Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 18 - Témoignages du 11 mai 1999
OTTAWA, le mardi 11 mai 1999
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, se réunit aujourd'hui à 9 h 05 pour examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles au Canada.
Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.
Le président: Bonjour, monsieur Oulton. La dernière fois que vous êtes venu, vous aviez dû arrêter à mi-chemin parce que nous n'avions pas eu le temps d'écouter votre exposé jusqu'au bout.
[Traduction]
Allez-y.
M. David Oulton, chef, Secrétariat du changement climatique, Ressources naturelles Canada: Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour essayer de terminer l'exposé que j'avais commencé le 24 mars. Je crois que vous avez un exemplaire du mémoire du 11 mai. Il est semblable à celui que j'avais la dernière fois mais j'y ai ajouté quelques renseignements que vous m'aviez demandés ce jour-là.
Je parlerai surtout aujourd'hui des parties C et D de ce document. Je voudrais d'abord faire un petit retour en arrière. En ce qui concerne le transparent A.1 intitulé «Défi de Kyoto -- combler l'écart», je vous rappelle que nous avons été chargés d'élaborer, avec l'aide des provinces et des territoires, une stratégie nationale pour essayer d'atteindre l'objectif de Kyoto et de réduire les émissions canadiennes de gaz à effet de serre.
Comme l'indique ce graphique, en 1990, nos émissions s'élevaient à un peu moins de 600 mégatonnes; c'est le niveau de référence. D'après les dernières mesures, elles étaient de 671 mégatonnes en 1996 et d'après les prévisions, elles devraient atteindre près de 750 mégatonnes en 2010, soit 25 p. 100 de plus que notre objectif de 563 mégatonnes, ce qui correspond à la diminution 6 p. 100 par rapport au niveau de référence qui est prévue dans le Protocole de Kyoto.
L'écart qu'il s'agit de combler par le biais d'une stratégie spéciale est l'écart entre le niveau prévu si l'on ne fait aucun effort pour réduire les émissions (près de 750 mégatonnes) et l'objectif de Kyoto (563 mégatonnes). Il s'agit par conséquent de réduire le niveau des émissions de près de 185 mégatonnes, soit 25 p. 100.
La stratégie en question a pour but de trouver moyen d'atteindre cet objectif entre 2000 et 2010.
Le transparent A.3 indique le niveau des émissions par province ou région. La dernière fois que je suis venu, un sénateur m'a demandé si j'avais les chiffres pour les diverses provinces de la région de l'Atlantique. Je ne les avais pas à ce moment-là mais nous les aurons d'ici juin. Ressources naturelles Canada nous a dit que l'on aura probablement fait une ventilation pour les provinces de l'Atlantique d'ici là et je vous promets de vous communiquer les chiffres.
Cette figure indique, comme prévu, que ce sont l'Ontario -- la province à plus forte densité de population et la plus industrialisée -- et l'Alberta -- principalement en raison de son type d'industrie dominant -- qui sont responsables de la plupart de nos émissions. En effet, dans cette dernière province, la production industrielle est fortement concentrée sur les hydrocarbures: charbon, gaz naturel et pétrole.
En Alberta, il y aussi bien entendu des industries axées sur la transformation de ces ressources, notamment sur la production d'électricité à partir de charbon ou de gaz naturel et sur la production de produits pétrochimiques à base de gaz naturel et de pétrole.
On constate une distribution très inégale des émissions entre les diverses provinces ou régions, ce qui signifie que si l'on instaure une stratégie nationale, il ne faudra pas qu'elle soit uniforme. Cette constatation est d'ailleurs valable pour la plupart de nos politiques. Il faudra établir certaines stratégies de base qui présentent une certaine uniformité mais il faudra aussi élaborer des stratégies adaptées aux diverses provinces et régions, selon leur base industrielle et leur population.
Le président: Comment mesurez-vous les niveaux d'émissions dans les diverses provinces? Le sénateur Cochrane a posé la question à notre dernière réunion. Quel est le degré d'exactitude des renseignements concernant l'origine de ces émissions?
M. Oulton: Je vous signale que les chiffres du premier graphique dont je vous ai parlé remontent à plusieurs années, à savoir à 1996. Nous obtiendrons bientôt les chiffres pour 1997. La raison de ce décalage est que la plupart des données qui permettent de faire des estimations sont basées sur la consommation d'énergie produite à partir d'hydrocarbures. Quand on a des chiffres précis concernant la demande d'énergie et la proportion de cette demande qui est satisfaite par l'énergie produite à partir de divers types d'hydrocarbures, on peut estimer le niveau des émissions liées à chaque source. Par conséquent, ce calcul se fait de façon indirecte.
Dans quelle mesure les chiffres sont-ils exacts? Comme pour tout ce qui est statistiques, je n'oserais affirmer qu'ils sont rigoureusement exacts. Il y a une certaine marge d'erreur. Dans l'ensemble cependant, les techniques que nous avons utilisées sont des techniques adoptées à l'échelle internationale. C'est nécessaire pour que tous les pays fassent leurs estimations en utilisant la même méthode. Les données ne sont pas rigoureusement exactes mais elles sont généralement assez vraisemblables. C'est pourquoi il y a un si long décalage. C'est pour s'assurer que les données, qui sont établies en fonction de la consommation d'énergie, sont aussi exactes que possible. Il faut un décalage de deux ans pour obtenir ce degré d'exactitude.
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur le transparent A.5. Quand j'ai parlé de nos efforts, j'ai dit qu'ils portaient sur l'élaboration d'une stratégie nationale. En fait, cette décision a été prise à la suite d'une réunion qui a eu lieu à Kyoto il y a près de deux ans, au mois de décembre, et de la réunion des premiers ministres qui a suivi immédiatement après. Au cours de cette dernière réunion, les premiers ministres ont convenu qu'il fallait faire un effort national pour donner suite aux résolutions prises à Kyoto, examiner les implications des décisions que nous y avons prises, établir une stratégie permettant d'évaluer la portée de ces implications et voir comment on pourrait mettre en place une stratégie acceptable pour toutes les régions du pays.
En bref, nous avons formé une sorte de partenariat avec les provinces et les territoires à la suite de cette réunion des premiers ministres. Ceux-ci nous avaient en fait chargés d'élaborer une stratégie pour la fin de 1999. Nous avions donc eu près de deux ans pour mettre sur pied une stratégie nationale commune, avec le concours des provinces. Nous avons fait à peu près les deux tiers du travail.
Les premiers ministres ont confié aux ministres de l'Énergie et de l'Environnement la responsabilité de suivre nos progrès et nous espérons avoir les éléments nécessaires pour leur soumettre, vers la fin de l'année, un avant-projet de stratégie à examiner et à évaluer. Bien entendu, nous les rencontrons régulièrement pour leur faire part des progrès réalisés. Nous visons les mois de novembre, décembre et janvier pour leur soumettre une stratégie préliminaire. Nous espérons avoir l'occasion d'y apporter certaines améliorations au cours de l'an 2000, à la suite de leurs commentaires, puis de tenir des consultations publiques.
Ce schéma, que j'associe à un schéma de câblage, représente les divers paliers de responsabilités et le mandat qui a été accordé par les premiers ministres aux ministres de l'Énergie et de l'Environnement. Le Comité directeur national des questions atmosphériques est composé des sous-ministres de l'Énergie et de l'Environnement des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral. Ils ont établi un Secrétariat national, que je copréside avec un collègue de l'Alberta. Ce secrétariat national est chargé d'administrer ce processus et d'élaborer la stratégie en question.
Ce schéma indique en outre les diverses tables de concertation qui ont été créées, axées sur divers secteurs, dont industrie, électricité, agriculture et secteur forestier. Il y a aussi des tables que nous appelons horizontales, dans le cadre desquelles on examine les mesures qui concernent toutes les régions du pays ou tous les secteurs industriels.
Les ministres de l'Énergie et de l'Environnement ne seront pas seuls à examiner les diverses stratégies que nous proposons. Comme l'indique le cadre situé dans la partie gauche du schéma, d'autres conseils fédéraux-provinciaux, composés notamment des ministres de l'Agriculture, des Transports et des Forêts, examineront également les divers volets de la stratégie qui les concernent.
Le sénateur Cochrane: J'hésite à vous interrompre mais je voudrais que vous nous parliez des premiers ministres. Sont-ils tous sur la même longueur d'onde? Que se passera-t-il en cas de remaniement ministériel? Cela pose-t-il des problèmes? Si l'on veut respecter le calendrier de Kyoto, il est nécessaire qu'ils soient sur la même longueur d'onde.
M. Oulton: Je crois que l'on peut dire que lorsque les premiers ministres se sont réunis, en décembre 1997, ils n'étaient pas tous sur la même longueur d'onde. Ceux de l'Ouest en particulier avaient des appréhensions plus ou moins fortes au sujet des conséquences éventuelles de la mise en oeuvre des résolutions prises à Kyoto pour les industries de cette région, surtout celles du secteur de l'énergie. Ils ont reconnu que Kyoto était un effort à l'échelle planétaire et que le Canada ne pouvait pas se dérober en refusant d'y participer. C'était considéré comme une priorité mondiale. Par conséquent, même s'ils avaient des craintes au sujet des répercussions possibles de Kyoto, il a été convenu qu'il fallait mettre sur pied une stratégie pour y donner suite. On a décidé d'examiner les implications d'une telle stratégie et d'en analyser la rentabilité sur les plans environnemental, économique, sanitaire et social. Après avoir mis en place un plan qui permette de doser soigneusement les avantages et les coûts, nous serons en mesure de décider -- tous les pays devront le faire d'ici quelques années -- si nous pouvons ratifier l'entente et si les obligations légales que comporte un tel engagement sont acceptables.
D'après ce que j'ai pu constater depuis un an et demi, dans le cadre des concertations fédérales-provinciales, tous les ressorts ont décidé d'attendre de pouvoir analyser la stratégie pour décider si elle tient debout à tous points de vue. On attend de savoir exactement ce qu'il en est pour en évaluer les avantages et les coûts. Certaines provinces, comme l'Alberta, ont décidé d'élaborer une stratégie provinciale. Il faut reconnaître que l'Alberta est une des provinces les plus actives dans ce domaine et qu'elle examine les incidences possibles de Kyoto en ce qui la concerne. Le Québec fait la même chose.
Le sénateur Cochrane: Et l'Ontario?
M. Oulton: L'Ontario aussi. Il semble que cette province envisage d'organiser des consultations provinciales qui débuteraient en été et dureraient jusqu'à l'automne. On dirait que l'effort national fait école à l'échelon provincial, et c'est très bien ainsi. Il faut mener la tâche de front à l'échelle nationale et à l'échelle provinciale; il faut travailler en tandem avec les principales provinces. L'harmonie n'est pas totale mais ça commence à bouger.
On peut dire par conséquent que les premiers ministres attendent de savoir en quoi consiste cette stratégie pour pouvoir en peser le pour et le contre avant de prendre une décision. Existe-t-il un moyen de mettre en place une stratégie qui nous permette de tendre vers un but sans compromettre notre compétitivité et sans mettre en péril les autres objectifs économiques globaux et sectoriels? Ça reste à prouver. C'est une des considérations qui doivent entrer en ligne de compte.
Je comptais passer outre la partie B du mémoire parce que nous en avons déjà parlé. Cependant, la dernière fois, un sénateur m'a posé une question sur les documents de base. J'ai signalé que chaque table de concertation avait préparé des documents de base qui étaient prêts au début de cette année. La plupart d'entre eux se trouvent sur un site Web dont vous trouverez l'adresse dans le tableau B.1 qui fait partie de cette nouvelle série de transparents. Parmi les 21 documents de base, 17 se trouvent maintenant sur le site Web. Nous attendons que la traduction soit terminée avant de les entrer dans notre site Web pour que le texte paraisse dans les deux langues en même temps. Il en reste encore quatre, mais 17 sur 21 sont sur le site Web et peuvent être consultés. Les autres devraient s'y trouver sous peu.
Nous avons ajouté un nouveau document. Il y a maintenant une annexe 5 parce que la dernière fois que nous sommes venus, un d'entre vous a posé une question sur le Fonds d'action pour le changement climatique. Il s'agit du fonds dont le gouvernement a annoncé la création dans le budget de 1998. Le gouvernement a prévu un crédit de 150 millions de dollars étalé sur trois ans. Nous avons commencé à utiliser ce fonds pour financer certains projets portant sur la technologie et la sensibilisation du public.
Nous avons annoncé jusqu'à présent des projets d'un montant d'environ 11,2 millions de dollars dans ces deux secteurs.
Plusieurs personnes nous ont demandé si nous pouvions leur donner des renseignements sur la nature de ces projets et préciser le montant par province. L'annexe 5 indique la répartition des fonds par province. Comme vous pouvez le constater, il n'y a pas encore de projet pour certaines provinces, mais nous venons de commencer. Ce tableau indique que nous commençons à avoir des projets pour un bon nombre de régions, mais il en reste encore quelques-unes à couvrir.
Le président: En lisant votre document et en examinant la répartition des fonds, je me suis demandé quel genre de programme vous trouvez acceptable. La sensibilisation du public est en quelque sorte une panacée universelle. En ce qui concerne l'Alberta en particulier, je constate que le montant est de 439 000 $. Pourriez-vous nous dire brièvement en quoi cette sensibilisation consiste dans cette province?
M. Oulton: Je parlerai plus particulièrement de ce volet qui est un des plus utiles. Il consiste à mettre en oeuvre certains projets, qui sont généralement financés conjointement par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, généralement avec le concours d'un groupe écologique. En Alberta par exemple, le Pembina Institute participe souvent. Les divers projets que cet institut propose sont généralement axés sur l'éducation et l'élaboration de modules éducatifs sur les gaz à effet de serre et le changement climatique qui peuvent être utilisés dans les écoles, à plusieurs niveaux. Ces modules éducatifs sont une invention albertaine. On les met à l'essai dans les établissements d'enseignement de la province, puis on les utilise à l'échelle nationale sans oublier qu'il est nécessaire de prévoir des variantes selon les provinces. Les projets axés sur l'éducation du public, qui comportent une phase de sensibilisation, sont très nombreux.
Le président: Je suis un peu sceptique parce qu'il faut tenir compte du décalage. Vous sensibilisez des enfants au recyclage par exemple mais l'éducation du public ne vous permettra pas de relever le défi, c'est-à-dire de réduire l'écart d'ici 2010.
M. Oulton: Non, vous avez raison. Cependant, pour ne pas entrer dans des explications trop compliquées, je dirais que cette stratégie doit comporter de deux étapes.
L'une est la technologie. Il faut utiliser de nouvelles technologies qui exploitent les gaz à effet de serre -- à des fins énergétiques en général -- de façon beaucoup plus efficace et en produisant moins de rejets de carbone, en utilisant du gaz naturel au lieu de charbon pour produire de l'électricité, par exemple. C'est une technique qui produit des émissions de carbone mais moins intenses dans certaines conditions.
L'autre étape consiste à commercialiser les nouvelles technologies pour qu'elles soient rapidement omniprésentes sur le marché. Pour cela, il faut une demande. Pour qu'il y ait une demande pour certains produits, qu'il s'agisse d'un produit intermédiaire dont l'industrie a besoin ou d'un produit final demandé par le consommateur, il faut susciter un désir pour ce produit.
Je reprendrai exemple que j'ai déjà cité la dernière fois et qui se rapporte à un phénomène différent que nous avons connu dans les années 70 et 80, époque où la conservation de l'énergie retenait beaucoup l'attention du public. Il s'agissait alors d'assurer l'approvisionnement en énergie. Certains produits ont été mis sur le marché, comme des automobiles plus compactes, équipées de moteur à haut rendement énergétique. Il y avait une demande pour ce produit. Un produit qui arrive sur le marché n'a aucune valeur sans demande des consommateurs. Pour créer une demande pour un produit, qu'il s'agisse de maisons neuves mieux isolées consommant moins d'énergie ou de nouveaux types d'automobiles, la seule façon d'inciter le consommateur à lui donner la préférence, c'est de faire son éducation longtemps d'avance. Il faut sensibiliser la population au problème.
Il faut un début à tout. Nous ne commençons pas uniquement au niveau de l'école primaire. Il faut également faire de la sensibilisation dans les écoles secondaires et dans les universités; il faut en outre mettre en oeuvre un programme visant à sensibiliser également la population.
