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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 19 - Témoignages du 16 juin 1999


OTTAWA, le mercredi 16 juin 1999

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, se réunit aujourd'hui à 9 h 08 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous poursuivons ce matin l'étude du projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable.

Nous accueillons de nouveau ce matin les représentants du ministère. Je vous remercie d'avoir apporté cette excellente documentation pour nous aider à effectuer l'étude article par article et à comprendre le projet de loi. Elle nous est très utile pour éclaircir les aspects complexes du projet de loi.

Le sénateur Spivak: Monsieur le président, je n'ai pas eu la chance d'examiner la documentation. Contient-elle tous les amendements de fonds apportés à l'étape du rapport et explique-t-elle les raisons pour lesquelles le gouvernement a apporté ces amendements? Ce serait utile.

Mme Karen Lloyd, gestionnaire, Bureau de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ministère de l'Environnement: Le texte de chaque amendement est mis en évidence et accompagné d'une courte explication. Nous avons également fourni au président, ce matin, une liste de toutes les modifications de fond apportées à l'étape du rapport. La documentation n'indique pas toutes les corrections relatives à la concordance des versions anglaise et française. Vous devriez également avoir en main le tableau qui contient la liste de tous les changements apportés, y compris l'ancien et le nouveau libellés.

Le sénateur Spivak: Merci. Ce sera utile. Les raisons des amendements sont-elles expliquées?

Mme Lloyd: Oui, le document contient de brèves explications.

Le sénateur Spivak: Pouvons-nous vous écrire pour obtenir des explications plus détaillées?

Mme Lloyd: Oui.

M. Harvey Lerer, directeur général, Bureau de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, ministère de l'Environnement: Comme le disait Mme Lloyd, nous vous avons fourni par l'intermédiaire du greffier, afin de répondre à certaines des questions posées hier, un tableau qui montre dans les deux langues officielles les principaux amendements apportés au projet de loi C-32. Le document indique, dans une colonne, le libellé après l'étape de l'étude du comité de la Chambre et, dans l'autre colonne, le libellé après le rapport à la Chambre.

Nous avons inclus les amendements qui nous paraissaient les plus importants, mais s'il en manque n'hésitez pas à nous le dire; nous serons heureux de les ajouter au tableau.

Le président: Cette documentation a été distribuée au membres du comité. Elle est utile et je vous en remercie.

M. Lerer: Pour faire suite à une question du sénateur Spivak au sujet des polluants organiques persistants, j'ai apporté la dernière version de l'ébauche du projet de protocole concernant la convention. Cette version fait référence au principe de la prudence contenu dans la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement. Je vais déposer ce document pour le comité.

Le sénateur Spivak: Contient-il la définition d'efficience?

M. Lerer: Il reprend la définition de la déclaration de Rio, qui définit l'efficience. Le protocole ne contient aucune définition, mais il fait référence au principe 15 de la déclaration de Rio, qui est la version du principe de la prudence utilisée dans le projet de loi.

Le sénateur Spivak: La Convention sur la diversité biologique ne contient pas la définition de l'efficience.

M. Lerer: Je n'ai pas fait de recherches à ce sujet.

Le sénateur Spivak: Le Canada a signé cette convention.

M. Lerer: Très bien. Je ne connais tout simplement pas la réponse à cette question. On m'a interrogé hier au sujet de l'autre question.

Le sénateur Spivak: Je me suis trompée. Je croyais que ce document contenait la même chose que la Convention sur la diversité biologique. Est-ce qu'une autre personne pourrait vérifier?

M. Lerer: Pas tout de suite, mais nous nous informerons.

Le président: Nous croyons savoir que le Canada a signé la convention sur la biodiversité, laquelle contient une définition du principe de prudence qui ne fait pas référence à l'efficience. C'est ce que j'ai fait valoir hier. On nous a également informé que le Canada est en voie d'adhérer au protocole de la Convention de Londres sur les rejets en mer, qui définit le principe de prudence sans faire référence à l'efficience. Vous vous souviendrez peut-être que nous en avons discuté brièvement hier.

M. Lerer: Oui, je me souviens. Vous avez l'information et elle est probablement juste. C'est moi qui ai commis l'erreur. Je croyais qu'on me demandait de parler de cela.

Le sénateur Spivak: Non, ce n'est pas une erreur.

Le président: C'est tout à fait pertinent.

M. Lerer: Monsieur le président, en ce qui a trait a votre question concernant la Loi sur la protection de l'environnement, notre bureau responsable de l'application de la loi examine cette question. Nous ferons parvenir une réponse écrite au greffier, probablement la semaine prochaine.

L'emploi de l'expression «développement durable» a également soulevé une question pour d'autres gouvernements. Nous nous sommes également penchés sur cette question et mon collègue, Steve Mongrain, est prêt à vous en parler si vous le souhaitez.

Le président: Certainement.

M. Steve Mongrain, représentant, Bureau de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement: J'ai examiné des lois provinciales récentes pour voir si elles emploient l'expression «développement durable». Vous vous souviendrez que cette expression a vu le jour en 1987 dans le rapport de la Commission mondiale de l'environnement et du développement, la commission Brundtland. La définition de «développement durable» proposée par la commission a été reprise dans le projet de loi C-32. J'ai vérifié plusieurs lois qui ont été adoptées depuis.

La Environmental Protection and Enhancement Act de l'Alberta, 1992, fait référence au principe de développement durable et ajoute ce qui suit:

[...] s'assurer que l'utilisation actuelle des ressources et de l'environnement ne compromette pas la possibilité pour les générations futures d'en faire autant.

Cela représente une légère distorsion du principe, mais la loi y fait néanmoins référence et l'incorpore.

Fait intéressant, la Environment Act de la Nouvelle-Écosse, adoptée en 1995, emploie la même définition que dans le projet de loi C-32.

Ces deux lois sont les deux plus récentes mesures législatives provinciales portant sur le même sujet que le projet de loi C-32. Les deux lois reprennent le principe, la première de façon identique au projet de loi C-32, la seconde de façon légèrement différente.

J'ai également examiné des accords intergouvernementaux sur l'environnement, nationaux et internationaux. L'accord pancanadien sur l'harmonisation de l'environnement a notamment pour objectif de promouvoir le développement durable, sans pour autant le définir. L'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement, qui est le volet environnemental de l'ALÉNA, a également pour objectif de favoriser le développement durable, mais n'en donne toutefois pas de définition.

Le président: Qu'en est-il de l'Ontario et du Québec? Avez-vous eu la possibilité, durant cette courte période, d'examiner leur cas?

M. Mongrain: La loi québécoise remonte aux années 70, c'est-à-dire avant la commission Brundtland et le concept de développement durable qui a vu le jour à Rio durant les années 80 et 90.

La Déclaration ontarienne des droits de l'environnement indique que cette mesure législative a pour objet d'assurer la durabilité de l'environnement en utilisant les moyens qui y sont prévus. Comme la loi du Québec, la loi ontarienne de protection de l'environnement, qui est une mesure d'application étendue, a précédé la commission Brundtland, mais comme elle a été adoptée en 1973 elle contient le concept de développement durable.

La Crown Forest Sustainability Act de l'Ontario, adoptée en 1995, inclut également ce concept. Permettez-moi de lire rapidement l'un des objectifs énoncés dans la loi:

[...] assurer la durabilité des forêts de l'État et, conformément à cet objectif, gérer les forêts de l'État de manière à répondre aux besoins sociaux, économiques et environnementaux des générations actuelles et futures.

Cet énoncé reprend lui aussi le concept.

Le sénateur Kroft: Il y a ou il y avait, à Winnipeg, un organisme gouvernemental appelé l'Institut canadien pour le développement durable. Étant donné son nom, cet organisme a probablement une définition du développement durable.

M. Mongrain: Il s'agit de l'Institut international de développement durable. Je crois que cet organisme a reçu une bonne partie de ses capitaux de démarrage du gouvernement fédéral, mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'un organisme fédéral comme tel. Il est certainement subventionné par le gouvernement fédéral mais il n'est pas sous son contrôle. Je pourrais vérifier quelle définition l'institut utilise dans sa documentation ou dans son énoncé de mission.

Le sénateur Spivak: La plupart de ces énoncés figurent dans le préambule, n'est-ce pas?

M. Mongrain: Ils se trouvent dans le préambule ou dans l'énoncé d'objet.

Le sénateur Spivak: Nous avons discuté de la force de loi d'un énoncé de ce genre dans le préambule. Quelle est la différence? Quelle est votre point de vue? Il arrive souvent qu'on veuille retirer un énoncé semblable du préambule et le mettre dans le corps du texte de loi. Je présume que c'est parce qu'il n'a pas la même force que sous forme d'article de loi.

M. Mongrain: Je laisserai mon collègue du ministère de la Justice vous répondre. Nous avons cependant tenté de faire en sorte que les articles d'application du projet de loi C-32 reflètent le principe du développement durable et de la prévention de la pollution. Ils ne feront pas forcément référence au développement durable de façon explicite, mais le concept selon lequel il faut assurer un environnement sain pour les générations futures constitue un principe directeur fondamental.

Le sénateur Spivak: Je vois.

M. Duncan Cameron, conseiller juridique, ministère de la Justice: Le préambule sert essentiellement de moyen d'interprétation des articles de fond d'une loi. Le préambule fait partie de la loi, sans pour autant créer de droits ou d'obligations explicites.

Le sénateur Spivak: Si, par exemple, quelqu'un soumet une question à un tribunal, ce dernier utilisera le préambule à des fins d'interprétation pour les fins de sa décision. Est-ce ce que vous dites?

M. Cameron: Habituellement, on ne se réfère au préambule que s'il y a une ambiguïté dans le corps du texte de loi. On n'utilise les moyens d'interprétation que si le sens du texte n'est pas clair.

Les tribunaux ne se fondent pas automatiquement sur le préambule pour rendre leurs décisions, mais ils le font si cela peut les aider à mieux comprendre l'intention du législateur dans les dispositions de fonds.

M. Lerer: Je voudrais maintenant reprendre là où nous en étions hier. C'était à la page 8 de la documentation que vous avez reçue. Il y est question de rassemblement d'information, d'objectifs, de lignes directrices et de codes de pratique. Si vous le voulez bien, nous ferons un survol article par article.

Le président: Est-ce que cela vous embêterait de revenir en arrière? Je voulais vous poser quelques questions hier au sujet des articles que nous avions examinés.

Je voudrais revenir aux articles 28, 29 et 30. L'article 29 stipule ce qui suit au sujet du fardeau de la preuve:

Dans une action en protection de l'environnement, la charge de prouver l'existence de l'infraction et l'atteinte à l'environnement qui en découle repose sur la prépondérance des probabilités.

Je citais l'article 29, à la page 22 du projet de loi. Il s'agit, selon vous, d'une question de nature juridique, mais est-ce que le principe de prudence intervient? Par exemple, dans le cas d'une action en justice en vertu de la Loi sur la protection de l'environnement, où le fardeau de la preuve reposerait sur la prépondérance des probabilités, est-ce que le principe de la prudence aurait un rôle à jouer?

M. Cameron: Je ne le crois pas. Le principe de la prudence guide le gouvernement. L'absence de certitude scientifique ne devra pas servir de prétexte au gouvernement pour remettre à plus tard l'adoption de mesures visant à corriger ou à prévenir la dégradation de l'environnement. Ce principe directeur s'applique au gouvernement.

