Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 19 - Témoignages du 15 juin 1999
OTTAWA, le mardi 15 juin 1999
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, se réunit aujourd'hui, à 8 h 38, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, ce matin nous entamons ce qui sera probablement la tâche la plus lourde qu'a dû accomplir notre comité depuis que j'en suis membre. Nous devons étudier le projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable.
Il s'agit en effet d'une mesure législative importante, au sujet de laquelle les membres de notre comité voudront des explications. Ce projet de loi n'est pas simple. Heureusement, nous allons dès aujourd'hui entendre des témoins qui nous aideront à mieux le comprendre.
Nous entendrons ce matin les représentant du Bureau de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement du ministère de l'Environnement.
Nous sommes heureux de vous accueillir et nous vous remercions, monsieur Lerer. Si je ne m'abuse, vous avez l'intention de procéder article par article.
Je demande à mes collègues de ne pas poser de questions pour que le témoin puisse traiter chaque article; il y aura ensuite une période de question.
Veuillez commencer, monsieur Lerer.
M. Harvey Lerer, directeur général, Bureau de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ministère de l'Environnement: Monsieur le président, nous avons déjà présenté au comité un sommaire du projet de loi, qui fournit un peu plus de détail que je vais moi-même en donner. De plus, nous avons remis à vos recherchistes une analyse détaillée, article par article, du projet de loi, dans les deux langues officielles. Même s'il porte le nom de «livre noir», ce document se présente sous une couverture blanche et il est tellement volumineux qu'il faudrait un véhicule à 18 roues pour le transporter jusqu'à vos bureaux. Cette analyse devrait vous faciliter la tâche, si jamais vous décidiez d'approfondir votre étude du projet de loi.
Avec votre permission, nous allons aujourd'hui présenter un aperçu de chaque article du projet de loi en faisant ressortir les amendements qui ont été apportés depuis le dépôt de la mesure à la Chambre et sa présentation au Sénat pour examen.
Le sénateur Spivak: Pourriez-vous souligner les amendements qui ont fait l'objet d'une étude à l'étape du rapport?
M. Lerer: Nous le ferons également.
Permettez-moi d'abord d'expliquer brièvement la Loi canadienne sur la protection de l'environnement actuelle, promulguée en juin 1988. Il s'agissait aussi d'un projet de loi omnibus sur l'environnement qui, à ce moment, regroupait des dispositions de différentes mesures législatives sous la mesure portant le nom de Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ce projet de loi avait divers objectifs, dont la gestion des substances toxiques et la réglementation fédérale. Il invitait à la collaboration intergouvernementale et à l'observation de la loi. Ce projet de loi, comme celui dont vous êtes maintenant saisis, renfermait un article exigeant l'examen de la loi au bout de cinq ans.
La Chambre a entrepris cet examen en 1994. Fruit de longues études et de nombreux débats, le projet de loi C-32 prévoit des modifications exigées par la loi et inclut également un processus d'examen, comme vous pouvez le constater.
Les objectifs de la nouvelle LCPE proposée porte sur les mêmes questions. Cependant, je suis d'avis qu'ils traduisent une évolution de notre compréhension de ces questions. L'objectif consiste toujours à protéger l'environnement et la vie humaine, mais il met davantage l'accent sur la prévention de la pollution, plutôt que simplement sur les remèdes à apporter et le contrôle à effectuer après coup. Il est encore question de la gestion efficace des substances toxiques et de leur quasi-élimination. Je suis certain que nous allons en débattre, lorsque nous nous pencherons sur les dispositions concernant les substances toxiques. Il y est également question de partenariats, tant entre les gouvernements qu'avec d'autres intervenants. Cependant, ces sujets sont traités en fonction d'un objectif précis, qui est d'atteindre le meilleur environnement possible.
Le préambule énonce les principes généraux et la philosophie qui doivent sous-tendre la loi. Même s'il traite de la prévention de la pollution, de la science et du principe de la prudence, de la diversité biologique et de la collaboration intergouvernementale, le préambule a considérablement attiré l'attention de la Chambre. Cette dernière a proposé des amendements importants, sur lesquels je vais fournir quelques explications.
Parmi ces amendements, il y a la reconnaissance du rôle des connaissances autochtones traditionnelles comme facteur légitime du processus décisionnel. Autrement dit, nous avons toujours maintenu qu'il fallait prendre des décisions en se fondant sur de solides données scientifiques. Notre pensée a évolué depuis 1988, de sorte que nous reconnaissons aujourd'hui que les connaissances inhérentes à nos collectivités autochtones devraient et doivent jouer un rôle dans l'élaboration des décisions touchant la protection et la préservation de l'environnement. Cette reconnaissance est explicite dans le préambule, tout comme elle l'est plus loin dans la partie du projet de loi concernant l'application administrative.
Conforme aux dispositions d'application du projet de loi, le préambule reconnaît la nécessité de procéder à la quasi-élimination d'une catégorie spéciale de substances toxiques. Il s'agit des produits chimiques jugés toxiques qui persistent dans l'environnement et s'y bioaccumulent. Autrement dit, ces produits s'accumulent dans la chaîne alimentaire et, par conséquent, non seulement dans les tissus des animaux, mais aussi dans ceux des êtres humains. Il s'agit d'une catégorie spéciale de produits chimiques toxiques, ceux que nous considérons comme les plus dangereux. Il est donc question de la quasi-élimination de ces produits dans la partie du projet de loi sur la gestion des substances toxiques.
Le sénateur Spivak: Quel amendement a-t-on proposé à l'étape du rapport?
M. Lerer: Au comité permanent, il a été question d'«éliminer progressivement», alors qu'à l'étape du rapport, on a proposé d'amender le libellé pour qu'il prévoit de «procéder à la quasi-élimination des substances toxiques persistantes et bioaccumulables».
Le sénateur Spivak: Il a aussi été question de «production», n'est-ce pas?
M. Lerer: Oui, il a été question de «la production et l'utilisation».
En principe, le projet de loi porte sur la quasi-élimination des rejets, ce qui est la différence, dans le fond. Au comité permanent, il était question d'«éliminer progressivement la production et l'utilisation», alors qu'à l'étape du rapport, l'amendement a proposé de «procéder à la quasi-élimination des rejets».
Le président: À votre avis, quelle est la différence entre les deux libellés?
M. Lerer: La pierre angulaire de la gestion des substances toxiques au Canada est l'évaluation et la gestion des risques. L'essentiel consiste alors à contrôler l'exposition. Autrement dit, un produit chimique toxique peut être utilisé en milieu fermé où il y a peu ou pas d'exposition. Le risque est moins grand que si l'exposition est forte. C'est pourquoi il faut s'attacher à réduire l'exposition ou veiller à ce qu'elle soit la plus faible possible. Dans les cas où il est impossible d'agir sur l'exposition, le projet de loi permet d'interdire la production et l'utilisation.
Le sénateur Spivak: Ai-je raison d'affirmer que cela vise les 12 produits chimiques les plus persistants et non les 23 000 qui existent à l'heure actuelle?
M. Lerer: Non, ce n'est pas le cas.
Le sénateur Spivak: Ai-je raison de croire que cela vise les 12 substances les plus persistantes?
M. Lerer: C'est exact. Il y en a maintenant 12 sur la liste, dont 9 sont déjà interdites au Canada et n'ont aucun usage domestique. L'environnement est encore menacé par ces substances à cause des vents à l'échelle mondiale. Elles font d'ailleurs l'objet de protocoles internationaux. Neuf des 12 substances sont déjà interdites. Selon notre meilleure estimation scientifique, d'ici cinq à dix ans, il se peut qu'il y ait une autre douzaine de substances interdites parmi les 23 000 que le projet de loi ordonne de classer et d'évaluer.
Le président: Tandis que nous traitons ce sujet, le projet de loi prescrivait au départ que le gouvernement du Canada reconnaisse la nécessité d'éliminer progressivement la production et l'utilisation de ces produits chimiques. Est-ce que cela concernait les produits chimiques les plus persistants?
M. Lerer: Encore une fois, je précise qu'au moment de son dépôt à la Chambre, le libellé du projet de loi ne faisait pas mention d'«éliminer progressivement la production et l'utilisation», qui a été ajouté au cours de l'étude au comité permanent. À l'étape de rapport, le gouvernement a proposé un amendement traitant de la quasi-élimination.
Le président: Est-ce que tout ce nouveau paragraphe du préambule est venu plus tard, monsieur Cameron?
M. Duncan Cameron, conseiller juridique, ministère de la Justice: C'était un ajout à la troisième disposition des «Attendu» dans le préambule. Le projet de loi déposé à la Chambre renfermait la disposition suivante:
Attendu que le gouvernement du Canada reconnaît la nécessité de limiter et gérer les polluants et déchets dont le rejet dans l'environnement ne peut être évité;
Le comité de la Chambre a amendé cette disposition qui devait désormais prévoir ce qui suit:
Attendu que le gouvernement du Canada reconnaît la nécessité d'éliminer progressivement la production et l'utilisation des substances toxiques les plus persistantes et bioaccumulables et de limiter et gérer les polluants et déchets dont le rejet dans l'environnement ne peut être évité;
C'est le comité de la Chambre qui a ajouté cette définition supplémentaire.
À l'étape du rapport, le gouvernement a jugé que ces termes ne convenaient pas pour les raisons que M. Lerer a invoquées. Cependant, afin de préserver l'objectif que le comité recherchait, nous avons remplacé les termes «la production et l'utilisation» par «la quasi-élimination», qui est un élément capital du règlement sur les toxines dont il sera question plus tard dans le projet de loi.
Le sénateur Kroft: De toute évidence, nous devons absolument comprendre ces amendements. Il nous serait utile d'avoir un sommaire du libellé initial et de celui qui a été adopté. Si cela se révélait impossible, pourriez-vous me renvoyer à un document auquel je pourrai facilement avoir accès? Je ne voudrais pas m'arrêter sur le libellé qui existait avant, parce que, par définition, il n'existe plus.
Le sénateur Spivak: C'est important, toutefois.
Le sénateur Kroft: Bien sûr, il importe de comprendre la logique qu'on a suivie.
Le président: Je n'ai pas vu ce document dans la trousse qu'on nous a remise.
Le sénateur Spivak: On vient juste de me remettre ce document qui présente la version après l'étude au comité et celle qui a été adoptée à l'étape du rapport. Tout y paraît tel que le comité l'a présenté.
Le président: Y trouve-t-on le sommaire que demande le sénateur Kroft, soit les passages du projet de loi avant et après les amendements, ou devons-nous lire tout le document?
M. Lerer: Ce n'est pas un sommaire. C'est le libellé tel que déposé à l'étape du rapport, et il y avait de nombreux amendements. Nous pouvons vous remettre un sommaire de quelques amendements sur un page, mais un sommaire de tous les amendements exigerait plus qu'une page.
Le président: Vous savez quelles sont les principales questions. Ce sont justement celles qui nous préoccupent.
M. Lerer: Oui. Nous allons vous fournir un tel document.
Le président: On a proposé quelque 400 amendements, dont un grand nombre étaient plus tendancieux que réels. Ce n'est pas cela qui me préoccupe.
Le sénateur Spivak: Que voulez-vous dire?
M. Lerer: Plus de 500 amendements ont été étudiés par le comité permanent au cours de ses délibérations. Le processus a duré plus de 11 mois. Le comité a accepté au-delà de 150 amendements, dont 90 avaient été proposés par le gouvernement. À l'étape du rapport, le gouvernement a proposé de nombreux amendements ayant pour objet l'uniformité du libellé, entre autres. Toutefois, je pense que nous avons une bonne idée des amendements susceptibles d'intéresser votre comité. Cela dit, nous serons heureux de vous remettre ce sommaire par l'intermédiaire du greffier.
Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, ce projet de loi a fait l'objet d'une étude pendant quatre ans au comité de la Chambre des communes. Il a fallu 18 mois pour passer au travers de cette mesure. Je pense que l'étude article par article a pris 90 heures.
M. Lerer: Il a fallu 93 heures, sénateur.
Le sénateur Spivak: On nous demande d'examiner un projet de loi en très peu de temps et nous essayons d'obtenir des renseignements à son sujet. Nous devons comprendre comme il faut ce qui c'est passé parce qu'il s'agit d'un des projets de loi les plus importants du gouvernement. Il faut donc que nous saisissions clairement les différences pour être en mesure de prendre une décision.
Le président: Cette observation est juste. J'ai vu une liste de tous les amendements -- adoptés et rejetés. J'ai vu un document là-dessus sur mon bureau et je me souviens de l'avoir feuilleté. Il incluait tous les amendements, dont la majorité, au bout du compte, ont été rejetés.
Si vous pouviez nous donner ce sommaire, monsieur Lerer, il nous serait très utile. Je suis entièrement d'accord avec le sénateur Spivak quand elle dit qu'en aucune circonstance, nous ne traiterons ce projet de loi à la hâte.
M. Lerer: Je comprends. Nous allons vous remettre un sommaire des questions que nous jugeons essentielles. S'il y en a d'autres sur lesquelles le comité veut se pencher, nous lui remettrons un autre sommaire plus tard. Nous ferons cela par écrit, par l'intermédiaire du greffier.
Le sénateur Spivak: Dans ce cas, est-ce que vous allez nous donner des explications concernant l'une de ces questions essentielles qu'est la quasi-élimination, maintenant ou plus tard? Il est important que nous la comprenions clairement. Nous devrions connaître les divergences de vues entre les membres du comité, le raisonnement qu'a suivi le gouvernement et l'objectif de l'industrie, par exemple. Il faut que nous saisissions tout cela.
M. Lerer: Oui. Nous allons traiter de la quasi-élimination plus tard dans la matinée.
Le président: Aux fins d'information du comité, plutôt que de traiter immédiatement du préambule, qui renferme le principe de la prudence, la quasi-élimination et les questions que l'on aurait atténuées, selon certains, nous allons y revenir plus tard en détail. Ne serait-ce pas la meilleure façon de procéder, monsieur Lerer?
M. Lerer: Je le pense. Vous constaterez que, lorsque j'en aurai fini du préambule, je confierai les tâches les plus ardues à mes collègues au moment de l'étude article par article.
Le président: Continuons, alors.
M. Lerer: Lorsque nous arriverons à la partie sur les substances toxiques, le comité voudra peut-être se pencher sur la quasi-élimination.
Un autre amendement au préambule qu'on a proposé au cours du processus à la Chambre visait à inclure une déclaration portant précisément sur la biotechnologie, qui est un nouveau secteur d'activités scientifiques et commerciales au Canada. Le préambule traite de l'utilisation sécuritaire et efficace de la biotechnologie.