Un certain scepticisme quant aux résultats que l'on peut obtenir grâce à la sensibilisation et à l'éducation du public est chose courante. Cependant, en ce qui concerne les problèmes écologiques, qu'il s'agisse des gaz à effet de serre ou du plomb dans l'essence, il faut à la fois la technologie (comme l'essence sans plomb) et la demande des consommateurs, qu'elle soit motivée par la crainte de certains problèmes de santé ou par le souci de préserver l'environnement. La technologie et la sensibilisation du public vont de pair et l'éducation est un des mécanismes de base de sensibilisation du public.
Vous signalez qu'il est difficile de maintenir le public en éveil à long terme, mais pas à courte échéance. Une période de 10 ans peut être considérée comme un délai relativement court lorsqu'il s'agit de modifier les attitudes de la population à l'égard de la consommation d'énergie. Il faut toutefois un début à tout.
Le président: Vous devriez consacrer un peu d'argent à sensibiliser les parlementaires si l'on en juge d'après l'édulcoration des dispositions du projet de loi sur l'environnement qui est sur le point d'être renvoyé au Sénat.
M. Oulton: Étant donné que j'ai parlé de la partie B du mémoire la dernière fois, je la laisserai de côté pour passer directement à la partie C qui explique l'approche de façon plus précise.
La partie C.1 donne un aperçu de la nature du produit que nous espérons fournir aux ministres de l'Énergie et de l'Environnement et aux premiers ministres. Elle comporte deux composantes clés. La première, ce sont les autres chemins futurs qui permettront d'atteindre l'objectif de Kyoto (réduction de 6 p. 100). Ils incluent notamment des évaluations sur le plan de l'environnement, de la santé, de l'économie et de la société. Par «chemin», j'entends un scénario ou une série d'options qui permettront d'atteindre l'objectif en question.
Le deuxième produit que nous espérons fournir à tous ces ministres est un plan de travail et des calendriers. Il ne s'agit pas de préparer un plan définitif à mettre en oeuvre en décembre 1999. Nous aurons jusqu'à 2010 pour le réexaminer et le parfaire, en en faisant une évaluation annuelle. Cette évaluation permettra de vérifier les progrès réalisés à des points de décision clés et rectifier le tir en cours de route. Il faudra également faire une évaluation du programme pour savoir s'il est efficace.
La série initiale de mesures visera à proposer aux ministres deux ou trois approches générales pour arriver à atteindre l'objectif de Kyoto. La deuxième série de mesures consistera à établir ce que j'appelle l'approche commerciale, pour une période de trois ans. Son but est de faire comprendre que, bien que l'on ait 10 ans pour arrêter une stratégie, le travail accompli durant les trois premières années est toutefois très important. Nous estimons que dans ce délai, toutes les instances -- fédérales, provinciales et municipales -- doivent être préparées à passer à l'action en l'an 2000. Nous fixons le menu des options que les divers paliers de gouvernement seraient prêts à adopter au cours des trois premières années. Cela fait partie de ce que nous appelons l'approche commerciale.
Le sénateur Kenny: Monsieur Oulton, j'ai déjà eu l'occasion de discuter de certains sujets avec vous et vos conseils m'ont été utiles. J'ai beaucoup d'estime pour vous personnellement. Je dois cependant reconnaître que, malgré toutes les explications que vous nous avez données la dernière fois et cette fois-ci encore, je ne sais toujours pas si vous parlez d'une approche commerciale en bonne et due forme, si vous émettez de simples souhaits ou si vous donnez un aperçu de la stratégie en question. Je n'ai pas l'impression que c'est du concret. Je n'ai pas l'impression que les municipalités vont examiner un menu en l'an 2000. Les termes employés m'embrouillent.
Pouvez-vous me dire en quoi consistent votre rôle et celui du secrétariat? Êtes-vous des observateurs qui suivent tout ce qui se passe. Êtes-vous des capitaines qui donnent des instructions? Êtes-vous des meneurs de claque?
J'ai l'impression que nous essayons d'analyser un document élaboré qui concerne toute une série d'enjeux sur lesquels nous n'avons aucune prise et dont la plupart des gens se désintéressent. Vous parlez d'enjeux dont les instances politiques ne veulent pas se préoccuper et qui ne susciteront aucune réaction concrète de la part du gouvernement actuel ni de quelque autre gouvernement que ce soit dans les 10 années à venir.
M. Oulton: Notre mandat est relativement clair. Il consiste à élaborer -- avec le concours des provinces et des territoires, ce qui signifie qu'il ne s'agit pas uniquement d'un document fédéral -- une stratégie nationale pour arriver à atteindre l'objectif de Kyoto.
J'essaie de vous décrire les divers volets de cette stratégie qui devraient être prêts pour l'an 2000.
Il est un fait qu'au bout du compte, comme vous le faites si bien remarquer, cette stratégie doit recevoir l'adhésion des pouvoirs publics. Les artisans de cette stratégie sont des bureaucrates fédéraux et provinciaux qui essaient de trouver le moyen d'atteindre cet objectif. Ce que nous comptons faire, c'est élaborer un plan bien établi pour l'an 2000 afin de permettre aux trois paliers de gouvernement de déterminer s'il se tient et de savoir s'ils sont prêts à collaborer. Ce plan permettra bien entendu de guider le gouvernement fédéral dans les décisions qu'il prendra dans le cadre des négociations internationales et à d'autres occasions.
Ces décisions politiques et cet engagement doivent faire intimement partie de cette stratégie. Lorsque nous aurons accompli notre tâche, ce sont les ministres de l'Énergie et de l'Environnement -- que nous tenons régulièrement au courant de nos progrès -- et les premiers ministres qui auront le dernier mot. Ils devront décider s'ils estiment que nous avons préparé un document qui se tient et si la volonté d'engagement nécessaire pour passer à l'action est là. Nous devons accomplir cette tâche dans un contexte international puisque d'autres pays essaient de s'attaquer à ce problème comme nous le faisons. Le processus varie d'un pays à l'autre mais tous poursuivent le même but. Au moment où les parties tiendront leur sixième conférence, c'est-à-dire la troisième après celle de Kyoto, qui est prévue pour la fin de l'an 2000 ou le début de 2001, la communauté internationale pourra déterminer si l'initiative de Kyoto était sérieuse et si l'on mettra en place les mécanismes nécessaires pour mener le projet à terme. Les diverses nations pourront alors décider si elles veulent ratifier officiellement l'entente.
Comme membres du secrétariat, nous nous devons de positionner le Canada de notre mieux. Le gouvernement du Canada devrait connaître sa stratégie nationale quand il participera à ces discussions internationales. Il devrait savoir quels sont les compromis à faire de part et d'autre, quels sont les avantages et les coûts, ce qui lui permettra de prendre certaines décisions politiques avec le concours des provinces et des territoires.
Le sénateur Kenny: J'aillais vous demander si quand vous êtes rentré chez vous hier soir vous ne vous êtes pas dit que vous perdiez votre temps parce que personne ne vous écoutait mais ce serait injuste de vous poser une telle question. Je vais donc la formuler autrement.
Comptez-vous arriver à mobiliser les ressources et l'attention nécessaires au cours des cinq ou six prochaines années pour obtenir les résultats escomptés? Percevez-vous des signes que la série de mesures que vous proposez produise un jour des résultats concrets?
M. Oulton: Il y a deux aspects qui entrent en ligne de compte. Le premier relève du domaine international. Tous les pays se guettent mutuellement pour essayer de savoir si tous leurs partenaires sont sérieux. Les pays européens semblent être sérieux. Ils ont certes de petites prises de bec. Comme pour nos provinces, les prises de position varient d'un pays à l'autre. Ils ont leurs points forts et leurs faiblesses mais ils s'efforcent d'établir une stratégie européenne, comme nous essayons de notre côté d'établir une stratégie nationale. Ce n'est pas facile; ils ont des difficultés de parcours mais ils semblent être sur la bonne voie. Certains pays comme le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas et l'Allemagne semblent prendre certaines initiatives qui, bien qu'elles soient encore timides par rapport à l'ampleur de l'oeuvre à accomplir, n'en constituent pas moins un bon point de départ.
Le pays qui nous tracasse le plus, ce sont les États-Unis. Nous partageons le même continent avec eux et il nous est difficile d'adopter des politiques qui soient radicalement différentes des siennes étant donné les liens qui nous unissent dans bien des secteurs, dont celui des transports. D'une part, le gouvernement des États-Unis donne l'impression de vouloir donner suite aux résolutions prises à Kyoto et adopte des mesures budgétaires portant sur l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables, principalement en ce qui concerne la technologie. Toutes ces mesures portent à croire que les Américains sont prêts à être sérieux. Il s'agit, dans leur cas également, d'initiatives bien modestes par rapport au but ultime, mais les Américains sont prêts à passer à l'action.
Par ailleurs, le Congrès américain affirme qu'il n'est pas disposé à ratifier l'entente de Kyoto tant que des pays comme la Chine, l'Inde ou le Pakistan, c'est-à-dire les grands producteurs d'émissions de l'avenir, refusent de suivre le mouvement, alors que les pays en développement estiment qu'ils n'ont aucune raison de prendre l'affaire au sérieux tant que des pays développés comme les États-Unis n'auront pas manifesté la volonté de s'engager et ne seront pas disposés à transférer la technologie nécessaire.
Les attitudes contradictoires des États-Unis laissent planer des doutes quant à la décision qu'ils prendront à cet égard. La plupart des observateurs attendent les résultats des prochaines élections américaines pour savoir quel sera l'équilibre du pouvoir au sein du Congrès, ce qui nous permettra de savoir avec quelle diligence les États-Unis donneront suite aux résolutions qui ont été prises à Kyoto, ce qui influencera notre décision.
À en juger d'après leurs agissements, les États-Unis essaient de se positionner pour pouvoir disposer des technologies et autres moyens qui pourraient être utiles pour réaliser les ambitions de Kyoto.
Le Canada doit envisager la question sous le même angle que les États-Unis. L'entente de Kyoto ouvre d'excellentes perspectives en ce qui concerne l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables, domaines où nous avons quelques atouts dans notre jeu. Il faudra certes résoudre certains problèmes dans d'autres secteurs également pour assurer la transition. Nous possédons toutefois des atouts sur le plan technologique, qu'il s'agisse d'efficacité énergétique ou d'énergie renouvelable. Nous avons en outre des assises solides dans le secteur de la R-D et dans celui des transports, sur lesquelles devrait s'appuyer une stratégie qui se tienne et qui assure une transition en douceur.
Je dois reconnaître que l'attitude adoptée en Alberta est encourageante. Dans le cadre de la conférence des premiers ministres de 1997, cette province était naturellement très préoccupée au sujet des répercussions qu'une telle initiative pourrait avoir pour la province et pour son secteur énergétique. Ses craintes n'ont pas disparu mais c'est une des provinces qui s'efforcent le plus d'adopter des politiques susceptibles de créer un climat propice à la réalisation des objectifs de Kyoto. Le Québec adopte la même attitude et bien des provinces commencent à suivre leur exemple.
C'est une oeuvre de longue haleine. Ce n'est pas le genre de problème que l'on arrivera à éradiquer d'ici un an ou deux. J'ai toutefois l'impression que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral sont effectivement disposés à faire leur part. Le Fonds d'action pour le changement climatique de 150 millions de dollars sert à financer une bonne partie des efforts déployés par le gouvernement du Canada, avec le concours des provinces, pour stimuler le développement technologique. On a déjà commencé à prendre quelques initiatives, quoique relativement modestes. Il faudra certainement aller beaucoup plus loin. Il faudra attendre longtemps pour que l'expérience porte ses fruits, il faudra avoir dépassé le niveau CoP6. Ce n'est qu'après l'an 2000, après les élections américaines, que l'on saura dans quelle voie les autres pays s'engageront.
L'ambition du Secrétariat du changement climatique est d'essayer d'accomplir la tâche qui lui a été confiée d'ici à 2001 et d'élaborer la stratégie nationale pour que nous soyons bien positionnés pour participer aux discussions internationales. C'est alors que nous saurons quel est le degré d'engagement politique tant dans notre pays qu'à l'échelle internationale.
Le sénateur Kenny: Monsieur le président, je partage votre scepticisme au sujet du projet de loi que nous allons avoir à examiner. Je crois que M. Oulton est un fonctionnaire consciencieux et compétent. J'ai toutefois la pénible impression qu'il essaie de nous cacher un certain immobilisme. On a beau nous vanter tous les accomplissements de ce secrétariat, je n'y vois aucune preuve que les ressources nécessaires aient été mobilisées. Je ne perçois rien de semblable au type d'engagement qu'appelle ce mémoire. Je deviens de plus en plus sceptique.
Le président: Je dois dire que je partage vos préoccupations, sénateur Kenny. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, vous avez parlé de crise de l'énergie et de la nécessité d'utiliser des voitures plus compactes, le prix de l'essence étant considéré comme un facteur. C'est un moyen de réduire les émissions. Les diverses autorités compétentes n'ont pas la moindre volonté d'adopter de telles mesures et ce, pour des raisons d'ordre politique. Elles défendent leurs intérêts. Je comprends cette attitude et je suis certain que vous la comprenez beaucoup mieux que moi. J'ai l'impression que nous pédalons dans la mélasse. Peut-on aller jusqu'à dire que c'est de la frime? On se gorge de belles paroles mais on ne passe pas à l'action. Je ne vous accuse pas personnellement, monsieur Oulton, car je suis conscient des contraintes auxquelles vous êtes soumis dans l'exercice de vos fonctions.
Pour ce qui est de la volonté d'agir, je la perçois effectivement en ce qui concerne ma province, mais c'est par intérêt personnel. Elle s'efforce de trouver d'autres solutions, ce qui mérite mon estime.
Cependant, l'année 2010 n'est pas très loin. Je partage le scepticisme du sénateur Kenny quant aux chances de réussite. Étant donné que nous sommes parties d'une entente, ne peut-on pas nous intenter des poursuites si nous n'atteignons pas ces objectifs? Le Congrès américain hésitait à signer l'entente car il ne voulait pas prendre le risque que des groupes écologiques lui intentent des poursuites. Courons-nous le même risque? Les groupes écologiques peuvent-ils prétendre que, puisque nous avons signé une entente, nous sommes légalement tenus de la respecter et décider d'intenter des poursuites contre nous sous prétexte que nous n'avons pas atteint les objectifs? Je n'ai pas l'impression que l'on prend des mesures concrètes.
M. Oulton: J'essaierai d'abord de répondre à votre question concernant les aspects juridiques de cette entente, puis je répondrai à celle qui concerne le manque d'action.
Nous contracterons une obligation juridique après avoir ratifié le protocole. Pour le moment, aucun pays de l'OCDE ne l'a ratifié. Plusieurs petits pays insulaires l'ont fait. Nous avons signé le protocole, ce qui veut dire que nous nous sommes engagés à faire ce que nous faisons précisément, à savoir essayer de déterminer avec une diligence raisonnable quelles sont les mesures à prendre pour pouvoir donner suite aux résolutions qui ont été prises et décider s'il convient de ratifier ce protocole. La plupart des observateurs présument que le Canada, les États-Unis, les pays d'Europe, le Japon et les autres parties prendront cette décision entre 2001 et 2003, quand ils seront assurés que le protocole donnera des résultats concrets. Les principaux volets du protocole sont toujours en cours de négociation.
En ce qui concerne le scepticisme au sujet de la volonté d'engagement, je dirais que chaque pays membre ou plutôt chaque partie signataire est en train de mettre le protocole à l'épreuve. Il n'est pas encore complet. Il ne contient pas encore tous les éléments qui lui permettraient d'être efficace. Il s'agit notamment de déterminer s'il peut donner des résultats concrets. Ce processus atteindra probablement son point culminant en 2001 et nous saurons alors si c'est un protocole international applicable, que les divers pays seront disposés à ratifier. Le Canada devra prendre une décision à ce sujet, comme ses partenaires.
Au Canada et dans la plupart des autres pays, on est en train de mettre des processus à l'épreuve à l'échelle nationale. La tâche consiste à préparer le terrain, à déterminer les diverses options possibles en ce qui concerne la mise en oeuvre de ce protocole et les conséquences qu'un exercice de ces options pourrait avoir pour nos industries. Il s'agit en fait d'établir une politique qui tienne debout. Le Canada, les États-Unis et l'Europe font pratiquement le même cheminement. Nous essayons de faire diligence raisonnable et de déterminer les conséquences éventuelles du protocole.