L'article 29 fait référence au fardeau de la preuve que doit supporter le plaignant dans une action en protection de l'environnement. Comme le savent bien ceux d'entre nous qui ont une formation juridique, la prépondérance des probabilités constitue le critère de référence dans une action au civil, alors qu'au criminel c'est la règle de la preuve hors de tout doute raisonnable qui s'applique.

L'article 29 a clairement été rédigé de manière à ne pas exiger une preuve, hors de tout doute raisonnable, d'une infraction présumée, précisément parce qu'il s'agit d'une action au civil. Le critère applicable au civil est donc celui qui s'applique dans une action de protection de l'environnement.

En somme, le principe de la prudence et le fardeau de la preuve dans une action au civil m'apparaissent comme deux concepts distincts.

Le président: Je ne suis pas sûr d'être tout à fait d'accord cependant. Je crois que l'application du principe de la prudence établit un critère différent dans le projet de loi. Je crois qu'un juriste astucieux soulèverait la question dans une action semblable. La question est intéressante, mais je ne m'y attarderai pas.

L'alinéa 30(1)d) stipule:

d) il a été induit en erreur par un fonctionnaire.

Je ne comprends le sens de cette disposition et je voudrais bien comprendre.

M. Cameron: Il s'agit d'un moyen de défense qui permet au présumé contrevenant de faire valoir qu'il a été amené à commettre l'acte qui lui est reproché parce qu'un représentant de l'État lui a donné l'assurance qu'il agissait légalement.

Autrement dit, si un représentant de l'État, par exemple un agent d'exécution de la loi, indiquait par erreur à une personne qu'elle peut commettre un acte donné et que cela sera conforme à la loi, le présumé contrevenant pourrait invoquer comme défense, dans toute action ultérieure au civil, que l'agent lui avait dit que l'acte qui lui est reproché était légal.

Le président: Voilà un exemple où une personne pourrait invoquer son ignorance de la loi comme moyen de défense parce qu'elle aurait été induite en erreur, n'est-ce pas?

M. Cameron: Tout à fait.

M. Lerer: Un exemple concret serait le cas d'un permis d'exploitation dont les restrictions ne respecteraient pas les limites de rejet prévue par la loi. Dans ce cas, le titulaire du permis pourrait faire valoir qu'il a été induit en erreur par un représentant de l'État.

Le président: Aux termes de l'article 34 relatif à l'ordonnance de la cour visant la négociation d'un plan, le plan doit porter sur les mesures énoncées aux alinéas a) à e). Pourquoi le plan ne prévoirait-il pas le paiement de dommages-intérêts précis aux parties lésées?

Le projet de loi prévoit «le paiement par le défendeur de la somme que le tribunal juge indiquée pour la réalisation du plan». Pourquoi ne pas inclure le droit d'accorder des dommages-intérêts à la partie lésée indépendamment des recours en dommages prévus au civil?

M. Mongrain: Cette mesure vise à prévenir ce que j'appelle, faute d'expression plus appropriée, la «course au trésor» de la part de personnes qui ne seraient pas lésées directement.

Les personnes qui subissent un préjudice ou une perte peuvent, aux termes de l'article 39 du projet de loi, intenter un action et obtenir réparation.

Le président: Pourquoi ne pas prévoir des dommages-intérêts directement dans le projet de loi, de manière à éviter une action au civil, le recours aux services d'avocats, et cetera? Cela pourrait régler le problème.

M. Cameron: La réponse se trouve dans l'objet même de l'action en protection de l'environnement. Veuillez vous reporter au paragraphe 22(3), qui énumère toutes les mesures de redressement possibles dans une action en protection de l'environnement. Vous comprendrez à quoi vise l'action. Ainsi, l'alinéa a) permet de demander un jugement déclaratoire, l'alinéa b) une ordonnance provisoire.

Le président: Je vous renvoie à l'alinéa e), monsieur Cameron.

M. Cameron: Je voulais justement vous y renvoyer. L'alinéa 22(3)e) stipule:

e) toute autre mesure de redressement indiquée -- notamment le paiement des frais de justice -- autres que l'attribution de dommages-intérêts.

Les mots «autres que l'attribution de dommages-intérêts» sont très révélateurs de l'objet d'une action en protection de l'environnement. Ce mécanisme permet à des personnes à qui une infraction à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement n'a pas causé de préjudice direct d'intenter une action au civil contre l'auteur de l'infraction, mais pas à des fins personnelles. La loi ne permettrait pas au poursuivant de demander une réparation monétaire, mais il pourrait demander une ordonnance ou d'autres mesures de redressement visant à remédier aux dommages causés à l'environnement. Les dommages-intérêts ont donc été délibérément écartés de la liste des mesures de redressement possibles.

Le président: Que ce passerait-il si une action était intentée par un particulier plutôt que par un groupe d'intérêt?

M. Cameron: Je crois que la même logique s'appliquerait.

Le président: Les recours sont très nombreux, mais aussi très coûteux pour le plaignant. Pourquoi ne pas réduire le nombre de recours? Le projet de loi pourrait prévoir un processus d'ordonnance de protection dans le cas des personnes qui porteraient plainte et qui pourraient également avoir subi un préjudice. Toutefois, en cas de dommages, le plaignant doit intenter une action au civil, et qui sait ce que ce projet de loi peut entraîner encore. Une action comporte des coûts, elle prend du temps, engendre du mécontentement, et cetera.

Pourquoi ne pas inclure des dommages?

M. Cameron: Une personne qui subirait un préjudice direct à la suite d'une infraction à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ne se préoccuperait pas d'intenter une action en protection de l'environnement, elle ferait immédiatement une demande d'indemnisation pour négligence. Cela constituerait la mesure de redressement adéquate.

Le président: Je suppose, mais la première solution serait peut-être la moins coûteuse. Le plaignant pourrait obtenir une injonction. Il pourrait peut-être éviter tout cela et éviter des frais en optant pour une solution plus facile. Le plaignant souhaiterait peut-être éviter tous ces coûts et cette façon de faire pourrait lui paraître préférable, plus efficace et moins coûteuse.

M. Cameron: Je ne crois pas que ce soit plus rapide et moins coûteux.

Le président: Votre réponse nous éclaire beaucoup.

M. Cameron: Les choses sont ce qu'elles sont. Il est possible de solliciter en common law une injonction pour négligence mais on peut également demander une injonction en vertu de l'article 39, dans une action au civil pour préjudice personnel. Le plaignant peut solliciter une injonction provisoire ou permanente.

Le président: En terminant, nuirait-on au projet de loi si on y incluait ce genre de mesure pour que le plaignant dispose d'une alternative et puisse choisir une ligne de conduite?

M. Cameron: Cela modifierait fondamentalement la nature de l'action en protection de l'environnement que nous avons créée.

M. Lerer: Le but de cette politique est d'assurer un recours aux personnes qui ne sont pas lésées directement et de leur permettre d'intention une action au civil. La loi prévoit de toute manière d'autres mesures de redressement au civil.

Il s'agissait principalement de fournir un recours aux personnes désireuses d'intenter une action au civil, mais pas à des fins personnelles. C'est le but avoué de cette politique dans le projet de loi.

Le sénateur Spivak: Le paragraphe 42(3) stipule:

Sont irrecevables les demandes formées sous le régime de la présente loi par suite des dommages causés par un navire dans la mesure où elles sont déjà prévues par la Loi sur la marine marchande du Canada [...]

Cette disposition concerne les navires. Toutefois, la Loi sur la marine marchande du Canada exempte, par exemple, le port de Vancouver de toute évaluation environnementale, et cetera. Qu'en pensez-vous? Est-ce que ce paragraphe vise les navires mais non le port? Si des activités portuaires polluent les eaux, par exemple, sera-t-il toujours possible d'intenter une action en vertu de ce projet de loi? Cet article vise-t-il précisément les navires?

M. Cameron: Il s'applique expressément aux navires. Il a été conçu de cette façon parce qu'il y a d'autres régimes de responsabilité en droit international qui s'appliquent aux navires. Un port qui serait impliqué dans une infraction à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ne serait aucunement exempté en vertu de ce paragraphe.

Le sénateur Spivak: Par conséquent, ai-je raison de conclure que le projet de loi aurait préséance sur la Loi sur la marine marchande du Canada? Je tiens à éclaircir ce point. Je sais que le port de Vancouver jouit d'une immunité. J'ignore pourquoi, mais je sais que c'est prévu dans le projet de loi.

À supposer que j'aie raison, est-ce que le projet de loi aurait préséance?

M. Cameron: Faites-vous référence à l'évaluation environnementale?

Le sénateur Spivak: Je parle d'évaluation environnementale. Je ne suis pas tout à fait certaine du libellé de l'article. Ma question porte sur le principe, qui semble viser seulement les navires, pas les ports.

M. Cameron: C'est exact.

Le sénateur Spivak: Par conséquent, le projet de loi aurait préséance?

M. Lerer: C'est le projet de loi qui s'appliquerait.

Le sénateur Spivak: Il aurait préséance.

Le président: Je voudrais terminer par une question. Elle concerne l'équivalence et la réponse que vous avez donnée hier concernant l'article 94 du projet de loi et la capacité du gouvernement de prendre des ordonnances provisoires visant d'autres provinces.

Afin d'éviter de prendre le temps du comité, je ferai copier et distribuer la question aux membres du comité. J'aimerais que les témoins l'examinent et nous donnent leur réponse. Le sujet est important, mais je ne veux pas empiéter sur le temps du comité.

M. Lerer: Très bien, monsieur le président.

Le président: Veuillez passer à la partie suivante de votre exposé.

Mme Lloyd: La partie 3 concerne les pouvoirs et obligations du ministre de l'Environnement et, dans certains cas, du ministre de la Santé concernant la collecte de l'information, les recherches, l'établissement d'objectifs, de directives et de codes de pratique.

La Chambre des communes a apporté des amendements à de nombreux articles de cette partie du projet de loi, pour leur donner un caractère obligatoire et non pas discrétionnaire. Par exemple, le ministre de l'Environnement doit maintenant établir un inventaire de contrôle de la qualité de l'environnement au Canada et en publier les résultats. Il doit également publier un rapport périodique sur l'état de l'environnement au Canada.

Le comité de la Chambre a également ajouté un article aux termes duquel les ministres de l'Environnement et de la Santé doivent effectuer des recherches sur les substances hormonoperturbantes.

Cet article confère également des pouvoirs accrus en matière de collecte d'information. Le ministre peut également, par avis, demander aux gens de lui communiquer les renseignements dont ils disposent, pour lui permettre d'effectuer des évaluations de risque, établir des inventaires de données, des directives et des codes de pratique et pour l'aider à effectuer des contrôles et des recherches.

Le projet de loi contient également un nouvel article qui oblige le ministre de la Santé à faire des recherches sur le rôle de certaines substances dans la maladie ou dans les problèmes de santé. Ces responsabilités, qui étaient auparavant discrétionnaire, constituent maintenant une obligation.

Le projet de loi oblige explicitement le ministre de l'Environnement à établir un inventaire national des rejets polluants. Environnement Canada a déjà établi un inventaire des rejets polluants dans l'environnement, mais le projet de loi nous oblige maintenant explicitement à en tenir un. Le ministre peut également utiliser, au besoin, les pouvoirs relatifs à la collecte d'information prévus dans le projet de loi pour recueillir des renseignements nécessaires.

