu'à maintenant et avec les plans pour le futur.

À titre d'information pour le comité, on estime que l'atelier a connu un franc succès et qu'il a contribué à bien ancrer la réputation du Canada comme chef de file mondial dans le domaine des systèmes informatiques pour les réacteurs nucléaires.

Malgré que nous soyons persuadés qu'il n'y aura pas de problèmes de sûreté résultant du passage à l'an 2000, nous préparons tout de même des plans d'urgence, particulièrement en ce qui a trait aux pannes d'électricité et aux problèmes de communication, qui pourraient affecter notre capacité d'intervenir en cas d'urgence nucléaire.

Face au problème de l'an 2000, nous devons aussi nous assurer d'être prêts. Comme la plupart des autres organismes, la CCEA dépend de la technologie de l'information pour exécuter ses programmes, et il s'ensuit donc que nos systèmes internes sont exposés aux risques que pose le bogue de l'an 2000.

J'ai le privilège de vous informer que la plupart de nos systèmes sont maintenant conformes à l'an 2000. Le travail continue sur les autres systèmes et nous sommes persuadés que tous les systèmes régissant les activités internes de la CCEA seront conformes à l'an 2000.

J'aimerais maintenant vous entretenir de certains autres problèmes qui touchent actuellement les activités de la CCEA. Il s'agit de la déréglementation des marchés de l'électricité, de la tendance à la privatisation et des difficultés de gestion qu'éprouvent certains producteurs d'électricité.

En Ontario, par exemple, la CCEA devra redoubler d'efforts pour s'assurer que la sûreté des activités nucléaires ne sera pas compromise par la mise en oeuvre du plan de redressement d'Ontario Hydro et la concurrence nouvelle sur le marché de l'électricité. Le comité est sans doute au courant des problèmes d'exploitation nucléaire qu'éprouve Ontario Hydro.

J'aimerais prendre quelques minutes pour aborder cette question du point de vue de l'organisme de réglementation. En 1989, la CCEA avait déjà constaté que les normes d'exploitation et de maintenance dans les centrales nucléaires d'Ontario Hydro avaient diminué au point où des mesures correctives majeures s'imposaient. Le problème a été abordé lors des réunions publiques de la commission et mentionné dans divers documents accessibles au public.

À l'époque, Ontario Hydro avait accepté notre évaluation et reconnu que les problèmes étaient sérieux. Le service public avait alors indiqué qu'il lui faudrait de trois à cinq ans pour retrouver son statut d'excellent exploitant nucléaire selon les normes de l'industrie et la direction s'était engagée à agir.

Au cours des années qui ont suivi, Ontario Hydro a élaboré et mis en oeuvre divers plans pour corriger la situation. Malgré certaines améliorations, le service public n'a pu maintenir les améliorations.

En 1996, la dégradation des activités d'Ontario Hydro était telle que la CCEA a renouvelé le permis d'exploitation de la centrale nucléaire Pickering pour une période de six mois seulement et prévenu la société que d'autres centrales nucléaires risquaient de subir le même sort.

À la suite des mesures et des évaluations de la CCEA et d'examens faits par les pairs de l'industrie, Ontario Hydro a entrepris en 1997 une série d'examens détaillés de l'ensemble de son programme nucléaire pour accroître le rendement opérationnel et la sûreté.

Dans le cadre de cette démarche, Ontario Hydro a commandé des évaluations de rendement indépendantes et intégrées. Les conclusions de ces évaluations ont été très critiques de sa gestion du secteur nucléaire. D'ailleurs, elles étaient similaires à celles de la CCEA.

Pour corriger la situation, Ontario Hydro a proposé un plan d'optimisation de l'actif nucléaire prévoyant l'arrêt de 7 des 19 réacteurs en exploitation. Il s'agit d'une décision de gestion qu'elle a prise en tenant compte des ressources requises pour apporter et maintenir les améliorations à l'exploitation et non pour des raisons de sûreté.

Toutefois, on a largement supposé, à tort, qu'Ontario Hydro avait arrêté les réacteurs uniquement pour des raisons de sécurité. En conséquence, la CCEA a été critiquée pour ne pas avoir ordonné elle-même l'arrêt des réacteurs. Les critiques sont venues notamment du comité spécial des affaires nucléaires d'Ontario, mis sur pied par l'Assemblée législative ontarienne.

Dans sa réponse au rapport du comité et dans d'autres forums publics, la CCEA a fermement réitéré sa position concernant la situation du secteur nucléaire d'Ontario Hydro.

La CCEA n'a jamais toléré d'infractions en matière de sûreté. Confrontée à des manquements graves à la sûreté, elle a pris des mesures de réglementation, pour notamment empêcher l'exploitation des réacteurs, entreprendre des poursuites, retarder le démarrage de réacteurs ou exiger la modification des conditions d'arrêt de réacteurs.

Il ne fait aucun doute qu'Ontario Hydro devait apporter des améliorations à ses activités d'exploitation, de maintenance et de gestion si elle voulait conserver son permis, mais il faut savoir que les réacteurs ont été exploités de manière sûre et conformément aux conditions de permis pendant toute la période de validité des permis.

La CCEA n'a pas à gérer les activités commerciales d'un titulaire de permis. Bien qu'il lui incombe de signaler les pratiques de gestion qui peuvent contribuer à un abaissement des normes de sûreté, il ne serait pas approprié qu'elle s'ingère dans d'autres considérations de gestion.

C'est précisément ce type de considération qui a amené l'arrêt des réacteurs d'Ontario Hydro. Cela étant dit, la CCEA était d'accord avec le comité spécial qui soutenait qu'il était encore possible d'améliorer la façon de traiter les problèmes récurrents observés à Ontario Hydro.

À cette fin, la CCEA a créé une nouvelle Division de l'évaluation des centrales nucléaires chargées de faire une évaluation plus systématique, mieux intégrée et plus uniforme du rendement des centrales nucléaires.

Au fil des ans, on a beaucoup insisté sur la nécessité d'une ouverture et d'une transparence plus grandes du régime de réglementation de l'énergie nucléaire, et d'un renforcement des efforts de communication de la CCEA avec le public. À ce chapitre, la nouvelle loi précise que l'information publique est une responsabilité importante. Il s'agit d'un processus constant puisque nous cherchons à mieux informer et consulter le public au sujet de nos activités, particulièrement en cette année de transition à la nouvelle Commission canadienne de sûreté nucléaire.

À cet égard, nous avons lancé plusieurs initiatives dont, entre autres, celle consistant à étendre les activités d'information et de consultation du public. Les propositions relatives aux demandes d'autorisation ou de permis sont couramment distribuées aux autorités locales et aux groupes et organismes intéressés. De plus, des avis sont publiés dans les médias locaux. La commission a maintenu la pratique de tenir des réunions publiques à proximité des grandes installations nucléaires pour permettre aux citoyens de participer.

La commission continue d'être ouverte au public et aux médias. Le public continue de contribuer au processus de prise de décisions en faisant des interventions ou en présentant des mémoires à la commission. De plus, le public a participé au processus de consultation menant à l'élaboration du nouveau règlement et des documents d'application de la réglementation.

Consciente de la nécessité d'améliorer ses activités de communication publiques, la CCEA a étendu, il y a un an environ, ses efforts en matière d'information publique et de communication en créant la nouvelle Division des communications. Cette division jouera un rôle clé pour permettre à la commission de s'acquitter de son objectif à long terme de diffusion de l'information et de sensibilisation accrue du public à ses activités.

Récemment, les médias ont parlé d'Ontario Hydro en rapport avec l'initiative du gouvernement provincial de déréglementer le marché de l'électricité. Le phénomène n'est pas limité à l'Ontario puisque la déréglementation de ce marché se produit à peu près partout dans le monde occidental. Toutefois, l'Ontario est la première province du Canada a adopté une loi -- la Loi sur la concurrence en matière d'énergie de 1998 -- qui servira à restructurer le marché de l'électricité et les services publics d'électricité.

La province se propose de créer deux nouvelles entités commerciales d'électricité, l'une qui sera responsable de la production d'électricité et l'autre, de l'acheminement aux clients. De plus, on établira un exploitant de marché indépendant pour acheminer l'électricité en fonction des soumissions les moins coûteuses et pour s'occuper des arrangements financiers entre acheteurs et vendeurs.

Permettez-moi d'être très claire sur ce point. Le mandat de la commission n'est pas de dicter à un gouvernement provincial la façon d'organiser son industrie de l'électricité. Toutefois, notre mandat est de nous assurer que les changements structurels apportés au secteur de l'électricité tiennent compte des exigences particulières en matière de sûreté des centrales nucléaires.

Peu importe la forme que prendra la déréglementation, les exploitants de centrales nucléaires de l'Ontario sont toujours tenus de se conformer aux conditions de permis établies par la CCEA et par son successeur, la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Avant d'autoriser toute nouvelle compagnie de production d'électricité à exploiter une centrale nucléaire, la CCEA doit s'assurer que les règles d'exploitation du réseau ou les rapports entre les propriétaires et l'exploitant des centrales nucléaires ne posent pas de risque indu. Elle doit s'assurer aussi que le nouvel exploitant est compétent et qu'il a fourni les garanties financières appropriées.

À la lumière des discussions en cours avec les fonctionnaires provinciaux, nous sommes persuadés que ces problèmes pourront être réglés à la satisfaction de toutes les parties en cause. Toutefois, les responsables de la réglementation de l'industrie nucléaire craignent que la concurrence accrue générée par la déréglementation ne mène à une diminution des ressources consacrées aux questions de sûreté dans l'exploitation des centrales nucléaires ou que la nécessité de respecter les engagements d'approvisionnement d'énergie électrique ne mène à des décisions moins conservatrices en matière de sûreté.

J'aimerais vous entretenir brièvement d'un dernier sujet, la gestion des déchets radioactifs de haute activité. La gestion à long terme du combustible nucléaire épuisé est fort controversée au Canada tout comme dans d'autres pays, et la controverse entourant ce problème n'est pas à la veille de s'atténuer.

Récemment, le groupe de travail fédéral d'examen environnemental qui examinait la proposition de la CCEA relative à l'enfouissement de déchets de réacteurs de haute activité dans des couches géologiques profondes, a noté que les aspects techniques du projet avaient peut-être été abordés de manière satisfaisante, mais que l'acceptation sociale ou publique du concept était moins sûre.

La seule chose qui semble généralement bien acceptée par le public, l'industrie et le gouvernement est que les exploitants de centrales nucléaires doivent, en bout de chaîne, porter le fardeau administratif et financier de la gestion des déchets à long terme.

Il ne sera guère facile d'obtenir une large acceptation publique de toute politique particulière de gestion des déchets de haute activité à long terme. Quelle que soit la politique nationale éventuelle sur cette question importante, la Commission canadienne de sûreté nucléaire devra réglementer les installations de manière telle qu'elles ne posent pas de risque indu pour les travailleurs, le public, la sécurité nationale ou l'environnement. Je puis assurer votre comité que nous ferons preuve de diligence raisonnable pour nous acquitter de cette responsabilité.

Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, il s'agit d'une période toute spéciale et pleine de défis pour l'organisme de réglementation de l'énergie nucléaire au Canada. Néanmoins, je suis persuadée que nous avons la capacité de gérer le changement tout en nous acquittant de nos responsabilités envers les Canadiens.

Nous ferons preuve de dynamisme dans la mise en oeuvre de la nouvelle loi et des nouveaux règlements, qui viendront renforcer notre capacité de protéger les Canadiens contre tout risque indu lié à l'utilisation de l'énergie nucléaire.

Nous continuerons d'améliorer nos efforts en matière de communication et nous rendrons l'information aussi accessible que possible.

Nous continuerons d'améliorer et de rationaliser le processus réglementaire, et nous continuerons de soutenir les efforts internationaux visant à maintenir et à renforcer le régime de non-prolifération nucléaire.

Sénateurs, il me fera plaisir de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

Le sénateur Kenny: J'aimerais commencer par aborder certaines de vos activités internationales, étant donné que je m'intéresse particulièrement aux risques transfrontaliers. Pourriez-vous aider le comité en nous expliquant brièvement ce que font l'Agence internationale de l'énergie atomique, la Commission internationale de protection radiologique, le Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants et l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire et de quelle façon ces organismes de réglementation internationaux se chevauchent.

Mme Bishop: Je ne crois pas qu'aucun des organismes que vous avez cités ne soit un organisme de réglementation.

L'AIEA est l'agence des Nations Unies qui s'intéresse aux activités nucléaires. Elle couvre un large éventail de l'activité nucléaire, depuis la promotion jusqu'à l'élaboration de documents traitant de sécurité.

Récemment, on a tenté de séparer l'aspect promotionnel des questions touchant la réglementation et la sécurité. L'AIEA est un des organismes chargés d'élaborer des normes, des politiques et des guides internationaux. Nous travaillons en étroite collaboration avec cet organisme et nous y affectons constamment plusieurs de nos employés dans le cadre de l'activité de réglementation. Bien entendu, l'AIEA participe également au programme de non-prolifération.

Le sigle CIPR désigne la Commission internationale de protection radiologique. Elle propose des normes internationales en vue de protéger le public contre les rayonnements. Ici encore, la CCEA a travaillé en étroite collaboration avec cet organisme. Je crois d'ailleurs que M. Duncan en a été membre.

La CCEA a joué un grand rôle auprès de cet organisme.

Le rôle fondamental de l'AEN ou Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire est de s'occuper des aspects techniques de l'industrie nucléaire. Depuis peu, elle a également commencé à se pencher sur les questions touchant la réglementation et la sûreté et, au cours de la dernière semaine de juin, elle tiendra un atelier où des politiques, des responsables de la réglementation ainsi que des représentants du public pourront débattre ces enjeux. Je serai à cette réunion et le Canada, par l'entremise de la CCEA, y sera représenté.

L'UNSCEAR, ou Comité scientifique pour l'étude des effets des rayons ionisants, a pour mission, entre autres, de protéger la santé publique.

La CCEA est également membre de diverses associations telles que l'INRA, un organisme regroupant les pays membres du G-7, moins l'Italie et plus l'Espagne, et au sein duquel les hautes responsables de la réglementation discutent très franchement des questions concernant la réglementation nucléaire dans leurs pays respectifs.

Nous participons également à d'autres activités internationales.

Le sénateur Kenny: Au lieu d'un aperçu de l'ensemble de vos activités internationales, je préférerais faire porter mes questions sur les risques frontaliers. Il me semble que sur les quatre organismes que vous avez décrits ce sont l'AIEA et l'AEN qui s'intéressent plus particulièrement aux facteurs de risque.

Je vais me concentrer sur les réacteurs qui, ailleurs dans le monde, ne semblent pas présenter un fonctionnement aussi sûr qu'ils le devraient, et sur ce que nous faisons pour remédier à la situation. Ai-je raison de croire que ce sont les deux organismes vers lesquels vous vous tourneriez d'abord lorsqu'il s'agit de classer la sûreté des réacteurs internationaux?

Mme Bishop: Ces deux organismes s'intéressent en effet à la sûreté de fonctionnement de certains des réacteurs auxquels vous avez fait allusion, mais ce ne sont pas nécessairement eux qui déterminent le classement des questions de sûreté.

Il y a en Europe de l'Ouest un nouvel organisme, WENRA ou Association européenne des chargés de réglementation, qui examine les questions de réglementation et de sûreté de concert avec les pays de l'Europe de l'Est parce que ce sont des voisins.

