Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 22 - Témoignages du 31 août 1999 (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mardi 31 août 1999
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-32, visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable, se réunit aujourd'hui à 13 h 38 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Sénateurs, nous reprenons nos audiences sur le projet de loi C-32. Nous recevons cet après-midi une délégation de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules.
Soyez les bienvenus. Nous vous écoutons.
M. Mark A. Nantais, président, Association canadienne des constructeurs de véhicules: Honorables sénateurs, monsieur le président, bonjour.
Je voudrais tout d'abord vous présenter notre réaction et notre point de vue concernant le projet de loi C-32. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas bien l'ACCV, nous sommes une association industrielle représentant les plus grands fabricants canadiens de véhicules légers et lourds. Nos adhérents produisent environ 90 p. 100 de toute la production canadienne de véhicules. Ce sont évidemment de gros employeurs.
En tant que gros employeurs, nous sommes également de gros investisseurs. Au cours de la dernière décennie, les trois grands fabricants d'automobiles ont investi près de 23 milliards de dollars.
Nous sommes tout à fait essentiels à la santé et à la stabilité de l'économie canadienne. Nous formons l'un des secteurs d'activité les plus stratégiques et notre apport au PIB du Canada dans le secteur manufacturier n'a pas d'égal, atteignant 12 p. 100.
En tant qu'association, nous proposons une structure qui permet à nos adhérents de collaborer pour atteindre des objectifs industriels conjoints dans des domaines comme la protection du consommateur, la consommation d'énergie, l'environnement et, naturellement, la sécurité des véhicules. Le projet de loi C-32 est important pour nous et il a donné lieu à une prise de position collective de l'ensemble de nos adhérents.
Pour situer nos commentaires dans leur contexte, il convient de remarquer que les principes du Pacte de l'automobile assurent le libre-échange dans l'industrie automobile depuis 1965 et ont permis l'épanouissement d'une industrie automobile très importante et très rentable au Canada, dont relèvent notamment des entreprises d'assemblage et des fabricants de pièces. Ces mêmes principes ont été consacrés dans l'Accord de libre-échange de l'Amérique du Nord, qui permet à l'industrie automobile d'investir dans l'ensemble du marché nord-américain pour stimuler les changements technologiques et pour progresser davantage grâce à un marché plus large.
Il en a résulté une industrie automobile fortement intégrée et rationalisée, tant au Canada qu'aux États-Unis, qui est obligée d'appliquer une stratégie de fabrication et de production conforme à des paramètres environnementaux et économiques précis. Pour nous, c'est très important.
Nous avons participé à l'étude de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement depuis ses origines, en 1994. Avec ses 234 pages, le présent projet de loi est un document volumineux et complexe, qui pourrait se prêter à différentes interprétations, voire même faire l'objet d'un contentieux dans certains domaines. Il est loin d'être parfait. L'ACCV a relevé un certain nombre de problèmes posés par la LCPE pendant les consultations et elle souhaite mettre aujourd'hui l'accent sur les améliorations apportées aux dispositions concernant les combustibles et les véhicules, ainsi que sur deux autres sujets essentiels pour lesquels il faudrait envisager d'améliorer le projet de loi.
Je vais aborder d'abord les dispositions sur les combustibles et les émissions des véhicules. Les constructeurs d'automobiles ont réduit, parfois de 99 p. 100, les émissions qui sont à l'origine du smog, mais le rendement d'un véhicule en matière d'émissions dépend du matériel de contrôle des émissions ainsi que de la qualité du carburant consommé.
Alors que les constructeurs d'automobiles sont sur le point de mettre sur le marché la huitième génération de moyens technologiques de contrôle des émissions, il n'y a eu au cours des 25 dernières années au moins, que très peu d'améliorations dans la qualité environnementale des carburants. La ACCV est tout à fait favorable à l'inclusion dans le projet de loi d'un pouvoir de réglementation des carburants, étant donné que la technologie de contrôle des émissions ne peut pas progresser si le marché ne propose pas les carburants appropriés.
Pour qu'on puisse mettre en service et faire fonctionner efficacement de nouvelles technologies de contrôle des émissions, présentant des avantages environnementaux comme l'amélioration de la qualité de l'air, il est essentiel de bien comprendre les rapports fondamentaux qui existent entre la technologie et les carburants. La LCPE comporte à cet égard une autorité de réglementation dotée de pouvoirs plus efficaces, mais il y aurait encore des progrès à faire dans ce domaine. Quoi qu'il en soit, monsieur le président, nous accueillons favorablement les changements proposés dans les articles correspondants de la loi.
Le deuxième thème que j'aimerais aborder est celui de la participation du public. Le projet de loi comporte des dispositions à ce sujet. Les articles 22 à 38 prévoient des actions en protection de l'environnement permettant à un particulier d'intenter des poursuites en cas de préjudice environnemental. L'action en protection de l'environnement fait double emploi avec des mesures législatives provinciales et avec des droits individuels de common law; elle risque de favoriser les poursuites frivoles sans véritablement améliorer la protection de l'environnement.
Pour faire en sorte que ces dispositions servent à protéger l'environnement sans risquer de tomber dans la tendance procédurière ruineuse qui prévaut aux États-Unis, nous demandons qu'on intègre un certain nombre de garanties dans la loi pour apporter des précisions concernant l'application de ces dispositions. À leur sujet, l'ACCV a proposé les améliorations suivantes.
Tout d'abord, il faudrait imposer un délai de prescription de cinq ans. Passé ce délai, une telle action a peu de chance de déboucher sur une protection environnementale efficace.
Deuxièmement, nous souhaitons que l'on élargisse les moyens de défense pour y inclure la conformité avec la législation provinciale, indépendamment de la conclusion d'un accord fédéral-provincial. En cas de conflit éventuel entre les législations fédérales et provinciales, la coopération entre le fédéral et les provinces sera plus propice à la protection de l'environnement que les poursuites judiciaires.
Troisièmement, le gouvernement devrait obligatoirement intervenir dans ces actions. La protection de l'environnement sera mieux assurée s'il y participe et s'il est en mesure de prendre toutes les dispositions nécessaires pour améliorer la protection de l'environnement en fonction de leur issue.
Quatrièmement, nous demandons l'élimination des actions collectives, qui favorisent une tendance procédurière ruineuse.
Cinquièmement, les actions en protection de l'environnement devraient être limitées aux ressources fédérales. Le droit d'intenter des poursuites pour des dommages subis par des biens privés résultant d'une prétendue infraction risque de donner lieu à des abus et à des ingérences contre la propriété privée. Les intérêts de la protection environnementale d'une ressource privée seront mieux servis par une application rigoureuse de la loi que par de coûteuses poursuites.
Je voudrais maintenant parler brièvement des expéditions de déchets vers les États-Unis. En ce qui concerne les expéditions de déchets, le projet de loi devrait favoriser le recours aux moyens d'élimination les plus efficaces du point de vue de l'environnement, qu'ils soient situés aux États-Unis ou au Canada, de façon à protéger l'environnement à l'échelle de l'Amérique du Nord.
Il convient de remarquer que les États-Unis ont des installations très perfectionnées et très spécialisées de gestion et d'élimination des déchets, conformément à une législation environnementale qui est au moins aussi sévère que la loi canadienne.
L'article 188 du projet de loi prévoit que le ministre peut obliger les exportateurs à présenter et à mettre en oeuvre un plan de réduction ou d'abandon de l'exportation des déchets dangereux ou des déchets non dangereux prescrits. D'après cette disposition, les exportateurs de déchets ne gèrent pas ces derniers de façon aussi responsable que les non-exportateurs. Dans le cadre du libre-échange, il en résulte un obstacle à l'accès aux installations les mieux adaptées pour gérer un déchet particulier.
Dans bien des cas, un déchet est exporté parce qu'il n'existe aucune autre solution ou technologie satisfaisante au Canada. En outre, le Canada a déjà conclu un accord bilatéral avec les États-Unis et dispose de tous les règlements nécessaires pour assurer la bonne gestion des déchets. En conséquence, nous considérons qu'il faudrait améliorer le paragraphe 188(1).
En conclusion, monsieur le président, je tiens à dire non seulement que nous sommes heureux d'avoir pu comparaître ici aujourd'hui, mais aussi que nous avons beaucoup travaillé et réfléchi sur ce projet de loi au cours des six dernières années. Nous avons pleinement participé au processus de consultation. Ce fut pour nous un motif de satisfaction, et nous estimons que ce fut aussi l'occasion d'un débat très sain.
Pourtant, dans le secteur privé, il faut prendre les décisions en temps utile si l'on veut être en mesure d'élaborer avec certitude des plans et des stratégies d'entreprise. La prolongation de l'étude de la LCPE prive notre industrie de la certitude dont elle a besoin pour prendre les décisions nécessaires non seulement à la protection de l'environnement, mais aussi à la poursuite de l'activité économique au Canada.
Aujourd'hui, nous exhortons le comité à veiller à ce que les aspects pratiques du projet de loi soient préservés et à reconnaître la nécessité d'établir un juste équilibre entre les considérations environnementales et économiques.
Le président: Vers la fin de votre mémoire, vous nous demandez d'apporter plus de certitude et d'éviter les litiges. Êtes-vous d'accord pour dire que, si ce projet de loi est ambigu ou incertain, il faudrait l'examiner dans ce contexte afin d'éviter les litiges dont vous parlez?
M. Nantais: Monsieur le président, le projet de loi présente des faiblesses sur ce plan et nous voudrions éviter ces aspects litigieux, mais il faut agir. La certitude dont nous avons besoin pour prendre des décisions commerciales doit faire partie de toute loi ou de toute réglementation auxquelles nous sommes soumis. Nous avons besoin de certitude pour décider d'aller de l'avant, qu'il s'agisse d'un produit ou d'activités de fabrication.
Bien entendu, s'il est possible d'améliorer le projet de loi maintenant, c'est ce que nous souhaitons. Néanmoins, s'il est nécessaire de se lancer dans un long processus pour apporter ces changements, nous vous demanderions d'examiner si cela en vaut la peine.
Le président: Avez-vous atteint le point de saturation, comme la Chambre de commerce le disait hier? Autrement dit, cela fait six ans que cela dure. Vous en avez assez et vous voulez continuer vos activités. Vous êtes prêts à accepter cette loi telle qu'elle est, avec tous ses défauts.
M. Nantais: Nous avons sans doute atteint le point de saturation, non seulement en ce qui concerne ce projet de loi, mais d'autres questions que vous avez mentionnées au début de la séance d'aujourd'hui. Cela ne devrait pas nous empêcher d'aller de l'avant.
Le président: S'il était possible d'apporter davantage de certitude sur des aspects du projet de loi que beaucoup de gens trouvent trop flous, ne serait-ce pas préférable?
M. Nantais: C'est sans doute préférable.
Le président: Par exemple, pour ce qui est de la terminologie du projet de loi, quelle interprétation faites-vous de l'expression «effective», qui n'est pas définie? Il s'agit certainement d'un élément important du principe de la prudence. Selon vous, que signifie cette expression dans le projet de loi? Vous feriez mieux d'en parler à vos avocats.
M. Nantais: Je ne suis pas certain qu'ils veulent répondre non plus.
Le président: Un tribunal quelconque la définira à moins que nous ne le fassions ici. Qu'est-ce que cela signifie? N'êtes-vous pas inquiets à l'idée qu'une disposition aussi importante reste indéfinie?
Mme Lisa Kozma, conseillère juridique, Société Ford Motor du Canada, Association canadienne des constructeurs de véhicules: Un certain nombre d'incertitudes que contient le projet de loi nous inquiètent. Nous voulons obtenir davantage de certitude. Néanmoins, quel en serait le coût? Combien d'années encore faudra-t-il pour y arriver?
Pour le moment, nous craignons que cela nous fasse perdre les progrès que représente ce projet de loi. Par conséquent, nous sommes peut-être prêts à accepter un degré d'incertitude en échange des améliorations que vous avez apportées aux dispositions concernant les combustibles, par exemple.
Le président: Si vous le permettez, vous semblez souhaiter deux choses contradictoires, monsieur Nantais. D'une part, pour ce qui est de la participation du public, vous voulez tout faire pour éviter les litiges et vous nous demandez de bien vouloir modifier ces dispositions. D'autre part, vous voulez des certitudes et même si vous savez qu'il y aura des litiges, vous acceptez ce libellé, mais pas dans les articles concernant la participation du public. C'est du moins l'impression que j'ai.
Mme Kozma: Nous essayons de répondre à deux questions précises. Il y a d'abord la question générale que vous avez soulevée au départ, à savoir notre opinion globale du projet de loi. Comme M. Nantais l'a déjà expliqué, nous pensons qu'il serait possible de l'améliorer. Néanmoins, les choses durent déjà depuis si longtemps qu'à l'instar de la Chambre de commerce, nous appuyons le projet de loi parce qu'il contient un certain nombre de mesures positives. Si nous examinons le projet de loi dans les détails ou dans son ensemble, nous avons un certain nombre d'objections que nous allons soulever. Cela ne veut pas dire que nous préconisons une révision complète.
M. Nantais: Monsieur le président, vous avez posé des questions auxquelles il est très difficile de répondre. Il est dur d'expliquer que nous voulons voir une disposition quelque part, mais pas ailleurs. Nous avons tenu compte de ce que cela signifiait en pratique, dans la réalité. Il y a des domaines dans lesquels nous sommes peut-être prêts à risquer davantage de litiges que dans d'autres. Néanmoins, la question de la participation du public nous pose particulièrement problème et présente beaucoup plus de risques. Je ne suis pas sûr de pouvoir vous en dire plus.
Le sénateur Nolin: Vous faites une recommandation à la page 3 de votre mémoire. Il y est question de la participation du public, mais davantage dans le domaine de la protection de l'environnement.
Au premier paragraphe, vous dites que cela favoriserait les actions en justice frivoles.
Pourquoi utilisez-vous un qualificatif aussi fort?
Mme Kozma: Le terme est fort, mais il suffit de regarder du côté des États-Unis pour voir qu'on y intente souvent des poursuites qui n'ont pas pour but de protéger l'environnement. Elles ont peut-être un autre objectif. On se sert de l'environnement pour servir d'autres intérêts. Nous n'avons pas encore ce genre de société au Canada.
Nous voudrions préserver la façon de faire canadienne au lieu de favoriser la méthode américaine qui consiste à intenter des poursuites chaque fois qu'on n'est pas d'accord.
Le sénateur Nolin: Je serais d'accord avec vous si quiconque avait le droit absolu de poursuivre le ministre. Néanmoins, s'il en est question seulement à l'article 22, c'est très limité.
On adresse d'abord une demande au ministre, car cela fait suite à l'article 17. Disons qu'une personne âgée de plus de 18 ans adresse une plainte au ministre. Ce dernier peut décider de ne pas enquêter ou bien d'enquêter et de déposer un rapport.
Ensuite, cette personne peut inciter le ministre à agir. C'est très limité. Il ne s'agit pas d'intenter des poursuites pour toutes sortes de raisons. Maintenez-vous que cette action en justice risque d'être «frivole»?
Mme Kozma: Il faut interpréter cette disposition dans le contexte du type de dommages environnementaux pour lesquels une personne peut intenter une action en justice. Cela dépasse le cadre des biens publics. La définition des dommages environnementaux s'étend aux dommages causés à des biens privés et c'est là que nous voyons un problème à éviter. Le ministre estimera peut-être qu'il n'a pas pour rôle de protéger la propriété privée, pour une raison ou pour une autre. Néanmoins, les gens pourront intenter ce genre d'action.
Le sénateur Nolin: Mais la question sera portée devant un juge, qui pourra décider si la poursuite est frivole ou non. Cela vous fait quand même peur?
Mme Kozma: C'est une perte de temps. Même si on vous donne finalement raison, vous aurez consacré énormément de temps et des ressources à tout ce processus.
M. Nantais: Cela nuit également à votre crédibilité.
Le sénateur Hays: Pourriez-vous nous en dire plus sur les dispositions de la loi concernant ce que j'appellerais les carburants reformulés, les émissions des véhicules, moteurs et équipements? Plus tard aujourd'hui, nous entendrons le témoignage de l'Institut canadien des produits pétroliers. Par la même occasion, je vous demanderais pourquoi c'est une bonne disposition, d'autant plus que le ministre de l'Environnement a demandé ce que j'appellerais une reformulation des carburants. Cela va se faire. Pourquoi est-ce un progrès important?
M. Nantais: C'est un progrès important à plusieurs égards. Examinons quelle était la situation lorsqu'on voulait modifier soit la formulation des carburants ou, dans le cas du MMT, apporter des restrictions à l'ajout intentionnel de métaux comme additifs dans l'essence. La LCPE actuelle a très peu la possibilité de réglementer ce genre de chose, étant donné sa portée ainsi que les critères utilisés pour modifier la formulation des carburants. Cela dépend surtout de la capacité de démontrer des effets sur la santé.
Nous pensons que les changements que contient la nouvelle LCPE sont bénéfiques. Premièrement, elle permet davantage de réglementer à la fois les ingrédients du carburant et les additifs en fonction de leur capacité à nuire au bon fonctionnement des dispositifs antipollution. La loi actuelle présente de sérieuses faiblesses sur ce plan.
Il est très important pour nous que le gouvernement puisse réglementer les carburants en l'absence de mesures volontaires de la part de l'industrie pétrolière. Il est important de réglementer les carburants en fonction des systèmes antipollution que nous prévoyons de mettre en marché et cela, pour d'excellentes raisons. Il s'agit d'abord de pouvoir améliorer la qualité de l'air comme cette technologie devrait le permettre. Autrement dit, nous fabriquons des véhicules qui peuvent être beaucoup plus propres, mais ce n'est pas vraiment le cas faute du carburant approprié.
Il est également important de pouvoir réglementer les additifs. À notre avis -- et d'autres ne seront pas d'accord -- certains additifs nuisent au rendement des systèmes antipollution. Il est important de pouvoir les réglementer.
Un aspect tout aussi important est que certaines de ces technologies non seulement sont plus propres, mais permettent de réduire la consommation d'essence. Il y a des technologies que nous aimerions introduire au Canada, mais nous ne pouvons pas le faire faute de carburants de la qualité voulue.
