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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 20 - Témoignages du 24 août 1999 (séance de l'après-midi)


OTTAWA, le mardi 24 août 1999

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, se réunit aujourd'hui à 13 h 37 pour examiner ledit projet de loi.

Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous poursuivons nos délibérations sur le projet de loi C-32.

Le sénateur Spivak: Monsieur le président, j'ai d'autres questions à poser sur l'article 65.

Avant le déjeuner, nous discutions de ce qui distingue le rapport du comité des amendements qui ont été par la suite apportés au projet de loi. Je crois comprendre que les industries, et en particulier le Friday Group, ont réclamé certains amendements aux dispositions sur la quasi-élimination figurant à la partie 5 du projet de loi. Il ne s'agit pas d'un secret. En fait, tout le monde le sait. On a supprimé du paragraphe 65(3) les mots «en vue de la quasi-élimination».

D'autres dispositions, dont les paragraphes 77(2), 77(4), 79(1), 91(2) et 91(4) traitent également de la quasi-élimination. Dans le rapport du comité, le paragraphe 77(4) en faisait mention. Or, voici le libellé qui a été retenu à l'étape du rapport à la Chambre:

[...] la réalisation de la quasi-élimination de la substance dans le cadre du paragraphe 65(3) [...]

Le paragraphe 65(3) proposé traite des mesures nécessaires pour réaliser la quasi-élimination. Il énonce que les ministres tiennent compte de tout facteur ou renseignement prévu par l'article 91, notamment les risques d'atteinte à l'environnement ou à la santé, ainsi que toute autre question d'ordre social, économique ou technique pertinente.

J'ai en main une note de service précisant que la réalisation de la quasi-élimination sera impossible si l'on supprime le début du paragraphe. L'auteur de la note ajoute que la suppression de toute mention de la quasi-élimination dans les articles d'application de la loi à la partie 5 créerait une contradiction interne qui rendrait impossible la réalisation de cet objectif. Le ministre ne serait donc plus en mesure de proposer la quasi-élimination d'une substance.

J'aimerais savoir quel est votre point de vue sur la question. En outre, j'aimerais connaître quelles sont les industries qui ont réclamé ces amendements. De toute évidence, elles pensaient que la quasi-élimination ne pourrait pas être réalisée si facilement.

M. Lerer: Monsieur le président, pour répondre à la seconde question qui m'a été posée, une coalition d'industries a fait du lobbying à cet égard auprès du gouvernement.

Des représentants de ces nombreuses industries doivent témoigner devant vous. Je ne suis pas sûr que mes collègues ou que moi-même puissions vous énumérer toutes les industries visées. Au cours des prochains jours, vous pourrez certainement discuter avec les représentants d'un nombre important d'industries de leurs préoccupations au sujet du projet de loi.

Quant à la note que vous avez citée, je pense que mon collègue, M. Mongrain, peut sans doute vous fournir des précisions.

Le sénateur Spivak: Puis-je revenir à ma question initiale? Je crois comprendre que certains regroupements d'industries ont discuté de la question avec le sous-ministre. Est-ce juste? Est-il normal que le sous-ministre ait des discussions avec des lobbyistes?

M. Lerer: Plusieurs personnes qui s'intéressaient à divers aspects du projet de loi, dont certaines appartenaient notamment à des industries ou à des groupes environnementaux, ont rencontré des représentants du ministère. Je crois que certaines d'entre elles ont même eu l'occasion de rencontrer la ministre. Dans le cadre de l'étude d'un projet de loi, est-il normal que quelqu'un rencontre le ministre, le sous-ministre et jusqu'à un fonctionnaire subalterne comme le directeur général du bureau de la LCPE pour leur faire part de son point de vue? La réponse est oui.

Le sénateur Spivak: Je ne parle pas de personnes ou même d'industries pour qui le projet de loi présente un intérêt. Je parle plutôt de lobbyistes inscrits. J'en connais même un qui a rencontré des représentants du ministère.

M. Lerer: J'ai participé à certaines des réunions auxquelles étaient aussi notamment présents des représentants des industries et des groupes environnementaux qui souhaitaient exprimer leur point de vue. Je ne saurais dire s'il s'agissait de lobbyistes inscrits.

Le sénateur Spivak: Très bien. J'aimerais que nous discutions maintenant des amendements qui portent sur la réalisation de la quasi-élimination. Revenons au paragraphe 65(3) qui énonce que le ministre doit tenir compte de divers facteurs. À votre avis, pourquoi a-t-on amendé ce paragraphe après l'étape du rapport? Quelle intention visait-on?

M. Mongrain: Monsieur le président, permettez-moi de vous donner des précisions sur la note de service dont l'honorable sénateur a cité un extrait. La formulation de la note m'est très familière; j'en suis l'auteur.

Le sénateur Spivak: C'est vous qui avez écrit que la réalisation de la quasi-élimination serait impossible?

M. Mongrain: Permettez-moi de m'expliquer, monsieur le président.

L'industrie proposait de supprimer la mention de la quasi-élimination. L'amendement qui a été retenu n'est pas du tout celui qui a été proposé à l'étape du rapport. Le regroupement d'industries souhaitait que le mot "quasi-élimination" disparaisse de tous les paragraphes qu'a mentionnés Le sénateur Spivak, et notamment des paragraphes 77(2) et 77(4). L'industrie souhaitait que le paragraphe prévoie que le ministre propose la mise en oeuvre du paragraphe 65(3). Voilà ce qu'elle réclamait.

Après avoir étudié la question, nous en sommes venus à la conclusion que s'il n'était plus question de la quasi-élimination dans les articles de l'application de la loi, la définition perdrait tout sens puisqu'il n'y aurait plus de lien entre celle-ci et les articles d'application de la loi ni de mécanismes pour la mettre en oeuvre. Voilà pourquoi le mot "quasi-élimination" figure toujours dans les amendements qui ont été adoptés. La quasi-élimination est l'objectif visé. La note fait d'ailleurs ressortir le fait que la suppression de la mention de la "quasi-élimination" des articles d'application de la loi créerait une contradiction interne qui rendrait difficile la réalisation de cet objectif. Je me paraphrase.

Il importe de comprendre que ce que l'industrie réclamait n'est pas ce qu'on retrouve dans les amendements présentés à l'étape du rapport.

Le sénateur Spivak: Dans ce cas, pourquoi est-il question, au lieu de la quasi-élimination, de la mise en oeuvre de ce principe en vertu du paragraphe 65(3) qui prévoit la prise en compte de questions d'ordre social, économique et technique?

M. Mongrain: C'est la réalisation de la quasi-élimination qui est proposée en vertu du paragraphe 65(3).

On fait ainsi un lien avec le paragraphe 65(3). Ce paragraphe prévoit la prise en compte des risques d'atteinte à l'environnement ou à la santé, comme vous l'avez souligné, ainsi que de questions d'ordre social, économique et technique. Il est précisé à la toute première ligne du paragraphe 65(3) que celui-ci s'applique lorsque la limite de dosage a été spécifiée sur une liste. Si vous lisez ce qui précède le paragraphe au lieu de ce qui le suit, il devient apparent que la limite de dosage est l'objectif ultime et que la prise en compte de questions d'ordre social, économique et technique est liée aux articles d'application de la loi. Voilà essentiellement ce que fait ce paragraphe. Il établit un lien avec ces exigences. Or, l'objectif ultime demeure inchangé et il est en fait renforcé par l'énoncé précisant que le paragraphe s'applique lorsque la limite de dosage a été spécifiée. Le paragraphe 65 précise un peu plus loin ce qu'on entend par «limite de dosage».

Le sénateur Spivak: Je ne comprends toujours pas pourquoi il a fallu changer le libellé du paragraphe. Dans un cas, on fait mention de l'objectif visé, et dans l'autre, de sa mise en oeuvre. À mon sens, le paragraphe est maintenant plus restrictif parce qu'il faut non seulement tenir compte des risques d'atteinte à l'environnement ou à la santé, mais aussi d'autres facteurs. Doit-on le faire avant ou après avoir spécifié la limite de dosage de la substance rejetée? Si c'est avant, il faut tenir compte de tous ces autres facteurs. Cette démarche se rapproche du principe de la prudence qui prévoit la prise en compte de facteurs économiques dans le processus décisionnel.

M. Mongrain: Monsieur le président, deux chiffres importent en ce qui touche la réalisation de la quasi-élimination. Il y a d'abord la limite de dosage. En termes scientifiques, cette limite se rapproche autant que possible de zéro. Il s'agit de la concentration la plus faible qui puisse être mesurée. Cette mesure technique est le premier chiffre à prendre en compte. Elle est fonction de la technologie dont on dispose pour mesurer une substance donnée. Ce chiffre est fixé sans égard aux questions d'ordre social, économique et technique. La limite de dosage est l'objectif ultime visé.

Le sénateur Spivak: Vous parlez du paragraphe 65(3)?

M. Mongrain: Oui.

Le sénateur Spivak: Comment cela ressort-il clairement de cette phrase?

M. Mongrain: Le paragraphe énonce ceci:

Lorsque la limite de dosage a été spécifiée sur la liste visée au paragraphe (2) [...]

Voilà le premier chiffre qui importe.

Le sénateur Spivak: Très bien.

M. Mongrain: Ce chiffre est fixé sans égard aux questions d'ordre social, économique ou technique. Il s'agit essentiellement d'une mesure scientifique.

Le second chiffre -- et le projet de loi C-32 ne comporte pas de changement par rapport à la version qui a été examinée par le comité de la Chambre -- est établi après avoir pris en compte les questions d'ordre social, économique et technique ainsi que les risques d'atteinte à l'environnement ou à la santé. Il est fixé par les ministres de la Santé et de l'Environnement. C'est un chiffre qui figure dans le règlement. C'est la norme que l'industrie sera tenue de respecter. Dans certains cas, il peut s'agir de la limite de dosage. C'est logique lorsqu'il est possible d'atteindre cet objectif à court terme. Le chiffre peut donc correspondre à la limite de dosage.

Dans d'autres cas, il peut être nécessaire d'échelonner sur dix ans les mesures qui permettront de se rapprocher de la limite de dosage. Les ministres fixeraient dans ce cas un ensemble de cibles permettant d'atteindre l'objectif ultime de la quasi-élimination. Nous pourrons peut-être parfois nous en rapprocher beaucoup, mais sans complètement l'atteindre.

Je tiens à rappeler au comité que nous parlons ici de parties par quadrillion. Il s'agit de quantités infinitésimales. L'exemple qui convient le mieux est celui de grains de sable sur une énorme plage. Il se pourrait que la limite de dosage soit 50 parties par quadrillion, mais que la technologie courante ne nous permette pas de ramener la concentration de la substance à moins de 100 parties par quadrillion. Il s'agit là d'un écart minime. Si l'écart est plus élevé, nous nous efforcerons continuellement de l'atténuer.

Les amendements proposés à l'étape du rapport établissent un lien plus étroit entre le paragraphe 65(3) et les articles d'application de la loi, ce qui est conforme à la façon dont nous voulons appliquer la loi. Quelles que soient les mesures que nous proposerons, nous tiendrons toujours compte des risques d'atteinte à l'environnement et à la santé humaine ainsi que de questions d'ordre social, économique et technique. Si des industries et des villes entières devaient cesser d'exister du jour au lendemain parce que nous avons manqué de patience et que nous avons voulu faire trop vite, nous ne contribuerions pas au développement durable, ce qui est pourtant l'objectif du projet de loi.

L'un des sénateurs a proposé, pour abaisser le niveau de soufre dans l'essence, de se débarrasser des voitures. Ce n'est pas raisonnable.

Le sénateur Spivak: Pourquoi importait-il donc tant de supprimer le début du paragraphe puisque c'est l'objectif visé et qu'il est question de sa mise en oeuvre? Vous nous dites que ce libellé a été retenu parce que vous souhaitiez vous assurer de la mise en oeuvre de la quasi-élimination en vertu du paragraphe 65(3). Pourquoi avez-vous supprimé les mots "en vue de la quasi-élimination"?

M. Mongrain: Le libellé retenu me plaît parce qu'il établit un lien, d'entrée de jeu, entre l'objectif ultime et la prise en compte de questions d'ordre social, économique et technique. «En vue de» laisse entendre qu'on adoptera une approche progressive dans tous les cas.

Le sénateur Spivak: Vous avez fait de la limite de dosage l'objectif visé plutôt que la quasi-élimination parce que, pour certaines personnes et certaines publications, la quasi-élimination signifie l'interdiction d'une substance. L'objectif est maintenant la limite de dosage plutôt que la réalisation de la quasi-élimination.

M. Mongrain: La limite de dosage équivaut à la quasi-élimination puisqu'il s'agit d'une concentration inférieure à ce que nous pouvons mesurer. C'est, à toutes fins utiles, la concentration zéro.

M. Lerer: Monsieur le président, le paragraphe 65(1) définit la limite de dosage exactement de la façon que vous a expliquée mon collègue.

Le président: Ayant lu la note de service, je crois pouvoir dire que vous n'avez pas été très franc avec le comité. Je n'interprète pas cette note du tout comme vous. Je vais la distribuer aux membres du comité en raison de l'intérêt qu'elle présente et parce qu'elle appuie certains des points de vue qui ont été exprimés plus tôt à cet égard.

Par les amendements qui ont été présentés après l'étape de l'étude en comité, le gouvernement, comme le réclamait l'industrie, a fait en sorte que l'objectif à viser figure désormais au paragraphe 65(3). L'industrie souhaitait qu'il soit question dans le paragraphe non pas de la quasi-élimination, mais du contrôle d'une substance. Tous les amendements présentés après l'étape du rapport à la Chambre des communes renvoyaient au paragraphe 65(3) qui, comme je le disais ce matin, atténue la portée du projet de loi. Ce n'est pas du tout la situation que vous nous avez décrite.

Je ne veux pas être injuste envers vous, mais vous êtes bien l'auteur de cette note. Elle a été approuvée par M. H. Lerer. Je présume que c'est vous.

M. Lerer: En effet.

Le président: J'en déduis qu'elle reflète la position qu'a adoptée votre ministère au moment de l'étude du projet de loi après avoir discuté de la question avec M. Richard Payton, de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. De toute évidence, ce changement a été apporté à la demande de l'industrie.

Permettez-moi de vous donner un exemple bien clair. Voici ce qu'on lit dans la note:

Position de l'industrie -- Nouveau libellé pour le paragraphe 65(3)

Cette partie du libellé du paragraphe 65(3) doit être modifiée:

En vue de l'élimination d'une substance.

L'industrie ne voulait pas ce libellé. Il est intéressant que vous ayez fait remarquer ce qui suit à ce sujet:

La suggestion de l'industrie créerait de la confusion puisque le projet de loi C-32 ne dresse pas la «liste» de substances dont la quasi-élimination doit être réalisée.

Il est aussi intéressant de constater que l'industrie a obtenu cet amendement qui va exactement dans le sens de ce qu'elle a suggéré. Or vous dites dans la note que la suggestion de l'industrie «susciterait de la confusion».

De la même façon, l'industrie souhaitait qu'on remplace le terme «quasi-élimination» par «mise en oeuvre du paragraphe 65(3)» dans les sections d'application à la partie 5. Bien que vous ayez dit que la suppression de toute mention de la quasi-élimination créerait une contradiction interne qui rendrait la réalisation de la quasi-élimination impossible, c'est exactement ce qu'a obtenu l'industrie parce que tous les autres amendements renvoient au paragraphe 65(3).

J'ai dit que vous n'aviez pas été très franc avec le comité. Permettez que je m'explique. Je crois qu'on a exercé des pressions sur votre ministère pour qu'il propose ces amendements qui font fi des suggestions faites par le comité de la Chambre des communes à l'issue de son examen du projet de loi, qui a duré huit mois. Je crois que vous auriez préféré conserver le libellé initial. Voilà comment j'interprète votre note. Vous n'avez pas à confirmer ou à infirmer ma thèse, mais vous pouvez le faire si vous le souhaitez.

Le sénateur Hays: Je souhaiterais qu'il le fasse.

M. Mongrain: Monsieur le président, la note de service portait essentiellement sur les conséquences de la suppression du mot "quasi-élimination" et non pas sur les amendements proposés. J'essaie d'être aussi franc que possible.

Le président: Vous avez fait indirectement ce que vous ne vouliez pas faire directement. Vous n'étiez pas obligé de supprimer le mot «quasi-élimination» parce que tous les amendements subséquents renvoient au paragraphe 65(3) où il n'est pas question de la quasi-élimination, mais seulement du contrôle d'une substance.

M. Mongrain: Monsieur le président, le paragraphe établit un lien direct avec la limite de dosage. Je crois qu'il faut admettre que la définition de «quasi-élimination» précise que l'objectif ultime est de ramener les rejets à la limite de dosage. Je crois que le raisonnement que nous tenons dans la note est toujours valable parce que nous discutions du libellé que proposait alors l'industrie.

Le président: Vous ne convenez donc pas avec moi que l'industrie a obtenu ce qu'elle souhaitait?

M. Mongrain: Je ne peux pas parler au nom de l'industrie, mais à en juger par les lettres que nous avons reçues et par les points de vue qui nous ont été exprimés, elle aurait sans doute préféré la définition initiale de quasi-élimination.

Le président: L'industrie n'a pas obtenu ce qu'elle souhaitait, mais elle a obtenu quelque chose de tout aussi bon. N'en convenez-vous pas?

M. Mongrain: Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous, monsieur le président parce que j'estime que la définition de quasi-élimination précise clairement que la concentration doit être inférieure à la limite de dosage.