L'AIEA y envoie des groupes pour examiner les questions de sûreté spécifiques à certains de ces réacteurs, et cet organisme et l'AEN mettent tout en oeuvre pour aider ces pays à améliorer les aspects opérationnels. Au cours des réunions entre les hauts chargés de la réglementation, y compris ceux des pays en question, nous étudions certains problèmes précis auxquels ils sont confrontés.

Quand ces pays nous en ont fait la demande, mais seulement à cette condition, la CCEA a participé à la formation de leurs chargés de la réglementation. Nous ne le ferions pas sans y être invités.

Le sénateur Taylor: Vous n'iriez que si on vous le demandait. Est-il possible que l'on ne vous le demande pas parce que vous pourriez être perçus comme faisant la promotion de la vente de réacteurs CANDU?

Mme Bishop: Non. Je puis affirmer sans l'ombre d'un doute que, lorsqu'on fait appel à nous en tant qu'organisme de réglementation pour examiner des questions relatives à la sûreté internationale, la CCEA est nettement considérée comme un organisme tout à fait indépendant du promoteur.

Le sénateur Taylor: Vous l'êtes, mais le perçoivent-ils?

Mme Bishop: Oui. Je crois que ces pays sentent très bien cette séparation. À mon sens, cela ne pose pas de problème.

Il faut reconnaître, toutefois, que tous les organismes de réglementation au monde ne sont pas aussi efficacement séparés que nous le sommes. La nouvelle Convention sur la sûreté nucléaire constitue un autre outil très important en ce qu'elle permet aux pays d'évaluer réciproquement leurs programmes.

Monsieur Harvie, combien y a-t-il de pays signataires?

M. J.D. Harvie, directeur général, Direction générale de la réglementation des réacteurs, Commission de contrôle de l'énergie atomique: Une cinquantaine de pays ont ratifié la convention. La première réunion des pays qui sont parties à la nouvelle convention sur la sûreté nucléaire débutera le 11 avril et durera deux semaines. Le Canada a été le premier pays à signer la convention et, le mois prochain, nous serons les chefs de file à la réunion des parties contractantes.

Mme Bishop: Voilà un nouvel effort international très important.

Le sénateur Kenny: Nous avons entendu des rumeurs selon lesquelles certains réacteurs, particulièrement en Europe de l'Est, présentent de graves vices de construction, sont exploités par des gens ne possédant pas une formation suffisante, ne font pas l'objet de toutes les précautions nécessaires en matière de sécurité, et que le personnel n'a pas été payé depuis six mois. Ces rumeurs sont-elles fondées?

Mme Bishop: Il ne fait aucun doute qu'il y a dans le monde des centrales nucléaires qui présentent des lacunes en matière d'exploitation et que certaines d'entre elles fonctionnent dans des conditions que nous ne tolérerions pas. Il est également juste de dire que la communauté internationale est préoccupée par certaines de ces centrales, et que l'AIEA et les pays qui en sont membres font tout leur possible pour remédier à ces lacunes.

Le sénateur Kenny: S'il se présentait une «urgence nucléaire», pour reprendre votre expression, à l'un de ces sites, quel genre de scénario envisagez-vous? Est-il concevable que de tels problèmes puissent se produire au Canada? Notre nourriture pourrait-elle être contaminée? De quelle façon des problèmes liés à ces réacteurs affecteraient-ils le quotidien des Canadiens?

Mme Bishop: Je suppose que vous parlez d'une urgence nucléaire consécutive à une fuite de matières radioactives, parce que bien d'autres cas sont envisageables.

La quantité de matière radioactive qui finirait par atteindre le Canada et contaminer nos produits agricoles et notre eau dépendrait, bien sûr, de l'ampleur de la fuite. Comme vous le savez, nous avons été passablement épargnés par la contamination en provenance de Tchernobyl. Cela s'explique notamment par la présence de vents dominants. Je puis simplement dire que cela dépendrait de la quantité de matière libérée et de l'endroit d'où elle proviendrait.

Le Canada risque très peu d'être sérieusement contaminé par un quelconque de ces réacteurs, mais il ne fait aucun doute qu'une grande partie de l'Europe le serait. Toutefois, il y aurait bien quelques retombées ici même.

Le sénateur Kenny: Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur? Après avoir entendu votre exposé, j'ai l'impression que vous surveillez de près ce qui se passe au Canada, surtout si vous vous apprêtez à fermer Ontario Hydro, ou une de ses installations, très bientôt. Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur quant au contrôle ou à la réglementation que l'on trouve dans d'autres pays, notamment en Europe de l'Est, où il y a quelques réacteurs à risque?

Où nous situons-nous sur l'échelle et y a-t-il de quoi s'inquiéter? Y a-t-il là motif à s'inquiéter ou bien y a-t-il là-bas des gens qui, comme vous, surveillent ce qui se passe et voient à ce que tout fonctionne bien?

Mme Bishop: Chaque pays a son régime de réglementation et chaque pays tente de se conformer aux normes internationales. S'il advenait que des réacteurs ne fonctionnent pas normalement, la communauté internationale devrait intervenir et prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu'elles soient ou bien fermées ou bien améliorées. C'est précisément ce qui se passe à Tchernobyl.

Au cours des cinq dernières années, on a vu dans ces pays de plus en plus d'organismes de réglementation élaborer un régime de réglementation et des lois, de telle sorte qu'ils sont aujourd'hui plus efficaces et plus indépendants de l'organe politique. Il faut reconnaître toutefois que la tâche n'est pas facile dans certains de ces pays.

Lorsque les besoins en électricité sont criants, il est difficile de réglementer le domaine comme nous le faisons, nous qui prenons toutes les précautions inimaginables avant de fermer une centrale.

M. Harvie: Aux termes de la convention internationale sur la sûreté nucléaire, les pays sont tenus, entre autres, de signaler le degré d'indépendance des organismes de réglementation. Des pays comme la Russie, l'Ukraine et la Lituanie, qui exploitent, en autres, les réacteurs RBMK et VVER, disposent tous d'organismes de réglementation. Ils n'affichent pas toujours le degré d'indépendance vis-à-vis des promoteurs que nous exigeons au Canada.

Notre objectif consiste en partie à aider et à encourager ces pays à créer des organismes de réglementation qui soient plus rigoureux, plus indépendants. Pour cela, il faut du temps, mais les choses s'améliorent.

Le sénateur Kenny: Je vous demande de dire au Parlement si nous pouvons être tranquilles face à la situation en Europe de l'Est ou bien s'il y a lieu de nous inquiéter. S'il y a lieu de nous inquiéter, quels sont les problèmes en présence et quels sont les pays concernés? Vous avez parlé des deux types de réacteurs qui sont à risque. Y a-t-il là-bas un problème dont on ne se préoccupe pas? Y a-t-il des sujets de préoccupation ou bien est-ce que tout est parfait?

Mme Bishop: Je pense que tout le monde sait que, globalement, tout n'est pas parfait dans certains pays d'Europe de l'Est. Devrions-nous nous inquiéter ou devrions-nous participer à l'amélioration des normes de sûreté nucléaire dans ces pays? La réponse est affirmative. C'est ce que fait la CCEA par l'entremise des divers organismes dont nous faisons partie.

Si vous voulez m'amener à désigner telle ou telle centrale de tel ou tel pays, je n'y suis pas très favorable. Ce n'est pas cela qui fera avancer les choses.

Le président: Je ne suis pas sûr que la réponse nous satisfait. Néanmoins, je comprends votre position.

Le sénateur Kenny: En toute justice, monsieur le président, je ne tiens pas à ce que le témoin réponde à des questions à l'égard desquelles elle ne se sent pas à l'aise. Une chose est certaine, l'AIEA en a dressé la liste et vous fournira une carte montrant les réacteurs à problème. Cela vaut également pour l'agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire. Ces agences en feront état. Elles n'ont aucun mal à indiquer sur les cartes où se trouvent les problèmes. Je suis un peu étonné que vous vous présentiez devant ce comité en disant: «Je ne veux pas parler de cela».

Mme Bishop: Permettez-moi de m'expliquer là-dessus. Je ne vais pas les classer, pas plus d'ailleurs que ne le ferait l'AIEA ou tout autre organisme, de 1 à 10. Il y a tout un monde entre cela et surveiller les pays qui ont des problèmes bien évidents.

M. Harvie: Nous savons tous quels pays exploitent les vieux réacteurs de conception russe qui ne satisfont pas aux exigences rigoureuses en matière de sûreté auxquels doivent satisfaire les nôtres. Cela ne fait aucun doute.

Par ailleurs, des progrès ont été faits. On a beaucoup amélioré la sûreté des réacteurs RBMK depuis la catastrophe de Tchernobyl.

Pour répondre à votre question, je ne donnerai pas la liste des pays, même si le monde entier sait dans quels pays se trouvent ces réacteurs. Quoi qu'il en soit, les vieux réacteurs de conception russe ne sont pas, à mon avis, dangereux; ils ne satisfont tout simplement pas aux exigences rigoureuses imposées par la CCEA.

Le président: Est-il juste de dire que votre champ de responsabilités se limite aux frontières du Canada et que c'est là le mandat fondamental que vous confie la loi?

Mme Bishop: Tout à fait. Notre principal mandat est national, mais nous avons un autre mandat à l'égard de certaines activités internationales.

Le sénateur Wilson: Je pense qu'il est vrai de dire que le public compte sur la CCEA pour réguler la sûreté dans ce domaine passablement important. Voilà pourquoi nous aimerions vous aider à accomplir votre mission, et c'est précisément dans cet esprit que je vous pose la question.

J'ai fait partie du groupe de travail Seaborn il y a huit ans et je suis étonné de vous entendre dire que le rapport déclarait que, techniquement parlant, l'évacuation des déchets nucléaires était sûre, que tout ce qu'il manquait c'était son acceptation par la société. Si quelqu'un lit le rapport attentivement, au-delà du sommaire, il constatera que le véritable consensus qui se dégageait au sein du groupe de travail c'était qu'il n'y avait aucun consensus en matière de sûreté. Il en est question à quatre reprises dans le rapport.

Si j'avais prévu que le gouvernement fédéral allait donner cette coloration au rapport, j'aurais sûrement présenter un rapport minoritaire, en compagnie de trois autres.

Le groupe de travail était partagé et les mots que nous avons employés ont donc été soigneusement choisis. Nous avons dit que, sur le plan technique, tout compte fait, à l'étape de la conception -- notez toutes les mises en garde --, le concept est sûr mais que, du point de vue social, il ne l'est pas.

Il ne s'agit pas ici d'acceptabilité mais plutôt de sûreté. Les spécialistes en sciences sociales voient la sûreté d'un tout autre oeil que les techniciens. Il faut tenir compte de l'histoire, des antécédents culturels, et ainsi de suite. Ce point de vue particulier, que nous avons mis trois ans à élaborer, a été totalement édulcoré dans le document produit par le Cabinet.

Je me demande si la CCEA a bien lu le rapport et quelles sont ses répercussions pour votre travail. L'acceptabilité sociale est une immense question, mais elle n'a rien à voir avec le facteur de sûreté.

Nous sommes très troublés par cette interprétation qui semble subsister, alors qu'à mon avis elle est tout à fait contraire à l'esprit du rapport.

Le groupe se trouvait dans une impasse et nous avons reconnu que la société canadienne se trouve elle-même dans une impasse face à cette question importante. Nous voulions en tenir compte et faire comprendre au gouvernement que cela n'allait pas de soi. Voilà pourquoi nous avons recommandé plusieurs mesures à adopter avant que l'on puisse aller de l'avant. C'est la raison pour laquelle nombreux sont ceux qui s'opposent actuellement à l'exportation de la technologie vers la Roumanie. Ce n'est pas parce que le réacteur n'est pas absolument sûr, mais plutôt parce qu'on ne connaît par de méthodologie d'évacuation qui soit absolument sûre.

Mme Bishop: Je pense que le rapport a pris bien soin d'affirmer que le concept, du point de vue technique, était probablement irréprochable.

Le sénateur Wilson: Tout compte fait, à ce moment-là.

Mme Bishop: Tout compte fait. C'était également l'avis de la CCEA quand elle a examiné l'aspect technique du concept. Nous estimions qu'il était acceptable, mais cela ne s'arrête pas là, il faut l'appliquer à des cas particuliers. Je ne parle ici que de l'aspect technique. Même si le concept est acceptable, il y a bien des choses à faire avant de passer aux questions spécifiques à telle ou telle installation.

Pour ce qui est des préoccupations sociales, il ne fait aucun doute que les aspects sociaux de la sûreté, ou les concepts sociaux de sécurité, revêtent une grande importance dans l'élaboration d'une politique nationale.

Ce n'est pas nous, bien sûr, qui sommes chargés d'élaborer une loi nationale. Une fois la politique arrêtée, si quelqu'un propose, disons, une installation d'évacuation de déchets en profondeur, eh bien il devra se soumettre à un long processus de délivrance de permis faisant appel à la consultation publique pour déterminer le degré d'acceptabilité sociale du projet en question.

Je comprends le sens de vos propos, sénateur Wilson.

Le sénateur Wilson: Si je tenais à l'exprimer ouvertement, c'était parce je voulais qu'on cesse de dire constamment que le rapport Seaborn dit telle chose, alors qu'il n'en est rien. Je vous serai reconnaissante de bien vouloir clarifier la situation.

Je partage votre avis quant à la compétence technique, car nous avons dit, entre autres, dans le rapport qu'il faudrait avant tout chose examiner et corriger les 95 lacunes décelées par l'ensemble des intervenants. Cela est clair. Nous savons également qu'une consultation publique s'impose, et cela m'amène à mon deuxième point.

Certes, vous parlez d'ouverture, de transparence, d'information du public et ainsi de suite, mais vous faites également une distinction entre les intervenants et le public. De quels publics parlez-vous et quelles sont vos méthodes de consultation publique? Selon moi, cette question est d'une telle importance pour les Canadiens que la population devrait être invitée et encouragée à participer au processus, mais pour cela il faut lui faciliter la tâche. Combien de groupes de citoyens ont-ils participé à la formulation des nouveaux règlements devant régir la CCEA? Quel a été le succès de la consultation publique?

Mme Bishop: Nous avons obtenu quelque 1 800 réponses de 68 organismes, dont plusieurs représentaient des centaines, voire des milliers de personnes. Certaines réponses émanaient de particuliers.

Les commentaires étaient des plus variés. Comme il fallait s'y attendre, les commentaires de certains groupes d'intérêts spéciaux étaient diamétralement opposés à ceux de l'industrie et nous avons essayé, dans la mesure du possible, d'intégrer les commentaires dans la version définitive du règlement.

Les gens qui vivent à proximité de grandes installations nucléaires portent un intérêt tout particulier à ces sites, et nous tentons de faciliter le plus possible leur participation au processus de renouvellement des permis. Je voudrais préciser que les processus de renouvellement du permis et de délivrance du premier permis sont autant de moyens d'assurer un minimum de consultation publique.

Je puis vous parler de nos initiatives visant à faciliter la participation du public. Nous possédons une longue liste d'organismes et de particuliers à qui nous envoyons automatiquement de la documentation traitant du type d'activité entourant les installations qui les intéressent plus particulièrement.

Nous autorisons le public à assister à nos réunions, et chaque fois que c'est possible, nous tenons des assemblées publiques consacrées aux décisions de délivrance de permis à l'installation locale. Nous transmettons des milliers de pages de documentation traitant de questions relatives à la délivrance de permis, et cela, tout à fait gracieusement. Toute l'année durant, nous recevons des milliers de demandes de renseignements, et nous informons constamment la population. De plus, nous nous efforçons de travailler en très étroite collaboration avec les municipalités, les conseils locaux, et ainsi de suite, et leur fournissons tous les renseignements voulus.

