Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 23 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 1er septembre 1999
Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 40, pour examiner le projet de loi C-32, visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable.
Le sénateur Ron Ghitter (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, bonjour. Je vous souhaite la bienvenue à l'examen qui se poursuit du projet de loi C-32.
Il s'agit de la dernière des séances prévues sur ce sujet, à moins que le comité n'en décide autrement. Nous avons une table ronde ce matin composée de représentants du «Salt Institute» et de l'Association canadienne des eaux potables et usées.
Messieurs, bienvenue. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire.
Je vous en prie.
M. Al Hamilton, directeur des Opérations chimiques, Sifto Canada Inc.: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'offrir l'occasion de me présenter devant vous ce matin alors que vous étudiez des changements proposés à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Je suis le directeur des Opérations chimiques auprès de Sifto Canada Inc. Cependant, je suis ici aujourd'hui comme représentant de notre association industrielle, le Salt Institute.
Avant d'axer mes commentaires sur la législation même proposée, j'aimerais prendre quelques instants pour vous parler un peu de ce produit.
Depuis près d'un demi-siècle, on utilise principalement le sel de voirie comme agent de dégivrage sur les routes canadiennes, en hiver. Durant cette période, les gouvernements municipaux et provinciaux ont mis à l'essai plusieurs autres produits. Cependant un remplacement adéquat n'a pas encore été trouvé, soit que ces produits ne parvenaient pas à faire fondre adéquatement la glace ou la neige, ou qu'ils s'avéraient tout simplement beaucoup trop coûteux. Compte tenu de ses propriétés uniques, il est bien entendu que si le sel cessait de tenir un rôle majeur dans les programmes d'entretien routier en hiver, on dénombrerait de multiples pertes de vies à cause du dangereux état des routes. Essentiellement, l'usage du sel de voirie nous permet de nous transporter ainsi que nos familles, de façon sécuritaire, du point A au point B.
En plus de compromettre la sécurité des conducteurs canadiens, des routes dangereuses ou fermées auraient comme effet de taxer sévèrement l'économie canadienne, même s'il ne s'agissait que d'une fermeture d'une seule journée. L'usage du sel de voirie permet aux gens d'affaires canadiens de s'assurer que les produits qu'ils fabriquent et que ceux qu'ils achètent, se rendront à destination sans dommage et à temps. Cela permet aux travailleurs canadiens de se rendre au travail en toute sécurité et à l'heure. En d'autres termes, le sel de voirie permet à l'économie canadienne de continuer de l'avant.
En raison de notre rude climat nordique, il est essentiel d'utiliser un agent quelconque de dégivrement sur nos routes. Au cours des 50 dernières années, il a été prouvé que le sel peut accomplir cette tâche sans dommage pour l'environnement ou très peu, lorsqu'il est utilisé selon les normes. Des substances abrasives telles que le sable, ne vont pas faire fondre la neige et la glace. D'ailleurs on les retrouve finalement dans les égouts municipaux ou les puisards de rues, ce qui nécessite un nettoyage dispendieux, à chaque printemps. Les abrasifs contribuent également à la concentration de particules polluant l'air, un problème qui va en augmentant dans certaines de nos villes.
C'est en songeant à ces questions, que j'ai voulu me présenter devant vous aujourd'hui, afin de vous dire que la loi présente omet de donner aux politiciens, tels que vous, la latitude nécessaire pour protéger ces vies. La nouvelle loi rendra la situation encore plus complexe.
Comme vous le savez, le gouvernement fédéral va procéder à une évaluation environnementale à long terme de 23 000 substances qui sont d'usage courant dans l'industrie. Parmi celles-ci, on y retrouve les «sels de voirie», qui sont présentement évalués. Cette étude de plusieurs années a été établie aux termes de l'actuelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement, et continuera lorsque la nouvelle loi sera adoptée.
Le but de cet exercice est d'identifier les substances qui, selon une définition très libérale, sont considérées comme étant «toxiques», c'est-à-dire dommageables pour les plantes, les animaux, la vie humaine ou toute combinaison de ces derniers. Ces substances «toxiques» seront sujettes à une variété de contrôles sous la nouvelle loi, allant de la gestion et de la restriction de leur distribution, jusqu'à une «quasi-élimination» de ces substances qui constituent une menace imminente pour la vie humaine.
Vous savez également qu'une nouvelle disposition du projet de loi C-32 permet aux citoyens de même qu'aux gouvernements d'entamer des procédures juridiques contre les pollueurs accusés, afin de renforcer les dispositions du projet de loi -- une évolution de grande portée dans la mise en application de toute loi concernant l'environnement. Après mûre réflexion à ce sujet, je suis certain que les architectes des changements proposés n'étaient pas conscients que ces deux aspects du projet de loi pourraient causer de graves problèmes aux gouvernements provinciaux et municipaux.
Afin de comprendre où sont les difficultés, il faut nécessairement examiner le processus même d'évaluation des substances. La revue des produits met à jour un résultat qui est soit noir, soit blanc. En d'autres mots, les substances sont jugées «toxiques» ou «non toxiques».
Les substances «non toxiques» sont non réglementées, aux termes de la loi actuelle et de la loi proposée. Cependant, toutes les «substances toxiques» sont mises dans la même catégorie, les stigmatisant de fait comme étant dangereuses et donc assujetties à toute une gamme de mesures différentes de contrôle. Si on trouve qu'une substance est nocive pour une plante ou espèce animale soumise à l'épreuve, cette substance reçoit la même étiquette qu'une substance qui constitue une menace imminente pour la vie humaine.
D'après vos réunions avec les fonctionnaires d'Environnement Canada, vous êtes sûrement au courant qu'il y a deux listes de substances présentement à l'étude par des scientifiques du ministère: elles portent le nom LSIP1 et LSIP2. Les sels de voirie sont présentement évalués sous la LSIP2, une priorité parmi les 23 000 substances, ce qui nous a surpris, étant donné le demi-siècle bien documenté pendant lequel nous avons utilisé le sel de voirie. L'étendue des études environnementales accompagnant cet usage et les contrôles courants touchant l'usage de sel de voirie, que ce soit au niveau municipal ou provincial, sont également bien documentés.
En se basant sur ce que nous connaissons présentement, le résultat de l'évaluation scientifique de la LSIP2 en ce qui a trait au sel de voirie, pourrait bien résulter en une désignation «non toxique». Cependant, laissez-moi vous demander ceci: si le sel de voirie était jugé «toxique», vous serait-il possible de convaincre vos citoyens de continuer à utiliser le même produit qu'ils utilisent en toute sécurité dans leur communauté depuis 50 ans? Ils croiraient qu'il existe des informations que nous connaissons maintenant, sur les sels de voirie, qui les auraient rendus non sécuritaires. En vérité, rien n'aurait changé, sauf l'étiquette.
Mais, en politique comme dans nos vies, la perception devient réalité pour beaucoup de gens. C'est malheureux, mais vrai.
Ce qui constitue un problème pour les provinces et les municipalités, c'est qu'il est inacceptable, politiquement, de fermer nos routes durant les mois d'hiver. Les provinces et les municipalités tiennent à protéger la sécurité des citoyens qui conduisent durant l'hiver. Ils tiennent également à maintenir ouverts leurs commerces, leurs industries, leurs magasins, leurs écoles et leurs hôpitaux, en hiver. Pour ce faire, ils se fient au sel de voirie. Vous êtes les hommes politiques. Certains d'entre vous ont peut-être de l'expérience au niveau gouvernemental provincial ou local. Vous savez que nos concitoyens ne permettront pas que l'on ferme notre système routier.
Des études en Finlande démontrent qu'un entretien inadéquat en hiver a fait grimper le taux d'accidents de cette nation, de 20 p. 100 durant les mois d'hiver. Des études en Allemagne et aux États-Unis ont révélé que l'épandage du sel a réduit de 70 p. 100 à 88 p. 100 le taux d'accidents dans les quatre heures suivant son application. Ce sont des vies sauvées. Des blessures prévenues. Des enfants dont l'autobus scolaire a transporté des précieuses vies de façon sécuritaire, plutôt qu'en se retrouvant au fond d'un fossé. Des victimes d'attaque cardiaque ont reçu à l'hôpital les soins médicaux requis parce que les ambulances pouvaient utiliser les routes. Il ne s'agit pas ici d'une inquiétude théorique. Il s'agit de vraies vies.
Et n'oublions pas l'incidence sur l'économie que produit l'entretien d'hiver. Une étude de Standard & Poor's publiée seulement l'hiver dernier, se penchait sur les conséquences pour l'économie du Québec et de l'Ontario, d'un mauvais entretien durant l'hiver. Cette étude a démontré qu'une tempête en hiver forçant la fermeture des routes de l'Ontario et du Québec pendant une journée se traduirait par une perte combinée de près de 227 millions de dollars par jour en salaires directs et dérivés, de 103 millions de dollars en taxes fédérales et provinciales combinées et de 86 millions de dollars en perte de ventes au détail. Il ne s'agit pas ici de coûts théoriques, mais prévisibles.
Pour compliquer davantage la situation, les municipalités et les provinces sont fortement motivées par une décision récente de la cour provinciale à épandre adéquatement du sel sur les routes durant la mauvaise température en hiver. Cette récente décision légale a exposé les gouvernements locaux ou provinciaux, à des poursuites judiciaires, à la suite du résultat du procès pour «Omission d'entretien». Je fais allusion à la décision de 1997 dans l'affaire Roberts c. Morana, décision promulguée par la Cour de l'Ontario -- Division générale. Dans ce cas-ci, le ministère des Transports de l'Ontario a été trouvé coupable de blessures débilitantes causées à un chauffeur parce qu'une section de la route 401, à Scarborough, n'avait pas bénéficié d'épandage de sel durant une période de pluie verglaçante. Dans sa décision, la cour a ordonné à la province de l'Ontario de payer 4,5 millions de dollars de dommages à la victime, en raison de blessures permanentes résultant de son accident.
Vous comprenez le problème. D'une part, les citoyens peuvent intenter des poursuites contre la province ou la municipalité s'il n'y a pas eu d'épandage approprié de sel. Par ailleurs, si le sel est déclaré toxique, les citoyens pourraient intenter des poursuites contre les paliers de gouvernement qui auraient répandu cette substance toxique sur la voie publique. C'est une impasse.
Les Canadiens tiennent à protéger l'environnement. Nous voulons tous cela. Ils veulent également protéger la sécurité de leurs citoyens et leur sécurité économique. Je crois que nous voulons tous cela également.
Existe-t-il une solution au problème? Oui. Nous n'avons pas l'intention de vous demander d'essayer de récrire la définition de «toxicité» même si nous croyons qu'elle est définie de façon trop vaste, et ne désirons pas suggérer que vous essayiez de vous immiscer dans l'enquête scientifique en cours pour la LSIP2. Les scientifiques embauchés sont compétents et travaillent sérieusement à l'évaluation. Notre préoccupation ne concerne pas leur compétence scientifique, mais plutôt le fait que la LCPE voudrait substituer à leur jugement scientifique un jugement politique dans ce qui doit être clairement, en fin de compte, une décision hautement politique.
Nous croyons qu'une meilleure solution, et nous voulons vous la suggérer, est que vous autorisiez le ministre à agir dans l'intérêt de la sécurité publique. Nous proposons qu'une modification technique mineure soit apportée au projet de loi, laquelle ne changerait d'aucune façon les objectifs substantiels de politique de la LCPE, mais donnerait une troisième option aux responsables des politiques.
Nous proposons que la LCPE soit modifiée pour créer une catégorie «pour le bien du public». Cette troisième catégorie permettrait au ministre de mettre en balance la santé humaine et le bienfait de notre économie nationale et les incidences environnementales documentées d'une substance. Il pourrait ainsi permettre que certaines substances qu'il juge être essentielles à l'intérêt public, soient proprement utilisées sans risquer d'être déclarées «toxiques» ou «quasi-éliminées» suite à des procès de citoyens.
En terminant, monsieur le président, ne pas placer la sécurité publique au premier rang occasionnera des morts et blessures inutiles causées par la circulation routière et mettra en péril l'économie canadienne. La modification simple que nous proposons va habiliter les responsables à agir dans l'intérêt général des Canadiennes et des Canadiens.
Monsieur le président, je vous remercie de me fournir l'occasion d'apporter cette importante question à l'attention de votre comité. Pour votre gouverne, j'ai préparé une suggestion de cette modification en langage juridique, et je vais la déposer à l'intention des membres du Comité. Et maintenant, je serai heureux de répondre à toute question que vous voudrez m'adresser.
Le président: Merci, monsieur Hamilton. J'ai été surpris d'apprendre que cette question vous préoccupait. L'article 93b) accorde au ministre le droit de prendre des règlements en ce qui touche les lieux ou zones de rejet. Ainsi, si le ministre décrète le produit toxique, et cela sera déterminé dans un avenir éloigné, il peut décréter que l'on répandra le produit aux termes de la loi actuelle. Pourquoi vous faut-il des amendements?
M. Hamilton: Tout d'abord, je ne pense pas que la décision attende des années et des années. Le sel de voirie fait actuellement l'objet d'une évaluation sous la LSIP2. D'après ce que nous avons compris, la décision sera prise vers la fin de cette année ou au début de l'an prochain.
Nous craignons que le terme «toxique» puisse signifier pour les gens que quelque chose ne va pas. Nous pensons que «toxique» signifie quelque chose d'éminemment dangereux pour l'être humain. Comment réagira le public si, tout à coup, on répand une substance toxique dans les rues? Voilà ce qui nous préoccupe.
Le président: Vous craignez que l'on déclare le sel de voirie toxique?
M. Hamilton: Si cela devait se produire, oui nous nous inquiétons de la réaction. Des 23 000 substances, le sel de voirie ne sera probablement pas le seul à tomber dans cette catégorie; d'autres substances pourraient également se retrouver dans la zone grise entre toxique et non toxique. C'est cette zone grise qui à notre avis devrait devenir une troisième catégorie.
Le sel a de nombreux avantages. Il permet de sauver de nombreuses vies en hiver. Il stimule l'économie. D'après notre expérience, lorsqu'une substance commence à être qualifiée de toxique, les gens ne la perçoivent plus de la même façon.
Le président: De nombreux témoins nous ont dit que la quantité est importante. Quelle quantité d'une substance les gens ingèrent-ils? Quelle quantité se retrouvera dans notre environnement? Certains minéraux et vitamines sont nécessaires à la santé humaine. Dans le cas de la quantité, nous savons que le sel est toxique en grande quantité et donc il faudra faire preuve de jugement.
M. Hamilton: Le sel est un élément qui se retrouve naturellement dans l'environnement. Nous ajoutons du sel de voirie. Vous avez raison, tout produit est toxique en grande quantité. La définition de «toxique» est très vaste. Nous ne savons pas quel sera le résultat de l'évaluation. Si on pouvait nous garantir aujourd'hui que l'on ne désignera pas le sel de voirie comme toxique, nous considérerions probablement le projet de loi d'un oeil différent, mais nous n'avons pas actuellement cette garantie. Nous voyons d'éventuels problèmes en ce qui concerne le sel mais aussi d'autres substances.
Nous estimons que le ministre est le mieux placé pour déterminer ce qui est bon pour la population canadienne dans son ensemble. Il devrait être possible de créer une troisième catégorie où il pourrait inclure le sel.
Le sénateur Nolin: Au Québec, il y a une route d'environ 15 kilomètres qui n'a pas vu de sel ces 20 dernières années. On fait des essais sur cette route. On ne répand que du sable, de la roche concassée ou des substances autres que le sel et cela fonctionne; il n'y a pas plus d'accidents sur cette route que sur les autres.
Je m'intéresse plus à votre crainte que des particuliers intentent des poursuites au civil. Veuillez être précis. Vous inquiétez-vous du droit d'intenter des poursuites tel que prévu dans ce projet de loi ou de toute poursuite?
M. Hamilton: Non. Si je comprends bien le projet de loi, une personne pourrait intenter une action contre les provinces et les municipalités parce que...
Le sénateur Nolin: Non, regardons l'article 22. Vous soulevez une question valable, mais nous allons vous rassurer, si nous le pouvons. Le particulier peut intenter une action contre une personne, le ministre. Est-ce la disposition qui vous préoccupe?