Le sénateur Taylor: Je m'efforce d'intégrer votre exposé aux connaissances que j'ai acquises en tant que membre du comité de l'agriculture. Ce comité a rencontré, en Europe et au Canada, des groupe d'intérêt qui lui ont fait part de la volonté des consommateurs d'en savoir plus au sujet des aliments qu'ils consomment et des modifications génétiques dont ils peuvent faire l'objet. Nous avons récemment terminé une étude des hormones dans le lait.

Y a-t-il une ligne de démarcation claire entre le ministère de l'Environnement et le ministère de l'Agriculture? Comment les choses se passent-elles dans le domaine de la recherche? Le ministère de l'Agriculture semble être captif de ceux qui tiennent à vendre ce que nous produisons, peut importe les méthodes de production utilisées ou le fait que les aliments aient subi ou non une modification génétique. La viande de «boeuf de l'Alberta» que nous consommons provient d'un animal auquel on a implanté une hormone dans l'oreille lorsqu'il n'était âgé que de quelques mois, pour accélérer considérablement sa croissance. Il semble que l'on veuille obliger les gens à consommer des aliments génétiquement modifiés en ne permettant pas l'utilisation d'un étiquetage approprié qui leur permette de choisir leurs aliments.

Je crains que ce chapitre ne soit la cause d'une confrontation entre votre ministère et le ministère de l'Agriculture, quoique ce dernier recueille généralement plus d'appuis. Que va-t-il se passer?

M. Lerer: Le projet de loi oblige le ministre a faire des recherches sur les substances hormonoperturbantes, mais nous le faisons déjà depuis de nombreuses années.

Notre recherche est centrée sur l'exposition de l'environnement. Les substances hormonoperturbantes et endocrinoperturbantes font actuellement l'objet d'un énorme effort de recherche internationale, parce que les scientifiques craignent que ces substances ne puissent avoir des effets nuisibles. Ce comité a étudié la question dans le secteur agricole.

Notre ministère ne fait pas de travaux de recherche de façon isolée. La science ne fonctionne plus ainsi de nos jours. Elle repose plutôt sur un effort de coopération internationale entre les gouvernements et les universités, au sein des organismes fédéraux et entre les ministères. Toutefois, en raison des obligations créées par le projet de loi, notre intérêt porte principalement sur les possibilités de rejet de ces substances dans l'environnement et les risques d'exposition de certaines espèces et des humains à ces substances. Nous ne voyons pas de conflit. Nous croyons qu'il s'agit d'une effort de recherche à grande échelle et nous avons trouvé notre rôle et nos obligations. Les autres ministères, en particulier ceux qui ont des responsabilités en matière d'alimentation, feront leurs propres recherches et prendront les mesures nécessaires pour s'acquitter de leurs responsabilités et obligations.

Le sénateur Taylor: C'est ce qui m'inquiète. Même si vous avez trouvé une niche, elle peut être tellement restreinte qu'elle passera inaperçue. Prenons le cas du maïs transgénique. Aux États-Unis, on a découvert que le pollen de plantes transgéniques est transmis aux insectes et tue le papillon Monarque. Cette espèce n'est sans doute pas un sujet de préoccupation pour le ministère de l'Environnement, mais si le pollen tue ce type de papillon, il est peut-être également nuisible pour d'autres espèces d'insectes et d'animaux. Nous avons recours à la modification génétique et aux gènes terminateurs pour produire des aliments plus rapidement et à des coûts moindres. Vous affirmez être dans une niche, mais je crois que vous vous trouvez dans une zone de confrontation.

Je ne veux pas que vous vous retranchiez, mais j'ai un peu l'impression que c'est ce que vous faites. Je veux simplement savoir comment vous vous tirerez d'affaire lorsque la situation se corsera?

M. Lerer: Je n'ai pas voulu donner l'impression que je me retranchais. Ce n'est pas ce que j'ai voulu vous dire.

Peu importe ce que font les bureaucrates, les scientifiques se parlent entre eux. Cela fait partie de leur façon de travailler.

Y aura-t-il des divergences d'opinion à mesure que la science progressera? Bien sûr que oui. Il y aura des débats non seulement entre scientifiques mais aussi dans des endroits comme ici.

Parviendrons-nous à surmonter nos différends? J'ai bon espoir que nous y arriverons.

À titre d'exemple, le gouvernement fédéral a récemment annoncé un programme de partenariat en recherche de 40 millions de dollars. Les ministères fédéraux participants sont l'Agriculture, la Santé, l'Environnement et les Ressources naturelles.

Je comprends votre point de vue, mais je terminerai en disant que peu importe ce que font les bureaucrates, je puis vous donner l'assurance que les scientifiques se parlent entre eux et coopèrent dans leurs efforts de recherche.

Le sénateur Taylor: En fait, je ne tiens pas à ce que vous soyez trop coopératifs. Je souhaite plutôt vous voir combatifs.

M. Lerer: Vous pouvez toujours demander à mes collègues des autres ministères à quel point nous sommes coopératifs.

Le sénateur Spivak: Je voudrais vous interroger au sujet des paragraphes 47(2) et 47(3), qui limitent les pouvoirs du ministre. Ces dispositions ont été modifiées à l'étape du rapport.

Le ministre doit proposer de consulter les gouvernements provinciaux et territoriaux, et cetera. Toutefois, le ministre ne peut agir que 60 jours après la date de la proposition de consultation et seulement si l'offre a été refusée. Cela soulève un certain nombres de questions.

Je crois comprendre que cet article n'est que le premier d'une dizaines de dispositions qui font référence à une offre de consultation. Compte tenu de ce qu'a dit le commissaire à l'environnement et au développement durable au sujet des difficultés et obstacles à la prise de mesures, cela ne constitue-t-il pas une nouvelle exigence? J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi le gouvernement a apporté cet amendement. Cela ne va-t-il pas limiter la capacité du gouvernement fédéral d'agir au moment opportun? En cas d'acceptation de l'offre de consultation, le ministre devra-t-il attendre la fin des consultations avec toutes les parties pour agir? Quelles solutions s'offriraient au ministre en cas de désaccord?

Cela me paraît être un moyen très bureaucratique de ne rien faire. Comment ferez-vous pour agir après avoir consulté tout le monde? Le ministre ne pourra agir qu'en cas de refus de l'offre. C'est curieux. Pourriez-vous nous expliquer la chose et nous dire pourquoi le gouvernement a proposé cet amendement à l'étape du rapport?

M. Lerer: Je vais essayer.

Le paragraphe 47(2) relatif à l'offre de consultation fait partie du projet de loi depuis son dépôt à la Chambre des communes. La présence de cette disposition est la reconnaissance du fait que de nombreuses solutions à des problèmes environnementaux ne peuvent être mises en oeuvre que dans le cadre d'un partenariat.

Le sénateur Spivak: Est-ce conforme à l'accord d'harmonisation?

M. Lerer: C'est effectivement ce que prévoit l'accord d'harmonisation.

La question a soulevé un long débat au comité. Le délai de 60 jours vise en fait à limiter la période pendant laquelle le ministre doit attendre une réponse à son offre de consultation.

M. Lincoln a présenté de nombreuses motions concernant chacune de ces «offres de consultation». Il voulait que le délai de 60 jours figure explicitement dans le projet de loi. Je crois savoir que ces amendements ont été rejetés par le comité, mais le gouvernement les a intégrés au projet de loi avant l'étape du rapport.

L'offre de consultation a toujours fait partie du projet de loi C-32 et correspond à notre manière de faire les choses. Le délai de 60 jours ne vise pas la consultation comme telle, mais correspond à la période au terme de laquelle l'offre de consultation doit avoir été acceptée. Le ministre peut agir, peu importe que l'offre de consultation soit acceptée ou non et même s'il y a désaccord.

Le sénateur Spivak: Si l'offre n'est pas acceptée dans les 60 jours, le ministre peut agir au sujet de n'importe quel article?

M. Lerer: Oui.

Le sénateur Spivak: Si l'offre de consultation est acceptée, aucun délai ne s'applique. Il n'y a pas de délai applicable dans le cas des parties à consulter.

M. Lerer: Aucune limite ne s'applique à la durée de la consultation elle-même.

Le sénateur Spivak: Ce qui signifie que le ministre peut agir pendant qu'il consulte?

M. Lerer: Bien sûr.

Le sénateur Spivak: Il peut agir alors même qu'il demande aux provinces s'il doit prendre des mesures?

Pourquoi doit-il y a voir consultation au sujet de directives réservées à l'usage du ministre?

M. Lerer: Je vais terminer ce que j'ai à dire, puis je céderai la parole à mes collègues.

L'offre de consultation, et notamment l'offre de consultation des gouvernements provinciaux et autochtones, fait partie du projet de loi C-32 depuis son dépôt à la Chambre des communes. Durant l'étude du projet de loi au comité de la Chambre des communes, on a dit craindre que l'absence de délai applicable à l'offre de consultation puisse être utilisée par inadvertance pour gagner du temps.

C'est pourquoi le gouvernement a proposé un délai de 60 jours à l'étape du rapport. Mais il ne s'agit que d'un mécanisme de consultation. Le ministre n'est pas obligé d'accepter les conseils donnés ou de poursuivre les consultations jusqu'à ce que tout le monde soit satisfait. Tant que le ministre estime avoir consulté de bonne foi au sujet d'une mesure donnée ou de son opportunité, rien ne diminue l'obligation ou le pouvoir qu'il a d'agir.

Le sénateur Spivak: Du point de vue politique, le ministre peut-il vraiment agir pendant qu'il tient des consultations?

M. Lerer: Si les parties acceptent l'offre de consultation, je m'attends à ce que le ministre agisse de bonne foi et permette aux consultations de se dérouler. En cas de danger évident et pressant, il existe d'autres solutions. Je suppose que si l'offre de consultation est acceptée, le ministre consultera de bonne foi.

Le sénateur Spivak: Pourquoi le ministre doit-il consulter au sujet de directives réservées à son propre usage? Il s'agit d'un pouvoir fédéral.

M. Lerer: Effectivement.

M. Mongrain: Je puis répondre à cette question. Cela est en rapport avec les pouvoirs de cueillette d'information. La cueillette d'information coûte cher au gouvernement et à ceux qui doivent communiquer l'information, notamment l'industrie. Les gouvernements provinciaux et territoriaux recueillent aussi une quantité appréciable de renseignements. Il est parfois plus commode pour nous d'obtenir l'information d'une province lorsqu'elle l'a en main, que de nous adresser directement à un groupe d'industries.

Il nous a semblé naturel d'établir des directives sur l'utilisation de ce pouvoir en consultation avec les provinces, puisque dans de nombreux cas il y a des chances que nous nous adressions d'abord à elles pour obtenir l'information voulue.

Le sénateur Spivak: Le gouvernement fédéral a-t-il vraiment besoin d'une loi pour pouvoir consulter les provinces au sujet de l'information? N'est-ce pas un peu déraisonnable? Le gouvernement fédéral peut tenir des consultations quand il le veut. Que sommes-nous en train de faire?

M. Mongrain: Le projet de loi n'autorise pas le gouvernement à tenir des consultations, il mentionne simplement qu'il fera une offre de consultation. Cela semblait aller de soi dans les cas où les deux niveaux de gouvernement font la cueillette d'information.

Le sénateur Spivak: Est-ce que les provinces ont la même obligation de consulter le gouvernement fédéral?

M. Mongrain: Je ne sais pas ce que stipulent leurs lois.

Le sénateur Spivak: Je sais que ce n'est pas dans le projet de loi, mais je me pose la question au sujet de l'accord d'harmonisation.

