Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 17 - Témoignages du 24 mars 1999


OTTAWA, le mercredi 24 mars 1999

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 12 h 36 pour examiner les questions qui pourraient surgir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles au Canada.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous avons hâte d'entendre nos témoins d'aujourd'hui. Je signale que notre comité s'intéresse depuis longtemps à la question dont ils nous entretiendront. Les membres du comité ont d'ailleurs passé quatre à cinq jours à Washington pour discuter avec les représentants de divers ministères de questions relatives à la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Nous avons consacré un certain nombre de réunions à ce sujet tant au pays qu'à l'étranger. Voilà qui explique notre vif intérêt pour les responsabilités du Secrétariat du changement climatique et pour la question sur laquelle portera cette séance. J'espère que ce n'est que le début d'une relation suivie avec le ministère.

Veuillez commencer.

M. David Oulton, chef, Secrétariat du changement climatique, Ressources naturelles Canada: Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de vous expliquer quel est le rôle du secrétariat dans l'élaboration de la politique canadienne sur les changements climatiques.

Le Secrétariat du changement climatique est un organisme gouvernemental hybride créé après la signature du protocole de Kyoto. Il n'existait pas avant celui-ci. Son mandat est très clair: collaborer avec les autres ministères fédéraux, les provinces et les territoires à l'élaboration d'une stratégie nationale de mise en oeuvre du protocole de Kyoto.

Le secrétariat est un organisme gouvernemental hybride dans la mesure où il relève de deux ministères fédéraux, soit Ressources naturelles Canada et Environnement Canada. Le secrétariat constitue également un projet conjoint avec les provinces, comme en témoigne le fait que ma collègue Mme Gotzaman est cogestionnaire du secrétariat national à la gestion duquel participe l'Alberta. Le sous-ministre adjoint de l'Alberta et moi-même sommes coprésidents du secrétariat national dont Mme Gotzaman et un collègue albertain sont cogestionnaires. Le secrétariat national compte des employés des gouvernements fédéral et provinciaux.

Je présume que vous avez tous un exemplaire des diapositives que je compte vous présenter rapidement au cours des 20 prochaines minutes.

Je demande aux membres du comité de bien vouloir se reporter à la section A, «Récapitulation: Défi de Kyoto et processus national». Passez ensuite à la diapositive A.1 qui montre un graphique intitulé «Défi de Kyoto -- combler l'écart». L'objet de ce graphique est d'exposer les éléments essentiels du défi que nous pensons devoir relever. On voit que le niveau de référence de 1990 pour les émissions de gaz à effet de serre, exprimé en équivalent CO2, est de 599 mégatonnes.

L'objectif que nous nous sommes fixé dans le protocole de Kyoto est de faire passer nos émissions à 563 mégatonnes, c'est-à-dire 6 p. 100 en dessous du niveau de référence de 1990. La dernière fois que nous avons mesuré nos émissions remonte à 1996; elles étaient alors de 671 mégatonnes, comme vous le montre le premier tiers du graphique, ce qui représente une augmentation de 12 p. 100 par rapport au niveau de référence de 1990.

Voilà donc les paramètres de base de la situation actuelle et du défi que le protocole de Kyoto nous oblige à relever.

Nous avons aussi évalué l'ampleur de ce défi. Le triangle au haut du graphique montre à quel niveau se situeraient les émissions de gaz à effet de serre si le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités ne faisaient rien pour les réduire. On voit que ces émissions atteindraient entre 700 et 750 mégatonnes d'ici l'an 2010, soit au milieu de la période de mise en oeuvre du protocole de Kyoto, qui s'échelonne de 2008 à 2012.

On constate que l'écart entre ce niveau d'émission et l'objectif de 563 mégatonnes que nous nous fixons est de 140 à 185 mégatonnes. Il en découle que pour atteindre cet objectif, il nous faudrait adopter des politiques et des pratiques permettant en gros de réduire les émissions de 20 à 25 p. 100, ce qui vous donne une idée de l'ampleur du défi à relever. L'écart tend à varier parce que l'approche non interventionniste change à mesure que notre compréhension des phénomènes passés évolue. L'écart tend plutôt à augmenter; il ne sera donc pas plus facile de relever le défi, il sera au contraire plus difficile de le faire dans la mesure où si nous n'intervenons pas pour réduire les émissions, elles finiront sans doute par dépasser 750 mégatonnes.

La diapositive A.2 illustre une autre façon d'évaluer le défi de Kyoto et d'établir les mesures à prendre pour atteindre l'objectif fixé. La colonne à l'extrême gauche du graphique montre la valeur obtenue en divisant le produit intérieur brut par les tonnes de gaz à effet de serre. Cette colonne exprime en milliers de dollars la proportion du PIB généré par tonne de gaz à effet de serre. C'est une mesure de l'efficacité avec laquelle nous utilisons les gaz à effet de serre dans l'économie.

De 1970 à 1975, on constate une augmentation générale largement attribuable à l'intégration de la technologie dans l'économie, laquelle a tendance à utiliser davantage de carbone, l'élément qu'on retrouve le plus dans les gaz à effet de serre. Il faut en déduire que les nouvelles technologies nous permettent d'utiliser le carbone de façon plus efficace.

Pour la période de prévision allant de 1995 à 2010, la ligne continue, qui représente la politique non interventionniste, indique que nous nous attendons à ce que l'adoption de certaines technologies, politiques gouvernementales et pratiques commerciales se traduise par une augmentation de 1 p. 100 par année de l'efficacité carbone.

La ligne pointillée montre que pour atteindre l'objectif de Kyoto, il nous faudrait améliorer l'efficacité carbone de près de 4 p. 100 par année, ce qui représente une augmentation assez importante de l'efficacité avec laquelle nous utilisons les gaz à effet de serre dans l'économie.