M. Hamilton: Je pense que c'est le paragraphe 22(2):
L'action en protection de l'environnement peut être intentée devant tout tribunal compétent contre la personne qui, selon la demande, aura commis une infraction prévue à la présente loi, [...]
Le sénateur Nolin: Qu'est-ce qui constitue «une infraction prévue à la présente loi»? Il ne faut pas oublier qu'on ne peut pas intenter de poursuite rétroactivement. Il est tout à fait illégal de créer une infraction rétroactivement. Donc, quel genre d'infraction dans ce projet de loi vous préoccupe?
M. Hamilton: Si une substance définie comme toxique était répandue dans l'environnement, ne serait-il pas possible pour un citoyen d'intenter des poursuites contre la province ou la municipalité?
Le sénateur Nolin: Vous voulez dire pour des gestes posés par le passé?
M. Hamilton: Je regarde vers l'avenir. Manifestement, le citoyen devrait démontrer, devant le tribunal, le bien-fondé des poursuites; toutefois, on pourrait intenter des poursuites.
Le sénateur Nolin: On intente des poursuites à tous les jours.
M. Hamilton: Il pourrait y avoir des poursuites légitimes et des poursuites frivoles. On pourrait intenter des poursuites contre les provinces et les municipalités.
Le sénateur Nolin: Si par les années passées, on a pu légalement utiliser une substance qui est tout à coup déclarée toxique, l'entreprise ou la municipalité pourrait faire l'objet d'une action par un particulier parce que l'émission de cette substance constitue une infraction aux termes de la présente loi? Je ne le pense pas. C'est une inquiétude valable, il nous faut examiner cela de plus près. Lorsque vous parlez d'une infraction aux termes de la présente loi, de quelle infraction parlez-vous?
M. Hamilton: Ce qui nous préoccupe, c'est que dès qu'une substance est qualifiée de toxique, on la voit d'un autre oeil. Je l'ai constaté moi-même. L'utilisation d'une substance toxique dans les rues susciterait beaucoup d'inquiétude. Certains essayeraient d'utiliser ces dispositions du projet de loi pour faire pression sur les municipalités et les provinces pour qu'elles diminuent les quantités de sel utilisées, alors même qu'un arrêt rendu récemment rend son utilisation obligatoire. Il risque d'y avoir conflit.
Le sénateur Nolin: Je comprends vos préoccupations.
M. Hamilton: Moi aussi, sénateur, je vois ce que vous voulez dire.
Le sénateur Nolin: Nous parlons ici de poursuites criminelles et de droit pénal. Le projet de loi doit être très précis et il convient de lui donner une stricte interprétation. On ne peut tolérer aucune imperfection. Il faut qu'il soit précis. Je comprends votre préoccupation, mais je ne suis pas d'accord avec vous.
Le sénateur Cochrane: Je crois que le paragraphe 21(1) régit également cette situation:
Le ministre peut interrompre l'enquête s'il estime que l'infraction reprochée ne justifie plus sa poursuite ou que ses résultats ne permettent pas de conclure à la perpétration de l'infraction.
Le sénateur Nolin: Pour avoir le droit de poursuivre le ministre aux termes de l'article 22, il faut tout d'abord lui demander de faire enquête sur l'infraction. Si le ministre ne donne pas suite à la demande dans un délai raisonnable, on peut le poursuivre et s'il fait enquête, on peut le poursuivre si on conteste les résultats de l'enquête.
M. Hamilton: J'entends bien, mais je sais aussi que dans ce domaine, on peut procéder de deux façons différentes. On peut intenter des poursuites soit contre le ministre, soit contre l'entité qui est à l'origine de la pollution, c'est-à-dire, en l'occurrence, la province ou la municipalité.
Je ne suis pas certain. Vous avez sans doute étudié la question mieux que moi, mais c'est ainsi que j'interprète le paragraphe 22(2). En l'occurrence, un citoyen pourrait s'en prendre à la municipalité qui fournit le sel.
Le sénateur Nolin: Il faut quand même demander au ministre de faire enquête. On ne peut pas agir sans préalable.
M. Hamilton: Si la substance est inscrite sur la LSIP2 et qualifiée de toxique, est-ce qu'on ne peut pas s'en prendre directement à la municipalité et la poursuivre en justice?
Le sénateur Nolin: Si, bien sûr, pour les actions futures.
Le sénateur Cochrane: Je conteste ce que vous affirmez à la première page de votre mémoire, monsieur Hamilton, à savoir que qu'en raison de notre rude climat nordique, il est impératif d'utiliser un agent de déglaçage quelconque sur les routes. Vous dites qu'il est prouvé depuis plus de 50 ans qu'on peut pour cela se servir du sel sans endommager l'environnement lorsqu'il est utilisé selon les normes.
«Utilisé selon les normes» peut vouloir dire bien des choses. Je sais que dans ma province, le sel endommage considérablement les véhicules. Ils sont beaucoup plus abîmés que ceux de la Colombie-Britannique, où certaines routes n'ont pas besoin de sel. Pour autant que je sache, le sable est tout aussi efficace que le sel. On l'a utilisé dans certaines de nos municipalités, et il s'est avéré efficace. Il n'y a pas plus d'accidents lorsqu'on utilise du sable que lorsqu'on utilise du sel.
M. Hamilton: Pour répondre à votre première question, l'utilisation du sel provoque une certaine corrosion. Les fabricants d'automobiles proposent un meilleur produit aujourd'hui; les voitures sont moins abîmées par le sel qu'elles ne l'étaient autrefois.
Comme en toute chose, il faut faire des compromis. Le sel peut avoir des effets à long terme sur les véhicules; mais nous essayons de mettre l'accent sur l'élimination des accidents et la dégradation des véhicules résultant des conditions routières hivernales. Nous faisons un compromis avec les problèmes à plus long terme dont vous parlez à propos des véhicules. Si l'on considère globalement les coûts et les avantages, les études effectuées indiquent qu'il est préférable d'utiliser du sel.
Contrairement au sel, le sable ne fait pas fondre la neige et la glace. Le sable est un abrasif. Au fil des années, on a constaté qu'il était plus efficace et plus rentable d'utiliser du sel. Nous ne pensons pas que le sable soit aussi intéressant. C'est ce qu'indiquent un certain nombre d'études.
Des tests ont révélé que le sable une fois broyé libère des particules dans l'air, qui s'ajoutent aux particules contenues dans l'air des villes.
Le sénateur Cochrane: Je ne suis pas d'accord.
J'aimerais qu'on entende des représentants des ministères provinciaux des Transports. Cela nous permettrait de comparer l'efficacité du sable et du sel pour améliorer les conditions routières. Mais je crois savoir que nous n'aurons pas de témoins représentant les provinces.
Le président: Nous n'en avons pas prévu pour l'instant.
M. Hamilton: Je vous ferai parvenir de l'information à ce sujet, sénateur.
Le sénateur Hays: J'aimerais que vous confirmiez ce que vous avez dit à propos d'une troisième catégorie. Il s'agit essentiellement d'éviter les réactions psychologiques qu'on provoquerait en qualifiant le sel de substance toxique. Dans une certaine mesure, le problème tient au fait que le projet de loi -- et j'invoque souvent cet argument -- est fondé sur le droit pénal. Il a pour objet les substances toxiques.
L'initiative actuelle est ambitieuse. Nombreux sont ceux qui ne la trouvent pas assez ambitieuse. Cependant, ce projet de loi relativement ambitieux vise à analyser environ 23 000 substances pour déterminer si on peut les utiliser en toute sécurité.
Vous n'avez guère eu l'occasion de parler des modifications que vous souhaiteriez voir apportées au projet de loi. De façon générale, si je comprends bien, il s'agit non pas de remettre en cause les dispositions du projet de loi, mais plutôt de faire que certaines substances tombent dans des catégories différentes.
M. Hamilton: Oui.
Le sénateur Hays: Je voulais aussi vous interroger sur les deux autres niveaux de gouvernement, à savoir les municipalités et les provinces, et sur l'utilisation du sel comme agent de déglaçage pour des raisons de sécurité. Les autorités des différents niveaux réglementent, mais pourriez-vous nous parler de l'uniformité de la réglementation? On n'a pas besoin de sel dans les régions où il n'y a pas de glace; cependant, dans les provinces où il y en a, trouvez-vous que la réglementation sur l'utilisation du sel comme agent de déglaçage est suffisamment uniforme?
M. Hamilton: Elle l'est progressivement devenue.
Le Salt Institute fait la promotion d'un programme intitulé Sensible Salting. Pour utiliser le sel judicieusement, on ne doit pas en mettre plus qu'il ne faut et utiliser une quantité suffisante pour le déglaçage des routes.
Actuellement, la plupart des municipalités et des provinces ont des lignes directrices à l'intention des agents chargés de répandre le sel. On leur laisse une certaine latitude, mais beaucoup moins qu'autrefois. Nous pensons que pour l'essentiel, ce travail est bien fait.
Le sénateur Hays: Y a-t-il des endroits où le sel est interdit?
M. Hamilton: Non.
Le sénateur Hays: C'est intéressant à savoir.
M. Hamilton: Il n'y en a pas, du moins à ma connaissance.
Le sénateur Hays: Pour ceux d'entre nous qui sont agriculteurs, le sel est souvent utile pour composter les voitures.
Le sénateur Chalifoux: Je viens du nord de l'Alberta, où le climat est sec. L'hiver y est très sec. La ville d'Edmonton étudie le problème du sel depuis des années. Un ancien maire d'Edmonton a décidé un jour de ne pas utiliser le sel pendant un an, et de le remplacer par du sable. Apparemment, il n'en a pas résulté grand-chose de bon.
Dans le nord de l'Alberta comme, je suppose, dans le nord du pays où le climat est froid et sec, le sel ne sert pas à grand-chose. Je crois qu'actuellement, à Edmonton, on utilise une partie de sel pour quatre parties de sable, ce qui donne de très bons résultats.
Il n'est pas exact de déclarer tout de go que le sel est merveilleux pour toutes les parties du Canada, étant donné les variations climatiques d'une région à l'autre.
J'aimerais revenir à votre préoccupation et à l'amendement que vous demandez. Je suis d'accord avec le sénateur Cochrane pour l'article 21, mais pour ce qui est de l'article 22, il faut le considérer dans son contexte. Voici cet article:
(1) Le particulier qui a demandé une enquête peut intenter une action en protection de l'environnement dans les cas suivants:
... et seulement dans les cas suivants:
a) le ministre n'a pas procédé à l'enquête ni établi son rapport dans un délai raisonnable;
b) les mesures que le ministre entend prendre à la suite de l'enquête ne sont pas raisonnables.
Voilà qui protège considérablement la personne qui peut faire l'objet de poursuites. Il faut considérer l'ensemble de l'article, au lieu d'en isoler une partie. Je comprends vos préoccupations, mais je crois que le projet de loi tel qu'il existe actuellement répond à bon nombre d'entre elles.
M. Hamilton: Je vais devoir y consacrer quelque temps. Évidemment, vous l'avez étudié plus que moi. Je pensais l'avoir compris, mais je vais l'étudier de nouveau.
En ce qui concerne votre premier commentaire, sénateur, je reconnais que le sel est plus efficace dans l'est du pays où le temps est moins froid, où la neige est plus humide et la pluie verglaçante plus fréquente. Je reconnais que dans votre région, il est peut-être moins essentiel que dans le sud de l'Ontario et du Québec, surtout dans les régions les plus peuplées qui reçoivent beaucoup de neige humide et de glace pendant l'hiver. Mais j'ai apprécié votre commentaire.
Le sénateur Taylor: Une précision: j'ai l'impression que l'inscription d'une substance sur la liste n'entraîne pas nécessairement son interdiction. Les substances inscrites sur la liste des produits toxiques doivent être transférées sur une autre liste pour être interdites. Par conséquent, le simple fait que le sel figure sur la liste des substances toxiques ne signifie pas que son utilisation est interdite.
Le président: Il faudra un règlement.
M. Hamilton: Effectivement, on peut recourir à différentes mesures de contrôle avant d'imposer l'interdiction. Ce qui nous préoccupe, c'est la qualification de substance toxique. Je ne sais pas si le sel sera un jour interdit. L'interdiction n'interviendra peut-être jamais, mais elle ferait changer bien des choses.
Le sel n'est pas la seule substance qui relève de cette catégorie, et j'aimerais vous demander de vous poser les mêmes questions pour certaines des 23 000 autres substances.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hamilton, d'avoir attiré notre attention sur un problème auquel nous n'avions pas pensé. Merci d'avoir été des nôtres.
Nos témoins suivants représentent l'Association canadienne des eaux potables et usées.
M. Laurence Moore, membre du Conseil de la direction et directeur des programmes environnementaux à l'Agence ontarienne de l'eau pure, Association canadienne des eaux potables et usées: Monsieur le président, membres du comité, l'Agence ontarienne de l'eau pure dessert environ 250 municipalités en Ontario, où elle propose des services de distribution d'eau et de traitement des eaux usées. Je suis ici en compagnie de Duncan Ellison, directeur exécutif de l'Association canadienne des eaux potables et usées, pour présenter le point de vue de l'Association au comité; nous sommes heureux d'avoir la possibilité de le faire.
L'Association canadienne des eaux potables et usées représente au niveau national les organismes municipaux à but non lucratif qui assurent les services essentiels de distribution de l'eau et de traitement des eaux usées. Nous représentons globalement environ 4 000 municipalités desservant de 24 à 25 millions de Canadiens.
Comme vous le savez, ces services municipaux sont strictement réglementés au niveau provincial et municipal. Les municipalités sont obligées d'exploiter leurs installations en conformité de la législation provinciale. Du reste, je suis chargé, en tant que directeur de la conformité, de veiller à ce qu'elles agissent ainsi en toutes circonstances.
Nous participons à l'élaboration de la réglementation et des lignes directrices qui la précèdent. Dans toute l'Amérique du Nord, les services d'eau et de traitement des eaux usées consacrent environ 36 millions de dollars à la recherche pour améliorer constamment la réglementation et les connaissances scientifiques. Depuis 10 ans en particulier, il y a eu un renforcement de la coopération entre le fédéral et les provinces pour harmoniser la réglementation dans l'ensemble du pays et pour élever constamment les normes de qualité. On ne peut donc pas parler de relâchement des normes. Celles-ci se resserrent constamment à mesure que les connaissances scientifiques progressent. Nous sommes tout à fait favorables aux efforts déployés pour élever les normes de façon à garantir la santé publique et à protéger l'environnement.
Ainsi, lorsque nous comparaissons devant un comité comme le vôtre, nous ne voulons pas donner l'impression que nous essayons d'assouplir les normes. Nous sommes formels. Nous approuvons les principes du projet de loi qui vise à protéger l'environnement. Cependant, nous partageons certaines inquiétudes avec la quasi-totalité des autres personnes qui ont comparu devant le comité, à propos de la procédure d'inscription sur la liste des substances toxiques aux termes des dispositions du projet de loi. Nous craignons que ces dispositions nous empêchent de nous acquitter de notre mission qui consiste à protéger la santé publique par l'exploitation de nos installations. Nous vous demandons de nous aider à trouver une solution pour surmonter ces obstacles.
Comme bon nombre des intervenants précédents, nous pensons que les Canadiens peuvent raisonnablement s'attendre à ce qu'une fois une substance déclarée toxique, on va s'efforcer de les protéger contre les effets de cette substance. L'inscription sur la liste permet d'espérer cette protection. Par cette inscription, le gouverneur en conseil indique sans équivoque que la substance désignée est toxique.
L'Association canadienne des eaux potables et usées considère que la procédure exigée par le projet de loi présente deux inconvénients majeurs. Tout d'abord, elle ne tient pas compte des avantages qui peuvent résulter de l'utilisation d'une substance pour la santé publique, indépendamment de ses conséquences environnementales. Deuxièmement, elle ne tient pas compte des niveaux de concentration ou des quantités qui peuvent poser problème.