Le président: Nous distribuerons aux membres du comité copie de cette note de service que nous venons à peine de recevoir.

Le sénateur Hays: Monsieur le président, j'aimerais avoir une précision. Oublions un instant si nous sommes contre l'industrie ou contre l'environnement...

Le sénateur Spivak: Nous ne sommes pas contre qui que ce soit.

Le sénateur Hays: Vous soutenez cependant avec virulence que l'industrie était de connivence avec le gouvernement.

Le président: Sénateur Hays, vous êtes injuste.

Le sénateur Hays: Vous avancez tous deux toutes sortes de raisons pour expliquer la façon dont le projet de loi se présente. Je ne pense pas que vous devriez empêcher les gens de formuler leurs questions comme ils le souhaitent ou d'y prévoir un préambule.

Le paragraphe 65(3) s'applique, par exemple, aux 12 substances que nous savons être intrinsèquement toxiques. La quasi-élimination de neuf d'entre elles est déjà réalisée. Peut-être que certaines substances continueront d'exister à plus ou moins long terme parce qu'elles ont une certaine utilité. J'ignore si le formaldéhyde figure sur cette liste. La quasi-élimination de certaines substances intrinsèquement toxiques risque de mettre fin aux avantages qui peuvent découler de l'utilisation combinée de certaines d'entre elles. Certaines de ces substances présentent peut-être des avantages sociaux, industriels ou environnementaux qui compensent leur toxicité.

Ai-je raison de croire que le paragraphe 65(3) est préférable, en raison de sa souplesse, à l'approche qui consiste à interdire complètement au Canada l'utilisation d'une substance qui aura été jugée toxique?

M. Lerer: Monsieur le président, je ne parlerai pas pour l'instant des substances intrinsèquement toxiques. Aux termes du projet de loi, la toxicité d'une substance est établie en fonction de critères purement scientifiques. On ne prend nullement en compte les avantages qui seraient attribuables à certaines de ses caractéristiques.

La prise en considération de ces avantages relève de la gestion de risque. Il se peut que l'exposition à une substance soit limitée parce qu'elle n'est utilisée que dans un procédé industriel. Il est possible qu'on utilise une substance pour fabriquer un produit de consommation qui n'en contient pas lui-même. Ces facteurs sont pris en compte lorsqu'on établit la façon de gérer une substance et les mesures à prendre à cet égard.

Je précise que les avantages qui peuvent découlent de l'utilisation d'une substance à des fins commerciales ne sont pas pris en considération lors de l'évaluation scientifique. Cette étape comporte une évaluation purement scientifique des risques inhérents à la substance et des risques d'exposition de la population et de l'environnement. Ce n'est que dans le cadre de la gestion des risques qu'on tient compte des avantages d'une substance, de la façon dont on peut l'empêcher de se répandre et des mesures à prendre pour réduire les risques d'exposition.

Le sénateur Hays: Est-il possible qu'une substance intrinsèquement toxique présente des avantages?

M. Lerer: C'est possible, mais si la substance est jugée toxique, il faut prendre les mesures en vue de la contrôler. L'objectif de ce projet de loi est de protéger l'environnement et la santé humaine.

Le sénateur Hays: Voilà pourquoi il prévoit des règlements.

M. Lerer: C'est juste. On pourrait soutenir qu'il ne convient pas, lorsqu'on établit une limite réglementaire pour les rejets, comme le propose le paragraphe 65(3), de tenir compte de questions d'ordre social, économique et technologique. Le gouvernement a cependant rejeté cet argument, estimant qu'il agirait de façon plus responsable s'il les prenait en considération.

Le sénateur Hays: Je crois maintenant comprendre. Je vous prie d'excuser ces querelles de mots.

Le sénateur Spivak: J'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. Lerer. Nous discutons des 12 polluants les plus persistants. Les 23 000 autres substances chimiques peuvent présenter toutes sortes d'avantages, mais ce n'est pas d'elles dont il est question.

Corrigez-moi si j'ai tort, mais n'est-ce pas en raison de la grande toxicité de ces substances que nous voulons ramener leur concentration à presque rien? Elles sont à ce point toxiques qu'elles doivent être interdites; neuf d'entre elles le sont d'ailleurs déjà. Nous ne comparons pas ces substances aux milliers d'autres qui comportent sans doute des avantages. À ce que je sache, les substances dont il est question n'en présentent aucun. Il faudrait qu'on cesse de les utiliser partout au monde. Ai-je raison?

Le sénateur Hays: Vous lancez un débat.

Le sénateur Spivak: Il ne s'agit pas d'un débat. Je pose la question suivante: ces substances présentent-elles des avantages?

Le sénateur Hays: Je peux imaginer une substance intrinsèquement toxique qui présenterait une utilité. À titre d'exemple, nous n'avons pas détruit, pour une raison quelconque, la bactérie de la variole. Comme ce virus est parmi les plus toxiques au monde, il pourrait causer des ravages indicibles dans une guerre chimique. Pourquoi en a-t-on conservé des échantillons? C'est peut-être parce que nous craignons d'être un jour confrontés à une maladie semblable. Bien que ce virus puisse être utilisé à de mauvaises fins, sa quasi-élimination n'a pas été jugée judicieuse. Je me sers de cet exemple. Le paragraphe 65(3) s'applique-t-il indifféremment aux substances chimiques, aux substances bactériennes et aux virus?

Mme Lloyd: Prenons le cas du DDT dont l'utilisation a été interdite il y a des années au Canada ainsi que dans la plupart des pays industrialisés. Il ne fait aucun doute que le DDT présente des avantages. On continue d'ailleurs à l'utiliser dans certaines parties du monde pour lutter contre les moustiques qui propagent le paludisme. Le monde industrialisé réclame l'élimination de cette pratique. Toutes ces substances chimiques présentaient des avantages à un moment donné.

Les dispositions sur la quasi-élimination visent les substances les plus nocives au monde. Le sénateur Spivak a raison à ce sujet. Malgré les avantages qu'elles peuvent présenter, la quasi-élimination est la seule option de contrôle valable. Tout le monde s'entend là-dessus. L'élimination de ces substances peut être progressive, mais il n'y a pas d'évaluation avantages-coûts dans leur cas. L'objectif visé est automatiquement la quasi-élimination.

Le sénateur Hays: Je reconnais dans ce cas que le sénateur Spivak a raison.

Le sénateur Spivak: Ma question nous ramène au point de départ de notre discussion. S'agit-il d'éliminer progressivement la production et l'utilisation des substances les plus toxiques ou considère-t-on que leur quasi-élimination suffit? Je donne en exemple les BPC, les dioxines et les furanes que l'on continue d'émettre bien qu'en quantités infinitésimales. Voilà la question-clé.

Le sénateur Hays a soulevé cette importante question. Il y va de la protection de la santé. Faut-il débarrasser le monde complètement de ces substances? Devons-nous prendre des sanctions contre ceux qui les utilisent? Devons-nous viser leur quasi-élimination?

Voilà la question essentielle qui se pose et j'aimerais connaître vos vues sur les substances organiques persistantes. Que dit la convention internationale à leur sujet?

M. Lerer: Vous demandez s'il faut viser la quasi-élimination dans le cas de ces substances, c'est-à-dire s'il faut faire en sorte de ramener leur concentration à un niveau si faible que nous ne puissions pas la mesurer dans l'environnement ou si nous devons plutôt simplement en interdire la production et l'utilisation.

Cette question a fait l'objet d'un long débat tant au comité de la Chambre des communes qu'à ce comité. La position du gouvernement, comme le reflète le projet de loi, est que la première ligne d'attaque contre les rejets de ces substances est leur quasi-élimination. Si cela se révèle insuffisant ou impossible, le projet de loi permet d'en interdire la production et l'utilisation.

Le président: Cela dit, monsieur Lerer, on a supprimé du préambule les mots «Attendu que le gouvernement du Canada reconnaît la nécessité d'éliminer progressivement la production et l'utilisation des substances toxiques les plus persistantes». À mon sens, ce projet de loi montre que le gouvernement ne compte pas reconnaître la nécessité d'éliminer progressivement la production et l'utilisation des substances toxiques les plus persistantes. Si c'était le cas, pourquoi aurait-il supprimé ces mots du préambule?

M. Lerer: Le préambule actuel renvoie à la première ligne d'attaque qui est la quasi-élimination des rejets. Les articles d'application de la loi se reflètent maintenant dans le préambule qui ne dit cependant mot au sujet de la production et de l'utilisation de ces substances. La section du projet de loi portant sur les options en matière de contrôle prévoit cependant cette possibilité. Le préambule reflète les articles d'application de la loi à la partie 5 traitant des substances toxiques.

Le sénateur Chalifoux: Je trouve ce débat très intéressant, mais je croyais que nous devions examiner le projet de loi. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais qu'on y revienne. C'est de la plus haute importance. Il s'agit d'un projet de loi volumineux et j'aimerais que nous revenions à sa teneur pour que nous puissions en discuter comme il se doit.

Le président: Sénateur Chalifoux, les articles dont nous discutons maintenant constituent la teneur du projet de loi. Les groupes de témoins que nous allons entendre au cours des deux prochaines semaines vont nous en parler. Il est très important que nous les comprenions bien.

Nous avons terminé l'examen de la partie 5. Y a-t-il d'autres questions sur cette partie?

Le sénateur Spivak: Ce matin, nous avons discuté de l'article 69 dans lequel les propositions de consultation se présentent sous une forme différente. On nous a expliqué que cela est dû au fait que ce n'est pas un article d'application de la loi.

Or, le paragraphe 47(3), qui établit des directives à cet égard, fixe d'autres exigences au sujet des propositions de consultation. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?

M. Mongrain: L'amendement à l'article 47 a été proposé à l'étape du rapport alors que l'article 69 est le fruit de l'examen du comité. Je crois que les deux articles visent le même objectif.

Le sénateur Spivak: Cette explication ne m'avance pas.

M. Mongrain: Le rédacteur juridique n'était peut-être pas le même.

Le sénateur Spivak: Autrement dit, vous ne connaissez pas la réponse à cette question. Très bien. Je l'accepte.

M. Cameron: Permettez-moi de vous fournir quelques précisions. Le rédacteur juridique n'était pas le même. L'amendement à l'article 69 a été présenté par un membre du comité de l'environnement de la Chambre des communes, et adopté par ce comité. Nous avons voulu refléter l'intention visée dans d'autres dispositions en reprenant un libellé semblable. Je crois qu'il y a 11 autres dispositions du projet de loi qui reprennent le même libellé. Nous n'avons cependant pas voulu changer le libellé de l'amendement du député qui était parvenu à faire adopter sa motion par le comité. Les rédacteurs du ministère de la Justice se sont inspirés de l'intention visée et ont proposé un libellé quelque peu différent qui a été ensuite repris dans les amendements ministériels à l'étape du rapport.

La teneur de ces amendements n'est pas la même, mais elle est très semblable.

Le sénateur Spivak: Je ne comprends toujours pas, mais je me fierai à vous. Ces deux dispositions sont fort semblables. Elles portent sur l'établissement de directives. Je ne vois pas pourquoi le ministre doit consulter qui que ce soit lorsqu'il a le pouvoir d'établir des directives. Quoi qu'il en soit, deux dispositions absolument identiques prévoient des méthodes différentes. J'accepte votre explication pour l'instant.

J'ai d'autres questions, mais j'attendrai plus tard pour les poser.

Le président: Passons maintenant à la partie 6.

Mme Lloyd: La partie qui débute par l'article 104 s'intitule «Substances biotechnologiques animées». Cette partie est essentiellement identique à la partie 5 qui traite des nouvelles substances. La partie 6 porte sur les produits biotechnologiques vivants.

Avant qu'une entreprise puisse utiliser, fabriquer ou importer au Canada un produit biotechnologique vivant, elle doit en aviser le ministre et lui soumettre les données prévues en application du règlement. Santé Canada et Environnement Canada évaluent ces renseignements et soit déclarent la substance toxique et imposent des conditions à son utilisation, soit en permettent une utilisation sans réserve au Canada.

Cette partie part du principe que différents produits biotechnologiques sont régis par différentes lois. Le rapport de la Chambre des communes conférait au ministre de l'Environnement et, dans certains cas, au ministre de la Santé, la responsabilité d'établir si c'est la LCPE ou d'autres lois qui s'appliquent à un produit biotechnologique. À l'étape du rapport, cette responsabilité a été conférée au gouverneur en conseil. Ce changement a été jugé indiqué en raison du grand nombre de lois fédérales qui peuvent s'appliquer.

La personne qui souhaite fabriquer, utiliser ou importer un produit biotechnologique vivant en vertu d'une autre loi doit aussi en aviser le ministre. Elle doit également fournir une évaluation de sa toxicité. Il appartient ensuite au gouverneur en conseil de décider si c'est la LCPE ou l'autre loi qui s'applique.

Voilà le principal changement apporté à cette partie.

Le président: Qu'en est-il des aliments transgéniques qui suscitent une vive controverse en ce moment?

Mme Lloyd: Ils sont régis par la Loi sur les aliments et drogues et non par la Loi relative aux aliments du bétail.

Le président: Quel est le processus qui s'applique si quelqu'un souhaite importer du soja transgénique au Canada?

Mme Lloyd: Comme le soja est une semence, c'est la Loi sur les semences qui s'applique. La LCPE actuelle ne confère pas au gouverneur en conseil le pouvoir de déterminer la loi à appliquer. La loi ne précise pas quelle instance prend cette décision. Il existe un cadre fédéral en matière de réglementation des produits biotechnologiques. Si ce cadre confie à un ministère la tâche de réglementer les semences produites à partir d'anciens procédés, c'est ce même ministère qui sera chargé de la réglementation des semences produites à partir de nouveaux procédés comme la biotechnologie. La même chose vaut dans le cas des aliments du bétail.

Le projet de loi C-32 change un peu les choses à cet égard. Les responsabilités de chacun demeurent les mêmes, mais le gouverneur en conseil précise officiellement quelle est la loi qui s'applique dans chaque cas. Auparavant, tout dépendait du cadre du processus décisionnel.

Le président: Les aliments transgéniques sont-ils considérés comme des produits biotechnologiques animés?

Mme Lloyd: Oui. Il s'agit d'organismes vivants. Certains le sont à tout le moins et d'autres l'ont déjà été. Je précise que les produits biotechnologiques inanimés sont régis par la partie 5 puisqu'il s'agit de produits chimiques.

Le président: Ce n'est donc pas cette loi qu'il faudrait invoquer pour protéger le monarque, par exemple. Vous ai-je bien compris?

Mme Lloyd: Oui.

Le président: Cette loi n'est pas censée s'appliquer aux aliments transgéniques.

Mme Lloyd: Elle n'est pas censée s'y appliquer, mais elle constituera un filet de sécurité s'il n'y a pas d'autre loi prévoyant un processus de préavis et d'évaluation.

Le sénateur Spivak: Si je comprends bien, on cherche ainsi à éviter les doubles emplois. À mon sens, cette approche soulève cependant de nombreuses questions. Je comprends mal la façon dont on s'y prend pour éviter les doubles emplois puisque vous avez fait remarquer que les ministères de l'Environnement et de la Santé doivent tous deux évaluer la toxicité des substances. En vertu de la Loi sur les aliments et drogues, qui relève du ministère de la Santé, l'évaluation environnementale des aliments et l'examen de leurs conséquences pour la santé est confiée à l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui, pour sa part, relève du ministère de l'Agriculture, n'est-ce pas?

Mme Lloyd: J'ignore si la dernière partie de votre énoncé est juste. Je sais cependant que la première l'est.

Le sénateur Spivak: J'aimerais poursuivre dans la même veine. La Loi sur les aliments et drogues ne fait pas mention d'évaluations environnementales. Je ne sais pas ce qu'il en est au sujet d'autres lois comme la Loi sur les semences, la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur la protection des végétaux et la Loi sur les engrais. La plupart de ces lois ont été adoptées avant l'avènement de la biotechnologie. Elles visaient d'autres objectifs, tel celui de prévenir la fraude.

La question qui se pose est de savoir comment on peut prendre des règlements en vertu de lois qui ne prévoient pas d'évaluations environnementales. On me dit qu'on peut le faire en vertu disposition de la Loi sur les règlements où il est question d'analyse, mais non pas d'évaluation environnementale. Certains estiment que cela revient à modifier une loi par règlement et s'y opposent. Ces personnes pensent qu'il faut modifier les lois pertinentes. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Peut-on vraiment prendre des règlements en vertu de lois comme la Loi sur les aliments et drogues qui ne font nulle mention d'évaluations environnementales? Le règlement précise même qu'il n'en est pas question.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments est chargée de la promotion des produits biotechnologiques. Je crois avoir lu dans le rapport Krever que l'instance de réglementation doit agir dans l'intérêt du public et non pas dans l'intérêt de la partie dont les activités font l'objet de la réglementation. Je ne vois pas comment un organisme peut être chargé de la promotion et de la réglementation d'un même produit.

Il s'agit cependant de savoir si cette approche affaiblit le cadre réglementaire existant prévu dans la LCPE de 1988 et aux termes duquel divers types de règlements ont été pris en 1997 qui ne visent cependant pas les aliments, les drogues et les produits de beauté. Certains pensent que cela l'affaiblit. Pour ma gouverne et celle des autres membres du comité, pourriez-vous nous expliquer très soigneusement les différences entre les deux régimes? Vous y avez fait brièvement allusion, mais le sujet est très complexe. Quelle était la situation en 1988, quelle était-elle lorsque le comité a étudié le projet de loi et quelle est-elle maintenant?