Les initiatives de certains autres pays sont semblables à celles que notre gouvernement a prises en créant le Fonds d'action pour le changement climatique il y a un an. Nous commençons à prendre des initiatives de positionnement, des initiatives qui nous permettent de mener à bien le processus national, de faire diligence raisonnable et d'essayer de tirer parti de la situation. Pour ce qui est de la sensibilisation et de l'éducation du public, il est nécessaire de passer à l'action dès maintenant, étant donné qu'il y a une longue période de gestation. Ce sont des initiatives préliminaires mais elles préparent le terrain pour pouvoir prendre des décisions stratégiques judicieuses en l'an 2000 et au cours des années suivantes, en connaissant le contexte international et en sachant ce que feront les autres pays.
Vous avez raison. Nous sommes dans une phase qui peut paraître frustrante. Il s'agit de faire diligence raisonnable. Les divers pays concernés n'investissent pas encore des ressources colossales dans des changements de cap parce qu'ils observent d'abord ce qui se passe sur la scène internationale et évaluent leur cadre d'action. Il y a eu une période creuse de deux ou trois ans pendant laquelle on a fait des essais, et je ne pense pas que le Canada soit en retard sur ses partenaires. Il est plutôt en avance sur la plupart des pays qui sont en train d'élaborer une stratégie qui se tienne et qui soit efficace.
L'heure de la vérité sonnera lorsque le cadre international sera clair et que les divers pays devront prendre des décisions au sujet de l'éventuelle ratification du protocole et de sa mise en oeuvre. On ne peut pas sauter les étapes et passer à celle de la mise en oeuvre avant de connaître le contexte international. Je m'excuse d'être aussi bavard mais c'est un point très important.
Le sénateur Cochrane: D'après ce qui est indiqué à la page B.2, 38 projets avaient été annoncés et mis sur pied pour avril 1999. Les a-t-on évalués pour voir s'ils méritent d'être mis en oeuvre?
M. Oulton: En ce qui concerne les projets, nous faisons un cadre d'évaluation au moment où nous commençons à les mettre en oeuvre. On vient seulement de commencer à mettre ces projets en oeuvre. Ils seront évalués en temps et lieu, c'est-à-dire d'ici un an environ, si tout se déroule normalement.
Le sénateur Cochrane: En l'an 2000 par conséquent.
M. Oulton: Oui.
Le sénateur Cochrane: Pourriez-vous nous donner des explications un peu plus précises en ce qui concerne l'annexe 5 et plus particulièrement en ce qui a trait à la sensibilisation et à l'éducation du public? Quels types d'initiatives prenez-vous ou comptez-vous prendre?
M. Oulton: Il y en a toute une série. Je vous donnerai une liste complète des projets qui ont été annoncés jusqu'à présent pour que vous n'ayez pas à vous fier uniquement à ma mémoire.
La plupart des projets de sensibilisation et d'éducation du public reposent sur deux ou trois thèmes généraux. L'un d'entre eux, dont je vous ai d'ailleurs déjà parlé, porte sur une éducation axée uniquement sur la question du changement climatique, à tous les niveaux scolaires, du primaire jusqu'au niveau universitaire. On procède par modules.
Le sénateur Cochrane: Fait-on des mises à l'essai pour le moment?
M. Oulton: Oui, on est en train de faire divers essais pour savoir quelles formules sont efficaces. On en fait actuellement dans deux provinces en même temps parce que les systèmes d'enseignement diffèrent d'une province à l'autre. Nous voulons vérifier quelles formules seront efficaces en vue de les adopter à l'échelle nationale.
Certains projets consistent également à sensibiliser la population au problème du changement climatique et à le relier à des cas personnels. Autrefois, la sécurité d'approvisionnement était un bon facteur de motivation parce que les Canadiens comprenaient les préoccupations politiques et qu'ils étaient conscients des risques, ou encore parce que l'on était parvenu à les pousser à l'action individuelle.
Le sénateur Cochrane: Quel genre de média utilisez-vous?
M. Oulton: Quelqu'un a proposé d'élaborer un logiciel informatique qui permettrait aux Canadiens de mesurer eux-mêmes les émissions de gaz à effet de serre qu'ils produisent dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Ce logiciel donne quelques «tuyaux» pour améliorer l'efficacité énergétique de sa maison, sa façon de conduire ou sa façon d'utiliser les produits à usage domestique, par exemple. Il s'agit de faire ce que j'appellerais une sensibilisation individuelle au problème, à ses incidences au niveau individuel et à l'influence de notre mode de vie sur les émissions de gaz à effet de serre.
Le sénateur Cochrane: Pensez-vous que cela intéressera les Canadiens de changer leurs habitudes?
M. Oulton: Nous faisons un test. Nous essayons de déterminer si ce sera un bon moyen de sensibiliser la population au problème. Plusieurs façons de procéder différentes ont été proposées. Nous testons plusieurs formules pour voir celles qui sont efficaces. Quand une formule s'avère efficace, on essaie de savoir s'il y a moyen de l'appliquer à un projet de plus grande envergure. La plupart de ces propositions sont à l'essai pour voir celles qui donneront des résultats concrets.
Le sénateur Cochrane: Ne connaissez-vous aucune formule qui ait déjà fait ses preuves?
M. Oulton: Nous faisons surtout ce que j'appelle du travail de débroussaillage.
Le sénateur Cochrane: Autrement dit, vous allez à l'aveuglette.
M. Oulton: On peut examiner les formules qui ont fait leurs preuves dans d'autres situations analogues et s'en servir pour évaluer les chances de réussite. On essaie alors d'adapter certains projets au domaine qui nous intéresse. Ce n'est pas un domaine où il existe des méthodes éprouvées. Je considère plutôt la prolifération des gaz à effet de serre comme un problème qui s'adresse à une élite plutôt que comme un sujet qui attire immédiatement l'attention du commun des mortels. C'est un des obstacles que nous essayons de surmonter.
Le sénateur Cochrane: Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick ne participent pas à ces essais.
M. Oulton: Je l'ai remarqué. Nous n'en sommes qu'aux tout premiers balbutiements. Notre but est d'avoir des projets dans toutes les provinces.
Le sénateur Wilson: Vous avez dit que l'éducation du public est un instrument important mais votre mémoire ne contient aucune information permettant de savoir quelle stratégie vous avez décidé d'adopter en la matière ni si vous en avez une d'ailleurs. Il me semble qu'au Canada, l'éducation du public est depuis longtemps un instrument de changement social. Je pense notamment au mouvement d'Antigonish. Il n'est point nécessaire d'avoir recours à l'informatique; il suffit de donner à la population les moyens de nourrir la volonté politique d'atteindre ces objectifs. J'espère que vous publierez un document d'orientation prévoyant la participation du public à un certain stade.
Vous avez signalé que l'Ontario tiendrait des consultations dans le courant de l'été. Je sais que vous n'avez aucun contrôle sur cette province. Les mois de juillet et août ne sont toutefois pas les périodes de l'année idéales pour consulter la population étant donné le nombre de personnes qui sont parties à la pêche au cours de ces deux mois.
D'après la page D.3 de votre mémoire, je constate que vous avez prévu des consultations publiques à la fin du processus. Étant donné que j'ai participé à de nombreuses consultations publiques, je suis très sceptique quant à leur efficacité. Le but de ces consultations est-il d'améliorer la stratégie? Avez-vous un échéancier? Comptez-vous tenir des consultations uniquement pour le principe? Qu'en est-il au juste?
M. Oulton: Une des 15 tables de concertation que j'ai signalées concerne la sensibilisation et l'éducation du public. Nous avons demandé aux participants de nous faire diverses suggestions quant à la stratégie à adopter. Il s'agit d'une table de concertation d'environ trois douzaines de participants représentant des intérêts très différents, notamment les provinces, les municipalités ainsi que toute une série de groupes écologiques et d'industries. C'est une table de concertation représentant de nombreux secteurs et nous avons demandé aux participants de faire des propositions.
Quand elle aura terminé ses travaux -- et nous espérons que ce sera terminé pour la fin de l'été --, ces propositions seront examinées lors des discussions avec les autres provinces, dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie nationale. En fait, une stratégie de sensibilisation et d'éducation du public fera partie intégrante de la stratégie globale mais elle aura auparavant été examinée dans le cadre d'un processus de consultation publique assez élaboré.
Nous avons prévenu les ministres que, même si nos tables de concertation constituent un processus de consultation publique assez élaboré, le produit final n'aura pas été soumis à un examen public suffisant pour autant. Lorsque les ministres estimeront que nous avons un avant-projet solide, nous recommanderons de tenir des consultations publiques plus générales pour voir si le projet tient la route. Après cela, nous devrions avoir une stratégie définitive. C'est dans ce sens qu'iront les recommandations que nous ferons aux ministres. Ils les examineront vers la fin de l'année ou au début de l'année prochaine et décideront s'il convient d'en tenir compte.
Le sénateur Gustafson: La figure qui se trouve à la page A.3 indique la croissance des émissions d'ici l'an 2000. C'est en Colombie-Britannique et en Saskatchewan qu'elle sera la plus forte. Vous n'ignorez pas que l'on a annoncé dernièrement dans ces deux provinces une expansion majeure dans le secteur du sciage du bois. Ces déclarations s'inscrivent peut-être dans le cadre des efforts de propagande préélectorale. Le sénateur Taylor pourrait peut-être nous expliquer ce qui se passerait si l'on aménageait cinq nouvelles scieries dans la zone nord de la forêt boréale. Est-ce prévu dans vos calculs?
M. Oulton: Je ne vous garantis pas que c'est prévu parce que nos calculs remontent à l'automne dernier. Ces chiffres font toutefois l'objet d'une mise à jour en ce moment même. Je suppose que ces projets ne sont pas prévus dans ces chiffres. Nous mettons les chiffres à jour environ une fois par an.
Nous avons essayé de prévoir la croissance des émissions dans certains secteurs industriels clés. Par conséquent, la croissance des émissions attribuable à ces projets a probablement déjà été prise en considération en partie, mais probablement pas en totalité.
Un des problèmes -- qui n'est pas propre au Canada -- est que, dans la plupart des pays, on présume qu'une certaine expansion économique est nécessaire pour répondre aux besoins d'une population croissante et à d'autres aspirations. Le dilemme est de trouver un moyen de concilier la croissance économique avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il ne s'agit pas seulement d'adopter des techniques d'utilisation plus efficaces mais aussi de prévoir une réduction dans l'absolu, en pleine période d'expansion économique.
Notre cas n'est pas unique. Tous les pays sont confrontés à ce dilemme. Cependant, en raison de sa configuration géographique et de l'intensité des émissions de carbone, le Canada a un défi de taille à relever dans ce domaine.
La Saskatchewan est un cas d'espèce intéressant. En raison de l'évolution des méthodes culturales utilisées dans le secteur agricole, telles que la culture sans labour et autres techniques innovatrices, les sols agricoles canadiens deviendront à la longue, voire dans très peu de temps, des absorbeurs nets plutôt que des producteurs nets de carbone. Cela ne permettra pas d'absorber toute la production due à l'activité économique. Cependant, c'est un exemple qui prouve que l'on peut utiliser la technologie ou des méthodes de production plus efficaces ou différentes dans un secteur pour compenser la croissance dans un autre. C'est une erreur d'envisager le problème sous un angle purement statistique ou en fonction d'un seul secteur industriel. En effet, il est fréquent qu'un secteur offre des solutions qui compensent la production accrue de carbone ailleurs.
Le sénateur Taylor: Au comité des forêts, nous avons discuté des changements radicaux que subira la forêt boréale en raison du changement climatique. Je suis certain que l'on se préoccupe surtout des hydrocarbures en Alberta parce que c'est le secteur industriel qui a fait le plus de bruit. Je ne sais pas si je dois vous féliciter mais j'ai remarqué un gros changement d'attitude, surtout chez les législateurs albertains. Leur attitude a évolué à la vitesse de l'éclair. La mentalité qui régnait juste avant Kyoto rappelait la mentalité médiévale. Depuis lors, les politiciens suivent le mouvement. J'ai remarqué qu'ils ont complètement changé d'attitude du fait qu'ils commencent à comprendre que cela peut être rentable. Il n'y a rien qui fasse évoluer plus rapidement des attitudes bien ancrées que la perspective de tirer profit d'un changement dans le secteur environnemental.
On n'a pas encore beaucoup débattu le problème sous l'angle du secteur forestier. Pourriez-vous mettre vos connaissances à profit pour mettre à jour certains aspects peu connus de l'industrie forestière et faire pour lui ce que vous avez fait pour le secteur de l'énergie? Si la température augmente de quelques degrés d'ici une cinquantaine d'années, le secteur forestier subira des changements profonds dans le nord de l'Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Pourriez-vous faire quelques commentaires à ce sujet?
M. Oulton: Je ne peux pas me vanter d'être un expert dans ce domaine, bien que j'aie rencontré divers représentants du secteur forestier au cours de la dernière semaine. C'est un secteur qui est intéressant. Je le dis parce que les émissions y ont été réduites ou du moins stabilisées. Cette performance est due en partie au fait que c'est un des secteurs où l'on a le plus innové, qu'il s'agisse des techniques d'utilisation des déchets ligneux, des lessives de pâte de bois et autres techniques de recyclage qui permettent de diminuer la consommation d'énergie électrique classique. À en juger d'après certaines innovations dans le secteur de l'énergie, que ce soit au niveau de la production ou de l'utilisation du bois, ou encore dans les méthodes d'utilisation de l'énergie, je suis convaincu que des progrès considérables peuvent encore y être réalisés.
Si on détachait ce secteur du secteur industriel, on constaterait que c'est un modèle à suivre. C'est une industrie qui, bien qu'en pleine croissance, est parvenue à réduire sa consommation d'énergie et ses émissions de gaz à effet de serre rien qu'en modifiant ses méthodes de consommation d'énergie et d'utilisation de ses propres déchets. Mes interlocuteurs m'ont convaincu qu'il y a encore place pour des innovations importantes et rentables dans ce secteur.
Le sénateur Taylor: Ce n'est pas tout à fait le sujet sur lequel je voulais vous faire bifurquer. À une certaine époque, on voyait encore des incinérateurs de sciure en état de fonctionnement le long des routes. Ils ont disparu depuis un certain nombre d'années.
Il ne faut pas oublier non plus que l'industrie forestière génère probablement davantage d'emplois et rapporte plus aux gouvernements provinciaux que le secteur pétrolier et gazier. Elle a compris qu'elle avait intérêt à réduire le niveau de ses rejets de dioxyde de carbone.
Je n'ai pas trouvé la moindre allusion à la diminution radicale de la capacité de production de matière ligneuse que subirait notre forêt boréale si l'échéancier de Kyoto n'est pas respecté. Après tout, le réchauffement planétaire poussera les compagnies à remonter de plus en plus au nord et nos forêts sempervirentes changeront d'aspect. C'est un problème qui est passé sous silence. On ne se rend pas compte des recettes et des emplois que représente l'industrie forestière pour le Québec et pour le Yukon. Au Canada, ce secteur génère beaucoup plus de recettes et d'emplois que n'importe quel autre secteur; pourtant, personne ne fait allusion au danger que nous courons si nous n'arrivons pas à atteindre l'objectif de Kyoto. C'est beaucoup plus grave que la fermeture d'un ou deux puits de gaz en Alberta. C'est toute une industrie qui est menacée en l'occurrence et personne n'en parle.
Pourriez-vous vous intéresser un peu plus à ce genre de problème? Il sera peut-être possible de cultiver un jour des bananes dans la région du sénateur Gustafson ou dans ma région, grâce au changement climatique, mais quelles seront les conséquences de ce changement pour les peuplements forestiers du nord des diverses provinces, dont l'exploitation est tout ce qu'il y a de plus rentable?
M. Oulton: Quand je parle d'une stratégie nationale, j'ai tendance à parler d'un aspect qu'on appelle celui de l'atténuation, c'est-à-dire de la réduction des émissions parce que c'est là-dessus qu'il faut mettre le plus l'accent pour atteindre un objectif qui est de réduire ces émissions de 6 p. 100. Les deux autres volets de la stratégie consistent à améliorer nos connaissances en matière de climatologie pour pouvoir comprendre ce qui se passe et avoir une idée plus précise des répercussions de ce changement, dans le but de nous y adapter. Autrement dit, nous voulons mieux comprendre les conséquences régionales qu'aura le changement climatique pour des secteurs industriels précis et nous voulons savoir ce qu'il faut faire dans l'immédiat.