Si le projet de loi n'est pas modifié, des substances qui, utilisées normalement, présentent des avantages pour la sécurité et la santé publique tout en comportant à d'autres égards un risque environnemental, ou vice versa, sont qualifiées de toxiques aux termes de la LCPE. En tout cas, on ne tient pas compte de leur concentration ni des quantités qui peuvent être déversées dans l'environnement.
En résumé, même si cela peut paraître illogique, on ne devrait pas se contenter de la preuve de la toxicité d'une substance pour l'inscrire sur la liste dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. À notre avis, il ne suffit pas de prouver qu'une substance est toxique.
Les municipalités s'attendent à ce qu'une nouvelle usine de traitement de l'eau ou d'assainissement soit fonctionnelle pendant 60 ans ou plus. Ces usines nécessitent un investissement considérable, qui est souvent le plus gros investissement dans une municipalité. On peut y apporter des modifications et des améliorations, mais elles sont généralement très coûteuses, et ces dépenses sont en concurrence avec d'autres mesures qui peuvent être plus bénéfiques en matière de santé publique ou d'environnement.
Nous travaillons avec nos municipalités pour qu'elles puissent prendre ces décisions d'investissement en fonction des meilleures connaissances scientifiques. Je le répète, des efforts considérables sont déployés pour faire progresser ces connaissances. Les autorités municipales se renseignent auprès des responsables industriels, des autorités provinciales de réglementation et des ministères scientifiques fédéraux comme Santé Canada et Environnement Canada. C'est pourquoi nous nous intéressons particulièrement aux dispositions du projet de loi concernant l'évaluation des substances chimiques.
Nous considérons que certaines substances ne devraient pas figurer sur cette liste et que si elles y figurent, il conviendrait d'indiquer les niveaux de concentration ou les volumes qui peuvent poser problème. Lorsqu'une substance est déclarée toxique, cette déclaration change l'image de marque des organismes qui l'utilisent. Si nous utilisons un certain nombre de substances déclarées toxiques, ne risquons-nous pas de passer soudainement du camp des protecteurs de la santé publique -- nous considérons que c'est notre seule mission -- à celui des pollueurs, étant donné que nous émettons des substances toxiques ou que nous en utilisons afin de protéger la santé publique? Nous craignons d'être stigmatisés de cette manière.
Par exemple, Santé Canada a jugé que les effluents municipaux chlorés n'étaient pas toxiques pour la santé humaine lorsque le ministère a évalué cette substance dans le cadre de la première liste des substances d'intérêt prioritaire. En revanche, Environnement Canada a jugé qu'il s'agissait d'une substance toxique. Cela n'a rien d'étonnant. Le chlore est un désinfectant. C'est une matière toxique. À ce titre, il a été inscrit cette année sur la liste des substances toxiques. Le problème, c'est que les citoyens sont peu nombreux à comprendre que l'on ajoute du chlore aux effluents municipaux rejetés dans les cours d'eau, conformément aux exigences de la réglementation provinciale, pour protéger la santé publique. On a fait une évaluation complète des risques et des avantages pour la santé publique de l'ajout de chlore aux effluents, par rapport aux conséquences environnementales de cette mesure. L'évaluation du risque a été faite et malgré tout, le chlore est maintenant qualifié de substance toxique dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Il y a au Canada des milliers de stations d'épuration qui utilisent du chlore comme désinfectant. Pendant des décennies, c'était le seul désinfectant efficace disponible et ce produit supprime tous les risques microbiens. La réglementation provinciale établit souvent les doses minimales de chlore, et non pas les doses maximales à ajouter à l'eau. Elle spécifie également la durée du contact pour assurer la salubrité des effluents.
Il est possible de déchlorer l'eau. Néanmoins, là encore, comme le projet de loi ne précise aucune quantité, même si vous déchlorer l'eau, il reste toujours des traces de chlore et, quoi que vous fassiez, si vous avez ajouté du chlore, vous aurez des effluents toxiques. Prenons le cas de ma propre société. Nous avons plusieurs centaines de décharges toxiques en Ontario. Cela risque de poser un problème, car elles ne sont pas plus toxiques qu'elles ne l'étaient avant; le chlore n'est ajouté que pour protéger la santé publique.
Il faut reconnaître qu'il existe des solutions de rechange. La plus récente, à laquelle nous recourons assez intensivement, si nécessaire, est l'utilisation de rayons ultraviolets. Vous placez dans la décharge des tubes qui émettent de puissants rayons ultraviolets, ce qui tue la plupart des organismes. Cela présente néanmoins des inconvénients. Ce système utilise de très grosses quantités d'électricité. Dans la plupart des régions du pays, cela oblige à brûler des combustibles fossiles, ce qui contribue évidemment aux pluies acides, à l'effet de serre, et cetera, sans oublier le coût de l'électricité. Ces tubes contiennent également nettement plus de mercure qu'un tube fluorescent normal si bien qu'il faut les manipuler avec de grandes précautions. Enfin, vous devez laver les tubes régulièrement avec des solutions de phosphate très concentrées et je crois que tout le monde connaît les répercussions des phosphates. Les solutions de rechange ne sont peut-être pas meilleures. Nous connaissons plusieurs cas où nous avons mis en place un dispositif à rayons ultraviolets qui n'a pas tué suffisamment les microbes si bien que nous avons dû en revenir au chlore. Ce n'est donc pas la solution dans toutes les circonstances.
Le processus d'évaluation qu'établit la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ne tient pas compte des avantages possibles que la détermination de toxicité peut présenter pour la santé publique ou la santé de l'environnement. Selon le régime actuel et celui qui est proposé, le processus d'évaluation détermine si une substance est nocive ou non pour la santé humaine ou pour l'environnement. Si elle est jugée toxique, elle est déclarée comme telle. Si elle est persistante et biocumulative, elle est alors inscrite sur la liste de quasi-élimination. Autrement, on assure une gestion du risque.
Le simple fait qu'une substance soit déclarée toxique et qu'il soit nécessaire de prendre des mesures peut entraîner certaines décisions d'investissement. Il faut alors faire quelque chose et demander pourquoi cet effluent est encore chloré?
Il est important de signaler que les changements qu'il est nécessaire d'apporter à l'infrastructure pour utiliser une substance ou une technologie de remplacement risquent d'être très coûteux et se chiffrer en milliards de dollars pour l'ensemble du pays.
Le processus que prévoit la LCPE n'oblige pas le gouverneur en conseil à déclarer quelle est la concentration ou la quantité d'une substance qui est jugée nocive lorsqu'une substance est inscrite sur la liste. Pourtant, ces deux séries de données quantitatives essentielles ont certainement été établies lors du processus d'évaluation. C'est donc un renseignement connu, mais qui n'est pas communiqué. Ces chiffres sont indiqués uniquement lorsqu'une substance est inscrite sur la liste de quasi-élimination.
Je voudrais vous citer un ou deux exemples. Prenons l'aspirine. À faible dose, elle est excellente pour vous; si vous en prenez trop, vous risquez de sérieux problèmes. Dans l'industrie de l'eau, il y a également le fluor. Les règlements municipaux nous obligent à ajouter du fluor dans l'eau. Tout le monde sait que le fluor est une toxine. En fortes concentrations, le fluor est certainement toxique. En fait, sous forme gazeuse, c'est très nocif. Bien entendu, il y a aussi un débat sur son utilisation dans la pâte dentifrice. Il y a actuellement un grand débat public sur la fluoration de l'eau. Ce n'est pas une des substances considérées pour le moment, mais si elle était testée dans le cadre de ce système, elle serait certainement déclarée toxique, mais quel en serait l'avantage? On pourrait dire qu'elle présente un certain intérêt, mais qu'elle est toxique. Comment proposez-vous de régler ce problème?
C'est la même chose pour de nombreuses autres substances.
L'eau que vous avez dans vos verres et l'eau qui se trouve dans les bouteilles que nous avons distribuées est de l'eau pure. Elle convient parfaitement à la consommation humaine. C'est de l'eau d'Ottawa-Carleton mais qui contient pourtant une substance que l'on songe à inscrire sur la liste des substances toxiques. La substance qui se trouve dans cette bouteille et dans vos verres s'appelle de la chloramine. C'est une combinaison de chlore et d'ammoniac que l'on ajoute à l'eau pour la garder stérile lors de son passage dans le réseau de distribution, jusqu'à votre robinet afin de garantir sa salubrité. Il ne suffit pas de désinfecter l'eau lorsqu'elle quitte la station. Vous devez y ajouter du chlore ou de la chloramine. Comme la chloramine sera déclarée toxique, votre eau sera toxique, non pas pour vous, mais pour l'environnement. Si vous la versez sur votre pelouse ou si vous la rejetez dans l'Outaouais, vous déverserez une substance toxique dans l'environnement. Est-ce logique?
C'est pour cette raison que l'Association canadienne des eaux potables et usées souhaite que le comité songe à apporter deux amendements au projet de loi C-32. Le premier demande au ministre de tenir compte des répercussions environnementales et sanitaires nettes avant de décider de déclarer une substance toxique aux termes de la LCPE. Le deuxième demande que la concentration et les quantités soient spécifiées lorsqu'une substance est ajoutée à la liste des substances toxiques. Merci beaucoup.
Le sénateur Hays: Merci. Vous avez demandé des changements très importants, mais qui ne changent quand même pas grand-chose à ce que la loi fait déjà.
Je pensais aux observations que le président a faites pour répondre aux préoccupations du Salt Institute et à ce qu'il a dit au sujet de la réglementation de l'utilisation des substances déclarées toxiques. Encore une fois, je crois que si le projet de loi est libellé de cette façon; c'est parce qu'il tient compte des pouvoirs constitutionnels sur lesquels il s'appuie en matière de droit pénal. Il est difficile de modifier ce genre de choses en étant certain que la loi restera conforme aux décisions de la Cour suprême quant au pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral.
Vous étiez ici lorsqu'il a été question de l'article 93. Pourriez-vous nous dire pourquoi tous ces changements vous semblent nécessaires étant donné que les ministres peuvent réglementer ce genre de choses?
M. Moore: Je crois que vous m'avez suffisamment entendu.
M. Duncan Ellison, directeur exécutif, Association canadienne des eaux potables et usées: Je suis le directeur exécutif.
Nos préoccupations portent, je crois, sur le fait que c'est la seule loi fédérale qui autorise le gouverneur en conseil à déclarer un produit toxique ou nocif sans préciser à quelle concentration. Si le ministre disait que les effluents chlorés à raison d'environ 50 parties par million posaient problème, les municipalités n'auraient pas à se battre. Il leur suffirait de démontrer aux citoyens intéressés, aux groupes environnementaux, au Sierra Legal Defence Fund et à tous ces autres groupes que leurs effluents se situent en dessous du niveau de toxicité.
La prise de règlement est un processus très long. Cela peut durer des années. Pendant ce temps, les gens qui manutentionnent, utilisent ou déchargent ces substances restent dans une situation incertaine. Le gouverneur en conseil, la plus haute autorité du pays leur déclare: «Vous émettez, déchargez, manutentionnez une substance toxique. Vous serez marqués pour toujours». On possède déjà les connaissances scientifiques pour savoir à quel taux la concentration est toxique. Néanmoins, le gouverneur en conseil ne le reconnaît pas.
Le sénateur Hays: Je vous suis. Certains seraient sans doute d'accord avec ce que vous dites, mais je n'en fais pas partie. Le but de ce projet de loi n'est pas d'amener le gouverneur en conseil et les ministres de l'Environnement et de la Santé du pays à aborder les questions que vous venez de soulever.
Ce sont les autorités municipales et provinciales qui vont sans doute réglementer ces questions. Je ne pense pas que les ministres de l'Environnement et de la Santé ou le gouverneur en conseil commenceront à réglementer chaque installation de traitement primaire, secondaire ou tertiaire des municipalités. Cela pourrait arriver, mais je ne le pense pas. Je crois que c'est plutôt du ressort des autorités municipales et des provinces.
Ce projet de loi vise à établir quelles sont les substances chimiques qui risquent d'être nocives pour la santé et pour l'environnement et ensuite à réglementer ou interdire leur rejet. En fait, dans certains cas, ces produits seront tout simplement éliminés.
Je partage vos préoccupations et je crois les comprendre. Ce sont d'autres niveaux de gouvernement et non pas le gouvernement fédéral qui interviendront.
M. Moore: Les effluents municipaux chlorés sont déjà très réglementés. Si nécessaire, des solutions de rechange ont déjà été imposées. Par exemple, si vous rejetez un effluent dans une rivière à truites, vous devez l'exposer à des rayons ultraviolets parce que le chlore tuerait les truites. Néanmoins, s'il était rejeté dans les Grands Lacs ou les océans, c'est le chlore qui resterait la méthode la plus efficace. C'est également rentable. Il y a donc déjà une réglementation. Nous avons déjà constaté qu'en inscrivant simplement cette substance sur la liste et en en parlant à l'échelle de l'industrie, on incite déjà les gens à abandonner le chlore sans nécessairement tenir compte de l'évaluation des risques que présentent les solutions de rechange ou établir des plans de gestion.
C'est déjà arrivé pour une substance. Que se passera-t-il lorsque les chloramines seront visées? Comment garantirons-nous que l'eau qui sortira de votre robinet sera stérile si l'on nous force à supprimer ce produit? Suffit-il qu'une substance soit toxique pour qu'elle soit inscrite sur la liste ou faudrait-il d'autres critères? C'est évidemment à vous d'en décider. Personne ne dit le contraire. Y a-t-il d'autres critères à remplir que la toxicité pour inscrire une substance sur la liste? Devez-vous tenir compte des conséquences de cette inscription?
Le sénateur Adams: Il y a quelques années, j'ai visité la station d'épuration d'une petite ville de l'Ontario. Elle traite les eaux d'égout de façon différente en utilisant de l'eau et de l'air à haute pression. Cela produit une sorte de neige. Ce système a-t-il été approuvé pour des raisons sanitaires? C'est peut-être satisfaisant pour 2 000 ou 3 000 habitants. Comment fonctionne ce système?
M. Moore: Une municipalité ontarienne utilise cette méthode. Elle permet de produire de la neige dans une station de ski. Les eaux usées sont dirigées vers une lagune. Elles y restent pendant l'hiver et passent ensuite par ce qui est en fait une machine à neige qui produit de gros tas de neige. C'est très efficace car, lorsque l'eau se cristallise, les organismes sont tués. C'est une assez bonne mesure de stérilisation et, bien entendu, lorsque la neige est fondue, l'herbe est très verte autour de cette lagune.
Vous avez raison, il existe plusieurs bonnes méthodes. Nous avons également un marécage artificiel. Il existe d'excellentes façons de traiter de petites quantités d'eaux usées. Néanmoins, les stations d'épuration dont les effluents doivent aller quelque part représentent la seule solution jusqu'ici pour les grandes municipalités.
Le sénateur Adams: De nombreuses municipalités n'ont pas de station d'épuration et les eaux usées vont directement dans la mer. Entre l'eau douce et l'eau salée, il y a de la pollution. Y a-t-il une différence entre l'eau salée et l'eau douce et les déchets qui sont rejetés en mer? Il est peut-être plus facile de polluer l'eau des lacs et des cours d'eau que la mer.
M. Moore: Je n'ai pas beaucoup d'expérience de l'eau salée en Ontario. Je crois qu'effectivement il y a une différence. Les municipalités qui déchargent leurs effluents dans l'océan se sont généralement contentées d'un niveau de traitement moindre. Je crois que la situation est toutefois en train de changer et qu'un grand nombre d'entre elles investissent pour traiter davantage leurs eaux usées parce qu'elles reconnaissent le potentiel de dommages environnementaux et les répercussions qu'un traitement insuffisant peut avoir pour la santé publique.
Je pense que jusqu'ici, le niveau de traitement a été plus élevé pour l'eau douce. La pollution y apparaît plus vite. Le risque de pollution et de conséquences pour la santé publique est plus grand parce que généralement, vous tirez votre eau potable de la même source d'eau que de celle où vous rejetez les eaux usées. Il est donc très important de traiter efficacement les eaux usées afin qu'elles n'aient pas des effets négatifs sur votre eau potable.