Mme Lloyd: Je vais traiter d'un aspect de cette question et je laisserai à M. Lerer le soin de traiter de l'autre.

Au sujet des règlements récents pris en vertu de la Loi sur les aliments et drogues auquel vous avez fait allusion, je reconnais avoir reçu de nombreux appels téléphoniques provenant de gens qui demandent à savoir si la LCPE s'applique. La loi proposée prévoit clairement un préavis ainsi qu'une évaluation de la toxicité d'une substance pour l'environnement et la santé humaine. Ces deux exigences vont de pair. Si une loi ne se préoccupait que des conséquences d'un produit pour la santé humaine, peut-être la LCPE s'appliquerait-elle alors parce qu'elle exige qu'on tienne compte de l'incidence de la toxicité d'une substance tant sur l'environnement que sur la santé humaine. Les règlements auxquels je fais allusion sont des projets de règlements. Ils ont été publiés dans la Gazette du Canada. Environnement Canada transmettra de nombreuses observations à leur sujet à nos collègues de Santé Canada. Je crois que les deux ministères ont conclu un protocole d'entente aux termes duquel Santé Canada procédera à des évaluations environnementales et soumettra des observations sur les règlements pour veiller à l'établissement d'un processus d'évaluation environnementale aussi rigoureux que nous le souhaiterions.

M. Lerer: Monsieur le président, j'essaie de me rappeler ce que contenait à cet égard le projet de loi présenté à la Chambre, le projet de loi proposé par le comité et le projet de loi à l'étape du rapport.

Le sénateur Spivak: D'aucuns estiment que ce projet de loi affaiblit grandement le processus prévu dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1988, soit la loi initiale.

M. Lerer: La LCPE ne précise pas qui décide, si c'est la LCPA ou une autre loi qui s'applique. C'est la raison d'être du cadre fédéral.

Le sénateur Spivak: Je croyais que la loi actuelle prévoyait des exigences minimales en ce qui touche le préavis qui doit être donné ainsi que l'évaluation des conséquences pour la santé et l'environnement. L'alinéa 26(3)a) énonce que peu importe qui est chargé d'administrer la loi, les mêmes exigences minimales en matière de préavis et d'évaluation s'appliquent.

M. Lerer: Il est vrai que la loi comporte des exigences en matière d'évaluation et d'avis, mais elle ne précise pas qui prend la décision quant à la loi qui s'applique.

Le sénateur Spivak: La loi prévoit cependant qu'il faut respecter ces exigences.

M. Lerer: Oui, tout comme le projet de loi C-32 sous sa forme actuelle.

Pour ce qui est des pouvoirs résiduels, le projet de loi déposé à la Chambre et étudié par le comité permanent ne prévoyait aucun changement en ce qui touche le préavis et l'évaluation. Le projet de loi présenté au comité permanent habilitait cependant le ministre chargé de l'application de la loi pertinente à prendre la décision et non pas le ministre de l'Environnement.

Le comité permanent a amendé la section sur les substances toxiques du projet de loi à l'issue d'un vote; la décision incombe maintenant au gouverneur en conseil et non pas au ministre chargé de l'application de la loi pertinente ou au ministre de l'Environnement.

En ce qui touche la section sur la biotechnologie, le comité a adopté une motion habilitant les ministres de l'Environnement et de la Santé à décider des modalités de respect des exigences en matière de préavis. La section sur les substances toxiques et la section sur les produits biotechnologiques ne concordaient donc pas. Ainsi, à l'étape du rapport, le gouvernement a présenté un amendement visant à uniformiser ces deux sections et à confier au gouverneur en conseil les pouvoirs exclusifs à cet égard plutôt qu'au ministre chargé de l'application de la loi visée ou aux ministres de la Santé et de l'Environnement.

J'ai parlé plus tôt de la pertinence du règlement. Il s'agit d'un concept qui a été présenté à l'étape de l'étude en comité. Le gouvernement a accepté cette disposition et ne l'a pas changée à l'étape du rapport.

On s'est aperçu que le projet de loi présenté au comité ne prévoyait pas de mécanisme assurant la transparence de cette décision. Il n'était pas prévu que la décision quant à la loi qui s'appliquerait serait rendue publique dans la Gazette du Canada ou par un autre moyen. Un amendement en ce sens présenté à l'étape de l'étude en comité a été conservé à l'étape du rapport.

Au départ, le projet de loi conférait au ministre la responsabilité de l'application de lois qui ne relèvent pas de lui. Lors de l'étude par le comité de la section sur les substances toxiques, cette responsabilité a été confiée au seul gouverneur en conseil. La section sur les produits biotechnologiques, pour sa part, conférait cette même responsabilité aux ministres de la Santé et de l'Environnement, ce qui créait une incohérence dans la loi. Par conséquent, le gouvernement a amendé la section sur les produits de la biotechnologie à des fins d'uniformité; cette section confère maintenant aussi la responsabilité à cet égard au seul gouverneur en conseil.

Le sénateur Spivak: Une fois que le gouverneur en conseil juge le règlement adéquat, il est porté en annexe à la loi et cela suffit, n'est-ce pas?

M. Lerer: Si la loi est portée en annexe, elle est rendue publique. Le public peut faire connaître ses observations à ce sujet comme il peut le faire pour tout règlement. Tout règlement proposé doit être publié. Ainsi, je crois que le règlement auquel vous faites allusion en ce qui touche les aliments et drogues n'a pas été promulgué; il ne s'agit encore que d'un projet de règlement.

Le sénateur Spivak: Je regrette. Vous avez absolument raison.

Qui est chargé de la recherche en matière de produits biotechnologiques? Dans le cas des aliments, des drogues et des produits de beauté, cette responsabilité incombe-t-elle au ministre de l'Agriculture? Qui décide des produits qui pourront être fabriqués?

M. Lerer: Je ne connais aucune loi sauf le projet de loi C-32 qui oblige un ministre de la Couronne à effectuer des recherches. Toutes les recherches sont menées à titre discrétionnaire. Le gouvernement effectue évidemment beaucoup de recherche tout comme l'industrie privée et les universités.

La seule exception à cette règle est prévue au projet de loi C-32 et touche les perturbateurs endocriniens. À ma connaissance, il s'agit de la seule loi qui oblige un ministre à mener des recherches sur une substance ou une catégorie de substances donnée.

Le sénateur Spivak: En vertu de ce règlement et d'autres règlements, le ministère de l'Agriculture, par exemple, n'effectue pas de la recherche indépendante sur les produits, mais les évalue plutôt. L'entreprise qui propose le produit effectue la recherche qui est censée ensuite être évaluée par le ministère visé. Ce dont nous nous sommes rendu compte lors du débat sur la STBr est que cette recherche n'est pas toujours aussi poussée qu'on le souhaiterait parce qu'elle ne comporte pas d'études à long terme.

Ainsi, l'Agence canadienne d'inspection des aliments n'est pas en mesure d'effectuer ce genre de recherches. L'agence ne compte pas de spécialistes de l'évaluation environnementale. Faut-il en déduire que c'est le ministre de l'Environnement qui va faire ces évaluations ou est-ce que toutes les recherches sont menées par l'agence comme le propose le règlement?

M. Lerer: Je ne peux pas vous donner de réponse finale à cette question. Une proposition a cependant été faite à cet égard sur laquelle les intéressés seront appelés à se prononcer.

En fait, je crois que le ministère de l'Environnement a déjà fait connaître ses vues sur la question. J'ignore pour l'instant quelles sont ces vues. J'ignore également quel sera le résultat final. Vous avez devant vous une proposition de réglementation des produits sur laquelle le public est appelé à se prononcer. C'est le processus réglementaire normal.

Permettez-moi d'ajouter que de nombreux collègues du service de recherche d'Agriculture Canada seraient surpris d'entendre qu'on pense que le ministère n'effectue pas de recherche.

Le sénateur Spivak: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que l'Agence canadienne d'inspection des aliments ne dispose pas actuellement des ressources voulues pour effectuer des évaluations environnementales. La Loi sur les aliments et drogues ne le prévoit pas.

M. Lerer: J'ignore si c'est le cas.

Le sénateur Spivak: J'ai une question d'ordre plus général au sujet des produits biotechnologiques. J'aimerais savoir comment on les évaluera. Les règlements pris à cet égard relèvent tous d'autres lois. Qu'en est-il de l'évaluation des propositions soumises par les entreprises? Le ministre de la Santé nous informe que les produits biotechnologiques connaîtront un grand essor et que le ministère doit être en mesure de les évaluer. Comment procédera-t-on à l'évaluation environnementale? Cet article ne fait pas mention, par exemple, de la diversité biologique. Je ne pense pas que les lois dont nous avons parlé fassent mention des menaces à la diversité biologique. Il s'agit pourtant là d'un élément-clé de la convention sur la diversité biologique qui a une grande importance en ce qui touche les produits biotechnologiques. J'aimerais savoir quelles instances gouvernementales seront chargées de leur réglementation. Bon nombre de groupes environnementaux aimeraient aussi le savoir.

M. Lerer: Vous aimeriez savoir quelles instances gouvernementales seront chargées de leur réglementation.

Le sénateur Spivak: Dans le cadre de ce projet de loi.

M. Lerer: La section sur les produits biotechnologiques qui figure dans le projet de loi dont vous êtes saisis s'applique aux produits biotechnologiques animés qui ne sont pas réglementés par d'autres lois.

Le sénateur Spivak: Quels sont les produits biotechnologiques auxquels ne s'appliquent pas les cinq ou six autres lois dont nous avons parlé?

M. Lerer: Il y a les produits biotechnologiques animés qui sont utilisés pour réparer les dommages causés à l'environnement. Ces produits sont utilisés dans différents cas. La majorité des produits biotechnologiques dont il est maintenant question sont des aliments et des semences transgéniques qui sont réglementés en vertu d'autres lois. Le projet de loi C-32 vise à réglementer les produits biotechnologiques -- et je ne peux pas vous en donner de liste exhaustive -- qui ne sont pas réglementés en vertu d'autres lois.

En ce qui touche le projet de loi, les options permettant de contrôler les substances toxiques, qu'il s'agisse de produits biotechnologiques animés ou de produits chimiques, reposent sur la définition de toxicité. À l'étape de l'étude en comité, il a été décidé d'inclure la diversité biologique dans la définition de toxicité, ce qui n'a pas été changé à l'étape du rapport.

Le sénateur Spivak: Très bien. Vous proposez donc un projet de loi qui, comme vous venez de l'admettre, ne s'applique qu'à un très petit nombre de produits biotechnologiques.

M. Lerer: C'est juste.

Le sénateur Spivak: Nous connaîtrons une explosion des produits provenant des entreprises des sciences de la vie, qui pourrait avoir une grande incidence sur la diversité biologique. Prenons l'exemple du gène terminateur. Ce gène, une fois inséré dans une plante, rend celle-ci stérile.

Toute cette section du projet de loi traite des menaces à la diversité biologique. Il ne peut y avoir de menace plus grave à la diversité biologique que le gène terminateur -- c'est du moins ce que de nombreux agriculteurs pensent. Cette question ne relèvera pas du ministère de l'Environnement puisque c'est la Loi sur les semences et la Loi sur les engrais qui s'appliquent alors que c'est le ministère de l'Environnement qui a les compétences voulues. La Loi sur les aliments et drogues n'en fait même pas mention. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'un cas particulier?

M. Lerer: Je ne contesterai pas votre opinion là-dessus. La question que vous posez est de savoir si le projet de loi C-32 réglementera les produits biotechnologiques actuels? La réponse à cette question est non. Le projet de loi est censé être un filet de sécurité si d'autres lois ne s'appliquent pas. Comme le projet de loi prévoit cependant des exigences quant au préavis, à l'évaluation et à l'efficacité des mesures proposées pour protéger l'environnement et la santé humaine, je pense qu'il contribue à établir des normes dans ce domaine.

Le sénateur Spivak: Laissons pour l'instant de côté le gène terminateur qui n'est pas encore un produit biotechnologique. Prenons un produit existant comme le colza transgénique. Ce produit figure sur la liste intérieure, n'est-ce pas?

M. Lerer: Je l'ignore.

Le sénateur Spivak: J'ai déjà posé cette question et je n'y ai pas encore obtenu réponse.

M. Lerer: Si je me souviens bien, les 23 000 produits qui figurent sur la liste intérieure seront évalués puis classés par catégorie en vertu des critères établis. J'ignore cependant si le gène terminateur figure sur la liste intérieure.

Mme Lloyd: Je ne pense pas que les semences y figurent.

Le sénateur Spivak: Les semences n'y figurent pas et n'y figureront pas?

Mme Lloyd: Non.

Le sénateur Spivak: Pas plus que les pesticides, les engrais ou les plantes.

M. Lerer: Les pesticides y figurent.

Le sénateur Spivak: C'est vrai?

Mme Lloyd: Les pesticides chimiques.

Le sénateur Spivak: Les pesticides sont régis par la Loi sur les produits antiparasitaires, n'est-ce pas?

M. Lerer: C'est juste.

Le sénateur Spivak: Ils sont évalués par le ministère de l'Environnement, n'est-ce pas?

M. Lerer: Nous discutons de substances qui servent à diverses fins. Ainsi, une substance qui est utilisée à des fins industrielles peut être visée par un règlement pris en vertu du projet de loi C-32. Cette substance peut également être utilisée comme un produit antiparasitaire.

Le sénateur Spivak: Si le produit sert seulement à la lutte antiparasitaire, figurera-t-il sur la liste, oui ou non?

M. Lerer: Je devrai vérifier ce qu'il en est.

Le sénateur Spivak: C'est un point important.

M. Lerer: Je comprends.

Le sénateur Spivak: Il importe de savoir qui effectue l'évaluation environnementale.

Le sénateur Taylor: Le président vous a posé une question au sujet des organismes vivants et il a donné en exemple le soja transgénique. Vous ai-je entendu dire qu'il s'agissait d'un organisme inanimé?

M. Lerer: Non. Il s'agit d'un organisme vivant.

Le sénateur Spivak: Qu'en est-il des nouvelles substances qu'on appelle des nutraceutiques, ces aliments qui peuvent contenir toutes sortes d'éléments pouvant être utilisés comme médicaments? De qui relèveront-ils? Relèveront-ils de l'Agence canadienne d'inspection des aliments?

M. Lerer: Les fabricants de ces produits vont-ils faire des allégations thérapeutiques à leur sujet?

Le sénateur Spivak: Je l'ignore.

M. Lerer: Si c'est le cas, ils seront régis par la Loi sur les aliments et drogues.

Le sénateur Spivak: Leur étude sera alors confiée à l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

M. Lerer: Je l'ignore. Je crois qu'ils relèveront de Santé Canada. Le ministre de la Santé est chargé de l'application de la Loi sur les aliments et drogues.

Un certain nombre d'organismes relèvent du ministre de la Santé. Je ne saurais vous dire lequel sera chargé de ces produits. L'application de la Loi sur les aliments et drogues relève cependant clairement du ministre de la Santé.

Mme Lloyd: Comme la Loi sur les aliments du bétail, la Loi sur les engrais, la Loi sur la santé des animaux et la Loi sur les semences relèvent de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, c'est aussi elle qui sera chargée de l'examen des produits biotechnologiques auxquels s'appliquent ces lois.

Le président: Passons à la partie 7.

M. Mongrain: Monsieur le président, c'est avec plaisir que je vous décrirai la partie 7 intitulée «Contrôle de la pollution et gestion des déchets».

La partie 7 compte huit sections portant sur des sujets distincts. Si le comité le souhaite, je peux vous donner des précisions sur chaque section et répondre au fur et à mesure à vos questions. Je pense pouvoir aisément vous en résumer le contenu en une minute ou deux et j'essaierai donc d'être aussi concis que possible.

La section 1 de la partie 7 porte le titre «Substances nutritives». Dans le contexte du projet de loi C-32, il s'agit essentiellement des substances nutritives qui favorisent la croissance dans les lacs et les rivières de plantes comme les algues ou les mauvaises herbes aquatiques. Les phosphates que contiennent les détersifs constituent un bon exemple de substances nutritives, lesquelles sont réglementées en vertu de la LCPE.

Certains sénateurs se souviendront qu'on a décrété que le lac Érié était mort à la fin des années 60 et au début des années 70. À cette époque, on a invoqué la Loi sur les ressources en eau du Canada pour limiter la quantité de phosphates dans les détersifs. Depuis 1988, l'autorité réglementaire est prévue dans la LCPE. Le projet de loi C-32 ne propose aucun changement à cet égard.

Nous avons essentiellement modernisé le libellé de ces dispositions afin qu'il y soit question de l'écosystème et pas seulement des eaux comme c'était le cas en vertu de la loi actuelle. En outre, la Chambre des communes a ajouté un article à l'étape du rapport pour éviter tout double emploi avec les lois qui régissent d'autres sources de substances nutritives. La LCPE met l'accent sur les produits de nettoyage et les conditionneurs d'eau. Ces dispositions sont très claires à ce sujet.

Il y a ensuite d'autres types de substances nutritives comme les engrais qui sont normalement réglementées en vertu de la Loi sur les engrais. Voilà essentiellement ce qu'il en est pour la section 1. Y a-t-il des questions?

Le sénateur Spivak: On utilise un solvant terrible comme produit de nettoyage à sec. Il existe aujourd'hui une méthode de nettoyage humide utilisant de l'eau qui est beaucoup plus écologique. Le problème, c'est que les appareils coûtent 150 000 $ chacun, ce qui nous ramène à la question de l'efficacité par rapport aux coûts. Si l'on doit prendre un règlement à cet égard -- cela permettrait de rendre l'industrie du nettoyage à sec beaucoup plus --, on pourrait recourir à cette méthode, peut-être pas dans tous les cas, mais dans de nombreux cas.