Vous vous demandez peut-être si nous sommes jamais parvenus à améliorer autant notre efficacité. Pendant la période où se sont échelonnées les hausses du prix du pétrole attribuables à la politique de l'OPEP, c'est-à-dire là où la ligne commence à monter plus abruptement, l'augmentation se situe entre 2,5 et 3 p. 100. Ce n'est pas tout à fait l'objectif de 4 p. 100 que nous visons, mais cela s'en rapproche.

Deux ou trois raisons expliquent que nous ayons utilisé le carbone et les gaz à effet de serre plus efficacement au cours de cette période. La raison la plus importante est que l'industrie et les consommateurs ont clairement modifié la façon dont ils utilisaient l'énergie, et en particulier l'énergie à base de carbone. Ce changement est attribuable à deux facteurs. Premièrement, cette période a été marquée par une crise des approvisionnements en pétrole sous-marin qui n'a échappé à personne. La population s'est mise à craindre les files d'attente aux stations-service et à se préoccuper de la sécurité des approvisionnements en pétrole, ce qui l'a amenée à changer ses habitudes. En outre, les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux ont mis en oeuvre des programmes visant à favoriser les économies d'énergie et l'exploitation de sources d'énergie renouvelables.

En outre, l'augmentation du prix du mazout et de l'essence a obligé les gens à s'interroger sur leurs déplacements ainsi que sur le type de véhicule et de produit qu'ils achetaient. Les entreprises ont pris des décisions d'investissement liées à l'efficacité énergétique des différents procédés industriels.

Par ailleurs, cette période a été marquée par l'apparition de technologies consommant moins d'énergie. Au début des années 70, les petites voitures provenant de l'Europe et du Japon ont commencé à envahir le marché. Ces petites voitures plus légères et plus économiques se sont répandues entre le milieu et la fin des années 70, en pleine crise pétrolière, offrant aux consommateurs la possibilité d'acheter d'autres types de véhicules que ceux auxquels ils étaient habitués. Les petites voitures se sont en fait mises à pulluler sur les autoroutes nord-américaines entre 1975 et 1985.

L'énergie nucléaire est aussi devenue plus courante pendant cette période. L'EACL a montré qu'à ce moment-là, l'électricité produite en Ontario provenait davantage de centrales nucléaires que d'autres sources d'énergie, en particulier de sources utilisant le carbone.

En réponse à la demande des consommateurs, de nouvelles technologies et de nouveaux produits sont donc apparus à cette époque sur le marché. Ce sont les consommateurs qui les ont réclamés. Ces conditions étaient propices à l'introduction des changements qui sont alors survenus. C'est cette modification des habitudes des consommateurs et des entreprises pour ce qui est de leurs achats et de l'utilisation des nouvelles technologies qui nous permettra d'atteindre l'objectif fixé dans le protocole de Kyoto.

Le président: Les mêmes conditions n'existent plus aujourd'hui.

M. Oulton: Très peu d'entre elles existent, et voilà la difficulté.

Le président: Vous tirez la même conclusion que moi.

M. Oulton: Oui. Le prix du pétrole est au moins aussi bas qu'il l'était au moment de la crise pétrolière des années 70. Par ailleurs, le coût du carbone et des gaz à effet de serre pour l'économie n'incite pas à changer ses habitudes, d'autant plus que nous n'avons pas l'impression de faire face à une menace comme c'était le cas au moment de la crise pétrolière. Il nous faudra donc trouver d'autres moyens que ceux auxquels nous avons eu recours dans les années 70 pour provoquer des changements.

Le président: Les véhicules de plaisance qui existent aujourd'hui et qui sont de grands consommateurs d'énergie n'existaient pas à l'époque. On voit donc que les consommateurs n'achètent plus le même genre de véhicules.

M. Oulton: Il est vrai que les consommateurs n'achètent plus aujourd'hui des véhicules de la même taille et de la même puissance qu'en 1979 ou en 1980. Sur une note optimiste, les véhicules sont maintenant équipés de dispositifs qui n'existaient pas dans les années 70 et qui permettent de réduire ou d'éliminer les émissions.

La diapositive A.3 porte sur la répartition des émissions entre les régions du Canada. Le tableau compare le niveau des émissions en 1990, l'année de référence, aux émissions prévues en 2010. Je ne veux pas tant insister sur les chiffres que sur la répartition passablement inégale des émissions entre les régions.

L'Ontario est évidemment le plus grand producteur d'émissions en raison de la forte concentration de population et d'industries de cette province. L'Alberta se classe en deuxième place parce que son économie repose beaucoup sur l'utilisation du carbone. Les émissions par habitant ou par unité de PIB seront donc plus élevées dans ces provinces que dans les autres.

Cette diapositive indique également qu'il ne sera pas possible d'adopter une politique uniforme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et atteindre l'objectif fixé dans le protocole de Kyoto. L'approche envisagée pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre ne pourra pas être la même en Ontario, en Alberta ou au Canada atlantique. La mise en oeuvre d'une ou de deux mesures à l'échelle nationale ne permettra pas d'atteindre l'objectif fixé de façon efficace.

Le sénateur Spivak: Si le niveau des émissions est si peu élevé au Manitoba, c'est parce que la province consomme surtout de l'énergie hydroélectrique, n'est-ce pas?

M. Oulton: C'est juste.

Le sénateur Spivak: Dans ce cas, faudrait-il que l'Alberta utilise une autre source de production de l'énergie que les hydrocarbures? Cela aurait-il une incidence importante ou minimale sur sa production d'émissions?