Je pense à des technologies comme les moteurs à essence à injection directe, qui sont plus propres et moins gourmands et que l'on trouve déjà dans certains pays du monde. Mais en raison de l'absence de carburants à faible teneur en soufre, par exemple, nous ne pouvons pas les faire venir au Canada actuellement.
Ce projet de loi nous permettra de faire venir ces technologies, une technologie que le gouvernement jugerait souhaitable en ce qui concerne les normes d'émission et la consommation de carburant. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voyons là des améliorations importantes en ce qui concerne la capacité de réglementer les carburants.
Il est tout aussi important de pouvoir réglementer les carburants pour les technologies qui, autrement, ne pourraient pas entrer au Canada. Je pense aux piles à combustible qui exigent une teneur en soufre pratiquement nulle. Je songe à des technologies non conventionnelles comme les moteurs sans combustion. Si nous n'obtenons pas les carburants adaptés à ces technologies, ces progrès ne feront peut-être pas leur entrée au Canada aussi rapidement qu'ailleurs. Voilà pourquoi c'est tellement important pour nous.
Le sénateur Hays: Pour faire suite aux questions du sénateur Nolin, vous avez demandé qu'on interdise les recours collectifs, bien que je ne voie pas le rapport avec ce projet de loi. Je suppose que c'est à propos des dispositions concernant la participation du public. Ces recours sont permis dans des circonstances bien définies, de toute façon. C'est aller un peu loin, selon moi, que de demander d'inclure ce genre de chose dans le projet de loi sur la LCPE.
Mme Kozma: Cette demande se fonde sur ce qui existe dans la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario. Comme vous le savez sans doute, cette déclaration des droits de l'environnement a été adoptée à l'issue d'un consensus entre les secteurs public et privé. On en est notamment venu à la conclusion que les recours collectifs n'étaient peut-être pas souhaitables dans le contexte de l'environnement. C'est particulièrement vrai dans le contexte de la LCPE, qui va plus loin que la déclaration des droits de l'environnement. Cette déclaration s'applique seulement aux ressources publiques alors que ce projet de loi s'étend aux ressources privées. Un recours collectif n'est souhaitable que pour les dommages environnementaux causés à des ressources privées appartenant à un particulier.
Le sénateur Hays: Je ne suis pas au courant. Peut-être pourriez-vous nous expliquer pourquoi il vaut mieux ne pas avoir de recours collectif dans le domaine de l'environnement. J'ai compris ce que vous avez dit, mais je ne suis pas certain que vous m'ayez convaincu.
Mme Kozma: Je ne faisais pas partie de ce groupe. Je sais seulement que c'est l'une des ententes auxquelles il est parvenu, car il y a une interdiction dans la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario.
Le sénateur Spivak: Je voudrais quelques explications au sujet de la technologie antipollution. Pour en revenir au projet de loi sur le MMT en ce qui concerne les additifs, n'êtes-vous pas censés avoir déjà adopté la huitième génération de dispositifs antipollution? Cela a-t-il été retardé à cause du MMT?
M. Nantais: Nous allons continuer à respecter nos engagements. Le niveau de technologie où nous en sommes actuellement est ce que nous appelons la technologie à faible émission. Cela nous donne une réduction de plus de 99 p. 100 des émissions d'hydrocarbures. Cela ne veut pas dire que la situation ne nous inquiète pas. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de risques. Nous nous sommes engagés à apporter cette technologie au Canada et nous avons l'intention de tenir cette promesse. Voilà pourquoi nous tenons beaucoup à ce que l'on ait du carburant de la qualité voulue.
Le sénateur Spivak: Je le comprends, mais je pensais que cette technologie devait déjà être ici. Est-ce que je me trompe?
M. Nantais: En supposant que nous parlons de la même technologie, le délai n'est pas passé. Nous avons convenu de commencer à adopter cette technologie afin qu'elle soit entièrement en place d'ici 2001. Nous en sommes actuellement au premier stade. C'est le stade conforme aux normes d'émission de 1998.
Le sénateur Spivak: Ne produisez-vous pas déjà des automobiles dotées de la nouvelle technologie?
M. Nantais: Le premier stade de la technologie, en effet.
Le sénateur Spivak: La technologie que vous êtes censés adopter en 2001 n'est pas encore sortie des chaînes d'assemblage?
M. Nantais: Certains de ces véhicules commencent à arriver sur le marché.
Le sénateur Spivak: À l'étranger mais pas au Canada?
M. Nantais: Certains véhicules à faible émission entrent actuellement sur le marché canadien.
Le sénateur Spivak: La technologie de 2001 va-t-elle également résoudre le problème du soufre, ou avez-vous un autre échéancier pour cela?
M. Nantais: Il faut reconnaître deux choses. Premièrement, tout véhicule fonctionne de façon plus propre et plus économique avec du carburant à faible teneur en soufre. Les véhicules à faible émission que nous espérons voir remplacer la totalité de nos modèles en 2001, exigent un carburant à faible teneur en soufre, avec seulement de 30 à 80 parties par million de soufre, pour fonctionner comme prévu. Le gouvernement a pris la bonne décision en ce qui concerne la qualité du carburant, mais nous avons émis des objections à l'égard des échéanciers. Nous croyons qu'ils devraient coïncider avec la mise en place de ces technologies en 2001. Il serait souhaitable que certaines raffineries agissent volontairement.
Le sénateur Spivak: Ai-je raison de croire qu'en 2001, vous disposerez de la bonne technologie pour tolérer le soufre?
M. Nantais: C'est plutôt l'inverse. La technologie dont nous dotons nos véhicules ne vise pas à tolérer le soufre. Elle exige du carburant à faible teneur en soufre pour fonctionner comme prévu et réduire les émissions de façon optimale. Sans cela, la réduction des émissions ne se fera pas.
Le sénateur Spivak: Ai-je raison de penser que, si vous aviez ce carburant à faible teneur en soufre, vous vous conformeriez aux nouveaux règlements que le gouvernement du Canada a promulgués.
M. Nantais: Si nous obtenons ces carburants, nous pourrons réduire les émissions comme prévu. L'application des règlements est une autre question. Certains normes d'émission doivent être atteintes après 80 000 milles. Il n'est pas certain que nous pourrons les respecter en l'absence des carburants appropriés.
Le sénateur Spivak: Je comprends combien il est important d'obtenir ces carburants.
Cette technologie antipollution réduit-elle les émissions de smog de 99 p. 100 comme la technologie californienne?
M. Nantais: La technologie qui se trouve dans ces véhicules ressemble beaucoup à celle de la Californie.
Le sénateur Spivak: Les États-Unis ont-ils le carburant voulu pour cela?
M. Nantais: Dans l'état de Californie, ils l'ont maintenant. D'après ce que nous savons, le processus de réglementation aux États-Unis précise très clairement qu'ils doivent passer à un rapport 30-80 pour le soufre à partir de 2004.
Le sénateur Spivak: Je crois savoir que les raffineries sont des multinationales. Si elles doivent produire quelque chose aux États-Unis, pourquoi ne pas le produire ici, que la loi l'impose ou non?
M. Nantais: Peut-être devriez-vous poser cette question à l'ICPP quand il comparaîtra.
Le sénateur Buchanan: J'ai une question complémentaire sur le MMT, dont nous avons déjà discuté au sein de ce comité.
À l'époque, si je me souviens bien, l'ACCV, ainsi que les constructeurs automobiles qui étaient là, avaient déclaré que si le MMT n'était pas interdit, les garanties sur les véhicules de 1999 risquaient d'être retirées. L'ont-elles été puisque l'on n'a pas interdit le MMT?
M. Nantais: Toute la question de garantie est une question de concurrence. Nous n'en discutons pas dans le contexte de l'ACCV. C'est une question de politique d'entreprise. Je suis sûr que nous pourrions trouver des gens qui pourraient vous parler de cela directement pour leur propre entreprise.
Le sénateur Buchanan: La garantie n'a pas été retirée. Je me demandais pourquoi on retirerait la garantie dans les deux ans qui suivaient si le MMT n'était pas interdit. Il ne l'a pas été mais les garanties existent toujours.
M. Nantais: Personne n'aime prendre le client dans l'étau. Nous voulons nous assurer que tous nos clients restent satisfaits.
Le sénateur Buchanan: J'étais contre l'interdiction du MMT.
M. Nantais: Nous avions bien compris cela.
Le sénateur Buchanan: Certains ont dit que je devrais être de l'autre côté étant donné ce qui est arrivé à la grosse usine Volvo que j'ai aidé à implanter à Halifax. Elle est maintenant fermée mais ce n'est pas la faute du MMT.
M. Nantais: Plus sérieusement, des mesures ont été prises pour signaler aux clients dans les manuels d'utilisation les problèmes que posait à notre avis le MMT. Chaque constructeur a bien précisé que ces véhicules n'ont pas été conçus pour fonctionner avec du carburant contenant du MMT. Évidemment, je disais, personne ne veut que cela retourne sur le client.
Le président: Monsieur Hansen, à ce sujet, Chrysler n'a pas annulé ses garanties du fait du MMT, n'est-ce pas?
M. Paul Hansen, directeur, Affaires environnementales, Génie, DaimlerChrysler Canada, Association canadienne des constructeurs de véhicules: Je ne crois pas. Je crois qu'il y a une déclaration dans notre manuel de garantie.
Le président: Qui dit quoi?
M. Paul Hansen: Qui dit que les garanties peuvent être annulées.
Le président: Mais ne l'ont jamais été, n'est-ce pas?
M. Paul Hansen: Non, en effet.
Le sénateur Taylor: Vous avez soulevé la question du transport des déchets aux États-Unis. Je ne vois pas en quoi ce projet de loi dérangerait parce que l'alinéa 191g) fait allusion à «l'avantage qu'il y a à utiliser l'installation d'élimination appropriée la plus près», même si c'est aux États-Unis. J'ai l'impression que vous avez arrêté de lire le projet de loi à l'article 188. Si vous passez à l'alinéa 191g), vous avez la réponse à cette question. Je crois simplement que n'avez pas lu assez loin. Vous trouveriez ce que vous voulez un peu plus loin.
M. Blake Smith, directeur, Environnement, énergie et sécurité des véhicules, Société Ford Motor du Canada, Association canadienne des constructeurs de véhicules: Selon cette disposition, l'exportateur est tenu de présenter un plan de cessation de ces exportations. C'est clair. Il doit le faire selon un échéancier précis.
Le sénateur Taylor: Je ne crois pas qu'il en soit ainsi. À l'alinéa 191g), il est question de l'avantage qu'il y a à utiliser l'installation la plus près, même si elle est aux États-Unis. Vous trouverez la réponse à l'alinéa 191g). Je dirais que vous ne l'avez pas lu intégralement. C'est plus loin que l'on y trouve ce que vous cherchiez.
M. Smith: On me rappelle ici que l'article 191 ne s'applique qu'aux règlements.
Le sénateur Taylor: C'est bien ce dont nous parlons, n'est-ce pas?
Mme Kozma: C'est notre interprétation du projet de loi et il est évident que nous devons nous montrer très prudents étant donné que tout ce qui peut jouer sur notre capacité à éliminer les déchets de la façon la plus appropriée doit être pris très au sérieux.
À cause de l'article 188, nous craignons que l'on nous oblige à soumettre et à mettre en oeuvre un plan en vue de la réduction et de la suppression des exportations de déchets dangereux ou de déchets non dangereux visés par règlement destinés à l'élimination définitive. Toutefois, lorsque nous passons à l'article 191, les règlements portent seulement sur le type de plan que l'on peut demander. Ces plans sons censés tenir compte de l'avantage qu'il y a à utiliser l'installation d'élimination appropriée la plus près mais ils peuvent aussi prendre en compte un certain nombre d'autres facteurs. C'est seulement un des éléments qui seront examinés quand ces règlements seront mis en oeuvre. Cela ne garantit pas que l'on pourra toujours obtenir la meilleure technologie. L'avantage d'utiliser l'installation d'élimination appropriée la plus près ne représente qu'un seul facteur. Nous ne serons pas forcément intéressés par l'installation la plus près. Une installation plus éloignée peut offrir la meilleure technologie existante.
Le sénateur Taylor: Je crois que c'est vrai mais il y a également les variations dans la quantité de biens. Il y a plusieurs facteurs. Ce n'est peut-être pas une corne d'abondance mais, en tout cas, c'est tout un éventail d'options pour vous débarrasser de vos déchets dangereux.
M. Smith: Cela exigerait énormément de travail pour que nous puissions utiliser nos propres installations. Question de gérance, dans notre entreprise où nous sommes propriétaires de nos installations d'élimination, il semble que ce soit la solution logique puisque nous ne pouvons nous en défaire. Or, on pourrait nous interdire de les utiliser dans ces circonstances.
Le sénateur Taylor: Je ne pense pas qu'on vous l'interdirait à moins qu'on ait la preuve que, comme dans le cas de nos raffineries, vous utilisiez du matériel qui a plus de 75 ans alors qu'il y a des installations plus modernes.
Comme je suis aussi du secteur du pétrole et du gaz, le sénateur Buchanan m'a interrogé sur la pénurie d'essence de bonne qualité. Quand il n'y a que trois ou quatre raffineries et pas tellement de concurrence, il n'est pas réellement nécessaire de moderniser ses raffineries.
Le président: Monsieur Nantais, j'ai été surpris que vous voyiez une objection à cela sachant que beaucoup n'ont pas les ressources financières ni les moyens technologiques de nos grandes entreprises automobiles que nous devons également contrôler. Tout ce que nous demandons c'est de déposer un plan. Si celui-ci est raisonnable, je ne pense pas que le ministère dirait: «Non, vous ne pouvez pas utiliser votre propre site.»
Nous devons tenir compte des petites organisations qui n'ont pas forcément des installations aussi à la pointe du progrès que les vôtres. Je trouve surprenant que vous jugiez ces articles du projet de loi inacceptables, monsieur Nantais. Je ne comprends pas.
M. Smith: Il ne faut pas oublier que le plan vise à éliminer les exportations. Nous déposons déjà des plans.
Afin d'exporter, actuellement, dans le contexte du cadre de réglementation de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, nous devons déposer des avis. Nous devons avoir des garanties d'assurance. Il y a toute une série de règlements qui se conforment à la Convention de Bâle signée par le Canada et à l'entente bilatérale entre le Canada et les États-Unis sur l'importation et l'exportation des déchets. Tous les déchets dangereux qui traversent actuellement la frontière entre le Canada et les États-Unis sont assujettis à la réglementation actuelle. Les plans mentionnés dans la nouvelle loi sont des plans visant l'élimination des ces exportations.
Le président: Où voyez-vous le terme «élimination»? Il y a quelque chose que je ne comprends pas.
M. Smith: On utilise les termes «réduction» ou «suppression».
Le président: De quel article est-il question?
M. Smith: De l'article 188 et les termes sont «en vue de la réduction ou de la suppression des exportations».
Le sénateur Taylor: N'y est-il pas question de la création de déchets dangereux plutôt que de leur élimination?
M. Smith: Et il n'est pas du tout question de la production de déchets dangereux.
Le sénateur Taylor: Si vous regardez l'article 191, il me semble que l'on a mis en place une clôture trouée afin que vous puissiez contourner la réglementation.
M. Nantais: Ce n'est pas ainsi que nous voyons la chose.
Mme Kozma: Nous ne savons pas au juste pourquoi il faudrait une clôture.
Le président: Merci, monsieur Smith. Je comprends maintenant ce que vous voulez dire bien que je ne sois pas d'accord avec vous.
Le sénateur Taylor: Vous avez mentionné la nécessité d'harmoniser la réglementation avec les provinces et vous semblez dire que dans le cas où il y a contradiction entre la réglementation fédérale et celle d'une province, vous préférez vous conformer à celle des provinces. Aux termes de la LCPE, nous pouvons créer des zones de contrôle environnemental telles que par exemple, la vallée du Bas-Fraser, Toronto ou Hamilton. Vous n'en avez pas parlé dans votre exposé. Si vous craignez toute une province, ne craignez-vous pas que la réglementation de la LCPE vise certaines régions au Canada, des zones qui n'ont pas été définies par une municipalité ou une province?
Mme Kozma: Nous avons fait valoir nos préoccupations en ce qui concerne un domaine très précis de la réglementation provinciale. Il s'agit du droit du public d'intenter des poursuites, permettant à une personne d'intenter des poursuites pour dommages à un bien public ou privé à la suite d'une infraction à la LCPE. Notre position à cet égard est très claire: pourquoi une entreprise serait-elle passible de poursuites lorsqu'elle se conforme à la loi provinciale, surtout si le bien en question se trouve dans la province? Il peut s'agir d'un bien qui n'appartient pas du tout au fédéral.
Le sénateur Taylor: Je ne suis pas avocat, et je devrai vérifier auprès du sénateur Hays et de notre digne président dont les opinions diffèrent parfois des miennes, mais j'avais l'impression que les poursuites en question sont celles intentées au ministre pour infraction à la LCPE. On a inclus cette disposition parce que s'il y avait infraction à la LCPE, vous ne pourriez pas tout à coup entamer des poursuites parce que le ministre est trop indulgent; il vous faudrait vous adresser à la Couronne.
Le président: C'est possible.
Le sénateur Taylor: C'est ce que nous voulons, n'est-ce pas? Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez. Je pensais que le droit d'intenter des poursuites visait à affirmer la détermination du gouvernement et à attirer son attention sur toute lacune. C'est un peu comme dresser une mule; parfois il faut être sévère. Je pensais que c'était plutôt cela et non pas la possibilité d'intenter des poursuites à un organisme privé.
Mme Kozma: Vous avez parfaitement raison, toute une procédure entoure le droit d'intenter des poursuites. Il se peut fort bien que l'on veuille affirmer la détermination du gouvernement afin d'éviter que des particuliers aient à intenter des poursuites. Toutefois, en dernière analyse, il pourrait y avoir des poursuites et il s'agit de déterminer si celles-ci sont appropriées lorsqu'une organisation se conforme aux lois provinciales, surtout si le bien visé dans la poursuite se trouve également dans la province. Il ne s'agit pas nécessairement d'une ressource fédérale, il peut s'agir d'une ressource provinciale. Voilà pourquoi nous avons fait valoir cette préoccupation.
De façon générale, nous estimons qu'il est très important d'harmoniser les lois provinciales et fédérales. Je reviens à vos propos antérieurs, à savoir si nous nous intéressons aux zones qui relèvent strictement de compétence fédérale. Peut-être, peut-être pas. Nous sommes persuadés qu'il faut des lois fédérales et provinciales uniformes.