Nous n'offrons aucune aide financière aux intervenants, mais nous encourageons la participation du public.

Le sénateur Wilson: Je n'ai plus d'autres questions qui soient directement liées à la question qui nous occupe aujourd'hui, mais j'en ai plusieurs autres sans rapport.

Pour ce qui est de l'éventuel transport de plutonium au Canada, et compte tenu de votre engagement en faveur de l'ouverture et de la transparence par des raisons de sécurité, les routes empruntées seront-elles connues du public? Les collectivités seront-elles prévenues de ce qui sera transporté par camion ou par bateau? Répondrez-vous aux souhaits des collectivités touchées? Sans cela, je pense que vous pourriez vous retrouver devant des cas de désobéissance civile.

Mme Bishop: Nous sommes ici en présence de deux questions distinctes. La première a trait à la quantité extrêmement minime de plutonium utilisé à des fins d'expérimentation. L'autre question se poserait si on décidait tout à coup d'alimenter les réacteurs CANDU en plutonium.

Dans le premier cas, la matière utilisée à des fins d'expérimentation, EACL est déjà autorisée à manipuler cette très faible quantité de matière radioactive. L'expédition de cette très petite quantité de plutonium, emballage et transport compris, sera assurée dans des conditions qui satisfassent à toutes les normes internationales.

L'autre question, une question que je considère tout à fait raisonnable, est de savoir s'il y a lieu de rendre public l'itinéraire emprunté, et cela, pour des raisons de sécurité.

Le sénateur Wilson: La sécurité de qui?

Mme Bishop: La sécurité de la matière expédiée. C'est une question discutable et il n'appartient pas à la CCEA de la trancher.

Pour ce qui est d'alimenter dans les réacteurs CANDU en protoxyde, si jamais le cas se présentait, il faudrait faire une toute nouvelle demande à la CCEA. Cela donnerait lieu à un nouveau processus de délivrance de permis, qui porterait sur tous les aspects du transport. Pour l'instant, personne ne nous a encore demandé de permis pour alimenter ses réacteurs en protoxyde.

Le sénateur Spivak: Il semble qu'il subsiste encore dans l'esprit du public quelque doute au sujet de l'indépendance de votre institution.

Cette affirmation n'est nullement teintée de parti pris, mais il reste que la politique du gouvernement est de promouvoir la vente de réacteurs nucléaires. Qui plus est, le premier ministre a récemment promu activement l'idée que les déchets nucléaires russes soient envoyés ici.

Lors de l'étude de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, j'ai présenté un amendement afin d'obliger votre agence à rendre compte au Parlement, mais il a été rejeté. Mais si cet amendement avait été adopté, la confiance en votre indépendance n'aurait été que plus grande. Loin de moi l'idée de faire ici un procès d'intention; je suggère simple un plan d'action.

J'aimerais que vous me disiez quel rôle l'agence de contrôle nucléaire joue à cet égard. Ainsi, en ce qui concerne la vente de réacteurs CANDU à la Chine -- il y a actuellement une cause en instance, vous le savez sans doute --, il y a au Canada une loi qui stipule qu'une évaluation environnementale doit précéder la vente de réacteurs nucléaires.

Si on laisse un peu de côté le cas en instance et la pertinence de la poursuite, quel aurait été votre rôle en ce qui touche la gestion des réacteurs CANDU et l'élimination des déchets radioactifs si cette procédure avait été adoptée?

Mme Bishop: La CCEA n'a rien à voir avec la décision de vendre les réacteurs CANDU à d'autres pays.

Nous n'avons aucun rôle à jouer non plus en ce qui touche les règlements qui s'appliquent aux réacteurs dans ces pays, puisque ce sont des pays souverains qui ont leurs propres modes de réglementation. Toutefois, dans la plupart des pays qui achètent un réacteur CANDU, les organismes de réglementation demandent à la CCEA de donner une formation intensive à leur personnel sur les divers aspects de la réglementation. Dans certains cas, nous envoyons même temporairement du personnel sur place.

La CCEA n'a aucune responsabilité en ce qui touche la gestion de ces postes.

Le sénateur Spivak: Qui alors, ici au Canada, serait chargé d'effectuer une évaluation environnementale avant la vente?

Mme Bishop: Il est difficile pour le Canada d'effectuer une évaluation environnementale dans un pays souverain et sur les lieux précis où le réacteur est installé. Ces pays ne sont pas toujours d'accord pour qu'on le fasse.

Nous ne serions pas la principale agence chargée de cette évaluation environnementale. M. Duncan pourrait peut-être nous donner davantage de renseignements sur les personnes qui seraient responsables de la vente.

M. Murray Duncan, directeur général, Direction de la réglementation du cycle du combustible et des matières nucléaires, Commission de contrôle de l'énergie atomique: C'est l'industrie qui devrait décider de sa participation à l'évaluation environnementale. On pourrait nous demander de fournir notre aide d'un point de vue technique, mais certainement pas d'agir à titre d'organisme de réglementation.

Le président: À quel secteur particulier de l'industrie faites-vous allusion?

M. Duncan: L'industrie qui vend ce réacteur en particulier. Dans le cas présent, nous parlons d'une société d'État ou de l'une ou l'autre de ses composantes.

Le président: Lorsque nous vendons un réacteur, y a-t-il des conditions qui sont rattachées à la vente ou vend-on tout simplement en espérant que tout se passe bien?

M. Duncan: Il faudrait demander aux responsables de l'industrie. Nous ne nous occupons pas de la vente.

Mme Bishop: Il ne faut pas oublier qu'en vendant des réacteurs à d'autres pays, nous devons respecter certaines conditions reliées au traité de non-prolifération au chapitre des dispositifs de protection qui s'appliquent dans chacun de ces pays. Le Canada ne vend pas de réacteur CANDU aux pays qui n'ont pas signé le traité parce que le programme de protection de l'AIEA doit être en place. Ce sont là certaines des politiques sur lesquelles nous pouvons nous pencher.

Vous ne pouvez vous attendre à ce que nous soyons responsables ni de la gestion, ni de la tenue d'une étude environnementale poussée sur les lieux dans un autre État souverain, mais c'est une chose que l'industrie doit certainement faire.

Le sénateur Spivak: J'ai l'impression qu'il y a une certaine partie de la mesure législative qui n'est pas réellement prise au sérieux. Si c'était le cas, nous saurions précisément ce qui doit être fait ou si c'est possible.

Il se peut que vous ne désiriez pas répondre en détail à cette question, mais j'aimerais tout de même que vous nous donniez votre opinion sur les plans de rechange prévus dans le dossier du plutonium russe pouvant être utilisé à des fins militaires. On a proposé certaines mesures de rechange qui, de l'avis de plusieurs, représenteraient une amélioration par rapport à ce qui existe à l'heure actuelle. Il faut également tenir compte de toute la question des déchets nucléaires, des solutions de rechange possibles et de ce qui pourrait, à votre avis, remplacer le stockage à grande profondeur

Il serait peut-être trop long pour vous de répondre à ces questions maintenant, et je comprendrai que vous préfériez me donner une réponse par écrit.

Le sénateur Forrestall: C'est là une question très importante.

Mme Bishop: En ce qui a trait à la question des déchets, nous parlons de la gestion des déchets et non du stockage. La «gestion des déchets» sous-entend qu'on doit exercer un contrôle permanent et assurer des services, et cetera.

Du point de vue de la CCEA, la gestion des déchets en surface, c'est-à-dire dans des silos, peut être poursuivie en toute sécurité pendant plusieurs décennies encore. Il faudra probablement toutefois établir un jour une politique sur le stockage définitif. Il y a une certaine controverse à ce sujet et les avis sont partagés sur la période pendant laquelle nous pouvons nous contenter de gérer ces déchets plutôt que de faire une élimination permanente.

Bien que nous continuions au Canada à effectuer la gestion, à titre d'organisme de réglementation, nous n'accepterions pas qu'on adopte un processus de gestion qui ne permettrait pas de récupérer le matériel pour élimination éventuelle, parce que nous ne voudrions certainement pas perdre cette option. Du point de vue de la CCEA, nous ne devons considérer les projets que du point de vue de la sécurité.

Nous sommes bien prêts à accepter l'évacuation et le stockage en surface, dans la mesure où toutes les opérations sont effectuées de façon appropriée.

Tant que nous produirons du matériel et que nous aurons du matériel produit en main, nous rechercherons vraisemblablement une méthode de stockage. On peut également étudier la question sous l'angle de la possibilité de récupération des déchets.

Le sénateur Cochrane: En ce qui touche les problèmes auxquels nous faisons face dans notre province, des bases américaines ont été installées chez nous et lorsque les Américains sont partis, ils ont laissé beaucoup de déchets derrière eux. Ces déchets ont été stockés dans des sites d'enfouissement en profondeur. À l'heure actuelle, les habitants se préoccupent de la hausse des cas de cancer et ils se demandent si ces déchets pourraient en être la cause.

Êtes-vous d'avis qu'il serait plus dangereux de transférer ces déchets ailleurs que de les laisser où ils se trouvent?

Mme Bishop: Parle-t-on de déchets nucléaires ou d'autres types de déchets?

Le sénateur Cochrane: Oui, de BPC et de toutes sortes d'autres choses.

Mme Bishop: Je ne pourrais répondre à ces questions sans savoir dans quel genre de conteneur les déchets ont été placés et où ils se trouvent précisément, et cetera. On parle de Terre-Neuve n'est-ce pas?

Le sénateur Cochrane: Oui.

M. Duncan: Nous sommes au courant de ces sites. Comme dans le cas de tout matériel qui pourrait causer des préoccupations au point de vue de la santé, tous les déchets radioactifs qui peuvent être déplacés seront transportés dans des sites contrôlés.

Si j'ai bien compris, une bonne partie de ces déchets ont déjà été enlevés par les Américains. Tout ce qui pourrait rester sera nettoyé selon les normes établies au niveau fédéral. Il existe une norme fédérale à ce chapitre et c'est souvent le ministère des Ressources naturelles qui s'occupe de ces questions. Ce ministère s'occupe beaucoup du nettoyage des sites de ce genre.

Le sénateur Taylor: Il y a un sujet qui a été soulevé plus tôt et qui me préoccupe un peu. Je veux parler de l'inspection. J'ai souligné qu'on pourrait se méfier de nous et ne pas nous demander de faire l'inspection des installations étrangères parce que nous vendons du matériel. Toutefois, d'après ce que vous nous dites, tous les États souverains s'occupent de leurs propres inspections.

Est-ce que l'on essaie, aux Nations unies, d'établir un service international d'inspection que tous les pays seraient prêts à accepter ou est-ce une question militaire si délicate que nous continuerons d'aller chacun dans notre direction jusqu'à ce que nous nous fassions tous sauter les uns les autres?

Mme Bishop: Au chapitre des protections, il y a des équipes d'inspection internationales qui s'occupent du combustible irradié. Ces mesures sont déjà en place à l'AIEA.

Si j'ai bien compris, votre deuxième question portait sur les efforts en vue d'harmoniser les normes qui portent sur les questions de réglementation et de sécurité nucléaires sur une base internationale.

Ce que l'on a déjà souligné en ce qui touche la convention de sécurité sur les centrales nucléaires est à mon avis un bon exemple de ce que nous tentons de faire au niveau international pour amener les pays à un niveau de sécurité de base acceptable. Chacun de nous travaille également de concert avec d'autres pays pour tenter d'harmoniser les différents points.

Tout n'est pas en place encore, mais il y a un nombre croissant de pays qui se sont engagés à respecter les normes internationales établies par l'AIEA et d'autres organismes. Il y a eu plus d'activités en ce sens au cours des cinq dernières années que jamais auparavant.

Nous collaborons également d'autres façons, selon le genre de réacteurs dont nous nous occupons. Par exemple, les principaux spécialistes des domaines techniques de tous les pays qui possèdent un réacteur CANDU se rencontrent une fois par année pendant une semaine entière afin de discuter de certaines questions techniques. De plus, au fur et à mesure que les pays deviennent plus transparents, ils veulent savoir comment s'y prendre à cet égard. Nous n'examinons pas que les questions techniques. Il arrive aussi que le public dans les pays étrangers veut être informé.

Je crois que nous tentons par de plus en plus de façons différentes de travailler en collaboration avec les autres pour atteindre un certain niveau d'harmonie au niveau international. Toutefois, c'est un long processus qui exige un certain engagement de la part des divers pays. Les pays qui ont déjà dépassé ces normes doivent également s'engager à consacrer des ressources à ce genre d'activités. Le processus est en place, mais il y a encore beaucoup à faire.

Le sénateur Taylor: Cela m'amène à ma prochaine question. Je connais peu de choses à ce sujet, mais je crois comprendre qu'il y a deux principales sources de danger. D'un côté, il y a l'élimination des déchets, qui n'est pas si risqué après tout puisqu'on peut les stocker dans des silos ou sous terre pour empêcher qu'ils ne se propagent. Je crois qu'il y a une installation sur les côtes du Nouveau-Brunswick.

Mme Bishop: C'est exact.

Le sénateur Taylor: Cela ne me semble pas un endroit très indiqué pour stocker des déchets de ce genre. Il me semble qu'il serait mieux de les enfouir à l'intérieur des terres de telle sorte qu'il n'y aurait que nos propres terres qui en seraient affectées si quelque chose tournait mal. Selon mon expérience d'ingénieur, le vrai danger se situe plutôt au niveau de l'exploitation de la centrale lorsque quelque chose survient, comme ce fut le cas à Tchernobyl, et que les choses tournent mal. À la lecture de vos rapports, il me semble que vous vous concentrez beaucoup sur l'élimination des déchets et que vous avez la situation bien en main. Toutefois, vos inspections tiennent-elles compte du fonctionnement de la centrale pour s'assurer que la situation ne deviendra pas incontrôlable? Avez-vous les moyens techniques nécessaires pour vous rendre dans une centrale et donner des conseils sur la façon de ne pas avoir de problème?

Mme Bishop: Tout à fait. Nous étudions les aspects administratifs et techniques du fonctionnement des centrales nucléaires sur une base régulière. Il y a dans chacune des centrales nucléaires du Canada des inspecteurs qui se trouvent sur les lieux et qui travaillent dans ces secteurs. De plus, il y a tout un groupe de spécialistes des questions techniques ici à Ottawa qui font des évaluations et des analyses dans les centrales nucléaires.

Cela vous intéressera peut-être de savoir que, de l'avis de la CCEA, bon nombre des problèmes survenus à Ontario Hydro étaient attribuables à des systèmes de gestion déficients et ce problème n'est pas unique au Canada. L'AIEA s'est également intéressée à la mise au point d'un critère qui permettrait de se prononcer sur des questions de gestion qui pourraient avoir des répercussions sur la sécurité des opérations. Il y a eu au moins deux rencontres à ce sujet et il y en aura une autre d'ailleurs ici au Canada au mois d'août. Les organismes de réglementation du monde entier commencent maintenant à se pencher sur ces questions, et pas seulement sur les aspects techniques.

Le sénateur Taylor: Lorsque nous vendons un réacteur CANDU, envoyons-nous par la suite un conseiller en gestion des déchets?

Mme Bishop: Oui. C'est dans le mandat de la CCEA en tant qu'organisme de réglementation.