M. Oulton: C'est un problème de taille. Au Manitoba, les défis proviennent de deux ou trois domaines en particulier. Les transports, par exemple, sont l'une des principales sources d'émissions de carbone au Manitoba. Les transports sont également une source importante d'émissions de carbone en Alberta, mais l'industrie pétrolière et pétrochimique est aussi grande productrice d'émissions.

Le sénateur Spivak: Je fais cette remarque parce que l'Alberta possède d'importantes réserves de gaz naturel. En théorie, la province pourrait très bien utiliser du gaz naturel au lieu des hydrocarbures.

M. Oulton: C'est vrai. Il faudra évidemment prendre en compte le facteur coût. En Alberta et en Saskatchewan, on produit de l'électricité à partir du charbon parce qu'on y trouve du charbon d'assez grande qualité. Il est efficace de recourir à cette source d'énergie vu sa proximité du marché.

Vous avez cependant raison, sénateur, de faire remarquer que d'autres choix s'offrent à l'Alberta si elle est prête à mettre le prix.

Le sénateur Hays: Le graphique à barres montre une augmentation de 13 p. 100 pour l'Ontario et de 20 p. 100 pour l'Alberta. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi le graphique ne donne pas l'impression de comparer la situation en 1990 à celle qu'on prévoit pour 2010?

M. Oulton: Les barres ne donnent pas une bonne idée des proportions. Les pourcentages donnés sont justes, mais les barres sont visuellement trompeuses.

Nous revoyons actuellement ces données. Vous constaterez que l'augmentation prévue dans le cas de la Colombie-Britannique est de 37 p. 100. Ce chiffre se fonde sur certaines hypothèses touchant notamment la croissance économique et les niveaux d'immigration. Nous revoyons ces données tous les deux ou trois ans.

Des représentants de l'Office national de l'énergie ont comparu récemment devant le comité. Nous nous reportons aux données publiées par l'Office portant sur l'offre et la demande globales en énergie. Nous revoyons nos prévisions chaque fois que l'Office révise ses données. Ces chiffres changeront donc.

Le sénateur Taylor: Pourquoi le niveau des émissions augmente-t-il si rapidement en Colombie-Britannique quand tant de gens quittent la province?

M. Oulton: Ces chiffres reflètent le taux de croissance de l'économie de cette province. Les transports sont la principale source de consommation d'énergie de la Colombie-Britannique. Dans certains cas, l'énergie supplémentaire produite provient des hydrocarbures plutôt que de l'hydroélectricité. L'augmentation des émissions est attribuable à divers facteurs, mais surtout à celui des transports. Sur l'île, par exemple, certaines industries utilisent d'importantes quantités de mazout lourd. L'augmentation de la consommation énergétique prévue découle des hypothèses formulées en ce qui touche la croissance économique et démographique.

Le sénateur Fitzpatrick: Quand avez-vous établi ces prévisions?

M. Oulton: Elles reposent sur des données datant de 1995-1996. Voilà pourquoi nous les revoyons.

Le sénateur Corbin: Pourquoi n'établissez-vous pas la répartition des émissions pour chaque province de la région qu'on appelle l'Atlantique?

M. Oulton: Nous le faisons. Nous avons présenté les données de cette façon parce qu'il est plus facile de voir des barres plus grosses.

Le sénateur Corbin: Ces données sont-elles disponibles?

M. Oulton: Nous pouvons certainement vous les fournir.

La diapositive suivante constitue le point de départ de l'intervention du secrétariat. Les premiers ministres se sont réunis immédiatement après la conférence de Kyoto, mais la question des changements climatiques ne figurait pas à leur ordre du jour. Elle y a été ajoutée principalement à la demande des premiers ministres de l'Ouest.

Voici ce sur quoi se sont entendus les gouvernements fédéral et provinciaux: «Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de Kyoto. Il faut que le Canada prenne cet enjeu au sérieux. Nous devons cependant établir une stratégie commune de mise en oeuvre du protocole dont l'effet sera plus ou moins le même dans tout le pays au lieu d'une stratégie dont l'incidence serait inégale dans les régions.»

Cette diapositive propose certains jalons ainsi que la forme que prendra la collaboration fédérale-provinciale dans ce domaine.

La diapositive suivante montre les suites données à cette réunion. Elle présente sous forme schématique les décisions prises par les ministres de l'Énergie et de l'Environnement en avril 1998 à l'issue de la réunion des premiers ministres.

Les ministres de l'Énergie et de l'Environnement se réunissent une ou deux fois l'an depuis le début des années 90. La création du Comité directeur national des questions atmosphériques remonte aussi à cette époque.

Le processus a donné lieu à la création de quelques nouveaux mécanismes. Il a notamment été décidé de créer un secrétariat national auquel participeraient les provinces et le gouvernement fédéral. Les participants à la réunion ont aussi abouti à la conclusion suivante: «Les changements climatiques constituent une question complexe; il ne sert donc à rien d'en confier l'étude à des groupes composés de trop de personnes. Il est préférable de scinder le projet en plus petits éléments. Créons des tables de concertation auxquelles participeront des spécialistes qui se pencheront sur les éléments clés de l'enjeu des changements climatiques.»

Nous avons donc créé 16 tables de concertation dont certaines sont sectorielles. Il existe des tables de concertation dans les domaines de l'agriculture, des forêts, des transports et dans les principaux secteurs industriels. Nous avons également créé des tables de concertation qui aborderont la question de façon horizontale. Il y a une table de concertation pour la technologie, une pour l'action précoce et une autre pour les publications, les services éducatifs et l'extension, des domaines d'une importance cruciale.