Le sénateur Taylor: Je ne parlais pas de zones de compétence fédérale. Je parlais du fait que le projet de loi crée le droit de mettre en place des limites arbitraires autour par exemple de la vallée du Bas-Fraser ou du couloir Toronto-Hamilton et permet d'établir une réglementation pour ces zones tout à fait différentes de ce qui prévaut ailleurs au Canada ou ailleurs dans la province, afin de protéger l'environnement. Vous vous préoccupez des provinces. Ces limites sont plus élevées que celles des provinces. Elles créent une barrière environnementale qui vous force à jouer le jeu d'une certaine façon.
Mme Kozma: Je ne m'y connais guère en droit constitutionnel, mais il y a quelques questions à trancher. D'abord il y a la compétence constitutionnelle du gouvernement fédéral. Voilà le premier point. Le gouvernement fédéral devra déterminer s'il a le pouvoir constitutionnel.
Ensuite, il y a plusieurs dispositions de la LCPE qui prévoient ce genre de processus, par exemple dans le cas d'un plan d'intervention d'urgence. Le processus prévoit la participation des provinces et la nécessité de déterminer s'il y a des lois provinciales qui s'appliquent.
Le président: Je vous invite à lire l'alinéa 30(1)a) qui prévoit la diligence voulue comme défense. Est-ce que cela ne vous rassure pas un peu, madame Kozma?
Mme Kozma: Pas vraiment. La défense fondée sur la diligence voulue signifie que vous avez pris toutes les mesures raisonnables dans l'application de la loi. S'agit-il donc d'avoir pris toutes les mesures raisonnables pour se conformer à la loi provinciale? Je n'en sais rien. Tout dépend, si la loi provinciale diffère considérablement de la loi fédérale. En général, cela nous rassure un peu, mais j'attire votre attention tout particulièrement sur l'alinéa c) dont nous parlons lorsque nous faisons valoir qu'il doit y avoir une exemption générale si l'on se conforme à la loi provinciale. Dans le libellé actuel, on peut invoquer à sa défense que le comportement reproché est autorisé au titre de règles de droit d'un gouvernement, telle qu'une province, mais uniquement si le gouvernement fédéral et la province ont conclu une entente. Ce n'est qu'alors que l'on émet un décret qui rend la loi provinciale équivalente à la loi fédérale.
Le projet de loi tient compte de l'incidence du droit provincial.
Le président: Si je comprends bien le principe de la compétence résiduelle prévu dans ce projet de loi, et je me trompe peut-être, la LCPE s'applique là où les lois provinciales ne s'appliquent pas. Cette compétence n'existe qu'aux termes de ce projet de loi. On ne tente pas d'imposer la loi fédérale dans des domaines de compétence provinciale.
Si quelqu'un est assujetti à ce projet de loi, il peut invoquer ces moyens à sa défense et alors faire valoir qu'il a exercé toute la diligence voulue pour observer les dispositions du présent projet de loi.
Je ne vois pas comment on pourrait ajouter «et provinciale».
Mme Kozma: Vous avez raison. Notre argument, c'est qu'il se peut que le geste que vous avez posé était en fait autorisé par la loi provinciale. Ce geste peut aller à l'encontre de la loi fédérale, mais néanmoins, être autorisé par une loi provinciale ou un permis accordé aux termes d'une telle loi.
Le président: Je ne suis pas persuadé de partager votre inquiétude, mais je comprends ce que vous voulez dire. Merci d'avoir abordé cet aspect.
Le sénateur Taylor: J'ai une petite question sur la quasi-élimination. Les émissions proviennent essentiellement du carburant utilisé dans le véhicule. Cela nous amène à la question des mesures effectives.
Manifestement, les fabricants de carburants feront valoir qu'il est plus efficace d'éliminer les dernières traces d'un élément dans votre véhicule en utilisant un convertisseur catalytique ou un filtre quelconque. Vous allez faire valoir que c'est plus efficace d'éliminer cet élément à la raffinerie. Lorsque je vois ces deux mastodontes, riches à craquer, qui ont des avocats aux quatre coins de la planète qui s'accusent les uns les autres de ne pas avoir éliminé les émissions, qui dois-je écouter?
M. Smith: La quasi-élimination s'applique aux substances jugées toxiques. C'est dans une partie du projet de loi complètement à part de celle des combustibles. Ce sont deux questions différentes.
Dans le cas des combustibles, on parle ordinairement d'un ingrédient du carburant et des sous-produits de la combustion.
Le sénateur Taylor: Prenons une trace de cadmium, par exemple. Ce n'est pas jugé très agréable. Il peut y avoir du cadmium dans votre carburant, et votre véhicule peut même en produire.
M. Smith: Je ne crois pas comprendre la question.
Le sénateur Taylor: Prenons par exemple un minéral, le cadmium. C'est poison et vous voulez l'éliminer. Toutefois, on en retrouve dans le carburant et même le convertisseur catalytique en produit. On peut également prendre le manganèse comme exemple.
M. Smith: Les dispositions sur les combustibles et les dispositions sur la quasi-élimination sont des questions tout à fait différentes. La quasi-élimination s'applique aux substances déclarées toxiques au sens de la LCPE. Nous n'envisageons pas que ces dispositions puissent jamais viser les carburants. Je n'ai rien entendu nulle part qui me porte à croire que ces dispositions s'appliqueraient aux carburants.
Le sénateur Taylor: Nous arrivons à mesurer des quantités de plus en plus petites. Ne vous en surprenez pas.
Le sénateur Adams: Vous parlez d'émissions de véhicule. Qui fabrique cette technologie? Est-ce que vous l'achetez d'autres entreprises ou d'entreprises américaines? Comment cela fonctionne-t-il? En juin dernier, il a été question de Bombardier, le constructeur d'avions qui se procure ses pièces dans toutes les régions du monde. L'entreprise se plaignait que les fonctionnaires du ministère des Transports faisaient l'inspection des pièces. En ce qui concerne le projet de loi C-32, qui approuve la technologie antipollution utilisée dans un véhicule? Les véhicules à moteur diesel s'améliorent plus rapidement que les véhicules à moteur à essence. Le ministre, qui a comparu ici il y a une semaine, semblait se préoccuper de la pollution causée par les tondeuses à gazon. Où vous procurez-vous l'équipement qui sert à réduire la pollution?
M. Smith: Il y a de nombreuses réponses à cette question. Tout d'abord, le dispositif antipollution d'un véhicule va du système d'alimentation au réservoir de conversion de la vapeur, en passant par la forme et les caractéristiques du moteur même et ses capacités de combustion. Il y a ensuite ce que nous appelons les émissions à allumage coupé. Il s'agit du sous-produit infime de la combustion après le passage du carburant dans le moteur. Le sous-produit est dirigé vers un système de contrôle. C'est un travail de conception technique que le constructeur a effectuée avec l'apport de tous les vendeurs.
Il s'agit de systèmes très complexes. Il se peut que le système d'alimentation provienne d'un vendeur externe, ou il peut s'agir d'un système interne fabriqué par l'entreprise. Il n'y a donc pas de réponse unique à cette question.
En ce qui concerne votre question sur les certificats de sécurité, cette responsabilité relève actuellement de Transports Canada. D'après ce que nous savons de l'industrie aéronautique, il existe ce que nous appelons une autorisation serrée, où Transports Canada participe étroitement à l'autorisation à l'étape de la conception. Au Canada, les véhicules automobiles sont autocertifiés, mais accompagnés d'une vérification gouvernementale. Nous devons respecter un ensemble établi de normes. Je parle de la sécurité du véhicule et des émissions. Aux termes de la nouvelle LCPE, les émissions passeront du ministère des Transports au ministère de l'Environnement. Nous allons délivrer des certificats attestant que les véhicules répondent aux normes. C'est un processus complètement différent.
Le sénateur Adams: Est-ce que GM, Ford et Chrysler travaillent de concert?
M. Smith: Tous les systèmes sont différents.
Le sénateur Adams: Transports Canada doit les autoriser.
M. Smith: Encore une fois, il y a autocertification des véhicules automobiles. Nous fournissons toutes les données pour la certification.
Le sénateur Cochrane: J'aimerais revenir à l'élimination des déchets, à la page 4 de votre mémoire. L'article 188 du projet de loi prévoit un plan de mise en oeuvre si l'on veut exporter des déchets vers les États-Unis. Évidemment, vous dites qu'il est moins coûteux et plus efficace de ne pas avoir à mettre en oeuvre ce plan. Je le comprends.
Ce ne sont pas les expéditions du Canada vers les États-Unis qui m'inquiètent; ce sont celles des États-Unis vers le Canada, c'est-à-dire l'entrée de déchets dans notre pays. Évidemment, les États-Unis ont certainement plus de déchets industriels que le Canada. Est-il vraiment réaliste pour nous d'avoir un site ouvert à l'échelle de l'Amérique du Nord? Nous pouvons avoir un dépotoir. Le Canada pourrait devenir le dépotoir des États-Unis.
M. Smith: Cette disposition ne vise que l'exportation. Comme je l'ai dit précédemment, l'importation et l'exportation de déchets dangereux à partir du Canada sont déjà traités dans une entente bilatérale et dans des règlements canadiens et américains complémentaires -- si je peux m'exprimer ainsi -- qui prévoient des exigences de préavis. Toute la documentation doit être remplie. C'est un processus de suivi très perfectionné.
Le président: Mesdames et messieurs, merci d'avoir bien voulu prendre le temps de venir nous rencontrer et de nous avoir fait profiter de votre intelligence et de votre sagesse.
Les témoins suivants sont du groupe environnemental STOP et de la Société pour vaincre la pollution.
Vous avez la parole, monsieur Green.
[Français]
M. Daniel Green, co-président, Société pour vaincre la pollution: Monsieur le président, j'aimerais aviser les sénateurs que ce sera Radio-Canada, et non CBC, alors vous devez mettre vos écouteurs pour avoir la traduction simultanée.
Mon nom est Daniel Green, et je suis président de la Société pour vaincre la pollution, à Montréal. La Société pour vaincre la pollution est un des plus vieux groupes francophones qui s'occupent de l'environnement en Amérique du Nord. Elle a été fondée en 1970. Nous avons participé aux études depuis les débuts de la législation environnementale au Canada, notamment lors du premier projet de loi sur la protection de l'environnement du Canada dans les années 80. Nous suivons le processus depuis le début.
Nous n'avons pas de mémoire à vous présenter parce que beaucoup de choses ont déjà été dites par les autres groupes environnementaux tels la Canadian Environmental Law Association, la West Coast Environmental Law Association, the Center for Canadian Environmental Law and Policy. Plusieurs modifications à la loi vous ont été présentées. Je ne vais donc pas perdre de temps à vous redire des choses que vous allez lire dans les mémoires qui vous ont été soumis antérieurement.
Je suis ici cet après-midi pour vous supplier de nous donner une loi qui va véritablement contrôler les substances toxiques chimiques. J'ai à côté de moi une victime potentielle, Mme Lisette Anfousse, qui représente la Coalition pour une Magnola propre. Magnola est une usine construite par la compagnie Noranda à Asbestos. Elle émettra dans l'environnement du Québec beaucoup de substances toxiques comme des BPC, de l'hexachlorobenzène et des dioxines furannes.
À la Société pour vaincre la pollution, on a utilisé la Loi canadienne sur la protection de l'environnement à plusieurs reprises. Nous avons défendu cette loi devant la Cour suprême quand Hydro-Québec en contestait la constitutionnalité. La Cour suprême, comme vous le savez, a réaffirmé le contrôle du Parlement du Canada sur les substances toxiques et ce, il y a moins d'un an. Le projet de loi C-32, indirectement, nous enlève ce que la Cour suprême a confirmé être le droit du Parlement.
Le projet de loi, vous l'avez lu, est très complexe. Il y a des petits mots qui ont été ajoutés suite au dépôt du rapport du comité des Communes. Ces petits mots contaminent cette loi, qui est censée nous protéger contre les substances toxiques. Vous avez des recommandations précises pour modifier le projet de loi afin qu'il puisse approcher un tant soit peu la protection contre les substances toxiques que l'on mérite.
La Société pour vaincre la pollution est intervenue en Cour suprême. Elle est également intervenue en Cour supérieure du Québec quand la Cour suprême y a renvoyé le dossier d'Hydro-Québec. Savez-vous quelle amende Hydro-Québec a dû débourser pour avoir déversé à deux reprises des BPC dans le comté de Jean Chrétien? Un dollar par chef d'accusation. Cela, c'est avec la vieille loi. Avec la nouvelle loi, la procédure pour arriver à poursuivre un pollueur est très complexe.
Le projet de loi que vous avez devant vous n'est pas un projet de loi qui va nous protéger contre les substances toxiques à moins que des modifications majeures ne soient effectuées. Je fais référence aux articles 64, 65 jusqu'à l'article 77, plus précisément à l'article 65(3). On est pour l'élimination virtuelle à condition de regarder toute autre question d'ordre social, économique ou technique pertinente. Ce petit mot qui revient dans le texte est un permis de polluer. Des compagnies comme Hydro-Québec et Noranda vont l'invoquer en cour. La protection contre les substances toxiques n'est pas forte au Canada. En passant, le gouvernement du Québec aurait pu poursuivre Hydro-Québec. Le juge en chef de la Cour suprême, Antonio Lamer, a posé la question en Cour suprême à savoir pourquoi le procureur général du Québec n'a pas poursuivi Hydro-Québec pour ces déversements de BPC. Le pauvre procureur général du Québec en est resté bouche bée. Vous auriez dû être là, dans la salle de la Cour suprême.
Visiblement, il nous faut une loi fédérale propre. Je suis un Québécois et je connais mon gouvernement. Je sais qu'actuellement, le gouvernement du Québec met plus d'accent sur le développement économique que sur la protection de la santé des individus contre les substances toxiques.
Je vous demanderais donc de considérer les recommandations des avocats en droit de l'environnement qui vous ont proposé des modifications simples mais précises au projet de loi. N'adoptez pas le projet de loi C-32 tel quel. Vous ne nous aideriez pas à protéger notre santé et notre environnement.
Mme Lisette Anfousse, Coalition pour un Magnola propre: Je voudrais d'abord remercier Daniel, qui a eu pitié de moi. Je vous remercie également de me permettre de m'exprimer et de défendre ma cause.
Mon nom est Lisette Anfousse, et j'habite dans l'Estrie, tout près d'une très belle montagne, le mont Ham. J'habite sur une ferme de 300 acres depuis 25 ans. Mon mari et moi élevons des chèvres depuis ce temps. Nous avons trois grands enfants dont l'un est en train de se construire une maison en bois rond. Ce sont des enfants très attachés à l'endroit, tout comme nous le sommes.
Tout allait très bien depuis 25 ans, mais voilà que dans notre décor est arrivé quelque chose qui nous attriste et nous inquiète beaucoup. Le gouvernement du Québec a donné son aval à la construction de l'usine Magnola, une usine de magnésium qui utilisera un procédé au chlore. Cette usine est la deuxième en importance au monde. On est présentement en train de faire l'infrastructure afin qu'elle devienne, dans quelques années, la plus grande au monde. Elle produira des BPC, des dioxines furannes et de l'hexachlorobenzène en quantités importantes. Ce sont quatre substances qui font partie des douze qui seront éliminées à la suite d'un traité international.
Ce projet a un peu transformé notre vie. À partir de ces évènements inquiétants, nous avons réagi. Le projet a été accepté par décret après l'échec du rapport du BAPEE.
J'habite à une vingtaine de kilomètres de l'usine. Je me trouve en plein dans les vents dominants et ma vie est en train de changer considérablement à cause de cela. Je suis ici pour vous demander, en fait vous supplier, tout comme Daniel l'a fait, de faire en sorte que nous ayons une loi qui soit plus serrée et plus ferme, de sorte qu'il n'y ait pas de passe-droit pour les industries. Ces poisons sont trop importants, ils affectent toute notre vie, notre santé et toute notre intégrité de vie. Cela représente la mort dans l'environnement. Je suis personnellement peut-être un peu plus exposée, étant donné que j'ai une soeur qui est morte du cancer du sein. Aujourd'hui, plusieurs femmes sont sujettes au cancer du sein justement, en grande partie, aux organochlorés.
Je pense qu'il devrait y avoir des changements en cette fin de siècle, au tournant du millénaire: plusieurs personnes dans notre pays ont besoin de ce changement. Elles ont besoin que l'on fasse appel à l'humain, que l'on protège vraiment l'humain et non les industries. Je crois qu'il faut que ce soit le coeur qui détermine si une loi doit être forte ou non. Ces poisons sont vraiment très dangereux. Je vous demande d'amender ce projet de loi et de décider avec votre coeur et votre conscience profonde.
M. Green: Lisette a apporté des courges de son jardin. Quand j'ai visité son jardin, elle m'a dit: «Daniel, je suis à 22 kilomètres d'une des plus importantes sources de dioxine furanne BPC hexachlorobenzène du Canada. L'usine Noranda va commencer à opérer au mois de juin de l'an 2000. C'est un beau cadeau du millénaire! Pourtant, le gouvernement du Québec accepte cela. Ce projet de loi n'empêche pas Noranda de produire ces substances toxiques. Ce projet de loi fait en sorte que l'on capte ces polluants. Tout le monde sait que cette usine de 700 millions de dollars, cette immense usine, va émettre des émissions fugitives. Il est impossible, au niveau du génie de l'environnement, de contrôler ces émissions.
Quand j'ai visité Lisette et son magnifique jardin, il y a trois semaines, elle m'a regardé dans les yeux -- et cela fait 25 ans qu'elle a ce jardin, et m'a dit : «Daniel, je pense que c'est la dernière fois que je vais faire mon jardin.»
Honorables sénateurs, vous allez bénéficier des dernières courges du jardin de Lisette Anfousse parce qu'il est possible que Lisette Anfousse ne cultive plus son jardin quand Noranda va commencer à opérer.
Tel que rédigé, ce projet de loi n'est pas apte à amener Noranda à ne pas émettre ces substances toxiques dans son environnement. Alors, «enjoy».