Le président: Je regrette de vous interrompre, mais je voudrais poser une question sur la déclaration avant que nous passions au préambule. Je ne sais pas au juste ce qu'est une déclaration, mais si c'est la déclaration d'ordre général, dans mes notes je l'ai qualifiée de «très faible». La déclaration ne doit-elle pas établir l'objectif général du projet de loi?
M. Lerer: Oui.
Le président: Le paragraphe est le suivant:
Il est déclaré que la protection de l'environnement est essentielle au bien-être de la population du Canada et que l'objet principal de la présente loi est de contribuer au développement durable au moyen de la prévention de la pollution.
Je souligne le terme «principal». Est-ce par cette déclaration que le gouvernement énonce l'objet de la mesure?
M. Lerer: Oui.
Le président: Je reviendrai sur la définition de «développement durable», au sujet de laquelle je voudrais une explication. À mon avis, la déclaration est restrictive en ce qui concerne les vastes objectifs du projet de loi. Est-ce que personne d'autre n'a fait la moindre observation à cet égard?
M. Lerer: Depuis que je m'occupe de ce projet de loi, je ne crois pas avoir entendu le moindre commentaire sur la déclaration.
Le président: Nous y reviendrons.
M. Lerer: Avant de passer à l'application administrative, y aurait-il d'autres questions concernant le préambule, monsieur le président?
Le sénateur Spivak: Il serait bon que vous expliquiez, à mesure que vous avancez, comment le projet de loi tend à mettre en oeuvre l'énoncé du préambule.
M. Lerer: Nous allons essayer de le faire.
Le président: Nous mettons de côté le préambule, mais nous allons y revenir.
M. Lerer: Au cours de notre brève rencontre, avant l'ouverture de la séance, vous m'avez invité à prendre mon temps. Je n'aurai aucune difficulté à le faire. Le projet de loi ne renferme que 356 articles.
Le président: Commençons par le premier.
M. Lerer: Cette partie renferme également des définitions. L'application administrative définit la mission, non pas du ministère de l'Environnement, mais celle qui incombe au gouvernement dans son ensemble, et cette mission repose sur les principes directeurs énoncés dans le préambule.
Des amendements importants ont été apportés au cours de l'étude par la Chambre. Le premier a été l'ajout de la définition donnée à Rio du principe de la prudence à l'alinéa 2(1)a). Des changements ont été faits au comité et à l'étape du rapport. Le préambule a toujours présenté la définition de Rio du principe de la prudence.
L'alinéa 2(1)a) prescrit notamment ce qui suit:
[...] en cas de risques de dommages graves ou irréversibles à l'environnement, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives [...]
Cette définition du principe de la prudence, la version de Rio, a toujours fait partie du préambule. Au cours de l'étude au comité permanent, on a proposé un amendement, on s'est prononcé à son égard et on a convenu d'inclure le principe de la prudence, mais en supprimant le terme «effectives», de sorte que la version du principe de la prudence diffère de celle de Rio.
À l'étape du rapport, le gouvernement est revenu à la définition de Rio du principe de la prudence dans la partie sur l'application administrative, définition approuvée par les pays participant au Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro.
Le sénateur Spivak: Avez-vous une définition du terme «effectif»? Est-ce que cela tient compte des économies réalisées au niveau de santé et de bien-être, des économies monétaires qui s'accumuleraient si le principe de la prudence était appliqué ou est-ce que cela correspond plutôt à ce que l'industrie trouve rentable? Quelle est la définition du terme «effectif»?
M. Lerer: Il n'y a pas de définition du terme «effectif» dans le projet de loi. Cependant, l'argument que vous soulevez a été pris en considération au comité permanent et le terme n'a pas été changé à l'étape du rapport. Une nouvelle exigence a été inscrite au paragraphe 2(1.1) qui prévoit l'obligation de tenir compte des conséquences écologiques et économiques positives des mesures de protection de l'environnement. Il ne suffit donc pas que l'industrie prenne en considération les mesures effectives.
Le sénateur Spivak: Le terme «effectif» sera défini, non par le ministre de l'Environnement, mais par tous les membres du Cabinet. Qui déterminera l'efficacité?
M. Lerer: Toutes les options de contrôle prévues dans le projet de loi ou les règlements relèvent du gouverneur en conseil.
M. Steve Mongrain, représentant, Bureau de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ministère de l'Environnement: Permettez-moi d'ajouter, monsieur le président, que le travail d'analyse, notamment l'analyse économique, est effectué par Environnement Canada. Le processus décisionnel relève du gouverneur en conseil, mais l'analyse est effectuée à l'interne, à Environnement Canada.
Le sénateur Spivak: J'ai d'autres questions, mais je les poserai plus tard.
Le président: Arrêtons-nous un moment sur cet élément, qui est évidemment très important pour comprendre le projet de loi. Même si l'accord de Rio renferme ce libellé, le Canada a aussi signé la Convention sur la biodiversité, qui renferme un article similaire ne faisant pas mention de l'efficacité. On me dit également que la Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers définit le principe de la prudence, mais sans aucune mention de l'efficacité.
Pour quelle raison? Il me semble que cela affaiblit la situation et apporte de l'incertitude. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi on a décidé de garder le libellé de la déclaration de Rio?
M. Lerer: Cette longue étude a commencé avec le rapport du comité permanent et une réponse du gouvernement. Si ma mémoire est bonne, selon la réponse du gouvernement, le principe de la prudence à appliquer dans le contexte de ce projet de loi devait être celui de Rio. Le gouvernement défendait cette position avant même le dépôt de ce projet de loi.
Le président: Supposons que le Canada s'est engagé, à Kyoto, à respecter certaines normes. Supposons aussi que les activités du secteur des hydrocarbures, qu'il s'agisse du torchage ou même de la vente d'essence, ont des effets très nocifs sur l'environnement, bien qu'il manque des données scientifiques. Le gouvernement fonctionne sur cette base. L'industrie proteste en disant que les mesures ne sont pas effectives. Que ferions-nous? Comment faudrait-il procéder?
M. Lerer: Ce débat ou cette discussion se poursuit tout le temps, mais c'est le gouverneur en conseil qui prend une décision en se fondant sur les données d'analyse et les renseignements disponibles. En général, un règlement est fondé sur la nécessité de protéger l'environnement et la santé humaine. Il faut déterminer les moyens de garantir cette protection avant de réglementer. Il faut voir si la technologie existe et examiner les coûts, parce qu'il y a toujours l'aspect coûts-avantages, et pas simplement l'aspect économique, et il faut tenir compte des délais. Quand on réglemente, on dit souvent: «D'ici deux ans, il faut atteindre ce niveau de rejets et, dans trois autres années, cet autre niveau.» Il y a un objectif à atteindre, qui est la protection de la santé humaine et de l'environnement. Il y a toujours une période où le sujet soulève des observations dans la population, que ce soit au moment de la parution dans la Gazette ou au cours d'un processus de consultation. Au bout du compte, il faut établir des règlements qui permettent d'atteindre l'objectif, et c'est la première considération, mais nous y parviendrons sans causer un tort irréversible dans d'autres secteurs de notre société.
Le président: Est-ce votre définition du terme «effectif»?
M. Lerer: C'est mon explication, oui, monsieur.
Le président: Pourquoi la définition ne figure-t-elle pas dans la loi?
M. Lerer: Je l'ignore. Il en a été question au comité permanent et je crois qu'en inscrivant le paragraphe 2(1.1), le comité croyait avoir fait ce qu'il pouvait.
Le président: Laissons de côté la procédure du comité permanent, parce que, même s'il est intéressant de savoir ce qu'il a fait, selon nos règles, cela ne change rien. Ne serait-il pas préférable d'avoir une définition du terme «effectif», pour que les Canadiens et les industries canadiennes sachent ce qu'il veut dire? Serait-ce impossible? Ce projet de loi renferme de nombreuses définitions, mais il n'y en a aucune du terme «effectif» qui est pourtant déterminant.
Le sénateur Wilson: Est-ce le gouverneur en conseil qui prend cette décision?
M. Lerer: Oui.
Le président: Est-ce grave si le projet de loi ne définit pas le terme «effectif»?
M. Lerer: Je ne sais comment répondre à cette question. Je doute que ce soit grave, mais je ne suis pas certain de la définition à donner du terme «effectif» dans le sens large qu'il est utilisé.
Le président: Vous avez défini l'expression «développement durable», qui est très importante. On peut remettre en cause cette définition, mais elle existe. Il me semble que tous les termes clés de ce projet de loi sont définis, mais pas le terme «effectif». Les Canadiens devront-ils s'en remettre aux intransigeances du gouverneur en conseil pour savoir ce que le terme «effectif» veut dire ce jour-là?
M. Mongrain: Monsieur le président, l'expression «développement durable» est excellente pour établir une comparaison avec le terme «effectif». La définition de cette expression dans le projet de loi se fonde sur celle de Brundtland, qui est généralement bien acceptée. Nous avons discuté avec nos économistes de la définition du terme «effectif». Une des difficultés que nous avons eues, c'est que le terme a de nombreuses définitions différentes en économique. C'est pourquoi nous nous sommes empêtrés en nous attaquant à cette question.
Comme mon collègue, M. Lerer, l'a signalé, certaines dispositions relatives à l'application administrative mettent l'accent sur les avantages écologiques et environnementaux positifs découlant des mesures et sur la nécessité de déterminer leur efficience. La loi exige l'analyse de ces avantages. Il y a un certain équilibre dans le projet de loi.
Je le répète, il est très difficile d'en arriver à une définition précise en raison du grand nombre de définitions différentes utilisées dans ce domaine.
Le président: Si le concept est si difficile à définir et s'il existe tant d'interprétations différentes, pourquoi avoir mentionné ce terme? Certains pourraient soutenir qu'il est préférable d'omettre un terme s'il est si difficile à cerner et à bien définir.
M. Mongrain: Le gouvernement s'est engagé à respecter le principe de la prudence tel qu'énoncé dans la déclaration de Rio, qui est devenue notre politique depuis la réponse du gouvernement diffusée en 1995. Les fonctions administratives sont de nature générale. Nous avons l'habitude d'analyser les coûts et les avantages lorsque nous rédigeons nos règlements, alors je ne crois pas que la tâche sera trop pénible ni trop compliquée lorsque viendra le temps d'appliquer la loi.
Le sénateur Spivak: Cette mesure législative est de nature secondaire dans le sens que d'autres lois, comme la loi sur la gestion des pesticides, auront prépondérance. De plus, s'il existe une loi équivalente dans les provinces, cette loi ne s'appliquera pas.
Le gouverneur en conseil détermine-t-il, à lui seul, l'efficience des mesures ou les provinces doivent-elles consultées?
Cela a-t-il une incidence quelconque sur le rôle que doit jouer le Canada aux termes de la Convention internationale sur les polluants organiques persistants?
Ne croyez-vous pas que vous vous fixez une tâche colossale pour vous sortir d'embarras et pouvoir atteindre l'objectif que vous visez?
M. Lerer: Permettez-moi de répondre à certaines de ces questions. Je ne qualifierais pas ce projet de loi de mesure secondaire. En fait, selon d'autres lois pour lesquelles d'autres ministres sont responsables, les questions de l'environnement et de la santé humaine doivent être prises en considération. La perception de ce que certains appellent le caractère secondaire du projet de loi a changé pendant l'étude de la mesure législative à la Chambre des communes. Je peux vous donner des précisions à ce sujet si vous le jugez nécessaire.
Le sénateur Spivak: Le projet de loi précise bien que, lorsque d'autres lois comme la Loi sur la gestion des pesticides s'appliquent, les dispositions de la mesure législative à l'étude ne s'appliqueront pas. Par exemple, selon les articles 104 à 115 du projet de loi, les préavis et l'évaluation prévus dans le projet de loi C-32 ne sont pas nécessaires si le nouvel organisme vivant est fabriqué ou importé en vue d'une utilisation réglementée aux termes de toute autre loi fédérale, comme la Loi sur les semences. La même chose vaut dans le cas de la Loi sur les pesticides, de la Loi sur les fertilisants, de la Loi sur la marine marchande et d'autres mesures législatives. Pourquoi affirmez-vous que ce projet de loi n'est pas secondaire? Il s'agit d'une question importante. Vous devez être plus précis.
M. Lerer: Il s'agit d'une question importante, et à mesure que nous étudierons les articles du projet de loi, nous aurons à traiter de certains de ces sujets préoccupants.
Le sénateur Spivak: Il est précisé que le projet de loi C-32 ne peut servir à réglementer un aspect d'une substance qui est réglementé aux termes d'une autre loi qui, de l'avis du gouverneur en conseil, protège suffisamment l'environnement et la santé humaine.
M. Lerer: Oui, c'est exact. Ce critère a été ajouté pendant l'étude du projet de loi à la Chambre des communes.
Le sénateur Spivak: On ne mentionne pas que cette loi l'emportera sur les autres lois.
M. Lerer: Non, on ne mentionne pas cela.
Le président: De toute évidence, il ne s'agit pas d'une mesure législative prépondérante et elle n'est pas présentée comme telle.
M. Lerer: Non, ce n'est pas une mesure prépondérante.
Le sénateur Spivak: Le projet de loi C-32 original se voulait une mesure législative prépondérante.
M. Lerer: Non. En fait, le projet de loi déposé à l'origine donnait le pouvoir de déterminer si une autre loi fédérale suffit à tout autre ministre qui était en cause. Si la Loi sur les semences ou la Loi sur les aliments et drogues s'appliquait, la décision revenait au ministre de l'Agriculture. Ce ministre aurait été appelé à prendre cette décision selon le projet de loi déposé à l'origine. Au cours du processus législatif à la Chambre des communes, ce pouvoir a été confié exclusivement au gouverneur en conseil au lieu de l'autre ministre. Il y a maintenant un nouveau critère qui nous permet de déterminer si les mesures sont suffisantes.
Le sénateur Spivak: Le commissaire a diffusé un rapport dévastateur dans lequel il déclare que les ministères sont incapables de prendre une telle décision, qu'il y a des déchirements et toutes sortes de querelles. Cela ne contribue-t-il pas à empirer la situation? À affaiblir le projet de loi?
M. Lerer: Pas à mon avis.
M. Mongrain: Quand nous en viendrons aux dispositions en question, nous vous signalerons les mécanismes qui permettront d'apaiser certaines craintes du commissaire quant à savoir quelle loi doit s'appliquer.