Le président: Monsieur Mongrain, il n'y a pas d'obligation de consulter. Je vois «peut consulter».

Le sénateur Spivak: Le paragraphe 47(2) dit «propose de consulter».

Le président: Ce n'est pas comme ça que je l'interprète. Le paragraphe débute ainsi:

À cette fin, il propose de consulter [...]

Et continue en ces termes:

[...] ainsi que les membres du comité qui sont des représentants de gouvernements autochtones; il peut aussi consulter tout ministère, organisme public [...]

Quel est le problème? Je vois un «peut» et un «propose».

M. Mongrain: «Propose» s'applique dans le cas des gouvernements provinciaux et territoriaux et des représentants de gouvernements autochtones membres du comité consultatif national. «Peut» s'applique à tous les autres.

Le sénateur Spivak: Je poserai la même question au sujet des dix autres articles car je veux être sûre que ce projet de loi n'est pas de nature prohibitive.

Le sénateur Cochrane: Est-ce que cela signifie que le ministre «propose» de demander ou qu'il «peut» demander que les ministres ou les ministères provinciaux lui communiquent des renseignements? Le paragraphe stipule qu'il «propose».

M. Cameron: L'obligation porte sur le fait d'offrir de consulter. Le ministre doit en faire l'offre à ses homologues provinciaux et territoriaux ainsi qu'aux représentants de gouvernements autochtones membres du comité consultatif national. Il doit faire cette offre dans le cadre du processus d'élaboration des directives. Nous retrouverons ce langage à 11 ou 12 reprises dans le projet de loi. Il y a une obligation légale de faire l'offre.

Si l'offre est acceptée, les consultations se déroulent ensuite comme d'habitude. Aucune obligation n'est faite aux groupes ou aux gouvernements qui sont consultés de fournir des renseignements donnés. Il s'agit de consultations en toute bonne foi dans le cadre desquelles les parties se rencontrent, échangent des renseignements et parlent de la façon dont les directives seront élaborées.

Le délai de 60 jours est là simplement pour que le ministre puisse commencer à élaborer les directives si l'offre a été faite, mais n'a pas encore été acceptée.

Le sénateur Cochrane: Que se passe-t-il si un ministre provincial accepte l'offre, mais fait traîner les choses juste pour le plaisir?

Que fait le ministre fédéral?

M. Lerer: Le ministre agit. À mon avis, tant qu'on peut démontrer que le ministre a consulté de bonne foi, il s'est acquitté de ses obligations et peut passer à l'action.

Le sénateur Wilson: J'aimerais une précision. S'il y a 12 articles qui disent que le ministre est obligé de consulter, quel est le rôle du comité consultatif national?

M. Lerer: Il se peut qu'il devienne le véhicule des consultations. C'est ce qui est prévu.

Le sénateur Wilson: Ce n'est pas ce que vous avez dit. On dirait que c'est un processus parallèle.

M. Lerer: Ça pourrait très bien l'être si une question précise se posait. Plutôt que de convoquer le comité consultatif national, généralement composé de conseillers en politiques, on pourrait faire appel à un groupe de spécialistes. On n'est pas obligé de passer par un organisme donné. Ce n'est pas précisé, justement pour permettre cette latitude.

Le sénateur Wilson: Cela me semble faire double emploi.

M. Lerer: Ça pourrait arriver, mais dans la pratique, ça ne fonctionne pas comme ça. Ce mécanisme consultatif est en place depuis 1988 et ce n'est pas comme ça qu'il est utilisé.

Comme nous l'avons dit hier, on l'a modifié pour le projet de loi C-32 afin d'y inclure une représentation des gouvernements autochtones sur la même base que les provinces.

Le sénateur Kroft: J'aimerais passer de l'aspect juridique et administratif du projet de loi à son contexte. Il existe depuis 1988 une situation dont tout cela découle. Je comprends le pourquoi du choix des verbes «proposer» et «pouvoir». Quelle a été la pratique ces dernières années en ce qui concerne les consultations sur l'environnement? Est-ce que ces dispositions ont pour objet d'essayer de régler un problème ou d'institutionnaliser une pratique existante? Avons-nous affaire à une situation tout à fait insatisfaisant ou à un système qui fonctionne relativement bien? Pourriez-vous me le dire?

M. Lerer: Puisque nos pouvoirs réglementaires touchent de nombreuses facettes de la vie des Canadiens, notre pratique normale, quand nous élaborons des règlements et des options de contrôle, est de consulter non seulement les gouvernements provinciaux -- et maintenant les gouvernements autochtones dans le cas du projet de loi C-32 -- mais également les spécialistes du domaine et les personnes qui seront touchées. Ce sont généralement des consultations pluripartites.

Dans le projet de loi C-32, il est prévu que pour certaines choses une déclaration suffit alors que pour d'autres l'obligation est faite de consulter. C'est une pratique courante.

Le sénateur Kroft: Est-ce que le délai de 60 jours est là parce que typiquement vous ne recevez pas de réponse?

M. Lerer: Il est là parce que la Chambre des communes a trouvé que cette disposition pourrait servir à retarder les choses et qu'elle voulait qu'il y ait un délai précis.

Le sénateur Spivak: Pourriez-vous nous fournir un jour la liste des gouvernements provinciaux ou comités qui ont l'obligation de consulter aux termes de l'accord d'harmonisation ou de toute autre loi?

M. Lerer: Oui, bien sûr.

Le président: À quel moment la biodiversité entre-t-elle en jeu là-dedans? Est-ce que le ministre peut faire de la recherche sur la biodiversité sous la rubrique recherche et données sur l'environnement, où est-ce que ça figure dans une autre mesure législative? Pouvez-vous éclairer ma lanterne? C'est un secteur important.

M. Mongrain: L'alinéa 46(1)i) autorise spécifiquement la recherche portant sur les espèces fauniques et autres espèces. Quand nous recueillons de l'information sur des substances qui peuvent être toxiques ou nocives, leur effet sur la diversité biologique est l'une des considérations.

Le président: J'aimerais que ce soit beaucoup plus large que ça. Je sais que les États-Unis étudient, État par État, la relation entre les espèces animales, les plantes, et cetera. Ils sont en train de dresser un inventaire dans chaque État. J'aimerais que notre ministre de l'Environnement ait le pouvoir de faire la même chose. L'article auquel vous faites référence porte sur les choses qui sont nocives pour les espèces. Je parle de la recherche et de la collecte d'information dans le domaine de la biodiversité. Je ne vois rien à ce sujet dans le projet de loi et je me demande pourquoi.

M. Mongrain: Cela relève de l'obligation et de l'exigence de faire rapport sur l'état de l'environnement et d'établir un inventaire. L'article 46 donne des pouvoirs très précis aux alinéas a) à n), mais il est également très permissif et très large.

Le président: Je ne le trouve pas assez large.

Mme Lloyd: L'article 46 porte sur ce que nous pouvons demander aux autres de faire et l'article 44 sur ce que nous faisons nous-mêmes.

Le président: Est-ce que vous pouvez trouver mention de la biodiversité à l'article 44?

Mme Lloyd: Il ne mentionne pas spécifiquement le mot «biodiversité», mais Environnement Canada fait de la recherche sur les effets sur l'écosystème, non seulement des produits chimiques, mais de tous les facteurs de stress pour la faune et l'habitat.

Le président: À la lecture du projet de loi, il me semble que par moment vous êtres très précis en ce qui concerne ce que vous pouvez faire. Vous avez même ajouté cette disposition que voulait la Chambre sur les substances hormonoperturbantes. Vous êtes très précis à ce sujet parce que quelqu'un a demandé qu'il soit inclus, et il est important. Par contre, à l'inverse, un domaine plus vaste mais tout aussi important, celui de la biodiversité n'est même pas mentionné, sauf par déduction. Pourquoi n'est-il pas mentionné plus spécifiquement dans le projet de loi, de façon à ce que le ministre puisse montrer un article précis et dire: «j'ai le droit et le pouvoir de faire des recherches dans ce domaine»?

Mme Lloyd: Une référence précise à la biodiversité a été ajoutée par le Chambre des communes à la définition de l'expression «substance toxique», que nous étudierons plus tard quand nous aborderons la partie 5. La définition des substances toxiques porte en partie sur les effets d'une substance sur l'environnement, y compris la biodiversité. Les mots «diversité biologique» ont été ajoutés spécifiquement.

Nous pouvons faire de la recherche ou demander à d'autres de nous fournir de l'information sur des substances qui sont ou qui risquent d'être toxiques, et c'est mentionné très précisément à l'article 46.

Le président: Ce dont je parle c'est d'un inventaire que dresserait le ministère dans le domaine de la biodiversité pour que nous sachions ce qui se passe. Je ne parle pas de substances toxiques ou nocives, bien que ce soit important aussi, bien sûr. Je fais référence à un inventaire de ce qui se passe. Y aurait-il une objection à ce que le mot «biodiversité» figure expressément dans l'article 44 afin de permettre au ministre de le faire et de l'encourager en ce sens? Y a-t-il une raison expliquant pourquoi il n'y figure pas?

Mme Lloyd: Que je sache, il n'y a pas de raison particulière.

Le président: Je mettrai ici un grand «A» pour amendement. Il y a autre chose. À votre avis, existe-t-il une raison qui nous empêcherait de faire ce changement?

Mme Lloyd: Non.

M. Lerer: Non.

M. Mongrain: Nous n'avons certainement pas essayé de limiter notre autorité.

Le président: C'est pourtant ce que vous avez fait. Quand vous ajoutez une disposition sur le dérèglement du système endocrinien, vous commencez à faire une énumération. Dans ce cas-là, je veux qu'on ajoute d'autres choses. Je crois m'être fait comprendre. Je mets un grand «A« à côté de cet article.

M. Lerer: Il n'y a rien qui empêche de le faire; ce n'est toutefois pas une obligation précise; ce n'est pas mentionné dans ces articles.

Le sénateur Spivak: C'est important en foresterie, par exemple, car les forêts à peuplements mûrs, comme les peuplements de trembles dans la forêt boréale, sont reconnues par les chercheurs comme possédant la plus grande biodiversité. C'est un domaine qui relève des provinces et certaines disent: «Coupons d'abord les peuplements mûrs car c'est ce qui rapporte le plus.» Est-ce que le gouvernement fédéral est empêché par cet article de faire des recherches sur la biodiversité ou est-ce que son pouvoir de recherche est absolu?

Mme Lloyd: Je n'ai pas compris votre question. Pourriez-vous la reformuler?

Le sénateur Spivak: Je vous demande si, dans le cadre de l'étude de la biodiversité, le gouvernement fédéral pourrait cibler plus précisément les forêts à peuplement mûr et vérifier les résultats des recherches -- qui ont déjà été faites -- sans aucune limite.

M. Lerer: Il n'y a aucune limite concernant les recherches que le ministre peut entreprendre. Cet article, comme l'a fait remarquer le président, énumère certains domaines.

Le sénateur Spivak: D'accord.

Le président: À ce sujet, il est stipulé dans la version anglaise que le ministre «shall» -- je suis revenu à l'article 44 -- pour garantir que ça se fasse; ne devrait-il pas y avoir une disposition générale à la fin de l'article qui dirait: «et toutes autres recherches que le ministre juge nécessaires pour s'acquitter de ses responsabilités d'ensemble»? Pourquoi n'y a-t-il pas de clause fourre-tout?