Comme je l'ai déjà souligné, nous fournissons une formation aux organismes de réglementation si on nous le demande. Nous avons même affecté du personnel à l'étranger pour des périodes variant de un à trois ans. Par exemple, nous avons envoyé un employé travailler auprès des responsables de la réglementation de la Roumanie.

Le sénateur Cochrane: Puisque vous devez rendre des comptes au Parlement pour ce qui est du contrôle des installations de gestion de déchets radioactifs, quel rôle la CCEA a-t-elle joué dans le dossier du plutonium que nous recevrons cette année de la Russie et des États-Unis?

Mme Bishop: En ce qui a trait à la quantité de plutonium qui sera expédiée pour le déroulement des essais, la CCEA doit faire deux choses. Tout d'abord, elle a la responsabilité de se tenir au courant de ce que EACL compte faire de ce matériel et, deuxièmement, elle doit s'assurer du respect des normes de transport et d'emballage.

En réalité, les permis que détient actuellement EACL sont tout à fait suffisants pour la petite quantité de matériel qui entre dans le pays. L'envoi de ce genre de matériel doit absolument respecter les normes de transport et d'emballage établies.

Le sénateur Cochrane: Certains ports ont fait savoir qu'ils seraient prêts à accepter les envois de plutonium. Il s'agit, entre autres, des ports de Montréal, Halifax, Québec, Sarnia et Churchill, au Manitoba. L'an dernier, le Parlement a adopté une loi qui permet la privatisation de ces ports. Ceux-ci ne relèveront plus de la compétence fédérale et seront entièrement contrôlés par des propriétaires privés. Que doit-on penser de l'aspect sécurité?

Mme Bishop: Il est important d'établir une distinction entre la très petite quantité de matériel que l'on fait entrer au pays à des fins d'essais et le transport de grandes quantités de matériel qui seraient nécessaires si on décidait un jour d'utiliser le plutonium pour alimenter les réacteurs CANDU.

Pour l'envoi du matériel qui sera utilisé pour les essais, il faut examiner la méthode de transport. Toutes les méthodes utilisées doivent respecter certains critères d'emballage et de transport, notamment pour prévenir les risques de feu ou de choc.

En ce qui a trait au matériel d'essai, il n'y a aucune raison de s'inquiéter de la sécurité dans les installations en cause.

Si l'on songe par contre à l'expédition de plus grandes quantités de matériel, il s'agirait alors d'un tout autre processus de permis et nous devrions revoir toute la méthode de transport à ce moment-là. Toutefois, il y a loin entre les essais et l'étape de l'alimentation des réacteurs CANDU au plutonium.

Le président: Je vous remercie infiniment d'être venus nous rencontrer ce matin. Nous espérons pouvoir maintenir cette collaboration.

Nous reconnaissons l'utilité de ces discussions annuelles.

M. Vollman, nous vous félicitons de votre nomination au poste de président. Nous sommes maintenant prêts à entendre vos commentaires. La parole est à vous.

M. Kenneth Vollman, président-directeur général de l'Office national de l'énergie: Honorables sénateurs, comme vous le savez, M. Priddle a pris sa retraite. Toutefois, même s'il a quitté l'Office national de l'énergie, il est plus occupé que jamais et il agit à titre de consultant un peu partout au monde. J'ai entendu parler de voyages qu'il a effectués récemment au Kazakhstan, en Colombie et dans d'autres endroits aussi exotiques.

Monsieur le président, c'est un honneur pour moi d'être invité ici ce matin pour vous parler des travaux de l'office. J'aimerais tout d'abord vous présenter mes collègues qui m'accompagnent ce matin. Il s'agit de Judith Hanebury, conseillère juridique générale, et de Gaétan Caron, directeur exécutif et administrateur en chef des opérations.

C'est la troisième fois en relativement peu de temps que nous avons l'occasion de comparaître devant votre comité. La première fois, c'était en 1996 à Calgary. Nous avons profité d'une tournée que le comité effectuait dans l'Ouest et avons accueilli les membres du comité dans nos propres locaux.

Notre deuxième comparution a eu lieu ici à Ottawa en novembre 1997.

De mon côté, ma participation aux travaux du comité remonte à quelques décennies déjà. À l'époque, le comité était connu sous le nom de comité sénatorial permanent de l'énergie et des ressources naturelles et il était présidé par le sénateur Hastings. Je me rappelle avoir témoigné sur des questions d'approvisionnements spécialisés et avoir été très impressionné des connaissances des membres du comité sur des sujets aussi arides que la récupération tertiaire des gisements de pétrole.

Après une absence de deux ans, me voici de retour. J'espère pouvoir être en mesure de vous aider.

Notre exposé d'aujourd'hui se divise en quatre parties. Tout d'abord, je vous présenterai un bref historique du mandat de l'office.

Deuxièmement, je parlerai des problèmes auxquels l'industrie pétrolière et gazière fait face parce que ces problèmes ont des répercussions sur la façon dont l'office mène ses activités. Pour faciliter la discussion sur ces problèmes fait face, nous les avons regroupés en deux grands secteurs, soit la réglementation matérielle et la réglementation économique.

Au cours de la dernière décennie, l'office a été témoin de l'augmentation de l'importance accordée à la réglementation matérielle par rapport à la réglementation économique. La réglementation économique traite de toutes les questions commerciales, dont l'approbation des droits et des tarifs, les questions d'accès et de concurrence et l'approbation des exportations d'énergie.

La réglementation matérielle touche les questions de sécurité ainsi que la réglementation environnementale des pipelines et des installations connexes qui font partie de notre sphère d'attributions.

Je traiterai de la réglementation économique et des questions de sécurité. Comme lors de notre dernier témoignage, Mme Hanebury parlera des questions environnementales.

Pour terminer l'exposé, M. Caron décrira brièvement les principales activités de l'office.

L'office compte six membres, en plus de moi-même. Il s'agit de John Bulger, Judith Snider, Anita Coté-Verhaaf, Jean-Paul Théoret, Diana Valiela et Rowland Harrison.

La loi sur l'Office national de l'énergie permet jusqu'à neuf membres permanents et six membres temporaires. Toutefois, le consensus est que c'est un peu trop dans les circonstances actuelles. En ce moment, nous avons sept membres permanents et deux membres temporaires. Dans les conditions actuelles, c'est à peu près le nombre optimal.

Le poste de vice-président est actuellement vacant et il y aura un autre poste vacant dès la semaine prochaine, puisque le contrat de Mme Côté-Verhaaf se termine à la fin du mois.

Nos responsabilités sont définies en fonction de plusieurs lois, dont la principale est bien sûr la Loi sur l'Office national de l'énergie. En vertu de cette loi, l'office autorise la construction et l'exploitation des pipelines interprovinciaux et internationaux de transport de pétrole, de gaz et d'autres produits de base ainsi que la construction de lignes internationales de transport d'électricité, approuve les droits et les tarifs applicables aux pipelines placés sous son régime et approuve les exportations de gaz naturel, de pétrole et d'électricité ainsi que l'importation de gaz naturel.

En vertu de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, l'office approuve le forage pétrolier et gazier dans les régions pionnières qui ne sont pas soumises à des ententes fédérales-provinciales.

Enfin, en vertu de la Loi sur l'ONE, l'office fournit également des conseils au ministre des Ressources naturelles sur demande.

Il arrive souvent que les gens supposent que l'Office national de l'énergie s'occupe de toutes sortes de questions autres que celles que je viens de mentionner. J'aimerais donc prendre quelques instants pour parler de certains domaines pour lesquels nous n'avons pas de mandat.

L'office n'est pas responsable de la réglementation sur le forage pétrolier et gazier et sur les questions connexes dans les provinces. Cela signifie donc que toutes les responsabilités qui ont trait aux études environnementales sur les répercussions des activités de prospection, par exemple, incombent aux autorités provinciales. L'office n'a pas le mandat de s'occuper du commerce interprovincial de l'électricité, ce qui comprend les lignes de transmissions interprovinciales, à moins que l'une de ces lignes ne soit désignée par le gouverneur en conseil comme devant être construite et exploitée sous le régime de l'Office national de l'énergie.

Enfin, les principales responsabilités de l'office en matière d'environnement découlent de son pouvoir d'autorisation de la construction et de l'exploitation des pipelines. L'office doit voir à ce que les pipelines soient construits et exploités de façon à réduire au minimum les répercussions négatives sur l'environnement, y compris les émissions fugitives et le gaz de combustion en provenance de ces installations.

J'aimerais maintenant passer au deuxième sujet prévu et vous présenter les grandes lignes de la réglementation en vigueur. L'un des grands événements des dernières années a été l'apparition d'une importante industrie pétrolière et gazière dans le Canada atlantique. On connaît depuis des décennies la richesse des bassins de la côte est, mais jusqu'à tout récemment, le seul site qui réunissait les conditions économiques favorables à une exploitation à grande échelle était celui du bassin sédimentaire de l'ouest du Canada.

Par suite de la croissance de la production dans l'ouest du Canada et du commencement de la production dans le Canada atlantique, les activités de l'office ont de beaucoup augmenté. J'aimerais souligner à ce sujet qu'au cours des deux dernières années, nous avons tenu des audiences publiques dans huit des dix provinces. Il n'y a qu'à l'Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve que nous n'avons pas tenu d'audience.

La croissance de l'infrastructure pipelinière reflète également les tendances de l'industrie de la production. Il y a à l'heure actuelle plus de 40 000 kilomètres de pipeline qui relèvent de la compétence de l'Office national de l'énergie. La croissance enregistrée récemment est en bonne partie attribuable à de nouveaux projets qui ont exigé l'acquisition de nouvelles emprises. Par comparaison, au cours des vingt dernières années, la croissance était en général due à la déviation de pipelines existants.

Parmi les nouveaux projets, on peut citer le pipeline Maritimes & Northeast, qui est en cours de construction, l'extension récente du gazoduc Trans-Québec-Maritimes et le projet Alliance qui a été approuvé récemment. Notons également que TransCanada et Nova Gas Transmissions Ltd. ont fusionné l'an dernier, créant ainsi la plus grande compagnie de transport de gaz en Amérique du Nord.

Le principal oléoduc au Canada est toujours le projet autrefois connu sous le nom de Réseau interprovincial. Ce réseau a été rebaptisé et il appartient maintenant à Enbridge Pipelines Ltd qui en assure l'exploitation. Enbridge tente d'inverser cette partie du réseau qui relie Sarnia à Montréal de façon à assurer le transport du pétrole dans le sens est-ouest, permettant ainsi aux entreprises de raffinage de la région de Sarnia d'importer du pétrole sous-marin. On prévoit pouvoir assurer une inversion partielle à compter du 1er mai et l'inversion complète devrait être possible à compter du 1er octobre. Cette mesure d'inversion permettra aux usines de raffinage ontariennes d'avoir accès au pétrole sous-marin, mais elle accroîtra également la concurrence pour ce qui est du pétrole brut produit dans l'ouest du pays.

En 1998, les exportations du secteur des ressources énergétiques régi par l'ONE représentaient 23,4 milliards de dollars. C'est le gaz naturel qui a rapporté le plus avec 9,2 milliards de dollars. C'est la première fois que les recettes d'exportation du gaz surpassent celles du pétrole brut.

Les gains nets du gaz naturel sont encore plus notables. Nous n'importons que des quantités relativement faibles de gaz naturel de sorte que les gains nets d'exportation ont atteint un chiffre record de 8,7 milliards de dollars. Dans le cas du pétrole brut, les exportations ont baissé, mais les importations aussi, de sorte que le chiffre net était un excédent commercial de 0,8 milliard de dollars. Pour tous les produits énergétiques confondus, les exportations nettes du Canada ont totalisé 13,7 milliards de dollars.

J'ai souligné plus tôt que l'office régit certaines activités matérielles dans les régions pionnières qui ne font pas l'objet d'accords. Les régions pionnières les plus actives, soit les zones extracôtières de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, relèvent de conseils mixtes fédéraux-provinciaux qui ont été mis sur pied aux termes d'ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces en cause.

Au 23 novembre 1998, le Yukon avait la responsabilité de la réglementation des activités de prospection pétrolière et gazière sur son territoire. L'office a signé une entente d'une durée de trois ans avec le gouvernement territorial par laquelle il s'engage à offrir des services en vue d'aider le gouvernement à remplir ses responsabilités.

Il est intéressant de noter que les activités de prospection s'accroissent dans les Territoires du Nord-Ouest. Quinze puits d'exploration ont été forés dans le sud et quatre autres ont été forés à Norman Wells. On prévoit entreprendre plus tard au cours de l'année l'exploitation d'un champ de gaz naturel dans la région de Ford Liard. Il est également intéressant de souligner que la société Corridor Resources compte forer un puits dans le golfe du Saint-Laurent, près des îles de la Madeleine en août. Compte tenu des deux puits qui existent déjà sur l'île d'Anticosti, cela représente un intérêt important pour ce bassin.

Les secteurs pétrolier et gazier ont réagi différemment à l'évolution récente du marché. Le secteur pétrolier du secteur amont de l'industrie a été gravement atteint par l'effondrement des prix mondiaux du pétrole. Le prix moyen à l'exportation du pétrole brut léger a chuté d'environ 30 p. 100, passant de 26,60 $ qu'il était en 1997 à 18,70 $ en 1998.

Le bassin sédimentaire de l'ouest du Canada peut augmenter de beaucoup la production de pétrole lourd, mais les coûts de production et de transport font que c'est le prix sur le marché qui déterminera le niveau de production. Les baisses de prix ont obligé les compagnies à abandonner bon nombre de projets prévus et à réduire le nombre de projets en cours. En 1999, les dépenses d'investissement reliées à des projets pétroliers devraient être de beaucoup inférieures à ce qu'elles ont été en 1998.

Heureusement pour le secteur amont de l'industrie, les prix du gaz naturel se sont maintenus au Canada même s'ils ont chuté de façon générale en Amérique du Nord. Voyons un peu ce qui s'est passé. Cette stabilité des prix est en partie attribuable au fait que la capacité accrue des pipelines a permis d'écouler des ressources de gaz naturel qui étaient autrefois bloquées dans l'Ouest du Canada. Cette capacité accrue des pipelines a permis d'expédier davantage de gaz hors de l'ouest, faisant ainsi augmenter les prix locaux. On a ainsi réglé le problème de l'insuffisance de la capacité de transport du pipeline, l'amenant à correspondre à la capacité de production. Une fois que le pipeline Alliance sera construit, il se pourrait même que la capacité des pipelines soit supérieure à la productibilité pendant quelques années.

J'ai parlé plus tôt de l'émergence de la côte est en tant que région productrice après des années de promesses. La production pétrolière a commencé à la fin de 1997à Hibernia et malgré quelques problèmes d'exploitation, les résultats obtenus en 1998 ont été très satisfaisants. La production annuelle du champ pétrolifère d'Hibernia devrait bientôt atteindre environ 50 millions de barils.

Les travaux de construction vont bon train sur le projet du pipeline Maritimes & Northeast et l'on prévoit entreprendre la production de gaz d'ici la fin de l'année. Enfin, comme nous l'avons souligné, les activités de forage ont augmenté dans la partie sud des Territoires du Nord-Ouest.

Cela met fin à mes observations sur le contexte général de nos opérations. J'aimerais traiter maintenant de certains des dossiers dont s'occupe actuellement l'office.

Comme je l'ai souligné au début de mon exposé, nos activités se concentrent dans deux principales catégories. Bien que ces deux catégories d'activité représentent toujours un aspect important du travail de l'office, la proportion du temps que l'on consacre à chacune a beaucoup changé au cours des dernières années. La réglementation économique traite de toutes les questions commerciales, y compris l'approbation des droits et des tarifs, l'accès et la concurrence ainsi que l'approbation des exportations en matière d'énergie.