Il ne faut pas non plus oublier que, généralement, le long des Grands Lacs, il est nécessaire de chlorer les effluents sur un kilomètre ou deux de distance des endroits où nous captons l'eau, laquelle est également chlorée pour qu'elle soit salubre. Si nous ne pouvons pas chlorer ces effluents, nous aurons de sérieuses difficultés.
Le sénateur Adams: Nous utilisons beaucoup d'eau chlorée. Certaines localités ont un réseau d'aqueduc qui fait circuler l'eau par la station d'épuration où elle est chlorée après quoi il faut la renvoyer jusqu'au lac pour éviter que les tuyaux gèlent si la consommation d'eau est insuffisante. Je me demande combien de fois la même eau est chlorée. Je sais qu'elle ne reçoit qu'une certaine quantité de chlore par gallon, mais n'y ajoute-t-on pas du chlore chaque fois qu'elle retourne dans le lac et repasse par la station d'épuration? Combien de chlore ajoute-t-on au total?
M. Moore: Dans les cas où l'eau potable contenant des chloramines ou du chlore retourne dans le milieu naturel -- comme pour éviter le gel ou lorsqu'on nettoie une canalisation principale, les chloramines ou le chlore ont des effets nocifs sur le poisson. Nous avons l'habitude de déchlorer cette eau avant de la rejeter dans l'environnement. Dans une toute petite localité où il y a seulement un problème de gel, ce n'est peut-être pas le cas. Dans une grande ville où l'eau retourne à son lieu d'origine, par exemple si l'on répare une canalisation principale, ici dans Ottawa-Carleton, l'eau est déchlorée avant de retourner dans l'Outaouais, avant d'être rejetée dans l'environnement.
Il est reconnu et documenté depuis des années que cette eau peut être dangereuse pour le poisson. À moins qu'une réaction ne soit observée, une petite localité ne va probablement pas prendre ce genre de mesure pour une quantité d'eau réduite.
Le sénateur Cochrane: Monsieur le président, nous n'allons malheureusement pas entendre le point de vue des provinces et des municipalités au sujet de ce projet de loi. Savez-vous si les gouvernements provinciaux ou si la Fédération canadienne des municipalités ont soulevé certaines de ces questions auprès du ministre de l'Environnement?
M. Ellison: Lorsque l'Association s'est inquiétée de l'ajout des effluents municipaux chlorés à l'annexe I, comme cela a été proposé l'année dernière, elle a déposé officiellement une objection. Cette objection reposait sur le fait qu'il fallait indiquer la concentration de la substance en question en soulignant que le chlore était ajouté pour des raisons de santé publique.
Nous avons adressé la copie de cette objection à tous les ministres de l'Environnement des provinces. L'Association a reçu sept réponses des ministres provinciaux. Je peux déposer la copie de ces lettres; elles appuient les préoccupations de l'Association.
Nous avons fait valoir que si le chlore était inscrit dans cette liste, les municipalités qui se conforment aux exigences provinciales seraient en contravention avec une loi fédérale et responsables de rejeter un polluant. Un niveau de gouvernement en accuserait un autre de polluer parce qu'il suivrait les exigences provinciales.
La Fédération canadienne des municipalités nous laisse agir, reconnaissant que nous sommes une association nationale d'agences municipales qui se spécialise dans le domaine de l'eau et des eaux usées. Nous avons présenté nos opinions à la Fédération qui a été d'accord avec nous.
À notre avis, il y a encore deux défauts dans ce projet de loi. Il porte qu'une substance doit être inscrite sur la liste des substances toxiques si elle remplit l'un des deux critères. Toutefois, il ne tient pas compte de la possibilité que la substance peut avoir un effet positif sur un plan même si elle a un effet négatif sur l'autre. Rien ne peut rassurer ceux qui manipulent cette substance comme ce serait le cas si le gouverneur en conseil, la plus haute autorité du pays, disait qu'une substance est toxique, mais seulement au-dessus de 50 parties par million, par exemple.
Tant que les règlements n'en seront pas à la deuxième phase, ce qui peut prendre des années, les municipalités qui les manipuleront seront déclarées des pollueurs potentiels. Le problème est là.
Il y a sept substances inscrites sur la liste prioritaire dont les chloramines qu'il faut utiliser, plutôt que le chlore, aux termes de la législation provinciale, pour désinfecteur l'eau potable. Il y a également l'ammoniac. Nous dépistons toutes ces substances dans le cas du processus d'évaluation.
Ce qui nous inquiète, c'est le résultat de ce processus d'évaluation. Une fois que le gouverneur en conseil aura inscrit une substance sur la liste, il sera trop tard. Il faudra alors que 4 000 municipalités se battent contre 4 000 groupes environnementaux locaux ou des groupes de citoyens qui auront lu dans les journaux que telle municipalité rejette des substances toxiques dans l'environnement. Pourquoi 4 000 municipalités devraient-elles livrer cette bataille alors que le gouverneur en conseil pourrait dire: «Oui, cette substance est toxique, mais seulement au-dessus de 50 parties par million», par exemple? Pourquoi ne pas tenir compte des avantages nets?
Le sénateur Chalifoux: Ce projet de loi vise la totalité du pays. Je comprends vos préoccupations. Je viens du nord de ce que nous appelons le corridor intermédiaire. Ce corridor s'étend du nord d'Edmonton au sud du 60e parallèle.
Dans nos localités, les effluents se retrouvent dans les lacs d'où les gens tirent leur eau potable. Nous avons vu des bébés mourir de la dysenterie et de la diphtérie.
Je comprends le dilemme dans lequel se trouvent les municipalités, mais il faut également tenir compte de ce projet de loi dans l'ensemble du pays et c'est un grand pays.
Je cherche actuellement à faire installer une fosse sanitaire pour ma famille qui réside dans le corridor au centre du pays. Il y a eu bien des améliorations dans les systèmes de fosse sanitaire. Nous allons procéder à cette installation, mais ce n'est pas tout le monde qui en a les moyens.
Je sais que le chlore est utile. Nous l'avons utilisé pendant des années dans nos toilettes extérieures. C'est là que le sénateur Spivak a soulevé la question des coûts et avantages. Les dispositions que le projet de loi contient à cet égard conféreront au ministre et au gouvernement le pouvoir d'examiner les coûts. Tout le monde sait qu'on a besoin du chlore. Vous voulez que ce soit défini et détaillé; néanmoins, la définition qui satisfait vos municipalités ne sera peut-être pas la bonne pour les régions au nord de nos provinces.
Ce projet de loi doit répondre aux besoins de tous les Canadiens. Vos préoccupations vous permettront-elles d'établir des mesures de contrôle efficaces par rapport au coût, ce qui est déjà prévu dans le projet de loi?
M. Moore: Nous avons travaillé très fort à une harmonisation des normes à l'échelle de tout le pays. J'en ai brièvement parlé dans mon exposé.
Le niveau de chlore ou de chloramine présent dans l'eau potable est harmonisé à l'échelle du Canada. Les objectifs canadiens concernant l'eau potable ont été repris par chaque province: certaines d'entre elles prennent des règlements et d'autres émettent des directives. Il y a des normes. Tout le monde les connaît, les accepte et les applique.
Le sénateur Chalifoux: Pas tout le monde. Dans certaines de nos régions, nous avons l'eau courante. Nous prenons un seau et nous courons jusqu'au lac pour le remplir.
M. Moore: Nous parlons du réseau municipal. Les services privés font toujours exception à la règle. Les services privés ne chlorent généralement pas l'eau. Les gens prennent l'eau telle qu'elle vient. Il se peut qu'ils aient à la traiter. Si vous avez une fosse sanitaire, la quantité d'effluents que vous rejetez dans l'environnement est minime. Vous n'utilisez donc pas de chlore. Néanmoins, la municipalité doit fournir de l'eau potable et des effluents salubres. Voilà la situation dans laquelle nous sommes.
Vous avez parfaitement raison. Nous parlons seulement des services municipaux et non pas des services privés. Voilà pourquoi j'ai parlé de 24 à 25 millions de Canadiens tout à l'heure. Un certain nombre de Canadiens ne sont évidemment pas servis par les municipalités.
M. Ellison: Ce n'est pas le fait que les règlements puissent suivre la liste des substances toxiques qui nous inquiète. Nous connaissons et nous apprécions le processus d'analyse d'impact de la réglementation qui doit avoir lieu. Néanmoins, même si le projet de loi va raccourcir le processus, il va prendre probablement de 18 mois à deux ans. En attendant, une substance sera déclarée toxique sans qu'on se soucie des avantages de son utilisation ou de la concentration à laquelle elle est nocive.
Nous sommes des organismes de service public municipaux, à but non lucratif, assujettis à la réglementation provinciale, qui travaillent pour la santé du public et la protection de l'environnement.
Récemment, la Sierra Legal Defence Fund a évalué et classé 21 municipalités du pays. L'un des facteurs considérés était le rejet d'effluents d'eaux usées. Voilà le problème auquel nous sommes confrontés.
Nous disons que le gouverneur en conseil possède ces renseignements. Cela figure dans les rapports d'évaluation. Veuillez en tenir compte.
Le président: Merci, messieurs, de votre exposé.
Je voudrais maintenant demander aux représentants du Congrès du travail du Canada et du Syndicat canadien de la fonction publique de bien vouloir s'avancer.
M. Hassan Yussuff, vice-président directeur général, Congrès du travail du Canada: Honorables sénateurs, je tiens à remercier votre comité de nous avoir invités à présenter notre point de vue sur le projet de loi que vous examinez aujourd'hui.
Le Congrès du travail du Canada représente 2,3 millions de membres de syndicats des secteurs public et privé du Canada. Depuis 15 ans, le CTC joue un rôle majeur dans les consultations au sujet de la LCPE, en participant tant aux consultations préalables à l'adoption de la LCPE initiale en 1988 et au projet sur les substances prioritaires qu'aux consultations actuelles sur la révision de cette loi. De plus, le CTC a contribué à l'établissement de l'Inventaire national des rejets de polluants et joue un rôle majeur dans l'établissement du Règlement concernant la fourniture de renseignements sur les substances nouvelles, établi en vertu de la LCPE.
La position du CTC est fondée sur le mémoire qu'il a présenté au comité de la Chambre des communes sur l'environnement et le développement durable et sur la Stratégie nationale de prévention de la pollution établie par le CTC en 1998.
Le CTC participe activement au comité directeur du Réseau canadien de l'environnement sur les produits toxiques et a travaillé en étroite collaboration avec des organisations telles que l'Association canadienne du droit de l'environnement et l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement. Nous approuvons particulièrement les affirmations de l'ICDPE sur l'harmonisation de la LCPE, le rôle de l'analyse coûts-avantages, la résidualisation des pouvoirs que confère la LCPE, la définition de l'élimination virtuelle et la biotechnologie. Les droits des travailleurs et des travailleuses en matière d'environnement sont un autre point faible de la LCPE.
Dans le contexte de la LCPE, nous nous préoccupons toujours principalement de la prévention de la pollution et nous incitons le comité sénatorial à apporter des modifications importantes à cet égard.
Même si le titre du projet de loi indique qu'il vise la prévention de la pollution et que, selon son préambule, le gouvernement «s'engage à privilégier, à l'échelle nationale, la prévention de la pollution dans le cadre de la protection de l'environnement», le texte est risiblement faible, au point même d'être frauduleux. La partie 4 de la LCPE est courte et insignifiante. Les dispositions sur la prévention de la pollution ne s'appliquent, au mieux, qu'aux 26 substances énumérées à l'annexe I et les dispositions sur la planification de la prévention de la pollution sont vagues, facultatives et impossibles à mettre en application.
Dans son mémoire, le CTC soutient que la partie 4 de la LCPE est irréparable. Le CTC préconise l'adoption d'un vrai programme national de prévention de la pollution qui imposerait des mesures de prévention dans les lieux de travail du ressort fédéral en vertu de la partie 9 -- Opérations gouvernementales, territoire domanial et terres autochtones. Nous préconisons un système de droits ou de redevances sur l'utilisation de produits chimiques toxiques dont les recettes seraient réparties entre les provinces qui adoptent des lois de prévention de la pollution répondant à la norme fédérale fixée dans la partie 9.
La partie 9 comprend déjà le mandat de mettre en oeuvre la prévention de la pollution et le principe du pollueur-payeur dans les domaines de ressort fédéral. Toutefois, il y a lieu de renforcer le programme fédéral. La partie 4 de la LCPE était faible à cause des contraintes politiques et constitutionnelles applicables au pouvoir fédéral. Ces contraintes n'existent pas dans le ressort direct du gouvernement fédéral, c'est-à-dire chez les organisations énumérées dans la partie 9 de la loi. Cependant, on ne peut pas transposer la partie 4 de la LCPE dans la partie 9.
Les points précis à renforcer sont les suivants:
1. La prévention de la pollution et le PPP doivent être obligatoires dans les activités et entreprises relevant de la compétence fédérale.
2. La loi doit préciser la teneur, les objectifs et les exigences des plans de prévention de la pollution, y compris les méthodes de prévention de la pollution et la technique d'évaluation des dangers à employer dans le cadre de la planification.
3. La loi doit préciser les conditions de mise en application du PPP et les conditions de mise en oeuvre et de vérification des plans de prévention de la pollution.
4. Les résumés des plans de prévention de la pollution doivent être rendus publics et les plans entiers doivent l'être en cas de non-conformité.
5. Le ministre doit mettre en application les exigences de la partie 9 dans un délai de deux ans après la proclamation de la nouvelle LCPE, y compris une liste des produits chimiques auxquels le PPP s'applique.
Actuellement, il y a plusieurs listes de produits toxiques qu'on pourrait adopter, comme par exemple la Liste de divulgation des ingrédients dressée dans le cadre du SIMDUT -- que comprend un règlement établi en vertu de la Loi sur les produits dangereux. Celle-ci indique environ 6 000 produits chimiques d'usage industriel. Il ne convient pas d'adopter une courte liste des produits chimiques toxiques selon la LCPE, et d'ailleurs ce n'est pas nécessaire aux fins de l'application de la partie 9 de la LCPE.
6. L'article 322 de la LCPE, qui porte sur les instruments économiques, devrait être modifié de manière à permettre au ministre d'imposer des droits aux fins de l'administration du programme national de prévention de la pollution.
Mon collègue, David Bennett, va poursuivre.
M. David Bennett, directeur national, Santé, sécurité et environnement, Congrès du travail du Canada: Je voudrais attirer l'attention des sénateurs sur le point 5 de notre exposé, à savoir que «le ministre doit mettre en application les exigences de la partie 9 dans un délai de deux ans après la proclamation de la nouvelle LCPE, y compris une liste de produits chimiques auxquels le principe du pollueur-payeur s'applique».
Selon nous, c'est l'amendement le plus important que le comité sénatorial peut recommander. Cet amendement forcerait le gouvernement à agir de façon efficace par des mesures de prévention de la pollution et également à intervenir au titre des dispositions de la partie 9 du projet de loi C-32. Cela signifierait un changement d'attitude à Environnement Canada, le début d'une ère où seraient réglementés les entreprises et les ouvrages fédéraux. Environnement Canada a les ressources et l'infrastructure nécessaires à l'application d'un tel programme. L'infrastructure se trouve au Bureau national de prévention de la pollution. Cet amendement signifierait un coup de barre dans l'orientation du ministère et l'outil nécessaire permettant au projet de loi non seulement de protéger les Canadiens mais également, de façon tout à fait concrète, de mettre en oeuvre la prévention de la pollution selon les objectifs énoncés dans le préambule de la LCPE.
Je voudrais attirer l'attention des sénateurs sur deux autres documents que nous avons présentés au sujet du même dossier. Il s'agit de notre exposé devant le comité de la Chambre des communes, document auquel nous souscrivons toujours et qui explique les limites du projet de loi C-32 et pourquoi le programme visant à contrôler les substances toxiques n'aboutirait pas à une amélioration des dispositions actuelles de la LCPE. Bien sûr, il faut reconnaître que le bilan de la LCPE depuis dix ans en matière de réglementation des substances toxiques à l'échelle nationale est très peu reluisant.