M. Cameron: Parce que c'est une obligation. Puisque le mot «shall» est utilisé, il me semble que cette disposition est exécutoire. Si on ajoute une disposition résiduelle non limitative, comme vous le suggérez, on peut imaginer que ça créerait un flou juridique quant à l'obligation. Le ministre a le pouvoir d'entreprendre toutes les recherches qu'il veut, de la manière qu'il juge la mieux adaptée.

Le président: Où trouve-t-on ce pouvoir?

M. Cameron: Aux termes de la Loi sur le ministère de l'Environnement, le pouvoir d'organiser son ministère comme il l'entend est inhérent à sa capacité en tant que ministre de la Couronne.

Le président: Si c'est inhérent, pourquoi perdons-nous notre temps sur les articles 44, 45 et 46? Pourquoi se préoccuper de leur libellé? Pourquoi ne pas le laisser faire, tout simplement?

M. Cameron: Parce que son mandat de faire de la recherche est discrétionnaire au sens où ce n'est pas une obligation légale. Son mandat lui permet de le faire. L'article 44 lui confie le mandat de faire certains types précis de recherches. Si, comme vous le suggérez, il estime qu'il serait utile d'explorer d'autres domaines, rien dans cet article ne l'en empêche.

Le président: De mon passé de juriste, j'ai retenu que si une loi précise explicitement certains pouvoirs, cela veut dire que «si ce n'est pas là, c'est interdit». Est-ce que ce principe vaut toujours?

M. Cameron: Oui, c'est un principe parfaitement valable dans certains cas. Je ne suis pas sûr toutefois que ce soit un principe ou une règle d'interprétation qui puissent être invoqués pour prétendre que ce sont les seuls pouvoirs que le ministre peut exercer en ce qui concerne la recherche. Dans ce cas, on invoquerait la loi sur le ministère qui lui donne des pouvoirs plus larges pour organiser son ministère comme il l'entend.

N'oublions pas que les ministres de la Couronne ont des pouvoirs qui ne leur ont pas forcément été délégués par le Parlement. Les agents de la Couronne ont le pouvoir inhérent, par exemple, de conclure des contrats et d'organiser l'administration d'une certaine manière. Ce sont des prérogatives qui n'ont pas nécessairement besoin d'être inscrites dans la loi.

Le président: Tant que le Parlement ne passe pas de mesure législative disant: «Voici les pouvoirs que vous avez dans ce domaine.»

M. Cameron: C'est exact.

Le président: Par conséquent, en matière de recherche, ce sont les pouvoirs du ministre.

M. Cameron: Je ne pense pas que ce soit la totalité de ses pouvoirs.

Le président: L'article 44 stipule que ces pouvoirs sont les pouvoirs du ministre en matière de recherche.

Le sénateur Kenny: Cependant le témoin vient de dire que les ministres avaient des pouvoirs autres que ceux qui leur étaient délégués par le Parlement.

Le président: Oui, je sais. Cependant, maintenant que le Parlement dit que, en matière de recherche, vous ferez a), b), c), d) et e), je considère que c'est imposer une limite au ministre. Est-ce un argument valable?

M. Cameron: Cela peut être un argument valable, toutefois je ne suis pas certain que ce soit le meilleur. Je pense que le ministre a un pouvoir résiduel inhérent à sa charge.

Le président: Je voudrais maintenant passer à l'article 45, qui porte sur le ministre de la Santé. La situation est similaire. Je suppose qu'il détient ses pouvoirs par déduction de toutes façons?

M. Cameron: Oui, je suis d'accord.

Le président: C'est le même scénario. Le ministre de la Santé a déjà ces pouvoirs, mais nous allons en citer quelques-uns.

M. Cameron: C'est exact.

Le président: Je dirais donc, si tel est le cas, pourquoi ne pas en citer quelques uns de plus? Par exemple, au lieu d'effectuer des recherches seulement sur les substances qui risquent de causer des maladies, pourquoi ne pas ajouter la cigarette ou l'air contaminé? On pourrait inclure beaucoup de choses parmi les substances qui se trouvent dans l'environnement et qui risquent de causer des maladies. Je suis sûr que le sénateur Adams peut en citer un grand nombre qui se trouvent dans le Nord canadien.

Pourquoi procéder de la sorte? Si le ministre de la Santé possède tous ces pouvoirs, pourquoi tout d'un coup en préciser certains dans l'article 45? J'aimerais que le ministre de la Santé fasse beaucoup d'autres choses, et je suis sûr que le sénateur Kenny voudrait qu'on y ajoute la cigarette. Est-ce que ces dispositions sont mises là juste pour nous donner bonne figure?

M. Mongrain: En fait, je ne pense pas que nous ajoutions des pouvoirs; ils existaient déjà dans la LCPE adoptée en 1988. Je pense que le fait important et significatif est que le projet de loi C-32 oblige le ministre de la Santé à faire de la recherche dans ces domaines.

Le président: J'aimerais alors obliger le ministre de la Santé à faire de la recherche sur toute une liste d'autres substances présentes dans l'environnement et qui causent des maladies. Dois-je présenter toute une liste d'amendements, ou est-ce que le ministre de la Santé est seulement obligé de faire ces recherches et que ce sont les seules qui importent? Je pourrais en citer beaucoup d'autres qui sont plus importantes.

M. Mongrain: Aux termes de ce projet de loi, qui suit une approche basée sur les substances, les domaines de recherche sont importants et très larges.

Le président: Ce projet de loi est plus qu'une approche basée sur les substances. Il s'agit d'une mesure législative générale sur l'environnement, qui, par définition, est beaucoup plus large que cela.

M. Mongrain: Par définition «substance» est très large. Si vous lisez l'article 3, vous verrez qu'elle inclut toute matière organique ou inorganique. Nous visons les substances qui, lorsqu'elles sont relâchées dans l'environnement, portent préjudice à ce dernier ou à la santé.

Le président: Est-ce que ça comprend la fumée?

Mme Llyod: Oui, ça pourrait.

M. Mongrain: Oui.

Le président: Je trouve que l'on devrait ajouter beaucoup d'autres choses si on choisit cette voie. Je met un autre grand «A» en regard de cet article.

Le sénateur Spivak: J'ai une question là-dessus. Le ministre ne peut pas étudier toutes les substances couvertes par la Loi sur les produits antiparasitaires, n'est-ce pas?

Mme Lloyd: Pas s'ils sont utilisés au Canada uniquement comme pesticides; c'est la responsabilité du ministre de la Santé. Environnement Canada fait quand même de la recherche sur les pesticides.

Le sénateur Spivak: Est-ce qu'il existe une autre disposition précisant que ça ne s'applique pas si c'est couvert par une autre loi?

Mme Lloyd: Notre ministre peut entreprendre des recherches sur n'importe quelle substance présente dans l'environnement. S'il veut étudier les effets des pesticides sur l'environnement, Environnement Canada peut le faire.

Le sénateur Spivak: La seule chose qu'il ne peut pas faire, c'est y donner suite. Il peut les étudier, mais il ne peut pas y donner suite car cela relève d'un autre ministre et le pouvoir pour ce faire lui est donné par une autre loi.

M. Lerer: Oui.

Le président: J'aimerais parler de la collecte de l'information. Quand le ministère de l'Environnement va frapper à la porte d'une entreprise et lui dit: «Nous voulons une liste de renseignements», ce processus, comme l'a dit M. Mongrain, peut revenir cher, non seulement au gouvernement, mais aussi à l'entreprise.

Y a-t-il dans ce projet de loi des dispositions permettant au gouvernement de rembourser certains coûts aux entreprises? L'information est recueillie à la demande du gouvernement et ce processus pourrait très bien immobiliser certaines petites entreprises et leur coûter très cher, et ce, sans aucune aide du gouvernement.

Est-il prévu de venir en aide aux entreprises qui se trouveraient dans une pareille situation?

Mme Lloyd: Je ne pense pas que quoi que ce soit nous en empêche.

Le président: Est-ce prévu dans le projet loi?

Mme Lloyd: Pas que je sache.

M. Cameron: Rien n'est prévu.

Le président: Est-ce juste?

Mme Lloyd: Avant de publier un avis dans la Gazette du Canada demandant qu'on nous soumette de l'information, nous tentons de consulter les entreprises en question pour nous assurer que ce que nous leur demandons est, à leur avis, faisable et raisonnable.

Il peut se trouver que nous n'ayons pas besoin de cette information et que nous repensions ce que nous faisons. Dans les cas où nous avons vraiment besoin des données, nous essayons de trouver le meilleur moyen de les obtenir.

M. Mongrain: Par exemple, de concert avec les entreprises, nous avons mis au point des logiciels qui leur permettent de répondre plus facilement à nos demandes de renseignements en vue de dresser l'inventaire national des rejets polluants. Elles peuvent répondre à nos demandes à moindre frais tout en nous fournissant les données requises.

Le président: Pour résumer, le projet de loi ne contient aucune disposition prévoyant que les entreprises puissent réclamer une aide financière du gouvernement dans ce genre de situation. On s'attend à ce qu'elles fassent ça volontairement même si on ne les soupçonne d'aucune infraction à la loi.

Mme Lloyd: Ce ne sera pas volontaire si le ministre publie un avis dans la Gazette du Canada demandant qu'on lui donne cette information et si elle est disponible.

Le président: Les entreprises qui ne s'y conforment pas encourent une amende maximale d'un million de dollars et un emprisonnement maximal de trois mois, ou, par procédure sommaire, une amende maximale de trois cent mille dollars et un emprisonnement maximal de trois mois.

M. Mongrain: Ce n'est pas différent de ce que fait Statistique Canada aux termes de la loi qui régit le ministère, à savoir recueillir des renseignement à des fins légitimes.

Notre ministère est souvent amené à se demander si une substance est nocive pour l'environnement ou pour la santé, si elle doit être réglementée et si elle cause des problèmes concernant la biodiversité. C'est un prix que nous devons tous payer.

Le président: Je n'ai rien contre l'obligation de recueillir des renseignements. Je comprends que c'est très important.

Ma seule préoccupation est le coût imposé à une entreprise obligée de fournir ces données alors qu'elle n'a rien fait de mal et qu'elle agit de façon totalement appropriée.

M. Mongrain: Bien sûr, il se peut très bien que l'entreprise respecte la loi, mais comme vous l'avez dit vous-même, recueillir des renseignements est indispensable pour déterminer si une substance doit être contrôlée. C'est pourquoi nous devons élaborer des directives sur la façon d'utiliser ce pouvoir.

M. Lerer: La collecte d'information n'est pas forcément liée à une infraction. Elle peut être requise pour évaluer une substance et pour déterminer scientifiquement si elle répond aux critères de toxicité établis par la loi. Ce pouvoir nous permet de recueillir des renseignements dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'ils soient en la possession de la personne à qui nous les demandons.

Le président: J'imagine. Toutefois, je reviens à ce qu'a dit M. Mongrain plus tôt: c'est un processus qui peut coûter cher.

M. Lerer: Très certainement, et c'est très souvent le cas.

Le sénateur Spivak: Je ferais remarquer que cela n'empêche pas le ministre d'agir car, même pendant les consultations, il peut passer à l'action s'il le veut.

M. Lerer: Je le répète, et j'ajoute la mise en garde suivante: après en avoir fait l'offre, le ministre devrait consulter en toute bonne foi.

Le sénateur Spivak: Les directives sont une question importante pour les provinces

M. Lerer: Oui.

Le sénateur Spivak: Nous connaissons les antécédents des provinces en ce qui concerne l'application de la loi. Cela risque de prendre un certain temps. Je comprends pourquoi le ministre veut consulter -- je n'ai rien à redire là-dessus -- mais, dans le cas présent, ça risque de prendre longtemps.