Je tiens également à signaler que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement adoptée en 1998 se fonde sur un modèle similaire. Nous n'utilisons pas la LCPE pour réglementer les pesticides. Lorsque d'autres ministères sont spécialisés et responsables de ce domaine, ils assument la responsabilité. C'est le modèle qui a été retenu. À mesure que nous étudierons certaines dispositions précises, vous constaterez qu'il existe des mécanismes et des améliorations qui visent à accroître la transparence du processus décisionnel et qui devraient satisfaire le commissaire.
Le sénateur Spivak: Quelle est la position du Canada en ce qui a trait à la Convention internationale sur les polluants organiques persistants? Cette initiative est-elle efficiente?
Nous ne parlons que des 12 substances les plus dangereuses et nocives de la terre qu'il nous faudrait complètement, pas partiellement, mais complètement éliminer.
M. Lerer: J'ai retenu trois points de vos questions originales. Le premier portait sur le caractère secondaire du projet de loi, que j'ai tenté d'élucider et sur lequel nous reviendrons tout au long l'étude de la mesure législative.
Ensuite, vous vous posiez des questions sur l'affirmation que nous avons faite selon laquelle, si une loi provinciale ou un règlement équivalent existe, la loi ne s'applique pas. Cela est vrai seulement s'il existe des accords d'équivalence et que ces lois ont la même portée et le même objet que la loi fédérale.
Le sénateur Spivak: Si les dispositions sont équivalentes, mais qu'il y a désaccord à ce sujet, ce qui arrive souvent, quelle loi sera prédominante?
M. Mongrain: Monsieur le président, s'il y a ou s'il semble y avoir des dispositions équivalentes dans la loi provinciale, mais que le ministre fédéral estime qu'elles ne sont pas équivalentes, il n'y a pas d'accord d'équivalence. Il faut que les deux ordres de gouvernement en soient venus à une entente.
Le sénateur Spivak: Je comprends.
Parlons maintenant de la définition de l'«efficience». La province et le gouvernement fédéral peuvent ne pas avoir la même définition de l'efficience. Comment appliqueriez-vous alors la loi?
M. Lerer: Dans une telle situation, il n'y aurait pas d'accord d'équivalence; par conséquent, la loi fédérale s'appliquerait.
Le sénateur Spivak: Le gouvernement fédéral a le droit d'imposer aux provinces sa définition d'efficience.
M. Lerer: Ce n'est pas la définition d'efficience qui serait en cause. Il s'agirait de savoir si le règlement en vigueur est équivalent à notre mesure législative.
Le sénateur Spivak: Autrement dit, il n'est pas seulement question de la loi, mais aussi du règlement de la province et, s'il est jugé qu'ils ne sont pas équivalents aux mesures fédérales, le gouvernement fédéral aura le droit d'intervenir.
M. Lerer: Dans ses champs de compétence.
Le sénateur Spivak: C'est ce que je pensais.
M. Cameron: À ceux que cela peut intéresser, je signale que l'article 10 du projet de loi décrit le processus au moyen duquel des accords d'équivalence peuvent être conclus. Il s'agit d'accords facultatifs.
L'équivalence n'est pas obligatoire. Elle ne correspond pas à un droit. Elle est facultative et n'est reconnue que si le gouverneur en conseil juge qu'une province applique un règlement équivalant aux dispositions que prévoit la LCPE. Il s'agit d'une décision que le gouverneur en conseil peut prendre à sa discrétion.
Si certaines réserves comme celles que formule le sénateur Spivak sont exprimées, il est évident qu'aucun accord ne sera conclu et, alors, la question ne se pose pas. D'ailleurs, il n'existe à l'heure actuelle qu'un seul accord d'équivalence.
Ce mécanisme, prévu dans la LCPE de 1998, existe depuis dix ans et un seul accord d'équivalence a été conclu jusqu'à maintenant. Cela prouve que les critères sont très élevés et que le gouverneur en conseil ne conclut pas de tels accords à la légère.
Le président: Cette question est très importante et nous y reviendrons en temps et lieu. Nous en sommes toujours à l'étude de l'article 2.
Le sénateur Spivak: Cela pourrait prendre 18 mois.
Le président: Ce serait bien. Toutefois, revenons à l'article 2 afin de bien le comprendre avant de poursuivre. Si les autres sénateurs n'ont pas de précisions à demander, j'aurais quelques questions à poser.
Selon l'alinéa 2(1)a.1), le gouvernement peut...
[...] prendre des mesures préventives et correctives pour protéger, valoriser et rétablir l'environnement;
Tout cela sous réserve du paragraphe 2(1.1). Lorsque le gouvernement songe à prendre des mesures préventives et correctives pour protéger, valoriser et rétablir l'environnement, il doit tenir compte de certains facteurs. Ces facteurs comprennent les conséquences économiques positives, tout autre avantage découlant de la mesure et les avantages humains et écologiques à court et à long terme. Je dois que cela me préoccupe.
Revenons au Sommet de Kyoto. Le gouvernement reconnaît que le réchauffement de la planète pose un problème. L'avis de 4 500 scientifiques du monde entier nous incite à croire que le réchauffement de la planète pose un problème. Le gouvernement peut donc prendre des mesures préventives et correctives pour protéger, valoriser et rétablir l'environnement. Le gouvernement étudie ensuite les avantages humains et écologiques à court et à long terme. Les «avantages» comprennent-ils des choses comme la santé des Canadiens?
M. Lerer: Oui.
Le président: Le gouvernement décide que, pour protéger la santé des Canadiens, il doit agir. Les deux autres alinéas b) et c) ne s'appliqueraient-ils pas?
M. Lerer: Oui, ils s'appliqueraient, monsieur le président.
Le président: L'alinéa 2.(1.1)b) s'appliquerait-il?
M. Lerer: Oui, il s'appliquerait, monsieur le président.
Le président: Tout en satisfaisant aux critères énoncés aux alinéas a), b) et c), le gouvernement doit veiller à ce que les mesures soient efficientes, peu importe la définition que l'on donne à cet adjectif. Est-ce exact?
M. Lerer: Oui, monsieur.
Le président: Et cette décision est prise, en bout de ligne, par le gouverneur en conseil, n'est-ce pas?
M. Lerer: Oui, sur la recommandation du ministre ou des ministres en cause, selon l'article qui s'applique, aux fins de la réglementation.
Le président: La question que je vais poser est peut-être inopportune, vous saurez me le dire. De toute évidence, votre ministère s'intéresse de près à l'environnement. Votre ministère est-il satisfait de l'utilisation de l'adjectif «efficientes»? Vous ne pouvez peut-être pas répondre à cette question.
M. Lerer: J'ai un sens profond de la préservation, monsieur le président, de la conservation, de la protection et de la préservation.
Le président: Bien dit. Je n'irai pas plus loin.
M. Mongrain: Nous sommes ravis que le principe de la prudence soit mentionné dans la disposition sur l'application administrative. Dans sa version originale, le projet de loi C-32 n'en faisait mention que dans le préambule comme principe directeur. Le fait qu'il soit mentionné dans la disposition sur l'application administrative et que le gouvernement du Canada soit obligé de le respecter nous ravit.
Le président: Il y a toutefois incohérence si le gouvernement signe la déclaration de Rio et deux autres accords internationaux par la suite qui ne font nullement mention de l'efficience. Pourquoi ne sommes-nous pas cohérents? Pourquoi n'adoptons-nous pas une définition identique dans tous les accords internationaux que nous ratifions? Vous n'avez peut-être pas de réponse à cette question parce qu'elle est de nature politique?
M. Lerer: Il s'agit d'une question politique.
Certains changements apportés pendant l'étude par la Chambre des communes figurent à l'alinéa 2(1)i). Pendant les séances du comité permanent, lorsqu'il a été question de mettre à profiter les connaissances et les ressources scientifiques et techniques pour cerner et résoudre les problèmes relatifs à l'environnement, il a été décidé de mentionner spécifiquement les connaissances traditionnelles des autochtones.
Une modification a également été apportée à l'alinéa 2(1)l) au sujet des arrangements intergouvernementaux.
Le sénateur Spivak: Vous avez dit qu'il a été décidé de mentionner les connaissances traditionnelles des autochtones. Cela veut-il dire que des décisions, comme celle rendue dans l'affaire Delgamuukw, s'appliqueront?
M. Lerer: Il est question de mettre à profit les connaissances traditionnelles des autochtones. Notre objectif original consistait à mettre à profit les connaissances traditionnelles des autochtones dans le domaine scientifique et dans le domaine de la collecte des renseignements.
Le sénateur Spivak: Oui, mais cela renforce-t-il la position des autochtones en ce qui concerne, disons, leurs revendications territoriales?
M. Cameron: La décision rendue dans l'affaire Delgamuukw portait sur les droits des autochtones aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le projet de loi que nous étudions renferme une disposition de non-dérogation, comme bien d'autres mesures législatives. Il s'agit plus précisément de l'article 4, qui précise:
Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants -- ancestraux ou issus de traités -- des peuples autochtones du Canada découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de l'article 35 de la Loi constitutionnelle.
M. Lerer: Pour répondre à l'autre question, je crois que cela favorise la contribution des gouvernements autochtones et des peuples autochtones à l'élaboration des mesures visant à protéger l'environnement.
Une autre modification à l'alinéa 2(1)l) traitait des accords intergouvernementaux. Plus précisément, il fut question de l'initiative d'harmonisation entreprise par le gouvernement et les provinces. Le changement veillait à ce que cet accord politique, l'accord d'harmonisation, ne puisse être considérée comme un accord ayant force obligatoire aux termes du projet de loi C-32. La modification visait à ce que l'accord ne soit pas perçu ainsi.
Lorsqu'il a été présenté à la Chambre des communes, le projet de loi renfermait une disposition d'ordre général, le paragraphe 2(2), qui n'existe plus. Cette disposition a été supprimée. Il s'agissait d'un mécanisme général pour éviter tout dédoublement dans les cas où d'autres lois s'appliquaient. Certains disaient que cette disposition donnait un caractère «secondaire» au projet de loi. J'ai décrit certains des changements apportés à d'autres dispositions précises, mais cette disposition qui figurait sous la rubrique de l'application administrative a été supprimée. Il a été décidé que, dans les cas où il pourrait y avoir dédoublement ou chevauchement, nous fonderions notre décision sur les articles individuels qui s'appliqueraient et nous ajouterions le critère du caractère suffisant des mesures prévues.
L'article 6 du projet de loi tend à constituer le comité consultatif national. Ce comité consultatif national a changé depuis l'adoption de la LCPE de 1988. Il a toujours été un comité consultatif fédéral-provincial.
Le président: Pouvons-nous revenir aux définitions?
M. Lerer: Oui. Si vous avez des questions précises au sujet des définitions, je serai heureux d'y répondre.
Le président: J'aimerais pouvoir mieux comprendre la définition de «développement durable». Je suis à la page 10 du projet de loi. Le terme revient souvent dans le projet de loi. Monsieur Mongrain, vous avez dit que cette définition est utilisée au niveau international.
M. Mongrain: Cette définition a été utilisée pour la première fois dans le rapport de la commission Brundtland de 1987, puis a été reprise et approuvée dans la déclaration de Rio de 1992.
Le président: En la lisant, je me suis mis immédiatement à remettre en question cette définition importante. C'est le fait d'envisager les besoins du présent en fonction des besoins des générations futures.
M. Mongrain: Vous avez parfaitement raison.
Le président: Autrement dit: «Ne faites rien aujourd'hui qui pourrait nuire aux générations futures».
M. Mongrain: Nous ne voulons pas hypothéquer l'avenir des prochaines générations.
Le sénateur Spivak: Si le gouvernement devait respecter ce principe à la lettre, il lui faudrait préserver, par exemple, les peuplements vieux, qui ont beaucoup à voir avec la biodiversité, ainsi de suite. Croyez-vous que cette définition confère au gouvernement des obligations aussi générales? Prenons un autre exemple, celui de l'habitat des ours gris. Quelle est l'incidence de cette définition sur des questions de ce genre?
M. Lerer: Cela incite effectivement le gouvernement à étudier sérieusement toutes ces questions.
Le sénateur Spivak: C'est très intéressant. Est-ce un avis juridique?
M. Lerer: Non. Vous m'avez demandé d'exprimer mon opinion personnelle.
M. Cameron: M. Lerer n'est pas avocat.
Le sénateur Spivak: Je veux savoir si cela est applicable légalement. Nos délibérations seront examinées par les avocats représentant les environnementalistes.
M. Cameron: Si vous me demandez mon avis, je répondrai que la LCPE ne régit pas l'exploitation forestière. Elle ne traite pas des peuplements vieux.
Le sénateur Spivak: Non, mais on nous dit qu'il s'agit d'une déclaration générale qui lie le gouvernement pour plusieurs générations à venir. La loi permettra-t-elle au gouvernement d'agir dans ce sens, oui ou non? C'est pour débattre de cette question que nous sommes ici.
M. Cameron: Il serait bon de rappeler de quoi il est question ici. Les premiers mots de l'article 2 sont les suivants:
Pour l'exécution de la présente loi, le gouvernement fédéral doit [...]
Ensuite sont énumérées les tâches importantes du gouvernement. J'ai dit que la LCPE ne régit pas l'exploitation forestière et mon observation est fort pertinente. Nous nous sommes peut-être engagés à favoriser le développement durable dans certains domaines, mais la gestion forestière au Canada relève essentiellement des provinces.
Le sénateur Spivak: Maintenant je comprends. Autrement dit, la loi ne s'applique pas à la protection des habitats.
M. Cameron: Cette mesure législative ne vise pas les habitats.
Le président: Avant tout, tâchons de déterminer le champ d'application du projet de loi. Le projet de loi a plus de 200 pages. Plus je le lis, plus je le comprends, plus j'entends parler des domaines auxquels il ne s'applique pas au lieu des domaines auxquels il s'applique. À quoi s'applique-t-il? Est-ce une question fondée?
M. Lerer: Absolument.
M. Mongrain: Je peux tenter de vous donner un aperçu des nombreux domaines auxquels il s'applique.
Il régit la collecte d'information afin que nous puissions compter sur des preuves scientifiques fiables sur lesquelles fonder nos mesures. Il s'applique aux substances toxiques et aux substances biotechnologiques animées. Il traite des aspects environnementaux des urgences. Il régit les combustibles et les gaz d'échappement des moteurs. Il prévoit des mesures pour protéger le milieu marin des activités terrestres et des sources de pollution terrestre. Mon collègue me rappelle que le projet de loi traite aussi de l'immersion en mer des déchets. Il vise le mouvement transfrontalier des déchets dangereux, des matières recyclables dangereuses et d'autres déchets. Il vise les opérations du gouvernement fédéral. Il régit les activités de l'État et les terres domaniales. Enfin, il s'applique aux sources canadiennes de pollution transfrontalière de l'atmosphère et de l'eau. Il confère aux autorités de grands et vastes pouvoirs pour faire respecter la loi.