On peut également expliquer pourquoi le gouvernement fédéral s'est montré si timide dans son programme de prévention de la pollution, pourquoi l'actuelle partie 4 de la LCPE ne pourra pas donner de résultats, pourquoi c'est un paravent, voire une escroquerie. C'est en foi de cela que nous affirmons que le gouvernement devrait concentrer ses efforts en matière de prévention de la pollution au titre de la partie 9 plutôt que de la partie 4.
Le deuxième document d'accompagnement est la Stratégie nationale de prévention de la pollution du CTC. On y expose toutes nos préoccupations que nous avons fait valoir concernant la LCPE. À la section 2 de ce document, on souscrit à la définition que donne le gouvernement fédéral de la prévention de la pollution, pour dire, en effet, que la définition est juste même s'il faudrait l'élargir et la clarifier, mais cela constitue un bon point de départ pour le programme de prévention de la pollution dans les domaines de compétence fédérale.
La section 4 porte sur les méthodes de prévention de la pollution. Selon son bon vouloir, le présent comité pourra décider d'énoncer les méthodes de prévention de la pollution qui découlent de cette définition étant donné que dans la loi actuelle on y parle abondamment de la prévention de la pollution et qu'on y déclare que celle-ci est un objectif national. Une définition existe, mais on n'explique pas en quoi consiste vraiment la prévention de la pollution. Je crois que le gouvernement, sur le plan politique, n'a finalement pas réussi à comprendre en quoi consiste la prévention de la pollution. Il n'a pas compris les mesures qui ont été prises de façon très convaincante dans des endroits comme le Danemark, le New Jersey et le Massachusetts. Quand la compréhension de la prévention de la pollution est réelle et étayée, il est alors beaucoup plus facile de définir les exigences concernant la prévention de la pollution aux termes de la partie 9, entreprises fédérales.
Enfin, la section 6 porte sur une technique dite évaluation du danger. L'évaluation du danger est une technique scientifique bien établie dans le domaine de la prévention de la pollution. Elle explique les fondements scientifiques justifiant la prévention de la pollution en milieu de travail. Elle repose sur un savoir-faire scientifique accumulé depuis longtemps. Elle est très différente de la technique controversée de l'évaluation des risques. Encore là, la compréhension de la notion d'évaluation du danger permettra de rendre effective la prévention de la pollution dans les milieux de travail au Canada, lesquels sont la clef de la réussite ou de l'échec de la prévention de la pollution.
Pour conclure, nous demandons instamment au comité de ne pas donner son aval à ce projet de loi sans y apporter d'amendements significatifs. De l'avis du Congrès du travail du Canada, le mieux que le comité pourrait faire serait d'attirer l'attention du gouvernement sur la partie 9, la prévention de la pollution dans les entreprises fédérales.
Le sénateur Spivak: Est-ce que l'évaluation du danger c'est la même chose que la toxicité inhérente?
M. Bennett: La section 8 de la Stratégie nationale de prévention de la pollution du CTC l'explique en détail, sénateur. Le système d'évaluation du danger ne calcule pas les effets sur l'environnement ni sur la santé humaine. De nombreux systèmes d'évaluation du danger, mais non pas tous, reposent sur la notion de toxicité intrinsèque, ce qui fait qu'on n'a jamais à tenir compte des données d'exposition ni des calculs d'exposition pour procéder à une évaluation effective du danger pour informer le programme de prévention de la pollution.
Le sénateur Spivak: Ai-je raison de penser que cela est le concept accepté scientifiquement tout comme le concept d'évaluation et de gestion du danger pour certaines substances?
M. Bennett: Oui. Il existe tout un savoir scientifique dont l'intégrité est au moins aussi grande que celle de l'évaluation du danger. Dans le passé, par exemple, les programmes d'évaluation du danger se concentraient à l'Université de Washington aux États-Unis. Le gouvernement de l'Ontario, dans son programme de substances candidates, a produit un plan très efficace d'évaluation du danger pour informer les décideurs sur les substances candidates. On a aussi mis au point des plans à l'échelle internationale, surtout en Europe. C'est une technique scientifique tout aussi valable que l'évaluation des risques.
Le sénateur Spivak: Pourquoi pensez-vous que la disposition du projet de loi sur la prévention de la pollution est aussi faible? Au cours des délibérations du comité de l'agriculture, nous avons constaté que le secteur exerce souvent des pressions sur les hauts dirigeants et sur les gens pour qu'on procède à des évaluations. La culture d'entreprise qui s'impose c'est «que veut le secteur». J'aimerais savoir s'il en est tenu compte dans la politique de prévention de la pollution.
M. Bennett: C'est une question bien longue et complexe, à laquelle je vais quand même essayer d'apporter une réponse simple et brève.
Dans les 20 dernières années, au Canada, les avocats qui s'occupent de droit environnemental ont trouvé des raisons très ingénieuses et très convaincantes pour que le gouvernement canadien puisse établir un programme national de prévention de la pollution couvrant l'ensemble du pays; tous les types de lieux de travail -- le secteur public et le secteur privé -- dans toutes les provinces et tous les territoires.
Ce sont des arguments astucieux et ils sont convaincants. On n'arrive toutefois pas à comprendre que, si l'on veut qu'il y ait un programme effectif de prévention de la pollution, il faut qu'il y ait une présence gouvernementale potentielle sur tous les lieux de travail dans tout le pays. La réalité politique fait que les provinces et les territoires ne le permettront pas; ils s'y opposeront. Même si tout cela était proposé dans un cadre coopératif, la vérité c'est que cela ne se fera pas.
A notre avis, il est illusoire de soutenir auprès du gouvernement et du présent comité qu'on a un programme national de prévention de la pollution qui peut effectivement être exécuté aux termes de la partie 4 de la présente LCPE. Nous disons que c'est faux. C'est illusoire.
Par conséquent, le gouvernement fédéral doit faire tout ce qu'il peut pour établir un leadership fédéral dans ce domaine. Il devrait commencer par montrer chez lui que la partie 9 peut être mise en application. Le gouvernement fédéral devrait aussi instaurer des mesures financières qui permettent d'inciter les provinces à se conformer à ce programme.
Cela peut paraître insatisfaisant, mais il nous faut nous rappeler que nous sommes un État fédéral. C'est le Canada. Nous proposons le meilleur moyen et le moyen le plus efficace de faire quelque chose. Toute l'ingénuité dont pourraient faire preuve les éminents avocats qui s'occupent d'environnement ne parviendra pas à persuader les gouvernements du Canada que le gouvernement fédéral a un mandat national lui permettant de prendre des mesures de prévention de la pollution aux termes de la partie 4 de la loi. C'est un mythe et une illusion. Quant à la résistance du monde des affaires, il résiste à tout.
Le sénateur Spivak: Merci. Voilà une réponse intéressante, et si nous en avions le temps nous aimerions en apprendre davantage.
Le sénateur Taylor: D'abord, je tiens à féliciter le Congrès du travail du Canada qui a beaucoup travaillé sur cette question. Je constate que vous êtes méfiants à l'égard des grosses entreprises, ce qui, au fond, est bien naturel. J'aimerais vous poser quelques questions concernant la recommandation 8 à la page 19 de la Stratégie nationale de la prévention de la pollution:
Le gouvernement fédéral doit instaurer une taxe sur les produits chimiques qui définisse la portée du programme, afin d'inciter les entreprises à utiliser moins de produits chimiques toxiques et de permettre un paiement de transfert aux provinces et territoires qui respectent les normes établies dans la législation fédérale du milieu de travail.
On dirait bien une redevance pour pollution ou une taxe sur les combustibles fossiles. Qu'en pensez-vous? Êtes-vous en train de nous dire que nous devrions proposer une taxe sur les combustibles fossiles?
M. Yussuff: Nous recommandons l'établissement d'une taxe concernant les produits chimiques toxiques. Toutefois, je pense que pour répondre à une question d'ordre politique, il existe une taxe sur les combustibles fossiles. Elle est intégrée à la taxe sur l'essence. Chaque fois que le gouvernement estime nécessaire de hausser cette taxe, il le fait, régulièrement.
Si vous voulez qu'on prévienne la pollution, il faudra des ressources pour qu'on s'en charge. Il faut trouver un moyen de financer l'exécution. Nous ne pensons pas que ce soit là une mauvaise stratégie après tout. Les produits chimiques sont dangereux et nuisent à la santé humaine. Nous devons trouver une façon de les réglementer et de trouver les ressources nécessaires pour faire ce que nous vous demandons de faire. Nous pensons que c'est nécessaire.
Le sénateur Taylor: Que diriez-vous à ceux qui prétendraient qu'une redevance pour pollution équivaut à conférer aux riches le droit de polluer?
M. Yussuff: Mon collègue tient à s'assurer que je précise ce point. C'est une taxe sur l'utilisation de produits chimiques. Si on n'utilise pas le produit chimique, on ne l'achète pas, et aucune taxe n'est perçue. Toutefois, s'il doit être utilisé, il faut reconnaître que la plupart de ces substances dont nous parlons sont toxiques et ont un effet néfaste sur les travailleurs de même que sur les collectivités qui sont les nôtres.
Le sénateur Spivak: Quelle est, à votre avis, l'importance de ce projet de loi pour le pays et votre organisation? À quel point jugez-vous important d'apporter ces changements?
M. Bennett: Comme la LCPE est une loi extrêmement volumineuse, elle doit avoir une certaine importance pour le public canadien. Nous avons indiqué divers domaines dans lesquels le projet de loi constitue une amélioration par rapport à l'actuelle loi.
Essentiellement, nous soutenons que, étant donné le succès limité de la LCPE, édition 1988, on est en droit de se demander: de quelles façons l'environnement canadien va-t-il changer en conséquence du projet de loi C-32? Selon nous, malgré tout le travail qui a été fait, malgré toutes les discussions et tous les amendements, dans l'ensemble, les choses changeront vraiment très peu en conséquence de ce projet de loi.
Le présent exercice constitue une occasion en or, et nous serions consternés que le gouvernement fasse adopter le projet de loi C-32 tel quel. Car l'environnement canadien serait ainsi soumis au régime de la loi proposée pendant au moins les dix années à venir. L'effet net de tout le travail qui a été fait sera qu'il n'y aura pas de changement de fond par rapport à la LCPE, version 1988. Prétendre que le projet de loi est le début d'une nouvelle ère dans la prévention de la pollution est finalement frauduleux. N'en faites rien.
Le président: Nous allons maintenant entendre la délégation du SCFP.
M. Peter Leiss, président, Comité national sur l'environnement, Syndicat canadien de la fonction publique: Merci de nous donner cette occasion d'adresser la parole au comité. Comme vous le savez, le SCFP représente plus de 450 000 membres répartis dans toutes les régions du pays. Beaucoup d'entre eux jouent un rôle important à l'égard de l'environnement canadien. Nous représentons des travailleurs du secteur de l'épuration des eaux, de l'évacuation des eaux usées, de la collecte des ordures et de l'application des règlements municipaux.
Beaucoup de nos membres sont chargés d'appliquer des règlements municipaux qui ont des conséquences environnementales touchant la société dans son ensemble. La collecte des ordures et le traitement des eaux usées ont un impact considérable sur notre environnement.
Nous reconnaissons que le projet de loi C-32 contient effectivement certaines améliorations par rapport à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Nous sommes encouragés par le fait que le projet de loi reconnaisse le principe de la prévention de la pollution. Sa formulation est telle cependant que le projet de loi ne permettra pas de réaliser l'objectif avoué du gouvernement fédéral de faire de la prévention de la pollution un objectif national.
Par le projet de loi C-32, le gouvernement bat en retraite à notre avis par rapport à sa promesse de faire de la protection de l'environnement une priorité de premier ordre au Canada. Les mesures prévues dans le projet de loi sont tout à fait insuffisantes et le fait de les présenter comme une réforme de la LCPE frise l'hypocrisie politique. Nous appuyons la position du CTC.
En allant de l'avant avec ce projet de loi, le gouvernement a fait fi de l'opinion du comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, ainsi que des critiques de la grande majorité des environnementalistes et de la volonté de la grande majorité des Canadiens.
Le projet de loi C-32 ne répond pas aux attentes des Canadiens, car non seulement il n'améliore pas la LCPE, mais il affaiblit en fait un certain nombre de ses dispositions. Il y a déjà cinq ans qu'on étudie l'actuelle loi.
Dans son rapport de 1995 sur la LCPE, le Comité parlementaire permanent avait formulé près de 100 recommandations visant à améliorer la loi. Le rapport avait été entériné par tous les membres du comité. Le rapport avait aussi reçu l'aval des environnementalistes, des syndicats et d'autres organisations publiques. Seul le secteur privé s'y était opposé. Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir et l'influence du secteur privé auprès du présent gouvernement.
Le gouvernement a choisi d'écouter les entreprises. C'est pourquoi nous nous trouvons aux prises avec ce projet de loi très imparfait.
Nous avons de vives objections à l'égard du projet de loi C-32. Il présente tellement de lacunes qu'il devrait, selon nous, être retiré, pour qu'on puisse recommencer à zéro. Ce projet de loi compromet indéniablement la protection de l'environnement.
Selon nous, il fera de la LCPE une charte à l'intention des pollueurs. L'actuelle loi n'est pas satisfaisante, car elle ne permet pas de s'attaquer de façon efficace à certains des grands dangers auxquels notre environnement fait face, et qui sont la raison pour laquelle la loi doit être changée. Or, le projet de loi C-32 affaiblit encore davantage la LCPE. Je tiens à vous faire part de certaines de nos préoccupations.
À l'encontre de l'actuelle loi, le projet de loi C-32 exige qu'une analyse coûts-avantages soit effectuée avant que des mesures de précaution ne soient prises pour protéger la santé humaine, la sécurité et l'environnement. À qui profite cette exigence? De toute évidence, elle profite aux groupes qui exigent précisément que le projet de loi soit modifié en ce sens. Les grands intérêts commerciaux ont mené une campagne vigoureuse pour faire ajouter au projet de loi un article comme celui-là. Il est évident que les industries sont touchées par toute tentative du gouvernement d'invoquer les articles de la LCPE et qu'elles contesteront toutes les décisions prises par Environnement Canada. Elles useront de leur pouvoir, de leurs richesses et de leur influence considérable auprès des ministres pour faire échouer toute tentative de dépolluer l'environnement. Si elles n'arrivent pas à persuader le gouvernement, elles auront alors recours aux tribunaux et intenteront des poursuites interminables alléguant que la loi est mal appliquée. Environnement Canada devra consacrer tout son temps à se défendre contre ces poursuites interminables.
Le projet de loi C-32 fait de la LCPE une loi de statut inférieur. D'autres lois du Parlement auront la préséance sur la LCPE. Toute loi adoptée en vue de promouvoir l'agriculture, le commerce, l'industrie ou quelque autre priorité gouvernementale entravera toute mesure qui pourrait être prise en vertu de la LCPE. Ainsi, la LCPE ne s'appliquera pas dans les domaines suivants: la réglementation des substances toxiques; la réglementation de la biotechnologie; la réglementation des engrais; la réglementation des urgences environnementales; et la réglementation de l'évaluation des nouveaux produits et nouvelles substances dans les secteurs biotechnologiques.
La LCPE prévoit des exigences plus strictes que la plupart des autres lois en matière de protection environnementale. Jusqu'à maintenant, elle avait la préséance sur toutes les autres lois. Le projet de loi C-32 change tout cela. Il fait disparaître des parties entières de la LCPE en prévoyant que des mesures ne peuvent être prises en vertu de la LCPE que si d'autres lois du Parlement ne s'appliquent pas. La plupart des Canadiens seraient d'avis que ce devrait être le contraire et que la santé des Canadiens et l'environnement devraient être plus importants que les intérêts des grandes sociétés. Le projet de loi C-32 donnerait également l'assurance que la LCPE continuera à permettre aux entreprises de produire et de vendre ces substances chimiques des plus toxiques qu'elles infligent à notre planète.
Les polluants organiques les plus rémanents pourront continuer à être produits. En 1993, l'actuel gouvernement avait promis d'éliminer graduellement ces polluants. Le projet de loi C-32 fait fi de ces promesses puisqu'il permet aux entreprises de continuer à utiliser ces substances. Il sera d'ailleurs pratiquement impossible, étant donné le libellé du projet de loi C-32, de montrer qu'une substance chimique quelconque qui est utilisée au Canada doit être éliminée. Cette concession a été accordée à la suite des pressions énormes exercées par les fabricants de produits chimiques.