Nous avons essayé de décomposer l'enjeu en éléments plus petits pour qu'il soit plus facile d'étudier chacun d'eux, et nous comptons ensuite rassembler en un tout les données recueillies par les tables de concertation.

Les ministres ont pris cette décision clé touchant la méthode à adopter en avril 1998. Nous avons constitué un groupe composé des coprésidents de toutes les tables de concertation que nous convoquons régulièrement à des réunions pour faire le point sur leurs travaux. Environ 450 personnes participent au total aux tables de concertation. Elles proviennent de l'industrie, de groupes environnementaux et de municipalités, c'est-à-dire de tous les secteurs de la société, et elles étudient certaines questions sous un angle spécialisé. Les tables de concertation disposent de budgets qui leur permettent d'acheter les services dont elles ont besoin.

Nous avons demandé à chacune des tables de concertation de nous présenter des options sur la façon dont nous pouvons réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada. Chacune d'elles doit établir quels sont les avantages et les coûts de ces options pour l'économie, l'environnement, la société et la santé. Les ministres pourront ainsi se faire une bonne idée des options qui s'offrent à nous pour gérer les changements climatiques et atteindre l'objectif fixé dans le protocole de Kyoto.

Vous voyez que le processus prévoit également la participation d'autres conseils fédéraux-provinciaux. Le problème des changements climatiques ne concerne pas seulement les ministres de l'Énergie et de l'Environnement. Les premiers ministres leur ont cependant confié le mandat de gérer le processus. Toutefois, la table de concertation dans le domaine de l'agriculture discutera évidemment des options qui s'offrent dans ce domaine avec les provinces et le gouvernement fédéral. Les ministres de l'Agriculture ainsi que les ministres des Transports et des Forêts participent donc aussi au processus. D'autres ministres comme ceux de l'Industrie y participeront peut-être aussi.

Le processus est complexe dans la mesure où toutes les principales industries y participent. Nous avons fait appel à tous les organismes qui pouvaient nous aider à établir et à perfectionner nos politiques.

Le sénateur Gustafson: Avez-vous étudié les changements survenus dans le domaine de l'agriculture? Je songe au fait que les tracteurs sont maintenant plus gros. Ils peuvent être utilisés sur des surfaces plus grandes, ce qui signifie qu'on en voit moins en même temps dans les champs. La même chose vaut pour les moissonneuses-batteuses.

Par ailleurs, en raison de l'assolement continu, les agriculteurs n'utilisent plus les mêmes pratiques culturales que par le passé. Avez-vous des chiffres à nous fournir à ce sujet?

M. Oulton: Je n'ai pas de chiffres à vous fournir pour l'instant, mais nous en aurons sous peu parce qu'il y a une table de concertation qui étudie ces questions. Il est vrai que l'agriculture constitue l'un des secteurs qui présente le plus grand défi. On peut attribuer à l'agriculture environ 10 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. En raison cependant de l'adoption au Canada de pratiques culturales comme les semis directs, dans quelques années, nos sols, au lieu d'être des producteurs nets de carbone deviendront peut-être des puits nets de carbone. Autrement dit, ils absorberont du carbone au lieu d'en produire. Par contre, l'industrie du bétail est florissante -- du moins elle l'était jusqu'à récemment -- et cette industrie crée davantage de gaz à effet de serre.

La table de concertation dans le domaine agricole étudiera exactement le type de questions que vous soulevez. Elle doit nous présenter son rapport en mai ou en juin. Toutes les questions que vous mentionnez y seront abordées. Nous espérons pouvoir alors vous fournir des chiffres.

Le sénateur Kroft: En ce qui touche les transports, avez-vous établi s'il serait plus efficace du point de vue énergétique de transporter par train plutôt que par camion sur des distances assez longues des produits comme les céréales, les pièces d'automobile ou les automobiles elles-mêmes?

M. Oulton: Je ne peux pas répondre à votre question parce que ces travaux sont toujours en cours. On étudie actuellement l'efficacité énergétique relative de différents modes de transport pour différents produits. Comment comparer les émissions de gaz à effet de serre produites lorsqu'on transporte des céréales par camion plutôt que par train? Voilà l'une des questions auxquelles il faudra trouver réponse pour établir s'il convient de modifier la politique des transports pour tenir compte de l'incidence des gaz à effet de serre. Nous n'avons pas encore de chiffres à vous fournir à cet égard parce que les travaux se poursuivent.

Le sénateur Spivak: À ce sujet, de nombreux changements de politique sont actuellement mis en oeuvre. Je songe notamment à l'abandon de lignes ferroviaires. Ces décisions compliqueront la situation si les travaux révèlent que le transport ferroviaire est préférable du point de vue énergétique.

Que fait-on pour s'assurer qu'on pourra mettre en oeuvre cette option si elle est proposée? Si l'on abandonne toutes les lignes ferroviaires, tous les produits qui sont maintenant transportés par gros camion ne pourront plus être transportés par train.

M. Oulton: Je ne peux pas répondre à votre question de façon très satisfaisante parce que nos travaux sont en cours. Nous soumettrons des options aux ministres à la fin de l'année pour qu'ils puissent prendre des décisions en toute connaissance de cause.

Le sénateur Spivak: Tenez-vous compte de tous ces facteurs? Pendant que vos travaux progressent, la situation continue d'évoluer.

M. Oulton: Tout à fait.

Le sénateur Spivak: La politique gouvernementale joue un grand rôle dans cette équation.

M. Oulton: La relation est en effet réciproque.

Le sénateur Fitzpatrick: Évaluez-vous actuellement la croissance des différents modes de transport? La production et la vente de camions atteignent en ce moment des sommets inégalés. En tenez-vous compte?