Le président: Dans les domaines que vous venez d'énumérer, j'imagine?
M. Mongrain: C'est exact.
Le sénateur Hays: Monsieur le président, je soulève une objection ou peut-être même la question de privilège. Ce que le témoin vient de nous dire en réponse à votre question, il le mentionnera sûrement dans son exposé. Pourrions-nous donner aux témoins l'occasion de présenter leur exposé, en les interrompant peut-être aux demi-heures, afin d'être informés de certains faits que nous pourrions alors analyser en leur posant des questions? Nous en sommes à la page 3 du projet de loi, mais j'ai l'impression que nous devançons les choses avec bon nombre de nos questions. Si nous donnons aux témoins l'occasion de présenter leur exposé, nous obtiendrons une réponse à un bon nombre de nos questions.
Le sénateur Spivak: Monsieur le président, je ne partage pas l'avis du sénateur. Nous étudions un projet de loi très complexe et nous avons beaucoup trop de questions pour attendre la fin de l'exposé pour les poser. Si la procédure prend trop de temps, nous inviterons les témoins à revenir. Je le répète, le comité de la Chambre des communes a mis quatre ans à étudier ce projet de loi et consacré 93 heures à l'étude article par article. Personnellement, je n'ai pas la capacité de me rappeler de toutes les questions que je veux poser après un long exposé.
Le sénateur Hays: Le sénateur Spivak souhaite une analyse exhaustive et je ne veux surtout pas proposer de l'éviter.
Le sénateur Spivak: Oui, vous le voulez.
Le sénateur Hays: Non, ce n'est pas ce que je veux. Je voudrais, en toute franchise, que le projet de loi soit adopté.
Le sénateur Spivak: Évidemment.
Le sénateur Hays: J'espère que le sénateur Spivak appuiera la mesure législative.
Le sénateur Spivak: Je l'espère, moi aussi.
Le sénateur Hays: Je n'ai peut-être pas consacré autant de temps à l'étude de ce projet de loi que certains d'entre vous. Il me serait utile et il est normal, il me semble, au cours des séances de comité, que les témoins aient au moins l'occasion de nous livrer une partie de son témoignage avant que nous commencions à leur poser des questions. Nous obtiendrons réponse à bon nombre de nos questions au cours de leur exposé au lieu de les interrompre constamment pendant l'étude article par article. Le sénateur Spivak et moi ne sommes pas d'accord à ce sujet. D'autres sénateurs voudront peut-être nous donner leur point de vue.
Le président: Au début, nous avons décidé d'étudier le projet de loi article par article et de permettre aux témoins d'aborder chacune des dispositions. Le problème, c'est que la plupart des termes, même ceux figurant dans le préambule, nous viennent d'ailleurs. Les termes sont tellement liés les uns aux autres que nous nous écartons parfois du sujet. Je préférerais procéder comme le sénateur Hays le suggère, mais ce n'est pas aussi simple. Je ne veux d'aucune façon dissuader les membres du comité de poser des questions à mesure qu'ils y pensent. J'espère que nos témoins apprécieront le fait que nous tentons de comprendre la mesure législative. Il convient, je crois, de tenir un tel dialogue.
Veuillez poursuivre.
Le sénateur Hays: Nous ne devrions pas nous lancer dans un débat avec les témoins.
Le président: Non, pas un débat, mais une analyse juste.
M. Lerer: Monsieur le président, vous avez dit que vous aviez un certain nombre de questions à poser au sujet des définitions avant que nous passions à autre chose.
Le président: Avant de nous écarter du sujet, je parlais de la définition du «développement durable». Dans le préambule, on dit que l'objet principal de la loi est de contribuer au développement durable au moyen de la prévention de la pollution. On nous donne ensuite la définition suivante du «développement durable»:
[...] Développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs.
Cela correspond-il à la vision des autres ordres de gouvernement au Canada? Il y a tellement de domaines qui ne sont pas couverts, comme les habitats et l'exploitation forestière. Les autres ordres de gouvernement utilisent-ils la même définition ou des définitions différentes?
M. Lerer: Cette définition découle, comme mon collègue l'a mentionné, du rapport de la commission Brundtland et a été accepté par un très grand nombre de pays au Sommet de la Terre de Rio.
Le président: Je parle des autres ordres de gouvernement au Canada.
M. Mongrain: Monsieur le président, il existe des accords intergouvernementaux qui mentionnent le développement durable et certains peuvent donner cette définition du terme. L'entente que je connais le mieux est l'accord national d'harmonisation en matière d'environnement. L'un des principes sur lesquels il se fonde est le développement durable. Je devrai vérifier, mais je crois que le développement durable est également mentionné dans le chapitre sur l'environnement de l'Accord sur le commerce intérieur.
Le président: Si vous pouviez nous donner des précisions sur l'application uniforme de cette définition par tous les ordres de gouvernement au pays, cela nous serait très utile.
Le sénateur Spivak: Permettez-moi de faire une observation complémentaire. Dans une décision sur cet accord d'harmonisation, un tribunal a affirmé que l'accord est vague au point d'être impossible à appliquer. J'imagine que vous êtes au courant de cette décision. Elle traitait directement de la nécessité d'appliquer une définition uniforme. Il s'agit d'une question légitime qui a été reconnue par un tribunal.
Le président: Merci. Poursuivons, comme le suggérait le sénateur Hays. Passons à la partie 1 -- Exécution.
M. Lerer: La première chose que je veux mentionner au sujet de la partie sur l'exécution est la création d'un comité consultatif national. Ce comité consultatif national figurait dans la LCPE de 1988, à une différence près -- et cela était prévu dans le projet de loi tel que déposé à la Chambre des communes. Ici, on reconnaît de façon explicite le droit des gouvernements autochtones de siéger au comité consultatif national au même titre que les provinces.
Le comité consultatif national se veut une forme de consultations intergouvernementales. Bien d'autres dispositions dans les articles administratifs et autres du projet de loi permettent au ministre ou aux différents ministres de mettre sur pied des comités consultatifs chargés de tenir compte d'intérêts plus variés, mais le comité consultatif national se veut une sorte d'entité intergouvernementale.
C'est le ministre qui détermine la composition du comité, mais les gouvernements eux-mêmes sont invités à participer.
Dans la partie «Exécution», on reconnaît aussi de façon explicite le pouvoir de négocier des accords administratifs et d'équivalence. Nous avons traité brièvement des accords d'équivalence en répondant à certaines questions. Les accords administratifs sont en fait des accords de partage du travail conclus avec d'autres ordres de gouvernements ou d'autres intéressés. Ils ne restreignent ou ne limitent aucunement l'obligation du ministre d'appliquer et de faire respecter la loi. C'est explicite. Le changement a été apporté pendant l'étude à la Chambre des communes pour clarifier la situation.
Le sénateur Adams: Quel gouvernement autochtone a aujourd'hui le pouvoir de régir l'environnement ou d'empêcher la dégradation de l'environnement? Cela remonte à 1953, à la création de la ligne DEW en Arctique. Dans l'Ouest, on pratique la coupe à blanc et les industries polluent les fleuves et les rivières. Les peuples autochtones auront-ils le pouvoir de régler ces questions aux termes du projet de loi C-32 ou cela relèvera-t-il uniquement des gouvernements autochtones?
M. Lerer: Selon les définitions, les gouvernements autochtones ont le pouvoir d'ériger des lois portant sur la protection de l'environnement, et je crois qu'il existe 15 gouvernements autochtones qui satisfont à ce critère au Canada. Je pourrais vous fournir une liste précise, si cela peut vous aider.
Le sénateur Adams: Cela comprend-il le Nunavut?
M. Cameron: Il s'agit d'un gouvernement territorial qui aura, par conséquent, son propre représentant aux termes des dispositions visant les territoires.
Le sénateur Adams: Y aura-t-il des représentants du Nunavut au sein du comité?
M. Cameron: Nous pensions à l'avenir lorsque nous avons rédigé le projet de loi et avons tenu compte du fait que le Nunavut allait devenir un territoire. Le Nunavut aura un représentant au sein du comité consultatif.
Le sénateur Taylor: Selon le sous-alinéa 6(2)c)(vi), un seul des 6 ou 10 représentants parlera au nom de tous les gouvernements inuits, semble me semble bien peu. Je soulève la question, car les problèmes environnementaux sont très souvent liés à une région géographique plutôt qu'à une population. Autrement dit, la population inuite est répartie sur un vaste territoire, allant du Labrador à la frontière américaine de l'Alaska jusqu'au-delà du 60e parallèle. Nous parlons d'environ 35 à 40 p. 100 de la superficie du Canada dont l'environnement est très vulnérable, mais où ne vit que 2 p. 100 de la population canadienne. Le fait que les Inuits soient peu nombreux ne devrait pas limiter leur représentation. Un seul Inuit aura beaucoup de mal à représenter tout ce territoire, qui couvre le pôle Nord et les îles de l'Arctique et s'étend jusqu'à la limite de la zone forestière, et où se pratiquent toutes sortes d'activités économiques comme la chasse à la baleine, la pêche et l'exploitation minière. À mon avis, il faudrait plus d'un représentant.
A serait une insulte de relèguer les autochtones aux comités consultatifs. Les accords que nous avons conclus avec eux ont préséance sur les accords constitutionnels conclus avec les provinces. Nous avons la responsabilité fiduciaire et constitutionnelle de les faire participer au processus au niveau gouvernemental, et non au sein de comités consultatifs.
Toutefois, je n'ai pas lu tout le projet de loi. Peut-être renferme-t-il des dispositions qui abordent cette question?
M. Lerer: Monsieur le président, je le répète, cet article permet aux ministres de recueillir des avis et de créer des comités consultatifs chargés d'étudier un certain nombre de questions relatives à des régions géographiques ou à des domaines particuliers. Quant au comité consultatif national, il se veut une entité intergouvernementale, où le gouvernement fédéral pourra discuter avec ses partenaires, tant les provinces que les gouvernements autochtones. Il existe toujours des organismes consultatifs et la loi permet au ministre de mettre sur pied des organismes consultatifs chargés de représenter le point de vue de groupes divers. Le comité consultatif national est une agence intergouvernementale.
Le sénateur Taylor: Au sous-alinéa 6(2)c)(vi), vous parlez d'un représentant pour tous les gouvernements autochtones inuits. Le cas du Nunavut est traité ailleurs dans le projet de loi, si je comprends bien, mais lorsque vous parlez des gouvernements autochtones, il semble que les autochtones aient découvert le paradis que tous les membres d'une société non autochtone recherchent, soit un monde sans gouvernement. Pouvez-vous me dire ce qu'est un gouvernement autochtone inuit?
M. Mongrain: Ces dispositions ont été rédigées en fonction de l'avenir. M. Lerer a mentionné qu'environ 15 gouvernements autochtones satisfont aux critères de la définition donnée dans le projet de loi. Nous nous attendons à ce que le nombre de gouvernements autochtones augmente pendant que cette loi sera en vigueur, à mesure que le gouvernement appliquera le principe de l'autonomie gouvernementale et signera des accords d'autonomie gouvernementale avec les peuples autochtones. Voilà pourquoi nous disons que cette loi est axée sur l'avenir.
S'il n'existe aucun gouvernement autochtone pour une région particulière du Canada, le ministre a le pouvoir d'utiliser un mécanisme pour veiller à ce que les autochtones de cette région soient représentés. Dans un certain sens, le projet de loi a été rédigé en fonction du jour où il y aura un plus grand nombre de gouvernements autochtones. Il reconnaît en même temps que ce jour n'est pas encore arrivé et prévoit un mécanisme pour garantir la représentation des autochtones au comité consultatif national, au même titre essentiellement que les provinces et les territoires.
Le sénateur Taylor: Les Inuits n'envisagent pas la création d'un gouvernement autochtone comme l'ont fait les Premières nations. À mon avis, étant donné la superficie qu'ils représentent, les représentants des Inuits devraient être choisis en fonction de la région géographique et non de leur gouvernement. C'est là toutefois le sujet d'un autre débat et peut-être d'un amendement.
M. Mongrain: Le projet de loi est rédigé en fonction du jour où il y aura des gouvernements, mais prévoit aussi la représentation des Inuits en l'absence d'un gouvernement. Si vous vous reportez au paragraphe 6(3), vous constaterez que, si aucun gouvernement autochtone inuit ou si aucun gouvernement autochtone n'est constitué pour une région, on prévoit l'élaboration d'un règlement pour régler cette situation. Essentiellement, un mécanisme serait créé pour permettre aux Inuits de se choisir un représentant pour siéger au comité consultatif national.
Le sénateur Adams: J'ai un peu de mal à accepter cela, monsieur le président. Nous avons réglé les revendications territoires et avons maintenant le Territoire du Nunavut. Ne sommes-nous pas considérés comme les autres provinces? Le sénateur Spivak a parlé un peu plus tôt des autres gouvernements provinciaux. Ces gens ont participé à l'élaboration des dispositions législatives sur la protection de l'environnement. Le Nunavut n'est pas différent de l'Ontario ou du Québec. Pourquoi ne mentionnez-vous pas le gouvernement du Nunavut au lieu de parler des Inuits?
M. Mongrain: En tant que territoire, le Nunavut a un représentant au sein du comité consultatif national. Je crois que, depuis qu'il est devenu un territoire, le Nunavut s'est joint au comité consultatif qui existe actuellement aux termes de la loi en vigueur. Il jouit d'une double représentation, si vous voulez. Il y a un représentant du Nunavut et un représentant des Inuits qui est soit un représentant d'un gouvernement autonome, exception faite du Nunavut, soit un représentant des Inuits si aucun gouvernement autochtone n'est constitué. On entend par cela un gouvernement autochtone tel que défini dans le projet de loi.
Le sénateur Adams: Le projet de loi C-62 n'a pas encore été adopté à la Chambre des communes. Il est identique au projet de loi C-32, mais porte sur les droits de surface et les droits relatifs à l'eau. L'adoption du projet de loi C-62 aura-t-elle une incidence sur le projet de loi C-32?
M. Mongrain: Je m'occupe de ce projet de loi depuis déjà un certain temps et n'ai pas eu le temps de m'intéresser aux autres mesures législatives. J'en ai déjà plein les mains.