D'après ce qu'en disent les scientifiques, le changement climatique actuel, qui se poursuivra au cours des 30 prochaines années, est d'ores et déjà un processus en grande partie irréversible. Nous ne pouvons rien y faire. Les émissions passées font déjà leur oeuvre. En ce qui concerne les méthodes d'exploitation forestière et les politiques forestières, il faudra prévoir les conséquences qu'aura ce changement au cours des 30 ou 50 prochaines années et mettre en place immédiatement des politiques qui nous permettront de nous adapter aux circonstances. C'est plus facile dans certains secteurs, comme le secteur agricole, que dans d'autres. L'agriculture est un secteur qui a une grande capacité d'adaptation. On peut mettre au point assez rapidement de nouvelles souches de semence. Par contre, il est beaucoup plus difficile de créer de nouvelles forêts capables de s'adapter au changement climatique.
Le sénateur Taylor: Il faut attendre 40 ans pour pouvoir exploiter une forêt.
M. Oulton: Nous avons des défis à relever dans ce domaine. Il faut reconnaître que nous avons fait preuve de négligence. Nous ne sommes pas un cas unique. Notre indolence est due en partie au fait que la science climatique ne nous a pas permis d'avoir une idée assez précise des conséquences de ce changement. Nous nous appliquons à acquérir ces connaissances dans ce domaine. Notre objectif est d'essayer de tracer le schéma d'une stratégie d'adaptation. Nous devons nous mettre à examiner les effets individuels et nous demander comment nous pourrons nous y adapter. Je ne pense pas que nous ayons cerné le problème mais nous le comprendrons déjà mieux d'ici à l'an 2000.
Le président: Monsieur Oulton, je ne suis pas certain de comprendre votre rôle et celui du secrétariat. Vous n'avez aucune autonomie et par conséquent votre existence est à la merci des volontés ou des caprices du ministre. Je me demande si vous êtes un activiste, un catalyseur, un médiateur ou les trois. Votre rôle consiste-t-il à dénoncer publiquement les abus qui sont commis par exemple dans l'industrie automobile, où les camions qui ne sont pas munis d'un dispositif antipollution adéquat aggravent les émissions ou encore dans le secteur forestier, lorsque vous remarquez des pratiques qui vont à l'encontre des objectifs que vous devez atteindre, ou bien devez-vous au contraire vous mordre la langue? Je me demande en quoi consiste au juste votre rôle.
M. Oulton: Au palier fédéral, nous faisons des recommandations au ministre de l'Environnement et à l'échelon fédéral-provincial, aux ministres de l'Énergie et de l'Environnement. Nous avons un mandat bien précis qui est de mettre en place une stratégie. Nous n'avons pas des fonctions semblables à celles du commissaire au développement durable, qui est un contrôleur indépendant et qui essaie de signaler en toute impartialité les agissements contraires aux politiques ou aux pratiques qu'il prône. En ce qui nous concerne, nous sommes chargés de mettre en place une stratégie, de permettre aux ministres de décider si elle est adéquate, puis de la mettre en oeuvre. Nos fonctions changent. Si les ministres décidaient d'adopter la stratégie en question, le secrétariat assumerait les fonctions de surveillance en leur nom et déterminerait si la stratégie est respectée et si l'on est en voie de réduire les émissions comme prévu ou, dans l'autre éventualité, nous devrions rectifier le tir en cours de route. Nous ne sommes pas encore arrivés à ce stade-là. Si les ministres acceptent la stratégie que nous leur proposons, nous les tiendrons au courant de la façon dont elle est mise en oeuvre. Tant qu'une stratégie n'aura pas été adoptée, nous ne ferons aucun commentaire. Nous n'assumons pas des fonctions de surveillance tel que vous l'entendez. Nous sommes actuellement en train d'élaborer une stratégie puis nous laisserons les ministres décider si elle convient. Ensuite, nous surveillerons sa mise en application pour le compte des ministres et nous les tiendrons au courant.
Le président: Ne serait-il pas préférable que vous ayez des responsabilités plus étendues? Vous avez parlé de stratégie globale et vous avez dit qu'il fallait attendre les résultats des élections américaines. Je ne me laisse pas influencer par de tels arguments parce que je considère que le Canada doit montrer l'exemple. Que les autres pays suivent notre exemple. On ne devrait pas attendre les élections présidentielles américaines ou les élections au Congrès pour arrêter notre stratégie. Je n'aime pas ce rôle servile. Ne serait-il pas préférable que vous et le secrétariat exploitiez vos talents de façon plus militante et que l'on vous donne davantage d'autonomie pour vous permettre de dénoncer ces problèmes au lieu de vous sentir muselés? Ou bien êtes-vous satisfaits de votre situation?
M. Oulton: Il serait déplacé de ma part de faire des commentaires sur le mandat dont j'ai été investi. Nous devons l'exécuter avant de passer à une autre étape.
Pour être franc, je crois que l'essentiel, c'est que les ministres aient la possibilité de décider s'ils sont disposés à aller plus loin et à adopter une stratégie à la fois fédérale et provinciale, ce en quoi mes commentaires rejoignent ceux du sénateur Kenny. Nous avons intérêt à nous appliquer à élaborer un produit que les ministres pourront décider d'accepter ou de rejeter. C'est là-dessus que nous axons nos efforts, comme il se doit, étant donné que tant que l'on n'aura pas adopté de stratégie, il n'y aura pas de surveillance à assumer. Certes, la stratégie que nous proposons ne sera pas efficace si elle s'inscrit uniquement dans le cadre d'un effort fédéral. Il faut que l'effort soit déployé à l'échelle nationale. Autrement dit, nous avons intérêt à nous en tenir à notre mandat et à livrer la marchandise. Les ministres pourront alors décider quel modèle est le plus approprié pour que cette stratégie soit mise en oeuvre dans les règles.
Le sénateur Cochrane: Je me pose toujours des questions au sujet des membres des commissions consultatives fédérales-provinciales, sachant que l'Ontario et l'Alberta sont les provinces où les émissions de gaz sont les plus fortes. Est-on certain que la région de l'Atlantique est suffisamment représentée pour que les intérêts des provinces où les consommateurs sont moins nombreux soient protégés? Comme vous le savez, les problèmes, les solutions et les paramètres ne sont pas les mêmes dans la région de l'Atlantique que dans la région du sénateur Taylor, par exemple. La région de l'Atlantique est-elle suffisamment représentée pour faire connaître les préoccupations régionales?
M. Oulton: Nous avons un bon nombre de représentants de toutes les provinces concernées dans la plupart des 15 tables de concertation mais certaines provinces ne veulent pas nécessairement être représentées à toutes les tables, par exemple quand ce n'est pas utile pour elles. Les provinces de l'Atlantique sont bien représentées. Nous avons prévu des fonds supplémentaires à cet effet de sorte que lorsque des fonctionnaires, des groupes écologiques ou d'autres groupes des provinces ont désiré participer, nous avons essayé de prendre les frais en charge. Nous avons essayé de mettre en place les mesures habituelles pour que toutes les régions du pays soient suffisamment représentées. Voulez-vous savoir si je suis entièrement convaincu que nous avons autant de participants que nous le souhaitons? Non, pas du tout. Nous n'avons pas autant de représentants que nous le voudrions de toutes les régions du pays.
Cette situation est due en partie au fait que le nombre de participants est limité. La plupart des tables ne peuvent faire du bon travail qu'avec un maximum de 25 ou 30 participants et il faut que l'industrie, les groupes environnementaux, certaines provinces et le gouvernement fédéral y soient représentés. Le nombre de participants est par conséquent limité.
Par ailleurs, il y a aussi un problème de ressources qui se pose. Ces provinces ne sont pas dotées des mécanismes gouvernementaux élaborés qui sont nécessaires pour envoyer des délégués à ces réunions et elles n'ont pas autant de moyens que les grandes provinces.
Les recommandations faites par ces tables de concertation seront finalement examinées par le biais d'un mécanisme fédéral-provincial qui se situe à trois niveaux -- un groupe que je préside, un groupe de sous-ministres de l'Énergie et de l'Environnement, puis un groupe de ministres. On a fait le nécessaire pour que les régions soient convaincues que la stratégie répond aux besoins de tous.
En fin de compte, je ne suis pas entièrement convaincu que nous ayons toute la représentation souhaitable des intervenants de toutes les régions du pays. Nous avons fait de notre mieux pour qu'elle soit adéquate et je crois que c'est le cas. Nous avons un système d'autocontrôle. Un de nos critères d'évaluation de la stratégie est qu'il faut que celle-ci soit raisonnablement conforme aux besoins de toutes les régions. Même si la représentation est insuffisante, nous faisons notre possible pour que les décisions d'ordre stratégique soient compatibles avec les intérêts régionaux.
Le sénateur Cochrane: Je vous demande de continuer à étudier ce problème de près. C'est un problème que je perçois non seulement dans le domaine de l'environnement mais aussi dans bien d'autres domaines. Les petites provinces n'ont pas autant d'influence que les grandes. Il faut en être conscient. Il faut y remédier et ne pas le perdre de vue quand il s'agit d'adopter une stratégie, quelle qu'elle soit.
M. Oulton: Je comprends votre point de vue et je l'accepte.
Le président: Monsieur Oulton, votre exposé n'est toujours pas terminé mais nous avons eu une excellente discussion. Je suis certain que nous vous demanderons de revenir nous parler des progrès que vous aurez accomplis. Nous vous soutenons dans vos efforts mais on dirait qu'on est toujours impatient de voir des résultats concrets. Merci d'être venu.
Notre prochain groupe de témoins est prêt.
Allez-y.
Mme Kristen Ostling, coordonnatrice nationale, Campagne contre l'expansion nucléaire: La Campagne contre l'expansion du nucléaire, qui existe depuis 1989, est un réseau national d'organisations écologistes et de groupes militant pour des sources d'énergie sûres. Notre comité directeur se compose de représentants de plusieurs organisations écologistes nationales dont le Sierra Club du Canada, Enquête énergétique et le Regroupement pour la surveillance du nucléaire. Font aussi partie du réseau plusieurs organisations régionales telles que The Concerned Citizens of Manitoba, l'Inter-Church Uranium Committee, établi en Saskatchewan, et l'Action Group on Nuclear Issues du Nouveau-Brunswick.
Plus de 300 organisations de tout le Canada, représentant un large éventail de secteurs, ont appuyé la Campagne contre l'expansion du nucléaire. Nous nous concentrons actuellement sur le plutonium comme combustible, les exportations de CANDU, les subventions à l'industrie nucléaire, les déchets radioactifs. Nous travaillons aussi à un projet d'inventaire des matières radioactives dans le cadre duquel nous produisons et diffusons une publication qui s'appelle Atomic Atlas. Dans cette publication figure une carte des installations nucléaires au Canada dont on vous distribuera des copies plus tard.
Je veux vous remercier de m'avoir permis de vous rencontrer aujourd'hui. Tous les ordres de gouvernement doivent diversifier leurs sources d'informations sur l'énergie nucléaire. Au niveau fédéral, en particulier -- et c'est le cas du premier ministre et du ministre des Ressources naturelles -- on a tendance à écouter surtout les représentants de l'industrie nucléaire avant d'établir les politiques sur les questions nucléaires. Le problème, c'est que c'est comme si on se fiait à l'industrie du tabac pour connaître les risques de la fumée secondaire. On a certainement besoin de débats populaires et parlementaires sur le nucléaire.
Depuis sa création, l'industrie nucléaire s'entoure de mystère, surtout parce que c'est à des fins militaires qu'on a d'abord mis au point l'énergie nucléaire. Le Canada a contribué à l'effort de guerre pour produire des armes nucléaires en fournissant son savoir-faire technique, l'uranium et le plutonium.
Tout l'uranium utilisé pour la bombe atomique de la Seconde Guerre mondiale a été raffiné à Port Hope en Ontario et, durant la Seconde Guerre mondiale, le Canada était à la fine pointe de la recherche sur le plutonium. Les meilleurs scientifiques de l'Angleterre, de la France et du Canada ont travaillé dans un laboratoire secret à Montréal pour trouver les méthodes de production et d'extraction du plutonium les plus efficaces. Les laboratoires nucléaires de Chalk River ont été construits en secret dans le cadre du programme des armes nucléaires des alliés, sous la direction du Conseil national de recherche, et jusqu'en 1976, Chalk River a vendu du plutonium aux États-Unis pour leur projet de bombe.
Bien que le public soit de plus en plus sensibilisé à la question du nucléaire, le manque d'ouverture, de transparence et de débat sur l'énergie nucléaire est sans doute dû au secret militaire qui s'imposait au départ. Notre société en sait maintenant beaucoup plus long sur l'effet socio-économique et environnemental de l'énergie nucléaire. Cette sensibilisation a commencé surtout lors des catastrophes nucléaires de Tchernobyl et de Three Mile Island. Dernièrement, la fermeture des réacteurs d'Ontario Hydro aux centrales de Pickering et de Bruce en août 1997 à cause de problèmes de fonctionnement et de sécurité a aussi contribué à sensibiliser la population.
Les problèmes éprouvés par les centrales nucléaires ontariennes font ressortir l'urgence de trouver une autre source d'énergie durable pour le Canada. Il est temps de reconnaître que l'utilisation de l'énergie nucléaire au Canada a été une erreur coûteuse tant pour notre économie que pour notre environnement. Je vais maintenant vous exposer plusieurs problèmes qu'il faut aborder si l'on fait un examen public national du nucléaire au Canada.
D'abord, j'aborderai les facteurs économiques le l'industrie nucléaire. Depuis 1996, nous avons fait un suivi des subsides accordés à l'industrie nucléaire, et l'étude de novembre 1998 démontre que dans les derniers 46 ans, une somme totale de 15,8 milliards de dollars a été accordée à l'EACL. L'EACL a mis l'accent sur l'exportation des réacteurs, et son but est d'en exporter 10 au cours de 10 prochaines années. Même si l'EACL rencontrait cet objectif, it serait impossible de récupérer les 15,8 milliards de dollars.
Tout d'abord, les risques financiers de l'exportation de réacteurs sont élevés, puisque les contribuables ont prêté 1,5 milliard de dollars à la Chine et qu'ils prêteront encore 1,5 milliard de dollars à la Turquie si elle retient l'offre d'EACL, tandis que la Roumanie est en train de négocier un autre prêt d'un milliard de dollars pour terminer la construction d'un réacteur.
Le coût de la gestion des déchets nucléaires est une autre question économique importante. Selon l'estimation d'EACL, son projet de stockage en formations géologiques profondes coûterait 13 milliards de dollars. Entre 1978 et 1996, EACL et Ontario Hydro ont dépensé 700 millions de dollars pour mettre au point ce concept. En février 1998, une commission fédérale d'évaluation environnementale chargée d'analyser ce projet a publié un rapport indiquant que la sécurité du concept n'avait pas été démontrée de façon concluante et que le concept même n'était pas assez acceptable pour devenir le mode de gestion des déchets de combustibles nucléaires privilégié par le Canada.
Je crois que le sénateur Wilson s'adressera au comité demain pour exposer en détail les conclusions de la commission.
Les changements à Ontario Hydro soulèvent aussi d'importantes questions économiques. Le gouvernement ontarien a annoncé, dans la période qui a précédé le démantèlement d'Ontario Hydro, que l'entreprise allait être libérée de sa dette de 23 milliards de dollars qu'on appelle une «dette abandonnée». À propos, les deux tiers de la dette de 30 milliards de dollars d'Ontario Hydro sont dus à ses opérations nucléaires. C'est le plus important renflouement d'une industrie nucléaire de notre histoire. Cela signifie que les consommateurs, même ceux qui optent pour une énergie verte, devront payer la dette du secteur nucléaire d'Ontario Hydro. Lorsque mon fils de 11 ans a entendu ça à la radio l'été dernier alors que je les reconduisais, son ami et lui, à leur colonie de vacances, il a dit à son ami: «Ça veut dire qu'ils veulent qu'on paie pour quelque chose qu'on n'a même pas fait», ce à quoi son ami a répliqué: «C'est vraiment con». C'est un dialogue qui met en plein dans le mille. Il cristallise la question. On laisse en héritage aux générations futures une faramineuse dette nucléaire.