M. Oulton: La table de concertation sur les transports examine la question.

Pour revenir à votre première question, vous avez raison de faire remarquer que l'environnement dans lequel nous travaillons n'est pas statique. Dans le domaine des changements climatiques, cependant, de par la nature même des problèmes qui se posent, il est impossible d'intervenir sur tous les plans en même temps. Il faudra établir un genre de plan d'entreprise prévoyant les mesures qu'il convient de prendre en l'an 2000. Certaines peuvent toucher les transports. On ne peut cependant régler tous les problèmes à la fois; il faut essayer de le faire progressivement.

Le sénateur Spivak: Il y a un bon bout de temps, lorsque Sheila Copps était ministre de l'Environnement, tous les ministères devaient évaluer l'incidence de leurs programmes sur l'environnement. Je sais que ce n'est plus le cas. Cette politique est disparue en fumée. Le gouvernement l'a-t-il complètement abandonnée?

M. Oulton: Tous les ministères doivent produire un plan de développement durable qu'ils devront soumettre au Parlement. De cette façon, ils ne perdront pas de vue l'objectif visé.

Pour ce qui est des changements climatiques, nous rencontrons toutes les semaines ou toutes les deux semaines des représentants de la plupart des 15 principaux ministères fédéraux que la question intéresse. Pour revenir à votre question initiale, ce groupe interministériel se penche sur des questions comme la politique du ministère des Transports en ce qui touche les émissions de gaz à effet de serre. Voilà un exemple de domaine où il doit y avoir de la concertation. La politique idéale, celle qui est susceptible d'avoir les meilleurs résultats, serait une politique dans laquelle s'imbriqueraient une bonne politique des transports et une bonne politique de réduction des gaz à effet de serre. Je ne suis pas assez naïf pour croire qu'on peut y arriver sans concession de part et d'autre. Dans certains cas, une mesure peut être préjudiciable à la politique des transports, mais favorable à la politique de réduction des gaz à effet de serre. Nous soumettrons ces cas aux ministres.

Le sénateur Kroft: La même chose vaut-elle dans le cas des provinces? Vous nous avez présenté le processus du point de vue du gouvernement fédéral, mais existe-t-il une structure analogue dans les provinces?

M. Oulton: Vous posez une question difficile. Je pense qu'on peut dire que les provinces ont manifesté un certain mécontentement pendant la période des négociations qui ont abouti au protocole de Kyoto, estimant que ce protocole ne répondait pas à leurs attentes initiales.

L'an dernier, première année de la démarche, nous nous sommes surtout efforcés d'établir un climat de confiance pour que le gouvernement fédéral et les provinces puissent participer au processus conjoint dont je vous ai parlé plus tôt.

Les provinces n'ont pas pu jusqu'ici investir beaucoup de ressources dans le processus. Nous sommes cependant parvenus à obtenir leur collaboration. Certaines d'entre elles jouent un rôle très actif. En raison même de la nature de leur économie, l'Alberta et la Saskatchewan attachent beaucoup d'importance aux changements climatiques. Elles investissent beaucoup de temps et de ressources à l'étude de cette question. Il est aussi intéressant de constater que le Québec le fait également parce qu'il tient cette question pour stratégique. Les provinces ne s'intéressent pas toutes dans la même mesure au processus, mais je pense que la plupart d'entre elles veulent maintenant vraiment y participer. En bout de ligne, tout le processus repose sur la participation des provinces parce que nous ne pourrons mettre en oeuvre des politiques efficaces que si les provinces et les gouvernements municipaux sont prêts à adopter des politiques complémentaires à celles du gouvernement fédéral. Les provinces ne souscrivent pas dans la même mesure au processus, mais elles collaborent toutes avec nous depuis près de 15 mois.

La diapositive B.1 montre où en est le processus. Jusqu'à la toute fin de la première année, c'est-à-dire jusqu'en décembre environ, nous avons vraiment tenté d'établir un processus national auquel participeraient non seulement les ministères fédéraux, mais aussi les provinces, l'industrie, les groupes environnementaux et tous ceux dont l'apport est nécessaire. Nous avons mis un an à concevoir et à mettre en oeuvre le processus. À l'automne, nous avions trouvé les fonds nécessaires et nous étions prêts à commencer nos travaux.

L'annexe 1 donne la liste des tables de concertation et vous permet de vous faire une meilleure idée des enjeux.

Nous avons d'abord demandé à chaque table de concertation de produire un document de base examinant de façon préliminaire les principaux enjeux dans leur secteur ainsi que les principales questions sur lesquelles il leur faudrait concentrer leur attention. La plupart des tables de concertation nous ont remis ce document avant la fin de l'année civile. Nous rendons ces documents publics à mesure qu'ils sont traduits en français. La moitié d'entre eux à peu près sont déjà disponibles sur notre site Web. Comme ces documents comptent tous une centaine de pages, nous veillons à ce qu'ils soient accessibles sous forme électronique. Au total, il y en aura autour de 24.

Le sénateur Spivak: Quelle est l'adresse de votre site Web?

M. Oulton: Pour ceux que cela intéresse, nous communiquerons ce renseignement au greffier. Ces documents de base contiennent beaucoup d'informations sur la façon dont chaque secteur conçoit les enjeux et compte les étudier. Comme je l'ai dit plus tôt, la prochaine étape consiste pour les tables de concertation à formuler des options. Elles y travaillent depuis à peu près janvier et nous espérons qu'elles seront en mesure de déposer leur rapport d'ici la fin de juin.

Je n'ai pas pu répondre de façon très précise à certaines des questions que vous me posiez quant aux diverses options qui pourraient convenir parce que ce n'est qu'à l'été, après que nous aurons pu étudier les rapports des tables de concertation et en faire une synthèse, que nous pourrons présenter certaines recommandations aux ministres. Nous saurons alors mieux quelle est la voie à suivre pour atteindre l'objectif d'une réduction de 6 p. 100 des émissions. Nous devons attendre de disposer de l'information de base.