Mme Anfousse: J'ai apporté une courge, et ce n'est pas pour faire allusion au symbole phallique, mais il ne faut quand même pas oublier les conséquences des organochlorides sur notre système reproducteur, messieurs. Le danger est là aussi pour vous. Le jardin est très abondant cette année. Cette courge est aussi pour vous rappeler que mon environnement est très important pour moi. Je suis ici en tant que représentante des Canadiennes qui sont sujettes à la contamination. J'aimerais que vous pensiez à moi, à ma famille, à mes amies ainsi qu'aux gens autour de nous.
J'aimerais aussi mentionner que le bassin laitier le plus important au Canada est aussi dans les vents dominants de Magnola, de Noranda. Il y a eu scandal en Europe à cet effet. L'alarme sonne.Il ne faut pas oublier qu'il est très important de protéger notre alimentation et les humains. Vous avez une responsabilité morale de protéger les humains avant tout et l'environnement.
Le sénateur Spivak: Monsieur Green et madame Anfousse, j'ai souvent entendu parler de vous. Je vous remercie pour votre présentation passionnée et différente.
[Traduction]
J'ai deux points sur lesquels je veux vous interroger. Quel sera le niveau des émissions qui seront dégagées par cette nouvelle usine? Deuxièmement, monsieur Green, je suis désolée, mais je ne suis pas au courant de l'affaire mettant en cause Hydro-Québec. Pourriez-vous m'expliquer le lien? Pourquoi cette usine a-t-elle reçu ni plus ni moins carte blanche?
Vous dites que ce sera la plus grosse usine du monde. Il me semble que, de nos jours, les usines ne sont jamais modestes. Elles sont toutes «les plus grosses du monde». Nous sommes allés visiter l'usine Alberta Pacific, en Alberta, et malgré sa superficie, qui était l'équivalent de celle de plusieurs champs de football, elle était très écologique.
M. Green: À l'usine de Noranda, on se servira d'une technologie qui fait appel au chlore. On doit se servir de cette technologie, parce que le magnésium qui se trouve dans le minerai d'amiante se trouve étroitement lié à d'autres matériaux. Le minerai a une forte teneur en amiante, de 25 à 30 p. 100. C'est un des minerais de magnésium les plus riches au monde.
Noranda se servira d'un procédé d'électrolyse au chlore. On s'attaquera au minéral à l'aide d'acide chlorhydrique. On aura recours à un procédé d'électrolyse pour isoler le magnésium en présence de chlore gazeux.
Selon Barry Commoner, écologiste bien connu des États-Unis, à qui on a demandé son avis sur le projet environnemental québécois, c'est de l'hérésie que d'autoriser la construction au Canada d'une usine qui ferait appel à une technologie comme celle-là.
À la conférence des Nations Unies visant la signature d'un traité pour l'élimination des POR, qui a eu lieu à Montréal, des journalistes ont demandé à Christine Stewart, qui était alors ministre de l'Environnement, comment on pouvait prendre au sérieux la politique canadienne sur la quasi-élimination de ces substances chimiques alors qu'Environnement Canada ne fait rien pour lutter contre ces émissions qui émaneraient de l'usine de Noranda. La ministre a répondu que nous faisons partie d'une confédération où les provinces ont certains droits.
Je suppose qu'elle n'avait pas lu la décision de la Cour suprême, qui indiquait très clairement que le Parlement canadien a effectivement le pouvoir de protéger notre environnement et notre santé contre des substances comme celles-là. Si vous vous reportez à la décision majoritaire, vous constaterez que le Parlement a presque l'obligation morale d'exercer son pouvoir en la matière.
Je tiens à faire remarquer aux sénateurs que, d'après les estimations de Greenpeace, cette usine, à Asbestos, au Québec, sera le plus important émetteur de dioxines, de furannes et d'hexachlorobenzène au Canada. Si nous nous fions à l'inventaire fait par Environnement Canada, cette usine émettra à elle seule une plus grande quantité de ces substances que toutes les autres sources.
La question qui se pose maintenant est bien simple. Comme je l'ai dit, la loi n'empêche pas la construction d'une usine comme celle-là. On pourrait penser que le processus dans lequel nous sommes engagés vise à empêcher que ces produits chimiques ne s'échappent. Or, au moment même où nous en discutons, l'usine est en construction.
Il ne s'agit pas non plus d'une entreprise inconnue. Il s'agit de Noranda, une entreprise canadienne bien connue et respectée. C'est pourquoi je n'arrive tout simplement pas à comprendre ce qui se passe.
Le sénateur Spivak: Les dioxines et les furannes sont donc des produits secondaires du procédé en question.
M. Green: Oui, tout comme les BPC.
Le sénateur Spivak: Les fabricants de produits chimiques sont venus nous dire que la quasi-élimination était impossible à cause de ces sous-produits.
M. Green: L'usine de Noranda produira des BPC et des hexachlorobenzènes.
Le sénateur Spivak: Quel serait vraisemblablement le niveau de ces émissions de BPC, de dioxines et d'hexachlorobenzènes? Le niveau se trouve-t-il en deçà de ce qui permettrait de les quantifier ou de les détecter?
M. Green: Nous ne le savons pas encore.
Le sénateur Spivak: On a pourtant dû soumettre un plan et obtenir un permis. Que dit-on dans ce plan?
M. Green: On a effectivement soumis un plan. La quantité totale de dioxines et de furannes qui serait produite serait entre 200 et 400 grammes, tandis qu'il y aurait presque une tonne d'hexachlorobenzènes qui serait produit. Il s'agit là de la production.
Ce sur quoi Noranda et beaucoup d'environnementalistes ne s'entendent pas, c'est la quantité de ces substances qui s'échappera. Noranda dit: «Nous allons tout récupérer.» Pourtant, dans le Wall Street Journal, la compagnie avouait qu'il y aurait des dioxines et des furannes qui s'échapperaient de l'amiante. La question maintenant est de savoir quelle en sera la quantité et quel en sera l'effet sur le milieu ambiant. Voilà ce sur quoi on ne s'entend pas. Nous ne serons pas fixés là-dessus tant que l'usine ne sera pas en marche.
Le sénateur Spivak: Si le projet de loi est adopté sans amendements, il ne visera qu'à réduire la quantité des substances. Il ne visera pas à les éliminer ni à en interdire l'utilisation. La loi ne dira rien à ce sujet, sans compter qu'elle obligerait à consulter pendant un million d'années avant de pouvoir faire quoi que ce soit. C'est une perspective qui n'intéresse guère le gouvernement québécois d'après ce que j'ai pu lire dans ces documents.
M. Green: En fin de compte, nous savons que l'industrie de l'amiante cessera d'exister au Québec d'ici quelques années.
Le sénateur Spivak: Exactement. Il s'agit donc de quelque chose qui remplacera l'amiante.
M. Green: Oui. Ceux qui travaillent dans le secteur de l'amiante cherchent à tout prix d'autres sources de développement économique. Ils considèrent Noranda comme un sauveur. Si les travailleurs du secteur de l'amiante entendaient ce que je vous dis aujourd'hui, ils ne me permettraient sans doute jamais de remettre les pieds dans une usine d'amiante.
Mme Annfousse: Il y aura peut-être une cinquantaine d'emplois pour les travailleurs du secteur.
Le sénateur Spivak: A-t-on tenu des consultations et des audiences publiques? On en tient invariablement, mais au bout du compte, cela ne change rien.
M. Green: Au bout du compte, c'est l'économie qui l'a remporté.
Si vous lisez le projet de loi, vous verrez que, dans certains articles, on fait état de considérations économiques.
Le sénateur Spivak: Il y en beaucoup de ces articles.
Y a-t-il un procédé de rechange?
M. Green: Oui, il y en a un.
Le sénateur Spivak: Quel en est le coût? Est-ce là la raison?
M. Green: Le procédé de rechange coûterait peut-être plus cher sur le plan énergétique.
Le sénateur Spivak: A-t-on envisagé de l'utiliser?
M. Green: Oui, mais d'après Noranda, on ne saurait recourir à ce procédé à cause de la nature du minerai, parce que le procédé n'a jamais été expérimenté.
Le sénateur Spivak: Si le projet de loi est adopté, prévoyez-vous de vous adresser aux tribunaux?
M. Green: Parce que Noranda a avoué avoir produit une substance interdite, des BPC, nous allons déposer une plainte aux termes de l'article 108 de l'actuelle LCPE. L'article 108 prévoit cette possibilité si deux Canadiens âgés d'au moins 18 ans estiment qu'il y a eu violation de la loi.
Le sénateur Spivak: Je n'ai pas très bien saisi. Les BPC sont interdits. Comment alors peut-on en produire?
M. Green: C'est une excellente question. Comment une entreprise peut-elle délibérément produire des BPC alors que la production de ces substances est interdite?
À l'article 81 du projet de loi, on trouve des expressions passe-partout qui désignent la production involontaire de ces substances chimiques. On en trouve notamment à l'alinéa 81(6)b).
Le sénateur Spivak: On ne précise pas que les substances déjà interdites se trouvent englobées.
M. Green: Ce n'est pas clair. Il faut peut-être se reporter à la liste de quasi-élimination.
Le sénateur Spivak: Quand une substance est interdite, rien n'empêche de la produire comme sous-produit. À quoi sert-il alors d'interdire la substance en question?
M. Green: Tout à fait.
Le sénateur Spivak: Il existe toute une gamme de sous-produits qui émanent de divers procédés. C'est là quelque chose de nouveau.
M. Green: Le Canada, dans sa sagesse, a décidé que la production de BPC comportait un risque trop élevé pour notre santé et notre environnement et a donc interdit la production de ces substances dans les années 80. Nous avons toutefois une entreprise qui va maintenant en produire des kilogrammes chaque année. Elle a l'intention d'acheminer les BPC à Swan Hills où ils seront détruits, à condition qu'elle réussisse à les récupérer.
Le sénateur Spivak: Monsieur Green, si vous avez des documents ou des rapports de recherche sur le sujet, je voudrais pouvoir approfondir cette question.
M. Green: Beaucoup de documents ont été présentés. On a tenu des audiences publiques, et il existe beaucoup d'information sur le sujet. Nous vous enverrons au courant de la semaine un b.a.-ba du procédé de Magnola et des problèmes qui se posent.
Le président: Noranda a témoigné devant nous, et sa version est tout à fait différente. Noranda a parlé de son méga-projet. Si je me souviens correctement, ils nous ont confirmé que certaines substances seraient rejetées dans l'environnement, mais à un niveau bien en deçà d'un niveau quantifiable. Puisque ce projet de loi fait référence au contrôle et non pas à l'élimination des substances, un réel rejet serait raisonnable. Toutes les dispositions d'élimination graduelle ont été supprimées de ce projet de loi.
Il s'agit donc d'une substance interdite pour laquelle on a déjà prévu une échappatoire à l'alinéa 81(6)d) puisqu'il s'agit d'un produit secondaire. C'est étonnant.
M. Green: Nous attendons la conférence de Genève afin de faire la preuve de ce projet de loi. Selon la loi actuelle, les compagnies n'ont pas le droit de produire cette substance. Noranda l'a produite. Je veux que le ministre nous dise ce qu'il a l'intention de faire. Va-t-il permettre la production des BPC? Si M. Anderson veut le faire, qu'il se lève pour annoncer: «Je permets la production des BPC au Canada.»
Il nous faut des directives limpides du gouvernement à propos de la production intentionnelle de substances faisant l'objet d'une interdiction depuis presque 20 ans.
Le sénateur Spivak: Noranda va également produire des substances que l'on devrait interdire tout de suite.
Le sénateur Taylor: J'ai sous les yeux le mémoire de Noranda ainsi que le projet de loi. L'article 80 du projet de loi accorde pas mal de pouvoirs au ministre. À la page 52, le projet de loi fait référence à une nouvelle activité, qui vous autorise à inciter M. Anderson d'en faire enquête.
Selon le témoignage des représentants de Noranda, ils sont persuadés que le gouvernement entend se servir de ses pouvoirs et que, par conséquent, Noranda sera obligé de payer des coûts supplémentaires et de faire face à des obstacles pouvant nuire à sa capacité de faire concurrence. Toujours selon eux, les avantages d'une meilleure protection de la santé humaine et de l'environnement demeurent peu clairs. En d'autres mots, Noranda se plaint autant que vous, mais de l'autre côté de la clôture, en disant que le gouvernement est trop sévère.
On est en train de construire l'usine Magnola. Je connais un peu les enjeux du magnésium en raison des circonstances entourant la perte des centaines de millions de dollars du Fonds du patrimoine de l'Alberta sous le régime du premier ministre Getty. Quelques beaux parleurs de la Suisse sont venus chez nous et nous avons construit une immense usine tout près de High River. Le terrain est très plat là-bas. En montant la cheminée, vous pouvez sans doute voir Chicago s'il n'y a pas de nuages.
Le magnésium nous aide à renforcer nos os au fur et à mesure que nous vieillissons. Normalement, on le fabrique de façon électrolytique, ce qui demande beaucoup d'énergie. Une des raisons pour laquelle on construit cette usine au Québec, c'est que, plutôt que de vendre cette énergie à un prix modeste aux États-Unis, surtout si on peut l'acheter à un prix réduit de Terre-Neuve au départ, vous pouvez vous en servir pour produire du magnésium et de l'aluminium de façon électrolytique. Ces deux métaux sont fort semblables, puisqu'ils sont tous les deux très forts et légers et le procédé de fabrication est presque pareil. Le procédé électrolytique crée certaines substances interdites. Vous avez certainement raison de crier haut et fort, mais je crois que Noranda est sans doute déjà au courant de ce qu'elle peut faire, et vous allez probablement tenir des audiences à ce sujet.
Le sénateur Spivak: Ils ont déjà fait leur lobbying.
M. Green: Je dirais, madame Le sénateur, qu'il s'agit d'un fait accompli. On a déjà accordé les permis et on est en train de construire l'usine.
Le sénateur Taylor: La province a donné le feu vert, n'est-ce pas?
M. Green: Oui.
Le sénateur Taylor: Ce projet de loi nous conférerait un droit d'avoir un droit de regard.
M. Green: Selon moi, après avoir lu le projet de loi en tenant compte du projet Noranda-Magnola, je dirais qu'il existe suffisamment d'échappatoires pour permettre le rejet de quantités importantes de dioxines.
Le sénateur Taylor: Il nous faut de bons avocats, qui représentent chaque côté de la clôture, comme le sénateur Nolin et le sénateur Hays, pour que tout reste en ordre. Sénateur Nolin, êtes-vous au courant de ce projet?
Le sénateur Nolin: Je suis au courant de ce que M. Green a dit.
Le président: Je ne suis pas sûr de partager votre interprétation de l'article. L'article 81 parle d'une substance qui n'est pas inscrite sur la liste intérieure. Les BPC y sont inscrits. Par conséquent, cet article ne s'applique pas comme vous l'avez laissé entendre.
M. Green: Pouvez-vous donc alors nous expliquer pourquoi Environnement Canada, tout en sachant que les BPC sont interdits en vertu de la loi actuelle, permet à Noranda de construire une usine qui les produira?
Le président: C'est une question encore plus pertinente.
M. Green: Je peux poser la question directement: Comment pouvons-nous rédiger un article dans le projet de loi pour empêcher que cela se produise?
Le président: L'article a été conçu pour traiter des substances qui ne sont pas sur la liste, les 23 000 produits chimiques, exception faite d'une douzaine qui sont interdits. D'après vous, l'alinéa 81(6)d) suffit, mais je ne peux pas dire que j'interprète cela de la même façon. Par contre, cela ne répond pas à votre question, qui est très importante. Il faudrait peut-être faire revenir les représentants du ministère pour nous expliquer comment ils en sont arrivés à cette interprétation. En fait, où sont-ils passés?
M. Green: Je suis d'accord avec vous.
Le président: J'aimerais bien entendre ce que les représentants du ministère auront à nous dire là-dessus. Vous avez soulevé un point très important.
Le sénateur Taylor: Vous êtes-vous adressé à votre député, qui est un des rares conservateurs au Québec? Il représente cette région et est en faveur de la construction de l'usine.
M. Green: Oui, il est en faveur de l'usine, parce que l'avenir économique de l'amiante à Danville est évident. Johns Manville va fermer ses portes dans cinq ans. Si Noranda ne construit pas son usine, qu'adviendra-t-il des travailleurs?
Le sénateur Spivak: Mais il existe une autre façon de procéder. La question ne se résume pas à construire l'usine ou non.
Le sénateur Taylor: Mais c'est le seul projet de cette envergure.
Le sénateur Spivak: Regardez ce qui s'est produit avec les effluents des usines à pâtes et papiers. Celles-ci avaient crié au désastre, mais elles ont finalement trouvé une autre façon de procéder. La même chose s'est produite pour trouver une solution à l'amincissement de la couche d'ozone. Tout le monde disait qu'il n'y avait pas de solution, mais on en a trouvé une. Je ne crois pas qu'il n'existe pas de solution. Le secteur privé doit assumer sa part de responsabilité. Il n'y a pas que les coûts qui jouent là-dedans. C'est simplement un obstacle à la réalisation des profits. Certes, un nouveau processus coûtera davantage, mais il ne donnera pas lieu à la production de substances interdites.
Le sénateur Hays: En vertu de la LCPE, que ce soit l'ancienne ou la nouvelle, ou même en vertu de la loi qui succédera à la LCPE, il sera difficile au gouvernement fédéral d'empêcher la construction de cette usine parce que celle-ci sera construite en territoire provincial et relèvera de la compétence de la province. Je ne crois pas que le gouvernement fédéral pourra invoquer le Code criminel ou tout autre pouvoir extraordinaire pour en empêcher la construction. Par contre, si l'usine rejette des substances dangereuses, cela relève automatiquement de la compétence fédérale. Si des BPC sont produits -- et d'après ce que je comprends ils ne sont pas inscrits sur la liste intérieure -- alors, d'après mon interprétation de l'article 81, ils sont inclus parce que le paragraphe (1) vise les substances qui ne sont pas mentionnées sur la liste intérieure, mais on mentionne les BPC.
M. Green: Les BPC ne sont pas inscrits sur la liste prioritaire proprement dite. Les BPC sont considérés comme étant des produits chimiques en vertu de l'annexe 1. Ils ont un statut encore plus élevé. Par contre, et en dépit du fait qu'Environnement Canada, région du Québec, sait pertinemment qu'on produira des BPC, puisqu'on en a parlé au cours des audiences publiques, le gouvernement fédéral, pour des raisons inconnues, a préféré ne pas s'en mêler.