Le sénateur Taylor: Aux termes du projet de loi, les peuples autochtones seront-ils traités comme des partenaires au même titre que les provinces ou seront-ils astreints au rôle de représentants au sein d'un comité consultatif?
M. Mongrain: C'est un aspect de la question. Il s'agit d'un comité consultatif, mais il examine tous les projets de règlement. Il joue un rôle fondamental dans l'application de la loi.
De plus, à mesure que nous analyserons certaines dispositions, vous constaterez que des consultations sont prévues un peu partout dans le projet de loi, que ce soit sur le projet de règlement sur les substances toxiques, le règlement sur les combustibles, etc. Dans des domaines précis, où les parties intéressées se partagent les responsabilités, des consultations sont prévues.
Le sénateur Wilson: Dans quelle mesure les gouvernements autochtones ont-ils participé à l'élaboration de ce projet de loi?
S'il y a jusqu'à six représentants des gouvernements autochtones, et il y en a déjà plus que cela, qui décide qui seront les représentants? Je sais qu'ils sont choisis en fonction de leur région, mais qui décide qui sera nommé? Vous dites que le projet de loi est axé sur l'avenir, mais il pourrait y avoir, un jour, un très grand nombre de gouvernements autochtones. Quel est le mécanisme qui sera utilisé pour déterminer lesquels de ces gouvernements seront représentés au comité consultatif?
M. Lerer: Ce sont les personnes visées qui prendront elles-mêmes cette décision. Le ministre ne choisit pas les représentants.
Le sénateur Wilson: Voulez-vous dire que les gouvernements autochtones devront se disputer à ce sujet?
M. Lerer: Ils devront discuter pour déterminer le genre de représentation qu'ils veulent avoir au lieu de laisser ces nominations au ministre.
Le sénateur Wilson: Ils peuvent décider, dans les régions, d'utiliser un système de rotation ou toute autre forme de représentation?
M. Lerer: Oui, la décision leur revient.
Au sujet des consultations, je voudrais ajouter que de vastes consultations sur ce projet de loi ont été menées pendant l'examen de la mesure législative. Les peuples autochtones ont été invités à participer à ces consultations.
Le sénateur Wilson: Dans quelle mesure ont-ils participé?
M. Lerer: Je n'étais pas là à l'époque, mais peut-être que M. Mongrain peut répondre à votre question. Nous avons eu plusieurs gestionnaires au cours des trois dernières années.
Le sénateur Wilson: C'est justement pourquoi je pose la question.
M. Mongrain: À partir de 1994, il y a eu un assez grand nombre de consultations menées auprès des peuples autochtones dans le cadre de l'étude du comité permanent. De plus, le comité permanent de la Chambre des communes a beaucoup voyagé partout au Canada. Il s'est rendu notamment dans le nord, où il a rencontré des autochtones de certaines régions particulières. Le gouvernement a répondu au rapport du comité permanent en 1995 et cette réponse a été envoyée à tous les conseils de bande, aux organisations nationales et aux représentants des Inuits et des Métis. À la suite de la réponse du gouvernement, d'autres consultations ont été effectuées et des trousses de renseignements sur la mesure législative qui a précédé le projet de loi C-32 ont été diffusées, mais cette mesure législative est morte au Feuilleton.
Le sénateur Wilson: Je sais que le gouvernement a diffusé de nombreux documents, mais avez-vous reçu des réponses?
M. Mongrain: Je crois que nous avons reçu 14 réponses après avoir communiqué avec plus de 600 intervenants. Un certain nombre d'organisations autochtones ont également comparu devant le comité permanent de la Chambre pendant qu'il étudiait le projet de loi.
Le sénateur Wilson: Quand vient le temps d'ajouter ou de reconnaître de nouveaux gouvernements autochtones qui sont constitués, qui prend cette décision? Y a-t-il des compromis au niveau régional?
M. Mongrain: Justement.
Le sénateur Wilson: S'il y a 60 groupes et gouvernements autochtones dans une région, les autochtones doivent déterminer comment ils veulent être représentés.
M. Lerer: Oui.
M. Lerer: J'avais fini avec la partie sur l'exécution. J'allais passer à autre chose.
Le sénateur Spivak: Ma question porte sur les accords d'équivalence. Qu'arrive-t-il si les provinces ne les appliquent pas?
À ce sujet, je vous renvoie à la décision qui a été rendue dans l'affaire Association canadienne du droit de l'environnement c. le ministre de l'Environnement et qui touche à l'accord d'harmonisation. Il s'agit d'une décision de la Cour fédérale qui établit que l'accord est tellement dépourvu de contenu factuel qu'il est impossible de déterminer ce qu'il signifie. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Cette déclaration a été faite par la Cour fédérale et non par l'opposition.
M. Cameron: Il s'agissait d'une décision de première instance de la Cour fédérale rendue par la juge Barbara Reed. Nous avons remporté cette cause.
Le président: Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette poursuite, monsieur Cameron?
M. Cameron: Il s'agissait d'un recours en révision de l'accord d'harmonisation. L'Association canadienne du droit de l'environnement contestait l'accord en soutenait qu'il accroissait le pouvoir discrétionnaire de la ministre et allait au-delà de sa compétence. Nous avons remporté cette cause.
Le sénateur Spivak: Sur quels motifs?
M. Cameron: Parce que l'accord est un accord de principe. C'est un accord politique qui énonce les principes qui sous-tendront les futurs accords, comme les accords d'équivalence ou les accords administratifs.
Le sénateur Spivak: On disait aussi que l'accord est tellement dépourvu de contenu factuel qu'il est impossible de déterminer ce qu'il signifie.
M. Cameron: C'est là notre position. C'est ce que nous avons fait valoir à la juge de première instance. Nous avons soutenu que, en tant qu'énoncé de principes généraux, l'accord est en fait un accord-cadre sur lequel se fonderont les accords spécifiques qui seront conclus à l'avenir. Comme il s'agit d'un accord-cadre, on ne peut s'attendre à y trouver le contenu factuel qu'on voit dans un contrat ou un accord d'équivalence comme tel. L'accord énonce plutôt les principes généraux qui ouvrent la voie à la négociation des futurs accords d'application.
Qu'on dise que l'accord est dépourvu de contenu factuel ne nous a pas semblé une critique, mais plutôt une description juste de ce que tente d'accomplir cet accord.
J'ai une copie de la décision qui a été rendue. Je vous renvoie au paragraphe 10, où la juge décrit l'accord. À notre avis, la description qu'elle en fait est tout à fait juste. Au sujet de l'accord d'harmonisation et des trois accords auxiliaires, la juge a déclaré:
Je qualifie ces accords d'accords de principe, aux termes desquels des décisions doivent être prises avant que les domaines précis auxquels ils s'appliquent puissent être connus. Les accords renferment des énoncés de principe, des objectifs que les gouvernements respectifs espèrent atteindre.
C'est exactement la position que nous avons défendue devant la cour. On ne peut s'attendre à ce qu'un juge dise que l'accord est doté d'un contenu factuel, parce qu'il est trop tôt dans le processus.
Le sénateur Spivak: Examinons la question de l'application de la loi. Disons que vous êtes devant une situation où une province, l'Ontario par exemple, n'applique pas la loi. Que feriez-vous? Aux termes de ce projet de loi, le ministre ne peut intervenir. Est-ce exact?
M. Mongrain: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'expliquerai brièvement comment fonctionne un accord d'équivalence et ensuite je décrirai les mesures que le ministre fédéral peut prendre dans de telles circonstances.
Lorsqu'il existe un règlement d'application découlant de la LCPE et qu'une province décide qu'elle préférerait concevoir ses propres mesures pour régler le même problème environnemental, elle peut demander au gouvernement fédéral de reconnaître l'équivalence des dispositions de sa réglementation. Un certain nombre de critères doivent être satisfaits, le premier étant que les dispositions que la province veut appliquer soient équivalentes au règlement d'application de la LCPE. Les dispositions de la province n'ont pas à prendre la forme d'un règlement, mais, en général, c'est le genre de mesure qui est prise. C'est le cas de l'accord d'équivalence conclu avec l'Alberta.
Selon le deuxième critère, la mesure de la province doit permettre qu'une personne demande une enquête sur des infractions alléguées. Ce critère s'applique lorsque la province a adopté une mesure équivalente. La province doit aussi fournir à la population l'occasion de participer à des consultations. Tout cela est prévu dans le projet de loi C-32.
Le troisième critère veut que les deux gouvernements s'entendent sur le fait que les mesures sont équivalentes. Aux termes de nouvelles dispositions figurant dans le projet de loi C-32, ces accords sont soumis au public pour une période de consultation et sont ensuite conclus par décret.
Lorsque l'application pose problème, le ministre fédéral ou l'autre partie -- qu'il s'agisse d'un gouvernement provincial, territorial ou autochtone -- peut mettre fin à l'accord après avoir donné un avis de trois mois. Selon une nouvelle disposition, ces accords se terminent cinq ans après leur entrée en vigueur. Par conséquent, les parties doivent délibérément décider de renégocier et de reconduire les accords. Ces accords doivent aussi être transparents et soumis à l'examen de la population.
Le gouvernement avec qui nous concluons un accord d'équivalence doit nous fournir les renseignements que nous devons insérer dans le rapport annuel au Parlement. C'est donc dire qu'il existe des garanties pour veiller à ce que ces accords fassent respecter la loi.
Le sénateur Spivak: En d'autres mots, le gouvernement a plusieurs recours qui lui permettent de révoquer les accords, mais pas de les faire respecter. Si un gouvernement met fin à l'accord et satisfait à tous les critères, mais refuse de faire respecter les mesures, qu'arrivera-t-il?
M. Mongrain: Si l'accord est révoqué, le règlement fédéral découlant de la LCPE entre en vigueur.
Le sénateur Spivak: Le gouvernement fédéral peut intervenir.
J'ai posé un peu plus tôt une question sur l'habitat. Disons qu'une province n'applique pas les dispositions législatives interdisant à une usine de pâte à papier de déverser des polluants dans un cours d'eau et que l'accord est révoqué parce que le gouvernement fédéral n'aime pas la situation. Le règlement entre en vigueur et le gouvernement fédéral peut alors ordonner à l'usine de prendre les mesures que prévoient les dispositions de la loi. Est-ce exact?
M. Mongrain: C'est exact. Je veux toutefois apporter une précision. Les mesures prises doivent être conformes au règlement fédéral.
Le sénateur Spivak: Les eaux navigables, les petits cours d'eau et la protection des poissons relèvent du gouvernement fédéral.
M. Mongrain: Ils font l'objet d'un règlement fédéral précis découlant de cette loi.
Le sénateur Spivak: Il y aura, aux termes de cette loi, des règlements pour régler ce genre de situation, n'est-ce pas?
M. Mongrain: Il y a un règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers.
Le sénateur Spivak: Ce n'est là qu'un exemple. Est-ce que le gouvernement fédéral peut, pourrait, devrait ou va intervenir? Qu'en est-il au juste?
M. Mongrain: Le gouvernement du Canada se doit d'intervenir.
Le sénateur Spivak: Aux termes de la loi, il est tenu d'intervenir pour faire respecter le règlement.
M. Mongrain: Nous faisons respecter notre propre règlement. Nous avons la mission administrative d'appliquer et de faire respecter la loi.
Le sénateur Spivak: Cette précision est très utile.
Le président: Qu'arrive-t-il si l'accord n'est pas révoqué, mais la province ne fait rien? Je peux reprendre l'exemple de l'usine de pâte à papier qu'utilisait le sénateur Spivak et l'appliquer à ma propre province. Au niveau de la gestion de cette source de pollution, la province a un bilan déplorable. Elle ne fait rien, mais l'accord est toujours en vigueur. Le gouvernement fédéral est-il impuissant?
M. Mongrain: Je veux mettre les choses au clair. Le problème ne tient pas au fait que la province n'applique pas ses propres lois et règlements, mais plutôt au fait qu'elle n'applique pas un règlement équivalant à celui qui découle de la loi fédérale.
Si le gouvernement décide de ne pas révoquer l'accord, l'accord demeure en vigueur et le règlement fédéral ne s'applique pas dans cette province.
Le sénateur Spivak: Donc, on ne peut pas le faire respecter.
M. Mongrain: C'est juste, tant que l'accord demeure en vigueur. Si vous me le permettez, j'aimerais consulter mon collègue du ministère de la Justice un instant.
Je voudrais faire remarquer également aux membres du comité que le projet de loi prévoit des mesures en cas d'urgence. Nous les passerons en revue lorsque nous décrirons les outils à notre disposition pour gérer les substances toxiques.
La ministre de l'Environnement a le pouvoir d'émettre un arrêté d'urgence lorsqu'une substance pose un danger grave et significatif et que des mesures doivent être prises de toute urgence pour régler le problème.
Le président: C'est une initiative un peu sans précédent, n'est-ce pas? Pouvez-vous nous décrire une situation où de telles mesures s'appliqueraient?
M. Mongrain: Nous avons adopté un arrêté d'urgence dans le cas des exportations de BPC.
Le président: Êtes-vous déjà intervenu de cette façon dans un champ de compétence provinciale?
M. Cameron: Pas dans un champ de compétence provinciale, mais dans un champ de compétence partagée. En fait, la principale décision de la Cour suprême qui consacre notre pouvoir constitutionnel dans ce domaine est la décision qui a été rendue en 1997 dans l'affaire Hydro-Québec, cette poursuite judiciaire lancée contre l'arrêté d'urgence qui avait été émis aux termes de la LCPE de 1988.
Nous avons déjà eu recours à l'arrêté d'urgence, mais pas dans le contexte que nous décrivons aujourd'hui, c'est-à-dire lorsqu'un accord d'équivalence est en vigueur. Nous ne l'avons jamais fait dans une telle situation.
Le président: Lorsqu'il n'existe pas d'accord d'équivalence, mais que vous constatez dans une province une situation que vous jugez «malsaine», le gouvernement fédéral n'a-t-il aucun recours autre que cet arrêté d'urgence?
M. Mongrain: Les arrêtés d'urgence s'appliquent dans les domaines que vise la loi. Nous avons le pouvoir de gérer les sources canadiennes de pollution transfrontalière de l'atmosphère et de l'eau. Cela comprend la pollution qui enfreint un accord international. Nous aborderons cette question plus en détail un peu plus tard. Nous avons certains pouvoirs, mais dans un champ de compétence purement provinciale, le gouvernement fédéral ne peut intervenir.