Le principe de la prudence s'appliquera-t-il dans ce cas? Qu'en est-il de l'efficacité par rapport aux coûts? Comment aborder ce cas réel? Cette méthode est au point. Bon nombre de nettoyeurs l'utilisent déjà, mais les petites entreprises familiales ne peuvent pas se la permettre.

M. Mongrain: Je pense que la substance dont vous parlez est le tétrachloroétylène. Il s'agit d'une toxine en vertu de la loi.

Le sénateur Spivak: Ce produit figure-t-il sur la liste prioritaire?

M. Mongrain: Il figurait sur la liste et a été évalué. Je crois qu'un règlement est en cours d'élaboration et qu'on compte réglementer l'utilisation qui est faite de ce produit dans l'industrie du nettoyage à sec. Il ne serait pas visé par les dispositions sur les substances nutritives puisqu'il ne favorise pas la croissance de plantes ou d'algues. En fait, ces substances tuent probablement les plantes et les algues et relèvent de la partie 5 qui porte sur les substances toxiques.

Le sénateur Spivak: Autrement dit, cette section ne vise pas cette substance?

M. Mongrain: La section sur les substances nutritives ne s'y applique pas, non.

Le sénateur Spivak: On lit dans cette section que «produits de nettoyage» s'entend d'agents dégraissants et de tout produit d'entretien ou de nettoyage domestique, commercial ou industriel, notamment pour les vêtements.

M. Lerer: Cet article porte sur les substances qui sont des substances nutritives dans l'environnement.

M. Mongrain: Les détersifs et les conditionneurs d'eau constituent des substances nutritives.

Le sénateur Spivak: L'article 118, pour sa part, énonce que «le gouverneur en conseil peut prendre tout règlement [...]». Il s'agit encore du pouvoir résiduel. Pouvez-vous me dire quelle loi vise le paragraphe 118(2)?

M. Mongrain: Comme je l'ai mentionné dans ma brève présentation, la première loi qui vient à l'esprit est la Loi sur les engrais.

Le sénateur Spivak: Ces substances sont réglementées en vertu de la Loi sur les engrais?

M. Mongrain: Un engrais serait réglementé en vertu de la Loi sur les engrais.

Le sénateur Spivak: Il s'agit de substances nutritives. Les engrais contiennent-ils des substances nutritives?

Mme Lloyd: Effectivement.

Le sénateur Spivak: Très bien, je vous remercie.

Le processus d'évaluation et de préavis sera-t-il aussi rigoureux qu'en vertu de la LCPE? Est-ce le gouverneur en conseil qui prendra cette décision?

M. Mongrain: L'évaluation est nécessaire dans le cas d'une substance toxique. Ces substances favorisent la croissance de végétation aquatique. Il s'agit d'une disposition de portée restreinte, mais qui peut être très utile si l'on songe aux changements survenus dans le lac Érié au cours des deux dernières décennies.

Le sénateur Spivak: Oui, c'est une disposition très importante.

Faut-il comprendre que tous les phosphates qu'on trouve notamment dans les détersifs et qui se sont déversés dans les lacs du Canada sont réglementés en vertu de la Loi sur les engrais?

M. Mongrain: Non, ils sont réglementés en vertu de la disposition proposée.

Le sénateur Spivak: La plupart de ces substances n'ont-elles pas déjà été évaluées? Figurent-elles sur la liste prioritaire?

M. Mongrain: J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de toxines. Il n'existe donc pas d'évaluation pour établir si elles appartiennent à la liste prioritaire. Il s'agit de polluants. La partie 7 traite en général d'autres types de polluants que les polluants toxiques dont il est question à la partie 5.

Le sénateur Spivak: Voici la question que je pose: ces substances ont-elles été évaluées et une réglementation s'applique-t-elle à leur déversement dans les lacs?

M. Mongrain: En application d'un règlement pris aux termes de ces dispositions, les détersifs vendus au Canada ne contiennent plus de phosphates.

Le sénateur Buchanan: Vous dites que ces substances ne sont pas toxiques?

M. Mongrain: Ces substances ne sont pas nécessairement toxiques selon le sens qu'on donne à ce terme dans la loi.

Le sénateur Buchanan: La loi considère une substance comme toxique si elle pénètre dans l'environnement ou est susceptible de le faire en quantité, dans des concentrations ou dans des conditions qui peuvent avoir ou risquent d'avoir un effet nocif immédiat ou à long terme sur l'environnement ou sur sa diversité biologique. Quels sont les types de polluants auxquels fait allusion Le sénateur Spivak?

M. Mongrain: Ces polluants ne sont pas considérés comme des toxines aux termes de la LCPE. Ils ne font pas l'objet d'une évaluation. Ils ne figurent pas sur la liste prioritaire, mais ils pourraient y figurer.

Le sénateur Buchanan: Ils pourraient y figurer. C'est donc que vous ne les avez pas encore évalués?

M. Lerer: Étant donné que ces substances favorisaient la croissance d'une végétation aquatique indésirable dans les lacs et les rivières, des mesures de contrôle ont été prises en vertu de la section sur les substances nutritives par opposition à la section sur les substances toxiques.

Le sénateur Hays: Quelle loi s'applique à l'ammoniac anhydre?

M. Lerer: L'ammoniac anhydre utilisé comme engrais?

Le sénateur Hays: Il s'agit essentiellement d'un azote gazeux.

M. Lerer: Si ce produit est utilisé comme un engrais, il est régi par la Loi sur les engrais.

Le sénateur Buchanan: Je crois que c'est dans le comté d'Annapolis que deux membres d'une famille ont failli mourir après avoir respiré des gaz provenant d'un caveau à légumes. Ces gens ont survécu. Il y en a d'autres qui sont morts dans les mêmes circonstances.

M. Lerer: Si je me souviens bien, le problème était attribuable à l'azote qui se dégageait des légumes. L'azote a expulsé l'oxygène du caveau à légumes. L'azote est plus dense que l'oxygène. Le problème était donc attribuable aux gaz se dégageant des légumes.

M. Mongrain: Monsieur le président, puis-je maintenant aborder la section 2?

Le président: J'aimerais d'abord savoir si l'article 272 s'applique en cas de contravention à un règlement pris en vertu de la loi?

M. Lerer: Oui, monsieur.

M. Mongrain: La section 2 de la partie 7 traite de la «protection du milieu marin contre la pollution de sources telluriques». Il s'agit d'articles complètement nouveaux qui ne figurent pas dans la loi actuelle. Ils permettent d'établir des objectifs, des directives et des codes de pratique non réglementaires fondés sur des données scientifiques. L'intention visée est de permettre au Canada de mettre en oeuvre un programme d'action national qui est actuellement en cours d'élaboration. Les consultations sur le programme proposé se sont terminées à la fin mai et les divers ministères visés examinent la question. C'est une question qui intéresse plusieurs administrations et ministères, et tout particulièrement le ministère des Pêches et Océans. L'intention visée est d'ajouter aux lois fédérales et provinciales dans ce domaine.

Le sénateur Spivak: Ces directives et ces codes de conduite sont-ils applicables en vertu de la loi?

M. Mongrain: Ils ne sont pas pris aux termes d'un règlement. Ils ne sont donc pas exécutoires.

Le sénateur Spivak: Pourquoi pas? Il serait important qu'ils le soient puisque l'objectif est de protéger l'environnement marin et la qualité des écosystèmes côtiers ainsi que de prévenir la pollution marine de sources telluriques. Ainsi, bon nombre des produits utilisés sur les fermes qui longent le fleuve Saint-Laurent finissent par aboutir dans le fleuve.

M. Mongrain: La Loi sur les pêches, la Loi sur les océans et des lois provinciales s'appliquent dans ce domaine. L'intention visée est d'ajouter à ces lois.

Vous demandez à quelles fins peut servir un objectif, un code de conduite ou une directive. Dans le cas de l'écoulement de surface, le code de conduite idéal proposerait aux collectivités des façons de lutter contre ce problème. La pratique nous enseigne que les codes de conduite ont un effet positif. Les gens veulent adopter de bonnes pratiques. Si nous pouvons cerner ces bonnes pratiques grâce à nos recherches scientifiques, les gens ne voudront pas mieux que de les adopter.

Dans d'autres cas, une directive ou un code de bonne pratique peut être en partie inclus à une loi provinciale.

Le sénateur Spivak: L'écoulement de surface des engrais relève-t-il d'une loi provinciale?

M. Mongrain: Si ce phénomène a un effet nocif sur le poisson, c'est la Loi sur les pêches qui s'appliquerait. La réglementation qui s'applique aux entreprises privées relève cependant des gouvernements provinciaux. C'est une question où la compétence est partagée.

Le sénateur Spivak: Le phénomène de l'écoulement de surface peut être aussi nocif que les produits toxiques. Je sais que c'est un grave problème dans la partie du Québec dont je parle ainsi que dans toutes les autres provinces.

M. Mongrain: C'est la Loi sur les pêches qui s'appliquerait si le phénomène a une incidence négative sur les ressources halieutiques. Si la substance est toxique et répond à la définition de toxicité prévue dans la LCPE, la partie 5 s'appliquerait.

Le président: Supposons que le ministre fasse une proposition de consultation à un groupe autochtone et que celui-ci l'accepte. Que se passe-t-il alors? Supposons que les consultations aboutissent à une impasse. Ne faudrait-il pas que le ministre ait le pouvoir discrétionnaire d'intervenir dans ce cas? J'ai l'impression que le processus s'arrête si les consultations ne permettent pas d'en arriver à une entente.

M. Mongrain: Je vais demander à mon collègue du ministère de la Justice de répondre à la question sur les consultations. Les consultations n'ont pas à aboutir à un consensus. Un consensus ne signifie pas nécessairement l'unanimité. Le fait que nous engagions des consultations ne signifie pas nécessairement que les deux parties doivent s'entendre. Il est cependant important que chacune puisse présenter son point de vue.

Le président: Je le comprends. L'article prévoit que le ministre peut agir si la proposition de consultation est rejetée. Qu'advient-il si elle est acceptée?

M. Mongrain: Les consultations ont alors lieu de bonne foi.

Le président: Si les parties ne s'entendent pas, le ministre peut-il agir?

M. Lerer: Je pense, monsieur le président, que le ministre peut agir et qu'il le fera.

Ces dispositions prévoient que le ministre consultera d'autres parties et qu'il tiendra compte de leurs conseils. En bout de ligne, le ministre doit prendre une décision ou faire une recommandation à cet égard au gouverneur en conseil.

Combien de temps peuvent durer les consultations? Je l'ignore. Je suppose que tout dépend du sujet. Le ministre peut cependant agir. Rien dans la loi ne l'empêche de le faire. Le délai de 60 jours ne s'applique que si l'offre de consultation a été acceptée.

Le président: Je pense qu'on devrait le préciser. Vous dites que ce n'est pas nécessaire. L'article énonce qu'«après les 60 jours», le ministre peut agir. On ne dit pas ce qui se passe si l'offre de consultation est rejetée. On doit en déduire que si les négociations n'aboutissent à rien, le ministre peut agir. Est-ce ce que nous devons comprendre?

M. Cameron: L'obligation qui est faite de consulter les parties signifie que les consultations doivent avoir lieu de bonne foi. Cela vaut pour les deux parties. Nous consultons notamment les provinces et les groupes autochtones de bonne foi et nous nous attendons à ce qu'ils agissent de bonne foi également. Si les consultations aboutissent à une impasse, comme dans le scénario hypothétique que vous présentez, je conviens avec M. Lerer que rien dans la loi n'empêche le gouverneur en conseil ou le ministre ou qui que ce soit d'autre de prendre les mesures qui s'imposent.

Le sénateur Spivak: Pourquoi le libellé n'est-il pas le même que pour l'article 69?

Le président: Le rédacteur juridique n'était sans doute pas le même.

Le sénateur Spivak: L'intention visée est bien différente. Ce n'est qu'une observation. Je ne vous demande pas d'explication.

M. Mongrain: La section 3 interdit l'immersion en mer de déchets ou de toute autre matière ainsi que leur incinération dans les eaux de compétence canadienne ou à partir de navires canadiens dans les eaux internationales sauf si un permis à cette fin a été obtenu du ministre.

Ces dispositions permettent au Canada de respecter les engagements qu'il a pris aux termes de la convention de 1972 sur la prévention de la pollution de la mer résultant de l'immersion de déchets. En 1996, un protocole a été ajouté à la convention. Le projet de loi C-32 reprend les dispositions de la loi actuelle et nous permet de respecter nos obligations en vertu du protocole récemment adopté.

Permettez-moi de faire ressortir certains des progrès qui ont été réalisés dans ce domaine. Premièrement, le projet de loi C-32 adopte le principe de la prudence à l'égard de l'immersion en mer. La LCPE actuelle contient une liste de substances dont l'immersion en mer est interdite. Cette liste relativement brève comprend des substances très dangereuses. Toutes celles qui ne figurent pas sur cette liste peuvent en pratique être immergées en mer.

Le projet de loi C-32, conformément aux exigences prévues dans le protocole de 1996, adopte l'approche inverse. Il énumère la liste des matières pouvant faire l'objet d'une immersion en mer, liste qui comprend notamment les déblais de dragage propres, les déchets de poisson et les navires mis hors service. Tout le reste est interdit.

L'autre aspect innovateur du projet de loi C-32 est l'annexe 6 du projet de loi qui expose les conditions auxquelles un demandeur doit se plier avant d'obtenir un permis d'immersion en mer. À titre d'exemple, le demandeur doit d'abord étudier s'il ne peut pas réutiliser ou recycler les déchets ou s'il n'y a pas des mesures de prévention de la pollution qui pourraient empêcher la production de ces déchets.

Le projet de loi C-32 comporte un troisième aspect, nouveau et important; le gouvernement est tenu d'évaluer les sites choisis pour l'immersion en mer afin de s'assurer qu'on protège bien la santé humaine ainsi que l'environnement.

Le projet de loi précise que l'immersion en mer ne sera approuvée que si c'est la méthode la plus écologique d'éliminer les déchets. Tout le processus de demande est transparent. Le demandeur doit indiquer dans un journal local où sa demande peut être consultée. Une fois un permis approuvé, les citoyens ont 30 jours pour présenter un avis d'opposition.

En résumé, les dispositions portant sur l'immersion en mer reposent désormais sur le principe de la prudence, un processus plus ouvert et transparent et une évaluation après le coup dans le but de s'assurer qu'on protège l'environnement marin et la santé humaine.

Le président: Le sénateur Buchanan sait sans doute ce qu'il en est, mais j'aimerais savoir ce qu'il est advenu du Irving Whale, le navire qu'on a sorti des profondeurs de la mer?

Le sénateur Buchanan: Il est amarré dans le port de Halifax où il a été tout nettoyé.

Le président: Le projet de loi oblige-t-il les propriétaires de bateaux qui ont coulé en mer à les récupérer?

Le sénateur Buchanan: C'est la grande question à laquelle il faudra répondre très bientôt. Je ne sais pas comment fonctionne ce fonds de lutte contre la pollution. Le gouvernement fédéral aimerait que la société Irving paie la note, mais celle-ci soutient que c'est le fonds de lutte contre la pollution qui devrait assumer le coût du renflouage du bateau. J'ignore où en sont les négociations.

M. Mongrain: Le fonds de lutte contre la pollution provenant de pétroliers s'élève, si je ne m'abuse, à un quart de million de dollars et a été créé aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada.

M. Lerer: Monsieur le président, je ne pense pas que la situation que vous décrivez serait considérée comme une opération d'immersion en mer, mais plutôt comme un accident maritime, car il s'agit d'une épave. Cette question n'est pas liée à celle de l'immersion en mer.

Le sénateur Buchanan: Je vois.

Le président: Supposons que quelqu'un abandonne en mer un navire qui contient des produits toxiques. Cette loi permet-elle au gouvernement de réclamer du propriétaire le coût du renflouage et de la remise en état du navire?

M. Mongrain: L'abandon d'un navire en mer sans avoir obtenu au préalable le permis voulu constituerait une violation de la loi. Le coupable de la violation s'expose à des sanctions et à des amendes importantes.

Le président: Qu'en est-il du coût des opérations de nettoyage?

M. Mongrain: La loi prévoit des directives sur la détermination de la peine qui tiennent compte des coûts de nettoyage. Je crois que c'est au paragraphe 287, à la page 191.

Le président: Je ne vois pas où cela se trouve. À quel paragraphe de l'article 287 faites-vous allusion?

M. Lerer: J'attire votre attention sur le paragraphe 287b):

(b) l'estimation du coût total des mesures de réparation ou d'atténuation du dommage;

et ensuite sur le paragraphe c):

(c) les mesures de réparation ou de prévention que prend [...]

Il est ensuite question des directives sur la détermination de la peine.

M. Mongrain: L'article 136, à la page 102, permet à la Couronne de recouvrer les dépenses occasionnées par les mesures visant à remédier à la situation créée par une contravention à la présente section ou à en atténuer les dommages.

Le sénateur Buchanan: J'aimerais ajouter une précision au sujet du Irving Whale. La société Irving a toujours maintenu qu'il s'agissait d'un cas imprévu. Le navire a coulé avant qu'il n'existe de lois protégeant l'environnement. La société soutient qu'il ne s'agissait pas d'un accident et que le navire n'en a pas heurté un autre, mais plutôt que c'était un cas imprévu. Apparemment, le bateau a simplement coulé. Voilà pourquoi la société nie toute responsabilité.