Le sénateur Hays: À mon avis, ce projet de loi permettrait au gouvernement fédéral d'intervenir si les dispositions sont incluses dans les articles 80 et 81. Ainsi, le gouvernement fédéral pourrait agir. Les dispositions prévoyant la participation du public pourraient être utiles si on a un argument solide à faire valoir -- ce qui semble être le cas -- si l'on peut prouver que l'usine produira des dioxines ou des furannes ou d'autres produits chimiques, tels que ceux que vous avez mentionnés. Ces produits pourraient alors tombe sous le coup de cette loi et de ses dispositions d'interdiction.
M. Green: Ce ne sont pas des dispositions d'interdiction. Les dispositions s'appliquent seulement si on ne peut pas mesurer les émissions à l'aide des technologies existantes. La question à trancher est la suivante: selon les règles établies par le gouvernement du Québec Noranda a la responsabilité de surveiller ses propres émissions en utilisant des laboratoires accrédités. La société n'est pas obligée de faire faire des contrôles indépendants. Le gouvernement ne va s'en charger. J'ignore ce qu'Environnement Canada compte faire.
Le sénateur Hays: Le gouvernement du Québec ne le ferait peut-être pas, mais le gouvernement du Canada pourrait le faire.
M. Green: Rien ne nous dit pour l'instant qu'Environnement Canada s'est engagé à surveiller le projet de Noranda.
Le sénateur Hays: Je pense que c'est probablement que c'est parce que le ministère ne peut pas mettre un terme au projet. Il se pourrait fort bien que le ministère ne veuille pas mettre un terme au projet. J'ajouterais qu'à mon avis, vous auriez plus de moyens de régler le problème en vertu de cette nouvelle mesure qu'en vertu de la loi actuelle.
M. Green: J'espère que l'interprétation du sénateur Ghitter est la bonne, c'est-à-dire que si une substance fait partie d'une liste de substances interdites, on ne peut pas présenter comme argument qu'il s'agit d'impuretés ou de sous-produits de réaction chimique. J'espère que vous avez raison.
Lorsque j'ai lu la disposition en question, il m'a semblé que Noranda pourrait l'utiliser pour dire qu'il ne s'agissait pas d'une substance produite de propos délibéré et qu'il fallait donc lui donner une chance. J'espère que vous avez raison que j'ai tort. Nous verrons.
Le président: Il y a autre chose, cependant. Je ne pense pas que ce projet de loi vous aidera. Il est probablement préférable qu'on garde la loi actuelle. Il n'en reste pas moins qu'étant donné la façon dont on a dilué la disposition contenue au paragraphe 65(3), le gouvernement se préoccupera seulement de la limite de dosage d'une substance. Même si une substance est toxique, même si elle doit faire l'objet d'une quasi-élimination, en vertu de cet article, on ne s'occupera plus de son élimination, mais plutôt de la quantité de cette substance qui peut être rejetée dans l'environnement par elle-même ou combinée à d'autres substances.
M. Green: Il s'agit d'une substance interdite.
Le président: Alors c'est très différent.
M. Green: Ce qui fait encore plus mal, c'est le fait que les BPC sont une substance interdite.
Le président: C'est justement ce que le comité de la Chambre des communes a essayé de résoudre en apportant un amendement qui a disparu pendant le processus de dilution de cette mesure.
Le sénateur Hays: Dans la version qui est ressortie du comité de la Chambre, les dispositions de l'article prévoyaient également un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'élimination graduelle. Le paragraphe 65(3) prévoit des mesures à prendre. En disant que les ministres peuvent prendre des mesures, on leur donne ainsi beaucoup de latitude et de flexibilité s'ils veulent en faire usage. Même si un tel libellé peut paraître plus ferme, de l'avis de certains, il ne ferme pas la porte parce qu'il accorde aux ministres la possibilité de prendre des mesures pour obtenir la quasi-élimination d'une substance.
M. Green: Si vous me permettez d'ajouter un mot, je dirai qu'entre le rapport du comité et la version du projet de loi que la Chambre des communes vous a renvoyée, on a ajouté dans tout l'article 77, ces renvois au paragraphe 65(3). On a ainsi dilué le tout.
Le sénateur Hays: J'en suis conscient, mais je signale également que même dans le libellé du projet de loi après l'étape de l'étude au comité de la Chambre, il restait une possibilité pour le ministre d'user de pouvoir discrétionnaire.
[Français]
Le sénateur Nolin: Aviez-vous déjà amorcé des entretiens avec le ministre fédéral responsable ou son prédécesseur au sujet du projet d'Asbestos?
M. Green: Effectivement, un représentant de la coalition a écrit à M. Charles L. Caccia, qui a écrit à la ministre, Mme Stewart, qui a donné suite à cette correspondance par la suite.
Le sénateur Nolin: À quand date remonte cette correspondance?
Mme Anfousse: À peu près au début de la construction de l'usine. En fait, au mois de mai 1998.
Le sénateur Nolin: Quelle réponse avec-vous reçue?
Mme Anfousse: Mme Stewart nous a répondu qu'il s'agissait de substances numéro un, que le Québec avait fait ce qu'il pouvait à ce sujet et que cela devrait être correct. Elle a ajouté que le gouvernement fédéral apporterait son aide en ce qui concerne le contrôle de ces substances s'il y avait lieu.
Le sénateur Nolin: Est-ce que cette lettre a été rendue publique?
Mme Anfousse: Une copie conforme a été envoyée à M. Caccia. Celui-ci, en réponse, a prié Mme Stewart d'aller directement à la source du problème et de demander l'élimination virtuelle au lieu d'établir simplement des contrôles.
Le sénateur Nolin: Tout cela pourrait se faire dans le cadre de la loi actuelle, l'ancienne LCPE?
M. Green: En ce qui concerne les BPC, oui, sans aucun doute. Ce qui est intéressant, c'est qu'en contrôlant un organochloré, on pourrait contrôler tous les autres comme la chlorobenzène et la dioxine furanne, parce que ces produits sont issus de la même réaction. Malheureusement, depuis ce temps, il ne s'est toujours rien passé.
Cela est très embarrassant pour le Canada à Genève, d'autant plus que le président du comité de négociation est John Buccini, d'Environnement Canada. Le connaissant depuis 15 ans, je le plains d'être obligé de se présenter devant un forum international pour représenter son pays tout en sachant qu'une des plus grandes multinationales canadiennes, Noranda, va produire quatre des douze substances que les pays à travers le monde sont en train de bannir. En plus, il ne s'agit pas d'une vieille usine, mais d'une usine flambant neuve. Il y a une contradiction fondamentale.
Mme Anfousse: Nous n'avons pas idée de la teneur de ce qu'ils vont capter, mais nous connaissons la quantité approximative qui sera mise dans un bassin à ciel ouvert équivalant à 27 terrains de football. Le gouvernement autorise 80 grammes de dioxine pour les deux premières années. Des commissaires du BAPE, quatre ou cinq, nous ont mentionné qu'il y avait de grandes chances que cela s'évapore.
Le sénateur Nolin: Pourriez-vous nous expliquer ce qu'est le BAPE?
Mme Anfousse: Il s'agit du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.
M. Green: Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement est l'entité québécoise qui, à la demande du ministre provincial de l'Environnement, doit faire une étude environnementale publique avant l'autorisation d'un projet de loi. Le BAPE émet des recommandations au Cabinet, et le Cabinet émet le décret.
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs les sénateurs, nous devons continuer. On nous a présenté un exemple qu'il est très important pour nous d'examiner. Je vous remercie tous deux d'avoir comparu devant le comité cet après-midi. Je vous souhaite bonne chance.
M. Don Wedge, vice-président, Groupe environnemental STOP: Monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs, George Hébert, président de STOP, vient d'arriver. Je suis accompagné également de Bruce Walker, directeur de la recherche, et de Maureen Lafrenière, membre du conseil d'administration et une personne qui s'occupe de l'inventaire, dans le monde de l'environnement. Elle travaille comme spécialiste de l'environnement à la ville de Westmount et elle a réussi à faire mettre en oeuvre à Westmount une interdiction des pesticides. Elle est venue nous appuyer aujourd'hui et pourra répondre à vos questions dans ce domaine si vous en avez.
Le président: Parlez-nous de votre organisation, s'il vous plaît.
M. Wedge: STOP a été constitué il y a une trentaine d'années. Il s'agit d'un mouvement environnemental populaire. Nous sommes tous bénévoles. Nos ressources financières proviennent principalement des contributions des citoyens. Nous tirons très peu de revenus d'autres sources, bien que nous recevions parfois un peu d'aide gouvernementale, et c'est à peu près tout. Nous sommes très actifs au niveau local. Nous sommes probablement le groupe environnemental le plus actif au niveau municipal, mais nous agissons aussi au niveau provincial et au niveau fédéral. M. Walker en particulier participe à de nombreux groupes de travail multipartites sur plusieurs questions, en particulier la pollution atmosphérique. Nous nous spécialisons dans les questions liées à l'environnement urbain.
Ces derniers temps, en particulier depuis l'avènement de l'ALENA et de ses répercussions sur le plan environnemental, nous sommes intervenus au sujet de questions qui touchent les trois pays signataires.
Nous avons été renversés par ce qui est arrivé au projet de loi C-32, en particulier en mai et par le vote final à la Chambre des communes le 1er juin. Depuis, nous sommes fort préoccupés par le projet de loi. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté d'entendre notre point de vue.
M. Georges Hébert, président, Groupe environnemental STOP: Mesdames et messieurs les sénateurs, notre mémoire est d'une nature assez générale. Nous avons essayé de faire des recommandations spécifiques, mais comme on nous a imposé une limite de 10 pages, nous nous sommes rendu compte que c'était ridicule d'essayer de le faire. En outre, nous n'avons franchement pas les ressources nécessaires pour examiner toutes les questions séparément.
Nous espérons que le Sénat voudra redorer son blason, comme on dit en français, en intervenant au sujet de cette mesure législative. Il n'y a aucun autre cas -- sauf peut-être celui de la Loi sur le divorce, où le Sénat est intervenu pour protéger les enfants -- où autant de gens risquent d'être touchés, alors qu'ils ne sont simplement pas représentés. C'est une rare occasion où le Sénat est en mesure de jouer un rôle simplement parce que la Chambre des communes ne représente pas les générations futures qui subiront les effets de cette mesure. La Chambre des communes représente seulement la population actuelle. Le Sénat est donc mieux placé pour prendre position. Vous ressentez peut-être une réticence normale parce que vous n'êtes pas élus, mais c'est une occasion où il faut surmonter cette réticence.
Comme mon ami M. Wedge l'a mentionné, nous n'étions pas précisément ravis d'entendre parler des changements apportés au projet de loi C-32 après que le comité de la Chambre en eut terminé l'étude. Nous avons appris dans le mémoire de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques (ACEPC) que le projet de loi, tel que proposé au départ, était le fruit de plusieurs années de négociations et de débats et qu'il avait fait l'objet subséquemment d'une entente avec entre autres avec les gouvernements provinciaux. Je n'ai jamais vu un tel accord. Je ne sais pas qui a participé à ces négociations. J'ignore où se trouve cet accord. S'il existe un texte écrit, il devrait être remis au comité.
Nous trouvons également fort déplorable qu'après des mois et des mois de séances de comité où des représentants de l'industrie, des groupes environnementaux et du grand public ont participé à chaque étape, que le vent ait soudain tourné, après ce qui était essentiellement des communications privées avec des représentants du gouvernement, et que les intérêts privés prévalent. Le mémoire de l'ACFPC stipule que cet organisme a recommandé au gouvernement de rectifier le tir et que le gouvernement y a consenti.
Ce projet de loi est la mesure législative qui concerne le plus l'intérêt public. Il concerne tous les résidents du pays et même les personnes qui ne sont pas encore nées. Et pourtant, par suite de communications privées avec des représentants du gouvernement, on a «rectifié» le tir dans le projet de loi.
Une expression revient continuellement quand on parle de cette mesure législative et c'est le «développement durable». C'est là que l'on trouve un point important de divergences entre les groupes environnementaux et l'industrie. Que signifie cette expression? Que fait-on, une fois qu'on a décidé de sa signification?
Dans son libellé actuel, le projet de loi parle de développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs. Cette définition émane directement du rapport de la commission Brundtland. Selon nous, cette mesure législative met présentement l'accent sur les besoins du présent, plutôt que sur les besoins à long terme. Nous demandons que cette auguste assemblée examine la situation à long terme, afin de représenter les personnes qui ne sont pas représentées à la Chambre des communes.
De fait, l'ACFPC a également déclaré dans son mémoire qu'en déposant le projet de loi C-32, le gouvernement a insisté sur le fait que celui-ci reflétait bien l'objectif de développement durable, en garantissant une bonne protection environnementale sans nuire à la croissance économique ni au bien-être des citoyens. À notre avis, c'est là que rien ne va plus.
Nous croyons que le gouvernement et l'industrie voient simplement les choses à l'envers. Au lieu de mettre l'accent sur la capacité des futures générations de répondre à leurs besoins, on vise les objectifs plus séduisants dans l'immédiat que sont la croissance économique et le bien-être des citoyens, marqués par la volonté d'améliorer les statistiques sur les revenus et les chiffres du PIB. Essentiellement, il est question ici d'accepter un degré de protection environnementale compatible avec la croissance économique, alors qu'à notre avis, l'expression «développement durable» signifie l'inverse -- soit la croissance économique en autant qu'elle soit compatible avec la protection de l'environnement.
Il faudrait inverser tout cela. Dans toute la mesure législative, les présomptions sont faites en faveur de la fabrication et de l'utilisation continues des substances. Des mesures procédurales de protection favorisent également la fabrication et l'utilisation continues, et il en va de même du fardeau de la preuve. C'est censé être la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Pourquoi l'environnement vient-il en second lieu? À notre avis, c'est une erreur.
Une autre expression qui revient souvent dans les discussions est celle de «l'efficacité par rapport au coût» ou des «mesures effectives». Cette expression a été ajoutée après les audiences en comité, au principe de la prudence à l'alinéa 2(1)a) du projet de loi. Que signifie cette expression? Elle n'est pas définie. Personne ne sait exactement ce qu'elle signifie. Et pourtant, quelqu'un veut faire inclure cette expression pour limiter la capacité de prendre des décisions rapidement. Il faut du temps pour déterminer si une mesure est efficace par rapport au coût.
La principale question est de savoir de quel coût il s'agit. Les représentants de l'industrie peuvent soutenir que si on les force à apporter des changements, ces mesures entraîneront des coûts pour eux. Qu'en est-il des coûts assumés par l'autre partie? Dans le monde de l'environnement, nous qualifions le problème d'externalité. Certaines questions ne sont pas intégrées ni prise en compte; elles sont simplement enlevées de l'équation.
À propos de ces externalités, l'actuel vice-président des États-Unis, Al Gore, a écrit dans le journal The Guardian, un article repris dans la Montreal Gazette du 3 octobre 1992:
Si nous nous contentons de mesurer la valeur de nos activités tout en ignorons systématiquement leurs effets pervers importants, l'avenir continuera à nous réserver de mauvaises surprises...
Les économistes prétendent souvent que les aspects négatifs qu'ils préfèrent oublier, alors qu'ils mesurent les côtés positifs, seraient trop difficiles à intégrer dans leurs calculs. Par conséquent, étant donné que les efforts en vue de tenir compte des aspects négatifs compliqueraient l'évaluation des bons côtés, on les définit simplement comme des facteurs externes au processus, appelés externalités.
[...] dans son état actuel, la science économique trace arbitrairement un cercle de valorisation autour des éléments de notre civilisation que nous avons décidé de comptabiliser et de mesurer. On constate alors qu'une des façons les plus faciles d'accroître artificiellement la valeur des éléments à l'intérieur du cercle consiste à le faire au détriment des aspects demeurés en dehors du cercle.
Le mémoire de l'ACFPC en fournit un bon exemple. Les représentants de l'Association disent qu'ils vont fabriquer une variété de produits. Ils nous assurent ensuite que tant qu'une substance se trouvera dans leur entreprise, elle ne sera rejetée nulle part. Ils connaissent le potentiel de telle substance. Ils s'assureront que leurs employés n'en souffriront pas. Ils s'assureront qu'il n'y aura pas de fuite à leurs installations. Ils s'assureront qu'il n'y aura pas de fuite pendant le transport, mais après cela, ils disent: «Débrouillez-vous, madame.» Cela devient une externalité. C'est votre problème, c'est notre problème, c'est le problème de tout le monde, mais ce n'est plus leur problème. La substance peut s'évaporer, se condenser, revenir; on l'utilise en Argentine et elle se retrouve sur le mont McKinley.
Une fois la substance partie, tant pis. Ce n'est pas notre problème, c'est une externalité. Ce n'est pas inclus dans les coûts. Or la comptabilité analytique complète tiendrait compte de tout cela, mais en 1995, le gouvernement a dit dans son propre «Guide de l'écogouvernement»:
Il est peut-être possible, dans certains secteurs d'activité, de déterminer et de soupeser objectivement les coûts de l'action par rapport aux coûts de l'inaction. Cependant, les questions relatives au développement durable nécessitent l'insertion, dans l'équation, des valeurs sociales et écologiques. Comme ces valeurs ne font jamais, ou si rarement, l'objet d'échanges sur le marché, il n'est guère possible actuellement de les traduire en termes monétaires.
C'est encore le cas. Il n'y a pratiquement aucune méthode pour comptabiliser toutes les externalités environnementales, quand on pratique une comptabilité analytique. En ce qui concerne la question de l'efficacité par rapport aux coûts, ce serait merveilleux si cela signifiait qu'on pratique une comptabilité analytique complète où l'on tient compte de toutes les externalités, de sorte que lorsque les entreprises disent que ça leur coûtera tant, les autres pourront dire que d'autre part il en coûtera tant. De cette façon, nous pourrions envisager la situation dans sa totalité en tenant compte des deux points de vue. Personne ne sait encore comment le faire. Cela ne se fait nulle part.
Après que des substances qui ont servi dans le commerce ou dans l'industrie ont été utilisées par un consommateur, où vont-elles? Dans les égouts? Dans l'air? Dans l'eau? Dans le sol? Qu'advient-il d'elles? Elles disparaissent simplement, du moins on le pensait autrefois. Tout le monde sait maintenant qu'elles ne «disparaissent pas».