M. Lerer: Je suppose, mais pas forcément. Nous avons procédé à des consultations qui se sont passées très vite alors que d'autres ont duré une éternité. C'est ce que nous avons constaté jusqu'à présent.

Quant à votre observation originale, je répète ce que j'ai déjà dit -- si un ministre fédéral offre de consulter et que cette offre est acceptée, je m'attends à ce que le ministre consulte en toute bonne foi et n'agisse pas de façon arbitraire.

Le président: Passons à la partie 4.

Mme Lloyd: La partie est nouvelle par rapport à la LCPE de 1988. Le titre donné sur la page couverture précise que la loi vise la prévention de la pollution. C'est la pierre angulaire de cette mesure législative.

Le projet de loi donne au ministre le pouvoir d'exiger un plan de prévention de la pollution des entreprises qui utilisent des substances toxiques figurant sur la liste donnée à l'annexe 1 du projet de loi.

La planification de la prévention de la pollution a pour objet de permettre aux entreprises de choisir elles-mêmes les mesures qu'elles estiment les plus appropriées pour traiter ces substances toxiques. Les entreprises désignées doivent élaborer et exécuter un plan. Elles ne sont pas normalement obligées de le présenter au ministre, mais ce dernier a le pouvoir de le leur demander et il le ferait probablement s'il voulait vérifier si les effets désirés sur la qualité de l'environnement sont obtenus. De la sorte, le ministre pourrait confirmer si d'autres mesures de contrôle devraient être mises en place.

Par ailleurs, la partie 4 du projet de loi encourage les entreprises à élaborer un plan de prévention de la pollution de leur plein gré. Le ministre peut publier des modèles de plans et établir un bureau central d'information en vue de faciliter l'échange de renseignements sur les différentes méthodes de prévention de la pollution.

Le ministre peut établir des directives quant aux conditions et circonstances dans lesquelles la planification de la prévention de la pollution est indiquée. Il peut également établir un programme de reconnaissance visant à distinguer les réalisations importantes dans ce domaine.

Le sénateur Spivak: Pourquoi faire intervenir le gouverneur en conseil ici?

M. Mongrain: Le ministre a le pouvoir d'exiger qu'un plan lui soit remis si la substance figure sur la liste. Aux termes de la LCPE actuelle et du projet de loi C-32, le gouverneur en conseil a la responsabilité d'ajouter des substances à la liste des substances toxiques. Nous y reviendrons plus en détail quand nous aborderons la partie suivante du projet de loi.

Le sénateur Spivak: Cela faisait partie d'un amendement du gouvernement à l'étape du rapport. Pourriez-vous nous expliquer cela?

M. Mongrain: Cela a trait à la pollution internationale de l'atmosphère et des eaux qui est traitée plus loin dans le projet de loi dans des articles que nous étudierons avec vous en détail.

Le sénateur Wilson: Je crois comprendre que dans une autre vie, aux termes du projet de loi C-74, le ministre aurait pu demander un plan de prévention, non seulement pour les substances figurant sur la liste, mais également pour des substances évaluées et dont l'inscription sur la liste était recommandée. Pourquoi a-t-on éliminé cette disposition?

M. Mongrain: C'est comme ça que le projet de loi C-74 avait été rédigé.

Le sénateur Wilson: Pourquoi a-t-on abandonné l'idée?

M. Mongrain: C'est le gouvernement qui en a décidé ainsi quand il a représenté le projet de loi.

Le sénateur Wilson: J'ai demandé pourquoi.

M. Lerer: Le projet de loi C-74 est mort au Feuilleton, comme le prouvera l'histoire. Le gouvernement a décidé de la forme sous laquelle il présenterait le projet de loi C-32.

Le sénateur Wilson: Laissons donc tomber le projet de loi C-74 et posons la question suivante: pourquoi le ministre ne peut-il pas demander un plan de prévention pour des substances qui ont été évaluées et dont il a été recommandé qu'elles soient ajoutées à la liste?

M. Lerer: Je pense que je suis dans la même situation délicate qu'avant.

Le gouvernement a décidé de faire certains changements quand il a présenté le projet de loi C-32, que vous avez devant nous. J'hésiterais à permettre à mes collègues de se prononcer sur un projet de loi qui est mort au Feuilleton et je ne le ferai pas moi-même.

Le sénateur Wilson: J'ai essayé d'obtenir une réponse par des moyens détournés, mais en vain visiblement. Je suis désolée d'en avoir parlé, car il s'agit d'une échappatoire. J'aimerais quand même une réponse à ma question. Il me semble que si le ministre doit passer par le gouverneur en conseil pour avoir ce pouvoir, cela ralentit le processus.

Mme Lloyd: Nous devrions peut-être prendre en considération le niveau d'efforts requis de la part d'une entreprise pour élaborer un plan de prévention de la pollution. Si le ministre exige qu'un tel plan soit élaboré et exécuté, cela pourrait coûter très cher à certaines industries. Je pense qu'il n'est que juste que le ministre fasse d'abord une évaluation afin de déterminer si s'agit d'une substance dont le rejet devrait être contrôlé.

Si j'étais la partie adverse et qu'on me demandait de contrôler une substance dont personne n'a prouvé qu'elle était problématique, j'aurai certains réserves. Je pense que c'est peut-être pour ça qu'on a apporté ce changement.

Le sénateur Wilson: Est-ce que cela n'a pas quelque chose à voir avec la prévention de la pollution?

Mme Lloyd: Je pense que c'est pour ça que l'autre composante de cette partie du projet de loi encourage les entreprises à élaborer un plan de prévention de la pollution de leur plein gré, y compris pour des substances qui ne figurent pas sur la liste.

Le sénateur Wilson: L'expérience prouve qu'il est plus satisfaisant de préciser les exigences dans la loi plutôt que de compter sur l'observation volontaire. En tout cas, c'est mon expérience de la responsabilité des entreprises. Beaucoup de mots, mais peu d'actions.

M. Lerer: En ce qui concerne la question du sénateur au sujet des retards, nous verrons en étudiant d'autres dispositions du projet de loi qu'il contient des articles stipulant que lorsque le ministre déclare une substance toxique, il est obligé en même temps de recommander que le gouverneur en conseil l'ajoute à la liste.

Je ne suis pas sûr que cela entraîne des retards. C'était un problème dans le projet de loi précédent. Il n'y a pas de stipulation en ce sens dans la loi actuelle et très souvent la recommandation au gouverneur en conseil tarde. Ce projet de loi stipule que lorsque le ministre déclare une substance toxique, il doit recommander au gouverneur en conseil de l'ajouter à la liste.

Le sénateur Wilson: Est-il déjà arrivé que la recommandation du ministre soit rejetée?

Mme Llyod: Non.

M. Lerer: Pas à ma connaissance.

Le sénateur Cochrane: Le paragraphe 56(1) du projet de loi stipule que:

Le ministre peut publier [...] un avis obligeant une personne, ou catégorie de personnes, donnée à élaborer et exécuter un plan de prévention de la pollution [...]

Est-ce que le ministre pourrait en exiger autant des provinces ou des municipalités?

Le sénateur Spivak: Ça serait bien.

M. Mongrain: Non.

M. Cameron: L'avis viserait une personne, ou catégorie de personnes. C'est une expression juridique qui veut dire une personne réelle ou une entité légale telle qu'une compagnie; une province serait exclue d'une telle définition. Toutefois, on pourrait concevoir que les municipalités constituées en société soient couvertes par cette définition juridique.

Le sénateur Cochrane: Est-ce que la ministre pourrait exiger la même chose des municipalités?

M. Cameron: Une fois l'avis publié, il est obligatoire d'élaborer et d'exécuter un plan. C'est exécutoire.

Le sénateur Buchanan: Bien qu'une municipalité soit une création de la province? Les municipalités n'existent que du fait d'une loi provinciale.

M. Cameron: C'est exact. C'est une question intéressante, mais elles sont constituées en vertu de la législation provinciale et sont des personnes au sens juridique. Le droit fédéral peut s'appliquer aux instruments d'un gouvernement provincial.

Je pense qu'on pourrait prétendre que le ministre a le pouvoir de demander à une municipalité d'élaborer et d'exécuter un plan de prévention de la pollution pour régler un problème environnemental si on jugeait que c'était approprié.

Le sénateur Buchanan: Je pense que j'avancerais l'argument inverse.

M. Cameron: Je pense que ça se défendrait et que nous devrions procéder avec soin.

Le sénateur Spivak: J'ai une question complémentaire qui fait suite à celle du sénateur Wilson qui a demandé si on pouvait faire respecter les plans de prévention de la pollution et une question sur la vérification de l'exécution. Que se passe-t-il si une entreprise refuse d'élaborer un plan et qu'elle n'est pas obligée de le présenter? Que peut faire le ministère? Qui plus est, comment peut-il vérifier l'exécution du plan?

M. Mongrain: L'une des exigences énoncées dans ces dispositions est que l'entreprise doit garder son plan de prévention de la pollution sur place. Nos agents ont le pouvoir de se rendre sur place, d'examiner le plan et de déterminer s'il est appliqué. Les entreprises doivent remettre une déclaration confirmant qu'elles ont exécuté leur plan. Il y a des garanties pour s'assurer que les plans sont effectivement élaborés et exécutés. Il y a un pouvoir d'exécution.

Le sénateur Spivak: Quels sont les recours si ce n'est pas fait?

M. Mongrain: Les entreprises seront accusées d'infraction à la loi.

Le sénateur Spivak: Le règlement n'existe probablement pas encore. Je suppose qu'il est en cours de rédaction. Aurez-vous de nouveaux agents, des agents différents? Le ministère de l'Environnement va-t-il augmenter ses effectifs, lesquels ont fait l'objet de coupes sombres? Je pense qu'ils ont été réduits de moitié.

M. Mongrain: Ce sont nos agents qui sont désignés aux termes du projet de loi et nous allons décrire leurs nouveaux pouvoirs plus tard dans notre exposé.

Dans le dernier budget, le gouvernement a accordé 43 millions de dollars au ministère au titre des substances toxiques. Je suppose qu'une partie de cette somme ira au budget d'exécution, mais je ne peux pas le prédire.

Le sénateur Spivak: Combien d'agents avez-vous à l'heure actuelle?

M. Lerer: Je ne suis pas au courant du nombre exact, mais je pourrais certainement vous le donner.

Le sénateur Spivak: Je vous remercie.

Le sénateur Kenny: La dernière fois que nous avons étudié la question, ils étaient 12, un pour chaque provinces et deux en plus.

M. Mongrain: Ils sont beaucoup plus nombreux que ça. Ils sont environ 50 ou 60, mais nous vous fournirons leur nombre exact.

Le sénateur Spivak: Est-ce que cela fait partie de l'harmonisation? Est-ce que les provinces pourraient se charger de faire respecter cette exigence? Elles n'ont pratiquement pas d'agents.

M. Lerer: Nous ne l'avons pas envisagé.

Le sénateur Spivak: Il est important de savoir si, aux termes du projet de loi, l'exécution est une responsabilité fédérale ou provinciale.

M. Lerer: Je suis désolé, je n'avais pas compris votre question. L'exécution est une responsabilité fédérale aux termes de ce projet de loi.

Le sénateur Spivak: L'accord d'harmonisation ne change-t-il pas ça d'une façon ou d'une autre? Ce pouvoir n'est-il pas délégué?