Puisque l'on compte davantage sur les forces du marché et que les parties ont de plus en plus tendance à régler les litiges à l'amiable, nous consacrons de moins en moins de temps à la réglementation économique.

La réglementation matérielle comprend la sécurité, la protection de l'environnement et la protection des biens. Ce volet de nos activités ne cesse de prendre de l'importance. Le grand public s'intéresse de plus en plus aux activités de l'office et se préoccupe davantage des répercussions des projets de pipeline sur les biens des particuliers et l'environnement. Nous incluons donc la question de la participation du public sous la rubrique de la réglementation matérielle.

Dans le cas de la réglementation économique, le problème fondamental est que les gros pipelines qui relèvent de la compétence de l'office jouissent toujours d'un monopole. Les expéditeurs de brut et de gaz naturel ont peu de choix en ce qui a trait aux pipelines qui leur permettront de transporter leurs produits, et dans bien des cas, ils n'ont pas de choix du tout. Dans ce contexte, il est important d'établir des règles pour s'assurer que les tarifs sont justes et raisonnables et que l'accès n'est pas discriminatoire.

L'office s'occupe aussi de façon plus générale de promouvoir l'efficacité économique de l'industrie qui dépend des pipelines pour le transport de ses produits vers le marché. Les bénéfices nets des producteurs dépendent directement du prix et de la qualité des services offerts par les pipelines. En réglementant les pipelines, l'office cherche à optimiser l'efficacité générale de l'industrie, tout en maximisant les avantages pour les Canadiens.

Enfin, les sociétés pipelinières ont investi d'importantes sommes d'argent en immobilisations dont le rendement est à très long terme. L'office est d'avis qu'elles devraient avoir la chance de profiter d'un bon taux de rendement du capital ainsi investi.

On assiste au cours des dernières années à une concentration des sociétés pipelinières. TransCanada a acheté ANG en 1994 et a fusionné avec NOVA en 1998. Puisque NOVA était le principal copropriétaire du réseau Foothills, ces changements de propriété signifient que pour le moment, Trans Canada contrôle une bonne partie du potentiel de transport du gaz naturel de l'Alberta. Westcoast continue d'être le seul transporteur de gaz naturel vers le Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Lorsqu'il sera achevé, Maritimes & Northeast sera le seul réseau à pouvoir transporter du gaz naturel en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.

Une fois achevé, le réseau Alliance fera concurrence à Westcoast puisque les deux pipelines seront en mesure de prendre du gaz naturel du nord-est de la Colombie-Britannique, et grâce à des connexions prévues à l'est de Chicago, il sera possible pour la première fois d'acheminer du gaz naturel de l'Ouest du Canada à l'Ontario et au Québec par un réseau autre que celui de TransCanada. Allliance fera concurrence à Foothills et à TransCanada pour le transport du gaz naturel dans le Midwest américain. Il fera également concurrence à TransCanada sur les marchés de l'est du Canada.

L'office est venu en aide aux nouveaux venus en approuvant en règle générale des projets qui pourraient permettre d'offrir des solutions de rechange aux réseaux de pipelines existants après s'être assuré que les coûts qui seront imposés à des tiers et à la société en général ne surpasseront pas les avantages qu'on pourra en tirer.

Au cours de la dernière année, par exemple, l'office a approuvé deux demandes d'établissement de pipelines courts dans le sud-ouest et le sud-est de l'Alberta, Ces deux pipelines pourraient permettre de contourner le réseau NOVA.

L'arrivée de nouveaux pipelines pourrait être très favorable aux transporteurs de gaz puisqu'ils auront ainsi plus de choix et d'options de services et qu'ils pourront tirer profit de la concurrence entre les fournisseurs.

Les anciennes sociétés ont jusqu'à maintenant réagi en s'opposant d'abord à l'entrée des nouveaux venus. C'est le cas, par exemple, de NOVA qui s'est opposée aux pipelines de dérivation, de TransCanada, Foothills et Nova qui se sont opposées au projet Alliance, et plus récemment de Westcoast qui s'est opposée au projet Southern Crossing de BC Gas.

Dans les cas où les nouveaux venus ont été approuvés du point de vue réglementaire, les sociétés bien établies ont cherché à leur faire concurrence en demandant plus de souplesse au niveau des tarifs. Par exemple, NOVA a réduit ses tarifs dans le sud pour empêcher PanCanadian de construire un pipeline de dérivation. TransCanada est en train de négocier pour avoir plus de souplesse au niveau des tarifs afin de pouvoir faire concurrence à Alliance.

Les questions des nouveaux venus, du pouvoir sur le marché secondaire et des répercussions potentielles sur les sociétés bien établies présentent toutes des défis pour l'ONE. L'office encourage les parties à résoudre entre elles le plus grand nombre de questions possibles. Toutefois, nous reconnaissons que les règles du jeu ne sont peut-être pas toujours équitables et que, dans de telles circonstances, une partie ou l'autre peut juger que l'intervention de l'organisme de réglementation est nécessaire. Cependant, dans bien des cas, la seule menace d'une solution réglementaire suffit à inciter les parties à résoudre le problème entre elles. L'ONE surveille la situation de près et est prête à fournir des services d'arbitrage au besoin.

Pour ce qui est de la réglementation matérielle, l'office est responsable de la réglementation relative à la santé et à la sécurité du public et des travailleurs pour les installations ou opérations régies par la Loi sur l'Office national de l'énergie ou la Loi sur les opérations pétrolières au Canada. Même si le propriétaire des installations est le premier responsable des questions de sécurité et de protection de l'environnement, l'ONE voit à ce que les risques associés à la conception, à la construction et à l'exploitation des installations soient évalués et gérés de façon adéquate par le propriétaire ou l'exploitant. L'office continue de mettre l'accent sur la protection des installations réglementées et des emprises et sur le règlement des plaintes formulées par les propriétaires fonciers ou des questions relatives aux droits fonciers.

Je vais maintenant présenter des données précises sur la sécurité des pipelines.

En 1998, un total de 78 incidents impliquant des installations réglementées par l'ONE ont été signalés, comparativement à 88 l'année précédente et à une moyenne de 71 pour la période allant de 1992 à 1998. La baisse du nombre de ruptures de pipeline qui s'est amorcée il y a cinq ans s'est poursuivie en 1998, avec un seul incident de ce genre. Les ruptures de pipeline sont les principaux incidents pouvant poser des risques considérables pour le public et pour l'environnement.

Même si le nombre d'incidents majeurs est peu élevé et a diminué ces dernières années, environ la moitié des oléoducs sous réglementation fédérale et un quart des gazoducs sous réglementation fédérale sont vieux de plus de 30 ans. Par ailleurs, les programmes de sécurité de l'ONE ont pris de l'importance et suscite un plus grand intérêt de la part du public. Pour répondre à cette situation, l'ONE a mis au point de nouveaux règlements et de nouvelles lignes directrices qui reflètent les pratiques exemplaires, qui mettent l'accent sur la surveillance de la construction des nouveaux pipelines et de l'intégrité de l'infrastructure existante, et qui encouragent l'élaboration, par les sociétés, de programmes de gestion de l'intégrité des pipelines. Ce dernier point est fondé sur notre expérience en ce qui a trait à la promotion de l'élaboration, par les sociétés, de programmes de gestion de la fissuration par corrosion sous contrainte au moyen d'examens assidus et d'activités de collaboration avec les principaux intervenants.

Le programme de surveillance de la sécurité de l'office vise à assurer la définition et la gestion, par les propriétaires et les exploitants, des risques les plus élevés en matière de sécurité publique et professionnelle et de protection de l'environnement.

Pour ce qui est du bogue de l'an 2000, je suis certain que les sociétés que nous réglementons seront prêtes pour le passage au nouveau millénaire. L'Office national de l'énergie fait activement la promotion de la sécurité et de la protection de l'environnement dans le contexte du bogue de l'an 2000 depuis mai 1998. Notre rôle a consisté principalement à encourager les sociétés qui relèvent de l'ONE à se préparer en conséquence. Les rapports provisoires indiquent que toutes les sociétés sont conscientes des répercussions potentielles du bogue de l'an 2000 et qu'elles en sont toutes à diverses étapes de leur programme de préparation. Toutes les sociétés estiment qu'elles sont déjà ou seront prêtes pour le passage à l'an 2000.

En décembre 1998, l'Office national de l'énergie a collaboré avec l'Association canadienne des producteurs pétroliers, l'Association canadienne du gaz, l'Association canadienne des pipelines de ressources énergétiques, l'Institut canadien des produits pétroliers, le Groupe national de planification d'urgence et Ressources naturelles Canada pour produire un questionnaire unique sur l'état de préparation à l'an 2000 pour l'industrie et le gouvernement. Nous avons demandé à chacune des grandes sociétés de pipeline au Canada de faire évaluer par une tierce partie son état de préparation à l'an 2000. Ces rapports d'évaluation doivent être remis au plus tard le 1er avril 1999. À ce moment-là, nous aurons une idée plus précise de l'état de préparation des sociétés et interviendrons de nouveau au besoin.

À l'interne, nous avons mis sur pied le projet An 2000 pour nous assurer que nos ordinateurs et nos systèmes intégrés sont prêts pour le passage à l'an 2000.

Comme promis, je cède la parole à notre avocate générale, qui parlera des questions liées à l'évaluation environnementale des projets qui relèvent de l'ONE.

Mme Judith Hanebury, conseillère juridique générale, Office national de l'énergie: L'Office national de l'énergie a un large mandat sur le plan environnemental. Il peut faire de la surveillance. Il peut faire des inspections environnementales. Comme notre but aujourd'hui est de parler principalement des questions dont l'office est saisi actuellement, je vais me concentrer sur la façon dont l'office exécute son double mandat qui l'oblige à tenir compte de l'environnement avant d'approuver des demandes.

Ce double mandat n'a rien de nouveau. Avant l'entrée en vigueur de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE) en 1995, l'office appliquait le Décret sur les lignes directrices concernant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement (PEEE). Comme vous pouvez le voir, l'office a deux mandats depuis assez longtemps, soit la capacité d'évaluer les effets d'un projet sur l'environnement en vertu de sa propre législation et aussi en vertu de la législation environnementale.

Les défis sont plus grands avec la LCEE qu'ils ne l'étaient avec le Décret sur les lignes directrices concernant le PEEE parce que la LCEE oblige l'office à suivre un processus beaucoup plus précis en matière d'évaluation environnementale. Elle prévoit trois niveaux d'évaluation: l'examen environnemental préalable, l'étude approfondie et l'examen par une commission. L'office a fait des évaluations aux trois niveaux.

L'examen environnemental préalable est le niveau d'évaluation le moins élevé. On l'utilise habituellement lorsqu'il est très probable que le projet n'aura aucun effet important sur l'environnement. La majorité des évaluations effectuées par l'office en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale sont des examens environnementaux préalables, et 86 d'entre eux ont été effectués cette année, c'est-à-dire durant l'exercice se terminant à la fin de ce mois-ci.

En général, les résultats de l'examen environnemental préalable sont consignés dans un rapport écrit, qui est un document public auquel toutes les parties ont accès. Nous effectuons des examens environnementaux préalables en vertu de la LCEE dans le cadre de l'évaluation des demandes présentées aux termes de la Loi sur l'Office national de l'énergie. Si la demande est évaluée à l'interne par l'office, alors l'examen environnemental préalable est fait à l'interne en même temps. Si la demande s'applique à un projet qui fera l'objet d'une audience publique, l'examen environnemental préalable est alors effectué dans le cadre de cette audience publique, et le public peut ainsi participer à l'examen environnemental préalable.

Le processus d'évaluation le plus difficile pour l'Office national de l'énergie est celui des études approfondies. Lorsque l'office est saisi d'une demande concernant un projet qui risque d'avoir des effets importants sur l'environnement -- et, pour nous, cela veut dire généralement un pipeline dont une section de plus de 75 kilomètres sera construite sur une nouvelle emprise -- le projet fait l'objet d'un examen par une commission ou d'une étude approfondie.

Jusqu'à maintenant, l'office a effectué une étude approfondie, qu'il a terminée, et c'était dans le cas du projet de pipeline Alliance, le nouveau pipeline qui part du nord-est de la Colombie-Britannique et qui descend jusqu'à Chicago. Dans ce cas, l'étude approfondie et la rédaction du rapport ont fait partie intégrante du processus d'audience, qui a duré 77 jours. Tout au long de ce processus, des questions environnementales ont été soulevées et examinées par les parties et par l'office.

Une fois le processus d'audience terminé, l'office prépare le rapport, qui est ensuite envoyé à la ministre de l'Environnement. La ministre recueille alors des commentaires sur le rapport et décide si le projet peut retourner à l'office pour la prise des décisions en matière de réglementation ou s'il doit faire l'objet d'un examen par une commission.

Nous avons deux autres projets devant nous qui en sont à l'étape de l'étude de la demande. Les deux ont fait l'objet d'études approfondies. L'office a décidé de suivre une démarche différente à titre d'essai. Dans les deux cas, soit les pipelines secondaires de Halifax et de Saint John de la société Maritimes & Northeast, l'office a entrepris la rédaction du rapport d'étude approfondie avant de commencer l'audience réglementaire. L'étude approfondie sera donc terminée avant le début de l'audience.

Dans un de ces cas, celui du pipeline secondaire de Halifax, l'étude approfondie est terminée et a été soumise à la ministre de l'Environnement, qui s'affaire maintenant à recueillir des commentaires du public afin de décider si le projet retournera à l'office pour la prise des décisions en matière de réglementation ou s'il fera l'objet d'un examen par une commission.

L'office a également eu recours un certain nombre de fois au processus d'examen par une commission. Cela se fait généralement dans le cas des projets les plus importants lorsqu'on considère qu'il y aura fort probablement des effets considérables sur l'environnement si on ne prend pas les mesures nécessaires pour atténuer ces effets.

Le premier examen par une commission mixte aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a été effectué par l'Office national de l'énergie. Il portait sur le projet d'oléoduc Express, un oléoduc qui part de l'Alberta et qui descend vers le sud, et a été effectué conjointement avec le ministère des Pêches et des Océans. Le rapport de la commission a ensuite été soumis au gouverneur en conseil. Ce projet a été approuvé. L'office a également effectué un examen par une commission mixte avec les provinces dans le cas du projet extracôtier et infracôtier de l'île de Sable. Cette commission a été constituée et a tenu ses audiences durant l'année 1997. Encore une fois, le rapport de la commission a été soumis au gouverneur en conseil. Il y a un autre projet que l'office a renvoyé à la ministre pour un examen par une commission. Dans le moment, nous essayons de décider quelle forme prendra cet examen par une commission, qui porte sur le projet de pipeline Millenium, dans le sud de l'Ontario. Il s'agit d'un pipeline qui doit passer sous le lac Erie.

L'ONE a donc eu recours à tous les niveaux d'évaluation prévus dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Vous savez peut-être que l'examen quinquennal de cette loi aura lieu l'an prochain. L'office participera à ce processus en examinant comment il a été en mesure de s'acquitter de son mandat aux termes de cette loi et aussi aux termes de la Loi sur l'Office national de l'énergie.