M. Cameron: Lorsque la gestion des substances toxiques pose problème et que le processus d'élaboration d'un règlement -- qui prend un certain temps -- n'est pas terminé, l'arrêté d'urgence permet au ministre d'intervenir en l'absence d'un règlement et d'imposer une interdiction frappant la substance toxique en question. Il s'agit d'une mesure d'urgence, d'une solution provisoire, qui s'appliquera pendant que se poursuit l'élaboration d'un règlement.
Le président: Vous avez dit qu'un accord d'équivalence avait été conclu avec l'Alberta? Cet accord vise-t-il l'industrie des pâtes et papiers?
M. Mongrain: Nous devrons vérifier avant de répondre à cette question. Si le comité prend une pause de quelques minutes, nous pourrions vérifier s'il existe un règlement d'application de la LCPE qui porte sur les dioxines chlorées et les furanes et s'il est visé par l'accord d'équivalence conclu avec l'Alberta.
Le président: Vous pouvez nous fournir ces renseignements un peu plus tard, mais existe-t-il un accord d'équivalence? S'il y en a un et que l'Alberta ne le respecte pas, quelles mesures le gouvernement fédéral peut-il prendre, s'il peut en fait intervenir? Le gouvernement fédéral ne devrait-il pas avoir des pouvoirs ultimes pour intervenir lorsqu'une province n'assume pas ses obligations environnementales, ce qui semble être le cas de certaines de nos provinces? J'aimerais être en mesure de mieux comprendre la situation.
M. Lerer: Pour répondre à toutes ces questions, je dirai que le gouvernement a les pouvoirs et les obligations que lui confère le projet de loi C-32. Les provinces ont des lois en matière d'environnement. En fait, il y a même des municipalités qui ont adopté des arrêtés municipaux concernant l'environnement. Nous parlons ici des pouvoirs et des dispositions habilitantes insérés dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Le sénateur Spivak: Ma question porte sur le pouvoir en matière criminelle. Dans sa décision, qui portait directement sur la prévention de la pollution, le tribunal a établi que la pollution est un danger et que le Parlement peut exercer ses pleins pouvoirs au-delà du droit pénal.
La plus haute instance criminelle, par exemple, a-t-elle les pouvoirs nécessaires pour se prononcer lorsque, par exemple, une évaluation environnementale n'a pas été effectuée? Il est notoire que les évaluations environnementales ou les évaluations d'impacts transfrontaliers sont souvent omises. Nous traitons de l'ensemble d'une discipline juridique. Qui possède le pouvoir en matière criminelle que le tribunal reconnaît spécifiquement au gouvernement fédéral?
M. Cameron: La meilleure façon de répondre à cette question est de rappeler au comité que, dans la décision que la Cour suprême a rendue en 1997 dans l'affaire Hydro-Québec, la majorité des juges ont soutenu que, puisque les substances toxiques peuvent avoir des effets nocifs inhérents sur la santé humaine et l'environnement, leur réglementation devrait relever du gouvernement fédéral, qui a le pouvoir de faire respecter le droit pénal. L'essentiel de notre projet de loi se fonde sur ce pouvoir en matière criminelle, puisqu'il vise à éliminer le danger que représente la pollution.
Le sénateur Spivak: Je comprends. Le problème, c'est que nous avons une loi qui précise qu'une évaluation environnementale doit être effectuée, mais que ma province omet souvent de respecter cette obligation. Toutes ces questions relèvent du droit pénal. Quel lien faut-il faire avec les questions que posait le sénateur Ghitter, qui voulait savoir ce qui se produit en l'absence d'accord d'application ou d'accord d'équivalence? Dans une telle situation, le gouvernement fédéral peut-il choisir d'invoquer son pouvoir en matière criminelle ou est-il tenu de le faire, en raison de ce précédent? Je ne sais pas si j'ai été assez claire.
M. Lerer: Il aurait recours aux pouvoirs qui lui sont confiés aux termes de la loi que nous étudions. Si j'ai bien compris, vous demandez si, lorsqu'une évaluation environnementale n'a pas été bien effectuée ou n'a pas été effectuée du tout, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement donne le pouvoir nécessaire pour exiger qu'une telle évaluation soit réalisée. Si c'est bien la question que vous posez, la réponse est non.
Le sénateur Spivak: Dans la situation que décrivait le sénateur Ghitter, malgré l'application de toutes les dispositions de la loi, il peut, en théorie, encore y avoir infraction. Par conséquent, selon le précédent, pourquoi le pouvoir en matière criminelle ne s'applique-t-il pas? Voilà ma question.
Le président: C'est un autre ordre de gouvernement qui enfreint la loi.
Le sénateur Spivak: Pas nécessairement. Ce pourrait être le gouvernement fédéral.
Le président: Dans l'exemple que je donnais, il n'y a pas d'autres ordres de gouvernement en cause. Selon ce que nous dit le témoin, aux termes de cette loi, nous sommes impuissants lorsqu'un autre gouvernement ne respecte pas ses propres lois.
M. Lerer: Oui, mais vous n'êtes peut-être pas impuissants aux termes d'une autre loi. Nous parlons des pouvoirs conférés par la loi que nous étudions aujourd'hui, n'est-ce pas?
Le président: Oui.
M. Mongrain: Les règlements visés par l'accord d'équivalence de l'Alberta ont trait au rejet de chlorure de vinyle, au rejet de plomb de seconde fusion, aux effluents des fabriques de pâtes et papiers, aux dioxines chlorées et aux furanes et à certaines dispositions du règlement sur les additifs antimousse et les copeaux de bois utilisés dans les fabriques de pâtes et papiers.
Tout le règlement d'application de la LCPE concernant les dioxines et les furanes et une partie du règlement sur les additifs antimousse et les copeaux de bois utilisés dans les fabriques de pâtes et papiers font l'objet d'un accord d'équivalence. Si le gouvernement albertain cessait de respecter les obligations découlant de cet accord, ce qu'il n'a pas encore fait, nous pourrions révoquer l'accord et intervenir.
Le sénateur Taylor: J'ai lu l'article 10. Les questions qui ont été posées et les réponses qui ont été données sont très instructives. Toutefois, que se passe-t-il si un gouvernement provincial ne veut pas signer d'accord d'équivalence et décide d'ignorer le gouvernement fédéral? J'ai l'impression que l'accord d'équivalence repose en quelque sorte sur la volonté commune des deux gouvernements de faire avancer les choses. Si une province vous envoie promener, j'ai l'impression que vous ne pouvez rien faire.
M. Lerer: Monsieur le président, les accords d'équivalence sont discrétionnaires. S'il n'y a pas d'accord, c'est la loi fédérale qui s'applique.
Le sénateur Taylor: Voilà qui répond sans doute à ma deuxième question. Dans cet accord, «gouvernement» s'entend d'un «gouvernement d'une province ou d'un territoire ou un gouvernement autochtone». Cela veut dire qu'il pourrait y avoir des centaines d'accords d'équivalence.
Prenons par exemple l'Alberta. Supposez que l'on achète une raffinerie de pétrole se trouvant sur une terre de réserve indienne officielle, probablement pour des raisons fiscales parce que l'on a le droit d'avoir une raffinerie de pétrole sur cette terre. Évidemment, une raffinerie peut être une source de pollution. Qu'arrive-t-il si le gouvernement en question est un gouvernement autochtone, un gouvernement des Premières nations, et que la raffinerie n'est pas conforme aux règlements de la province ou du gouvernement fédéral? Le gouvernement fédéral peut-il intervenir?
M. Mongrain: S'il s'agit d'un territoire domanial.
Le sénateur Taylor: Il s'agit de terres autochtones.
M. Mongrain: La partie 9 du projet de loi prévoit le pouvoir sur le territoire domanial et les terres autochtones relevant encore de l'État fédéral. Autrement dit, une terre qui n'a pas fait l'objet d'un accord sur une revendication territoriale globale, par exemple. Dans ce cas, le projet de loi permet d'intervenir auprès des locataires qui occupent cette terre, comme les propriétaires d'une raffinerie de pétrole, qui doivent se conformer aux exigences de cette mesure législative.
Le sénateur Taylor: Revenons au cas des gouvernements autochtones qui, par la grâce divine, disposent sur leurs terres de ressources naturelles comme des arbres, de l'or ou du nickel. Toutes ces ressources devraient-elles être exploitées et transformées conformément aux exigences prévues dans la loi sur la protection de l'environnement?
M. Mongrain: S'il existe une entente sur l'autonomie gouvernementale, ces ententes prévoient généralement le pouvoir en matière de protection de l'environnement, de réglementation, de législation, etc. À défaut d'entente sur l'autonomie gouvernementale, ce projet de loi prévoit le pouvoir de réglementation en matière environnementale. D'autres lois fédérales, comme la Loi sur les pêches, prévoient le pouvoir de réglementation, notamment en ce qui concerne l'extraction minière des métaux et les effluents liquides, et elles s'appliqueraient également parce qu'il s'agit de lois d'application générale qui s'appliquent à tout le Canada.
Le sénateur Buchanan: C'est intéressant de se trouver assis à une table comme celle-ci avec des représentants du gouvernement fédéral, du Parlement du Canada et du Sénat du Canada. L'une des choses qu'on oublie, c'est l'absence d'un groupe qui pourtant a beaucoup à dire à ce sujet, je veux parler des politiciens provinciaux dont j'ai fait partie pendant 25 ans.
C'est une chose très complexe. Il m'est arrivé au fil des ans d'être assis à des tables comme celle-ci et de discuter de questions relevant exclusivement de la compétence provinciale, que les politiciens provinciaux estiment plus importante que la compétence fédérale à moins de chercher à obtenir des fonds du gouvernement fédéral. Exemple, les étangs bitumineux. De qui relèvent-ils? Déversent-ils leurs substances dans l'océan? Polluent-ils l'atmosphère? J'ai passé 25 des 50 années de ma vie dans la région et pour moi, les étangs bitumineux ne sont qu'une masse inerte. À présent, bien sûr, nous savons qu'ils polluent l'atmosphère et l'océan. Pour la province, il s'agit d'un problème fédéral et c'est à vous de vous en occuper.
Accords d'équivalence ou pas, c'est un chevauchement entre les compétences provinciales et les compétences fédérales. Le sénateur Spivak a parlé de l'aspect criminel. Tout cela dépend de la question de savoir s'il s'agit ou non d'une affaire criminelle.
Le sénateur Spivak: En général, oui.
Le sénateur Buchanan: Non, en principe, il ne s'agit pas d'une affaire criminelle. Si c'en était une, pourquoi perdrions-nous notre temps à faire ce que nous faisons ici? Si c'en était une, elle relèverait du Code criminel. Il y a une distinction étroite entre ces deux lois.
Nous ne devons pas oublier que ce dont nous parlons ici se trouve en grande partie dans ce projet de loi, qu'il s'agisse de la loi provinciale ou d'un chevauchement de la législation provinciale et de la législation fédérale. Il peut y avoir des accords d'équivalence. Cela dépend aussi de la direction dans laquelle vont les courants politiques et si des élections fédérales ou provinciales doivent sont en vue. C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président: Merci d'avoir parlé au nom des provinces, sénateur Buchanan.
Le sénateur Wilson: Je voudrais en revenir à la situation en Ontario où, comme vous le savez, les effectifs ont été réduits de 40 p. 100. Il ne reste plus rien des règlements. Quel chevauchement y a-t-il entre le gouvernement fédéral et la province de l'Ontario? La province, ce me semble, retire un gros avantage de tout ceci étant donné que vous partagez la responsabilité en ce qui concerne l'application de la loi mais qu'il n'y a pas de fonds pour la faire appliquer. Je sais que vous n'avez aucun pouvoir là-dessus, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Lerer: Encore une fois, lorsqu'il s'agit de faire appliquer une loi comme la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le gouvernement joue un rôle important. Pour ce qui est de la question des fonds, les gouvernements ont décidé à un moment donné de réduire la taille de la fonction publique. Et je parle là pas seulement du gouvernement provincial mais aussi du gouvernement fédéral.
Permettez que je vous rappelle les faits. La ministre de l'Environnement a annoncé récemment deux initiatives. La première a à voir avec ce projet de loi qui oblige le ministre de l'Environnement et le ministre de la Santé à effectuer des recherches. Il s'agit d'un programme de recherches d'une durée de quatre ans et qui coûtera 40 millions de dollars. Des recherches seront effectuées entre autres sur les produits chimiques perturbant le système endocrinien -- une question dont, je suis sûr, nous parlerons plus tard. Quarante deux millions de dollars devant servir à l'évaluation et à la gestion des substances toxiques ont prévus dans le dernier budget afin de permettre au ministère de l'Environnement de faire appliquer cette loi.
Bref, c'est vrai qu'il y a eu des compressions. Toutefois, je pense que c'est maintenant fini. En tant que fonctionnaire, je l'espère bien. C'est très certainement le cas en ce qui concerne le gouvernement fédéral.
Cette mesure législative sera une loi fédérale donnant pouvoir au gouvernement fédéral, et c'est nous qui la ferons appliquer.
Le sénateur Wilson: Quelle protection cette loi garantit-il aux habitants de l'Ontario si la province ne remplit pas ses obligations en ce qui concerne la protection de l'environnement?
M. Lerer: Les citoyens ont en vertu des lois provinciales toutes sortes de recours mis à leur disposition par les gouvernements des provinces.
Le sénateur Wilson: Le gouvernement n'a aucun pouvoir à ce niveau?
M. Lerer: Si la question relève exclusivement de la compétence provinciale, il n'a aucun pouvoir.
Le président: À ce sujet, monsieur Lerer, je voudrais revenir sur un commentaire que vous avez fait. En l'absence d'accord d'équivalence ou en cas de dénonciation de l'accord d'équivalence, vous semblez dire que s'il se produisait une situation posant un problème pour l'environnement dans une province, vous pourriez invoquer les pouvoirs que vous confèrent l'article 94 et prendre un arrêté d'urgence. Je ne comprends pas très bien comment le gouvernement fédéral a le pouvoir de faire cela. Peut-être M. Cameron peut-il nous donner son avis de juriste à ce sujet? C'est une chose qui m'étonne.
M. Lerer: Ce que je veux dire, monsieur le président, c'est que là où la loi fédérale l'autorise, nous avons tous les pouvoirs nécessaires. Ce que je comprends -- et je peux me tromper, monsieur le président -- c'est que ces questions portent sur des domaines qui n'entrent pas dans le cadre de ce qu'autorise ce projet de loi. La réponse, c'est que quand il s'agit d'une question relevant exclusivement de la compétence provinciale, le gouvernement fédéral n'a aucun pouvoir.