Le problème vient du fait qu'une fois qu'une substance se trouve dans l'environnement parce qu'un consommateur moyen utilise un produit, il n'y a pas de pollueur qui paie. Il n'y a personne qui est censé s'occuper de la substance et qu'on peut poursuivre et tenir responsable. La substance devient simplement le problème de tout le monde.
Elle se retrouve à l'embouchure du Mississippi où des millions d'Américains déversent tous leurs déchets. On se retrouve avec une immense zone morte à l'embouchure du Mississippi. On retrouve toutes sortes de substances qui se sont évaporées et se sont condensées dans les régions arctiques et les lacs glaciaires.
C'est la raison pour laquelle, je le mentionne en passant, nous soutenons que notre pays doit prendre l'initiative sur la scène internationale. Je suis certainement très sensible à ce que Daniel Green a dit au sujet de l'embarras que cause Magnola. Nous devrions prendre l'initiative parce que nous sommes particulièrement sensibles à ce phénomène de l'évaporation et de la condensation, étant donné notre climat froid. Toutes ces belles substances venant de toutes les régions du monde se retrouvent dans notre cour. Si le Canada ne prend pas l'initiative, les pays tropicaux ne seront pas disposés à le faire. Ils n'affrontent pas le même problème que nous.
De même, en ce qui concerne le problème de l'efficacité par rapport aux coûts, il y a une question de risques. Les deux vont plus ou moins de pair. Nous sommes particulièrement préoccupés par les substances toxiques biocumulatives rémanentes qui peuvent s'évaporer, se condenser et revenir dans l'eau, dans l'air, dans le sol et enfin dans nos organismes. Je suis mal à l'aise quand je pense que j'accumule de telles substances et que mes enfants en accumuleront également, ainsi que leurs propres enfants probablement.
J'espère sincèrement que vous, mesdames et messieurs, êtes aussi mal à l'aise que moi face à cette idée. J'ignore combien d'entre vous avez des enfants et des petits-enfants, mais c'est probablement la grande majorité d'entre vous. Je n'aimerais pas penser que ces substances pourraient s'accumuler dans leurs organismes. C'est un héritage empoisonné.
Selon nous, il faut simplement rejeter cette mesure. Nous estimons que l'environnement vient en second lieu dans ce projet de loi et qu'il ne devrait pas en être ainsi. Par conséquent, ce projet de loi ne mérite pas le titre de Loi canadienne sur la protection de l'environnement et votre assemblée est en mesure de dire, comme un juge qui entend presque tous les témoignages dans une affaire, sinon tous: «Vous savez, mesdames et messieurs, j'ai entendu les témoignages et je suis porté à croire, fondé sur ces connaissances, que vous devriez retourner dans le corridor et voir si vous ne pourriez pas régler tout cela.»
J'estime que c'est ce que le Sénat pourrait faire. Renvoyer tout le monde dans le corridor pour régler tout cela. Je soutiens humblement qu'il ne faudrait probablement pas encore cinq ans pour qu'il revienne.
M. Bruce Walker, Directeur de la recherche, Groupe environnemental STOP: Les membres du comité ne savent peut-être pas que George Hébert, président de STOP, est dans la vie de tous les jours un avocat de l'aide juridique. Comme il vient de le laisser entendre, nous estimons que le projet de loi C-32 a besoin d'une bonne aide juridique très rapidement.
Ce n'est pas la première fois que nous intervenons au sujet de cette loi. Je me souviens d'avoir témoigné devant un comité de la Chambre des communes en 1987. L'une de nos suggestions a été incorporée dans la loi actuelle. Il s'agit de l'article 139, qui exige un examen parlementaire de la loi. Je suppose que STOP peut s'attribuer le mérite ou le blâme de toutes ces péripéties qui se sont déroulées dans cette ville ces dernières années.
J'ai quelques remarques à faire au sujet de l'efficacité par rapport aux coûts. En gros, ce que nous disons, c'est qu'il faudrait supprimer du projet de loi tous les passages où il est question d'efficacité par rapport aux coûts. Je vais vous expliquer pourquoi.
Comme l'a dit M. Wedge, je représente l'organisation STOP auprès de nombreux comités multipartites dont plusieurs ont une envergure nationale et sont présidés ou coprésidés par Environnement Canada. Je participe même à un comité multipartite présidé par Environnement Canada et l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. Je dois avoir une réunion ici dans deux semaines. La plupart de ces comités examinent diverses démarches concernant la lutte contre la pollution de l'air, les méthodes basées sur la réglementation ou volontaires, les échanges de droits d'émission, etc.
L'efficacité par rapport aux coûts est une mesure que l'on utilise pour déterminer si l'on doit suivre une démarche particulière. Pour me faire l'avocat du diable un instant, je dirais qu'une définition communément acceptée, même si elle ne l'est pas universellement, de cette notion d'efficacité par rapport aux coûts, consiste à dire qu'il s'agit du montant en dollars que représente la suppression d'une tonne de polluants. Quand on parle de polluants dégagés par les tuyaux d'échappement des automobiles ou d'oxydes nitreux ou d'anhydrides sulfureux provenant des usines ou des stations municipales d'épuration des eaux d'égouts, on se réfère au coût par tonne de polluants éliminés. Je connais une quarantaine ou une cinquantaine d'exemples de propositions de réglementations et de contrôles imposées au niveau provincial et au niveau fédéral au Canada, à commencer par le premier règlement adopté par Environnement Canada en 1973, et qui portait sur le phosphore dans les détergents à lessive.
Les représentants de l'industrie ont toujours estimé que le coût de l'élimination d'une tonne de polluants était plus élevé que ne le pensaient les économistes et les ingénieurs du gouvernement. Les uns et les autres n'ont jamais pu s'entendre sur les chiffres, même s'ils étaient d'accord sur la démarche. Les représentants de l'industrie aboutissent toujours à des chiffres plus élevés que ceux des experts du gouvernement ou de tierces parties indépendantes. Il s'agit uniquement du coût de l'élimination directe dans le secteur concerné, qu'il s'agisse de l'industrie automobile, des raffineries de pétrole ou des usines de magnésium.
La notion d'efficacité par rapport aux coûts est fortement liée à la notion de valeur. Même si l'on est d'accord sur un chiffre -- pour dire par exemple qu'il en coûte 1 000 $ pour éliminer une tonne de polluants dans un domaine technologique particulier -- qui peut dire si cette opération est rentable ou non? En fait, c'est un jugement de valeur. Dans la ville où nous nous trouvons, un jugement de valeur, c'est en fait une décision politique. Souhaitez-vous inscrire cela dans la loi?
Passons. Cette notion d'efficacité par rapport aux coûts est déjà exigée pour tous les règlements en matière d'environnement proposés par le gouvernement du Canada dans le cadre des directives du Conseil du Trésor. Pour chaque initiative de réglementation d'Environnement Canada ou de Santé Canada, et cetera, le ministère concerné doit prendre en compte cette notion. Il doit évaluer les retombées micro et macroéconomiques, les questions de déplacement des travailleurs, et cetera. Naturellement, quand ces règlements sont examinés au niveau du BCP, on étudie l'efficacité par rapport aux coûts. On s'appuie pour cela sur les exigences bureaucratiques en vertu desquelles on propose et on adopte des règlements. L'efficacité par rapport aux coûts est l'une de ces multiples exigences. Elle ne s'inscrit nulle part dans ce qui est censé être une loi de protection de l'environnement.
Nous irions jusqu'à dire que les dispositions concernant l'efficacité par rapport aux coûts que l'on trouve dans le projet de loi actuel sont des mesures que le président américain Ronald Reagan, qui comme on le sait était plutôt hostile aux écologistes, aurait été ravi de ratifier dans une loi. Est-ce là l'héritage que nous souhaitons laisser aux générations futures de Canadiens?
Enfin, il faut franchir des obstacles invraisemblables et complexes si l'on veut enrayer, et mieux encore interdire toute forme de substances toxiques biocumulatives rémanentes au cours du prochain millénaire. Il ne nous semble pas que l'on ait bien réussi.
Dans d'autres domaines législatifs concernant l'environnement, le Canada a fait nettement mieux. Si l'on prend par exemple la Loi sur les pêcheries de 1970 (SRC 1970, c, F-14), et plus précisément l'article 33 intitulé: «Détérioration des pêcheries et pollution des eaux», on constate au paragraphe 2:
qu'il est interdit d'immerger ou d'autoriser l'immersion de substances nocives dans des eaux où vivent des poissons...
En résumé, monsieur le président, avec le projet de loi C-32 formulé comme il l'est actuellement, les poissons sont mieux protégés que les personnes humaines pour ce qui est de la protection de l'environnement au Canada.
Le sénateur Taylor: Nous avons entendu parler de l'amiante à la nouvelle raffinerie de magnésium de Noranda. Votre organisation a-t-elle étudié la question et est-elle intervenue à ce sujet ou a-t-elle examiné les communiqués?
M. Walker: En un mot, sénateur, non. Nous n'avons pas participé à ces audiences d'évaluation environnementale.
Le sénateur Hays: Je voudrais m'assurer que votre citation du paragraphe 33(2) de la Loi des pêcheries de 1970 est exacte. Je devrais peut-être relire tout le paragraphe:
Il est interdit à quiconque d'immerger ou d'autoriser l'immersion de substances nocives dans des eaux où vivent des poissons ou en quelque autre lieu si le risque existe que la substance nocive en cause, ou toute autre substance nocive provenant de son rejet, pénètre dans ces eaux.
C'est bien cet article?
M. Walker: C'est exact.
Le sénateur Hays: Ce n'est pas si simple que quand on en lit seulement un passage.
Monsieur Hébert, au sujet des facteurs externes dont vous parlez, il existe dans le projet de loi des dispositions permettant d'énumérer les substances nocives et de les traiter par ordre d'importance, que ce soit au niveau du fabricant ou à d'autres niveaux.
Je cherchais dans le projet de loi ce qui se passait dans le cas des exportations. Je n'y retrouve pas le passage, mais je crois que le projet de loi prévoit l'exportation des substances une fois qu'elles sont non problématiques. J'aimerais avoir votre sentiment à ce sujet.
Si une substance figure sur une des listes, quelqu'un doit être responsable de vérifier qu'elle n'est pas relâchée dans l'environnement si c'est interdit, même si le fabricant a transmis le contrôle de cette substance à quelqu'un d'autre, non?
M. Hébert: Dans le cadre du projet de loi ou de la loi actuelle?
Le sénateur Hays: L'un ou l'autre, en fait. Je vous demande simplement de me le préciser ou de développer ce point. Il me semble que le fabricant d'une substance -- en vertu d'une directive interne ou imposée, peu importe -- est responsable du devenir de cette substance. Si elle figure sur la liste des substances d'intérêt prioritaire, le fabricant a pratiquement la responsabilité de son élimination. Les substances toxiques sont régies par la loi actuelle et seront régies par le projet de loi.
Vous laissez entendre qu'une fois qu'une substance n'est plus sous le contrôle de son fabricant, elle peut devenir n'importe quoi. Elle peut être exportée et se retrouver répandue dans l'environnement. D'après ce que je crois savoir du droit, aussi bien ici qu'au plan international, car les autres pays ont des mesures de contrôle analogues, une telle substance tombe toujours sous le coup de la loi comme c'était le cas quand elle était entre les mains de son fabricant.
Disons que je ne partage pas votre inquiétude. Je vous donne simplement l'occasion de m'expliquer que je me trompe et de me dire pourquoi.
M. Hébert: À mon avis, l'utilisation n'est pas réglementée. Le règlement s'applique jusqu'au point de vente, mais ensuite il n'y a plus de réglementation. Je me trompe peut-être, mais c'est ce que je crois comprendre.
Le sénateur Hays: Je ne connais pas suffisamment la loi et la réglementation connexe. Vous avez peut-être raison, mais cela m'étonnerait qu'une fois qu'un liquide de nettoyage à sec part de chez son fabricant, l'entreprise de nettoyage à sec n'ait plus aucune responsabilité. Si cette entreprise de nettoyage à sec remet ce liquide à une entreprise chargée de son élimination une fois qu'elle a fini de s'en servir, elle n'a plus la responsabilité de l'utiliser conformément aux bonnes pratiques environnementales.
Je voudrais qu'on me prouve que le projet de loi ou la loi existante présente un risque dans la mesure où ils autorisent la création de substances qui échapperont à tout contrôle une fois qu'elles seront sorties de chez le fabricant.
M. Hébert: Je veux dire que cela devient un facteur externe du point de vue de l'évaluation des coûts et du point de vue des risques pour le fabricant. Ce n'est plus un risque pour le fabricant une fois que la substance n'est plus en sa possession.
Le sénateur Hays: Mais pas pour celui à qui il vend cette substance.
M. Hébert: D'après moi, la loi ne s'applique plus dans ce cas.
Le sénateur Hays: Vous voulez dire qu'on peut en faire ce qu'on veut ensuite? Je ne sais pas, donc je ne peux pas affirmer que vous avez tort.
M. Hébert: Encore une fois, le mémoire du CCPA précise que l'objectif du gouvernement a toujours été de ne pas réglementer l'utilisation.
Le président: Je pense que je suis d'accord avec vous, sénateur Hays. Prenons par exemple un fabricant de batteries. Il vend ses batteries à quelqu'un qui les entrepose sur un terrain, ce terrain est contaminé et des personnes subissent un préjudice. Je ne sais pas si ces personnes vont poursuivre le fabricant de batteries. Elles vont en fait poursuivre le propriétaire du terrain. Ce terrain va être régi par toutes sortes de règlements. Mais je n'ai pas connaissance que cela aille jusqu'au fabricant de ces batteries.
Le sénateur Hays: Effectivement.
M. Hébert: Pas de problème si quelqu'un est responsable de la substance; si elle est entreposée sur votre terrain, c'est sur vous que les choses vont retomber si quelqu'un d'autre subit un préjudice. Mais que se passe-t-il quand cette substance se désintègre en minuscules particules qui se réaccumulent ensuite dans des graisses ou dans une autre substance?
Le sénateur Hays: Si c'est un BPC ou un produit biocumulatif désigné comme tel, la LCPE vous dit ce que vous pouvez et ne pouvez pas faire et vous précise vos devoirs en matière d'élimination ou de dosage.
M. Hébert: Mais dire que la procédure envisagée dans le projet de loi est un véritable mur de glace, c'est encore être bien généreux, surtout si l'on songe que le fardeau de cette procédure incombera entièrement aux gens, normalement au gouvernement, qui veulent contrôler ou éliminer la substance en question. Les obstacles, les preuves à fournir, les dépenses sont énormes. Par exemple, le ministre a deux ans pour présenter un projet de loi. Cette période de deux ans est interrompue s'il y a une consultation. Les choses traînent. Le fardeau est énorme.
Le sénateur Hays: Je vais enchaîner avec une question au sujet de ce fardeau qui repose sur le gouvernement. J'imagine que nous ne pourrons pas avoir pour l'instant de réponse précise à ma question concernant la situation au regard de la LCPE des substances qui ne sont plus chez le fabricant. Vous dites qu'il y a un risque élevé ou qu'il n'y a plus de contrôle une fois que cette substance est passée entre les mains de quelqu'un d'autre, que ce soit le fabricant, le grossiste ou quelqu'un d'autre ensuite. Je n'ai pas vraiment de réponse à cela, je vais creuser la question. C'est une bonne remarque, car si c'est vrai, je vais être plus préoccupé que je ne l'étais avant de vous entendre.
Le sénateur Taylor: J'ai une question supplémentaire à ce sujet. A l'alinéa 93(1)c), on parle de fabrication ou de transformation, comme vous venez de le dire, mais ensuite à l'alinéa d), il est question de substances qui peuvent être rejetées dans l'environnement, mais elles peuvent l'être par un détaillant ou un transporteur, et ensuite à l'alinéa f), on parle d'une substance ou d'un produit qui peut être importé, fabriqué, transformé, utilisé, mis en vente, etc. J'ai l'impression que tous ces alinéas ont pour but d'assurer le suivi de ces substances jusqu'à leur tombe, si l'on peut parler de tombe dans ce cas. Même si la substance est exportée, il y a un suivi. Avez-vous examiné cela?
Le sénateur Hays: Voilà qui est très utile, sénateur Taylor. Je pensais bien trouver quelque chose comme cela.
Le sénateur Taylor: Je posais ma question supplémentaire au témoin, pas à vous.
M. Walker: Je ne peux pas répondre à cette question particulière, sénateur, mais j'aimerais revenir à une remarque du sénateur Hays. Vous avez mentionné l'exemple de liquide utilisé pour le nettoyage à sec. M. Wedge et moi-même connaissons bien le sujet. Il s'agit en fait du perchloroéthylène, qu'on abrège souvent en «perc», et qui a été déclaré substance toxique et inscrit sur la liste des substances toxiques par le gouvernement du Canada. Le gouvernement a dit qu'il devait envisager les diverses possibilités de contrôle et a créé un certain nombre de groupes de discussion sur le processus des options stratégiques (POS). Don Wedge a représenté STOP à la table de discussion du POS pour le nettoyage à sec et j'ai représenté STOP à la table de discussion du POS pour le dégraissage, et le «perc» est utilisé dans les deux cas. En fait, ce sont à peu près les deux seuls secteurs où on l'utilise. Naturellement, le représentant de l'industrie était là, de même que les représentants d'un certain nombre de provinces et de plusieurs ministères fédéraux, notamment ceux qui représentent les intérêts des industries et des intérêts autres que ceux qui concernent l'environnement. Les rapports de ces deux tables de discussion ont été publiés il y a plus de deux ans, et si vous invitez le ministre de l'Environnement à comparaître devant votre comité, nous serions très intéressés de savoir si l'on annoncera bientôt dans la Gazette du Canada les initiatives réglementaires concernant le processus des options stratégiques en ce qui concerne le nettoyage à sec et le dégraissage.