Le projet de loi C-32 permettra au conseil des ministres d'exempter les nouveaux produits génétiquement modifiés de la procédure d'évaluation visant à mesurer leurs effets sur la santé et sur l'environnement. Le projet de loi donne au conseil des ministres le droit d'exempter des catégories entières de produits génétiquement modifiés de ce type d'évaluation. Les produits alimentaires, les médicaments, les plantes, les animaux et les poissons sont au nombre de ces catégories. Le conseil des ministres contourne la loi en faveur du secteur biotechnologique. Encore là, cette concession a été faite à la suite d'une campagne vigoureuse menée par le secteur biotechnologique afin d'empêcher la LCPE de réglementer l'utilisation de la biotechnologie.
Que faut-il conclure de cela et qui en profitera? Nous avons là une situation vraiment inhabituelle. S'agissant de la santé et du bien-être du public, le conseil des ministres se voit rarement confier des pouvoirs semblables. Nous devons supposer que le bien-être du secteur biotechnologique est une priorité bien plus importante pour l'actuel gouvernement que le bien-être des citoyens du Canada.
Le projet de loi C-32 prévoit de faire disparaître le principe de la prudence. La LCPE a été adoptée afin d'empêcher que notre environnement puisse continuer à être détruit. C'est là un objectif que nous appuyons depuis toujours. Or, si les changements envisagés sont adoptés, l'objet de la loi changera de façon radicale. Le gouvernement n'aura pas à intervenir pour s'attaquer à la pollution à moins qu'il puisse prouver qu'il en coûtera moins cher aux entreprises de dépolluer qu'il en coûte pour traiter les personnes touchées par la pollution. On donne ainsi clairement le droit aux entreprises de continuer à polluer.
On envoie aussi un message clair aux grandes sociétés: les bénéfices comptent plus que la santé et la sécurité. Le projet de loi part du principe qu'il est acceptable que les entreprises rendent les gens malades dans la mesure où elles peuvent montrer qu'elles subiront des conséquences financières délétères. Pis encore, c'est Environnement Canada qui devra payer la note pour l'analyse coûts-avantages. Le ministère chargé de protéger l'environnement sera tenu de trouver des raisons de ne pas prendre les précautions indiquées. Encore là, à qui cela va-t-il profiter? Certainement pas à ceux qui seront touchés. Le libellé du projet de loi nous oblige à nous demander comment le gouvernement pourra faire pour réaliser l'engagement qu'il a pris en vertu de l'entente internationale visant la réduction des gaz à effet de serre. Une fois qu'il aura déterminé les mesures à prendre, le gouvernement devra élaborer des arguments sur le plan des coûts-avantages pour montrer qu'il ne faut pas prendre ces mesures. Nous pouvons compter que les entreprises inonderont le gouvernement d'information pour montrer qu'elles ne devraient pas être touchées en raison des coûts. Nous supposons que ce sera à Environnement Canada qu'incombera la responsabilité de montrer les avantages. Or, le ministère a déjà perdu le tiers de son effectif. On sait bien qui sera avantagé.
Le projet de loi C-32, combiné à l'entente d'harmonisation avec les provinces, fournira aux éléments de notre société qui hésitent toujours à placer le bien public avant leurs propres intérêts toutes les occasions voulues d'éviter de prendre les mesures nécessaires pour améliorer l'état de notre environnement.
Il est tout à fait irresponsable de céder des responsabilités aux provinces, compte tenu des compressions budgétaires considérables qui ont été imposées aux ministères provinciaux de l'environnement. Partout dans le pays, on observe de nombreuses réductions du nombre des agents de protection de l'environnement, l'élimination de leurs services et l'abandon des programmes. Ces réductions vont plus loin que le niveau provincial. Les organismes municipaux de protection de l'environnement ont perdu du personnel, les services de conservation disparaissent et les groupes de protection de l'environnement doivent fonctionner avec un financement grandement réduit. Le gouvernement fédéral a mené la charge avec des réductions massives de plus de 30 p. 100 du budget d'Environnement Canada.
En outre, les pouvoirs d'Environnement Canada en matière de gestion de l'environnement sont compromis par le transfert des responsabilités à d'autres ministères fédéraux ayant des mandats complètement différents et souvent en conflit avec l'objectif de protection et d'amélioration de l'environnement. Le projet de loi C-32 ne fera rien pour améliorer l'aptitude d'Environnement Canada à protéger notre environnement, et il vaut mieux y renoncer.
Le SCFP estime que le gouvernement doit d'abord et avant tout rétablir le budget d'Environnement Canada et redonner à ce ministère le rôle prépondérant dans la protection de l'environnement. Il importe d'agir sans délai.
La majorité des modifications proposées dans le projet de loi C-32 sont contraires aux souhaits de la majorité des Canadiens. Les sondages montrent que la population s'attend du gouvernement fédéral qu'il prenne l'initiative au niveau de l'amélioration de l'environnement, qu'il ne se contente pas de stopper les dommages écologiques mais qu'il prenne des mesures pour améliorer et rétablir nos écosystèmes. Ces attentes concernent à la fois le niveau national et le niveau international.
Le projet de loi C-32 ne fait rien pour répondre aux objectifs de la population canadienne en matière de protection de l'environnement. Par exemple, 82 p. 100 des Canadiens estiment que la législation sur la protection de l'environnement devrait être plus stricte, en dépit de la dette publique et des compressions budgétaires. Quatre-vingt-dix pour cent des Canadiens sont inquiets au sujet de l'état de l'environnement et la plupart s'inquiètent grandement des dommages potentiels causés par le réchauffement de la planète. On s'inquiète également du fait que le Canada ne respecte pas les engagements internationaux qu'il a pris en vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Soixante-dix-huit pour cent des Canadiens estiment que leurs enfants auront de graves problèmes de santé à cause de la détérioration de l'environnement.
Le SCFP est d'avis que tout gouvernement qui renforce ses lois sur la protection de l'environnement aura l'appui d'une grande partie de la population canadienne. Ne pas le faire irait à l'encontre de la volonté de la population.
L'expérience a montré que les améliorations sur le plan de l'environnement sont toujours le fruit d'une loi plus stricte. Des sondages réalisés par le passé le confirment. Ceux-ci montrent en effet que 95 p. 100 des organisations interrogées ont admis qu'elles administraient des programmes environnementaux parce que la réglementation les y forçait. Soixante-six pour cent ont dit qu'elles y étaient incitées parce que les administrateurs de l'organisation risqueraient autrement d'être tenus pour responsables de violations des lois sur la protection de l'environnement et de leurs règlements. Seulement 16 p. 100 ont dit que l'adoption du projet C-32 n'améliorerait en rien la protection de l'environnement.
Les organisations de protection de l'environnement sont presque unanimes. Elles affirment toutes que le projet de loi comporte tant de défauts qu'il doit être renvoyé au Parlement afin qu'on y apporte des modifications substantielles. Comme nous, elles estiment que le projet de loi ne vise pas à protéger l'environnement mais plutôt à protéger les industries et les entreprises.
Leur message ne change pas. Seules de meilleures lois de protection de l'environnement permettront d'améliorer l'environnement. Ces organisations ont élaboré des projets de mesures législatives qu'elles ont soumis aux gouvernements. Elles ont siégé à des comités et recommandé l'adoption de lois meilleures. Elles ont fait des pieds et des mains en vue de faire de la planète un monde meilleur et plus sûr.
Le comité sénatorial a entendu un bon nombre de ces organisations, qui ont comparu devant lui ou lui ont soumis un mémoire. Apparemment, pas une n'a félicité le gouvernement pour son action dans ce dossier. Le gouvernement ne les a pas écoutées, et il ne nous a pas écoutés non plus. Nous vous demandons instamment de le faire.
Le comité sénatorial nous offre la dernière chance d'améliorer ce projet de loi. Il y va de l'hygiène publique des Canadiens et le projet de loi revêt une importance mondiale. De plus en plus ce sont les sociétés multinationales qui font la pluie et le beau temps dans des domaines qui intéressent les gouvernements nationaux. C'est le cas en l'occurrence car la LCPE est modifiée pour répondre aux intérêts des sociétés. Les modifications proposées sont nuisibles à la santé et à la sécurité des Canadiens et à l'environnement dans son ensemble.
Nous vous exhortons à rejeter ce projet de loi et à le renvoyer au Parlement avec pour consigne que l'on prépare un nouveau projet de loi amélioré qui sera introduit plus tard cette année. Ce nouveau projet de loi devrait contenir les modifications proposées par le Comité permanent de la Chambre des communes sur l'environnement et le développement durable. Il devrait également retenir les recommandations énoncées plus tôt aujourd'hui par les représentants des travailleurs.
Le président: Je suis sûr que vous conviendrez avec moi que le titre du projet de loi est bien.
M. Leiss: En effet.
Le président: L'exposé énonce clairement la position du Syndicat canadien de la fonction publique. C'est une position intéressante. Merci beaucoup.
Il n'y a pas de questions, n'est-ce pas?
Merci beaucoup, messieurs. Nous vous remercions d'être venus témoigner et d'avoir fait un excellent exposé.
Nos témoins suivants représentent l'Institut canadien de la santé infantile.
Le docteur Eva Rosinger, membre du conseil, Institut canadien de la santé infantile: Merci d'avoir invité les représentants de l'Institut à prendre la parole devant cet important comité sénatorial. M'accompagne aujourd'hui le président sortant du conseil d'administration de l'Institut canadien de la santé infantile, le docteur Graham Chance, médecin et scientifique qui a consacré toute sa carrière à la santé des enfants et qui a très à coeur leur bien-être. Mme Sandra Schwartz, qui est une spécialiste de l'hygiène de l'environnement et directrice des programmes environnementaux de l'Institut, m'accompagne également.
Quant à moi, je suis ingénieure et scientifique, membre du conseil d'administration de l'Institut canadien de la santé infantile et, jusqu'à tout récemment, j'occupais à l'OCDE, l'Organisation pour la coopération et le développement économique, à Paris, la fonction de directrice adjointe pour l'environnement. Auparavant, j'étais directrice générale et agent en chef du Conseil canadien des ministres de l'environnement.
Pendant 20 ans, l'Institut canadien de la santé infantile s'est fait la voix éloquente des enfants pour améliorer leur santé et leur bien-être. Pour nous, «l'enfance» dure du stade du foetus jusqu'à l'adolescence en passant par la petite enfance.
Depuis 1995, l'Institut analyse comment la santé des enfants peut être affectée par des contaminants provenant de l'environnement. On nous considère comme le chef de file au Canada en matière d'hygiène du milieu pour les enfants. L'objectif ultime de notre programme de santé infantile et de contaminants environnementaux est de garantir que les enfants peuvent grandir dans un environnement sain, un environnement qui n'entravera pas leur chance de devenir des adultes en santé.
Ce ne sont pas les détails du projet de loi C-32 dont nous allons discuter aujourd'hui dans notre exposé car nous nous en tiendrons plutôt à mettre en lumière les besoins particuliers des enfants dans le contexte de la protection environnementale. Le projet de loi C-32, dans sa forme actuelle, ne reconnaît pas la vulnérabilité particulière des enfants. Nous pensons que c'est une grave lacune et par conséquent nous recommandons qu'y figure une composante de la protection environnementale qui vise tout particulièrement les enfants et reconnaisse la nécessité d'une action préventive en l'absence de certitude scientifique.
Nous avons plusieurs recommandations précises dont nous donnerons les détails. Nous recommandons d'étoffer le préambule pour qu'il contienne un paragraphe reconnaissant la vulnérabilité particulière des enfants face aux contaminants environnementaux. Nous recommandons que dans le préambule, soit repris le libellé d'origine, c'est-à-dire celui qui avait été adopté par le Comité permanent de la Chambre, libellé qui reconnaît la nécessité d'éliminer progressivement la production et l'utilisation des substances toxiques les plus persistantes et biocumulables. Nous recommandons que dans la version anglaise, au paragraphe qui définit le principe de la prudence et énonce les devoirs de l'administration à cet égard, on supprime l'expression «cost-effective» et que l'on revienne à la version adoptée à l'étape d'examen au comité. Nous recommandons que la Partie 3, plus particulièrement les articles 43 et 44, et la Partie 5, aux articles 67 et 68, fassent allusion à la physiologie particulière et à la vulnérabilité propre aux enfants face à des dangers environnementaux. Nous voudrions également énoncer les raisons pour lesquelles le gouvernement du Canada devrait établir un bureau pour la protection des enfants en matière d'hygiène de l'environnement.
Je commencerai par parler de la vulnérabilité particulière des enfants. La santé d'un enfant à la naissance, et plus tard lorsqu'il est adulte, est influencée par de nombreux facteurs, parmi lesquels les facteurs environnementaux sont extrêmement importants. Les enfants ne sont pas simplement de petits adultes. En raison des caractéristiques de leur développement et de leur comportement et de leur physiologie, les enfants, surtout les jeunes enfants, constituent un segment bien particulier de la population et sont très vulnérables parce qu'ils ne subissent pas du tout l'influence des contaminants environnementaux de la même manière que les adultes.
Les enfants n'ont pas la même aptitude que les adultes à métaboliser, détoxifier et évacuer de nombreuses substances toxiques. L'exposition à ces substances lors de phases critiques du développement, de la conception à l'adolescence, peut entraîner des lésions irréversibles du système nerveux qui se met en place, déformer les schémas de comportement que l'enfant acquiert, entraîner une dysfonction du système immunitaire et avoir de graves conséquences sur le fonctionnement du système reproducteur. Si l'enfant est exposé à des substances toxiques lors de phases critiques de sa croissance, le système touché risque de subir des lésions permanentes.
Outre ces différences aux niveaux du développement et de la physiologie, les enfants sont plus exposés aux risques environnementaux que les adultes du fait de leur comportement. Les enfants jouent par exemple constamment par terre, ce qui les expose plus aux métaux durs, aux pesticides et aux autres polluants. Il importe donc que non seulement les parents, mais aussi les éducateurs, les collectivités et surtout les gouvernements et les décideurs politiques veillent à offrir à tous les enfants un environnement sans danger.
Pour ce qui est des engagements du Canada à l'échelle internationale, le Canada a signé depuis une dizaine d'années un certain nombre de déclarations et de conventions sur la santé des enfants, par exemple la Convention de 1991 relative aux droits de l'enfant et la Déclaration de 1998 des chefs de file de l'environnement au G8 sur la santé environnementale des enfants. En signant ces accords internationaux, le Canada s'est engagé à donner la priorité aux questions de santé environnementale pour les enfants liées au plomb, à l'eau potable, à la qualité de l'air, à la fumée secondaire, aux produits chimiques influant sur le processus hormonal et aux changements climatiques.
Quand les dirigeants canadiens ont signé la déclaration du G8, ils ont convenu de mettre sur pied des politiques nationales reconnaissant la vulnérabilité des bébés et des enfants aux contaminants environnementaux et de promouvoir la recherche dans ce domaine. Ils se sont en particulier engagés:
[...] à faire de la protection de la santé environnementale des enfants une priorité importante dans le domaine environnemental.
Malheureusement, le Canada n'a pas respecté une bonne partie de ses engagements et est à la traîne d'autres pays tels que les États-Unis en matière de politique visant à protéger les enfants.
Pourquoi faut-il une protection spéciale pour les enfants? Bien que les risques environnementaux soient moins importants depuis qu'on a adopté des normes sanitaires et environnementales plus rigoureuses, par exemple l'élimination du plomb dans l'essence, les enfants continuent à être exposés à des produits chimiques toxiques dans l'air, dans l'eau et les aliments parce que les politiques actuelles ne reconnaissent pas que le foetus et le petit enfant sont particulièrement vulnérables. Les normes actuelles ont été élaborées pour protéger les adultes et non les enfants, et elles ne reflètent pas les nouvelles informations sur la croissance et le développement des enfants et leur vulnérabilité particulière. Bien qu'il existe de plus en plus de recherches sur les liens entre les toxines de l'environnement et la santé humaine, ces recherches ont surtout été concentrées sur l'exposition des adultes en milieu professionnel à des produits chimiques dangereux, et non sur le bon développement de l'enfant. Il faut élargir ces recherches pour qu'elles portent aussi sur la vulnérabilité particulière des enfants aux contaminants qu'ils peuvent rencontrer dans l'environnement.