Outre le legs de la dette du nucléaire, les générations futures hériteront du problème des déchets radioactifs de l'industrie nucléaire. Il y a aujourd'hui au Canada 200 millions de tonnes de résidus d'uranium qui ressemblent à du sable. On les retrouve surtout en Ontario et en Saskatchewan. Le volume des déchets nucléaires est renversant. En décembre 1998, selon la Commission de contrôle de l'énergie atomique, il y avait plus de un million de faisceaux de combustible irradié stockés à sec ou sous l'eau. En poids, cela représente plus de 26 millions de kilos de déchets radioactifs.
Il est important de savoir que le combustible irradié renferme plus de 200 éléments radioactifs mortels. La radioactivité de ces éléments se mesure en demi-vies. Une demi-vie correspond au temps qu'il faut à la matière pour perdre la moitié de sa radioactivité. Par exemple, le plutonium qui se trouve dans les déchets radioactifs a une demi-vie de 24 000 ans.
Comme je le disais, on n'a pas encore trouvé de solution acceptable pour l'évacuation de ces déchets. On devrait avoir pour priorité de régler le problème à la source en cessant la production de déchets radioactifs. Cela signifie abandonner graduellement l'énergie nucléaire.
Pour des questions de sécurité et des raisons environnementales et économiques, aucun nouveau réacteur n'a été vendu où que ce soit en Amérique du Nord depuis 1979. La stratégie de survie de l'industrie nucléaire visait en partie à promouvoir agressivement l'exportation de la technologie CANDU en offrant d'importants prêts risqués financés par le Compte du Canada, en échange du prétendu achat de réacteurs CANDU.
En plus de risquer l'argent des contribuables, les exportations de CANDU comportent des risques inhérents de prolifération. Les acheteurs peuvent tout bonnement faire abstraction de leur engagement à n'utiliser la technologie qu'à des fins pacifiques, comme l'Inde et le Pakistan l'ont fait. De plus, tous les clients anciens et actuels du CANDU canadien, comme la Chine, l'Inde, le Pakistan, Taïwan, la Roumanie, l'Argentine et la Corée du Sud, ont eu à un moment ou à un autre un programme d'armes nucléaires.
De plus, les pays ciblés par EACL comme acheteurs éventuels de réacteurs CANDU sont aussi réputés pour leur violation des droits fondamentaux et leur antidémocratie. Bien qu'EACL affirme que le nucléaire est l'énergie idéale, dans la plupart des marchés que l'entreprise a ciblés, les gens n'ont pas le pouvoir de choisir s'ils veulent ou non de l'énergie nucléaire.
Vous avez peut-être entendu parler dernièrement de l'idée d'importer du plutonium comme combustible. Les médias en ont énormément parlé dernièrement à cause d'un essai qui aura lieu cet été. EACL et Ontario Hydro ont présenté le projet d'importer des États-Unis et de la Russie, au cours des 25 prochaines années, 100 tonnes de plutonium d'armement qui aura la forme de quelque chose appelé combustible MOX. C'est un mélange d'oxyde de plutonium et d'oxyde d'uranium qui sera utilisé dans les réacteurs CANDU si le projet est accepté. Sans qu'il y ait eu de consultation publique ni de débat parlementaire, le premier ministre Jean Chrétien s'est prononcé en faveur de l'importation de plutonium au Canada comme combustible pour les réacteurs CANDU.
L'industrie nucléaire et le gouvernement présentent ce projet comme une initiative en faveur du désarmement. Pourtant, cette justification ne tient pas. Le projet va plutôt aider à lancer une économie du plutonium mortelle en le rendant plus accessible et en augmentant les probabilités de prolifération de cet explosif nucléaire.
Vous savez sans doute qu'en décembre 1998, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes a conclu que le projet du gouvernement d'importer du plutonium était tout à fait irréalisable, et il a recommandé de le mettre au rancart. Pourtant, en mars 1999, on a appris que, malgré cette recommandation, Jean Chrétien avait informé Bill Clinton qu'il approuvait toujours le projet et, le 19 avril, le gouvernement Chrétien a publiquement rejeté la recommandation du comité.
La permission d'importer du plutonium pour des essais de combustion au laboratoire nucléaire de Chalk River en Ontario a déjà été accordée. Les essais devraient avoir lieu cet été et environ 300 grammes seront importés, soit 150 de la Russie et autant des États-Unis. Les essais établissent un précédent et donnent une impulsion institutionnelle à tout le projet.
À mon avis, les essais de combustion et le projet d'importation subséquent ne devraient pas être réalisés pour plusieurs raisons. Tout d'abord, ça ne va pas rendre la matière inoffensive. Ça va plutôt lancer cette économie mondiale du plutonium et accroître son accessibilité et les risques de prolifération.
L'utilisation du plutonium comme combustible est un projet qui vise surtout à renflouer l'industrie nucléaire du Canada qui est en déclin et sa méthode non durable de production d'électricité. C'est un autre élément de la stratégie de survie de l'industrie nucléaire, au même titre que nos exportations de CANDU et la promotion de l'idée qu'enterrer les déchets radioactifs dans le Bouclier canadien est sécuritaire. Selon le projet de combustible au plutonium, le Canada s'engagerait à faire fonctionner certains réacteurs pendant des dizaines d'années, même s'ils avaient besoin de réparations coûteuses ou si l'on trouvait d'autres sources d'énergie plus économiques et plus sûres.
Les mesures de sécurité requises pour protéger le plutonium nécessaire au projet porteront atteinte aux libertés civiles des Canadiens. Il faudra entourer les envois de plutonium de mesures de sécurité équivalant à celles requises pour le transport d'armes nucléaires.
La politique de non-prolifération nucléaire du Canada est censée isoler l'industrie nucléaire canadienne des programmes d'armements nucléaires des autres pays, mais ce projet intégrera l'industrie nucléaire civile canadienne aux composantes militaires de l'industrie nucléaire des États-Unis et de la Russie.
Une autre raison importante qui milite contre la mise en oeuvre du projet, c'est qu'il n'éliminera pas le plutonium d'armement. Il subsistera dans le combustible irradié entre 40 et 70 p. 100 de la quantité initiale de plutonium d'armement.
Une des principales raisons de laisser tomber ce projet, c'est qu'il y a d'autres possibilités qui ne nécessitent pas le transport du plutonium sur de longues distances. Le département américain de l'Énergie a une stratégie à deux volets. L'un consiste à envisager la possibilité d'utiliser du combustible MOX dans les réacteurs nucléaires et l'autre est une stratégie dite d'immobilisation qui consisterait à mélanger le plutonium avec des déchets liquides haute radioactivité et du verre liquide. La Corporation Rand, par exemple, va jusqu'à affirmer que cette dernière option coûterait moins cher que l'utilisation du plutonium comme combustible. Même si c'est une solution prometteuse, elle exigera néanmoins une extrême vigilance pour que le plutonium ne s'échappe pas dans l'environnement ou ne tombe pas entre les mains de terroristes ou d'autres qui veulent fabriquer des bombes.
En définitive, pour améliorer la sécurité de la planète, pour protéger l'environnement et la santé publique, toute séparation du plutonium devrait cesser. Les usages civils du combustible au plutonium devraient être interdits et tout le plutonium connu devrait être gardé sous un strict régime de surveillance internationale.
Quand il est question de l'industrie nucléaire, il importe aussi de tenir compte du fait que c'est une industrie irrémédiablement en déclin. C'est le cas au Canada et aussi dans le monde entier. C'est surtout le coût élevé de l'énergie nucléaire qui a nui le plus à ses perspectives commerciales. La plupart des centrales nucléaires ont été construites par des services publics monopolistes et leurs coûts étaient refilés aux consommateurs, même quand ils étaient extrêmement élevés. Les gouvernements du monde entier ont maintenant décidé pour la première fois d'ouvrir le marché de l'électricité à la concurrence et l'énergie nucléaire doit se débrouiller toute seule.
Selon une étude rendue publique par le World Watch Institute en mars 1999, après une croissance de plus de 700 p. 100 dans les années 70 et de 140 p. 100 dans les années 80, la capacité de production nucléaire a augmenté de moins de 5 p. 100 dans les années 90, jusqu'à présent. Même en France, on a décrété un moratoire sur la construction de centrales nucléaires et les autres pays européens sont en train de discuter de la vitesse à laquelle ils peuvent fermer leurs centrales nucléaires. C'est seulement dans les marchés protégés de l'Extrême-Orient, par exemple en Chine et au Japon, que de nouvelles centrales ont été commandées. En Amérique du Nord, les analystes de Wall Street et le groupe international de l'énergie à Washington prévoient que jusqu'à un tiers des réacteurs américains et canadiens sont susceptibles d'être arrêtés au cours des cinq prochaines années. Le département américain de l'Énergie prévoit qu'il y aura une brusque diminution de la production d'énergie nucléaire au cours des 20 prochaines années.
La bonne nouvelle, c'est qu'il y a d'autres sources énergétiques viables et durables pour remplacer et l'énergie nucléaire, et les combustibles fossiles.
Un autre élément important de la stratégie de survie de l'industrie nucléaire consiste à soutenir que l'énergie nucléaire est la solution au problème du changement climatique. Toutefois, selon le World Watch Institute, rares sont les gouvernements qui envisagent sérieusement de substituer l'énergie nucléaire aux combustibles fossiles.
En réalité, l'énergie nucléaire contribue au problème du changement climatique. Les combustibles fossiles sont liés à la production d'énergie nucléaire, par exemple en Ontario et dans d'autres régions qui dépendent des réacteurs nucléaires, où les centrales au charbon sont utilisées pour répondre à la demande de pointe lorsque les réacteurs nucléaires ne fonctionnent pas.
L'efficacité énergétique et l'énergie renouvelable peuvent contribuer à régler le problème du changement climatique. Une étude américaine a montré qu'un dollar investi dans l'efficacité énergétique pouvait remplacer sept fois plus de gaz à effet de serre que s'il était investi dans l'énergie nucléaire.
Dans le monde entier, on investit de plus en plus dans les nouvelles technologies énergétiques comme l'énergie solaire et l'énergie éolienne. Par exemple, l'an dernier, alors que la capacité nucléaire mondiale diminuait, la capacité éolienne a augmenté de 2 100 mégawatts. À l'échelle planétaire, l'énergie solaire a connu une croissance moyenne de 16 p. 100 depuis 1990 et l'énergie éolienne, une croissance moyenne de 26 p. 100.
Il est possible pour le Canada d'utiliser dans l'avenir une énergie durable. Les investissements canadiens peu judicieux dans l'énergie nucléaire ont faussé le marché de l'énergie. Cependant, il existe de nombreuses autres sources d'énergie prometteuses qui renforceront notre économie, protégeront notre environnement et amélioreront notre santé.
En conclusion, je crois que les sujets que je viens d'exposer méritent de faire partie d'une discussion nationale sur les problèmes énergétiques. J'espère qu'un jour, tous les Canadiens auront l'occasion de participer à un tel débat.
M. Norman Rubin, directeur, Recherche nucléaire et analyste principal des politiques, Enquête énergétique: Honorables sénateurs, il y aura 21 ans dans quelques semaines que je travaille sur ce sujet.
En écoutant mon exposé, je veux que vous gardiez présentes à l'esprit certaines idées qui vous aideront à comprendre quelques-unes de mes conclusions.
Premièrement, l'énergie nucléaire est une technologie intrinsèquement toxique. La plupart des gens savent que, pour produire de l'énergie nucléaire comme nous le faisons, il faut créer littéralement des quantités incroyables de poison. Deuxièmement, c'est une technologie intrinsèquement dangereuse. À propos, ce n'est pas vrai pour tous les modèles théoriques de réacteur, mais c'est certainement le cas de tous les gros modèles de réacteur actuellement utilisés. C'est aussi le cas du CANDU. Troisièmement, de toutes les formes d'énergie capables de produire de l'électricité, l'énergie nucléaire est la seule qui crée intrinsèquement un raccourci vers la production d'armes de destruction massive.
Quand on pense à ces trois considérations pour une usine, un commerce ou un investissement, l'une des premières idées qui vient à l'esprit si l'on songe à faire ses propres placements, c'est que c'est une façon ahurissante de gagner de l'argent. On a vraiment les mains liées.
La deuxième chose à laquelle on pense quand on se met à la place de la pauvre industrie nucléaire qui fait face à ces réalités et, d'ailleurs, la réaction naturelle que les gens sensés ou ceux qui risquent leur propre argent pourraient avoir face à une cette kyrielle de problèmes, c'est que l'honnêteté n'est peut-être pas la politique idéale. Cela m'amène à l'un des problèmes fondamentaux de l'acceptation de l'énergie nucléaire dans presque tous ses aspects par le public: un manque de confiance fondamental. Je soutiens que ce manque de confiance contribue à ce qui est perçu, du moins à l'extérieur d'Ottawa, comme un manque de confiance dans le gouvernement, parce qu'il est très difficile de distinguer les déclarations faites par l'industrie nucléaire canadienne de celles faites par le gouvernement fédéral. Cela comprend l'organe de réglementation qu'est la Commission de contrôle de l'énergie atomique qui est loin d'inspirer la confiance au public.
Ce problème d'honnêteté est sérieux et il se rapporte à certains des défis que votre comité doit relever. Où trouverez-vous des sources impartiales? Lorsque l'Association nucléaire canadienne a comparu, j'ai remarqué que vous lui aviez demandé des suggestions et qu'elle avait présenté ses témoins habituels. La plupart d'entre eux sont du fédéral ou sont des représentants d'organisations internationales auxquelles le fédéral et Chalk River envoient des représentants. Plusieurs sénateurs ont constamment réclamé des opinions indépendantes et différentes. Je soutiens qu'ils n'en ont eu aucune.
Cela me fait particulièrement plaisir à moi ainsi qu'à Mme Ostling d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie d'avoir payé mon avion jusqu'à Ottawa, ce que la Commission de contrôle de l'énergie atomique s'entête à me refuser et c'est pourquoi les exposés généralement présentés à leurs réunions ne sont pas aussi équilibrés qu'au comité.
En 1981, j'ai averti les administrateurs d'Ontario Hydro, dans une série de trois lettres mensuelles coïncidant avec le jour de leur réunion mensuelle, des risques financiers que courait Ontario Hydro en continuant d'augmenter sa capacité nucléaire. À l'époque, la centrale électrique de Pickering B était presque entièrement construite, tandis que celle de Bruce B avait quatre autres réacteurs à moitié construits et que la centrale nucléaire de Darlington n'était qu'un trou béant dans la terre.
Pas besoin de vous dire qu'ils n'ont pas suivi mon conseil. Ils n'ont même pas accepté mon offre de les rencontrer, moi qui ai une expertise internationale indépendante. Le président du conseil m'a envoyé une lettre disant qu'ils avaient toute l'expertise dont ils avaient besoin. Il a cru que, dans ma lettre, «je me servais des statistiques comme d'un épouvantail». Il a dit qu'il ne croyait pas que la dette prévue se matérialiserait et que, même si c'était le cas, leur actif aurait une valeur bien supérieure à celle de leur dette.
Si les honorables sénateurs le veulent, je pourrais produire cette correspondance. C'est un témoignage remarquable sur la raison pour laquelle nous nous retrouvons dans une telle situation aujourd'hui.
J'ai apporté des transparents pour vous montrer où nous en sommes. Ces transparents vont montrer pourquoi les affirmations de l'industrie nucléaire et du gouvernement fédéral qui prétendent que l'énergie nucléaire est compétitive ou économique devraient être non pas critiquées mais accueillies avec dérision.
Ces transparents sont tirés d'un document du ministère des Finances de l'Ontario. J'ai tout le document ici qu'on appelle le bulletin de l'Office ontarien de financement. Il date du 1er avril dernier. C'est un document récent.
Le premier transparent montre les résultats financiers de la récente restructuration de ce qu'on appelait autrefois Ontario Hydro.
Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas au courant de la situation, sachez que l'organisation appelée «Ontario Hydro» n'existe plus. La méchante sorcière est morte. Cinq entités lui ont succédé, y compris deux grandes entreprises. Le nouveau propriétaire de la capacité de production, y compris tous les réacteurs nucléaires, est aujourd'hui l'OPGI, l'Ontario Power Generation Incorporated, et le nouveau propriétaire des services de transport et de plusieurs autres avoirs est l'Ontario Hydro Services Company.