L'autre question dont l'office doit tenir compte actuellement en matière d'évaluation environnementale est la participation du public. De plus en plus, l'office se rend compte que la population veut participer à l'examen des questions dont il est saisi en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et de la Loi sur l'Office national de l'énergie. Le public s'intéresse de plus en plus aux tracés détaillés des pipelines ainsi qu'aux questions liées aux droits fonciers, à l'environnement et à la sécurité.

L'office cherche donc toujours de nouvelles façons de faire participer le public à ses activités. Il a eu un certain nombre d'idées à cet égard. Par exemple, il y a maintenant un numéro 1-800, ce qui fait qu'il est maintenant plus facile pour les Canadiens d'un bout à l'autre du pays de communiquer avec l'ONE. Ils peuvent téléphoner sans frais à des membres du personnel de l'office et leur poser des questions.

Dans certains cas, nous avons tenu des séances d'information avant le début des audiences dans une localité afin que le public ait une idée de la meilleure façon de participer au processus.

Normalement, les gens qui désirent témoigner lors des audiences doivent s'inscrire à l'avance. Cependant, dans les plus petites localités, il est également possible pour les gens de s'inscrire à la porte. Ils remplissent un formulaire, et on leur dit approximativement à quelle heure ils seront appelés à témoigner. Les formalités administratives relatives à la tenue d'audiences ont été considérablement réduites.

Enfin, nous avons un site Web que nous essayons de tenir le plus à jour possible. Il fournit aux gens des renseignements sur les demandes qui doivent être étudiées et sur les audiences qui doivent avoir lieu et sur la façon dont ils peuvent participer s'ils le désirent.

Avec ces idées et d'autres idées auxquelles nous travaillons dans le moment, nous espérons être de plus en plus en mesure de répondre aux préoccupations du public et encourager le public à participer davantage.

Je vais maintenant demander à M. Caron de vous parler des activités de l'organisation.

M. Gaétan Caron, directeur exécutif, Office national de l'énergie: Je vais conclure notre exposé ce matin en vous donnant un aperçu de l'ONE, c'est-à-dire qui nous sommes et ce que nous cherchons à faire.

Nous sommes une petite à moyenne organisation qui compte à peu près 265 employés. Nous avons un budget d'environ 28 millions de dollars. Nous récupérons la grande majorité de nos coûts auprès de l'industrie que nous réglementons, sauf dans le cas de nos activités dans les régions pionnières. Pour ceux d'entre vous qui connaissaient notre ancien immeuble au centre-ville de Calgary, nous occupons maintenant de nouveaux bureaux qui sont situés à un pâté de maisons à l'ouest de l'ancien immeuble. Nos besoins actuels en ressources humaines et financières devraient rester relativement stables.

La prochaine diapositive est tirée de notre plan stratégique. C'est la première fois cette année que nous parlons de cela ouvertement en public parce que nous sommes satisfaits des résultats que nous avons obtenus après avoir demandé à tout le personnel de direction et aux membres de l'office de prendre du temps au cours des derniers mois pour préciser notre raison d'être.

Je vais vous montrer notre plan stratégique. C'est une feuille de papier et non un document relié. Chaque employé de l'office en a reçu une copie qu'il a toujours avec lui. C'est quelque chose qui nous tient beaucoup à coeur parce que c'est clair et cela nous donne un objectif commun. Nous serons heureux d'en remettre une copie au greffier du comité.

Je vais vous lire ce qu'est la raison d'être de notre organisation. C'est quelque chose que nous disons à l'interne pour donner à notre personnel une idée fondamentale de la façon dont nous devons nous organiser pour servir le public. Notre raison d'être est de promouvoir la sécurité, la protection de l'environnement et l'efficience économique dans l'intérêt public canadien, tout en respectant les droits individuels et en s'en tenant au mandat que le Parlement a conféré à l'office au chapitre de la réglementation des pipelines et de la mise en valeur et du commerce des ressources énergétiques.

Nous avons passé beaucoup de temps à peaufiner la formulation de cet énoncé, dont le but est de mettre en commun l'énergie et les idées de tout le personnel de l'Office national de l'énergie.

Quelque chose d'important s'est passé l'automne dernier. Le vérificateur général a consacré un important chapitre de son rapport à l'Office national de l'énergie. Il a fait sept recommandations précises concernant l'office. De ce nombre, trois portaient sur la surveillance de l'efficacité de nos programmes d'inspection en matière de sécurité et d'environnement, trois portaient sur la gestion interne de l'office, et l'autre traitait du recouvrement des coûts.

Lorsque nous avons vu les recommandations avant qu'elles ne soient rendues publiques, nous les avons toutes acceptées immédiatement. Nous avons trouvé que le vérificateur général avait fait du bon travail pour ce qui était de nous signaler les secteurs où nous devions consacrer plus de temps et d'efforts. L'adoption de toutes ses recommandations nous a permis d'améliorer notre base de données et notre capacité de surveiller le respect des conditions énoncées dans nos certificats et nos ordonnances relativement à la construction et à l'exploitation des pipelines.

Nous avons amélioré nos programmes d'inspection en tenant davantage compte des risques liés à une situation précise. M. Vollman a abordé cette question plus tôt dans notre exposé.

Nous avons aussi entrepris des discussions avec l'industrie sur la façon d'améliorer les modalités de recouvrement des coûts. Nous avons également renforcé notre façon de gérer les ressources humaines. Enfin, nous avons presque terminé l'établissement des paramètres d'une évaluation du programme de l'office -- ce qui, à notre connaissance, ne s'est jamais fait -- afin de faire un examen approfondi de l'utilité du programme pour les Canadiens.

Le plan stratégique comprend une section sur les principaux buts que nous jugeons importants pour l'avenir. Encore une fois, c'est quelque chose qui a été distribué à presque tout le monde au sein de l'organisation et dont nous tenons à parler publiquement. Ce sont les images que nous aimerions créer au cours des trois prochaines années. Ce sont les résultats que nous aimerions obtenir et l'impact que nous aimerions avoir. Nous demandons à tous les employés de l'Office national de l'énergie de se concentrer sur ces points dans la planification des projets.

Premièrement, nous voulons que les installations réglementées par l'Office national de l'énergie soient visiblement sécuritaires et perçues comme telles. Deuxièmement, les installations réglementées par l'ONE doivent être construites et exploitées de manière à protéger l'environnement et à respecter les droits individuels. Troisièmement, nous voulons que les Canadiens profitent d'une plus grande efficience économique, ce dont M. Vollman a parlé de façon détaillée. Quatrièmement, nous voulons que l'ONE répondent aux nouveaux besoins liés à la participation du public à ses travaux.

Cela met fin à mon exposé sur ce que nous faisons à l'Office national de l'énergie pour essayer de mieux servir les Canadiens. Nous avons un plan stratégique pour trois ans, et l'organisation toute entière travaille pour atteindre les résultats énoncés dans ce plan.

Le sénateur Kenny: Bienvenue. C'est bon de voir l'Office national de l'énergie qui revient témoigner devant le comité.

Il me semble que, le prix du pétrole étant particulièrement bas, c'est un moment opportun pour parler de ce que nous pourrions faire en cas de pénurie. Quelles seraient les responsabilités de l'office, conformément à l'énoncé de la raison d'être de votre organisation ou encore conformément à votre rôle réglementaire ou à votre rôle consultatif, si le Canada était aux prises avec une pénurie de pétrole?

M. Vollman: Sénateur Kenny, je ne suis pas certain que nous ayons des responsabilités précises à cet égard, mais l'office continue de suivre de près ce qui se passe dans le secteur énergétique au Canada. Si nous voyions des problèmes, nous aurions la responsabilité d'en aviser le gouvernement.

J'ai lu le compte rendu. Une question semblable a été posée en 1997. Je n'ai pas grand-chose à ajouter, si ce n'est que ce secteur a subi des changements radicaux depuis les années 70. À cette époque, je m'intéressais de près à la question de la sécurité énergétique. Comme vous le savez certainement, l'OPEP avait alors une position dominante sur le marché pétrolier international et pouvait pratiquement tenir les autres pays en otage.

L'importance de l'OPEP sur la scène mondiale a diminué depuis ce temps. Je crois avoir vu récemment que l'OPEP contrôle maintenant 40 p. 100 de la production pétrolière mondiale. Le marché international est beaucoup plus compétitif maintenant et les risques de désorganisation du marché sont moins grands.

J'ai dit plus tôt que le secteur énergétique était en train de devenir une industrie nationale. Nous avons notre propre production au large de la côte est du Canada, avec le pétrole d'Hibernia et le gaz de la plate-forme Scotian. Au cours des années à venir, cette industrie prendra encore plus de vigueur. La diversification des sources d'approvisionnement au Canada est un élément important de la réponse à votre question.

Le sénateur Kenny: J'ai du mal à comprendre votre réponse. Vous pourriez peut-être m'aider. Comme vous le savez, nous avons une entente selon laquelle, en cas de pénurie d'énergie, nous, en tant que pays exportateur net, serions tenus d'accroître nos exportations pour essayer de pallier à cette pénurie. Toutefois, la moitié du pays importe en fait du pétrole. De plus, comme la circulation du pétrole dans le pipeline Montréal-Sarnia se fait maintenant en sens inverse, cette moitié du pays ne fait que s'agrandir au lieu de rapetisser.

Votre confiance dans les nouvelles découvertes au large de la côte est ne me rassure guère parce que ce pétrole n'est pas acheminé au Canada. À ce que je sache, on ne prévoit pas l'acheminer au Canada et on n'aurait pas la capacité de le raffiner s'il était acheminé au Canada. Pourquoi avez-vous ce grand sentiment de sécurité?

M. Vollman: J'essayais simplement de dire que ce n'est pas seulement une question de pétrole, mais bien une question d'énergie. De plus en plus, le marché énergétique au Canada atlantique sera approvisionné non seulement en pétrole mais aussi en gaz naturel, ce qui diminuera quelque peu notre dépendance. S'il fallait prendre d'autres mesures dans ce domaine, je suppose que ce serait une question de politique. J'essaie de vous aider du mieux que je peux en tant qu'expert travaillant pour l'Office national de l'énergie.

Le sénateur Kenny: J'accepte le fait que, à mesure que vous diversifiez vos sources d'énergie, le gaz remplacera graduellement le pétrole pour un nombre de plus en plus grand de fonctions. Toutefois, cela n'a rien de rassurant pour les habitants de l'Est du Canada qui continueront de dépendre du pétrole marin. Il n'y a aucune politique ou aucune exigence, aux termes de l'entente, pour ce qui est de prévoir des réserves en cas de pénurie. Les autres pays qui sont des importateurs nets, ce que toutes les régions à l'est de Sarnia seront bientôt, exigent que certaines réserves soient prévues.

Ce n'est pas un problème qui nous empêche de dormir dans le moment, mais ce n'est pas non plus un problème qu'on pourra régler du jour au lendemain. Je crois que ce serait le temps d'y réfléchir.

M. Vollman: Je ne suis pas certain de pouvoir ajouter quoi que ce soit. Comme vous l'avez signalé, c'est une question de politique. Les fonctionnaires du ministère qui examineraient cette question devraient évaluer le risque de désorganisation du marché et les coûts associés au maintien d'une réserve stratégique. Toutefois, cela n'est pas de notre ressort en tant qu'office de réglementation.

Le sénateur Kenny: À titre de conseiller de la ministre, ne verriez-vous pas cela comme une question sur laquelle vous offririez volontairement des conseils à la ministre?

M. Vollman: Nous pouvons contribuer à une meilleure compréhension de la question. Nous n'avons pas inclus dans notre exposé le fait que nous procédons actuellement à une mise à jour de nos projections à long terme pour ce qui est de l'offre et de la demande d'énergie. La dernière étude approfondie publiée par l'office date de 1994; elle n'est donc plus à jour. L'automne dernier, nous avons entrepris deux séries de consultations publiques dans huit grandes villes canadiennes. Ces consultations se poursuivent cette année. Le rapport, qui sera disponible en juin 1999 si je ne m'abuse, fournira beaucoup de données dont les décideurs pourront se servir pour répondre au genre de question que vous posez.

Le sénateur Kenny: Ma dernière question sur le sujet concerne la production pétrolière sur la côte est. Selon vous, y a-t-il une chance que le pétrole produit là-bas soit acheminé ailleurs que dans des raffineries américaines? Est-il possible que nous puissions un jour raffiner nous-mêmes le pétrole produit sur la côte est et l'utiliser ici?

M. Vollman: Ces décisions relèvent des raffineries. Je suis certain que vous comprenez comment fonctionne le réseau de pipelines. Le pétrole qui arrive à Portland pourrait fort bien être réacheminé par le réseau et par le pipeline 9 d'IPL vers pratiquement toutes les raffineries des régions du centre et de l'est du Canada.

Le sénateur Kenny: Vous avez parlé d'un examen global du secteur de l'énergie. Durant cet examen, quelqu'un a-t-il fait des remarques du genre: «À un certain moment, nous voudrons peut-être changer la vocation d'une raffinerie pour l'utiliser comme source d'approvisionnement national. Si nous continuons d'exporter aux États-Unis, nous serons certainement tenus, aux termes de l'ALENA, de continuer à jouer ce rôle en cas d'urgence»?

M. Vollman: Il faudrait que je vérifie, mais je crois comprendre que nos gens n'ont pas essayé d'établir de lien entre des catégories et des sources précises de pétrole brut et la demande future des raffineries. Ils ont plutôt examiné la situation de façon globale.

Le président: J'ai toujours pensé qu'une des responsabilités de l'office était d'assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique pour tous les Canadiens. Je me souviens, par exemple, qu'on a déjà fait des études concernant la réglementation de nos exportations de gaz afin de voir à que nous ayons un approvisionnement assuré pendant 20 ans. Je suis surpris de votre réponse au sénateur Kenny. J'ai toujours cru que l'office avait comme rôle d'assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique. À moins que j'interprète mal vos propos, êtes-vous en train de dire que ce n'est plus une priorité pour l'office?

M. Vollman: Je peux peut-être préciser ce que j'ai dit auparavant. Vous avez tout à fait raison de dire que la loi parle de voir à ce que toute quantité de pétrole ou de gaz qui est exportée soit excédentaire par rapport aux besoins raisonnablement prévisibles des Canadiens. Cependant, la façon dont l'office s'acquitte de cette responsabilité a beaucoup changé au cours de la dernière décennie. Avant 1985, nous fonctionnions selon une méthode qui exigeait que nous ayons en réserve, au Canada, un certain multiple de la demande pour l'année en cours ou pour une année ultérieure.

Depuis la déréglementation qui s'est produite au milieu des années 80, notre programme est davantage axé sur l'avenir. Je suppose qu'on pourrait dire que c'est en réalité un système d'avertissement rapide. Nous avons un certain nombre de mécanismes. Nous préparons, à intervalles de quelques années, des rapports sur l'offre et la demande d'énergie à long terme.

Quiconque veut exporter du pétrole ou du gaz doit nous soumettre une demande afin d'obtenir un permis. Tout Canadien qui estime ne pas pouvoir obtenir du pétrole ou du gaz à des conditions semblables peut nous faire part de ses objections.

Lors de ces audiences, nous faisons ce que nous appelons une évaluation de l'impact des exportations, qui, encore une fois, est axée sur l'avenir. Nous examinons les conséquences des exportations proposées sur la capacité future des Canadiens de répondre à leurs propres besoins.

C'est de cette façon que nous nous acquittons de la responsabilité dont vous avez parlé, monsieur le président. Notre approche est vraiment axée sur l'avenir. C'est un genre de système d'avertissement rapide. Selon ce système, il n'est pas question de garder une quantité précise de pétrole ou de gaz en réserve. Évidemment, cette approche est le résultat d'une entente entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ce n'est pas une initiative de l'ONE.