M. Lerer: Non, pas aux termes de l'accord.

Le sénateur Spivak: Êtes-vous sûr?

M. Lerer: J'en suis quasiment certain, mais je vérifierai. Nous vous préciserons le nombre d'agents et les ramifications légales de l'harmonisation.

Le président: Je vais vous éviter ce travail. J'ai demandé hier à notre greffier de trouver ces renseignements car il a été dit que vous n'aviez pas assez d'agents. Vous en avez 60. Le bureau national d'exécution emploie 22 personnes. Il y a 60 agents dans les régions, dont 11 occupent un poste de gestion, et je suppose donc qu'on ne peut pas compter sur eux pour faire respecter la loi.

M. Lerer: C'est ce que me dit mon personnel.

Le président: On pourrait difficilement dire que c'est beaucoup de gens pour faire le travail qu'il y a à faire.

Le sénateur Kenny: La dernière fois que nous avons étudié une mesure législative semblable, je me souviens très bien que l'on nous avait dit qu'ils étaient douze. J'aimerais que le personnel vérifie au compte rendu. Si le nombre d'employés a été multiplié par cinq, c'est merveilleux, mais cela dépend évidemment de leurs tâches.

Le président: C'est un point très important.

Le sénateur Kenny: Pourrait-on vérifier le témoignage entendu la dernière fois?

Le président: Peut-être pourriez-vous vérifier vos chiffres et nous vérifierons les nôtres.

M. Lerer: Vos chiffres me paraissent très raisonnables, monsieur le président.

Le président: Obtenons confirmation pour le sénateur Kenny.

Le sénateur Buchanan: Vous ai-je entendu dire que les agents de l'autorité sont exclusivement des agents fédéraux? Nous avons des agents d'exécution en Nouvelle-Écosse.

M. Lerer: Non. La question portait sur les responsables de l'exécution de la loi proposée.

Le sénateur Wilson: Quelle disposition du projet de loi porte précisément sur la question de l'observation volontaire?

M. Mongrain: La promotion des plans volontaires et le reste se retrouvent à l'article 63, qui est intitulé: «Autres initiatives». L'article 61 porte sur les modèles de plans et les directives.

Le président: À l'alinéa 2(1)a), il est question de «mesures effectives» (cost-effective) et, puisque nous abordons la question des plans de prévention de la pollution, je présume que nous devons déterminer s'ils sont des mesures effectives. Est-ce bien le cas étant donné que ces mots ont été inclus? Si oui, comment cela s'articulera-t-il?

M. Mongrain: Il s'agit d'un nouvel outil innovateur. Nous estimons que les plans, presque par leur nature même, sont des mesures effectives. Comme Mme Lloyd l'a souligné, cela donne à chaque industrie la possibilité de choisir elle-même les mesures qui conviennent à son cas.

Nous restons, si vous voulez, les «juges ultimes» des règlements, qui entraînent des frais supplémentaires pour le gouvernement et, dans bien des cas je crois, des coûts plus élevés encore pour l'industrie. En général, et au moment de décider d'opter pour des plans de prévention de la pollution, ces facteurs entreraient en ligne de compte dans le processus décisionnel. Nous espérons que la prévention de la pollution se fera de manière à la fois effective et rentable.

Le président: Peut-être n'ai-je pas bien exprimé ma préoccupation. Vous avez inclus le mot «effective« comme facteur lorsque vous exigez un programme de prévention de la pollution. Cependant, si vous n'avez pas la science de votre côté dans un dossier précis, l'industrie pourrait vous dire: «Ce n'est pas une mesure effective, laissez-nous en paix».

M. Mongrain: C'est un argument intéressant. Puisque les plans de prévention de la pollution s'appliqueraient à des substances toxiques, nous pourrions soutenir que la science est de notre côté.

Le président: Je suis assez vieux pour savoir que l'on peut toujours trouver un scientifique, aussi bien qu'un économiste, pour appuyer n'importe quel argument ou son contraire.

Cependant, je préférerais ne pas voir les mots «mesures effectives». À mon avis, cela crée tout un nouveau terrain de conflits et de différends qui nuiraient aux progrès dans tous les secteurs où, j'en suis convaincu, votre ministère veut progresser.

Monsieur Lerer, vous ne voulez peut-être pas répliquer à cela parce que vous devriez louvoyer, mais n'allons-nous pas introduire beaucoup de flou dans la loi en utilisant des termes comme «mesures effectives»?

M. Lerer: Des plans de prévention de la pollution sont exigés lorsque des données scientifiques établissent que des substances sont toxiques aux termes du projet de loi. Bien sûr, il pourra y avoir des scientifiques qui contestent les conclusions, mais la détermination de la toxicité aura été faite.

Le sénateur Spivak: Êtes-vous en train de parler des douze?

M. Lerer: Non. Je parle de toute substance qui aura été déclarée toxique. Les douze forment une catégorie particulière dont l'élimination quasi-totale sera nécessaire, et sur laquelle nous aurons certainement une intéressante discussion plus tard.

Lorsque je ne témoigne pas devant les comités, je suis gestionnaire de substances toxiques. Je vous donne un exemple. Après l'annonce récente d'un règlement sur le contenu en soufre de l'essence, serait-il légalement possible pour la ministre de fixer à 30 parties par million le contenu en soufre de l'essence? Bien sûr que oui, mais cela ferait fermer toutes les raffineries du Canada.

Les considérations d'effectivité ont conduit à une adoption graduelle de cette approche de sorte que les entreprises peuvent se rééquiper et que de nouvelles techniques peuvent être adoptées. En conseillant la ministre sur ces questions, c'est ainsi que je vois l'effectivité dans la pratique.

Je n'utilise pas ce terme pour déterminer scientifiquement si une substance est toxique ou non, mais dans un contexte de gestion des risques. J'ai souvent utilisé cette différenciation tout au long de ma carrière, et j'espère que le comité la trouvera utile.

Le président: Je vous donne un exemple où les choses sont moins tranchées. J'ai vu des lettres de l'Institut du sel.

M. Lerer: Oui.

Le président: J'imagine que l'on pourrait dire que le sel est toxique en très grande quantité, par exemple lorsque nous en mettons des tonnes sur nos routes.

M. Lerer: Oui. Et le sel que nous mettons sur les routes est actuellement sur la liste de nos substances prioritaires.

Le président: Si vous élaboriez un plan d'élimination graduelle du sel utilisé sur nos routes en hiver, on pourrait objecter que ce n'est pas une mesure rentable pour nos municipalités parce qu'il n'y a aucun produit de remplacement. Par conséquent, il vous serait impossible d'éliminer cette substance toxique parce que cela ne peut pas se faire de façon rentable. Est-ce exact?

M. Lerer: Oui, mais ce n'est là qu'une seule des considérations entrant en ligne de compte dans l'évaluation des risques. Il y en a d'autres.

Le président: Pourtant, en arrivant à cette décision, vous devez tenir compte de mesures «effectives», ce qui n'était pas nécessaire auparavant.

M. Lerer: L'efficacité et le coût de toute mesure ont toujours été pris en considération.

Le sénateur Kenny: Le mot «rentable» (cost-effective) apparaît aussi dans la Loi sur les carburants de remplacement. Selon la définition contenue dans la loi, rentable signifie que le coût de la conversion d'un véhicule peut être récupéré en économies d'énergie au cours de la vie de ce véhicule. C'est donc assez facile à calculer en dépit des approximations évidentes relatives aux prix.

L'idée des mesures «effectives» (cost-effective) déplaît à quelques membres du comité parce qu'il semble y avoir beaucoup de facteurs abstraits. On ne peut apparemment pas en donner une définition aussi simple que dans le cas de la Loi sur les carburants de remplacement. On craint que le mot puisse être appliqué à différents facteurs d'une manière qui irait à l'encontre de l'objectif du projet de loi.

M. Lerer: Je comprends cette inquiétude.

Le sénateur Kenny: Pourriez-vous la calmer?

Le sénateur Spivak: Pouvez-vous expliquer aussi les raisons?

M. Lerer: Puis-je calmer cette inquiétude? Je peux dire que, lors de l'élaboration des règlements, il y aura un processus de consultation des intervenants. Il existe une obligation de déclarer publiquement vos intentions et de recevoir des commentaires sur celles-ci. C'est une obligation juridique applicable à l'élaboration de tous les règlements. Si je puis me permettre de m'avancer plus que de raison, je dirai qu'il y a aussi le processus politique.

Puis-je calmer cette inquiétude? Je crois qu'il existe suffisamment de mesures de contrôle pour garantir que l'équilibre ne sera pas renversé dans le sens que vous ne souhaitez pas.

Le sénateur Kenny: Si vous me permettez, monsieur le président, je dirai que c'est peut-être le processus politique qui préoccupe certains membres du comité puisque nous avons l'impression que les intérêts environnementaux ne font pas le poids devant les intérêts économiques. Nous reconnaissons tous qu'il faut parvenir à un certain équilibre, mais nous savons de quel côté penche la balance, particulièrement lorsque rien de précis n'est prévu. S'il existait une formule ou des points de repère pour nous réconforter, je crois que nous serions beaucoup moins inquiets. Cependant, si vous nous dites que les choses seront réglées dans le cadre du processus politique, nous savons de quel côté penchera la balance et comment les décisions seront prises.

M. Lerer: Je ne peux rien répliquer à cela.

Le président: C'est davantage une déclaration qu'une question, mais elle n'est pas sans importance.

Le sénateur Cochrane: Au paragraphe 56(1), il est dit que le ministre peut publier comme il l'estime indiqué, «un avis obligeant une personne -- ou catégorie de personnes -- [...]». Ma question a trait à l'expression «catégorie de personnes». Vous avez dit que les provinces n'étaient pas incluses dans l'expression «catégorie de personnes», mais que les municipalités l'étaient. Qu'en est-il des sociétés d'État comme Ontario Hydro ou Hydro-Québec? Sont-elles incluses?

M. Cameron: Comme je l'ai déjà dit, «personne» est un terme juridique qui inclut et les personnes physiques et les personnes morales, donc les entreprises.

Une municipalité incorporée -- et une société d'État provinciale est incorporée par définition -- est une personne morale. En fait, les gouvernements créent les sociétés d'État notamment parce que l'incorporation a des avantages. Une société d'État provinciale est donc une personne morale.

Je ne vois rien dans ce projet de loi ni dans les lois en général qui empêcherait le ministre fédéral de publier un avis exigeant que de tels organismes élaborent et mettent en oeuvre des plans de prévention de la pollution.

J'ajouterais, et je l'ai déjà dit, mais peut-être mes collègues de l'Environnement seraient-ils mieux placés que moi pour répondre à cela, qu'il me semble tout à fait logique que, avant de s'embarquer dans ce qui est fondamentalement une réglementation des sociétés d'État provinciales, nous étudierons d'autres possibilités et nous n'avancerons qu'avec prudence.

M. Mongrain vient de me remettre une note me rappelant que nous avons déjà imposé une réglementation à Hydro-Québec et que nous avons poursuivi cette société d'État provinciale devant les tribunaux pour infraction à la loi. Cette cause, que nous avons gagnée, est allée jusqu'à la Cour suprême du Canada. Il est clairement établi en droit que le gouvernement fédéral détient un tel pouvoir. Je crois qu'il est évident que nous pouvons prendre la voie choisie.