M. Lerer: C'est en effet ce que soutient la société Irving.

Le président: Aussi faux que cela puisse être.

M. Mongrain: On a déjà dans le passé accordé un permis d'immersion en mer pour un navire qu'on avait nettoyé. On crée de la sorte des récifs artificiels. Sur la côte Ouest, on a ainsi immergé en mer pour cette raison de vieux destroyers.

Le sénateur Buchanan: On l'a fait deux fois à Lunenburg. L'un des destroyers n'a pas coulé de la bonne façon. Il a fallu se servir d'explosifs pour l'amener à le faire. Si vous faites de la plongée, vous pourrez le voir.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Lorsqu'on parle de dragage dans les havres tout le long de la côte, de quelle façon cela va-t-il compliquer cette opération ?Dernièrement, on a dragué la rivière Kouchibouguac, située dans le Parc national Kouchibouguac .On a tout simplement pompé le sable un peu plus loin sur la côte .Est-ce que cela va compliquer ce processus qui est déjà assez long ?Je ne m'en plains pas, je pense qu'on doit offrir toute la protection à l'environnement.

[Traduction]

M. Mongrain: Le processus est déjà bien établi. La majeure partie des permis émis en vertu de cette section concernent des déblais de dragage comme du sable provenant du lit d'une rivière ou d'un port. Cette section vise à s'assurer qu'il n'y a pas de méthode plus écologique d'éliminer ces déchets. Ainsi, l'autorité portuaire doit chercher d'autres moyens de se débarrasser de ces déchets. Dans le cas des ports, l'immersion en mer est souvent la méthode la plus sensée de le faire.

Le sénateur Robichaud: Dans les ports, on trouve habituellement un endroit fermé où on peut laisser l'eau s'écouler au travers de filtres. Quand on veut créer un chenal dans un détroit, on déplace simplement le sable d'un endroit à l'autre. Les travaux de dragage sont habituellement très longs et exigent la participation de nombreuses personnes. Je me demande si cette loi changera quoi que ce soit à ce processus.

M. Mongrain: Pas vraiment. Nous devrons cependant nous assurer que les travaux de dragage ne causent pas de dommages à l'environnement.

Le sénateur Robichaud: Après l'immersion en mer?

M. Mongrain: Oui.

Le sénateur Robichaud: Et on ne le fait pas à l'heure actuelle.

M. Mongrain: C'est juste.

M. Lerer: Monsieur le président, je ne pense pas que la loi modifie beaucoup le processus d'obtention des permis. À l'heure actuelle, l'évaluation des sites est laissée à la discrétion des fonctionnaires. On me demande si la loi compliquera le processus d'émission des permis. Je crois que non.

Le président: Qui effectue ces inspections? La loi peut bien prévoir des inspections, mais qui les fait? Cette disposition existe-t-elle simplement pour la forme?

M. Mongrain: La division de l'environnement maritime du ministère compte des inspecteurs. En vertu de ce projet de loi, ce seront les agents d'application de la loi de notre bureau régional d'Halifax qui verront à ce qu'on respecte les dispositions de la loi concernant l'immersion de déchets en mer.

Le président: À l'intérieur de nos eaux, naturellement. De combien de navires et d'avions dispose-t-on à cette fin?

Le sénateur Buchanan: Existe-t-il une collaboration avec des services de recherche et de sauvetage, Greenwood et la Garde côtière?

M. Mongrain: Nous collaborons dans certains cas avec la Garde côtière. Le ministère des Pêches et des Océans possède des avions patrouilleurs. Je ne sais pas si nous faisons très souvent appel à l'armée.

Le sénateur Buchanan: Certains de vos inspecteurs utilisent l'Aurora de temps à autre.

M. Mongrain: Les différents ministères visés collaborent. Nous avons le personnel voulu, mais pas nécessairement les navires qu'il nous faudrait. Nous comptons sur l'aide d'autres organismes gouvernementaux.

Le sénateur Adams: Qu'en est-il des inspections sur terre? On songe à créer un nouveau parc national dans le Nord. Les mines, et notamment les mines d'or, sont susceptibles de causer des dommages à l'environnement. Il est nécessaire de traverser ce parc pour se rendre à la mine. Comment pouvons-nous changer les règlements qui s'appliquent à ces métaux? Les règlements actuels interdisent la construction d'une route à travers les parcs. Si on ne peut pas construire de route, on ne pourra accéder à la mine que par bateau.

M. Mongrain: Ce projet de loi n'empêchera pas un bateau d'approvisionner une mine. Il rend obligatoire l'obtention d'un permis pour immerger en mer des déchets miniers.

Seuls les déchets qui figurent à l'annexe 5 du projet de loi pourront être immergés en mer. Les déblais de dragage pourront faire l'objet d'un permis si le dragage est nécessaire pour construire un chenal. L'annexe ne s'applique pas aux déchets de poisson. Il se peut cependant qu'une mine produise de la matière géologique inerte ou inorganique.

Si la seule façon de se rendre à une mine est par bateau et que la société minière veuille procéder à l'immersion en mer de déchets relativement bénins qui ne sont pas toxiques, c'est-à-dire des déchets propres, elle pourra demander un permis s'il n'y a pas de méthode plus écologique d'éliminer ces déchets.

Le sénateur Adams: Je m'intéresse à la question du parc. Le seul endroit où l'on puisse construire un quai est dans le parc. Comme la mine est située à l'extérieur du parc, s'y on n'y accédait pas par bateau, il faudrait construire une route à travers le parc. Songez-vous à modifier le règlement de manière à rendre ce genre de choses possible?

Mme Lloyd: C'est une autre loi qui s'appliquerait dans ce cas.

M. Lerer: C'est la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale qui s'appliquerait. J'ignore quelle décision serait rendue. C'est cependant cette loi à laquelle il faudrait se reporter.

M. Mongrain: Monsieur le président, nous abordons maintenant la section 4 qui porte sur les combustibles. La LCPE actuelle comporte déjà des dispositions sur ces substances. Le ministre précédent a récemment annoncé un règlement limitant le niveau de soufre dans l'essence comme on l'a mentionné l'autre jour. Nous espérons avoir amélioré ces dispositions.

Nous pouvons fixer des exigences générales en ce qui a trait aux combustibles si le règlement est susceptible de contribuer sensiblement à réduire ou à prévenir la pollution atmosphérique. C'est le critère que nous devons respecter pour prendre un règlement. Le projet de loi C-32 renforce la LCPE en nous permettant d'imposer des restrictions relatives aux combustibles en raison de leur incidence sur les systèmes antipollution.

En outre, nous ne sommes plus contraints de ne réglementer que la phase de combustion. La loi actuelle ne vise que la combustion du combustible. Nous pouvons maintenant imposer des exigences en ce qui touche le transfert et la manutention des combustibles. L'évaporation d'un combustible peut souvent accroître sensiblement la pollution atmosphérique. Nous disposons maintenant des moyens pour intervenir dans ce domaine.

Lors de l'étude du projet de loi par le comité de l'autre endroit, ces dispositions ont été modifiées en prévision de l'apparition de nouveaux moteurs utilisant des piles à combustible. Nous pouvons prescrire les ingrédients ou les caractéristiques du combustible de manière à ce qu'il puisse être utilisé dans les nouveaux moteurs écologiques.

Voilà qui résume, monsieur le président, les pouvoirs de réglementation dont nous disposons à l'égard des combustibles.

Le sénateur Taylor: J'ai une question qui se rapporte aux sections 4 et 5 et qui porte sur les combustibles utilisés dans les véhicules et les moteurs. Pouvez-vous exiger qu'on utilise d'autres types de moteurs? Vous parliez des émissions provenant des combustibles et des dispositifs antipollution. Supposons que quelqu'un utilise un moteur à essence lorsqu'il pourrait utiliser un moteur au propane. L'utilisation du second type de moteur permet de diminuer les émissions. Peut-être utilise-t-on un moteur à diesel au lieu d'un moteur au benzène parce qu'il y a un hôpital à proximité. Pourra-t-on imposer, dans le but de lutter contre la pollution, l'utilisation d'un certain type de moteur ainsi que de certains types de combustibles aux termes de la réglementation découlant du projet de loi?

M. Mongrain: C'est une question qui concerne la section suivante, mais nous pouvons fixer des normes relatives aux moteurs.

Le sénateur Taylor: Vous pourrez donc imposer l'utilisation d'un moteur électrique ou d'un moteur au propane?

M. Mongrain: On pourrait peut-être fixer une norme si élevée en matière d'émissions qu'il serait nécessaire d'opter pour ce type de moteurs. La Californie l'a fait. Nous pouvons aussi imposer des normes touchant la conception des véhicules. Je ne sais pas dans quelle mesure nous pouvons imposer l'utilisation d'un type de moteur plutôt qu'un autre.

Le sénateur Taylor: On pense couramment que l'électricité ne cause pas de pollution. Or, on produit parfois de l'électricité à partir du diesel. Tient-on compte de ce facteur?

M. Mongrain: Certainement.

Le sénateur Taylor: On tient donc compte de l'effet sur l'ensemble de l'environnement.

M. Mongrain: J'espère qu'on tiendra compte de ces facteurs et qu'on tiendra compte aussi des avantages nets.

Le sénateur Taylor: On pourrait également utiliser un certain combustible en Ontario et reprocher à l'Alberta de le produire.

M. Lerer: Le gouvernement peut en outre recourir à toutes sortes d'autres moyens comme des incitatifs pour encourager l'utilisation d'un type de moteur plutôt qu'un autre.

Le président: Pouvons-nous parler du MMT?

M. Mongrain: Non.

Mme Lloyd: Non.

M. Lerer: Non.

Le président: Nous avons déjà signalé au gouvernement l'intransigeance de certains de ses représentants, mais on ne tient jamais compte de l'avis de ce comité.

L'article 140 permet au gouverneur en conseil de réglementer les concentrations ou les quantités d'éléments ou d'additifs contenus dans le combustible. Faut-il comprendre que le gouvernement peut interdire l'utilisation du MMT qui est évidemment un additif?

M. Mongrain: Oui, si le règlement permet de réduire ou de prévenir considérablement la pollution atmosphérique.

Le président: Si la Société Ethyl s'opposait à cette décision soutenant, comme elle le fait, qu'elle ne contribue pas à la pollution atmosphérique, de quel recours disposerait le gouvernement en vertu de ce projet de loi?

M. Mongrain: Le règlement serait pris en vertu du processus réglementaire normal. Il nous faudrait soumettre la preuve dont nous disposons. La société aurait l'occasion d'y répliquer et de réclamer la constitution d'une commission de révision.

Le président: À quel article faites-vous allusion, monsieur Mongrain?

M. Mongrain: Au pouvoir réglementaire général prévu au paragraphe 332(2) qui permet à quiconque de présenter au ministre des observations ou un avis d'opposition motivé demandant la constitution de la commission de révision prévue à l'article 333.

Le président: Si la société Ethyl demandait la constitution d'une commission de révision, la décision rendue par cette commission serait-elle finale et exécutoire?

M. Mongrain: Il existe une étape préliminaire. C'est au ministre de décider s'il constituera ou non une commission de révision. La commission de révision offre des conseils que le gouverneur en conseil peut accepter ou rejeter.

Le président: Demandons-nous un instant si le processus est bien juste. Supposons que le ministre veuille interdire le MMT et que la société Ethyl conteste sa décision. Supposons que le ministre n'accepte pas la preuve qui lui est soumise par cette société et que celle-ci demande la constitution d'une commission de révision. C'est le ministre qui nomme la commission de révision qui doit lui faire des recommandations, recommandations qu'il n'est pas tenu de suivre.

Qu'advient-il de la justice naturelle dans ce processus?

M. Cameron: On peut dire que le principe de la justice naturelle est respecté, monsieur le président, dans la mesure où la partie qui s'estime lésée peut présenter son point de vue. Ainsi, les citoyens ou les parties visées par la réglementation peuvent recourir aux tribunaux.

Beaucoup de lois ne prévoient pas de mécanisme de révision. Cette loi respecte mieux le principe de la justice naturelle que d'autres.

Le président: On ne peut pas dire qu'on respecte le principe de la justice naturelle lorsque la partie qui entend l'appel est celle qui a rendu la décision.

Qu'en est-il du principe de la prudence? La société Ethyl pourrait-elle soutenir que la décision rendue s'écarte du principe de l'efficacité par rapport aux coûts?

M. Cameron: Elle pourrait certainement le soutenir, mais si le gouverneur en conseil n'acceptait pas les recommandations de la commission de révision et décidait de promulguer un règlement, la société pourrait intenter des poursuites au civil. Elle pourrait soutenir qu'on a porté atteinte à ses droits, qu'on n'a pas respecté le principe de la justice naturelle et que l'un des règlements est inconstitutionnel parce qu'on n'a pas suivi le processus normal. La société pourrait invoquer toutes sortes de motifs.

La commission de révision permet aux personnes visées par la réglementation et aux citoyens de faire connaître leur point de vue et oblige le gouvernement à tenir compte de leurs préoccupations au moment de prendre un règlement.

Le président: Les gouvernements ne pourraient-ils pas abuser de ce pouvoir? Cela s'est déjà vu. À mon avis, il faudrait que le ministre soit tenu de respecter certains critères. À l'heure actuelle, il n'en existe pas.

Prenons de nouveau l'exemple du MMT. Le ministère de la Santé a conclu qu'il n'y avait pas de preuves suffisantes pour l'interdire. Le gouvernement n'a pas tenu compte de cette recommandation. Les gouvernements peuvent agir à leur guise. Je ne vois pas de critères dont le ministre doive tenir compte. Est-ce que je me trompe?

M. Cameron: Les critères qui limitent le pouvoir réglementaire sont énoncés au paragraphe 140(2). Le gouverneur en conseil doit avoir des preuves suffisantes de croire qu'un règlement permettra de sensiblement réduire ou prévenir la pollution atmosphérique. Le projet de loi définit ce qu'on entend par «pollution atmosphérique». Je pense aussi que les mots «pourrait contribuer sensiblement à prévenir ou à réduire la pollution atmosphérique» n'exigent aucune explication.

Certaines preuves scientifiques doivent être recueillies avant que le gouverneur en conseil puisse prendre un règlement en vertu de cet article.

Le président: Je vous remercie. Je n'avais pas vu cet article. Votre explication est très utile.

M. Mongrain: Nous passons maintenant des combustibles aux moteurs. À l'heure actuelle, c'est Transports Canada, aux termes de la Loi sur la sécurité automobile, qui fixe les normes en ce qui touche les émissions des moteurs. Aux termes du projet de loi C-32, les émissions seront maintenant régies par la LCPE.

Nous pensons qu'il s'agit d'un progrès puisqu'il est logique qu'une même loi réglemente les combustibles et les moteurs compte tenu du lien entre les deux.

La loi permettra de réglementer non seulement les moteurs utilisés dans les véhicules, mais aussi d'autres types de moteurs qui polluent l'environnement comme ceux qu'on trouve dans les tondeuses, les génératrices, le matériel de construction et les véhicules récréatifs comme les motomarines. À l'heure actuelle, la loi ne prévoit pas ce pouvoir réglementaire. Le projet de loi C-32 comble cette lacune et permet l'imposition de normes touchant les nouveaux moteurs qui seront installés dans ces véhicules ou cet équipement.

Le sénateur Taylor: J'ai une question à poser au sujet des voitures anciennes.

M. Mongrain: La loi ne s'appliquerait pas aux voitures anciennes, mais seulement aux nouveaux moteurs. L'utilisation qui est faite d'un véhicule est réglementée aux termes d'une loi provinciale. Nous devons nous assurer que les véhicules qui sont fabriqués répondent à certaines normes en matière d'émissions. L'entretien des véhicules afin qu'ils se conforment aux normes est un domaine de compétence provinciale. La Colombie-Britannique, par exemple, oblige les propriétaires de véhicules à s'assurer que leur véhicule répond aux normes dans le cadre du programme de lutte contre la pollution atmosphérique. Les propriétaires doivent au besoin faire réparer leur voiture.

Le sénateur Taylor: Les Albertains aiment enlever le convertisseur catalytique de leur camion pour en obtenir 15 BHP de plus par jour. Est-ce que ce seront les règlements provinciaux qui continueront de s'appliquer dans ce cas?

M. Mongrain: C'est à la province d'intervenir dans ce domaine. Nous prendrions les mesures voulues si le véhicule était construit sans convertisseur catalytique ou s'il ne répondait pas aux normes.

Le sénateur Taylor: Qu'en est-il des propriétaires de véhicules qui enlèvent leur convertisseur catalytique?

M. Mongrain: Une fois que le véhicule est sur la route, c'est la réglementation provinciale qui s'applique.

Le sénateur Adams: Vous avez mentionné le cas des tondeuses. J'ai entendu parler d'une université qui fabriquait des tondeuses alimentées au propane. Savez-vous si ce projet a été abandonné?

M. Mongrain: Je ne connais pas ce projet de recherche, sénateur. Lorsque nous adopterons des normes touchant les moteurs de tondeuses, cela va sans doute favoriser l'innovation et la recherche. On commencera peut-être à produire des tondeuses alimentées au propane. Ce sera peut-être l'une des conséquences de l'entrée en vigueur du règlement. J'ignore cependant tout de ce projet de recherche.

Le sénateur Adams: Lors du débat sur le MMT qui a eu lieu il y a environ cinq ans, on nous a montré des photos de génératrices qui ont un moteur au diesel. L'armée a acheté ce genre de génératrices.