Le sénateur Taylor: Vous avez mentionné que l'OPEP contrôle maintenant 40 p. 100 du marché. S'il y avait un problème et que l'OPEP retirait ces 40 p. 100 en coupant la production au Moyen-Orient, cela créerait une demande énorme et le prix du pétrole monterait en flèche. Il me semble que nous nous retrouverions alors dans une situation encore pire puisque la circulation du pétrole dans le pipeline Montréal-Sarnia se fait maintenant en sens inverse. Ce serait donc Toronto au lieu de Montréal qui serait sans pétrole. Nous ne pouvons pas permettre que cela arrive au Canada. La réaction en chaîne serait bien plus grave.

M. Vollman: Je n'ai pas participé à l'audience où la question du changement de direction du pipeline Sarnia-Montréal a été examinée.

Le sénateur Taylor: Cela n'est pas une excuse suffisante.

M. Vollman: J'ai mentionné cela tout simplement pour dire que je sais que ces questions ont fait l'objet de discussions lors de cette audience et qu'il en a été tenu compte.

Le sénateur Buchanan: Monsieur le président, ce n'est pas la première fois que je rencontre des gens de l'Office national de l'énergie. Dans une autre vie, pendant 13 ans, soit des années 70 jusqu'au début des années 90, je les rencontrais régulièrement.

Il y a un point qui n'a pas été soulevé. De la fin des années 70 jusqu'aux années 90, un grand gouvernement de la Nouvelle-Écosse a jeté les fondements très solides de ce qui se passe maintenant. Nous avons établi les paramètres. J'ai signé la première entente avec Pierre Trudeau. La seconde a été signée en 1986 avec Brian Mulroney. C'était bien avant celle signée par Terre-Neuve, qui a suivi la Nouvelle-Écosse, ce qui est normal pour Terre-Neuve.

Il y aussi une chose que je veux corriger. Le forage des puits de pétrole et de gaz naturel au large de la Nouvelle-Écosse a commencé à la fin des années 60 et s'est poursuivi au début des années 70. Vous étiez avec la société Mobil à ce moment-là. J'étais à l'île de Sable au début des années 70 lorsque le forage se faisait. Nous sommes actifs dans ce secteur depuis longtemps.

Je veux corriger une autre chose qui a été dite ce matin au sujet d'Hibernia. On a dit qu'il avait été le premier projet de production pétrolière en mer. C'est faux. Le tout premier projet de production pétrolière en mer était au large de l'île de Sable, qui fait partie de la Nouvelle-Écosse. C'était d'ailleurs précisé dans l'entente de 1982. J'avais dit à Marc Lalonde et à Pierre Trudeau à ce moment-là que l'île de Sable était à la Nouvelle-Écosse ce que les Falkland étaient à l'Angleterre et qu'ils devaient inclure cela dans l'entente.

Grâce au travail que nous avons fait dans les années 80, nous aurons du gaz naturel qui viendra des champs de gaz de l'île de Sable. Je vous demande de ne pas l'oublier.

Je veux parler de la question des pipelines. Il est intéressant de voir que le gazoduc de la Maritimes & Northern et celui de l'île de Sable amèneront le gaz des champs de l'île de Sable jusqu'au comté de Guysborough, où le gazoduc de la Maritimes & Northeast prendra la relève jusque dans l'État du Maine. J'aimerais vous poser une question. Vous avez mentionné le pipeline secondaire de Halifax. Il y a un autre pipeline secondaire qui est un peu controversé, soit celui reliant le détroit de Canso à la partie industrielle du Cap-Breton. J'éprouve des sentiments particuliers à l'égard de ce pipeline secondaire parce que j'ai toujours été un ardent défenseur de l'industrie du charbon et je suis natif du Cap-Breton, comme les sénateurs le savent. L'Office national de l'énergie examinera aussi ce pipeline secondaire, si ce projet se concrétise, et celui de Halifax.

Pourquoi l'Office national de l'énergie s'occupe-t-il de la réglementation relative à ces pipelines secondaires? Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a-t-il transféré cette responsabilité à l'ONE?

M. Vollman: Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte dans la question de la compétence. La réponse la plus simple à votre question est que ces pipelines secondaires sont construits par la Maritimes & Northeast. Autrement dit, du point de vue de la compétence, la société propriétaire joue probablement un rôle déterminant, et c'est pourquoi la Maritimes & Northeast a demandé une autorisation à l'ONE.

Je ne suis pas certain. Peut-être que la Nouvelle-Écosse émet aussi des autorisations miroirs pour ces pipelines.

Le sénateur Buchanan: C'est probablement le cas. Il me semble que, lorsque nous avons examiné cette question dans les années 80, il avait été décidé que les pipelines secondaires situés dans une province relèveraient de la province. Il y aura probablement des mesures législatives miroirs qui seront adoptées par notre assemblée législative et ici, au Parlement du Canada, comme ce fut le cas pour les accords sur les activités extracôtières.

M. Vollman: Jusqu'à maintenant, cela a bien fonctionné, et on s'est même servi de ce modèle pour l'examen par une commission mixte. Au lieu de se quereller pour des questions de compétence, on a fait du travail de collaboration.

Le sénateur Buchanan: Bob Fournier était un excellent choix. Je l'ai nommé comme premier président du conseil des sciences de la Nouvelle-Écosse. Il a fait de l'excellent travail pour cet organisme ainsi que pour l'ONE au Canada et en Nouvelle-Écosse.

Aux termes de l'entente de 1982, nous avions réussi à obtenir l'accord du gouvernement fédéral pour que la Nouvelle-Écosse ait la possibilité de devenir propriétaire d'un pourcentage pouvant aller jusqu'à 50 p. 100 de tous les pipelines au large de ses côtes et sur son territoire jusqu'à la frontière du Nouveau-Brunswick. Cela ne s'est pas concrétisé parce que le gouvernement actuel en a décidé autrement.

Le saviez-vous?

M. Vollman: Oui, je le savais parce que cela a été mentionné durant les audiences de la commission mixte.

Le sénateur Buchanan: Je tenais à signaler cette mauvaise décision de la part du gouvernement actuel.

Le sénateur Taylor: Si je comprends bien, le gazoduc qui relie l'île de Sable à la côte n'est pas un transporteur public. Mobil en a la propriété exclusive et en contrôle l'accès. Est-ce exact?

M. Vollman: Je crois que vous avez raison, sénateur Taylor. Dans le moment, l'accès au gazoduc se fait par contrat.

Le sénateur Taylor: Vous avez dit que vouliez qu'il y ait de la concurrence et que le consommateur soit protégé à long terme. Pourquoi l'Office national de l'énergie ne forcerait-il pas ce gazoduc à être un transporteur public? Cela ferait deux choses. Cela garantirait que le gaz est acheminé jusqu'à la côte au plus bas prix possible. Cela ouvrirait aussi d'autres secteurs adjacents à des activités d'exploration pétrolière et gazière.

Rockefeller a appris il y a longtemps que, si on amène les sociétés à acheter les pipelines, leur esprit et leur coeur suivront. Autrement dit, personne ne cherchera du pétrole et du gaz dans une région particulière à moins d'être certain d'avoir une juste part du marché. On ne voudra pas avoir à se servir du pipeline appartenant en propriété exclusive à un concurrent qui dira peut-être qu'il assurera le transport du gaz de l'autre société dans 25 ans ou qu'il l'achètera à 10 cents pour 1 000.

Pourquoi avez-vous laissé cette situation se développer?

M. Vollman: C'est une très bonne question. Je crois que l'avocate générale confirmera que la loi exige que les oléoducs soient des transporteurs publics.

Le sénateur Taylor: Cela ne s'applique pas aux gazoducs?

M. Vollman: Les gazoducs ne sont que des transporteurs à contrat, alors que les oléoducs sont des transporteurs publics aux termes de la loi.

Il faut ensuite appliquer cela. L'office s'est servi de diverses techniques pour se conformer à la loi. C'est une question de financement. Qui fournira l'argent et qui retirera les profits?

Dans le cas de l'Express, par exemple, le pipeline qui part de l'Alberta et qui descend vers le sud, la majeure partie de la capacité a été accordée à contrat à des expéditeurs, mais l'office a exigé qu'il y ait une certaine marge de manoeuvre au cas où d'autres expéditeurs se montreraient intéressés.

Le sénateur Taylor: Il n'y a pas de marge de sécurité, à l'île de Sable?

M. Vollman: À l'île de Sable, c'est un pipeline gazier. Selon nos règlements, les pipelines gaziers sont des transporteurs à contrat.

La possibilité d'offrir le service à d'autres a été proposée au cours des audiences de la commission mixte, mais personne d'autre n'a manifesté son intérêt. Au cours de cette audience, les propriétaires, d'après ce que je me rappelle des témoignages, disaient être prêts à faire affaire avec tous ceux qui voudraient augmenter la capacité.

Le sénateur Taylor: Ils pourraient l'être encore.

M. Vollman: On pourrait augmenter la capacité de la ligne rien qu'en augmentant la compression.

Le sénateur Taylor: J'ai beaucoup d'autres questions.

Le sénateur Spivak: Ma question porte sur le processus d'évaluation environnementale. Surveillez-vous l'impact cumulatif du forage et de la construction de routes et de pipelines?

Le sénateur Taylor a assisté à une conférence sur les questions forestières, à Edmonton, sur laquelle j'ai aussi reçu de l'information. On y a discuté du nord de l'Alberta et de l'impact assez dévastateur de cette activité sur la forêt boréale. Tenez-vous compte des impacts cumulatifs, ou seulement de l'évaluation de chaque projet?

Mme Hanebury: En vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, nous sommes tenus d'évaluer les effets cumulatifs sur l'environnement, et nous le faisons. L'ampleur de ces effets cumulatifs varie d'un cas à l'autre. Il arrive souvent que des aménagements soient faits parallèlement, selon un calendrier différent et sans lien direct avec le pipeline. Il arrive aussi que ces aménagements soient liés au pipeline. Chaque cas doit être examiné selon ses propres caractéristiques. L'Alberta Energy and Utilities Board est justement en train d'examiner cette question: comment devrions-nous évaluer l'ensemble des effets cumulatifs, tenant compte du forage, des pipelines, des forêts et des autres facteurs?

Les nombreux ministères et organismes gouvernementaux touchés n'ont jamais examiné les effets cumulatifs d'une façon aussi globale, comme ce devrait être le cas. Il n'y a que très peu de temps que ce problème est à l'avant-plan des préoccupations.

Le sénateur Spivak: Donc, votre institution particulière n'évalue pas elle-même les répercussions passées de manière à prévoir les répercussions futures. Selon certaines sources, l'impact a déjà été assez dévastateur pour les forêts.

Mme Hanebury: Absolument, et quand nous examinerons les demandes des propriétaires de pipeline, nous examinerons aussi les effets cumulatifs des utilisations passées et des exploitations futures proposées dans le secteur en question. Oui, nous le faisons.

Le sénateur Spivak: Est-il possible, en théorie, que vous refusiez, modifiez ou amendiez une proposition particulière selon les faits passés et l'impact qu'ils ont eu sur les forêts et les eaux navigables, les rivières et les fleuves?

Mme Hanebury: La fragmentation de l'habitat est certainement une préoccupation. Oui, il y a une possibilité qu'une application soit rejetée ou qu'une autre route soit envisagée pour des raisons comme celles-là, ou peut-être à cause de problèmes d'atterrissement d'un cours d'eau. Cela peut arriver, par exemple quand le fait de traverser la rivière à un certain endroit risque d'augmenter le taux d'atterrissement et que des projets ultérieurs pourraient encore empirer le problème.

Si ce que vous voulez savoir, c'est si une évaluation des effets cumulatifs pourrait entraîner soit des mesures de compensation soit le rejet d'un pipeline, la réponse est oui.

Le sénateur Spivak: Est-ce que les émissions de dioxyde de carbone et le réchauffement global sont aussi pris en compte dans l'évaluation environnementale, et cela s'est-il fait par le passé? Par exemple, on dit que l'exploitation des sables bitumineux produit des émissions beaucoup plus importantes que les autres types d'exploitation. Cela ne semble pas avoir eu de conséquence, dans ce cas.

Mme Hanebury: Vous devez vous rappeler que nous réglementons surtout le transport et que les émissions dans ce secteur ne sont pas aussi importantes que celles des opérations de production ou de brûlage.

Le sénateur Spivak: Vous ne vérifiez pas les émissions de la production?

Mme Hanebury: Généralement, non. Nous vérifions les émissions à deux égards. D'abord, nous essayons de minimiser les émissions fugitives. Nous vérifions aussi les émissions sur une base d'accumulation par rapport au bassin atmosphérique, quand il y en a. Par exemple, nous pouvons exiger, et nous l'avons fait, que les entreprises règlent leur équipement de manière à contrôler le bassin atmosphérique, qu'elles nous fassent rapport de leurs résultats et qu'elles veillent à ce que les émissions prévues s'avèrent exactes - que l'effet cumulatif n'atteigne pas des niveaux inacceptables.

Le président: Le gouvernement du Canada a pris un engagement, dans le cadre de l'accord de Kyoto, et vous avez une certaine connaissance des répercussions qu'aura cet accord sur l'industrie du pétrole et du gaz. Le gouvernement fédéral vous a-t-il demandé de participer à ses délibérations et de faire partie des comités chargés d'étudier les objectifs de cet accord, soit la manière de les atteindre et les conséquences qu'ils auront?

M. Vollman: Je pourrais peut-être commencer. Mme Hanebury pourrait compléter mes observations.

L'automne dernier, nous avons invité M. Oulton à venir à Calgary nous parler de ce qu'on attendait en fait d'impacts de l'accord de Kyoto sur les activités de l'office. Nous voulions aussi savoir si nous pouvions faire quelque chose pour aider son bureau. Nous avons eu une rencontre intéressante, mais il ne pouvait rien nous dire à cette époque. Par la suite, nous avons reçu une demande d'aide, et nous fournirons au bureau de M. Oulton et au ministère des projections à long terme sur l'offre et la demande d'énergie, que nous sommes en train de préparer. Ensuite, son bureau mettra ses connaissances à profit pour calculer les émissions en fonction de ces différentes projections. Je n'ai pas entendu parler d'une autre forme de collaboration, à part cette demande d'aide.

Mme Hanebury: Nous avons déjà fourni les résultats préliminaires de nos études à Ressources naturelles Canada, et je crois que c'est tout ce qu'on nous a demandé jusqu'à maintenant.

Le président: Avez-vous jamais envisagé de tenir des audiences qui permettraient aux intéressés de l'industrie de présenter un aperçu de l'impact potentiel de l'accord de Kyoto et des étapes à suivre dans la réalisation de ses objectifs? Il me semble qu'il devrait y avoir une tribune où l'industrie pourrait échanger des points de vue. Avez-vous jamais envisagé de mettre une telle tribune sur pied?

M. Vollman: Pas précisément, mais c'est pour des raisons de ce genre que nous avons invité M. Oulton à nous visiter l'automne dernier. Nous voulions savoir en quoi nous pouvions être utiles.

Le président: Cela semble très limité à cette étape.

M. Vollman: C'est le seul exemple jusqu'à maintenant.

Le sénateur Adams: L'Office national de l'énergie est à Calgary. Le nouveau territoire du Nunavut sera proclamé dans tout juste une semaine et demie, mais le projet de loi C-62, qui porte sur les ressources en eau du Nunavut, n'a toujours pas été adopté à la Chambre des communes. À l'avenir, le Nunavut sera-t-il considéré au même titre que n'importe quelle province aux fins des permis d'exploration et d'autres opérations pétrolières?