Le président: En ce qui concerne les usines de pâte à papier, l'industrie forestière et l'habitat, vous ne pouvez rien faire.
M. Lerer: Monsieur le président, il existe dans le cas des usines de pâte à papier des règlements autorisés par la Loi canadienne sur la protection de l'environnement en vigueur et par la Loi sur les pêches.
Le président: Cela couvre-t-il les eaux intérieures?
M. Lerer: Oui.
Le président: M. Cameron, existe-t-il une interprétation juridique à ce sujet? Ce que j'entends me surprend. Je n'aurais jamais pensé que le gouvernement fédéral avait de tels pouvoirs.
M. Cameron: Si, il les a. En fait, Environnement Canada administre les dispositions de la Loi sur les pêches qui se rapportent à l'habitat, cela en vertu d'une entente conclue entre le MPO et Environnement Canada.
Le président: Voulez-vous dire qu'en l'absence d'accord d'équivalence ou en cas de dénonciation de l'accord d'équivalence, s'il se produit une situation qui pose un problème pour l'environnement dans une province, disons, dans l'industrie de la pâte à papier, vous pouvez invoquer l'article 94?
M. Cameron: Vous pouvez invoquer l'article proposé ou simplement engager des poursuites en vertu de l'un des règlements d'application de la LCPE en vigueur.
Le président: Le faites-vous?
M. Cameron: Oui.
Le président: Existe-t-il un précédent?
M. Cameron: Il existe des règlements régissant l'industrie de la pâte à papier en vertu de la LCPE. Il en existe aussi en vertu de la Loi sur les pêches.
Le sénateur Hays: Il est dit à l'article 94, si les ministres estiment qu'une substance toxique n'est pas réglementée comme il convient. Votre réponse à cela est que, si le gouvernement fédéral a le pouvoir de faire quelque chose, il le fera. En supposant qu'il existe un accord d'équivalence portant sur cette question particulière, je ne comprends pas très bien si vous invoqueriez ou non l'article 94. Qu'est-ce que ça veut dire, si les ministres estiment? Si cette question est couverte par la réglementation fédérale, que les ministres estiment ou non, ça n'a rien à voir. Tout ce qu'ils doivent faire c'est faire appliquer la loi fédérale. Qu'est-ce qui objectivement peut faire penser à un ministre ou aux ministres que l'émission d'une substance n'est pas réglementée comme il convient?
M. Cameron: Comme vous pouvez l'imaginer, l'élaboration d'un nouveau règlement en vertu de cette mesure législative prend du temps, peut-être quelques années.
Le sénateur Hays: C'est la raison de cette limite de deux ans, je suppose?
M. Cameron: C'est l'une des raisons. Deux ans, c'est la période qui revient partout dans le projet de loi comme vous le verrez tout à l'heure quand nous entrerons dans les détails.
Pour que vous compreniez bien ce qu'un arrêté d'urgence nous permet de faire, je vais vous donner un exemple. Supposons qu'alors que nous sommes en train d'élaborer un nouveau règlement et de consulter à cette fin les divers partenaires, de recueillir des opinions, etc. une situation d'urgence exigeant une intervention immédiate se produise, qu'il n'y ait en place aucun règlement, que le règlement soit en cours d'élaboration. Que ferions-nous? Nous userions du pouvoir que nous avons de prendre un arrêté d'urgence, le seul palliatif qui nous permette dans ce cas de prendre des mesures d'urgence.
Le sénateur Hays: Vous voulez dire seulement dans les domaines où le gouvernement fédéral a le pouvoir d'intervenir?
M. Cameron: Bien sûr.
Le sénateur Hays: Cela fait partie du processus de prise de décision.
M. Cameron: Tout à fait.
Le sénateur Buchanan: Je me trompe peut-être, mais lundi de cette semaine, j'ai entendu dire à la radio que des poursuites avaient été engagées la semaine dernière contre l'usine de pâte à papier Irving pour la pollution de la rivière Saint-Jean. Avez-vous des informations à ce sujet?
M. Cameron: Non.
Le sénateur Buchanan: Si une situation du genre de celle décrite par le président s'était produite dans les provinces de l'Atlantique, le gouvernement serait intervenu rapidement. Pas dans l'Ouest.
M. Lerer: Monsieur le président, le gouvernement intervient très rapidement.
Le sénateur Spivak: Je voudrais en revenir à ce que nous disions à propos de l'Ontario. Un rapport publié récemment faisait état des niveaux dangereux qu'atteignait la pollution atmosphérique en Ontario. Les gouverneurs des États-Unis refusent de faire appliquer leurs lois à moins que l'Ontario n'en fasse autant.
La qualité de l'air est certainement une question qui relève de la compétence fédérale. Un rapport a été publié, selon lequel la pollution atmosphérique nuisait à la santé de nombreux Ontariens. Quel mandat législatif le gouvernement a-t-il d'intervenir s'il voulait le faire? Selon ce projet de loi, il a pour mandat de protéger tous les citoyens. Comment le gouvernement fédéral pourrait-il intervenir s'il le désirait?
M. Lerer: Le gouvernement fédéral est en fait intervenu en vertu de la LCPE en vigueur. Par exemple, il y a une semaine ou deux, la ministre a annoncé un nouveau règlement concernant la réduction de la concentration de soufre dans l'essence, dont on sait qu'elle est l'une des principales causes du smog. La ministre a annoncé que la concentration de soufre dans l'essence sera réglementée et réduire de 90 p. 100. Le projet de loi C-32 contient des dispositions traitant des carburants et des additifs ainsi que des émissions provenant des véhicules à moteur.
Le sénateur Spivak: De quelle rubrique relève la réglementation des polluants atmosphériques?
M. Cameron: De plusieurs. À mon avis, les polluants qui nuisent à la santé humaine et à l'environnement entreraient dans la définition des substances toxiques. Leur réglementation relèverait donc de la rubrique du droit criminel.
Le gouvernement fédéral aurait aussi le pouvoir de les réglementer en vertu la paix, de l'ordre et du bon gouvernement.
Il pourrait peut-être aussi réglementer le commerce interprovincial de carburants qui contribuent à la pollution atmosphérique, cela relèverait alors de la rubrique du commerce. Il en est question dans le projet de loi C-32.
La protection de l'air relève comme celle de l'eau de la compétence des provinces et du gouvernement fédéral.
Le sénateur Spivak: Pas toujours.
M. Cameron: Pas toujours, mais dans la plupart des cas. Les provinces ont donc aussi le pouvoir de réglementer les émissions atmosphériques en vertu de la propriété et des droits civils.
L'une des principales décisions rendues par la Cour suprême au cours des dix dernières années a été celle rendue dans l'affaire concernant la rivière Oldman, où elle a déclaré -- et cette déclaration est confirmée dans l'affaire Hydro-Québec -- que l'environnement relevait de toutes les compétences au Canada -- tant fédérale que provinciale, et que tous les paliers de gouvernement, ces deux-là en particulier, avaient la responsabilité en vertu de la Constitution de légiférer en vue de le protéger. La LCPE est en quelque sorte notre partie de l'équation, si vous voulez.
Le sénateur Spivak: Si le gouvernement fédéral ne réglemente pas la pollution atmosphérique, les citoyens peuvent le traduire devant les tribunaux, n'est-ce pas? Je reviendrai là-dessus plus tard.
Le sénateur Taylor: Je me place du point de vue d'un gouvernement autochtone. On a craint ces dernières années que le gouvernement n'applique avec trop d'enthousiasme les règlements en matière d'environnement. Or, on l'a souvent accusé au contraire de ne pas réagir en cas de dommages à l'environnement.
Supposons que nous ayons un gouvernement qui applique les règlements avec un enthousiasme un peu trop débordant. Je ne m'inquiète pas pour les provinces, elles ont les moyens de se défendre. Je pense à une petite bande indienne auxquelles ont peut imposer des règlements déraisonnables.
Existe-t-il une disposition visant à fournir une aide financière à cette bande afin de lui permettre de couvrir les frais juridiques qu'elle aurait à encourir pour se défendre?
M. Mongrain: Il n'existe aucune disposition de la sorte. Toutefois, quand nous élaborons des règlements, nous menons d'étroites consultations avec les parties concernées. Le projet de loi nous oblige à le faire.
Le sénateur Taylor: Je ne remets pas en question la pratique actuelle. En cas de doute, vous ne faites pas appliquer le règlement. Tout ce que je dis, c'est qu'il peut arriver que cette mesure législative ne soit appliquée de façon déraisonnable.
M. Mongrain: Il faut préciser deux choses. Premièrement, nous élaborons ces règlements en étroite collaboration avec d'autres parties concernées. L'application de ces règlements relève de la décision des tribunaux en cas de poursuites. Si les preuves fournies à l'appui des accusations ne sont pas suffisantes, c'est la cour qui décide.
Le sénateur Taylor: Cela pourrait entraîner des frais juridiques considérables pour une petite bande. Cette question est peut-être couverte ailleurs. Je voulais seulement attirer l'attention là-dessus.
M. Mongrain: S'agissant des dispositions d'application, il existe d'autres recours qui font que l'on peut éviter de devoir faire appel aux tribunaux et éviter ainsi les coûts exorbitants d'une longue procédure.
Nous verrons les détails lorsque nous en serons à la partie 10.
Le président: Nous avons maintenant terminé d'examiner l'article 10.
M. Lerer: J'allais aborder la partie 2, Participation du public. Il y a plusieurs points que vous voulez peut-être examiner.
Le premier concerne l'établissement d'un registre de la protection de l'environnement renfermant de l'information sur les questions régies par la LCPE. Cette disposition était prévue dans le projet de loi. Toutefois, durant l'examen du projet de loi à la Chambre, des précisions supplémentaires ont été apportées au projet de loi quant aux informations qui devraient figurer dans le registre.
Le registre dont l'établissement est exigé par la loi sera d'un registre électronique accessible par Internet. Il fournira des informations sur tous les avis, approbations et projets de règlements. En outre, il assurera la liaison avec d'autres sites que pourront visiter les personnes qui désirent entre autres obtenir de plus amples détails sur ce qui se passe dans leur collectivités ou commander la Gazette du Canada.
C'est le premier point par lequel on devra passer pour accéder aux informations sur toutes les questions régies par la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il permettra d'accéder au besoin à des informations plus détaillées.
Le deuxième point concerne la protection des dénonciateurs. Vous verrez qu'à l'article 16, les dispositions visant à protéger les dénonciateurs ont été étendues de sorte à s'appliquer à tous les employés, et non pas seulement les employés des organismes relevant de la réglementation fédérale. Ces dispositions ont pour but de protéger les employés qui font rapport d'une infraction présumée à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Cette partie du projet de loi renferme des dispositions concernant le droit d'intenter une action en justice. Ces dispositions qui figurent sous la rubrique «Actions en protection de l'environnement» commencent à l'article 22. Elles incluent le droit de poursuivre l'auteur présumé de l'infraction si le gouvernement n'a pas fait appliquer la loi et que des dommages importants ont été causés à l'environnement. Un citoyen a le droit dans ce cas d'intenter une action civile contre l'auteur de présumé de l'infraction.
Ce sont là les principaux éléments de cette partie du projet de loi et changements apportés durant son examen à la Chambre des communes.
Le sénateur Taylor: Il semble qu'en vertu de l'article 17 -- et je ne sais pas comment on peut éviter cela -- des infractions peuvent être signalées sans preuve à l'appui ou pour des motifs sans importance -- auxquelles il faut répondre, en vertu de l'article 18, dans un délai de 20 jours. Cela représente une administration fantastique. Par exemple, si une personne graisse un peu trop sa bicyclette, n'importe qui dans le quartier peut porter plainte.
Comment est-il possible de répondre dans un délai de 20 jours?
M. Lerer: Monsieur le président, il y a un certain temps que ces dispositions existent. Elles ne sont pas nouvelles. Tout particulier âgé d'au moins 18 ans et résidant au Canada peut demander au ministre l'ouverture d'une enquête, mais c'est le ministre qui décide.
Selon l'article 21:
Le Ministre peut interrompre l'enquête s'<#00EC>l juge que...
Et ainside suite. Le ministre peut décider de ne pas donner suite à une affaire s'il estime qu'elle n'est pas sérieuse ou qu'il existe d'autres moyens de la régler de façon satisfaisante. Bien sûr, il existe toujours un autre recours si le particulier en question estime qu'on ne l'a pas entendu. C'est la révision judiciaire.
Mais, pour revenir à vos questions, effectivement, un particulier a le droit de demander au ministre l'ouverture d'une enquête. C'est la responsabilité du ministre de s'assurer que les actes reprochés sont sérieux.
Précisons bien, monsieur le président, que ces dispositions s'appliquent exclusivement aux infractions prévues dans la LCPE, et non pas à des infractions prévues dans d'autres lois.
Le sénateur Spivak: Ma question concerne la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a eu du mal à obtenir certaines informations. Que pensez-vous du droit d'un comité d'avoir accès à l'information? Je ne sais pas ce que fait la Chambre des communes, mais comme je l'ai dit, le comité sénatorial a eu beaucoup de mal à obtenir des informations. Les fonctionnaires ont agi de façon très incorrecte. Bien sûr, on peut toujours invoquer le prétexte que ces informations ne peuvent être communiquées.
Un comité du Parlement ne devrait-il pas avoir facilement accès aux informations? Qu'en pensez-vous?
M. Lerer: Je ne puis faire aucun commentaire sur ce qui s'est passé dans d'autres comités ou sur les actions des autres. Les fonctionnaires qui témoignent devant les comités du Parlement ou devant d'autres instances, ont le devoir d'obéir à la loi. Nous le ferons.
Le sénateur Spivak: Ce que vous nous dites, c'est que si ce n'est pas mentionné ici, cette question est couverte ailleurs.
M. Lerer: Ce que je dis, c'est que j'ai certains devoirs et obligations en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le sénateur Spivak: Ça ne s'applique pas aux comités.
M. Lerer: Si c'est le cas et que je comparais devant vous, j'obéirai à loi, conformément aux instructions qui m'auront été données.
Je ne sais pas que répondre d'autre à cette question, monsieur le président.
Le président: J'ai un certain nombre de questions. Commençons par le Registre de la protection de l'environnement. Pourquoi l'article 13 n'inclut-il pas tous les documents présentés au tribunal?
En d'autres termes, pourquoi ne pas étendre le registre, sur Internet ou autrement, afin que la personne qui le consulte puisse connaître les deux côtés de l'argument plutôt que d'avoir seulement accès aux copies de documents présentés par le ministre? Pourquoi, sous réserve de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ne pas étendre le registre de façon à ce l'information qu'il renferme soit plus complète? Tel qu'il est envisagé à présent, il semble qu'il ne présente que le point de vue du gouvernement.