Cela me fournit aussi l'occasion de vous donner un exemple concret de notre inquiétude au sujet de l'efficacité par rapport au coût. En matière de production de perchloroéthylène, le marché est presque entièrement contrôlé par un grand fabricant, une entreprise chimique fort connue, qui traite cette substance de manière responsable. Toutefois, s'il peut être rentable pour une petite entreprise de nettoyage à sec familiale d'opter pour un processus non toxique, ce que l'on appelle souvent le «wet cleaning», une telle chose risque en revanche d'être une très mauvaise affaire pour une entreprise chimique méga-multinationale qui ne pourrait plus continuer à vendre un produit chimique jusque-là éminemment rentable. Nous ne devrions pas nous enchaîner en exigeant dans la loi un test d'efficacité par rapport au coût.
Le sénateur Hays: Vous voulez dire qu'après avoir inscrit cette substance sur la liste des substances d'intérêt prioritaire, Environnement Canada a préparé un plan mais ne l'a jamais appliqué ou mené à son terme? C'est cela?
M. Walker: Exactement.
Le sénateur Hays: Vous parlez de quelle période?
M. Wedge: Le rapport sur le nettoyage à sec a été terminé en novembre, il y a presque trois ans. C'était un rapport consensuel pluripartite.
Le sénateur Hays: Novembre 1996?
M. Wedge: Oui.
M. Walker: Et la table de discussion du POS sur le dégraissage a terminé ses travaux quelques mois après, il y a deux ans et demi, mais à part quelques communiqués de presse du bureau du ministre de l'Environnement, car il y a effectivement eu un certain nombre de communiqués de presse depuis trois ans, il ne s'est rien passé, il n'y a pas eu la moindre entente volontaire, et encore moins de proposition de réglementation dans la Gazette du Canada.
M. Wedge: Le gouvernement du Québec a présenté un projet de loi pour sa partie de la redevance sur le liquide de nettoyage à sec, mais je pense que c'est la seule province à avoir bougé sur ce problème qui touche le pays dans sa totalité.
M. Walker: Il y a une chose de positive à dire en ce qui concerne la consultation. Les groupes d'écologistes ont été invités à participer et ont été élus ou nommés ou choisis démocratiquement dans le cadre du Réseau canadien de l'environnement. C'est le secteur de l'environnement qui a choisi ses propres délégués. Ce n'est pas le ministre qui a décidé qu'il voulait telle personne et pas telle autre. Autrement dit, les écologistes choisissent leurs propres représentants comme le font les groupes industriels.
Ces tables de discussion ont eu un rôle assez positif du point de vue de la procédure, en ce sens que quand M. Wedge ou moi-même ou un représentant du Réseau canadien de l'environnement formulions des préoccupations, elles étaient clairement exposées. Si vous prenez la peine d'examiner la masse de documents, notamment les rapports officiels qui ont été publiés, vous verrez que les divers points de vue sont clairement exposés et que dans certains cas, les environnementalistes ont des contre-propositions à opposer aux membres de la majorité. Nous avons trouvé que la procédure était complète, démocratique et représentative, mais nous n'avons pas vu le moindre signe d'activité du gouvernement.
Le sénateur Hays: C'est un exemple intéressant, et je suis content que vous l'ayez cité. Je l'ai moi-même mentionné parce que je voulais aborder la question de l'efficacité par rapport au coût. La première fois que j'ai rencontré cette notion, c'était à propos du California Air Resources Board qui régit les commissions de gestion de la qualité de l'air dans les divers bassins affectés par les problèmes d'ozone en basse altitude ou de smog. J'ai remarqué avec intérêt à l'époque où je me suis informé sur la question que le California Air Resources Board, ou CARB, n'avait pas d'outil de détermination de l'efficacité par rapport au coût pour atteindre son objectif qui était de réduire les émissions d'oxyde d'azote et de soufre ainsi que de composés organiques volatils. Par exemple, le produit que vous appelez «perc» est un aromatique qui contribue au problème de l'ozone. Je crois que cette commission a simplement décrété qu'il fallait cesser d'utiliser ce «perc» ou toute autre substance de ce genre sans se préoccuper du rapport coût-efficacité. Autrement dit, le CARB ne se préoccupait pas de savoir si cela pouvait coûter plus ou moins cher pour une petite entreprise de nettoyage à sec que pour d'autres entreprises analogues.
Si on décrète un jour à Los Angeles que désormais il n'est plus question d'utiliser cette substance, un point c'est tout -- et je crois que c'est ce qu'ils ont fait -- au moins tout le monde est sur le même plan.
La Californie a progressivement réduit la teneur en plomb de l'essence. Dans un certain nombre de secteurs, on s'est servi d'instruments économiques, soit une redevance pour la pollution ou un échange de droits d'émission ou encore des permis pour atteindre l'objectif recherché. D'un côté le bâton, et de l'autre la carotte. Je me suis dit que c'était une excellente façon de procéder. Ces gens-là avaient tout un éventail de moyens pour atteindre l'objectif qui était de réduire progressivement ou de supprimer un beau jour une substance particulière afin d'améliorer la qualité de l'air.
Avec la LCPE, l'objectif est beaucoup plus vaste puisqu'il s'agit de l'environnement tout entier. Je pense que le ministre et le gouvernement devraient pouvoir compter sur un éventail complet de carottes et de bâtons pour atteindre leur but. Le rapport coût-efficacité est un de ces instruments logiques. Il correspond aussi logiquement à la partie de la loi qui traite des instruments économiques. Expliquez-moi donc pourquoi je devrais m'inquiéter plus.
M. Walker: Comme l'a dit M. Wedge, je passe une bonne partie de mon temps dans des comités multipartites qui s'occupent du smog, surtout dans le couloir Windsor-Québec où 14 millions de Canadiens passent l'été dans le smog et la chaleur. Depuis 25 ans que nous étudions le smog et les autres aspects de la pollution de l'air en provenance de sources mobiles ou stationnaires ou de régions particulières, par exemple les entreprises de nettoyage à sec, etc., nous regardons souvent du côté des États-Unis et en particulier de la Californie.
Je voudrais apporter une précision technique, sénateur. Le South Coast Air Quality Management District, qui couvre la région du Grand Los Angeles, est un gouvernement régional chargé de gérer la qualité de l'air pour une population équivalant à la moitié de celle du Canada, c'est-à-dire presque 14 millions de personnes qui sont presque toutes occupées en permanence à conduire une automobile, malheureusement. Il est plus exact de dire que dans toutes leurs propositions de réglementation à ce niveau, au niveau de l'État, les responsables de la qualité de l'air en Californie font un calcul de rentabilité en termes de dollars par tonne d'oxyde d'azote ou de composés organiques volatils. Ce sont les deux familles de polluants qui se combinent en présence de lumière solaire pour former du smog. Certains de ces composés organiques volatils, comme vous l'avez dit, le liquide de nettoyage à sec par exemple, peuvent eux-mêmes être toxiques. Le benzène en est un autre exemple.
La Californie a mis en oeuvre un certain nombre de mesures de contrôle coûteuses. Il s'agit de toute la législation visant les fabricants d'automobiles, les raffineries, et même de petites sources qui en termes de rapport coût-efficacité représentent plus de 15 000 $ U.S. pour chaque tonne de l'un de ces polluants éliminés. Dans le contexte canadien, les responsables de la réglementation de la qualité de l'air au niveau fédéral, provincial et régional se hérissent quand STOP propose des initiatives de lutte contre le smog qui pourraient coûter de 1 000 $ à 2 000 $ par tonne, alors que ce genre d'initiatives existe déjà et a été adopté sous forme de loi pratiquement partout aux États-Unis. En fait, la Californie a récemment adopté une initiative dont le rapport coût-efficacité était de 20 000 $ par tonne, c'est-à-dire une somme assez considérable.
C'est là la définition la plus courante du rapport coût-efficacité. Je pense que certaines personnes, quand elles parlent d'efficacité par rapport au coût, parlent en fait de rapport coût-avantages; autrement dit, pour un investissement de tant de dollars, quelles sont les dépenses de santé que l'on pourra éviter et quelles sont les améliorations que l'on pourra apporter à l'environnement? Est-ce que cela doit permettre de voir les montagnes Rocheuses à l'horizon, ou est-ce que cela doit permettre de réduire les dégâts dans les récoltes du sud de l'Ontario, et cetera?
Le sénateur Hays: Quand vous dites qu'il faut laisser de côté la notion d'efficacité par rapport au coût, vous voulez dire que vous êtes contre les instruments de politique qui font entrer en ligne de compte les facteurs externes par le biais de redevances pour la pollution ou d'échanges visant à réduire les émissions?
M. Walker: Pas du tout. Nous sommes au contraire d'accord avec cela. Je représente même STOP auprès du comité de l'industrie de l'Ontario.
Le sénateur Hays: C'est tout ce que je voulais savoir.
M. Hébert: Ce que nous disons, c'est que la méthode n'est pas encore claire. On ne sait pas encore si on peut faire les choses correctement, et c'est le problème. Je disais que c'est prématuré. Si l'on comptabilisait vraiment la totalité des coûts, ce serait très bien, mais ce n'est pas le cas.
Le sénateur Hays: Les choses évoluent trop lentement pour vous. Merci.
Le sénateur Spivak: Ma question porte sur la toxicité inhérente dont vous ne parlez pas ici. Vous ne pensez pas que dans ce domaine, qui touche à l'évaluation, les choses ont aussi évolué? De nombreuses substances toxiques aux yeux de la LCPE peuvent échapper à l'évaluation du risque. C'est pourquoi le comité a inclus la notion de «toxicité inhérente». Avez-vous des réflexions sur cette question?
M. Walker: Franchement, non.
Le président: Merci beaucoup pour votre travail, votre bénévolat et tout votre apport dont nous vous sommes très reconnaissants.
Nous accueillons maintenant l'Institut canadien des produits pétroliers.
Bienvenue. Allez-y.
M. Alain Perez, président, Institut canadien des produits pétroliers: Nous sommes accompagnés d'Alan Chesworth, d'Imperial Oil, qui vous présentera le point de vue d'une compagnie membre fonctionnant dans le cadre de la LCPE actuellement et qui continuera de le faire à l'avenir. M. Harper suit la LCPE depuis ses débuts et se fera un plaisir de répondre à vos questions.
Honorables sénateurs, nous sommes heureux de comparaître à nouveau devant votre comité. Au nom l'ICPP, je vous ai communiqué un bref mémoire sur notre position. Nous sommes une industrie en aval, c'est-à-dire que nous distribuons, raffinons et commercialisons des produits pétroliers destinés au transport et à l'industrie. Nos membres sont extrêmement soucieux de la protection de l'environnement. Nous avons joint à notre mémoire un exemplaire du deuxième bilan annuel de notre performance environnementale. Nous sommes sur le point de publier le troisième.
Ces nouveaux rapports montrent que nous améliorons constamment la gestion de nos problèmes environnementaux et la qualité environnementale de nos produits.
Nous pensons que l'industrie peut collaborer avec le gouvernement pour permettre aux Canadiens d'avoir un projet de loi C-32 qui serve mieux leurs intérêts. Il me semblerait inquiétant de vouloir remanier en profondeur le projet de loi à un stade aussi avancé. Cela risquerait de faire repartir dans tous les sens un débat qui se prolonge déjà depuis longtemps et d'entraîner d'autres initiatives publiques malencontreuses.
On peut améliorer le texte. Nous soulignons dans notre mémoire les aspects qui nous semblent les plus importants. Mes collègues du groupe d'examen de la LCPE, en particulier ceux du CCPA, ont examiné de façon très précise toutes ces améliorations. Je ne veux pas entrer dans les détails, et je me contenterai de dire que la LCPE de 1988 a été une excellente loi. Notre régime, nos politiques et notre législation en matière de protection de l'environnement sont parmi les meilleurs au plan international. Grâce à cela, nous jouissons actuellement d'une meilleure qualité de l'air qu'il y a 20 ans.
Il faut surtout que la LCPE soit une loi claire, efficace et prévisible pour que nous puissions continuer à investir dans l'économie et dans l'environnement de notre pays. A cet égard, le projet de loi C-32 renforce dans de nombreux domaines les dispositions qui existaient déjà dans la LCPE. Je vais vous citer quatre exemples.
Dans le préambule et ailleurs dans le projet de loi, l'inclusion des principes de prévention de la pollution et de développement durable constitue un progrès.
M. Caccia a décrit une deuxième amélioration qui me semble importante lors des auditions de la Chambre des communes en disant que la science était le fondement essentiel d'une stratégie de protection de l'environnement, même si on a souvent tendance à l'oublier. Nous sommes parfaitement d'accord. La science est présente en de nombreux endroits du projet de loi -- dans la section 5 pour les carburants et dans la section 6 pour les émissions de moteurs de véhicules et d'engins divers. Dans le projet de loi, la technologie des carburants et des véhicules à moteur est examinée comme un ensemble. Nous estimons que le recours à des décisions fondées sur la science est une amélioration et une excellente chose sur le plan législatif.
Après avoir entendu le débat qui a précédé, je pense que la troisième amélioration est peut-être contestable pour certains, mais nous pensons que l'inclusion de la notion d'efficacité par rapport au coût pour compléter la définition du principe de prudence est une bonne chose.
Enfin, le projet de loi exige que le gouverneur en conseil s'assure que le règlement apporte une contribution importante à la prévention ou à la réduction de la pollution atmosphérique. Ensemble, les articles 140 et 141 sur les marques nationales assurent un fondement solide et équilibré de la réglementation sur la protection environnementale concernant la compatibilité des combustibles et de la technologie des véhicules.
Il est toujours possible d'améliorer le libellé. Nous avons des observations concernant des changements qui pourraient être apportés maintenant ou plus tard.
Nous recommandons que le gouvernement emploie de façon générale les mesures les moins interventionnistes possible et les plus efficaces en termes de coût dans la gestion des risques pour l'environnement et pour la santé. Par exemple, nous avons pris de nombreuses initiatives en ce qui concerne l'amélioration des combustibles et le recyclage. Nous aimerions que le projet de loi aille plus loin afin de reconnaître et de promouvoir des approches volontaires responsables en matière de protection environnementale. Le gouvernement dispose de nombreux outils comme la communication, l'information, l'éducation, les codes de pratique, les lignes directrices et l'accréditation sans qu'il soit toujours obligé de recourir à une réglementation plus lourde. Nous aimerions que ces concepts soient mieux intégrés dans la LCPE.
Je dois également mentionner la quasi-élimination. On ne compte plus les heures et les jours de débat qui ont été consacrés à cette question. La LCPE qui est proposée n'est pas conforme à la propre politique de gestion des substances toxiques du gouvernement, et elle n'est pas non plus conforme à la politique du CCPA en la matière. Ce qui est encore plus important, c'est que la définition actuelle ne semble pas pouvoir fonctionner ni être scientifique. Notre capacité de déceler, de mesurer ou de retrouver des substances devrait être le seul facteur lors de l'établissement des objectifs d'élimination et de réduction des substances toxiques ou biocumulatives émanentes dans l'environnement.
Ce n'est pas scientifique d'essayer de trouver la dernière molécule détectable. Il serait plus prudent pour le gouvernement et l'industrie d'examiner les facteurs plus importants de risque réel et d'exposition pour les Canadiens et d'utiliser ensuite des mesures de gestion du risque. Il faudrait faire une bonne analyse fondée sur le risque plutôt que de changer constamment le niveau de précision de l'évaluation.
Le manque de clarté et de facilité d'utilisation de ces articles sur la quasi-élimination sera malheureusement évident lors de l'application à court terme du projet de loi. Malheureusement, les mesures correctives se trouveront peut-être à l'extérieur du processus législatif et sans doute dans le processus judiciaire. Cependant, à ce moment-ci, à regret, nous ne recommandons pas de changements sur la quasi-élimination car le fait de rouvrir cette discussion soulèverait certainement tellement d'émotions de part et d'autre que cela nuirait au progrès du projet de loi.
J'ai plusieurs observations à faire en conclusion. J'ai abordé certaines préoccupations importantes et j'ai dit que je serais bref. J'ai mentionné que le projet de loi pourrait être amélioré, mais je tiens également à vous dire que je crains que le fait de rouvrir des articles importants du projet de loi et d'introduire toute une série de changements à ce moment-ci risque de ne pas être productif. Par conséquent, toute réflexion faite, nous recommandons l'adoption prochaine du projet de loi dans une forme qui sera proche de sa forme actuelle.
Il serait possible d'améliorer constamment la LCPE lors de l'étape de la mise en oeuvre. Comme vous savez, si quelque chose ne fonctionne pas dans le projet de loi, il est possible d'apporter des amendements en temps opportun. Il y aura un règlement ainsi que d'autres outils qui permettront de renforcer l'objectif du projet de loi.
Certains des problèmes liés à la mise en oeuvre d'initiatives environnementales plus fermes -- par exemple, un meilleur examen préalable et de meilleures procédures d'évaluation des substances toxiques -- ont déjà été corrigés en 1999. Le gouvernement a alloué plus de 100 millions de dollars à Environnement Canada afin que ce dernier augmente sa capacité de mettre en oeuvre des mesures de prévention de la pollution et d'accélérer l'évaluation et la gestion des substances toxiques. Nous avons hâte que le projet de loi soit adopté et nous sommes impatients de voir comment il va fonctionner car il offrira tout au moins un climat de prévisibilité entourant une loi très importante qui a des conséquences pour de nombreuses décisions d'investissement. Vous avez entendu parler de certaines de ces décisions.
Le défi consiste maintenant à mettre le projet de loi à l'essai sur le terrain et, forts de cette expérience, à y apporter des changements au besoin. Vous pourriez considérer cela comme une étape dans l'amélioration continue du processus de réglementation. A mon avis, c'est l'efficacité de la réglementation qui sera adoptée dans un avenir rapproché qui permettra de savoir si la LCPE est réellement efficace.
[Français]
Le sénateur Nolin: Ce matin nous avons entendu le témoignage de M. Blais, un juriste spécialisé dans la traduction anglaise et française des lois. Suite à ses propos, nous en sommes venus à la conclusion que «cost-effectiveness» avait été mal traduit en français. La dimension économique se dégageant de la version anglaise est évacuée et nous ne retrouvons que l'aspect «efficacité» dans la version française.
Dans vos remarques préléminaires, vous nous parlez de votre intérêt à avoir vu s'ajouter «cost-effectiveness». Lors de vos discussions, est-ce la version française ou anglaise qui a prévalu?
M. Perez: C'est la version anglaise.
Le sénateur Nolin: Pouvez-vous nous en donner une définition, parce que nous n'en retrouvons pas dans le projet de loi, pas plus que l'idée de ce que cela veut dire?