La diapositive B2 présente un autre aspect de la participation du gouvernement fédéral au processus. En un certain sens, nous disposions d'un avantage par rapport aux provinces dans la mesure où le gouvernement fédéral a décidé, dans le budget de 1998, de réserver à deux fins 150 millions de dollars en capitaux de démarrage répartis sur trois ans, c'est-à-dire 50 millions de dollars par année. Cette somme devait d'abord servir à mettre sur pied le processus d'élaboration des politiques dont je vous ai parlé; elle devait également permettre d'examiner comment intégrer au processus les idées prometteuses dans le domaine de la technologie, de l'éducation publique, de la diffusion externe et des sciences climatiques et d'en cerner les répercussions.

La majeure partie de ces fonds, soit environ les deux tiers ou plus, servira à financer les innovations technologiques et les campagnes de sensibilisation de la population qui nous permettront d'agir rapidement.

Jusqu'ici, on a annoncé l'affectation de quelque 10 millions de dollars à la mise en oeuvre de 32 projets. Une centaine d'autres projets sont à l'étude et nous nous attendons à ce qu'on annonce au cours de l'année la mise en oeuvre de projets liés à la technologie et à la sensibilisation du public. Le gouvernement fédéral, mais aussi l'industrie, les universités, les groupes environnementaux et les provinces, participeront à la mise en oeuvre de la plupart de ces projets réalisés en partenariat.

Le sénateur Taylor: La somme que vous mentionnez représente-t-elle la part du gouvernement fédéral ou le coût total des projets?

M. Oulton: Il s'agit de la part du gouvernement fédéral. Nous voulons obtenir des fonds de contrepartie. Nous essayons de faire en sorte que pour chaque dollar que le gouvernement dépense, l'industrie et les autres participants du secteur public investissent au moins un ou deux dollars. Il ne s'agit donc que de la part du gouvernement fédéral.

Les annexes 2 à 5 du document qui vous a été remis donnent plus de détails sur ces projets.

Le sénateur Cochrane: Vous avez dit qu'on avait annoncé la mise en oeuvre de 32 projets. Pouvez-vous nous fournir la ventilation de ces projets par province?

M. Oulton: Je ne peux pas vous fournir cette ventilation maintenant, mais elle figure sur l'un de nos sites Web. Nous transmettrons aussi au comité cette information sous forme imprimée.

Le sénateur Cochrane: La ventilation donnera les projets par province?

M. Oulton: Oui.

Le sénateur Adams: Vous avez mentionné que les groupes environnementaux participent au processus. Financez-vous leur participation?

M. Oulton: Les tables de concertation comptent entre 30 et 40 représentants des groupes environnementaux. Nous finançons leur participation au processus, ce qui suppose un coût de renonciation. Pour que les groupes environnementaux puissent participer pleinement au processus, le financement doit être assuré conjointement.

Le sénateur Adams: Pourquoi? Ces gens appartiennent à des organismes, n'est-ce pas?

M. Oulton: C'est vrai, mais la plupart de ces organismes ne disposent pas des mêmes ressources financières que l'industrie. Nous leur demandons de siéger aux tables de concertation de trois à huit jours par mois, ce qui s'ajoute à leur travail normal. Bien des organismes environnementaux font maintenant du travail pour des entreprises. Ainsi, l'Institut Pembina en Alberta ou Pollution Probe à Toronto financent souvent leurs propres projets dans d'autres domaines. Pour amener ces organismes à participer à nos tables rondes, nous avons dû leur offrir de rembourser les frais de déplacement de leurs représentants ainsi que de les compenser pour une partie de leurs coûts de renonciation. Nous l'avons fait pour nous assurer que les tables de concertation seraient représentatives. Il ne s'agit pas simplement d'organismes gouvernementaux, mais de toutes sortes d'organismes non gouvernementaux.

Le sénateur Adams: Ce genre d'organisme bénéficie d'une aide financière qui n'est pas offerte à d'autres types d'organismes. C'est ce dont je me suis rendu compte cet automne en ce qui touche Parcs Canada. Ces organismes, qui obtiennent leur financement du gouvernement, s'opposent à certaines activités sous prétexte qu'ils protègent l'environnement. C'est un comportement qu'on retrouve typiquement chez les représentants de ce genre d'organisme. Pourquoi leur accordez-vous des fonds puisqu'ils sont financés par les organismes auxquels ils appartiennent?

M. Oulton: Nous leur accordons des fonds parce que nous ne voulons pas que les tables de concertation soient uniquement composées de représentants de l'industrie.

Le sénateur Adams: Je déteste lutter avec des gens dont la participation à un processus est financée par le gouvernement, car ils n'abordent pas les projets qui leur sont soumis avec un esprit ouvert.

M. Oulton: Dans ce cas-ci, il s'agit plutôt d'élaborer des politiques. Dans bien des cas, les groupes environnementaux sont les intervenants qui connaissent le mieux la question des droits d'émission. En fait, tant au Canada qu'aux États-Unis, ce sont les groupes environnementaux qui sont les mieux placés pour discuter de la mise sur pied d'un système d'échange de droits d'émission. Nous voulions nous assurer de pouvoir compter sur leur concours lorsque nous aborderions cette question et voilà pourquoi nous devions assumer certaines des dépenses découlant de leur participation.