J'attire votre attention sur la colonne intitulée «dette abandonnée», en haut. Le total des dettes et du passif de l'ancienne Ontario Hydro est évalué à 38,1 milliards de dollars.
Je précise qu'à mon avis, ce montant ne représente pas le total de la dette et du passif. La somme est loin d'être assez élevée pour les déchets radioactifs et les frais éventuels de déclassement. Ce montant comprend une somme de l'ordre de 2,5 milliards de dollars dans cette catégorie. Selon Ontario Hydro, cela coûtera environ 15 ou 16 milliards de dollars courants. Cependant, la société n'a pas l'air de penser qu'il serait logique de l'indiquer dans ses livres. Le gouvernement est d'accord avec elle. Par conséquent, on n'en trouve qu'une fraction dans les livres et dans le chiffre de 38,1 milliards de dollars.
Pour calculer le montant de cette dette que les nouvelles entreprises sont incapables d'assumer, ce qu'on appelle la «dette abandonnée», on soustrait la valeur des nouvelles entreprises de production et de services qui sont évaluées à 17,2 milliards de dollars, ce qui laisse une dette de quelque 21 milliards de dollars. Je crois qu'il est entendu que la dette est abandonnée presque totalement, sauf pour quelques milliards de dollars ici et là, dont nous pourrons discuter plus tard, si vous y tenez. Elle a été accumulée surtout parce qu'ils ont décidé, ce à propos de quoi je les avais prévenus, de tout miser, sur le plan technologique et financier, sur le réacteur CANDU.
Le président: Quelle valeur peut avoir une dette abandonnée? Je ne comprends pas que les 17,2 milliards de dollars puissent avoir une valeur si on ne peut les utiliser.
M. Rubin: Ce montant de 17,2 milliards de dollars correspond à ce que valent d'après le gouvernement les lignes de transmission, Niagara Falls, les centrales au charbon, l'édifice du siège social, etc. Tous ces biens ne valent pas autant que le montant emprunté pour les construire, mais ils ne sont pas non plus sans valeur. Selon le gouvernement de l'Ontario, la valeur des nouvelles sociétés et de tous les actifs dont elles ont hérité est de 17,2 milliards de dollars. Vous retranchez cette somme de la dette pour obtenir la dette abandonnée.
Si la maison que vous avez achetée était dévaluée au point de valoir moins que l'hypothèque, vous feriez le même calcul, peut-être dans votre bilan de faillite. La banque ferait aussi ce calcul pour décider, en cas de non-paiement de l'hypothèque, si elle reprendrait la maison.
Le président: Oui, mais on ne parle pas de maison ici. En Californie, les actifs abandonnés n'avaient aucune valeur. Quand l'État s'est converti a l'électricité et a fermé les centrales nucléaires, il a dédommagé les sociétés pour leurs actifs abandonnés. Ces actifs n'ont pas été évalués parce qu'ils n'allaient plus servir à rien. Voulez-vous dire qu'on va utiliser ces biens à autre chose?
M. Rubin: Le deuxième transparent va peut-être rendre les choses plus claires.
Ce qui est clair cependant, c'est qu'il y a peu de fournisseurs ou d'industries qui ont fait perdre 20 milliards de dollars à un de leurs clients, et qu'il y en a encore moins qui auraient ensuite le front de prétendre que leur produit est concurrentiel. Si on ventile chaque élément, vous comprendrez peut-être ce qui se passe.
Le sénateur Taylor: Vous faites de l'économie vaudou.
M. Rubin: Non. C'est l'économie utilisée par le gouvernement de l'Ontario et en situation réelle parce que nous comparons ce qui a été dépensé à ce que vaut l'investissement. C'est le résultat de cette comparaison qui nous donne le chiffre de 20,9 milliards de dollars. C'est la différence entre ce qui a été dépensé et ce que les vérificateurs, les experts de l'extérieur et les financiers estiment que ça vaut vraiment. Tout le reste est théorie.
Je vais faire ressortir un ou deux chiffres qui sont essentiels pour comprendre. On peut voir, à la deuxième rangée, que les avoirs de l'OPGI, l'Ontario Power Generation Inc., comprennent tous les avoirs de production d'électricité de la défunte Ontario Hydro. Ils sont évalués à 8,5 milliards de dollars. C'est la partie production d'électricité du montant total de 17,2 milliards de dollars du transparent précédent. Les avoirs de production électrique d'Ontario Hydro, y compris Niagara Falls et toutes les autres installations hydroélectriques -- c'est-à-dire les centrales au charbon, la centrale nucléaire de Darlington, pour laquelle nous avons déboursé 14,4 milliards de dollars, les centrales Bruce A et Bruce B, Pickering A et Pickering B -- sont évalués globalement par les financiers et les experts du gouvernement à 8,5 milliards de dollars.
Le reste du transparent indique comment les dettes ont été échangées pour des capitaux propres. Essentiellement, le gouvernement de l'Ontario et Ontario Hydro confirment que les investissements dans le nucléaire se sont en grande partie volatilisés. D'après la plupart des gens que nous avons consultés et d'après nous, à Enquête énergétique, les installations hydroélectriques de la défunte Ontario Hydro valent tout près de 8 milliards de dollars. Les centrales aux combustibles fossiles valent peut-être un peu plus d'un milliard de dollars, si on évalue les avoirs nucléaires à zéro à première vue. On peut les évaluer à plus ou moins un milliard, c'est à discuter.
Je m'empresse d'ajouter que ces chiffres ont été calculés après qu'on a éliminé le passif des nouvelles sociétés attribuable au nettoyage historique -- c'est-à-dire le passif environnemental lié au déclassement et à l'élimination des déchets. Après tout ce qui s'est passé jusqu'ici, les coûts du nettoyage ne figurent nulle part dans ce bilan ni dans les chiffres indiqués précédemment.
Le dossier de la compétitivité que vous a présenté Murray Stewart, chef de l'Association nucléaire canadienne, repose sur deux arguments. Premièrement, il prétend que toutes les centrales nucléaires en fonction et que la trentaine de centrales qui sont en construction, qu'on en finisse les travaux ou non, ont été construites uniquement pour des raisons économiques. Deuxièmement, il souscrit à une étude théorique de RNCan qui est fondée sur ce qu'on appelle le coût unitaire moyen de l'énergie.
M. Stewart a tort dans le premier cas. Il n'y a pas une centrale nucléaire au monde qui a été construite pour ce que j'appelle des «raisons économiques». On a en construit beaucoup pour créer des empires et donner des promotions, et environ le tiers d'entre elles ont été construites par habitude par ceux qui étaient devenus constructeurs de centrales nucléaires. Je peux parler en connaissance de cause d'Ontario Hydro, parce que j'ai suivi l'entreprise pendant 21 ans. D'après moi, on parle d'économie seulement pour faire de l'esbroufe. Je vais m'exprimer autrement pour me faire mieux comprendre: aucune centrale nucléaire en fonction aujourd'hui n'a été construite par des investisseurs sérieux désireux de réaliser des profits.
Je suis sûr que personne parmi nous, et probablement aucun de nos enfants, ne vivra assez longtemps pour assister à la construction de centrales nucléaires par des investisseurs sérieux. On peut en acheter une bon marché ou pour en récupérer les pièces -- ce qui s'est déjà fait et se fera encore -- mais personne n'investirait son propre argent pour payer une centrale au plein prix et risquer de perdre 20 milliards de dollars.
Les études sur le coût unitaire moyen de l'énergie sont faciles à trouver mais difficiles à croire. Il est facile de prouver en théorie qu'une future centrale nucléaire pourrait être concurrentielle, ou presque, en pouvant produire des énergies de remplacement. Ontario Hydro a essayé et a fait faillite. D'importantes audiences ont eu lieu en 1990 et en 1991 sur les projets d'expansion d'Ontario Hydro, quand la centrale nucléaire de Darlington enregistrait des dépassements de coûts tels qu'elle n'arrivait plus à faire ses frais. Même si son rendement est bon, il n'est pas suffisant parce qu'il ne rapporte pas assez. C'est clairement ce que les audiences sur la demande et l'offre, comme on les a appelées, tenues en Ontario, ont fait ressortir. Durant ces audiences, Ontario Hydro a révisé ses premières prévisions optimistes sur le coût théorique de l'énergie en fonction d'une nouvelle centrale nucléaire théorique. À cette époque, quand les coûts de la centrale de Darlington étaient exorbitants et que la centrale était sur le point de produire l'énergie la plus chère au Canada, Ontario Hydro a décidé, en s'inspirant d'une étude théorique sur le coût unitaire moyen de l'énergie, que la prochaine génération de centrales nucléaires allaient, en théorie, coûter moins cher. C'est la différence entre la théorie et la réalité.
En réalité, il y a un million de façons de perdre sa chemise en investissant dans le nucléaire et bien peu de façons de rentrer dans ses frais. En théorie, tout est possible.
M. Stewart, chef de l'Association nucléaire canadienne, a dit que le réacteur CANDU assurait la sécurité de l'approvisionnement. De toute évidence, il ne se préoccupe pas autant que moi d'avoir un café chaud et de voir clair le matin à son réveil.
Il est assez évident pour nous en Ontario que le réacteur CANDU ne peut pas assurer l'approvisionnement.
Le seul avantage de notre mélange de sources d'énergie, c'est qu'Ontario Hydro a tellement voulu accroître sa capacité de production qu'on peut maintenant se permettre de laisser tomber presque tous nos réacteurs nucléaires sans manquer d'électricité. C'est une bonne chose parce que, de temps en temps, on perd effectivement presque toute notre capacité nucléaire.
Le transparent suivant montre pourquoi vous n'avez jamais vu récemment d'annonce proclamant que cinq ou six des dix meilleurs réacteurs du monde sont des CANDU. C'est parce que ce n'est pas vrai et ce, depuis des années.
J'ai un document que nous avons obtenu récemment d'Ontario Hydro grâce à la loi d'accès à l'information, puisque l'entreprise n'est plus exemptée de son application. Nous avons soumis une demande à la dernière minute et c'est l'un des documents que nous avons reçus. Il indique où se situe la fiabilité des réacteurs CANDU d'Ontario Hydro par rapport aux réacteurs du monde entier. Pour la durée de vie, les réacteurs s'étalent entre le 4e et le 333e rang. Il y en a un dans les 10 premiers, pas de cinquième, sixième, septième ou un autre rang assez élevé comme on le dit dans la publicité.
Pour l'année la plus récente -- qui, pour une raison ou pour une autre, semble être 1996 -- on voit que les chiffres tournent autour de 350. Comme vous l'ont dit les représentants de l'association nucléaire, il y a environ 400 réacteurs. En moyenne, il y en a beaucoup plus de réacteurs d'Ontario Hydro dans la centaine avancée que dans les dizaines.
Le président: Je n'y comprends rien, monsieur Rubin.
M. Rubin: Ce transparent classe les 400 réacteurs selon les fois où ils ont approché de la pleine capacité lorsqu'ils fonctionnaient à plein régime 24 heures par jour, 365 jours par année.
Une centrale électrique, c'est une usine qui fabrique un produit de valeur et toute une série de cochonneries. Le produit de valeur, c'est l'électricité. Si la centrale ne produit pas d'électricité, ses propriétaires feront faillite parce qu'ils auront à payer l'hypothèque sans tirer aucun rendement de leur investissement. Si on veut arriver à payer son hypothèque, il faut produire quelque chose qui a de la valeur.
Le sénateur Taylor: Est-ce que ça veut dire que le réacteur 2 de la centrale nucléaire Darlington accusera une perte pendant 333 ans?
M. Rubin: Non. Il s'est classé 333e sur 400 environ.
Le sénateur Taylor: Quelle est la différence entre les deux colonnes?
M. Rubin: La première colonne représente une moyenne étalée sur la durée de vie, tandis que la seconde colonne représente une seule année, 1996. Le rang indique le fonctionnement du réacteur pendant l'année et comment les réacteurs se comportent, depuis leur mise en service, par rapport aux réacteurs du monde entier.
Le sénateur Taylor: Que signifie le nombre 79e sous 1996 pour Darlington?
M. Rubin: Ça veut dire que le réacteur s'est classé au 79e rang parmi les 400 réacteurs du monde.
Le sénateur Taylor: Lorsqu'il fonctionne à quel pourcentage de sa capacité?
M. Rubin: J'ai les chiffres et je peux vous les donner, mais je n'ai pas préparé de transparent.
Le sénateur Taylor: Je veux juste savoir ce que vous nous montrez sur ce transparent.
M. Rubin: Le chiffre ne correspond pas à un pourcentage, sénateur. Ce que vous voyez, c'est un rang.
Le sénateur Taylor: Le réacteur 2 de la centrale nucléaire Darlington se classe au 79e rang pour sa capacité de produire à plein rendement.
M. Rubin: C'est exact, en 1996.
Le sénateur Taylor: Que veut dire «333»?
M. Rubin: Ce chiffre indique son rang pour la durée de vie par rapport aux autres réacteurs du monde pour la production pendant la durée de vie, en comparaison de la production à plein rendement, depuis la mise en service jusqu'à la fin de 1996.
Le sénateur Taylor: Ce réacteur n'est pas très efficace. Je comprends. Toutefois, son rendement s'est amélioré en 1996 puisqu'il se classe alors au 79e rang.
M. Rubin: C'est exact. L'année 1996 a été bonne pour ce réacteur. Il y a manifestement eu plusieurs très mauvaises années, sinon le rang pour la durée de vie ne serait pas aussi mauvais. Pour d'autres réacteurs, c'est le contraire.
Le sénateur Taylor: Le réacteur 8 s'est assez bien classé par rapport à sa durée de vie, mais il a vraiment mal performé en 1996, c'est bien ça?
M. Rubin: C'est ça. En général, on constate que le rang pour 1996 est pire -- c'est-à-dire que le chiffre est plus élevé -- que le rang pour la durée de vie.
Les réacteurs d'Ontario Hydro se classent généralement mieux si on utilise les chiffres pour toute leur durée de vie que les classements annuels, et ce serait aussi le cas pour 1997 et 1998. C'est comme si je disais que je prévois courir le cent mètres en bien plus d'une demi-heure en moyenne pendant plusieurs années après ma mort, même si ma vitesse actuelle n'est pas très impressionnante.
Le président: Se pourrait-il que le rendement maximal ne soit pas efficace?
M. Rubin: Selon le sens que je donne à ce mot, ce serait possible. On parle souvent à tort d'efficience pour décrire la production, surtout quand on fait une comparaison avec le plein rendement. On ne devrait pas parler d'efficience. C'est ce que j'appelle plutôt la «fiabilité». D'après le sens que lui donnent les ingénieurs, l'efficience c'est le rapport entre le produit utile -- l'électricité -- qui en sort et la chaleur produite dans le réacteur. De ce point de vue, tous les réacteurs fonctionnent à 30 p. 100 de leur capacité, à 1 p. 100 près.
Le président: Vous voulez donc nous montrer qu'à votre avis, les réacteurs de l'Ontario sont vraiment de mauvaise qualité.
M. Rubin: Je veux vous faire remarquer que l'une des multiples façons de perdre tout ce qu'on a quand on investit dans des réacteurs CANDU, c'est de ne pas faire fonctionner les réacteurs de façon fiable. S'ils ne produisent pas de revenus, s'ils ne produisent pas d'électricité et s'ils se classent au-delà du 300e rang sur une possibilité de 400, ils ne rapporteront jamais assez pour faire leurs frais.
Le réacteur 3 de Darlington n'arrive pas encore à faire ses frais, même lorsqu'il se classe au 4e rang dans le monde, tout simplement parce qu'il coûte trop cher.
Le sénateur Taylor: Est-ce que Tchernobyl se trouve parmi ces statistiques?
M. Rubin: Peut-être. Il se classe certainement bon dernier, mais il ne doit pas être le seul en 1996. Plusieurs de ces réacteurs ont été arrêtés pendant presque toute l'année 1996 et c'est pourquoi ils se classent parmi les derniers. Ils disputent le 400e rang aux autres réacteurs qui étaient déjà arrêtés.
À l'heure actuelle, huit des réacteurs CANDU d'Ontario Hydro ne produisent pas d'électricité. En fait, ils utilisent quelques centaines de milliers de dollars d'électricité chaque année, toujours selon ce document.