Nous affirmons qu'il faut donner une part importante à la vulnérabilité accrue des enfants aux contaminants environnementaux dans les dispositions du projet de loi C-32 qui vont établir notre politique environnementale. Après tout, c'est un projet de loi qui parle de notre santé et qui est vital pour l'avenir de nos enfants.
J'aimerais parler des preuves scientifiques et des mesures politiques. La plupart des dangers environnementaux ne sont identifiés et reconnus qu'après qu'ils ont provoqué des maladies chez l'homme. Il est vrai que souvent, nous n'avons pas de preuve empirique qui nous permette d'établir au-delà de tout doute le lien entre un contaminant présent dans l'environnement et la santé humaine. Cela vient entre autres du délai qui peut s'écouler entre l'exposition et l'apparition de la maladie. Deuxièmement, on ne comprend pas bien les expositions multiples, simultanées, de faible niveau et à long terme. Par conséquent, on ne comprend que partiellement la portée des dangers environnementaux pour la santé de l'enfant, du fait que la plupart des formes de maladie sont reliées à de multiples facteurs.
Les chercheurs découvrent constamment des effets importants et souvent permanents liés à des doses étonnamment faibles. L'histoire du plomb en est un bon exemple.
Nous commençons à constater certains effets directs et indirects que les secteurs du transport, de l'énergie et de l'agriculture en particulier peuvent avoir sur la santé humaine et la transformation du milieu mondial. C'est pourquoi nous encourageons vivement le comité à envisager l'adoption du principe de prudence dans le projet de loi C-32.
En vertu de ce principe, si un élément concret quelconque nous permet de penser qu'une activité, une technologie ou une substance risque d'être dangereuse pour l'environnement ou la santé humaine, il faut prendre des mesures de précaution, même si le lien de cause à effet n'est pas pleinement établi de manière scientifique. Autrement, l'absence de certitude scientifique ne doit pas être un outil d'inaction.
Le principe de prudence a été adopté lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement durable à Rio de Janeiro et a déjà été intégré à la réglementation d'un certain nombre de pays européens et à celle des États-Unis.
J'aimerais maintenant faire quelques remarques plus particulières sur le projet de loi C-32 et le principe de prudence. Dans le préambule, nous recommandons de rétablir le texte initial afin de stipuler la nécessité d'éliminer la fabrication et l'utilisation des substances les plus persistantes et biocumulables, et de reprendre ce texte tel qu'il existait avant l'étape de l'étude en comité.
Le projet de loi C-32 tient très peu compte de l'origine de la pollution et est axée surtout sur les effets ultérieurs. Il vise à contrôler et à gérer l'utilisation et le déversement des polluants plutôt qu'à en éliminer progressivement la fabrication et l'utilisation. Autrement dit, ce projet de loi recommande l'utilisation d'un dispositif de contrôle pour récupérer les polluants après qu'ils ont été produits ou relâchés, au lieu de chercher à les empêcher d'entrer dans l'environnement en mettant fin à leur production ou à leur utilisation. C'est pourtant ce qu'il faudrait faire pour vraiment empêcher la pollution, et c'est quelque chose qui va de paire avec le principe de prudence.
Actuellement, le projet de loi C-32 part du principe que les êtres humains et les écosystèmes peuvent absorber sans danger une certaine dose de contamination. Ce principe est maintenant remis en question, notamment dans le contexte de la santé environnementale des enfants.
Dans le passage concernant l'application administrative, à l'alinéa 2(1)a), nous recommandons de rétablir le texte initial du principe de la prudence sans y inclure l'expression «mesures effectives» comme c'était le cas avant l'étape de l'étude en comité. Il ne devrait pas être question de «mesures effectives» dans le projet de loi C-32, car cela laisse entendre qu'un certain degré de pollution et de risque pour la santé est le prix inévitable à payer en échange des avantages matériel de la technologie moderne. Le principe de la prudence vise au contraire à réduire progressivement les risques pour la santé. Il n'établit pas de limite pratique sur le plan social ou économique. Nous recommandons que, si l'on utilise l'expression «effective» on l'applique aux questions concernant la santé humaine et les coûts relatifs aux soins.
Passons maintenant aux aspects du projet de loi C-32 qui concernent la santé environnementale des enfants. Nous invitons le comité à envisager de modifier certains articles du projet de loi pour y intégrer la notion de santé environnementale des enfants, comme suit:
Dans le préambule, nous recommandons l'inclusion d'un article reconnaissant la vulnérabilité particulière des enfants aux contaminants de l'environnement. Il faudrait inclure dans le préambule la déclaration suivante:
Attendu que le Gouvernement du Canada reconnaît la vulnérabilité particulière des enfants et la nécessité de les protéger en appliquant une marge de sécurité dans les législations futures en matière d'environnement et de santé.
A la Partie 3, intitulée Collecte de l'information et établissement d'objectifs, de directives et de codes de pratique, il faudrait modifier l'article 43 en y intégrant une autre définition des «zones accessibles aux enfants» qui inclurait au moins les maisons, les écoles, les garderies, les centres commerciaux, les cinémas, les plages et les parcs, et il faudrait inclure à la fin de l'article 44 le nouveau paragraphe (5) suivant:
Les ministres effectuent des recherches ou des études sur un environnement plus sûr pour les enfants, études consistant notamment à:
Identifier les contaminant environnementaux communément utilisés ou trouvés dans les zones accessibles aux enfants;
Créer une liste sanctionnée par des spécialistes scientifiques décrivant des substances (contaminants environnementaux) identifiées à l'alinéa a) et qui présentent des risques connus, probables ou vraisemblables pour la santé des enfants.
Créer une liste contrôlée par des scientifiques de substances et de produits à risque réduit pour les enfants à utiliser dans les endroits accessibles aux enfants;
Établir des lignes directrices afin de réduire et d'éliminer l'exposition des enfants aux contaminants environnementaux, y compris la création d'un programme intégré de réduction des contaminants environnementaux.
Créer en vertu du droit de savoir une trousse d'information pour les familles comprenant un résumé de conseils comme la liste des substances qui présentent des risques pour la santé des enfants créée en vertu de b), la liste des substances et des produits à risque réduit pour les enfants créée en vertu de c), les lignes directrices établies en vertu de d), de l'information sur les effets possibles sur la santé des contaminants environnementaux ainsi que des suggestions pratiques sur la façon dont les parents peuvent réduire l'exposition des enfants à ces produits;
Mettre toute l'information créée ici à la disposition des gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et autochtones ainsi qu'à la population; et
Revoir et actualiser les listes créées en b) et c) au moins tous les cinq ans.
Dans la partie 5, intitulée «Substances toxiques», nous recommandons des amendements par l'ajout des paragraphes suivants:
67 e) obligeant tous les endroits publics accessibles aux enfants à offrir un environnement sûr;
68 d) relier et analyser les données recueillies ou produites en vertu de l'alinéa a) concernant la susceptibilité des enfants à l'exposition aux contaminants présents relâchés dans l'environnement ou leur biocumulation.
Honorables sénateurs, ces modifications du projet de loi C-32 concernant la santé environnementale des enfants permettraient au Canada de remplir les engagements qu'il a pris sur la scène internationale. De plus, ce texte serait la première loi canadienne à reconnaître la susceptibilité particulière des enfants aux contaminants environnementaux. À cette fin, nous recommandons fortement la création d'un office de la protection de la santé environnementale des enfants.
Pour protéger les petits Canadiens des contaminants environnementaux, il faudra un vigoureux engagement politique. Par exemple, en 1997, le président Clinton a signé un décret ayant pour but de réduire les risques d'accident et de maladie des enfants américains. Après, l'EPA (Environmental Protection Agency) des États-Unis a créé l'Office of Children's Health Protection. La mission de cet office est de faire de la protection de la santé des enfants un objectif fondamental de tous les efforts de protection environnementaux des États-Unis.
Pour mettre les petits Canadiens à l'abri des menaces environnementales, il nous faut des stratégies de protection axées sur l'enfant dans le cadre qui nous est propre. La modification du projet de loi C-32 en vue d'inclure la santé environnementale des enfants comme nous le proposons serait un élément de cette stratégie.
L'ajout d'une disposition créant un office de la protection environnementale de la santé des enfants serait une autre importante stratégie. Cet organisme pourrait, par exemple, être chargé de veiller à ce que toutes les normes environnementales actuelles et futures en matière de santé protègent les enfants; de promouvoir la recherche et l'élaboration de politiques relatives à la santé environnementale de l'enfant et de favoriser la coopération nationale et internationale sur la question relative à la santé de l'enfant; d'établir une évaluation distincte des risques pour les enfants et les adultes; et de créer des lignes directrices destinées à réduire et à éliminer l'exposition des enfants aux polluants environnementaux dans les endroits accessibles aux enfants.
En résumé, monsieur le président, nous recommandons fortement que le principe de la prudence serve de base à la réforme de la législation et de la réglementation environnementale et à l'adoption de nouveaux règlements. Il faut donc que le principe de la prudence soit au coeur du projet de loi C-32. Les amendements relatifs au préambule ainsi qu'aux parties 3 et 5 du texte, reconnaissant la susceptibilité particulière des enfants aux contaminants environnementaux, comme nous le proposons, sont essentiels à la protection de la santé et du bien-être de nos enfants. La création d'un office de la protection de la santé environnementale des enfants ferait beaucoup pour atteindre ce but.
Nous vous exhortons à inclure ces amendements au projet de loi C-32 ou à recommander la création d'une nouvelle loi destinée à protéger notre population la plus vulnérable: les enfants. Je vous remercie de l'occasion qui nous a été offerte de vous présenter notre position et nos recommandations à propos du projet de loi C-32. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Spivak: Dr Rosinger, à la page 3, vous dites que l'exposition à des étapes critiques du développement peut causer des dommages irréversibles au système nerveux en croissance et influer sur le comportement. Vous savez sans doute que les perturbateurs endocriniens ne font pas l'objet d'essais au Canada même s'ils le font aux États-Unis. De plus, une catégorie importante de produits, ceux de la biotechnologie, ne sont pas visés par ce texte. Ils relèvement de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et peuvent ne pas faire l'objet d'une évaluation, en tout cas en ce qui concerne la santé des enfants.
J'ai entendu récemment, par exemple, que la présence d'hormones dans le boeuf et d'autres substances font que les fillettes commencent leurs règles plus tôt, ce qui a un effet sur le taux du cancer du sein plus tard, entre autres. Beaucoup de produits inquiétants pour la santé des enfants sont exclus du champ d'application de cette loi et de l'autorité du ministre de l'Environnement.
Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de cet exemple et de la question des produits qui ne sont pas visés par le texte. Les pesticides, par exemple, tombent sous le coup de la Loi sur les produits anti-parasitaires.
Le docteur Rosinger: Je vais demander au docteur Graham Chance de répondre à la première partie de votre question et à Mme Sandra Schwartz de répondre à la deuxième.
Le docteur Graham Chance, ancien président, Institut canadien de la santé infantile: Il y a 50 ans, on a reconnu les effets nocifs des polluants dans l'environnement sur la faune. Depuis une vingtaine d'années à peu près, nous pouvons dire qu'ils nuisent aujourd'hui aux enfants. Vous avez parlé des perturbateurs hormonaux. Nous pourrions parler de perturbations neuro-comportementales et du système immunitaire en ce qui concerne les allergies et le cancer. Les perturbateurs hormonaux en particulier suscitent une vive inquiétude. Ils sont partout. La planète entière y est exposée. Certaines populations le sont à des doses plus élevées. Nous savons déjà que les enfants sont touchés par les perturbateurs hormonaux qui se trouvent dans l'environnement. Les adultes aussi, sans doute autant que les enfants, et l'on constate les résultats à l'âge adulte.
Vous avez parlé du début précoce des règles. C'est un des phénomènes, mais il y en a beaucoup d'autres dont on connaît l'existence aujourd'hui. On constate des cas de plus en plus nombreux de cancer infantile, des organes de la reproduction chez les adultes et de changement de l'anatomie des enfants à la naissance, presque assurément causés par la présence généralisée de ces perturbateurs endocriniens.
Nous avons examiné ce texte sous l'angle des enfants parce que si nous protégeons les enfants, nous protégerons les adultes. Si nous acceptons de protéger le foetus et l'enfant, nous protégerons forcément l'environnement.
Il y a de nombreux contaminants dans l'environnement et nous ne connaissons pas l'effet de leur combinaison. Chacun d'eux est étudié séparément, mais leur combinaison fait déjà sentir ces effets. Ces effets sont-ils cumulatifs?
Si nous autorisons d'autres contaminants dans l'environnement, nous augmenterons fatalement leur présence et leur effet sur les enfants.
Les populations autochtones du Nord en sont un bon exemple. Nous savons que le lait maternel contient des quantités importantes de perturbateurs hormonaux qui ont un effet sur les facteurs neuro-comportementaux. Si un enfant perd cinq points de QI, cela peut paraître peu, mais si toute une population perd cinq points en moyenne, quel effet cela aura-t-il? À un bout de l'échelle, cela va faire baisser de 2,5 fois le nombre d'enfants au QI supérieur à 130; à l'autre bout, la proportion des enfants au QI inférieur à 70 -- la définition de déficience intellectuelle -- est multipliée par deux. C'est donc dire que lorsque le développement neuro-comportemental est entravé par un contaminant environnemental, le changement est énorme et le coût pour la société dans son ensemble est immense.
Le sénateur Spivak: Sur ce point, outre le fait que beaucoup de ces produits ne seront pas visés par ce texte, il y a le problème du test de la toxicité. Beaucoup de ces substances ne se prêtent pas à l'évaluation et à la gestion du risque. Il vaudrait mieux les assujettir à l'évaluation du risque ou à la toxicité intrinsèque, ce qui n'est pas prévu dans le projet de loi. Cela a été supprimé après l'étude en comité.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces substances et du concept de la toxicité intrinsèque.
Le docteur Chance: Les tests de toxicité en ce qui concerne la santé des enfants nous préoccupent beaucoup depuis des années parce que pendant longtemps ces tests portaient sur la santé des adultes. Il est difficile de prévoir les effets à long terme sur l'enfant et en particulier sur le foetus à partir de données provenant d'adultes. Ce n'est que tout récemment que les effets sur le foetus en développement ont été évalués de près. Il n'y a toujours pas de test comportemental. Il y a longtemps que l'on attend des tests de toxicité pour le développement neuro-comportemental et les tests qui existent à présent pour les animaux sont encore très élémentaires. Pour les humains, les tests peuvent être beaucoup plus complets; de fait, si le test s'effectue sur le bébé humain, on constate qu'il y a très certainement des effets sur le développement neuro-comportemental. Les tests de toxicité sont donc une véritable source d'inquiétude dont on ne s'occupe pas assez, comme vous l'avez dit.
Mme Sandra Schwartz, directrice, Programmes environnementaux, Institut canadien de la santé infantile: Une grande partie de ce que nous avons examiné dans le texte ne porte pas forcément sur la qualité résiduelle du projet de loi, ce qui était le sens de votre question.
Le sénateur Spivak: Oui.
Mme Schwartz: Comme organisation, ce qui nous inquiète, c'est que ce projet de loi, parce que ce sera la loi fédérale sur l'environnement et la santé au Canada, aura, quelle que soit sa qualité résiduelle, un impact énorme sur la façon dont on abordera les questions environnementales au pays.
Il est très difficile d'établir une distinction entre les questions d'environnement et de santé. Elles vont de pair. Le texte le reconnaît. En ce qui concerne la Loi sur les produits anti-parasitaires, les autres lois dont j'avais parlé, je ne les connais pas aussi bien que celle-ci.