Le sénateur Adams: Je comprends cela. Pourtant, la plupart du temps, ces gens ne vivent pas dans les collectivités visées, ce qui ne les empêche pas d'adresser des reproches à la population locale. Voilà ce qui me préoccupe. Ils ont sans doute des compétences dans certains domaines, mais leur point de vue s'oppose à celui de la population locale. À titre d'exemple, sous la pression de groupes environnementaux, on a créé un parc national dans une région où se trouvent des caribous. Or, les caribous se déplaceront bientôt vers une autre région et il sera ensuite impossible d'exploiter le potentiel minier de la région qui est devenue un parc national.

M. Oulton: Je comprends votre point de vue là-dessus. Comme il s'agit de questions ayant une incidence mondiale, nous n'avons ménagé aucun effort pour que les personnes ayant les compétences voulues siègent aux tables de concertation. Nous avons jugé que pour que ces tables puissent formuler de bonnes options en matière de politiques, elles devaient comporter un nombre suffisant de représentants de l'industrie, des milieux universitaires et des groupes environnementaux notamment.

Nous nous sommes peut-être trompés, mais tel est le raisonnement que nous avons suivi.

Le sénateur Adams: Nous saurons à tout le moins qui a financé la participation des témoins qui comparaîtront devant nous.

Le président: Je comprends mal votre échéancier. Je vois les progrès que vous avez réalisés jusqu'ici, les rapports qui doivent être présentés ainsi que les travaux que mènent les tables de concertation. Vous indiquez ici la date de 2010. Avant d'aller plus loin, pour ma gouverne et peut-être celle de certains de mes collègues, j'aimerais que vous nous expliquiez votre échéancier pour que nous comprenions quand tous ces travaux doivent aboutir. Quand passerez-vous à l'action? Quand le processus commencera-t-il à donner des résultats?

M. Oulton: Nous comptons présenter une ébauche de stratégie aux ministres fédéraux et provinciaux de l'Environnement et de l'Énergie d'ici la fin de 1999. C'est l'objectif qui nous a été fixé lors de notre création.

Nous espérons pouvoir présenter les principaux éléments d'une stratégie aux ministres à ce moment-là. Je ne m'attends pas à ce qu'ils acceptent l'ébauche de stratégie sans y proposer de modifications. Je présume que les ministres devront se réunir après 1999 pour discuter d'ébauches subséquentes. On nous a cependant demandé de soumettre aux ministres une ébauche de stratégie d'ici la fin de 1999. Certains des graphiques qui figurent un peu plus loin dans le document qui vous a été remis exposent les étapes à franchir d'ici décembre.

Le président: Vous comptez donc présenter au ministre en décembre un plan d'action permettant d'atteindre ces objectifs.

M. Oulton: Nous espérons pouvoir leur soumettre une stratégie comportant des mesures à prendre jusqu'en 2010 ainsi que certaines mesures de base que les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux pourraient mettre en oeuvre dès 2000, 2001 et 2002.

J'ai comparé cette stratégie à un plan d'entreprise, et c'est justement la forme qu'elle prendra. L'incertitude est un facteur essentiel dont il faut tenir compte en matière de changements climatiques. La situation à cet égard évolue constamment, mais on ignore où aboutiront les négociations internationales. Les parties au protocole tiennent des séances de négociation annuelles. On ne sait pas encore où ces négociations aboutiront. Nous ne savons pas quelles stratégies adopteront certains de nos partenaires clés comme les États-Unis.

La stratégie canadienne doit se présenter comme un plan d'entreprise et énoncer l'orientation générale des mesures qui sont proposées pour les trois premières années de sa mise en oeuvre. Il convient d'évaluer chaque année, en vue de l'établissement du plan d'action de l'année suivante, les résultats positifs et négatifs qui auront été obtenus. Il faudra aussi tenir compte des mesures que nos partenaires auront adoptées et qui pourraient avoir une incidence sur la compétitivité des industries, ainsi que de divers autres éléments du plan.

Nous cherchons bien évidemment à proposer au gouvernement fédéral, aux provinces et aux autres paliers de gouvernement des mesures qui, au cours des trois premières années de la stratégie, constitueront un bon point de départ pour atteindre l'objectif fixé.

Nous espérons aussi pouvoir préciser les mesures à mettre en oeuvre entre 2003 et 2010 pour réaliser tous nos objectifs. Toutes les décisions devront être prises en l'an 2000, mais il faut d'abord savoir par où commencer et quelle orientation générale suivre. Il faut être prêt à prendre par la suite des décisions encore plus difficiles. Au fur et à mesure de l'évolution de la situation, il faudra réévaluer l'incidence de ces décisions sur l'ensemble de la stratégie.

Le sénateur Hays: Vous avez dit que la période pendant laquelle l'OPEP a augmenté les prix du pétrole avait été intéressante, ajoutant que trois questions avaient surtout retenu l'attention à cette époque: l'utilisation de l'énergie, les programmes mis en oeuvre et le prix des produits énergétiques.

Il est évident que les mêmes questions se posent à l'heure actuelle. La plupart des programmes comme R-2000 et celui des éoliennes verticales ont disparu. Certains d'entre eux ont peut-être été utiles.

Pour ce qui est des prix, une chose semble claire. Le gouvernement n'imposera pas de taxe sur les hydrocarbures qui serait comparable à la taxe sur les revenus pétroliers. Cette taxe ferait en sorte que les prix des hydrocarbures tiennent compte des coûts environnementaux, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à maintenant. Le gouvernement a cependant décidé de renoncer à ce genre de taxes.

Le rapport que le comité a présenté en 1994 insistait sur l'importance des instruments économiques et recommandait au gouvernement d'y recourir. Il ne l'a pas fait pendant longtemps, mais il songe peut-être maintenant à y revenir, puisqu'il est question à l'annexe 1 des permis d'échange d'émissions dont l'idée découle du protocole de Kyoto.