Le sénateur Chalifoux: Je trouve cela très intéressant. J'aimerais savoir quels seraient les répercussions précises du projet de loi dans le cas de l'arsenic qui est déversé dans le Grand lac des Esclaves. Vous avez parlé de rentabilité. Une mine d'or risque de déverser 280 000 tonnes d'arsenic dans ce lac et les propriétaires éprouvent des difficultés financières. Comment le projet de loi aidera-t-il le gouvernement à contrer cette épouvantable menace de pollution de façon rentable? Quelles sont les responsabilités de l'entreprise?

Mme Lloyd: Je sais que l'arsenic figure sur la liste des substances toxiques, ce qui nous donne le pouvoir de réglementer ou d'exiger des plans de prévention de la pollution, tant en vertu du projet de loi que de la loi existante.

Le sénateur Chalifoux: Qui est responsable du nettoyage? Le projet de loi peut-il forcer une entreprise à assumer les responsabilités financières et juridiques de son gâchis?

M. Lerer: Nous ne connaissons pas cet exemple précis, mais nous étudierons le dossier pour pouvoir répondre aux questions du sénateur Chalifoux. Nous ne sommes pas au courant des détails de cette affaire. Cependant, nous trouverons les réponses aux questions.

Le sénateur Chalifoux: Ce n'est là qu'un seul cas. Il y en a beaucoup d'autres semblables au Canada et tous suscitent les mêmes inquiétudes. Qui est responsable? Quelles dispositions du projet de loi donnent au gouvernement le pouvoir de contraindre les entreprises à assumer la responsabilité du nettoyage en cas de pollution?

M. Lerer: Si une substance déclarée toxique cause un problème et s'il y a violation d'un règlement sur les déversements, il y a infraction aux termes du projet de loi. Les directives émises en vertu du projet de loi permettent à un tribunal d'ordonner que l'on tienne compte des coûts d'atténuation de la pollution. Il y a également les recours au civil dont nous avons déjà parlé.

Pour ce qui est de votre exemple précis, je préfère m'informer avant de répondre.

Le président: Le cas soulevé par le sénateur Chalifoux ferait un excellent cas témoin. Un désastre est en train de se produire dans le Nord. Quels processus jouent en l'occurrence? Nous soumettre un exemple nous permettrait de mieux comprendre le projet de loi.

M. Mongrain: Avec ce projet de loi, nous voulons prévenir de telles tragédies et nous espérons y parvenir. C'est pour cela que nous avons mis l'accent sur la prévention.

Le président: Je crois comprendre que l'entreprise en cause est en faillite. Le principe du pollueur payeur est excellent, mais, en l'occurrence, le pollueur n'a pas d'argent. La question qui se pose alors, c'est de savoir si l'argent nécessaire à la remise en état des sites ne devrait pas être versé à l'avance, comme dans le cas, par exemple, de Fort McMurray, où des arbres sont replantés et le reste. La question du sénateur Chalifoux va jusque là.

Le sénateur Buchanan: Je voudrais revenir à la discussion sur la rentabilité. Je peux comprendre la question de l'ordonnance du ministre sur le soufre dans l'essence. C'est une bonne chose. Cependant, des gens du milieu du raffinage me disent qu'un cent le litre est irréaliste, qu'un montant beaucoup moindre suffirait.

Vous avez parlé du sel. Pendant 25 ans, le sel et le mélange sel et sable ont été des sujets inévitables pour les hommes et les femmes politiques en hiver. Vous étiez pris à partie si vous n'en mettiez pas sur les routes, mais s'il y avait des infiltrations dans un puits, vous pouviez être poursuivi. Voulez-vous maintenant dire que, si le sel mis sur les routes s'infiltre dans un puits, le gouvernement fédéral peut être poursuivi devant les tribunaux?

M. Lerer: Non. Le président m'a dit que l'Institut du sel avait fait des démarches auprès de lui. Ce que j'ai dit, c'est que le sel que l'on met sur les routes est maintenant inscrit sur la liste des substances devant faire prioritairement l'objet d'une évaluation scientifique pour déterminer si la façon dont nous l'utilisons au Canada en fait un produit toxique aux termes du projet de loi.

Supposons que l'évaluation scientifique détermine que ce sel est toxique. Nous dirions alors: «Si ce sel est toxique quelles sont nos options pour protéger la santé humaine et l'environnement?» La protection de l'environnement viendrait en premier. Dans le processus, nous devrions tenir compte des avantages de l'utilisation du sel pour l'environnement et les êtres humains. Nous pesons toujours les avantages et les inconvénients dans nos décisions, mais nous sommes encore loin de là dans le cas du sel utilisé sur les routes. Nous n'en sommes qu'à l'étape de l'évaluation scientifique.

Le sénateur Buchanan: N'êtes-vous pas en train de préparer le terrain pour des querelles de compétence entre le gouvernement fédéral et les provinces? À l'extérieur de Halifax et dans toute la Nouvelle-Écosse, les routes sont goudronnées. Allez-vous dire que le goudron contient des produits chimiques toxiques et que la province ne peut plus en utiliser sur ses routes? Ferez-vous la même chose dans le cas du sel?

M. Lerer: J'espère, sans vouloir préjuger de l'issue, que les résultats de l'évaluation scientifique susciteront un dialogue constructif et aboutiront à des options raisonnables.

Le sénateur Buchanan: Si cela se produisait, les mineurs de sel de Pugwash ne seraient pas très heureux, pas plus que les politiciens.

M. Lerer: Je comprends.

Mme Lloyd: Les provinces collaborent activement avec nous à l'évaluation des risques, particulièrement l'Ontario. Nous nous servons en grande partie de l'expertise acquise par cette province pour faire l'évaluation.

Il ne faut cependant pas présumer que, si on découvre qu'une substance présente un risque pour l'environnement -- par exemple le sel -- elle sera interdite sur-le-champ. Il pourrait suffire de quelques travaux de R-D sur les produits de remplacement. En Nouvelle-Écosse, il y a plusieurs routes où on n'utilise pas de sel à proximité de ruisseaux fragiles. La solution pourrait donc être de ne pas utiliser de sel sur un tronçon de route, par exemple de sept milles, qui passe près d'un ruisseau.

Le sénateur Buchanan: C'est cela. Nous utilisons du sable et, parfois, un mélange de sel et de sable.

M. Lerer: C'est exact. L'utilisation de sable seulement sur certains tronçons de routes situés à proximité de zones fragiles ne serait qu'une des mesures pouvant être adoptées. C'est ce qui se fait en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Buchanan: C'est ce que nous faisons depuis des années.

Le président: On m'a dit que, en Ontario, un tribunal avait rendu une décision contre une municipalité où il y avait eu un accident parce qu'elle n'avait pas mis de sel sur une route. La question de la responsabilité civile entre en jeu, aussi s'agit-il ici d'une question très complexe.

Le sénateur Buchanan: C'est pourquoi il est peut-être préférable d'intenter les poursuites contre le gouvernement fédéral!

M. Lerer: On m'a rappelé hier que les avocats lisaient le hansard avec avidité. Je suis convaincu que nous aurons des demandes de renseignements intéressantes.

Le sénateur Spivak: Vous utilisez les expressions «évaluation du risque» et «gestion du risque» en parlant de rentabilité. Cela fera partie de vos méthodes. Il y a une grande différence entre l'évaluation du risque et la gestion du risque. Pourriez-vous préciser les définitions que vous utilisez? Ai-je raison de croire que vous utiliserez ces deux expressions dans votre examen de la rentabilité?

M. Lerer: Non. J'essayais de dire que la rentabilité n'est pas un facteur dans l'évaluation du risque.

Le sénateur Spivak: Vous avez dit «gestion du risque».

M. Lerer: C'est un facteur dans la gestion du risque.

Mme Lloyd: Les coûts n'entrent pas du tout en ligne de compte dans l'évaluation scientifique.

Le sénateur Spivak: C'est exact. La gestion du risque se fait sur la base de l'évaluation du risque. Il y a une petite contradiction. Pourriez-vous nous dire comment le ministère définit ces deux expressions? Elles seront cruciales. L'Union européenne a publié une longue définition lors de son évaluation de la somatotropine bovine recombinante.

M. Lerer: Nous le ferons.

Le sénateur Wilson: Lorsque vous examinerez la situation soulevée par le sénateur Chalifoux et la gestion du risque -- qui vient bien après l'évaluation du risque -- je présume que vous tiendrez compte des coûts. Il doit bien exister une ligne de démarcation entre la rentabilité pour l'industrie et la rentabilité pour les citoyens. J'aimerais savoir à quel genre d'équilibre vous parvenez à ce chapitre. Si je me fie à mon expérience au sein du comité sur les déchets nucléaires, la balance penche en général du côté de l'industrie et la rentabilité n'est établie qu'en termes économiques.

M. Lerer: Nous en tiendrons compte, sénateur Wilson.

Le sénateur Adams: Je partage les préoccupations des sénateurs Chalifoux et Wilson. Je crois que la mine de Yellowknife a été ouverte vers 1930. À l'époque, il n'y avait pas beaucoup de règlements sur la pollution et sur les déversements d'arsenic. Depuis 15 à 20 ans, nous sommes devenus très préoccupés par les bassins de stockage des stériles et des boues à Yellowknife.

La société minière affirme qu'elle n'a pas beaucoup de fonds à consacrer à l'élimination des quelques 230 000 tonnes d'arsenic contenues dans ces bassins. Nous n'avons nous-mêmes qu'un très petit budget qui ne nous permettrait même pas de commencer à nous attaquer de façon sérieuse au problème. Cette situation se répercute-t-elle sur la population du centre-ville de Yellowknife?

Il nous faudra trouver le moyen de faire en sorte que l'argent soit disponible pour les nettoyages. Il devrait y avoir des dispositions dans le projet de loi C-32 pour obliger une entreprise qui émet des produits toxiques susceptibles de nuire à la santé de nettoyer la pollution dont elle est à l'origine. Nous devons savoir ce que le gouvernement fera dans de telles situations.

La même chose est vraie des mines d'uranium exploitées depuis la Seconde Guerre mondiale. Des autochtones ont été exposés à l'uranium tiré des mines exploitées par des entreprises américaines. À la mine située à l'extrémité du Grand lac des Esclaves, des gens transportent de l'uranium dans leur sac à dos. Depuis 15 à 20 ans, des gens meurent des suites d'une exposition à l'uranium. Nous devons nous pencher sur ce dossier.

Il y a une autre mine d'uranium à Baker Lake. Falconbridge, qui l'a exploitée dans les années 70 et 80, vient de se retirer et la collectivité s'est finalement rendu compte qu'elle ne savait pas ce qui pourrait se passer après le départ de l'entreprise. Entre-temps, l'uranium est à la surface et des animaux dont nous consommons la viande peuvent en absorber. Lorsque nous allons chasser le caribou, nous n'avons aucun moyen de savoir si les animaux ont été contaminés par l'uranium.

Peut-être le projet de loi C-32 pourrait-il permettre de faire quelque chose dans ces cas et obliger à clôturer le site, par exemple, pour empêcher les animaux d'y aller. Cela me préoccupe.

M. Lerer: Encore là, c'est une question importante et j'essaierai de trouver tous les renseignements que je peux à l'intention du sénateur Adams et du comité.

Le président: Nous remercions nos témoins de nous consacrer leur temps et de nous faire profiter de leurs lumières dans notre étude de ce projet de loi complexe. Nous vous reverrons sans aucun doute bientôt.

Le comité se réunira maintenant à huis clos.

Le comité poursuit sa séance à huis clos.


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