M. Cameron: Le but de ce registre est de permettre l'accès à tous les documents émanant du ministère de l'Environnement. Les autres documents -- comme les compte rendus d'audience des tribunaux, et cetera -- qui peuvent être présentés au tribunal par d'autres parties à un litige sont du domaine public et mis à la disposition du public par le tribunal. La différence ici est que nous versons au registre tous les documents que nous produisons. Les autres documents devraient pouvoir être accessibles par d'autres mécanismes.
Le président: Pourquoi ne pas verser tous les documents qui sont du domaine public?
M. Lerer: Monsieur le président, le registre a été conçu dans le but de servir de premier point d'accès à l'information sur ce qui se fait au ministère de l'Environnement. Il est censé renfermer des avis et autres documents ministériels.
Nous n'avons jamais eu l'intention ou la prétention de faire de ce registre le répertoire central de toutes les informations disponibles, quelle que soit leur source. Comme vous pouvez l'imaginer, la tâche serait très lourde. Le registre sera le premier point d'accès du public aux documents émanant du ministère. Nous n'avons jamais eu l'intention d'en faire un dépôt de toutes les informations indépendamment de leur source.
Le président: Je me réfère en particulier à l'alinéa 13c). D'abord, il y a la plainte, suivie des mesures prises par le ministre -- qui se rapportent à la documentation.
Que fait-on des réponses aux mesures prises par le ministre? Ces informations ne devraient-elles pas aussi être mises à la disposition du public?
M. Cameron: Le public peut s'adresser aux tribunaux pour avoir ces informations, Monsieur le président.
Le président: Vous pouvez aussi obtenir ces informations auprès des tribunaux, monsieur Cameron. Le but de ce registre est de mettre les informations à la disposition du public. Si je comprends bien, il a été décidé de limiter le registre aux documents émanant du gouvernement, un point c'est tout.
M. Lerer: C'est bien cela, aux documents ministériels.
Le président: Pour quelle raison? Pourquoi avoir ce registre?
M. Lerer: Le ministère émet des politiques, des permis, des règlements et autres choses du genre. Le but du registre est de permettre au public d'avoir accès aux informations concernant les activités ministérielles.
Le président: Je comprends bien. Encore une fois, je me réfère à l'alinéa 13c). Ceci fait, pourquoi ne pas étendre le registre de façon à ce que la personne qui le consulte puisse se faire une meilleure idée de ce qui se passe? Sinon, pourquoi avoir ce registre?
M. Mongrain: Monsieur le président, nous parlons d'une action en protection de l'environnement, d'un particulier qui intente une action contre l'auteur présumé d'une infraction.
Le président: Pas encore. On en est seulement au stade de la plainte.
M. Mongrain: Une action en protection de l'environnement aux termes de l'article 22 correspond au droit d'intenter des poursuites.
Le président: Corrigez-moi si je me trompe. Le plaignant porte plainte. Le gouvernement peut alors commencer son enquête.
M. Mongrain: C'est bien cela.
Le président: Sous réserve que certaines conditions soient remplies, le plaintif peut ensuite intenter une action.
M. Mongrain: Pas en vertu de l'alinéa 13c), qui traite de l'action en protection de l'environnement comme telle.
Le président: L'article 22 stipule ce qui suit:
Le particulier qui a demandé une enquête peut intenter une action en protection de l'environnement dans les cas suivants [...]
Je reviendrais à l'expression «dans les cas suivants» dans une minute.
Pour l'instant, nous en sommes au stade préliminaire. Puis-je intenter une action sans porter plainte?
M. Cameron: Non.
Le président: La condition préalable est donc que je dois d'abord porter plainte. Après cela, le ministre a certaines obligations. Ensuite, sous réserve de certaines conditions, je peux intenter une action? C'est cela?
M. Cameron: C'est bien cela.
Le président: La première étape, c'est donc le registre. L'affaire sera versée au registre. L'ordonnance du ministre le serait également. Vous vous arrêtez là. Le public n'est pas mis au courant de ce que l'industrie a à dire au sujet de sa position. Vous dites au citoyen qu'il peut s'adresser pour cela aux tribunaux. Tout ce à quoi vous lui donnez accès ici, c'est à la position du gouvernement.
Pourquoi? Ça manque d'équilibre.
M. Cameron: Ce qu'essaie de dire M. Mongrain, c'est que l'alinéa 13c) part du principe que l'action a déjà été entamée, qu'elle a déjà commencé. Une fois l'action entamée, tous les documents que le ministre présente au tribunal seront, en même temps versés au registre pour que le public puisse y avoir accès.
Ce que nous ne ferons pas, et c'est une décision prise délibérément compte tenu de la charge que ça représenterait sur le plan des ressources et de l'administration, c'est verser au registre les documents présentés par les autres parties au litige. Si une personne s'intéresse à l'affaire et veut obtenir ces documents, elle peut s'adresser aux tribunaux.
Le président: Je comprends ce que vous dites. Toutefois, avant d'arriver à l'action en protection environnementale, vous ne versez pas au registre les mesures prises par le ministre à la suite de la plainte. Est-ce que cette information figure quelque part dans le registre?
M. Cameron: Si les documents sont publiés, oui. Toutefois, s'il s'agit d'une affaire qui intéresse uniquement le ministère, la réponse est non.
Le président: L'article 13 ne l'indique pas.
M. Mongrain: Si vous permettez, monsieur le président. Une enquête devient une question d'exécution du projet de loi. Si nous ne télégraphions pas une grande partie des mesures prises afin d'exécuter la loi, c'est pour la simple raison que, si nous enquêtons sur une infraction présumée, nous ne voulons pas donner de tuyaux aux contrevenants potentiels présumés, par exemple.
Le président: Monsieur Mongrain, soyons justes, le ministre doit faire rapport tous les 90 jours des mesures qu'il a prises ou qu'il entend prendre.
M. Mongrain: C'est exact.
Le président: Ces informations ne sont pas versées au registre, n'est-ce pas?
M. Mongrain: Nous n'avons jamais eu l'intention de verser au registre la correspondance entre le plaignant et le ministre, non.
Le président: Pourquoi pas? Ne s'agit-il pas d'une affaire du domaine public? Le plaignant est tenu informé des suites de la plainte. Pourquoi pas le public?
M. Mongrain: Comme M. Lerer l'a dit, nous ne voulons pas surcharger le registre en versant la correspondance échangée entre un particulier qui demande l'ouverture d'une enquête et le ministre. Plusieurs informations sont versées au registre, y compris les documents publiés en vertu de la loi dans d'autres endroits, comme la Gazette du Canada. Je ne crois pas que beaucoup de Canadiens lisent la Gazette du Canada. Notre intention était de faciliter l'accès à l'information comme les projets de règlement et les politiques de façon à ce que le public puisse donner son avis.
Pour ce qui est de l'alinéa c), en cas d'action en protection de l'environnement lorsqu'une action en justice a été intentée, il a été décidé que le public devrait être au courant des documents présentés par le ministre aux tribunaux. En ce qui concerne les documents présentés par les deux parties au litige, ces documents sont du domaine public et on peut se les procurer auprès des tribunaux.
Le président: Je suis tout à fait en faveur du registre. Ça a beaucoup de sens. Nous recevons sans cesse à nos bureaux des avis du gouvernement. Je suppose que tous ces documents seront versés au registre et que personne ne les lira, comme c'est le cas de nombre d'entre nous.
Toutefois, les informations importantes comme par exemple les rapports d'enquête et les rapports que doit faire le ministre tous les 90 jours, ne figurent pas au registre. Je n'aime pas cela. Il est probable que cela fera l'objet d'un amendement. Un registre devrait informer le public des plaintes en cours. C'est mon point de vue.
Pour en revenir aux actions en protection environnementale, est-il possible pour le ministre de mener une enquête en même temps qu'un procès est en cours? Ou bien, une action ne peut-elle être intentée que si, aux termes de l'article 22 qui est proposé, le ministre n'a pas procédé à l'enquête ou les mesures qu'il entend prendre à la suite de l'enquête ne sont pas raisonnables? Les deux choses peuvent-elles se faire simultanément?
Par exemple, puis-je intenter une action sans porter plainte au ministre?
M. Cameron: Non.
Le président: Je dois porter plainte, c'est bien cela?
M. Cameron: Vous devez d'abord demander l'ouverture d'une enquête. C'est une condition préalable.
Le président: Autrement dit, il se peut que je n'ai jamais la possibilité de demander l'ouverture d'une enquête -- à moins que je ne puisse prouver que le ministre n'a pas procédé à l'enquête et établi son rapport dans un délai raisonnable. Par «délai raisonnable», vous entendez 90 jours. Le ministre peut «l'enquête est en cours» et n'a plus rien à faire pendant encore 90 jours. Les mesures que le ministre a prises ou entend prendre peuvent aussi ne pas être raisonnables. Aucun délai n'est précisé dans ce cas, par exemple que si des mesures satisfaisantes n'ont pas été prises, on a deux ans pour intenter une action. En d'autres termes, l'affaire peut traîner jusqu'à ce que le plaignant fatigué renonce à son action.
Ne devrait-on pas prévoir un délai de sorte que, si l'affaire n'est pas réglée rapidement, une action puisse être intentée?
M. Cameron: Nous avons beaucoup réfléchi à la question, pour les raisons à la base de votre question. Nous sommes arrivés à la conclusion que nous ne voulions pas imposer de délai car certaines enquêtes peuvent prendre beaucoup plus de temps que d'autres. Nous voulions que la loi laisse aux tribunaux la flexibilité de décidé de ce qui est raisonnable dans les circonstances. C'est pourquoi nous avons utilisé les termes «délai raisonnable» à l'article 22. Nous estimons que nous agissons de façon raisonnable dans la plupart des cas sinon tous et que nous serions donc capables de nous défendre au cas où quelqu'un se plaindrait de ce que le ministère n'a pas agi dans un délai raisonnable.
L'établissement de rapports tous les 90 jours a pour but de faciliter cela, à savoir non seulement d'informer l'auteur de la demande des mesures que nous prenons mais aussi de prouver, pour notre défense, que nous suivons l'affaire et que nous avons besoin de poursuivre l'enquête.
Toutefois, comme vous le dites, si au bout de deux ans, l'auteur de la demande dit: »C'en est assez, l'affaire traîne depuis trop longtemps, j'intente une action en vertu de l'article 22», l'une des premières étapes serait pour le ministre de prouver qu'il a procédé à l'enquête dans un délai raisonnable. Si je me fie à mon expérience, le tribunal peut vouloir tenir une audience à huis clos afin de déterminer ce qui s'est passé et pourquoi l'enquête a pris tant de temps. Si nous prouvons que nous avons pris des mesures raisonnables et respecté des délais raisonnables, l'action peut être rejetée.
Le président: Monsieur Cameron, puis-je intenter une action au civil en dehors de cette procédure ou cela m'est-il interdit?
M. Cameron: Il y a dans le projet de loi une disposition qui dit que ces dispositions ne portent pas atteinte aux autres recours. Autrement dit, si on a la qualité pour intenter une action en common law, on peut le faire. On n'est pas obligé de suivre cette procédure.
Cette procédure a pour but de donner aux citoyens un droit qui leur est refusé en common law. En common law, il faut prouver que vous avez personnellement subi des dommages pour avoir le droit d'intenter une action pour négligence, par exemple. En revanche, un groupe d'intérêts situé dans une autre province ou un citoyen concerné auquel une infraction présumée à la LCPE ne cause pas de torts personnels n'ont pas le droit en common law d'intenter une action pour négligence.
Ces dispositions donnent légalement le droit à un citoyen de faire une demande au ministre afin qu'il fasse exécuter la loi. Si le ministre ne prend pas de mesures dans un délai raisonnable ou si sa réponse n'est pas raisonnable, ce citoyen ou ce groupe, s'il s'agit d'un groupe, se verra alors accorder le droit d'intenter une action contre l'auteur de l'infraction présumée. Voilà ce que font ces dispositions.
Le président: À mon avis, vous épuisez la patience du plaignant. La procédure devrait aller plus rapidement. En d'autres termes, cette affaire peut tellement traîner que le plaignant doit finalement aller au tribunal afin de déterminer si le ministre a pris des mesures raisonnables et agi dans des délais raisonnables. Cette procédure peut prendre encore des années. Résultat, le plaignant est totalement frustré. Avec tout le respect que je vous dois, j'ai vu dans ma vie des cas où les gouvernements n'avaient pas réagi aussi vite qu'on l'attendait d'eux.
Je voudrais que vous m'expliquiez encore pourquoi vous ne pouvez pas imposer une limite, dire par exemple que, si le ministre n'a pas terminé son enquête dans un délai donné, la partie lésée peut passer à l'étape suivante. Pouvez-vous me donner de plus amples détails à ce sujet?
M. Cameron: Il faudrait que nous consultions les responsables chargés de faire exécuter la loi au ministère. Ils nous ont donné des arguments convaincants dans des situations similaires par le passé. Peut-être pourrions-nous revenir là-dessus à une autre séance.
Le président: Je vous en saurais gré. Cette question risque de provoquer pas mal de mécontentement. Je ne pense pas que vous vouliez empêcher quiconque est mécontent face à l'inaction du gouvernement, d'intenter une action collective ou autre. Ce que vous faites me plaît, mais je ne voudrais pas que ce soit une source de mécontentement. Je veux que le gouvernement soit tenu de prendre des mesures en temps opportun, et non pas seulement d'établir des rapports tous les 90 jours.
L'article 25 du projet de loi stipule:
Elle ne peut non plus être intentée si la personne en case a déjà, pour le comportement reproché, soit été déclarée coupable d'une infraction prévue à la présente loi [...]
Est-ce vraiment ce que vous voulez dire? Qu'arrive-il si une personne a été reconnu coupable, en vertu de la loi, d'une infraction qui n'a rien à voir avec celle reprochée? Y a-t-il quelque chose qui m'échappe?
M. Cameron: L'article précise «pour le comportement reproché».
Le président: Je le vois.
M. Lerer: Monsieur le président, nous étions sur le point de passer à l'étape suivante et de parler des substances toxiques.
Le président: Nous espérions que vous pourriez poursuivre votre témoignage demain à 9 heures.
M. Lerer: Nous sommes à votre disposition.
Le président: Le comité se réunira pendant deux heures demain matin, après quoi, nous aurons une réunion à huis clos.
La séance est levée.