Par quel moyen pensez-vous obtenir, toutes proportions gardées, les meilleurs résultats: par la mise en oeuvre de programmes ou par l'adoption d'instruments économiques? Vous nous avez dit faire porter vos efforts sur trois secteurs et en particulier sur les instruments économiques.

M. Oulton: Il est difficile de répondre à cette question. Je pense que différentes combinaisons de mesures donneront de bons résultats. Un bon nombre de tables de concertation évaluent différentes méthodes. L'une de ces méthodes envisage un ensemble de mesures adaptées à un secteur donné et axées sur la modification des habitudes du public et des entreprises. Ces mesures ont trait aux services de diffusion externe et aux activités commerciales.

Les tables de concertation étudient la possibilité d'accorder des incitatifs pour stimuler la R-D. Elles évaluent aussi l'efficacité de mesures fiscales et d'autres instruments économiques qui pourraient inciter les gens et les entreprises à acheter certains produits plutôt que d'autres. Il ne s'agit pas d'imposer une méthode d'application générale, mais plutôt d'examiner de nombreuses mesures qui pourraient être prises par les trois paliers de gouvernement dans divers secteurs de l'économie. Il ne s'agit pas d'imposer une taxe de portée générale ni un seul instrument, comme les échanges d'émissions, mais de recourir à un ensemble de petits instruments dont les instruments économiques, l'éducation du public ainsi que la R-D sont des exemples.

Une autre méthode repose sur l'examen des expériences actuelles sur les échanges d'émissions. Les États-Unis ont obtenu d'assez bons résultats avec cette méthode dans le cas des pluies acides. Presque tous les autres pays de l'OCDE examinent la question des échanges d'émissions, mais aucune décision à cet égard n'a encore été prise puisque les travaux d'élaboration des politiques sont toujours en cours, comme c'est le cas au Canada. Voilà un type d'instrument qui pourrait être adopté à l'échelle internationale.

Il est possible que les échanges d'émissions deviennent le principal moyen d'atteindre les objectifs de réduction des émissions. On aurait alors peu recours à l'ensemble des autres petites mesures plus ciblées.

Voilà les options qui s'offrent à l'autre bout du spectre. Un important instrument économique permettra peut-être de réaliser 60 p. 100 de l'objectif de réduction des émissions et le reste de l'objectif sera atteint grâce à plusieurs autres petits instruments.

Un bon fonctionnaire ou un bon technocrate optera peut-être pour une méthode mixte. On pourrait recourir aux échanges d'émissions dans certains secteurs seulement parce qu'ils ne sont pas uniformément efficaces. Cette méthode ne permettrait peut-être d'atteindre que 30 ou 40 p. 100 de l'objectif fixé en matière de réduction des émissions et le reste de l'objectif serait atteint grâce à des mesures ciblées qui varieraient d'une province à l'autre. Chaque province pourrait choisir un mélange différent d'instruments économiques et d'incitatifs de R-D.

Un graphique montre les niveaux d'émissions dans les différentes parties du pays. On peut en déduire qu'une approche uniforme ne serait pas efficace. Les premiers ministres souhaitent l'adoption d'une politique dont l'incidence sera plus ou moins la même dans chaque province. Un instrument peut être efficace, mais risque de ne pas répondre aux préoccupations régionales en matière d'équité. La solution à ce problème est peut-être d'utiliser cet instrument en combinaison avec d'autres dans une proportion qui variera d'une région à l'autre.

Vous me demandez de faire des conjectures. Je pense que nous finirons par adopter une approche typiquement canadienne, c'est-à-dire une approche mixte que les régions pourront adapter à leurs économies.

Le sénateur Hays: Vous n'avez pas mentionné ce que faisaient les autres pays dans le domaine de la compétitivité. Vous semblez dire que l'instrument économique permettra d'atteindre la moitié de l'objectif. Vous ai-je bien compris?

Je sais que vous ne connaissez pas la réponse à cette question. Nous ne savons pas très bien où nous nous dirigeons pour l'instant. La question du sénateur Ghitter au sujet de l'échéancier est importante parce que nous devons savoir ce qu'il en est. Vous avez dit que nous serions un peu plus fixés d'ici la fin de l'année. Pouvons-nous nous attendre à en savoir davantage avant cela?

M. Oulton: Oui. Nous diffusons beaucoup de renseignements sur les travaux consacrés aux changements climatiques. Les rapports de base sont déjà prêts et 24 d'entre eux seront déposés. On y trouvera des renseignements de base sur chaque secteur.

En juin et en juillet, les tables de concertation présenteront une bonne vingtaine de rapports formulant des options. On fera la synthèse de ces rapports d'ici la fin de l'année.

Nous ne serons cependant toujours pas en mesure de vous donner une solution finale. À mon avis, les changements climatiques ne se prêtent pas à la mise en oeuvre d'une seule stratégie. Toute stratégie doit reposer sur la souplesse. Les mesures prises par d'autres pays peuvent avoir une incidence sur la situation dans son ensemble. Le processus décisionnel doit s'y adapter. Il faut cependant partir d'un bon point de départ et connaître les options qui s'offrent. Il s'agit de choisir des mesures raisonnables à mettre en oeuvre pendant les trois premières années de la stratégie. Ces décisions peuvent être prises maintenant et au cours de l'an 2000. Les ministres décideront de l'orientation générale qui doit être prise et opteront pour un plan d'entreprise qui nous permettra de nous rapprocher de notre objectif d'année en année.

Le président: Je remercie nos témoins. Nous vous inviterons de nouveau bientôt.

Le comité suspend ses travaux.


Haut de page