M. Perez: Que se passerait-il s'il n'y avait pas le qualificatif «cost-effectiveness» devant «precautionary principle»? Nous parlons ici de protection environnementale. Dans cet argument, nous mettons sur un pied d'égalité la protection de l'environnement et la protection de la santé des gens.
Imaginez un système de santé qui ne soit pas «cost-effective», où aucune contrainte budgétaire ne s'appliquerait et où la loi obligerait tous les hôpitaux à aller chasser le dernier microbe qui se trouve dans des chambres d'hôpital où des malades reposent. Nous savons par expérience que ce n'est pas le cas, qu'il y a des contraintes budgétaires dans le système de santé, que nous avons des standards extrêmement élevés et que nous n'allons pas chasser la dernière bactérie. Nous regardons toujours si nous sommes capables d'avoir les moyens et les équipements nécessaires pour le diagnostic, et caetera, et un pays riche va en avoir plus qu'un autre.
Imaginez comment ce serait s'il n'y avait pas cette notion de relation entre les conséquences de la protection de la santé ou de l'environnement. Imaginez les conséquences s'il n'y avait aucune limite sur ce que nous demandons au système de santé ou à l'industrie dans le cas de l'environnement en ce qui concerne les dépenses.
Du côté de la santé, vous connaissez la réponse. Du côté de l'environnement, s'il n'y a aucune limite, cela veut dire que les effets vont se faire sentir sur le plan de l'investissement, du travail et de l'employabilité. Donc, il faut qu'il y ait peut-être pas une barrière, mais un moyen pour le gouvernement qui, finalement, écrit les règlements.
Le gouvernement écrit les règlements sans passer devant vous, sans passer devant la Chambre des communes. Le gouvernement nous consulte. Avec tout le pouvoir qu'il a, il faut que, chaque fois qu'il prend une action menant à un règlement, il regarde quelles sont les conséquences économiques et qu'il porte un jugement qui souvent est politique sur la balance qu'ils ont atteint. C'est ma définition.
Le sénateur Nolin: Les mots «cost-effectiveness» font référence aux intrants économiques de qui? M. Blais traduisait «cost-effectiveness» en français par «rentabilité».
M. Perez: Selon moi, «cost-effectiveness» ne signifie pas rentabilité.
Le sénateur Nolin: M. Blais a examiné une série de lois canadiennes actuellement en vigueur où l'on retrouve «cost-effectiveness» dans la version anglaise et «rentable» dans la version française. Il s'agit donc de coûts et de rentabilité pour qui?
M. Perez: «Rentable» serait traduit en anglais par «profitable». Nous ne voulons pas que dans la LCPE il soit écrit que la protection de l'environnement «has to be profitable». «Cost-effectiveness» et «rentable» sont deux choses très différentes.
Le sénateur Nolin: Nous parlons alors des coûts de qui et d'«effectiveness» pour qui?
M. Perez: Les coûts pour la société. L'argent que nous dépensons se retrouve au bout d'un certain temps dans le prix de nos produits ou notre capacité à exporter. Les Canadiens les paient et c'est de l'argent qu'ils n'ont pas pour faire autre chose. C'est l'ensemble du système qui doit être «cost-effective» et cela pour la société canadienne et non pas pour la compagnie A ou B.
Pour chaque exemple, et c'est parfois difficile, nous devons trouver un ratio pour mesurer ce qui est «cost-effective». La crainte que nous avons proviendrait de l'absence de ce qualificatif, parce que cela voudrait dire qu'un règlement n'amène pas à considérer la notion de «cost-effectiveness».
[Traduction]
Le président: Sur cette question, monsieur Perez, dans votre résumé et vos conclusions, vous dites que vous accordez beaucoup d'importance à la clarté du texte législatif, à son bien-fondé scientifique et à sa pérennité. Je pense que le sénateur Nolin nous a déjà indiqué plusieurs cas où le texte législatif n'est pas clair ni durable à mon avis. Ne souhaiteriez-vous pas qu'il soit éclairci?
M. Perez: J'ai bien dit que les règlements devaient être appliqués par le gouvernement mais les règlements n'obéissent pas à un critère législatif, ne font pas l'objet d'un examen par les politiques et ne sont pas sanctionnés par un vote à la Chambre avant de vous être soumis. Un règlement est pris après consultation. Face au choc entre le principe d'efficacité financière et le principe de la prudence, je ne doute pas que nous puissions engager un débat avec les responsables gouvernementaux de la réglementation sur l'efficacité financière des mesures envisagées.
Le président: Je dois vous dire que cela m'inquiète.
M. Perez: Eh bien, s'il y avait un régime...
Le président: C'est loin d'être transparent.
M. Perez: Je souhaiterais que tous les règlements soient des dispositions législatives car ainsi il y en aurait moins. Toutefois, les règlements ont leur importance.
Dans mon secteur industriel, nous avons connu de mauvaises expériences à cause de la réglementation mais en règle générale, le processus est assez ouvert et nous pouvons exprimer notre point de vue. D'habitude, dans notre pays, les gens sont raisonnables. C'est aussi une question de confiance.
Si nous n'avions pas l'efficacité par rapport au coût, toutes les cliniques locales auraient leur propre appareil d'examen IRM et leur propre scanner payés par le gouvernement car on peut prétendre que ces appareils peuvent toujours être utiles.
Faire une analogie avec le secteur de la santé m'aide quand il s'agit de l'environnement. En l'absence d'une définition autre que la définition du dictionnaire, la discussion est centrée sur les conséquences d'un règlement d'un point de vue économique et du point de vue de son incidence sur la société.
Le président: Monsieur Perez, lors du débat sur le MMT, quelle aurait été votre position si le gouvernement avait eu le pouvoir d'interdire le MMT par règlement et non par une disposition législative?
Le sénateur Nolin: En se fondant sur des connaissances scientifiques ou non?
M. Perez: De toute façon, comme c'est chose du passé, une interdiction aurait été imposée par règlement, par texte législatif ou grâce à une baguette magique de toute façon.
En fait, en matière d'additifs, les dispositions de la nouvelle LCPE pourraient réglementer le MMT et l'interdire. L'efficacité par rapport au coût n'interviendrait pas car l'interdiction de toute substance qui cause du tort aux voitures est financièrement efficace. Cela est sûr. Toutefois, désormais, il faudra démontrer qu'une substance contribue de façon substantielle à la pollution atmosphérique ou cause du tort à la santé des Canadiens, avant de pouvoir l'interdire, ce qui est l'objet du débat actuel. Si ces arguments étaient présentés, aucun règlement ne serait nécessaire, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises. On cesserait d'utiliser la substance à la première occasion. Toutefois, la nouvelle LCPE peut interdire le MMT.
Le président: Mais le MMT aurait pu être interdit en vertu des anciennes dispositions législatives si le ministère de la Santé avait établi que le MMT causait du tort à la santé publique, n'est-ce pas?
M. Perez: Absolument.
Le président: La loi n'apporte rien de nouveau.
M. Alan Chesworth, directeur, Environnement, santé et sécurité, Compagnie pétrolière Impériale Ltée, Institut canadien des produits pétroliers: S'il existait une preuve manifeste qu'une substance cause du tort à la santé, nous n'aurions pas eu besoin de règlements. Nous aurions encouragé le gouvernement toutefois à prendre des règlements car quand il s'agit de la vente d'un produit quelconque, nous aimons pouvoir compter sur des chances égales. Je peux vous garantir que s'il existe une preuve manifeste que certains de nos produits ont des conséquences nocives pour la santé, une société comme l'Imperial Oil retirera la substance dangereuse de ses produits. Toutefois, nous demanderions quand même au gouvernement de réglementer, et je pense que nos concurrents feraient preuve du même sens des responsabilités et adopteraient la même position.
Le président: Seulement si tout le monde vous emboîtait le pas. Le feriez-vous si les autres n'en faisaient pas autant?
M. Chesworth: Si nous pensions qu'il y aurait des conséquences pour la santé, nous le ferions.
Le président: Étiez-vous là au moment du témoignage des Québécois qui vivent près de l'usine de Noranda? Les avez-vous entendus?
M. Chesworth: Nous sommes arrivés au milieu de leur témoignage. Je ne pouvais pas suivre la conversation et je préfère donc ne pas formuler de commentaires à ce sujet.
Le sénateur Spivak: Très tôt dans les témoignages, nous avons appris que tous les règlements seraient examinés en fonction du rapport coût-efficacité. On prévoit aussi d'examiner des facteurs économiques, de même que des facteurs sociaux et techniques. Toutefois, «cost-effectiveness» ce n'est pas la même chose que «cost benefit». Or, on a utilisé un mot différent en français et par conséquent, pour l'administration de la loi, les poursuites sont possibles. Pourquoi voudriez-vous cela? Vous avez déjà tellement de protection en vertu de cette loi, lorsqu'il s'agit des facteurs économiques. Pourquoi voulez-vous cela, dans la loi?
Nous avons discuté plus tôt du principe de la prudence. Il me semble que le simple fait de vouloir être prudent signifie qu'on ne doit pas prendre en compte l'efficacité des mesures par rapport au coût.
Là où je veux en venir, c'est qu'à mon avis, vous prenez des risques en laissant cela dans le projet de loi, et vous ne risquez rien si l'on ne considère pas constamment les facteurs économiques. On en parle en maints endroits dans le projet de loi, et vous pourriez vous en mordre les doigts. C'est mon point de vue.
M. Perez: Je vais laisser mon collègue répondre à ces questions, mais j'aimerais respectueusement rappeler au comité que le principe de la prudence a été cité des centaines de fois par deux ministres de l'Environnement pour interdire le MMT, et on pourrait en abuser à l'avenir comme on en a abusé jusqu'ici.
Ainsi, dans le débat sur l'environnement, des expressions comme «principe de la prudence», «développement durable» et beaucoup d'autres peuvent être interprétées de diverses façons. On peut leur donner le sens qu'on veut, il faut donc le préciser.
Le sénateur Spivak: Je pense que vous êtes d'accord avec moi. Il faut s'assurer de bien définir ce qu'on met dans le projet de loi, et que le sens soit le même en français comme en anglais.
M. Chesworth: Je ne peux régler la question de l'anglais et du français, mais je crois qu'il est important pour nous, de l'industrie pétrolière, comme pour de nombreuses industries, que le principe de la prudence ait été clairement défini dans la Déclaration de Rio. Nous voulions nous assurer que les lois canadiennes respecteraient cette définition acceptée internationalement. C'était un élément clé, le principe de la prudence était cité dans la loi mais ne coïncidait pas avec cette définition largement acceptée.
Le sénateur Spivak: Bien d'autres conventions internationales donnaient des obligations juridiques au Canada. Ce n'est pas le cas de la Déclaration de Rio. La Convention sur la biodiversité, par exemple, ne parle pas de rapport coût-efficacité. On examine actuellement des traités où il n'en est pas non plus fait mention. Vous faites un choix qui vous arrange en disant: «C'est dans la Déclaration de Rio.» Je pense qu'on a choisi la Déclaration de Rio parce que dans ce cas-là, «cost-effectiveness» signifie qu'il sera toujours efficace sur le plan du coût d'appliquer le principe de la prudence si c'est pour éviter des résultats irréversibles, dans l'intérêt de la société. Je ne pense pas que ce soit le sens que tous attribuent à cette expression.
Il y a des bons arguments des deux côtés. Je pense que c'est une question épineuse, peu importe la façon dont on examine le projet de loi. Je vous garantis que des avocats lisent les transcriptions de nos délibérations, comme de celles de la Chambre. Il ne serait pas bon de laisser le projet de loi en l'état, sans qu'il y ait concordance entre l'anglais et le français, d'abord, et ensuite, une définition claire de ce qu'on entend par «cost-effective».
M. Perez: À mon avis, la question de l'équivalence entre le français et l'anglais est très importante. J'ai trouvé d'autres exemples où le français et l'anglais ne concordaient pas, ce qui ouvre largement la porte à des contestations.
Je ne suis pas linguiste, mais je suis bilingue. Ma langue maternelle est le français et je puis vous dire que «cost-effective» ce n'est pas du tout «rentable». La traduction en français n'est pas bonne.
Le sénateur Spivak: Ce matin, le linguiste a dit que dans certains projets de loi, on l'avait traduit ainsi, mais il a précisé que les mots «efficient» et «au moindre coût» étaient préférables. Ce qu'il a dit, de manière formelle, c'est que la notion de coût n'est pas «effective», et que vous pourriez donc avoir quelque chose d'effectif, sans pour autant être «cost-effective» mais à un coût supérieur. C'était pour moi un argument très convaincant, puisqu'il démontrait l'écart entre les deux versions. Je tenais à apporter cette précision.
M. Perez: Je suis d'accord avec vous. Cela étant dit, je crois tout de même qu'il faut préciser le principe de la prudence en mentionnant quelque chose comme l'efficacité par rapport au coût. Vous avez entendu les témoins précédents, et nous ne sommes manifestement pas du même côté. C'est à nous de payer ces coûts. Il est possible que le projet de loi C-32 fasse l'objet de quelques contestations judiciaires, et il n'y a pas de mal à cela. C'est fréquent, cela fait partie du processus; nous verrons ce qui se passera.
Le sénateur Spivak: Votre position est très claire, je vous en remercie.
Le président: J'ai déjà posé cette question, mais, M. Harper, vous suivez de près ce projet de loi, depuis de nombreuses années.
M. Ron Harper, conseiller principal auprès du président, Institut canadien des produits pétroliers: C'est exact.
Le président: Vous le connaissez donc très bien. Si je ne m'abuse, vous avez suivi ce projet de loi à la Chambre des communes, au comité, puis la nouvelle version du gouvernement, et vous êtes ici aujourd'hui. Vous avez suivi tout le processus.
M. Harper: Je n'étais pas à la Chambre des communes, ni ici, à chaque étape, mais je n'étais pas bien loin, d'un point de vue spirituel et philosophique.
Le président: D'un point de vue philosophique, à quelques occasions, nous avons été séparés. Souffrez-vous du même épuisement législatif que les autres?
M. Harper: Je crois, oui. Je suis fasciné par la quantité d'efforts déployés par les députés, par les honorables sénateurs ici même, qui essaient d'y réfléchir à nouveau, de même que par tous les intervenants, y compris l'industrie. Je crois que c'est l'un des débats les plus animés que j'aie vus. Il a permis des discussions très ouvertes au sujet de textes législatifs capitaux pour le pays. Je ne sais pas quelle sera votre prochaine question, mais pour écourter ma réponse, je dirai que ce processus a été épuisant et que s'il arrivait quelque chose au projet de loi, il y aurait une frustration immense, et diverse, chez tous les intervenants.
On peut bien sûr améliorer le projet de loi, mais comme mes collègues l'ont dit, il y a des procédures de modification, de réglementation et toutes sortes de nouveaux instruments, comme des instruments économiques, des règlements, des outils volontaires, des codes de pratique, et cetera, auxquels on peut avoir recours.
Le président: Prenons une hypothèse. Disons que mes collègues du Sénat estiment qu'il y a 10 ou 15 questions qu'il faut modifier, et que le projet de loi est renvoyé à la Chambre des communes pour qu'elle traite de ces amendements, pour améliorer le projet de loi, pour combler l'écart manifeste entre d'une part, les gens d'affaires et les industriels et, d'autre part, les environnementalistes qui ont comparu devant nous. Disons qu'il faudrait six mois pour arriver à ce résultat. Serait-ce faire bon usage de notre temps ou préféreriez-vous éviter cela?
M. Harper: Je crois que c'est à chacun d'entre vous d'en juger. Il faudrait que je sache quels en seraient les avantages, quelles seraient les améliorations. Ce n'est qu'une hypothèse. Si on peut améliorer les choses, bien, mais il y a un risque. Il y a de l'incertitude, mais il faut dire que nous vivons dans l'incertitude chaque jour, en venant au travail, en prenant l'avion, et cetera. C'est un autre des risques que les Canadiens doivent assumer, à un moment ou à un autre, à leur manière bien conservatrice. C'est une décision bien difficile à prendre, monsieur le président.
M. Perez: Si vous croyez qu'en six mois, vous pourriez rassembler tous les intervenants et faire adopter le genre de résolution que vous avez décrite, cela vaudrait bien la peine. Je suis peut-être pessimiste ou cynique, mais je crois que cela n'arrivera pas. Le débat sera intense et il risquera de compromettre une partie des projets du nouveau ministre de l'Environnement, en raison des contraintes de temps, etc. Nous n'avons pas hâte de voir de nouvelles lois ou de nouveaux règlements, mais il en faut.
Le processus d'adoption du projet de loi C-32 a été très dysfonctionnel. On pourrait presque dire qu'on a fini par donner la priorité aux apparences, comme on le fait en Asie. Ce n'est plus logique. Il s'agit d'accepter le projet de loi tel quel ou de le faire mourir.
Le président: Qu'entendez-vous par «dysfonctionnel»?
M. Perez: Comme on est en 1999, on devrait être en train de faire une troisième révision de la LCPE. Or, on discute de l'adoption de la deuxième loi. Le comité de la Chambre a publié un rapport, auquel le gouvernement a répondu en 1995, et ce processus-là a totalement échoué. Il y a eu une nouvelle législature, et le gouvernement a présenté le projet de loi de nouveau. Quelques semaines plus tard, ce même gouvernement, par l'intermédiaire de la ministre, a présenté des centaines de nouveaux amendements; le comité a fait de même, et tout le processus est tombé à l'eau. En bout de ligne, le Cabinet, après des discussions difficiles, comme vous pouvez vous l'imaginer, a proposé un compromis. Le voici. Peut-être que «dysfonctionnel» n'est pas le bon terme, et je me servirais peut-être de la traduction française, mais le processus ne convient pas à l'élaboration d'une politique, surtout en ce qui concerne une loi habilitante comme la LCPE.
Le président: Je suis d'accord avec vous pour dire que le processus est dysfonctionnel. On a très mal géré ce projet de loi. Vous faites signe que vous appuyez ce que je suis en train de dire.
M. Perez: Vous avez bien compris, monsieur.
Le président: On a très mal géré le processus. Au Sénat, nous avons la responsabilité d'améliorer le processus.
Merci beaucoup d'être venus.
La séance est levée.