M. Mongrain: Parlez-vous de la pile à combustible, sénateur?

Le sénateur Adams: Oui. C'est comme un alternateur qui est attaché au moteur. Les grosses semi-remorques peuvent les utiliser. Elles sont souvent équipées de groupes frigorifiques qui sont alimentés à l'essence. Certaines entreprises se débarrassent des génératrices à essence et installent ces génératrices directement sur les moteurs. Je ne sais pas combien de centaines d'ensembles tracteurs-remorques se servent de génératrices à l'essence pour faire fonctionner leurs groupes frigorifiques.

M. Mongrain: Le règlement fixerait des normes en matière d'émissions pour la génératrice à essence. La réglementation de l'utilisation de ces génératrices relève de la province ou du territoire visé.

Le sénateur Adams: Vous avez mentionné le cas des émissions provenant des motomarines. Les fabricants de motoneiges doivent-ils respecter les mêmes normes que les fabricants de voitures?

M. Mongrain: Ils le devront pour les nouvelles motoneiges si ce projet de loi est adopté.

Le sénateur Adams: Dans quelle mesure cela fera-t-il augmenter le coût de ce type de véhicule? On peut acheter dans le Sud une petite voiture pour le même prix qu'une motoneige dans les territoires.

M. Mongrain: C'est un bon exemple, monsieur le président. Voilà le type de facteurs dont on doit tenir compte dans l'établissement des normes sur les émissions. Les moteurs de motoneiges ne sont pas réglementés. Ils ne sont pas aussi écologiques que les moteurs de voitures. Il faudra tenir compte des coûts que cette norme entraîne pour les résidents du Nord. C'est l'un des facteurs qui seront pris en considération.

Le sénateur Adams: Voici le problème qui se pose. Dans les territoires, lorsqu'il fait très froid, les moteurs à essence ne démarrent pas. Les gens ne savent pas quel mélange il convient d'utiliser. Les nouvelles motoneiges sont équipées de moteurs à injection qui gèlent parfois. L'huile ne se rend pas au moteur qui finit par griller. C'est un problème que les ingénieurs peuvent peut-être corriger.

M. Mongrain: Ce type de moteur n'est pas très utile lorsqu'on est loin de chez soi et qu'il fait moins 40.

Le sénateur Spivak: Ce règlement s'appliquera également aux motomarines, n'est-ce pas?

M. Mongrain: Il s'appliquera à tous les types de moteurs.

Le sénateur Spivak: Les émissions provenant de ce genre de véhicules sont-elles réglementées de la même façon que celles qui proviennent de tous les autres types de véhicules? Quelle est la norme pour ces émissions?

M. Mongrain: Nous établissons une norme pour ce qui est des émissions atmosphériques de l'ensemble des moteurs. Tout est évidemment à l'étape de la conception puisque le projet de loi n'a pas encore été adopté. Nous avons certainement réfléchi à la question. La norme serait semblable à celle qui s'applique aux véhicules à moteur.

Le sénateur Spivak: S'agit-il d'émissions dans l'air et dans l'eau? Il existe des exemptions. Les véhicules récréatifs et les embarcations de plaisance polluent énormément.

M. Mongrain: Ce projet de loi porte sur les émissions atmosphériques. Mon collègue du ministère de la Justice me rappelle que la Loi sur les pêches vise sans doute les rejets d'imbrûlés.

Le sénateur Spivak: Ce projet de loi ne s'appliquerait pas aux émissions de ces véhicules?

M. Mongrain: Le projet de loi porte sur les émissions atmosphériques.

Le sénateur Taylor: J'ai l'impression que le projet de loi s'applique à tous les types d'émissions. Si les émissions produites par un moteur de voiture sont rejetées dans l'eau, le règlement s'appliquera tout de même.

Le sénateur Spivak: D'après ce qu'on m'a dit, ces embarcations polluent beaucoup l'eau et la pollue même beaucoup plus que les bateaux.

M. Mongrain: Le sénateur Spivak soulève une question fort intéressante. Les pouvoirs de réglementation relatifs aux émissions atmosphériques découlent de la Loi sur la sécurité automobile. Nous comptions dès le départ réglementer les émissions atmosphériques d'autres types de moteurs et de véhicules. Nous devrions sans doute songer à ce type de véhicule. Au lieu d'essayer de répondre à votre question à brûle-pourpoint, nous étudierons de nouveau les articles proposés.

Le sénateur Spivak: Énormément de Canadiens, en particulier les propriétaires de chalets situés sur de petits lacs, vous seraient reconnaissants de réglementer ces émissions--ne parlons même pas de la pollution par le bruit que créent ces véhicules.

Nous ne discutons pas ici de sécurité. Je suppose que cet aspect-là de la question relève de la Garde côtière. Nous parlons ici de la pollution que créent ces véhicules.

M. Mongrain: La Loi sur les pêches contient certainement des dispositions qui seraient pertinentes. Comme je l'ai dit, nous allons étudier la question. Nous nous sommes reportés aux dispositions réglementant les émissions atmosphériques qui figurent dans la Loi sur la sécurité automobile.

Le sénateur Spivak: Je comprends.

M. Mongrain: Il s'agit d'une question intéressante.

Le sénateur Spivak: J'aimerais connaître la réponse à cette question. Si un moteur rejette une substance dans l'eau, celle-ci peut-elle être considérée comme une substance toxique? Je vous saurais gré de vous renseigner à ce sujet.

M. Mongrain: Si la définition de «toxicité» s'applique à cette substance, elle peut être réglementée.

M. Mongrain: Passons maintenant à la section 6 intitulée «Pollution atmosphérique internationale». Nous avons quelque peu étendu la portée des dispositions à cet égard qui figurent dans la loi actuelle. Je n'entrerai pas dans les détails. Ces dispositions visent essentiellement à réglementer les sources de pollution canadiennes qui créent de la pollution atmosphérique dans un autre pays ou qui violent un accord international auquel le Canada est partie.

Permettez-moi d'être très clair. Ces dispositions s'appliquent au rejet d'un polluant qui n'apparaît pas sur la liste des substances toxiques. C'est la partie 5 qui s'applique aux substances qui figurent sur cette liste. Cette section porte donc sur les substances qui ne figurent pas sur la liste des substances toxiques, mais que nous voulons néanmoins réglementer.

Avant de recourir aux pouvoirs que lui confère cette section, le ministre doit d'abord consulter le gouvernement de la région où se trouve la source de pollution. Il peut s'agir d'un gouvernement provincial, d'un gouvernement territorial ou d'un gouvernement autochtone.

Si ce gouvernement est incapable d'agir ou refuse de le faire, le ministre peut prendre l'une des trois mesures suivantes. Il peut demander au gouverneur en conseil d'approuver des plans de lutte et de prévention de la pollution provenant de ces sources. Il s'agit là d'une nouvelle disposition qui a été ajoutée à l'étape du rapport. Le ministre peut également recommander au gouverneur en conseil de prendre un règlement pour régler ce problème ou, si la situation l'exige, le ministre peut prendre un arrêté d'urgence. Il s'agit aussi d'une nouvelle disposition dans le projet de loi C-32.

Ces dispositions portent sur des substances qui sont normalement réglementées par les provinces. Il se peut cependant que, pour une raison ou une autre, la province ne puisse pas intervenir ou qu'elle refuse de le faire. Si les émissions de cette substance créent de la pollution dans un autre pays ou violent un accord international auquel le Canada est partie, le gouvernement fédéral peut prendre les dispositions voulues en vertu de ce pouvoir.

Le président: Ce pouvoir est-il constitutionnel? Ne risque-t-il pas de poser de nombreux problèmes?

M. Cameron: Oui, monsieur, il est bien constitutionnel.

M. Mongrain: Il existe depuis longtemps.

Le président: Ces dispositions ont-elles été contestées devant les tribunaux?

M. Cameron: Non, elles n'ont pas été contestées devant les tribunaux, mais elles sont liées à nos responsabilités dans le domaine international puisqu'elles visent une source de pollution au Canada qui aurait un effet nocif sur un autre État. Le gouvernement fédéral est d'avis que la Constitution lui donne alors le droit d'intervenir et de réglementer la source de pollution.

Le président: Qu'adviendrait-il si la province de l'Ontario, une grande puissance industrielle, polluait l'Arctique ou l'Alberta? La Constitution confère-t-elle au gouvernement fédéral le droit de prendre les mesures qui s'imposent si la province refuse de le faire?

M. Cameron: Si la province est incapable d'intervenir, je crois que dans un cas où une province causerait du tort à une autre, le gouvernement pourrait invoquer le pouvoir que lui confère l'article de la Constitution portant sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement.

Le président: Savez-vous s'il l'a déjà fait?

M. Cameron: Je ne pense pas qu'il l'ait fait dernièrement. Il existe peut-être une jurisprudence en ce qui concerne les rivières et les industries interprovinciales, mais le gouvernement fédéral n'a certainement pas invoqué ce pouvoir au cours de la dernière décennie.

La jurisprudence constitutionnelle fédérale que je connais repose sur trois affaires, Crown Zellerbach, Oldman River et Hydro-Québec, dont aucune ne porte sur cette question.

Le président: J'ai souvent entendu le sénateur Adams parler de la pollution atmosphérique dans l'Arctique qui provient d'autres régions au Canada, mais sans doute aussi de l'étranger. Le projet de loi permet-il de s'attaquer à ce problème? J'en conclus qu'on ne peut le faire que par des traités internationaux.

M. Mongrain: Monsieur le président, pour ce qui est des États-Unis, le fait que le projet de loi comporte des dispositions sur la pollution aquatique internationale nous permet d'invoquer certaines dispositions réciproques de la loi américaine sur la pollution internationale. Ces dispositions revêtent donc un intérêt particulier.

Le président: Je ne comprends pas ce qu'il en est. Je vous prie de nous en dire davantage.

M. Mongrain: Il s'agit d'une question complexe. La U.S. Clean Air Act ou la Clean Water Act contiennent des dispositions qui accordent des droits réciproques aux pays qui confèrent aux États-Unis certains droits touchant la pollution transfrontalière.

La LCPE permet au gouvernement américain de signaler au gouvernement fédéral tout problème qui pourrait être lié à la pollution transfrontalière provenant du Sud du Canada. En vertu des dispositions pertinentes, le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du ministre, peut consulter les gouvernements provinciaux afin d'établir un plan d'action.

Si les provinces sont incapables ou refusent de prendre les mesures qui s'imposent, le gouvernement fédéral aurait le pouvoir d'intervenir.

En incluant ces dispositions dans la LCPE, nous pouvons exiger la réciprocité des États-Unis. Dans la pratique, les accords canado-américains sur la qualité de l'air reposent sur ces dispositions.

Le président: Le paragraphe 4, à la page 122, traite de la réciprocité. Vous parlez des cas où la réciprocité existe déjà.

M. Mongrain: Le paragraphe 4 prévoit que s'il n'y a pas réciprocité, le gouvernement peut toujours prendre les mesures qui s'imposent pour contrôler la pollution provenant d'une source canadienne qui a un effet nocif sur la santé humaine et l'environnement dans un autre pays. La réciprocité n'est pas absolument nécessaire. Nous sommes d'avis qu'il convient de lutter contre cette pollution, qu'un accord de réciprocité existe ou non avec un autre pays. Voilà l'objet du paragraphe.

Le sénateur Chalifoux: J'ai deux questions à poser. La première a trait à la pollution par les industries américaines de notre eau et de notre air en Ontario. À l'heure actuelle, six millions de pneus brûlent en Ohio. Cette pollution se propage au Canada.

Ce projet de loi comprend-il des dispositions qui permettent au Canada de demander aux États-Unis de prendre les mesures qui s'imposent? J'ai lu des documents qui expliquent que la pollution qui a été créée dans nos grands lacs par les industries américaines affecte la santé des Canadiens. Or, le gouvernement n'a rien pu faire jusqu'ici pour mettre fin à cette situation parce qu'il n'avait pas les moyens d'agir.

Le projet de loi donne-t-il au gouvernement fédéral les pouvoirs voulus pour intervenir dans ce genre de situation?

M. Mongrain: Ces dispositions du projet de loi nous permettent d'invoquer des dispositions semblables dans la loi américaine, mais nous n'avons évidemment pas les moyens de forcer un État souverain à faire quoi que ce soit.

Il existe heureusement des mécanismes juridiques aux États-Unis auxquels nous pouvons avoir recours. Ils ne figurent pas dans le projet de loi. En raison cependant des mesures qui sont prévues dans le projet de loi, nous pouvons tirer parti de certains aspects de la loi américaine. Sans ces dispositions, il nous serait impossible de le faire.

Le sénateur Chalifoux: Plus de 60 p. 100 de nos rivières coulent vers le nord. En Alberta, la pollution aquatique est terrible. Les Territoires du Nord-Ouest viennent de créer un nouvel organisme qui sera chargé de la lutte contre la pollution et de la gestion des eaux, mais rien n'est fait pour lutter contre la pollution provenant de l'Alberta. Le projet de loi contient-il des dispositions qui traitent de la pollution causée par ces industries? La société Proctor and Gamble a complètement détruit la rivière Wapitit. La rivière Athabasca ainsi que la rivière de la Paix coulent en direction nord. Le projet de loi comporte-t-il des dispositions prévoyant des sanctions contre les industries qui polluent les eaux des rivières qui alimentent les rivières des territoires?

M. Mongrain: Les dispositions de la partie 5 qui portent sur les substances toxiques pourraient peut-être s'appliquer dans ce cas. À mon sens, ce sont ces dispositions qui constituent l'outil d'intervention le plus efficace du projet de loi. Il ne s'agit que d'un des outils dont dispose le gouvernement fédéral. En outre, la Loi sur les pêches contient sans doute des dispositions pertinentes.

Le sénateur Chalifoux: Nous avons étudié cette question. Vous me dites donc que le projet de loi contient des dispositions qui permettraient de régler ce problème; la loi n'en contient aucune pour l'instant.

M. Mongrain: Si les substances que ces industries rejettent dans l'eau sont toxiques, la nouvelle loi s'appliquerait.

Le sénateur Chalifoux: Ces industries rejettent dans les eaux des produits comme les agents de blanchiment.

M. Mongrain: Le chlore est une substance toxique.

Le sénateur Taylor: Le projet de loi traite des sources ponctuelles de pollution, mais il n'y a pas de sources de ce genre pour la pollution atmosphérique. Les gens ne se rendent pas compte qu'il y a des bassins d'air et des courants d'air comme il y a des bassins d'eau et des courants d'eau.

Permettez-moi de vous parler des usines qui produisent des gaz en Alberta et du concept des sources ponctuelles de pollution. Que faire lorsqu'un certain nombre d'usines polluent l'air dans une même région? Faut-il mesurer le flot de l'air et ensuite le faire rebrousser chemin, ce qui permettra à l'usine de Brampton de soutenir faire l'objet de discrimination si on est plus rigoureux à son endroit qu'à l'endroit d'une usine en Alberta? Le fait est que les émissions de l'usine de Brampton ne devraient pas dépasser un certain niveau parce que l'atmosphère dans cette région est déjà trop polluée.

M. Mongrain: Lorsque nous établissons si une substance est toxique ou non, nous tenons compte des concentrations de cette substance dans l'ensemble de l'environnement. Si elle se retrouve dans l'environnement dans des concentrations supérieures à un certain niveau, on établit si elle pose un problème pour le bassin d'air et l'ensemble de l'environnement au Canada.

Nous examinons ensuite les sources ponctuelles de pollution et si cela se justifie, nous prévoyons un instrument de contrôle qui nous permet de ramener la concentration globale de cette substance à un niveau sécuritaire. Le règlement fixera alors une limite que l'usine de Brampton comme celle de Regina ou d'Edmonton devra respecter.

Le sénateur Taylor: Supposons que j'agisse rapidement, que mon banquier soit génial et que je puisse construire une raffinerie dans une vallée fluviale au coeur de l'Alberta. Supposons que le président, dont le banquier est aussi enthousiaste que le mien, décide de construire une autre raffinerie parce que l'essence se vend bien sur le marché. On pourrait lui refuser la permission de construire cette usine parce que la mienne pollue déjà trop l'atmosphère. Le président n'aura-t-il aucun recours juridique? Quel est le processus?

M. Mongrain: C'est la province qui accorde le permis d'exploitation pour ce genre d'usines. Ces installations doivent cependant respecter le règlement portant sur les émissions de substances toxiques.

Le sénateur Taylor: Je parle maintenant en ma qualité d'ingénieur. Voilà un problème qui se pose. Si un million de personnes polluent au même rythme, on se retrouve avec un problème. Songeons à ce qui arriverait si l'on permettait à un million de personnes plutôt qu'à deux de déverser leurs eaux usées directement dans une rivière.

M. Mongrain: Si un règlement ne suffit pas à protéger l'environnement parce qu'il y a accroissement d'une activité quelconque et que cela se traduit par le rejet dans l'environnement d'une concentration plus grande d'une substance, rien ne nous empêche de revoir ce règlement.

Le sénateur Taylor: Avez-vous songé au système de permis échangeables de droits d'émissions qui est en usage dans la région de Los Angeles?

M. Mongrain: Le projet de loi ne réglemente pas les permis échangeables de droits d'émissions ni les instruments économiques de ce genre. L'article 326 pourrait cependant s'appliquer.

Le sénateur Taylor: J'essaie de vous poser des questions faciles. Je ne veux pas vous faire la vie trop dure.