Le président: Combien de réacteurs d'Ontario Hydro fonctionnent en ce moment?
M. Rubin: Huit sont arrêtés. Comme il y en a 20 en tout, il y en a donc 12 qui fonctionnent plus ou moins, mais peut-être pas aujourd'hui même. En général, il y en a toujours quelques-uns d'arrêtés à un moment donné. Douze fonctionnent cette année.
Je vous ai apporté cette image qui vaut peut-être mille mots. Le transparent suivant dépeint l'une des meilleures centrales nucléaires. Il représente une page de ce qu'on appelle un diagramme de puissance. Ontario Hydro en produit presque tous les mois pour chacune de ses centrales nucléaires. Les quatre bandes larges représentent les quatre réacteurs de la centrale nucléaire B de Pickering. C'est un tableau de l'année 1996.
Les grosses bandes noires que vous voyez, qui commencent au début d'avril et finissent soit à la mi-juin, soit à la mi-novembre, sont expliquées dans le coin supérieur droit; elles indiquent les déclassements et indisponibilités forcés. Autrement dit, ces bandes noires représentent les périodes de production nulle auxquelles les propriétaires des centrales ne s'attendaient pas.
Le président: Ce n'est pas parce que c'était l'été et qu'on utilisait moins d'électricité.
M. Rubin: Vous avez raison. Ce n'est certainement pas parce que c'était l'été. Quiconque investit des milliards de dollars dans une centrale nucléaire et décide ensuite de l'arrêter au lieu d'arrêter autre chose qui consomme plus de combustible n'a probablement pas pu trouver assez d'argent pour la faire fonctionner ce jour-là.
Ça s'est produit à cause d'une bourde. Franchement, c'est arrivé à cause d'une combinaison de matières toxiques, de méthodes intrinsèquement dangereuses et d'erreur humaine. Si je vous avais apporté le graphique pour la centrale A de Pickering, les quatre réacteurs les plus anciens à cet endroit, vous auriez vu que les bandes noires commencent au même point mais sont plus longues. Les huit réacteurs ont été arrêtés en même temps. Je veux que vous vous rappeliez cette image lorsque vous songerez à la question de la sécurité de l'offre. L'offre est-elle vraiment assurée? Ne faut-il pas se réjouir de ne pas s'être fiés à cette centrale pour nos besoins en électricité?
Le sénateur Taylor: Pourquoi y a-t-il eu toutes ces bourdes? Est-ce parce que c'était l'été?
M. Rubin: C'était en avril, sénateur. J'ignore pourquoi il y a eu ce bris de tuyau en avril. Je crois que les ingénieurs ne savent pas non plus pourquoi c'est arrivé en avril. Néanmoins, un tuyau s'est brisé en avril. Ça a donné la trouille aux organismes de réglementation et aux propriétaires. Ils ont fermé les huit réacteurs en attendant de découvrir ce qui avait bien pu se passer. Le plancher de l'édifice était couvert d'eau lourde, radioactive de surcroît, et ils ignoraient pourquoi. Il s'avère que c'était à cause d'une construction mécanique extraordinairement mal faite à Chalk River pour Ontario Hydro. On l'avait renvoyée une première fois, mais on n'a pas eu l'intelligence de la renvoyer une deuxième fois. Voilà l'un des nombreux problèmes qui ont été découverts grâce à l'excellent suivi de l'incident effectué par la Commission de contrôle de l'énergie atomique.
Le président: Le diagramme que vous montrez représente-t-il quatre mois?
M. Rubin: Ce que vous voyez, c'est toute la période d'indisponibilité du réacteur qui commence au début d'avril et se termine au début de juillet.
Le sénateur Taylor: Avez-vous ces données pour les 20 réacteurs?
M. Rubin: Je ne les ai pas toutes apportées avec moi mais, oui, j'en ai pour tous les réacteurs.
Le sénateur Taylor: C'est certainement le pire.
M. Rubin: Non, ce n'est pas le pire. Il y en a huit qui ne fonctionnent pas du tout depuis un an. J'ai apporté le diagramme qui montre quelques mois particulièrement mauvais pour un réacteur qui fonctionne bien en général. Je n'ai pas fait de comparaison avec le transparent précédent, mais je vais le faire maintenant.
Le réacteur 7 de la centrale de Pickering arrive au 19e rang dans le monde. Il se trouve à la troisième ligne du tableau. C'est ce qu'on pourrait appeler un bon réacteur nucléaire. Ce qu'il faut se demander, c'est s'il faut s'y fier pour faire son petit café le matin, pour éclairer sa maison ou, Dieu m'en garde, pour faire marcher son poumon d'acier.
Ce n'est pas ce que j'appelle la sécurité de l'offre ou la fiabilité. Quiconque emploie ces termes pour qualifier cette technologie a une définition différente de la mienne. S'il y avait un système de cogénération dans chaque usine de l'Ontario, la probabilité de perdre toute énergie tout d'un coup serait nulle à la première approximation et nulle à la seconde. Quand on a huit énormes réacteurs les uns à côté des autres qui sont du même modèle et qui ont les mêmes points faibles, le même exploitant et les mêmes techniciens, non seulement le risque de tout perdre est plausible, mais il y a des précédents. Il n'en faut pas beaucoup pour comprendre que ça pourrait arriver puisque ça s'est déjà produit. J'en ai ici la preuve photographique et Pickering A ressemble énormément à Pickering B durant cette période. On n'a rien tiré de tout cet investissement pendant les mois d'indisponibilité.
Le sénateur Cochrane: Avez-vous la preuve des bris de tuyaux?
M. Rubin: Oui et les journaux en ont énormément parlé à l'époque.
Le sénateur Cochrane: Et le réacteur 8?
M. Rubin: Tous les réacteurs ont été arrêtés par mesure de précaution puisqu'ils sont tous du même modèle. Il se passait plusieurs choses à l'époque. D'abord, une technologie intrinsèquement dangereuse avait connu une défaillance inattendue pour une raison inconnue. Lorsqu'une telle chose arrive, le propriétaire ou l'organisme de réglementation se doit par prudence d'arrêter d'abord les réacteurs et de se poser des questions ensuite. On ne peut pas les faire fonctionner sans savoir pourquoi il y a des bris.
Comme l'indisponibilité a duré des mois, ça veut dire qu'on a trouvé quelque chose d'assez grave chez tous ces réacteurs. Si je me souviens bien, l'accident lui-même s'est produit à l'un des réacteurs de Pickering qui ne figure pas sur ce diagramme. Il me semble que c'est arrivé au réacteur 2, mais je pourrais me tromper.
Il n'y a pas que le réacteur où il y a eu un accident qui cesse alors sa production et perd sa productivité; c'est pareil pour tous les autres réacteurs semblables. J'ajouterais que s'il était question d'une usine de bonbons, il serait inutile de fermer celle où il y a eu un accident et encore moins les autres à côté. Si on a tout arrêté, c'est précisément parce que ce n'est pas des bonbons qu'on trouve dans ces réacteurs, mais certaines des matières les plus toxiques jamais créées par les humains. La conception même des réacteurs est dangereuse puisque les matières cherchent à s'échapper et qu'il faut prendre des mesures pour les en empêcher. Quand on met tout ça ensemble, on imagine le défi des propriétaires, des organismes de réglementation et des voisins.
Je voulais aborder plusieurs questions concernant les déchets haute radioactivité et corriger certaines affirmations de l'Association nucléaire canadienne, mais je crois qu'il serait préférable maintenant de répondre à vos questions. Je vous remercie de m'avoir écouté.
Le président: Merci, monsieur Rubin. Si vous aviez des recommandations précises que nous pourrions transmettre, quelles seraient-elles?
M. Rubin: Évidemment, la priorité de l'Association nucléaire canadienne, c'est d'obtenir des fonds publics.
Le président: Dans quel but?
M. Rubin: Pour que l'industrie survive. Si vous comprenez et croyez ne serait-ce que le dixième des chiffres officiels du gouvernement que je viens de vous présenter, vous êtes à même de comprendre à quel point les subventions fédérales versées pour la conception et la commercialisation des réacteurs CANDU sont importantes pour l'industrie et à quel point aussi la mise au point d'un mécanisme propre est importante puisque ça permettrait de canaliser encore plus d'argent vers l'industrie.
Je vous prie de faire un second examen objectif de tout projet d'investir davantage dans cette technologie. Je crois que les dettes contractées par des gouvernements étrangers pour acheter nos réacteurs pourraient être déclarées odieuses avant même que les réacteurs aient 10 ans.
Je crois aussi qu'il est très risqué que le Canada soit tenu responsable à cause de l'argent qu'il prête à la Chine pour acheter une technologie dont on sait qu'elle n'est pas fiable. Cette technologie a déjà mis Ontario Hydro en faillite. Comment pourra-t-on feindre l'étonnement dans 10 ou 15 ans lorsque la Chine nous dira être incapable de rembourser le prêt de 1,5 milliard de dollars, garanti par les contribuables canadiens, parce que les réacteurs CANDU ne sont pas rentables?
De même, comment pourrait-on s'étonner que la Turquie, tout comme la Corée ou la Roumanie d'ailleurs, connaisse les mêmes difficultés? Comment peut-on prétendre ignorer les faits alors qu'ils ont été publiés dans des documents officiels?
Si de nouveaux gouvernements sont portés au pouvoir dans ces pays, ils pourront probablement invoquer que les dettes n'ont pas été contractées licitement, que c'était un régime répressif qui investissait pour mousser son propre prestige dans des choses considérées comme de mauvais investissements même par le vendeur, et ils nous enverront paître.
Une telle perspective justifie certainement un second examen objectif.
Je crois avoir entendu le sénateur Wilson dire qu'elle sera à l'ordre du jour demain. Elle pourra donc vous en parler plus longuement que moi. Je crois néanmoins que presque toutes les différences entre les recommandations du groupe de travail sur les déchets haute radioactivité et ce que fait effectivement le gouvernement sont importantes et qu'on a est pire que ce que le groupe a recommandé.
La première recommandation qui me vient à l'esprit, c'est la révision exhaustive de la réglementation et des politiques de la CCEA sur l'évacuation des déchets radioactifs, après une franche consultation populaire. Le gouvernement est resté muet. Il a dit non pas qu'il la rejetait, mais que les choses se passaient déjà ainsi et ça, d'après mon expérience, c'est sa façon à lui de rejeter une recommandation. La recommandation demande qu'on en fasse plus. Le gouvernement répond qu'il en fait déjà plus, comme si le groupe de travail n'était pas au courant de ce qui se fait déjà. C'est le cas classique.
Vous devriez vous pencher là-dessus. Le plus grave dans le cas des déchets haute radioactivité au Canada, c'est qu'on n'a toujours pas d'argent pour s'en occuper. Nous sommes tous convenus que c'est au pollueur de payer et le groupe de travail l'a dit très clairement. Nous convenons tous que ce n'est pas à nos enfants de payer pour ça, que les tiers innocents ne devraient pas avoir à payer. Où est passé l'argent? On ne l'a pas mis de côté. Il n'y a pas de fonds réservés et, bien franchement, je ne suis pas convaincu que le gouvernement fédéral, même s'il a un rôle de supervision, veillera à ce que la somme soit rassemblée assez rapidement.
Le document secret du cabinet que j'ai rendu public il y a quelques mois n'a fait que confirmer mes appréhensions. Dans ce document, il est évident que la principale crainte du gouvernement, du cabinet, des fonctionnaires ou de quiconque l'a rédigé, c'est que si ces déchets n'ont plus de propriétaires, si leurs propriétaires n'ont pas assez d'argent pour les évacuer dans les règles, le gouvernement fédéral pourrait avoir à en assumer les frais. Nulle part dans le document il n'est dit qui devrait assumer cette responsabilité si les propriétaires ne mettent pas assez d'argent. Il n'est dit nulle part qu'il est important que quelqu'un fournisse l'argent. Ça ne va pas se disperser comme par enchantement. Il ne faut pas oublier de quelle matière il est question. Quelqu'un doit en assumer la responsabilité si les parties qui ont créé ce gâchis refusent de s'en occuper ou ne le peuvent pas. La question n'est abordée nulle part dans le document. On ne parle que de manoeuvres juridiques. On dit que le ministère de la Justice doit examiner l'affaire pour s'assurer que les contribuables fédéraux ne seront pas tenus responsables en bout de ligne. On ne précise pas du tout qui devrait l'être.
À mon avis, voilà des sujets très importants qui devraient faire l'objet d'un second examen objectif.
Le sénateur Cochrane: Est-ce que la pollution causée par d'autres sources d'énergie vous inquiète? Si on a encore besoin d'une certaine quantité d'énergie, que faut-il dire au gouvernement ontarien? Faites brûler plus de charbon? Nous connaissons tous les difficultés que connaît l'industrie du charbon en Nouvelle-Écosse. Que feriez-vous?
M. Rubin: Je vous remercie de poser la question. À propos, Enquête énergétique fait partie de l'Ontario Clean Air Alliance, qui comprend l'Ontario Medical Association et presque tout le monde qui compte en Ontario, croirait-on. L'Alliance a été formée surtout pour s'opposer à ce qu'Ontario Hydro accroisse la production de ses centrales thermiques au charbon pour remplacer ses centrales nucléaires inutilisables.
À mon âge, je me souviens de l'époque où la plupart des habitants de l'Ontario croyaient dur comme fer que les seules sources d'énergie possibles, selon Ontario Hydro, étaient le charbon et le nucléaire. Heureusement, j'ai vécu assez longtemps pour arriver à une époque où la plupart des habitants de l'Ontario dont le quotient intellectuel dépasse 100 n'y croient plus. Le problème que le monopole autrefois appelé Ontario Hydro a eu, c'est que trop de concurrents ne voulaient rien savoir du charbon ni du nucléaire. Il y a bien trop de méthodes plus intéressantes, fiables et propres pour produire de l'électricité à moindre coût. La formule qui l'emporte en Ontario, c'est la cogénération, bien souvent la centrale à cycle mixte, dont l'efficacité est extrêmement élevée puisqu'elle se situe d'habitude à plus de 90 p. 100 en utilisant comme combustible le gaz naturel.
L'Association nucléaire canadienne vous a dit que la centrale à cycle mixte au gaz naturel peut réduire les émissions de CO2 de moitié, ce qu'elle a sensiblement sous-évalué. La réduction est d'environ 70 p. 100 si on compare la centrale à cycle mixte au gaz à la centrale thermique au charbon. La cogénération, dont la production de chaleur sert aussi à remplacer d'autres combustibles, permet une réduction d'environ 80 p. 100. C'est cinq fois moins d'émissions de CO2 que le charbon et l'électricité au charbon pour répondre à la même demande quand on emploie la cogénération au gaz naturel. C'est vrai qu'on n'arrive pas à 100 p. 100, mais c'est déjà pas mal. Seules l'énergie renouvelable n'entraîne aucune émission.
Dans de nombreuses parties du globe, la concurrence est autorisée entre sources d'énergie renouvelable et sources conventionnelles pour la production d'électricité. C'est le cas des États-Unis et l'Ontario sera bientôt du nombre. Dans ces endroits, les producteurs d'énergie renouvelable, les parcs d'éoliennes et les centrales hydroélectriques de petite taille ont plus de facilité à trouver des investisseurs et des clients que les centrales au charbon et au nucléaire. Aucune centrale nucléaire n'est en construction où que ce soit et on trouve rarement des investisseurs pour construire une nouvelle centrale au charbon. Toutefois, la construction de centrales d'énergie renouvelable n'est pas rare, même si ce n'est pas subventionné. Il y a toutes sortes d'énergie renouvelable et Mme Ostling en a mentionné quelques-unes.
Le sénateur Cochrane: Croyez-vous que l'énergie solaire et l'énergie éolienne soient des sources d'énergie réalistes?
M. Rubin: Vous, est-ce que vous croyez qu'il est réaliste de produire de l'électricité avec des réacteurs CANDU? Tout cela est relatif. C'est certainement réaliste quand il y a de nouvelles sources d'électricité dans un marché concurrentiel où les clients peuvent choisir leur producteur d'électricité. Et on aura maintenant un marché concurrentiel en Ontario. Dans 13 ou 14 mois probablement, je pourrai choisir de quelle source j'achèterai mon électricité. Je suis pas mal certain que je ne vais pas l'acheter d'une centrale nucléaire ni d'une centrale au charbon. Je ne sais pas encore si je l'achèterai d'une organisation qui utilise une énergie renouvelable. Ça dépendra du prix. J'ai un budget à respecter.