M. Vollman: Je présume qu'on fera comme pour le Yukon. Au Yukon, une fois que les responsabilités ont été transférées, nous nous sommes retirés du processus, mais nos services étaient toujours disponibles. Il faut beaucoup de spécialistes pour gérer un programme de forage et de production pétrolière, et c'est difficile d'avoir tout ce monde-là à sa disposition si l'on n'a qu'un tout petit mandat. Nous avons offert tous nos services techniques au gouvernement du Yukon, même s'il a entière compétence dans ce domaine. Il y a quelques mois, j'ai rencontré le chef du gouvernement territorial et je lui ai fait la même offre. Une fois que cette compétence relèverait de son gouvernement, nous serions heureux de continuer à offrir des services techniques. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Adams: Oui. Je ne sais pas quel système établira le gouvernement du Nunavut. Actuellement, beaucoup de sociétés minières s'intéressent à l'exploration et au forage dans cette région. L'exploration dans la mer de Beaufort a cessé au cours des années 80, mais les Inuvialuit ont beaucoup d'intérêts en jeu sur le continent avec des sociétés comme Shell et la Compagnie pétrolière impériale. Qu'est-ce qui se produira si les sociétés pétrolières de ce genre, dont les Inuvialuit sont partenaires, demandent un permis de forage dans ce secteur, disons autour de Tuktoyaktuk ou de Norman Wells?

M. Vollman: Pour le moment, sénateur Adams, nous avons encore des intérêts en jeu, et il y a une immobilisation passablement importante que nous n'avons pas mentionnée dans notre exposé. L'an dernier, nous avons approuvé l'installation d'un pipeline jusqu'à Inuvik. Je pense que, cet été au plus tard, la ville d'Inuvik sera desservie en gaz. Le gaz servira surtout à la production d'électricité, mais il y aura aussi des clients résidentiels. À l'heure actuelle, nous supervisons les travaux de ce type de projets.

Le sénateur Hays: Je voudrais revenir brièvement sur votre échange avec les sénateurs Kenny, Ghitter et Taylor concernant l'engagement à l'accès proportionnel et à la stabilité des ressources en situation de pénurie.

Je comprends que l'exploitation ordonnée des ressources pétrolières et gazières a été très bénéfique pour les consommateurs nord-américains, et même pour les consommateurs du monde. La déréglementation du marché mondial que nous connaissons sert très bien nos fins.

Toutefois, nous avions coutume de nous inquiéter beaucoup -- d'ailleurs, vous en avez parlé -- de la nécessité d'avoir un excédent livrable avant l'obtention d'un permis d'exportation.

Cette fois, permettez-moi de vous présenter les choses ainsi. Mettons que nous produisons deux millions de barils par jour et que nous en exportons un million vers les États-Unis. Nous sommes un exportateur net. Nous n'avons pas de réserve de pétrole stratégique et nous avons inversé la ligne 9, de Sarnia. Nous avons cessé de faire bien des choses que nous faisions auparavant pour nous assurer des ressources stables. Vous avez dit «Oui, c'est préoccupant, mais nous abordons le problème de manière progressive.» Je voudrais être rassuré, étant donné qu'on a admis que le contexte est très favorable à l'industrie énergétique -- et aux consommateurs, sur le plan des prix.

Est-ce que tout va bien sur cette question des réserves limitées, et avons-nous négocié des exemptions en ce qui concerne l'accès proportionnel? Par exemple, a-t-on dit que c'était une bonne idée pour Hibernia, ou avons-nous accès aux réserves américaines en cas de pénurie? Dites-moi quelque chose pour que je me sente plus à l'aise à cet égard, même en supposant que les Balkans explosent et que tous les pétroliers sont envoyés, comme autrefois, à des destinations autres que Montréal et nos autres ports.

M. Vollman: J'ai bien compris que vous voulez être rassuré, mais je ne suis pas sûr de pouvoir ajouter grand-chose.

Les activités d'exploration ont augmenté à l'échelle mondiale, des bassins ayant été trouvés dans beaucoup de régions à l'extérieur des pays de l'OPEP, et ça fait une différence. La possibilité d'un embargo comme celui qu'on craignait au début des années 70 est beaucoup moins grande puisque cette source d'approvisionnement représente maintenant moins de la moitié de la production mondiale. C'est une facette importante de l'affaire.

C'est aussi rassurant de savoir que les sources d'énergie se diversifient dans notre pays et que l'industrie pétrolière prend de l'essor dans l'Atlantique. À savoir si cela exige qu'on fasse quelque chose pour constituer une sorte de réserve, cela dépasse un peu mon champ de compétence. C'est probablement une question qu'il faudrait poser aux fonctionnaires responsables de la politique énergétique.

Le sénateur Hays: N'avez-vous pas de conseils à leur donner? Je ne veux pas vous placer dans une position précaire, mais êtes-vous heureux, vous et l'ensemble de l'office, dans la mesure où vous êtes habilité à parler en son nom, de la situation actuelle, dans l'hypothèse où l'on aurait des difficultés d'approvisionnement? Peut-être que tout est bien et que cela ne se produira jamais, auquel cas, prendre des mesures en prévision de ce genre de situation ne ferait qu'augmenter le coût de l'énergie et constituer une source de gaspillage, mais, dans un contexte où l'approvisionnement est stable, il y a des moyens faciles de prévoir ces situations. Je présume que vous surveillez cela et que nous ne risquons pas d'être mal pris, dans la région de l'Atlantique, par exemple, où des subventions gouvernementales considérables ont été investies pour permettre la production de pétrole et de gaz. Je ne m'inquiète pas tellement des ressources de gaz, mais c'est un élément de l'industrie. Si nous nous trouvions à court de réserves, de telles mesures seraient rassurantes pour la région de l'Atlantique.

M. Vollman: En tant que spécialiste de l'approvisionnement, ayant travaillé dans ce domaine une bonne partie des 30 dernières années, je ne crois pas que nous devions sonner l'alarme et faire quelque chose pour assurer notre sécurité, non. Nous avons parlé d'Hibernia. Terra Nova n'est pas loin derrière, et d'autres gisements seront trouvés au large de la côte est. Il y a vraiment une nouvelle province productrice de pétrole qui se dessine dans l'est du Canada.

Le sénateur Hays: C'est ainsi que le sénateur Kenny a introduit le sujet. À ma connaissance, nous ne raffinons aucun de ces produits. Nous envoyons le produit aux États-Unis, ce qui est très bien, mais si c'était assujetti aux règles d'accès proportionnel et qu'il y avait pénurie, serait-ce utile au Canada atlantique? Je pose évidemment la question en excluant la possibilité que, avec le temps, des travaux d'exploration supplémentaires puissent permettre de trouver de nouvelles ressources ou peut-être de favoriser un plus grand essor des travaux qui pourraient être exemptés des exigences d'accès proportionnel.

Je pense que vous avez dit au comité que tout allait bien, mais j'aimerais que vous précisiez.

M. Vollman: Vous voulez savoir si les caractéristiques du pétrole brut au large de Terre-Neuve correspondent aux exigences des raffineries canadiennes.

Le sénateur Hays: J'apprécie la fluidité de l'enjeu. Des exemptions à l'accès proportionnel ont été offertes pour une partie, pour l'équivalent de ce que seraient les réserves américaines, si nous croyions que c'était nécessaire. Est-ce qu'on s'inquiète de cela?

M. Vollman: Je suis sûr que certains des spécialistes de l'office en savent plus long. Si le comité le désire, je pourrais peut-être répondre à votre question par écrit. Personnellement, je crois être arrivé à la limite de mes connaissances.

Le sénateur Hays: Merci d'être venu. C'est un événement annuel que nous attendons toujours avec impatience, et nous apprécions beaucoup le fait que vous soyez disposé à venir nous rencontrer avec votre personnel.

Le président: Pour ma part, je crois avoir besoin d'être rassuré sur une autre question. C'est la santé de l'industrie du pétrole et du gaz au Canada qui m'inquiète. Je vois ce qui s'est produit dans les régions où nous habitons, les sénateurs Hays, Taylor et moi, ainsi qu'à Calgary. J'ai vu une autre rationalisation de l'industrie. J'ai constaté que le dollar canadien bon marché fait que les sociétés canadiennes sont achetées par des intérêts américains. Je vois que nos produits de base sont constamment évalués plus bas que nous ne le voudrions, selon les analyses économiques, malgré la légère hausse que nous avons constatée en raison des mesures prises par l'OPEP, la semaine dernière. Je vois que nous nous inquiétons toujours plus de l'industrie du pétrole et du gaz dans notre pays. Partagez-vous ce point de vue? Croyez-vous que nous devons nous résigner à une période de prix du pétrole bas et que cela aura des effets néfastes? Cela veut-il dire que nos sables bitumineux ne seront pas exploités comme prévu et comme l'avaient annoncé différentes sociétés? Pouvez-vous nous donner un aperçu de la situation sur ces questions?

M. Vollman: C'est le prix du pétrole qui est le facteur déterminant de tout cela. Cette question a suscité beaucoup d'intérêt lors des consultations tenues par l'office aux quatre coins du Canada.

Dans les localités visitées, nous avons annoncé que le prix du pétrole serait d'environ 18 $ le baril d'ici l'an 2000.

Le sénateur Taylor: Canadiens?

M. Vollman: Non. Il s'agit du West Texas Intermediate, le WTI. En chiffres absolus, ce pétrole serait relativement stable à 18 $, avec des variations allant de 14 $ à 22 $ le baril.

Étonnamment, la grande majorité des spécialistes consultés acceptaient la prévision de 18 $ le baril. Les prix du pétrole sont très changeants. On peut être consterné par ce qui s'est produit à la fin de l'an dernier, mais les prix sont déjà remontés des alentours de 11 $ à 13 ou 14 $. Nous croyons toujours que des projections à long terme de 18 $ le baril de WTI sont raisonnables, et que son prix atteindra environ 16 $ le baril d'ici la fin de 1999.

Le président: Et pour le prix du gaz?

M. Vollman: Nous examinons quelques scénarios. De mémoire, je pense qu'un scénario voulait que le prix du gaz reste assez stable, autour de 1,60 $, pour un bon nombre d'années. C'est un prix à la sortie de l'usine, en dollars canadiens. Un autre scénario prévoit une hausse du prix du gaz jusqu'à 3,50 $ environ. Ce serait une augmentation assez graduelle sur une longue période, allant jusqu'en 2025.

Le président: Cela correspond aux projections qu'on nous a présentées à Washington, quand nous y avons rencontré des spécialistes de la question.

Le sénateur Cochrane: Quand vous parlez d'Hibernia, cela me fait penser qu'une petite partie du pétrole est acheminée vers la raffinerie de Come-by-Chance, n'est-ce pas?

Le sénateur Taylor: En effet.

M. Vollman: Je remercie le sénateur Taylor, parce que je ne savais pas la réponse.

Le sénateur Taylor: C'est une de mes bêtes noires. Petro-Canada avait soulevé des préoccupations, une fois, au sujet de l'utilisation des vieilles raffineries désuètes de Montréal. La société vendait aux Américains, croyant que tout ce qui était raffiné devait aller sur les marchés américains. Come-by-Chance est une belle raffinerie. Elle a été modernisée et elle écoule ses produits dans les Carolines. Habituellement, elle utilise le brut d'Hibernia, mais quand on achète du brut d'une plate-forme de forage en mer, il faut avoir recours aux pétroliers. Ça dépend des besoins du moment, de l'utilisation et du mélange.

Le sénateur Cochrane: Je veux revenir à la page portant sur le contexte de l'industrie du pétrole. Les exportations, le forage et les liquidités ont diminué. Il y a des fusions. L'industrie résiste tout juste. Je crois comprendre que, aujourd'hui, l'OPEP annoncera des compressions dans la production de pétrole et ses autres activités dans certains pays. Cela aura-t-il des répercussions sur nos sociétés pétrolières?

M. Vollman: Bien sûr, le pétrole est un produit commercialisé dans le monde entier. Par conséquent, toute mesure prise par l'OPEP a nécessairement des répercussions. Pour comprendre ce qui se produirait, il faut se rappeler, premièrement, que sa position relative sur le marché mondial du pétrole diminue chaque année. Deuxièmement, on triche toujours sur les quotas établis. La réponse est oui, mais pour être réaliste il faut faire la part des choses en tenant compte de ces deux facteurs.

Le sénateur Taylor: Je me demande si l'Office national de l'énergie fait quoi que ce soit concernant l'accord de Kyoto au sujet du CO2, et pas seulement en ce qui a trait aux émissions. En effet, de grandes quantités de CO2 peuvent rester captives des gisements houillers, un peu partout dans le monde. Je peux imaginer la Nouvelle-Écosse faire une fortune en permettant au reste du Canada de se débarrasser du CO2 captif de ses gisements houillers. Est-ce que l'Office national de l'énergie fait quoi que ce soit à la suite de Kyoto? Que pensez-vous du processus?

M. Vollman: Nous ne faisons rien de précis en réaction à l'accord de Kyoto, en tant qu'organisme de réglementation, mais nous essayons de rester à jour pour certaines de ces percées technologiques. Le CO2 captif des gisements de houille, l'un des points que vous avez mentionnés, semble très intéressant parce que, bien sûr, ce qui se produit quand du CO2 reste captif d'un filon de houille, c'est que le méthane est libéré étant donné que le CO2 préfère s'attacher au charbon.

Nous sommes certainement conscients de tout cela, du point de vue scientifique. Je suis aussi conscient, d'une façon générale, que des ressources fédérales et provinciales sont investies dans la recherche dans ce domaine. Je ne peux pas en parler en détail, mais je sais que notre personnel y travaille. Nous avons une importante infrastructure en place dans la province, et bon nombre des puits forés dans des formations gazéifères traversent des filons de charbon. Quand les formations gazéifères seront vides, les puits offriront un accès bon marché à ces filons de charbon.

Oui, nous surveillons certaines de ces nouvelles technologies, mais nous ne faisons rien, comme tel, en tant qu'organisme de réglementation, pour donner suite à Kyoto.

Mme Hanebury: J'ajouterais une chose. Dans le rapport sur la demande que nous sommes en train de rédiger, comme nous l'avons déjà dit, il y a de l'information qui pourrait intéresser les gens qui travaillent sur ces questions. Nous nous sommes penchés notamment sur un cas de haute technologie qui pourrait être utile, parce qu'on utilise beaucoup plus les ressources renouvelables ou les ressources de substitution. Nous étudierons les émissions de gaz à effet de serre dans le contexte de cette nouvelle technologie et de ses applications utiles. Je crois que cette information pourrait intéresser certains.

Le président: Nous vous remercions d'être venus nous rencontrer. D'après le graphique, les exportations de pétrole et de gaz du Canada sont tellement importantes pour notre pays que l'industrie doit être solide. Avec 25 milliards de dollars d'exportations, vos responsabilités sont très importantes. Nous nous sentons en sécurité sous la direction que vous assurez dans ce domaine, et nous vous remercions d'avoir été là aujourd'hui.

M. Vollman: C'est un privilège pour nous d'avoir été invités, et j'espère que nous avons assez bien fait ça pour que vous nous réinvitiez l'an prochain.

Le président: Chaque année, nous avons hâte de vous revoir.

La séance est levée.


Haut de page