M. Mongrain: Le projet de loi est suffisamment souple pour qu'il nous soit possible d'intervenir dans un cas semblable. Je n'ai jamais pensé que vous me faisiez la vie dure, sénateur.

M. Lerer: Monsieur le président, le sénateur soulève une question bien intéressante qui est à la fois de nature scientifique et de nature réglementaire.

Il y a deux aspects à cette question. Nous mettons en oeuvre un nouveau programme. Le premier règlement de ce genre est le règlement pris en vertu de la Loi sur les pêches qui vise l'industrie des pâtes et papiers. Cette industrie est maintenant tenue de faire un suivi des effets de ses activités sur l'environnement. En vertu de ce programme, nous cherchons à établir si nous atteignons les résultats environnementaux escomptés après avoir établi des limites en ce qui touche les émissions ou les rejets dans l'environnement. Voilà le premier aspect. Nous essayons constamment d'établir si nous avons atteint les résultats escomptés.

Si le projet de loi C-32 est adopté, l'article 326 permettra l'établissement de plafonds et la délivrance de permis échangeables de droits d'émissions auxquels le sénateur a fait allusion. Nous pourrions nous servir de ce genre d'instruments pour régler le problème qu'il a soulevé. C'est l'un des mécanismes qui s'offre à nous.

Le sénateur Taylor: Faut-il en conclure que ce projet de loi favorisera la mise sur pied d'un système de droits échangeables de crédits d'émissions?

M. Lerer: Oui.

Le sénateur Taylor: Le système actuel pourra ainsi être amélioré?

M. Lerer: Oui, monsieur.

Le sénateur Adams: Nous avons conclu des ententes avec d'autres pays en ce qui touche la pollution atmosphérique internationale. Combien de pays ont signé un accord de ce genre avec le Canada?

Les scientifiques nous apprennent que l'Arctique n'a pas d'importantes sources de pollution. Or, parce qu'il fait froid dans le Nord, la pollution produite ailleurs retombe sur nos terres. Vous avez mentionné la surveillance de la qualité de l'air. Pouvons-nous savoir quelles sont les sources de la pollution qui nous vient d'autres pays ou d'autres parties du Canada? Peut-être cette pollution ne provient-elle que d'autres régions du Canada. Pouvons-nous savoir quelles sont les usines qui créent la pollution qu'on retrouve dans l'Arctique?

M. Lerer: Oui, des études sont faites pour établir la source de la pollution. Ces études sont très souvent prévues dans les protocoles internationaux que nous avons signés. Ainsi, comme vous le savez, le Canada participe actuellement à des discussions, dans le cadre du programme des Nations Unies pour l'environnement, en vue de la signature d'un protocole international portant sur les polluants organiques persistants.

Ce protocole est en cours d'élaboration, mais je crois comprendre qu'il y sera question des recherches à mener afin d'établir les sources de pollution. Le Canada, qui joue un rôle de chef de file dans l'élaboration du protocole, a lancé cette idée en 1995. C'est moi qui m'occupais du dossier à l'époque. Le président actuel du comité international de négociation est M. John Buccini, un autre Canadien qui appartient au ministère de l'Environnement.

Le sénateur Adams: Vous dites évaluer la situation. Où affectera-t-on des gens, dans l'Arctique en particulier, pour évaluer la pollution?

M. Lerer: Si le protocole est ratifié et qu'il comporte une disposition de surveillance -- je vous signale que le protocole est toujours en cours d'élaboration --, nous établirons, en consultation avec les habitants du Nord, un système scientifique par lequel nous pourrons effectuer la surveillance voulue.

Lorsqu'un protocole sera signé, advenant qu'il le soit, nous établirons des sites de surveillance dans le Nord en consultation avec les résidents de cette région.

Le sénateur Adams: La plupart des mammifères comme le caribou sont protégés. Le poisson l'est également. Les scientifiques sont-ils en mesure d'établir si les mammifères ou les poissons sont affectés par la pollution? La pollution n'affecte pas seulement les gens; elle affecte aussi les mammifères. J'étais dans le Nord la semaine dernière, et j'ai abattu trois ou quatre caribous. Notre famille mange du caribou. Je ne sais pas ce que cette viande contient maintenant. Le gouvernement du Nunavut pourra peut-être dans l'avenir évaluer si le poisson, le caribou, les baleines et les phoques que mangent les gens sont sains.

M. Lerer: Vous avez raison, sénateur. Le ministère de la Santé effectue une certaine surveillance à l'heure actuelle. Reste à savoir si cette surveillance est suffisante. La raison même pour laquelle le Canada participe aux négociations dans le cadre du PNUD, c'est qu'il existe des polluants organiques persistants ayant un effet biocumulatif qui se retrouve dans la chaîne alimentaire. Voilà l'une des raisons qui nous a incités à jouer un rôle de chef de file dans ce domaine à l'échelle internationale.

La surveillance à laquelle vous songez a donc bien lieu. Les avis peuvent être partagés quant à savoir si elle est suffisante. Peut-être que la question pourra être débattue devant une autre tribune.

Pour ce qui est de la collecte de l'information prévue dans le projet de loi, l'article 44 oblige le ministre à effectuer de la surveillance dans de nombreux domaines.

Le sénateur Spivak: J'en déduis que la lutte contre la pollution atmosphérique n'est pas un domaine de compétence partagée? Est-ce que je me trompe? Les règlements touchant la pollution atmosphérique relèvent-ils exclusivement de la compétence fédérale?

M. Cameron: Il est impossible de morceler la compétence en matière d'environnement. L'air fait partie de l'environnement. L'environnement est un domaine de compétence partagée.

Le sénateur Spivak: Je le sais bien, mais la pollution atmosphérique traverse les frontières.

M. Cameron: Il est inexact de dire que la lutte contre la pollution atmosphérique est un domaine qui relève exclusivement du gouvernement fédéral ou, au contraire, exclusivement des provinces.

Le sénateur Spivak: Qu'en est-il de la pollution atmosphérique transfrontalière? Est-ce un domaine où le gouvernement fédéral a préséance? Je songe à la pollution qui traverse la frontière américaine.

M. Cameron: Oui, il s'agit d'un domaine de compétence fédérale.

Le sénateur Spivak: Je songe à l'affaire dans le cadre de laquelle l'Ontario a accusé les États-Unis de causer de la pollution transfrontalière et je crois que c'est le gouverneur de New York qui a répondu que la pollution transfrontalière était d'origine ontarienne.

Vous avez parlé des dispositions de réciprocité qui existent dans les accords internationaux. Le gouvernement fédéral a-t-il le pouvoir d'imposer des plafonds aux émissions produites par une province comme l'Ontario qui est censée se classer au deuxième rang pour ce qui est des sources de pollution en Amérique du Nord? Une bonne part de la pollution atmosphérique provenant de l'Ontario se retrouve de l'autre côté de la frontière. Quels pouvoirs le gouvernement fédéral peut-il invoquer en vertu de cet article pour lutter contre ce qui constitue un énorme problème tant pour l'Ontario que pour les États américains qui jouxtent l'Ontario?

M. Mongrain: Reprenons votre exemple.

Si le gouvernement de l'Ontario est incapable ou refuse de prendre les mesures qui s'imposent, le gouvernement du Canada peut exiger que la province établisse des plans de prévention de la pollution. Le gouvernement du Canada peut imposer à la province un règlement ou, si la situation l'exige, peut pendre un décret d'urgence.

Le sénateur Spivak: Le gouvernement du Canada pourrait obliger toutes les usines alimentées au charbon à s'équiper d'épurateurs-laveurs ou à prendre les moyens pour limiter leurs émissions, n'est-ce pas?

M. Mongrain: Le projet de loi prévoit que le gouvernement fédéral peut intervenir si l'Ontario refuse de s'attaquer au problème et que cette pollution affecte les États-Unis ou un autre pays ou qu'elle constitue une violation d'un accord international.

Le sénateur Spivak: La situation s'est déjà produite. Les États américains de l'Est voient l'Ontario comme une menace en raison de la pollution atmosphérique que produisent ses usines. Le gouvernement fédéral n'a cependant pas pris de mesures en vertu de la loi existante ou l'a-t-il fait? Le projet de loi renforce-t-il les dispositions à cet égard?

M. Mongrain: Ce qui distingue la mesure législative proposée de la loi actuelle est que le gouvernement peut exiger l'établissement de plans de prévention de la pollution. Ce moyen d'intervention est un peu plus souple qu'un règlement.

Le sénateur Spivak: Ces plans n'ont pas à vous être soumis. Il suffit qu'ils existent.

M. Mongrain: Nous pouvons demander à les voir. Si le problème environnemental persiste, nous pouvons passer à l'étape suivante qui est celle du règlement. Contrairement à la loi actuelle, la loi proposée prévoit également que le gouvernement peut promulguer un arrêté d'urgence si la situation l'exige.

Le sénateur Spivak: Le gouvernement fédéral surveille-t-il actuellement la qualité de l'air en Ontario? Autrement dit, comment savez-vous que le problème existe?

M. Lerer: Le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux ainsi que les municipalités surveillent la qualité de l'air.

Le sénateur Spivak: Les résultats des évaluations ne sont évidemment pas encourageants. Le gouvernement fédéral joue-t-il un rôle de chef de file dans ce domaine? Je pose la question parce que je veux savoir quels seront les plafonds? Quel sera le processus en vertu duquel on établira des plafonds pour les émissions? Comment ces plafonds seront-ils appliqués?

M. Mongrain: Le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a établi un cadre sur la qualité de l'air qui fixe des objectifs à cet égard. Je crois que ce cadre fait actuellement l'objet d'une révision. Il vise notamment les émissions d'anhydride sulfureux. Ce cadre fait partie du processus de collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

Le sénateur Spivak: Il faudra bien cependant fixer des plafonds. Autrement, à quoi serviraient les permis échangeables de droits d'émissions? Le niveau des émissions sera abaissé, n'est-ce pas?

M. Mongrain: Le gouvernement peut recourir à des permis échangeables de droits d'émissions. Le gouvernement a à sa disposition de nombreux outils pour améliorer la qualité de l'air. Il peut prendre des mesures touchant les combustibles comme il le fait pour les émissions d'anhydride sulfureux.

Dans un domaine aussi complexe que celui de la pollution atmosphérique dont les sources sont nombreuses, nous devons recourir à tous les outils à notre disposition. Nous prenons des mesures touchant les émissions d'anhydride sulfureux. L'Ontario ainsi que la Colombie-Britannique prennent des mesures, paraît-il, pour lutter contre les émissions des véhicules à moteur. En outre, le gouvernement fédéral collabore avec les provinces à l'établissement d'un plan visant à lutter contre le problème du smog en ce qui touche l'ozone troposphérique.

Si une province ne voulait pas collaborer dans l'avenir avec le gouvernement fédéral, ce qui n'a jamais été le cas jusqu'à maintenant, ou si une province n'avait pas les outils législatifs pour s'attaquer à un problème de pollution, le gouvernement fédéral pourrait agir en vertu de la partie 6 du projet de loi.

Le sénateur Spivak: Si le projet de loi est adopté, prévoyez-vous établir rapidement des plafonds nationaux en ce qui touche ce type d'émissions?

M. Mongrain: Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous entendez par «plafonds nationaux».

Le sénateur Spivak: J'entends par là des plafonds quant aux quantités de polluants qui peuvent être rejetés dans l'atmosphère.

M. Mongrain: Il existe déjà des normes à cet égard. En collaboration avec les provinces, nous établissons des normes sur le smog qui s'appliqueront à l'échelle du Canada. Il existe déjà un plafond pour ce qui est des émissions d'anhydride sulfureux.

Le président: Collègues, devrions-nous nous arrêter ici? Nous accueillerons le même groupe de témoins demain. Le ministre comparaîtra devant nous à 9 heures.

Le sénateur Taylor: Avant que je ne lève la séance, j'aimerais que vous approuviez cette liste de témoins.

Le sénateur Spivak: J'aimerais que nous entendions un linguiste. Nous avons discuté assez longuement ce matin d'une lacune importante du projet de loi. Je m'en remets à vous à cet égard.

Le président: Le comité directeur se penchera sur cette question et verra s'il peut accéder à votre demande.

Le sénateur Taylor: Je propose que le comité approuve la liste des témoins qui comparaîtront aux audiences qui s'échelonneront du 21 août au 1er septembre.

Le président: S'agit-il de la liste finale?

Le sénateur Taylor: C'est la seule liste que je vous demande d'approuver pour l'instant. Je ne sais pas si c'est la liste finale. Tout dépendra des autres motions qui seront adoptées, le cas échéant.

Le président: Tous ceux qui sont en faveur de cette liste, veuillez l'indiquer.

Tout ceux qui sont contre cette liste, veuillez aussi l'indiquer.

Je déclare la motion adoptée.

Je vous remercie, sénateur Taylor.

Le sénateur Spivak: Puis-je demander aux témoins de nous fournir, la prochaine fois qu'ils comparaîtront devant le comité, de l'information au sujet des responsables de l'application de la loi?

Le président: Je crois qu'ils ont déjà répondu à cette question.

Mme Lloyd: La réponse à la question figure dans la lettre.

Le sénateur Spivak: Pourriez-vous nous soumettre de l'information au sujet des pouvoirs conférés aux responsables de l'application de la loi?

M. Lerer: Nous vérifierons ce qu'il en est.

Le président: Je remercie nos témoins de leur collaboration.

Le sénateur Kenny: Monsieur le président, je propose la motion suivante:

Qu'en ce qui touche l'examen du projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, le comité s'en tienne à la liste de témoins prévue et termine l'audition de ces témoins au plus tard le mercredi 1er septembre 1999;

Que si le comité juge bon entendre d'autres témoins après avoir terminé l'audition de ladite liste de témoins, ces témoins soient entendus au plus tard le jeudi 2 septembre 1999;

Que tout vote relatif à une motion portant sur le sort à réserver audit projet de loi ait lieu au plus tard à la fin de l'audition de tous les témoins; et

Que le président mette aux voix toutes les motions voulues pour terminer l'examen du projet de loi et en faire rapport au Sénat au plus tard à midi le mardi 7 septembre 1999.

Le président: Je préfère attendre à demain avant de mettre cette motion aux voix. C'est la première fois que nous en sommes saisis.

Le sénateur Spivak: Nous avons été avisés que nous terminerions l'examen du projet de loi le mercredi 1er septembre 1999 au plus tard et que nous pourrions retourner chez nous en après-midi.

Le sénateur Taylor: Cette motion ne nous empêche pas de terminer l'examen du projet de loi le 1er septembre.

Le sénateur Spivak: Il est question dans la motion que le comité termine ses travaux le 2 septembre.

Le sénateur Kenny: La motion dit «au plus tard le 2 septembre».

Le président: Cela signifie le 2 septembre.

Le sénateur Taylor: Nous aurons terminé l'audition de tous nos témoins le 1er septembre. Je vous soumets cette liste suffisamment à l'avance pour que vous puissiez décider si vous voulez entendre d'autres témoins.

Le sénateur Spivak: J'ai déjà pris des dispositions en me fondant sur le fait que nous aurions terminé notre examen du projet de loi à midi le 1er septembre.

Le sénateur Kenny: Cela ne pose pas de problème.

Le président: Quelqu'un s'oppose-t-il à ce que nous remettions à demain le vote sur cette motion?

Le sénateur Spivak: J'aimerais que nous traitions de la motion demain. Je propose, monsieur le président, que nous reportions l'étude de cette motion à demain.

Le sénateur Chalifoux: Monsieur le président, le comité est saisi d'une motion.

Le président: Il s'agit d'une motion visant à reporter l'étude de la motion.

Le président: Vous plaît-il de reporter l'étude de cette motion à demain? Nous l'étudierons juste avant le déjeuner.

Le sénateur Hays: Si nous sommes tous là, nous savons bien quelle sera l'issue du vote.

Le président: Je ne vois pas pourquoi nous ne pouvons pas attendre jusqu'à demain midi pour discuter de la question.

Le sénateur Taylor: Je veux que nous nous entendions sur une date.

Le président: Je le comprends, mais c'est la première fois que nous voyons cette motion.

Le sénateur Hays: Si nous reportons l'étude de la motion jusqu'à demain, nous devrions nous entendre sur l'heure à laquelle nous le ferons.

Le président: Vous plaît-il d'étudier la motion à midi demain?

Le sénateur Chalifoux: J'aimerais mieux qu'on le fasse aujourd'hui.

Le président: Permettez-moi de mettre aux voix la motion de Le sénateur Spivak voulant que nous reportions à demain l'étude de la motion.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président: La motion est rejetée.

Nous discuterons donc maintenant de la motion. Quelqu'un veut-il intervenir?

Le sénateur Taylor: J'aimerais simplement ajouter que nous pouvons, au besoin, entendre des témoins jusqu'au 7 septembre. La motion précise seulement que le vote aura lieu au plus tard à cette date et pas plus tôt que le 1er septembre. Je crois que cela oriente nos discussions. Cela indique aussi aux témoins qu'il n'y aura pas de vote précipité lorsque des membres du comité seront sortis de la salle.

Le président: Sénateur Taylor, permettez-moi de vous soumettre une hypothèse parce que je n'aime vraiment pas ce genre de motion. Supposons que nous entendions d'autres témoins et que les membres du comité proposent 300 amendements. Nous ne pourrons pas respecter la date fixée. Vous imposez au comité un délai qu'il ne pourra peut-être pas respecter.

Le sénateur Taylor: Vous avez raison. Il s'agit d'un moyen de limiter le débat.