Le sénateur Cochrane: Sauront-ils produire toute l'énergie dont vous avez besoin?
M. Rubin: Vous savez certainement que l'électricité est un produit fort intéressant. L'électricité alimente un réseau. L'énergie, sous forme d'électrons, se dirige où elle veut. On ne sait pas vraiment qui utilisent quelles sources d'électricité. On demandait souvent à Ontario Hydro de dire quels clients étaient desservis par quelle centrale, mais il est tout à fait impossible de le savoir.
Je ne voudrais pas avoir de l'électricité uniquement quand il vente pas plus que je ne m'attends à avoir de l'électricité uniquement quand Pickering fonctionne. Ce sont deux bons moyens de geler dans le noir. Je vous ai montré les tableaux. Je pourrais vous montrer les tableaux pour l'énergie éolienne et, croyez-moi, Pickering fait dur à côté de ça. Durant les trois mois où les huit réacteurs de Pickering étaient arrêtés, il y a eu beaucoup de journées venteuses, mais pas beaucoup de journées productives pour Pickering.
Le sénateur Cochrane: Ça dépend où on vit.
M. Rubin: Oui, c'est vrai. L'énergie éolienne alimente donc un réseau. Il y a actuellement des clients en Alberta qui payent volontiers une prime pour acheter de l'électricité produite par le vent. C'est ainsi qu'il y a quatre ou cinq éoliennes déjà installées. On fonctionne pour ne pas avoir de coûts de distribution. Le distributeur -- en Ontario, c'est l'entreprise Independent Market Operator -- envoie l'énergie chaque fois qu'elle est disponible.
Lorsqu'il vente, un autre fournisseur cède sa place sur le réseau et, quand l'énergie est disponible, son combustible est gratuit. Quand il n'y en a pas, une autre source doit répondre à la demande.
Je pense que personne n'achètera de l'électricité entièrement produite par une éolienne, mais les gens achèteront de l'électricité entièrement produite par des sources renouvelables. L'avenir nous dira quel supplément il faudra payer pour ça en Ontario. On sait déjà qu'en Alberta et ailleurs, certains sont prêts à payer plus cher. Je douterais que même les membres de l'Association nucléaire canadienne soient disposés à payer une prime pour l'énergie nucléaire. Peut-être que je me trompe. Que la meilleure technologie l'emporte!
Le sénateur Cochrane: Quand croyez-vous qu'on pourra offrir aux consommateurs ontariens une électricité entièrement produite par des sources renouvelables?
M. Rubin: Probablement que le jour où il y aura des concurrents, on offrira des forfaits. Mais je ne sais pas quelle nouvelle production sera disponible d'ici là.
À Toronto, il y a la Toronto Wind Energy Co-op ou TWEC qui tente de trouver un endroit pour construire une éolienne de taille respectable. Elle veut la financer en vendant des parts selon la formule de la coopérative. Jusqu'à présent, elle a bien mieux réussi à trouver des acheteurs pour ses parts qu'un endroit où construire.
En supposant qu'elle trouve éventuellement un emplacement et qu'elle arrive à surmonter tous les obstacles, les consommateurs achèteront presque exclusivement de l'électricité produite par une éolienne. Autrement dit, l'éolienne produira plus d'électricité que ses actionnaires n'en consommeront les jours de vent et beaucoup moins les jours où il ne ventera pas. Il y aura vente et achat d'électricité et les coûts varieront à chaque période de facturation.
La vente d'électricité s'est toujours apparentée à une sorte de réalité virtuelle. Sur papier, le consommateur achète d'un producteur donné, mais en réalité, il achète d'un réseau de fils interconnectés sans savoir le moins du monde d'où vient cette énergie.
Le sénateur Cochrane: Est-ce que ce réseau s'étend ailleurs au Canada, en dehors de l'Ontario?
M. Rubin: Il y a une certaine interconnexion entre les provinces, mais ça n'a rien de commun avec l'interconnexion du réseau à l'intérieur d'une province. S'il était possible de teindre l'électricité, on pourrait la suivre pour savoir où elle va. Évidemment, la distance a son importance. Presque toute l'électricité utilisée par ceux qui vivent à Pickering provient de la centrale nucléaire, quand elle marche. Ceux qui sont plus loin de la centrale n'en reçoivent pas beaucoup, mais il y a quand même une interconnexion.
Les réalités contractuelles et financières dans le domaine de l'électricité sont toujours quelque peu différentes des réalités matérielles.
Le président: Madame Ostling, devrait-on s'inquiéter? Vous dites qu'il y a actuellement au Canada 200 millions de tonnes de résidus et un million de faisceaux de combustible irradié stockés. Devrait-on s'inquiéter à votre avis?
Mme Ostling: On devrait certainement s'inquiéter. Il faut régler comme il faut le problème du déclassement des déchets radioactifs, surtout en ce qui concerne les déchets haute radioactivité, le combustible irradié et les résidus d'uranium.
Tout le cycle nucléaire produit d'autres déchets. Par exemple, à la fin de la durée de vie d'une centrale nucléaire, c'est toute l'installation qui doit en quelque sorte être déclassée.
On n'a pas encore trouvé de solution bien nette à ces problèmes. Il faut s'en inquiéter. Il faut analyser les solutions.
Le président: Il semble donc inacceptable que, dans l'intervalle, on autorise l'importation de plutonium destiné à être stocké.
Mme Ostling: En effet. Comme on n'a pas réglé le problème des déchets nucléaires au Canada, pourquoi importe-t-on du plutonium d'armement? En outre, pourquoi est-ce qu'on fait ça quand on sait que ça n'éliminera pas le plutonium? Pourquoi le Canada veut-il essayer d'absorber les restes de la guerre froide d'une ancienne superpuissance? Ce n'est pas une solution au problème. Personne ne peut nier qu'il faut absolument régler le problème du plutonium d'armement.
Le sénateur Taylor: N'est-il pas prévu dans le traité START I de réduire les armements nucléaires de la Russie et des États-Unis qui, évidemment, renferment du plutonium? Je croyais que toutes les nations ayant des réacteurs nucléaires avaient accepté d'utiliser le plutonium déclassé. C'est la seule façon de procéder sinon, il faudra le stocker. Les réacteurs peuvent brûler le plutonium, ce qui réduira la demande pour l'uranium 235, au grand malheur des producteurs d'uranium.
Le traité START II est pour bientôt. Il faut bien mettre le plutonium d'armement quelque part. On peut le stocker dans la terre ou, encore mieux, le brûler dans des réacteurs nucléaires et le convertir en déchets bien moins radioactifs que les résidus de plutonium mêmes. Autrement dit, on brûle le plutonium. Je croyais qu'on avait accepté le plutonium afin de coopérer au désarmement nucléaire.
Mme Ostling: Je ne crois pas que cela se fasse dans le cadre du traité START I.
M. Rubin: Sénateur, vous songez peut-être à un accord conclu par plusieurs pays, dont la Russie et les États-Unis, au sujet de l'uranium très enrichi qui est aussi utilisé dans les armes nucléaires. La Russie s'est retrouvée avec un immense stock d'uranium très enrichi et il a été convenu qu'elle le mélangerait graduellement à de l'uranium soit naturel, soit appauvri, c'est-à-dire l'uranium 238, l'élément le moins radioactif, le moins fissile de l'uranium. La Russie le mélangera donc pour l'appauvrir afin qu'il puisse être utilisé dans les réacteurs nucléaires conventionnels.
L'accord est en vigueur. J'ajouterais qu'une fois l'uranium très enrichi mélangé pour en faire un uranium utilisable dans un réacteur, il est extrêmement difficile de recréer de l'uranium très enrichi. Il y a séparation isotopique de l'uranium, une technique compliquée et très chère. Par conséquent, c'est une matière qui n'est plus considérée comme un risque de prolifération.
Le plutonium dont il est question maintenant est très différent. Le plutonium a aussi été mélangé avec de l'uranium naturel ou appauvri, mais il est chimiquement différent. C'est un élément différent. Il suffit d'avoir fait de la chimie au secondaire pour arriver à le séparer. Cette matière est donc encore utile pour les armes stratégiques. Selon l'Académie nationale des sciences des États-Unis, le combustible MOX -- le combustible au plutonium qui contient un certain pourcentage de plutonium d'armes nucléaires et de l'uranium pour le reste -- doit être conservé selon la norme applicable au stockage des armes nucléaires.
Le sénateur Taylor: J'ai cru comprendre que si l'on utilisait le plutonium dans nos centrales nucléaires, il n'y en aurait plus. Comme vous l'avez dit, c'est vrai qu'il pourrait y avoir un détournement entre l'extraction des armes et l'arrivée à la centrale nucléaire et qu'on pourrait alors s'en servir pour faire sauter tel pays, par exemple, mais je pense qu'on sous-évalue la capacité de production de bombes dans le monde. Je pense que ceux qui en fabriquent sont bien moins nombreux que ceux qui savent comment le faire. Je pense qu'on est en train de faire ce qu'il faut en se servant du plutonium comme combustible dans nos centrales nucléaires pour le détruire. Autrement, il faudrait le stocker et il pourrait servir à faire des bombes.
Mme Ostling: On retrouve souvent cette erreur dans les journaux. Certains pensent à tort que le plutonium d'armement sera éliminé si ce combustible MOX est brûlé dans un réacteur CANDU. En réalité, il sera mélangé aux résidus haute radioactivité et les terroristes ou ceux qui veulent fabriquer des bombes y auront effectivement plus difficilement accès parce qu'il sera sous forme de combustible irradié.
A priori, ça a l'air d'une bonne idée, mais quand on examine la question de plus près, on constate que ça provoquera une foule d'autres problèmes. Par exemple, ça fera croire aux autres pays qui possèdent des CANDU que rien ne s'oppose à la combustion de plutonium dans les réacteurs. Or, on sait que le plutonium est un élément important des armes nucléaires.
Le sénateur Taylor: Mais une fois qu'il a été utilisé, on ne peut plus s'en servir pour faire une bombe.
Mme Ostling: Oh! que si. Voilà une autre idée fausse importante. On peut faire des bombes avec le plutonium qui se trouve dans du combustible irradié. J'ai de la documentation là-dessus.
M. Rubin: On veut parler de la relative facilité d'un mauvais usage. Pour régler ce que j'appelle le «problème à moyen terme», l'objectif visé par les spécialistes du désarmement, la National Academy of Science et d'autres, il y a la norme applicable au combustible irradié. C'est beaucoup plus compliqué de faire mauvais usage du combustible irradié qui renferme du plutonium parce que si on y touche, on meurt. Il est beaucoup plus difficile d'en extraire le plutonium pour fabriquer des armes nucléaires que de prendre les charges dans les ogives pour faire d'autres ogives. C'est beaucoup trop facile.
Le sénateur Taylor: Quelle solution proposez-vous?
M. Rubin: La solution que Mme Ostling et moi privilégions, c'est celle qu'elle a mentionnée et que le département américain de l'Énergie et l'Académie nationale des sciences des États-Unis ont aussi retenue, c'est-à-dire oublier le réacteur et tout bonnement utiliser les déchets qui restent après la séparation du plutonium pour les remélanger. Je sais que c'est contre-intuitif, mais il s'avère que ça coûte moins cher même si la valeur du plutonium compte comme combustible.
Le sénateur Taylor: C'est contraire à la logique. Il y a dans le monde tout ce plutonium dont on cherche à se débarrasser et vous avez maintenant trouvé une méthode économique de le faire.
M. Rubin: C'est ça l'erreur. Vous avez maintenant une méthode chère que propose EACL au lieu de la méthode économique.
Le sénateur Taylor: Tous ces pays utilisent la méthode la plus coûteuse pour se débarrasser du plutonium alors qu'il leur suffirait de vous écrire à vous pour connaître le moyen de le faire à meilleur marché?
M. Rubin: Personne ne se débarrasse du plutonium des armes nucléaires en se servant du combustible MOX, sénateur. Certains pays retraitent le MOX civil parce qu'ils ont des obligations contractuelles envers les retraiteurs. Ce n'est d'ailleurs pas très rentable pour eux, quoiqu'ils semblent se débarrasser de leur problème de déchets nucléaires, du moins pendant un certain temps.
C'est une situation très compliquée. Quand on songe à ce qui est arrivé en Allemagne, par exemple, où le gouvernement actuel voulait éliminer graduellement l'énergie nucléaire et s'est alors fait dire par les retraiteurs de plutonium qu'ils intenteraient des poursuites. Les retraiteurs veulent retraiter. Leur travail consiste à extraire le plutonium. En Europe, ils ne chôment pas; ils ont même des clients au Japon. Ça n'a aucun sens du point de vue économique. En ce qui concerne les CANDU, ils n'ont jamais été rentables et on dirait qu'ils ne le seront jamais.
Quand on examine la comparaison des coûts -- Mme Ostling en a parlé tout à l'heure -- pour les deux méthodes de pollution ou de contamination du plutonium, ni l'une ni l'autre ne permet de se débarrasser de quantités importantes de plutonium. Les deux le rendent si radioactif qu'on ne peut pas s'en approcher. On peut donc soit mélanger la matière radioactive, soit en faire un combustible qui sera utilisé dans le réacteur. On sait que les réacteurs créent une foule de matières radioactives. Les études réalisées jusqu'à présent montrent que ces deux méthodes coûtent plus cher, même quand on ne compte pas la valeur comme combustible pour la méthode au combustible MOX.
Ce n'est pas un billet de 20 $ ordinaire qu'on a laissé tomber sur le trottoir. C'est un billet qui a été si bien collé qu'il vous faudra faire 50 $ d'efforts pour le décoller. Ce n'est pas une ressource qui serait gaspillée si on ne l'utilisait pas. Ce n'est pas une façon très pratique d'alimenter des réacteurs qui, on le sait maintenant, n'auraient jamais dû être construits. Cependant, même si on fait fonctionner les réacteurs, il est plus efficace, plus facile, plus rapide, plus économique de contaminer le plutonium des ogives. Il y aura 10, 20 ou 30 p. 100 plus de plutonium dans le mélange, mais ce n'est pas une variable clé. On peut utiliser de l'uranium comme combustible dans les réacteurs jusqu'à la fin.
Il y a une différence de degré entre les propos de Mme Ostling et les miens. Nous nous entendons sur ce qu'il faut faire et ne pas faire, mais j'affirme sans peine que si ce projet de combustible MOX était la solution idéale pour se débarrasser du risque très net de mésusage des charges de plutonium qui se trouvent dans l'ancienne Union soviétique, par exemple, je crois que moi, personnellement, et Enquête énergétique, nous trouverions un moyen de surmonter nos objections à tous les autres égards.
Oui, le transport pose un risque réel. Le problème démocratique d'avoir à traverser des voisins réticents est réel aussi. Il y a plusieurs problèmes graves à régler. Le transport transocéanique présente un risque faramineux. C'est un problème qui m'inquiète parce que c'est comme transporter des armes nucléaires. En fait, si la seule façon de se débarrasser de cette matière facile à utiliser à des fins détournées, c'est de faire ça, j'essaierai de convaincre les partisans d'Enquête énergétique de ravaler leurs objections et de l'accepter pour le bien de la planète.
Or, j'ai pris cette décision parce que le projet de combustible MOX est inefficace, lente et de troisième ordre; on a grandement exagéré son efficacité. L'autre solution semble bien plus pratique et fait un bien meilleur travail sans ouvrir cette autre effrayante boîte de Pandore en montrant aux gens comme il est facile d'utiliser du plutonium dans les réacteurs CANDU. Ça n'a jamais été prouvé. EACL est sur le point de prouver que c'est faisable en procédant à un petit essai avec deux piles AA. Ce n'est pas compliqué. La CCEA a aussi dit que ce n'était pas sorcier.
Le pire, c'est le précédent qui est créé par le Canada en montrant aux Coréens, aux Pakistanais, aux Roumains, aux Taiwanais et à d'autres, non seulement que ça peut se faire mais qu'il est prêt à le faire.
Le président: Notre temps est écoulé. Je vous remercie d'être venus nous faire part de votre opinion. Il est très important de connaître le revers de la médaille et vous êtes les premiers à nous le montrer. Vous nous avez certainement donné amplement matière à réflexion.
La séance est levée.