Le président: Je trouve inacceptable que vous traitiez le comité de cette façon. Vous pouvez évidemment le faire si vous le souhaitez. Je ne vois cependant pas pourquoi vous voudriez le faire.

Le sénateur Taylor: Nous avons eu juillet et août pour étudier le projet de loi qui nous a été renvoyé en juin.

Le président: La Chambre des communes a examiné ce projet de loi pendant huit mois.

Le sénateur Taylor: Les députés sont partis de zéro. On nous demande seulement d'inspecter l'immeuble. Nous n'avons pas eu à le construire.

Le président: Je n'en suis pas sûr.

Le sénateur Spivak: Le Sénat est la chambre du second examen objectif.

Le président: Je trouve honnêtement inconvenant que vous cherchiez à limiter le débat sur un projet de loi d'une telle envergure.

Le sénateur Buchanan: Pourquoi voulez-vous le faire?

Le sénateur Taylor: Je veux que tout soit terminé avant que la Chambre ne reprenne ses travaux. C'est aussi simple que cela.

Le sénateur Tkachuk: Vous voulez dire que le bureau du premier ministre a dit qu'il en serait ainsi. Qu'en est-il de l'indépendance des sénateurs?

Le sénateur Taylor: Peu importe que ce soit le bureau du premier ministre ou que ce soit celui du leader de l'Opposition qui a dit qu'il en serait ainsi. Le comité étudie la question depuis juin. Nous avons essayé de nous réunir à d'autres moments. Le Sénat reprend ses travaux le 7 septembre et nous voulons que le projet de loi ait été mis aux voix d'ici là.

Rien de nouveau ne surgira entre le 7 septembre et une autre date. Vous aurez du mal à me convaincre que nous découvrirons après le 7 septembre quelque chose que nous n'aurons pas découvert d'ici là.

Le président: Je ne vais pas me lancer dans ce débat.

Le sénateur Taylor: J'en suis heureux.

Le sénateur Spivak: Ce n'est pas tant le délai qui nous est fixé qui pose un problème. J'ai cependant du mal à voir comment 10 jours suffiront aux membres du comité pour bien examiner le projet de loi.

Le fait est que vous cherchez à faire en sorte qu'aucun amendement n'y soit proposé.

Le sénateur Taylor: Non. Vous pouvez proposer tous les amendements que vous souhaitez.

Le sénateur Spivak: Un instant. Il est impossible d'étudier le projet de loi, d'entendre des témoins et de présenter des amendements cohérents en respectant le délai que vous nous accordez. Ce qui arrive n'est pas surprenant. C'était tout à fait prévisible. Cela fait cependant clairement ressortir le fait que le comité doit faire rapport du projet de loi à la Chambre sans amendement le plus tôt possible. C'est vous qui en décidez ainsi. Nous ne pouvons pas vous empêcher d'agir de la sorte.

Sans vouloir faire de parti pris, je me permets de dire qu'il n'est pas dans l'intérêt des Canadiens que nous procédions ainsi. Cette motion ne me surprend pas, mais elle me déçoit. Voilà tout ce que j'ai à dire. Advienne que pourra.

Le sénateur Kenny: J'aimerais signaler pour le compte rendu que j'ai essayé d'organiser des séances au cours de cinq autres semaines pendant l'été sans y parvenir. On m'a dit que vous n'étiez pas libre.

Le sénateur Spivak: Je ne l'étais pas.

Le président: Et vous ne l'étiez pas non plus, sénateur Kenny.

Le sénateur Kenny: Je ne vous ai pas encore interrompu, monsieur le président. Allez-vous me rendre la courtoisie?

Le président: Oui.

Le sénateur Kenny: Je vous remercie. J'ai proposé que nous tenions des séances au cours de cinq autres semaines, mais cela ne vous convenait pas. On m'a dit que vous étiez très occupée et que vous ne pourriez pas vous libérer plus tôt.

Le sénateur Spivak: J'étais effectivement très occupée.

Le sénateur Kenny: Nous avons donc dû tenir nos audiences maintenant même si ces dates ne convenaient pas à bien des membres du comité. Certains d'entre nous aurions beaucoup aimé commencer l'étude de ce projet de loi plus tôt. Nous n'avons pas pu le faire parce que nous avons dû tenir compte de l'emploi du temps d'autres personnes. Je veux le signaler pour le compte rendu. Vous dites être déçue que les audiences n'aient pas commencé plus tôt.

Le sénateur Spivak: Je n'ai pas dit cela.

Le sénateur Kenny: J'ai, pour ma part, proposé cinq autres semaines. J'étais prêt à me libérer pour que nous puissions commencer nos audiences plus tôt. Je crois qu'il convient que les téléspectateurs ou que ceux qui liront le compte rendu sachent que des gens des deux côtés ont essayé de faire en sorte que le comité siège plus tôt.

Le sénateur Spivak: Vous vous souviendrez que le comité directeur a fixé le moment pour la tenue des audiences et que nous avons pris nos dispositions après que l'horaire des réunions eut été fixé. J'ai passé bien des étés à étudier des projets de loi, mais je ne pouvais pas le faire cet été. Il n'est pas inhabituel qu'un projet de loi présenté en juin soit étudié à l'automne. Je suis ici depuis longtemps et je peux vous assurer que c'est arrivé souvent.

Je ne voulais pas me plaindre du moment qui a été choisi pour étudier le projet de loi. Quelles que soient les circonstances qui ont donné lieu à la motion, je suis sûre que vous conviendrez avec moi qu'il est difficile d'exercer notre rôle de chambre du second examen objectif lorsque nous avons si peu de temps pour étudier un projet de loi. Voilà tout ce que je dis. C'est très difficile à faire. Nous ne pourrons pas du tout examiner le projet de loi article par article. Il compte 365 articles. Même si nous y avions consacré tout l'été, nous n'aurions pas pu le faire. Nous étudierons du mieux possible les principaux points du projet de loi. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le sénateur Buchanan: Je suis habituellement d'accord avec les sénateurs Kenny et Taylor qui sont la plupart du temps très raisonnables. Aujourd'hui, je crois cependant qu'ils ne le sont pas.

Je constate que nous entendrons 25 témoins -- notamment des organismes et des particuliers. Cela fait beaucoup de monde. Nous devrons consacrer à l'audition des témoins tous les jours cette semaine et plusieurs jours la semaine prochaine. Il nous sera impossible de proposer des amendements. Si l'on propose des amendements, il faut en discuter. La motion énonce que le projet de loi doit être mis aux voix dès que nous aurons terminé l'audition des témoins le 1er ou le 2 septembre.

Le sénateur Taylor: Le vote aura lieu entre la fin de l'audition des témoins et le 7 septembre.

Le sénateur Buchanan: Pendant combien de temps pourrons-nous donc débattre le projet de loi?

Le sénateur Taylor: Pendant cinq jours, soit une semaine.

Le sénateur Buchanan: Combien le projet de loi compte-t-il d'articles? Il en compte 356. Pouvons-nous l'étudier article par article, y proposer des amendements et débattre chaque amendement? Vous allez sans doute rejeter chacun d'eux, mais c'est ce qu'on appelle la démocratie. Comment pouvons-nous débattre les amendements de façon rationnelle et raisonnable en si peu de temps?

Le sénateur Taylor: Avez-vous participé au débat aujourd'hui? Nous avons entendu un monologue toute la journée.

Le sénateur Buchanan: Ce n'est pas vrai. Nous avons débattu de nombreux aspects du projet de loi. Je ne vois pas pourquoi on nous impose cette échéance du 7 septembre.

Le sénateur Spivak: Peut-être le vote devrait-il avoir lieu demain. Je le propose. Qu'est-ce que ça changerait?

Le sénateur Buchanan: Siégerons-nous du 7 septembre jusqu'à la fin de septembre?

Le sénateur Taylor: Cela dépend de ce que décidera la Chambre. Je l'ignore.

Le sénateur Buchanan: Ce n'est pas ce que nous allons faire, n'est-ce pas, sénateur Kenny?

Le sénateur Kenny: Nous siégerons aussi longtemps que nous devrons le faire.

Le sénateur Buchanan: Dans ce cas, quelle est la raison d'être de cette motion?

Le sénateur Kenny: La raison d'être de la motion est que j'aimerais personnellement que le comité ait terminé son étude du projet de loi au plus tard à midi le mardi 7 septembre. Je pense que c'est aussi ce que souhaitent la majorité des membres du comité.

Le sénateur Spivak: Je suis sûre que vous avez raison.

Le sénateur Adams: Avant que la séance soit levée, j'aimerais avoir une précision. Avez-vous dit, sénateur Kenny, que vous aviez offert que ces réunions aient lieu plus tôt au cours de l'été?

Le sénateur Kenny: Oui. J'ai écrit au sénateur Ghitter, au sénateur Hays et au sénateur Taylor pour leur expliquer que je préférerais que nous siégions plus tôt. On m'a dit que certains membres du comité n'étaient pas libres.

Le président: Sénateur Kenny, sauf le respect que je vous dois, vous ne dites pas toute la vérité. Nous avons demandé à chaque membre du comité quels étaient leurs projets pour l'été. Vous n'êtes pas la seule personne à siéger à ce comité. Il a été très difficile, pour des raisons évidentes, de trouver un moment qui convenait à tous. Les gens font des projets pour l'été et ne comptent pas devoir siéger. Le comité directeur a étudié les dates qui lui avaient été présentées afin d'établir quand il serait possible de réunir le plus grand nombre possible de membres du comité. Nous avons ensuite décidé de siéger à ce moment-ci et nous avons planifié notre été en conséquence. Tout le monde savait que nous siégerions maintenant. C'est ce que nous faisons. Il ne suffit pas que vous disiez que vous avez proposé cinq autres semaines. Le comité compte d'autres membres que vous. Le comité directeur a choisi la date du début de nos travaux et nous avons pris nos dispositions en conséquence. Vous nous dites maintenant que nous devons terminer notre étude en dix jours.

Il s'agit du projet de loi le plus complexe qu'il m'ait été donné de voir depuis que je siège au Sénat. Il aura d'énormes conséquences pour les Canadiens puisqu'il vise leur santé et leur avenir. Nous ne pouvons pas l'étudier à la légère.

Nous ne pouvons pas vraiment faire du bon travail dans le temps qui nous est imparti. Évidemment, il en va autrement s'il s'agit simplement de nous comporter en machines à voter et de faire ce qu'on nous dit de faire. Je vous signale que nous ne pouvons pas accomplir notre travail en si peu de temps. Nous ne pouvons ainsi nous acquitter convenablement de nos responsabilités de sénateurs et nous n'accordons pas à cet important projet de loi l'attention qu'il mérite.

Si vous n'êtes pas prêt à revenir sur votre décision, nous la dénoncerons publiquement. Je suis déçu de voir que le comité agit de cette façon.

Le sénateur Kenny: Nous avons entendu votre discours et votre point de vue. Je signale simplement que certains d'entre nous étions prêts à siéger plus tôt cet été. Vous n'étiez pas prêt à le faire. C'est votre droit et votre privilège. Comme d'autres membres du comité, j'étais prêt à me mettre au travail. Vous avez décidé que vous ne l'étiez pas.

Le président: Je n'étais pas le seul. Des membres de votre parti n'était pas non plus prêts à siéger à ce moment-là.

Le sénateur Kenny: J'ai dit des membres des deux côtés.

Le président: Vous donnez une fausse impression, mais poursuivez.

Le sénateur Kenny: Vous donnez l'impression que c'est le seul choix qu'on vous a donné, mais ce n'est pas le cas. Le comité aurait pu commencer ses travaux plus tôt. Il ne l'a pas fait. Nous proposons maintenant un délai raisonnable et nous ne ménageons aucun effort pour que nous puissions étudier le projet de loi. J'ai fait plus tôt des suggestions au comité qui portaient sur certains points du projet de loi au sujet desquels nous avons des préoccupations et vous les avez rejetées. Ce que je vous ai proposé ne vous a pas paru acceptable. Je n'y peux rien. Ces décisions vous appartiennent. Je pense que nous devrions maintenant nous prononcer sur la motion dont nous sommes saisis.

Le sénateur Taylor: Je signale pour le compte rendu, monsieur le président, qu'il est ressorti des discussions tenues au comité directeur, auquel le sénateur Hays a siégé comme remplaçant après que le greffier eut consulté les membres du comité, que le seul moment où nous pouvions nous réunir, c'était cette semaine et au début septembre. Nous avons dit que nous essaierions de trouver une autre semaine. Je vous prie de vérifier que je vous ai appelé à plusieurs reprises en juillet et en août, et même en juin, pour vous dire que nous voulions tenir des audiences en juillet et en août. Le sénateur Spivak nous avait donné carte blanche. Lorsque je lui ai téléphoné, elle m'a cependant dit qu'elle n'était pas libre en juillet et qu'elle ne le serait pas avant la fin d'août. J'ai discuté de la question avec d'autres membres du comité et je vous ai aussi dit que nous voulions terminer l'étude du projet de loi avant que le Sénat ne reprenne ses travaux. Lorsque vous dites que nous voulons maintenant procéder à la hâte, vous ne tenez pas compte du fait que nous avons essayé tout l'été de prévoir une autre semaine et que les seuls membres du comité qui n'étaient pas libres étaient Le sénateur Spivak et vous-même.

Le président: C'est faux. Les sénateurs Adams et Fitzpatrick ne l'étaient pas non plus.

Le sénateur Taylor: Ils l'étaient à certains moments.

Le président: C'est exactement ce que je dis. Ce comité compte plusieurs personnes. Pourquoi cette hâte? Pourquoi nous faut-il nous prononcer sur le projet de loi avec autant de hâte? On a mis quatre ans à préparer ce projet de loi et la Chambre a mis huit mois à l'étudier. Tout d'un coup, il faudrait que nous fassions très vite parce que le gouvernement souhaite proroger la session et veut en avoir fini avec ce projet de loi. On nous demande de l'adopter à la vapeur.

Le sénateur Taylor: Si le Parlement proroge et que le projet de loi n'est pas adopté, nous devrons repartir à la case de départ.

Le président: Ce n'est pas juste. Il ne faut pas repartir à la case de départ.

Le sénateur Taylor: Vous connaissez peut-être la Constitution mieux que moi. Le projet de loi doit être adopté ou il meurt au feuilleton.

Le président: Il s'est déjà produit que l'étude d'un projet de loi qui avait été présenté de nouveau à l'autre endroit ait progressé rapidement.

Le sénateur Taylor: Rien dans cette motion ne nous empêche de présenter des amendements. Nous allons entendre une liste de témoins longue de deux pages. Nous pouvons demander à entendre plus de témoins, mais je sais, puisque je faisais partie du comité directeur qui a établi cette liste, que 80 p. 100 d'entre eux vont défendre la même position. Vous n'entendrez rien de nouveau. Nous aurons le temps de proposer des amendements. Quant à savoir s'ils seront adoptés, tout dépendra de la procédure. Personne ne dit que vous ne pouvez pas présenter d'amendements ou entendre davantage de témoins. Nous disons simplement que l'étude du projet de loi doit être terminée le 7 septembre.

Le sénateur Buchanan: Pourquoi le 7 septembre? Qu'est-ce qui justifie cette hâte?

Le sénateur Taylor: C'est la date à laquelle le Sénat reprend ses travaux. C'est une façon de limiter le temps de débat.

Le sénateur Spivak: Soyons honnêtes. Je préférerais que nous soyons honnêtes.

Le sénateur Taylor: Je vous ai dit en juin, en juillet et en août que je voulais que nous siégions plus tôt. Vous pensiez peut-être que je blaguais.

Le sénateur Adams: Avant que nous n'ajournions pour l'été, vous avez dit aux membres du comité d'être prêts à siéger cet été et vous nous avez aussi dit que vous vouliez que nous commencions nos travaux tôt. J'ai ensuite appris que nous allions siéger à partir du 23 août. On ne m'a pas parlé d'une autre date.

Le sénateur Taylor: Le comité directeur essayait de trouver une date qui conviendrait à Le sénateur Spivak et au sénateur Ghitter. Il ne servait à rien que nous communiquions avec vous ou avec d'autres sénateurs tant que nous n'aurions pas trouvé une date qui leur convenait. Je ne me suis pas d'abord entendu sur cette date avec les libéraux. Par courtoisie, j'ai d'abord demandé aux membres de l'Opposition quelle date leur convenait et c'est la seule qui m'a été donnée.

Le sénateur Spivak: Monsieur le président, passons au vote. Tout cela n'a rien à voir avec le projet de loi, mais tout à voir avec la politique. Nous savons quelle est la situation politique. Passons au vote et finissons-en.

Le président: Nous sommes saisis d'une certaine forme de motion de clôture. Tous ceux qui sont en faveur de la motion, veuillez lever la main. Tous ceux qui s'y opposent, veuillez lever la main.

Le sénateur Tkachuk: S'agit-il d'un vote par appel nominal, monsieur le président? Je réclame un tel vote.

Le président: Nous allons procéder par ordre alphabétique. Tous ceux qui sont en faveur de la motion, veuillez dire «oui» et ceux qui s'y opposent, «non».

Le sénateur Adams: Oui.

Le sénateur Buchanan: Non.

Le sénateur Chalifoux: Oui.

Le sénateur Fitzpatrick: Oui.

Le président: Non.

Le sénateur Hays: Oui.

Le sénateur Kenny: Oui.

Le sénateur Robichaud: Oui.

Le sénateur Spivak: Non.

Le sénateur Taylor: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Non.

Le président: La motion est adoptée. Nous suspendons la séance jusqu'à demain à 9 heures.

La séance est levée.


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