En ce qui concerne les perturbateurs hormonaux et les autres substances que vous avez mentionnées et dont il n'est pas question dans le texte, il est possible que les dispositions relatives à la toxicité intrinsèque s'appliquent à ces problèmes. Prenons le cas des perturbateurs hormonaux et des pesticides comme catégorie de produits chimiques. Il y a des pesticides qui figurent actuellement sur la liste prioritaire. Oui, ils tombent sous le coup de la Loi sur les produits anti-parasitaires et relèvent de l'organisme qui s'occupe des pesticides, mais ils figurent néanmoins sur la liste des substances prioritaires. J'imagine bien que d'autres pesticides seront portés sur la liste plus tard. Il est donc difficile de répondre à cette question sur la qualité résiduelle du texte.
Notre organisation estime que l'environnement et la santé vont de pair. Comme il s'agit d'un texte sur l'environnement et la santé, les idées et les faits évoqués par le docteur Chance doivent être pris en compte.
Le sénateur Spivak: Je m'intéresse plus particulièrement aux produits de la biotechnologie. Il n'y a pas de concept de toxicité inhérente dans le projet de loi qui permettra de les examiner. Ils le seront par l'Agence canadienne de l'inspection des aliments, dont la vocation est tout autre.
Mme Schwartz: Certains de nos collègues ont comparu devant le comité du Sénat et ont longuement parlé de la biotechnologie. Notre organisation souscrit à l'essentiel des positions de nos collègues des milieux de la santé et de l'environnement.
Le sénateur Pearson: J'ai beaucoup apprécié votre exposé. C'est un apport extrêmement précieux à notre discussion. J'aime votre idée d'un centre chargé d'étudier la santé environnementale des enfants. Cela pourrait à mon avis relever du ministère de l'Environnement. Ce serait extrêmement utile. Beaucoup de questions relatives aux enfants et à l'environnement restent encore à étudier, comme vous l'avez déjà dit.
Vous ne connaissez peut-être pas la réponse à la question que je vais poser, mais nous vivons dans un environnement planétaire et bien que les mesures que nous pouvons prendre au Canada puissent être utiles, ce que nous faisons ici ne permettra pas de régler beaucoup des problèmes à l'échelle de la planète ou, par exemple, d'avoir un effet sur l'impact planétaire de ce qui se passe au Pakistan ou dans l'ex-Union soviétique ou ailleurs en termes de ce qui est transmis à l'échelle de la planète. En venant ici, j'écoutais une émission de radio à propos de la guerre biologique et du fait qu'il y a beaucoup de toxines que personne ne contrôle.
Cela dit, que savez-vous de la faculté d'adaptation des enfants? Je suis très sensible à la nécessité de protéger les enfants, mais quand je regarde les statistiques sur la longévité des dernières décennies, il est évident que la situation s'est améliorée. Cela est-il attribuable uniquement aux progrès de la médecine ou y a-t-il dans l'espèce humaine une faculté d'adaptation?
Les messages que nous entendons font peur et on peut se demander à quoi bon avoir des enfants. Mais ce n'est pas ce que je vois dans mon monde à moi d'enfants et de petits-enfants. Moi, je ne vois pas de baisse du quotient intellectuel. Au contraire, ils me renversent par leurs capacités en cette nouvelle ère technologique. C'est curieux.
Mme Schwartz: Je vais laisser le docteur Chance répondre à la deuxième partie de votre question. Ensuite, j'aimerais parler de l'aspect mondial de la question.
Le docteur Chance: Je pense que tout indique que le cerveau d'un jeune enfant peut s'adapter. Nous savons que le foetus naît avec plus de neurones que ce dont il a besoin et que le nombre de neurones diminue au cours de la vie du foetus. Nous savons par ailleurs qu'il y a constamment des liens qui se forment dans le cerveau, des milliards de liens; le nombre maximum de liens est atteint vers l'âge de trois à cinq ans et diminue par la suite. Si on y songe, le jeune enfant est peut-être plus brillant que n'importe lequel d'entre nous.
Essentiellement, le fait est qu'il semblerait pouvoir s'adapter. Je ne pense pas cependant que nous puissions dire si nous sommes en train de surcharger cette faculté d'adaptation. Il ne fait aucun doute qu'au cours des dernières années, la longévité a augmenté grâce à bon nombre de mesures qui ont été prises.
C'est relié en partie à la reconnaissance d'une toxine environnementale qui est importante: la fumée de tabac ambiante. Un autre élément est le fait que l'on a corrigé certaines circonstances néfastes dans l'industrie. De nombreux facteurs, et je ne peux tous les nommer, ont augmenté la longévité.
Ce que j'essaye de dire, ce qu'il faut dire, c'est que nous parlons de demain, de l'avenir. Les peuples autochtones disent que nous devons songer aux sept générations à venir tout comme aux sept générations passées. Nous constatons l'impact non pas nécessairement de l'adaptabilité des humains aux toxines, mais les effets de toutes les mesures qui ont été prises grâce aux connaissances que nous avons acquises par le passé.
Nous avons maintenant de nouvelles connaissances qui nous permettent de savoir qu'il y a des vulnérabilités dont nous devons maintenant tenir compte. Il y aura peut-être une réduction au bout de cette génération à venir. Nous commençons déjà à en constater des exemples. Le pourcentage de naissances avant terme augmente; ce n'est pas lié à des facteurs environnementaux, mais il augmente.
À certains égards, nous avons atteint un plafond. Nous avons peut-être atteint un plafond pour ce qui est de la capacité de corriger les effets nocifs de la société que nous avons créée, et nous sommes en train de reconnaître que certains changements environnementaux qui s'effectuent à l'heure actuelle nous affecteront de façon négative à l'avenir.
Que cela nous plaise ou non, le pourcentage de cas d'asthme chez les enfants a quadruplé au cours des 20 dernières années. Il y a eu une augmentation de 50 p. 100 des cas de cancer infantile au cours des 20 dernières années. Au cours des 50 dernières années, le taux de fertilité a diminué. Toutes ces choses ont un impact et elles continueront d'avoir un impact. Nous avons peut-être une faculté d'adaptation, mais nous sommes en train de la surcharger.
Mme Schwartz: Je vais étoffer un peu ce dont a parlé le docteur Chance et je vous parlerai ensuite de la question de l'environnement mondial.
Lorsque nous parlons d'adaptabilité, il est important de reconnaître que, comme toute autre créature, nous allons de toute évidence nous adapter avec le temps. Reste à voir si nous le ferons en une génération ou en sept générations. Une partie du problème, c'est qu'à l'heure actuelle, nous ne savons pas à quel niveau les contaminants ont un effet ni quelle quantité de contaminants doit être présente pour qu'il y ait réellement un effet. Il y a encore de nombreuses questions qui demeurent sans réponse dans ce domaine.
Le sénateur Pearson: C'est pourquoi la recherche est si nécessaire.
Mme Schwartz: Combien de canaris allons-nous envoyer dans la mine avant de vraiment prendre des mesures? Allons-nous attendre qu'on se retrouve avec un quotient intellectuel cinq fois moins élevé, que les cas d'asthme chez les enfants quadruplent encore une fois au cours des 20 prochaines années? Ce sont des questions auxquelles nous devons répondre en tant que société.
Par ailleurs, si on regarde le processus d'évaluation du risque, il reste toujours une question. Ils veulent une marge de sécurité.
Il ne fait aucun doute que l'on en tient compte. Cependant, la question en ce qui concerne la toxicologie est la suivante: quel pourcentage du contaminant a un effet toxique? Purement et simplement dit, est-ce une goutte ou 10 gouttes, et est-ce que cela a un effet toxique?
J'aimerais revenir en arrière et dire que dix gouttes ont peut-être un effet toxique à l'heure actuelle, mais que dans 20 ans une seule goutte aura peut-être un effet, car nous nous adaptons peut-être dans la direction opposée. Je pense que nous essayons ici de répondre à de nombreuses questions, du moins certainement chez les chercheurs.
Pour ce qui est de la question de l'environnement mondial dont vous parliez initialement, avec le projet de loi C-32 et d'autres mesures législatives qui ont été adoptées au Canada, nous avons vraiment l'occasion, en tant que pays, de faire preuve de leadership à l'échelle mondiale. Nous accusons peut-être un petit retard par rapport à d'autres pays, notamment les États-Unis, mais on nous considère également comme des chefs de file dans un certain nombre d'autres domaines. Certainement, nous avons tenté de régler le problème du changement climatique en finançant des projets qui s'attaquent à ce problème à un niveau individuel, et l'industrie a tenté de régler le problème à un niveau technologique. Nous faisons donc des progrès.
Ce que je dis, et je pense que mes collègues ici seront d'accord, c'est que dans un projet de loi comme celui-ci, nous avons vraiment la possibilité de faire des progrès à l'échelle mondiale en faisant preuve de leadership au niveau de la législation sur l'environnement et la santé.
Le docteur Chance: Essentiellement, pour toutes les raisons dont nous avons parlé, nous sommes d'avis que le principe de prudence est extrêmement important. À lire le projet de loi, il ne me semble pas qu'il s'applique spécifiquement à la santé humaine. Il semble que dans le préambule le principe de la prudence vise à prévenir la dégradation de l'environnement grâce à la prise de mesures efficientes. Encore une fois, le paragraphe 76(1) ne parle pas spécifiquement de la santé humaine.
Pour les raisons que nous vous avons données, nous estimons que le principe de prudence est vital pour la société en général et pour les enfants en particulier.
Le sénateur Hays: Je suis d'accord avec l'essentiel de votre exposé lorsque vous dites que la principale préoccupation est la santé des enfants. Cependant, je dirais que cela devrait être la norme. Nous ne devrions pas avoir une loi pour les enfants et une autre pour les adultes. Le projet de loi ne devrait pas être considéré comme un projet de loi visant à protéger la santé des enfants en ce qui concerne les substances toxiques, leur rejet ou leur réglementation. J'accepte vos critiques de la façon dont le Canada s'occupe de la santé des enfants. Cependant, je me demande si la façon d'améliorer notre norme consiste à dire que nous avons une norme pour la santé des enfants et une autre pour la santé de toutes les autres personnes. Cette loi devrait certainement être administrée à partir du principe qu'il faut protéger les enfants, en tenant compte de leur vulnérabilité spéciale au cours des années de formation.
Le sénateur Pearson a parlé d'une initiative spéciale qui est prise afin de s'assurer que ce genre de mesure législative et la législation connexe servent notre intérêt public en ciblant les besoins des enfants. Je suis d'accord avec cela. Cependant, en tant que législateur, nous avons de la difficulté à administrer la loi. C'est quelque chose que nous devrions appuyer et que nous devrions faire dans le cadre de notre programme pour les enfants. Je ne suis pas sûr que nous puissions obliger le gouvernement à le faire par une loi. C'est quelque chose de difficile à faire. C'est ce que vous proposez.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous parlez de ce qui devrait se produire. Je pense que vous avez raison. C'est la norme qui devrait être visée dans ce projet de loi. Il ne devrait pas être reconçu pour en arriver à cette norme.
Le docteur Chance: Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur. Un aspect qui me concerne c'est que, si nous séparons effectivement les foetus et les enfants -- nous parlons des enfants au sens général, du foetus aux jeunes adolescents -- alors d'une certaine façon nous séparons le foetus. De toute évidence, le foetus est dans la mère. Si nous prenons le point de vue moral selon lequel nous séparons le foetus et l'enfant, alors cela crée des problèmes. Si nous créons une loi qui protège la société en général, y compris le foetus et l'enfant, alors à mon avis cela est beaucoup moins offensant pour les femmes. Si nous prenons une loi qui protège le foetus mais qui ne tient pas compte de la mère, alors cela crée des circonstances extrêmement difficiles. Cela me préoccupe. Je suis d'accord avec vous. Pour la sécurité de la société, il devrait y avoir un objectif spécifique qui dit que si les enfants sont en santé, les adultes le seront également.
Mme Schwartz: Sénateur Hays, si je vous ai bien compris, vous dites que nous proposons une norme pour les adultes et une autre pour les enfants. Ce que nous disons, c'est qu'il n'y a pas encore de loi au Canada qui parle de la «santé environnementale des enfants» et de la «protection de la santé des enfants» en ce qui a trait à l'environnement. Ce que nous recommandons au comité, c'est que cela ne soit pas entendu de façon inhérente dans une loi, mais qu'on le dise catégoriquement. Environnement Canada dit que cela est inhérent à l'évaluation du risque qu'il fait, mais si on ne dit pas catégoriquement, alors nous aurons une norme pour les adultes et une autre pour les enfants.
Le sénateur Hays: Je suis d'accord. Nous devrions le faire dans toutes les lois qui ont rapport avec cette question.
Le docteur Rosinger: Absolument.
Le sénateur Hays: Cela devrait peut-être être la norme dans toutes les mesures législatives. Cela devrait peut-être se trouver dans la Constitution. J'ai du mal à voir cela à un seul endroit. Si nous l'incluons ici et pas dans les lois qui sont administrées par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, est-ce que cela signifie que nous y accordons de l'attention ici mais pas ailleurs? Il existe un danger à dire que les enfants sont importants lorsqu'il s'agit de produits toxiques, si on suppose qu'ils ne sont pas aussi importants lorsque nous ne l'avons pas dit.
Le docteur Rosinger: Nous devons commencer quelque part.
Mme Schwartz: Sénateur, je suis d'accord avec ce que vous dites. Votre question est la suivante: pourquoi l'inclure dans ce projet de loi ci?
Le sénateur Hays: Oui, c'est exact, alors que ce devrait être la norme de toute façon.
Mme Schwartz: C'est un pas en avant. Nous disons que si nous l'incluons dans le projet de loi à l'étude, alors les projets de loi futurs l'incluront également. À l'heure actuelle, on est en train de réexaminer l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et les mesures législatives régissant les pesticides. Cet examen est fait à l'heure actuelle par le comité permanent de la Chambre des communes. Au fur et à mesure que l'on fera cet examen de la législation, nous pourrons commencer à y incorporer le principe de la santé environnementale des enfants.
Le sénateur Hays: Je comprends ce que vous voulez dire.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis très intéressée par ce sujet en particulier. Je réfère à votre paragraphe de la page quatre:
[Traduction]
Il n'y a jamais eu autant de cas d'infertilité, de difficultés d'apprentissage, d'asthme et de cancers.
[Français]
Je fais allusion à un problème que les jeunes ont aujourd'hui. À travers le Canada les médecins prescrivent du Ritalin aux enfants pour qu'ils soient plus tranquilles et plus sages à l'école. Est-ce qu'un organisme comme le vôtre intervient dans une telle situation? Vous vous intéressez à l'environnement, mais le monde médical a aussi créé un problème.
Au Québec, on a le plus haut taux d'amygdalectomie et le plus haut taux d'appendicectomie. Ce sont des intrusions directes sur les individus. Est-ce notre environnement qui fait qu'au Québec, on a ce genre de pratique médicale? Est-ce que vous êtes intervenus au sujet de l'amiante dans les murs des écoles qui, semble-t-il, a des effets sur la santé des enfants?
Quand vous parlez des différents impacts, que ce soit le cancer ou autre, -- en tout cas on relie peut-être l'amiante au cancer -- est-ce que vous séparez chaque cause où les courbes augmentent dans les difficultés d'apprentissage? Il y a quelques années, les gens n'allaient pas à l'école, donc c'est assez difficile de faire la comparaison. À quel niveau pouvez-vous relier ces questions à l'environnement? Est-ce que vous avez effectué des études? Est-ce que des études peuvent être soumises à notre comité?
Voici une autre hypothèse: il y a 25, 30, 40 ans, le taux de mortalité infantile était beaucoup plus élevé. La pratique de la médecine actuelle fait que des enfants qui ont des déficiences à la naissance vivent aujourd'hui. Ils ont peut-être des problèmes de santé parce que justement, ils sont nés prématurés. Tout est question d'héritage génétique. Si la médecine n'existait pas telle qu'elle est aujourd'hui, ces enfants seraient probablement morts. Ils ne feraient pas partie des statistiques. Quand vous dites que le côté environnemental est très important -- et on peut regarder les taux croissants d'infertilité, de difficultés d'apprentissage, d'asthme et de cancer -- je comprends que c'est épeurant, mais est-ce qu'on peut vraiment rattacher cela de façon spécifique?
Vous nous dites que la question environnementale doit être étudiée. Est-ce que votre organisme examine aussi la question reliée à l'intrusion dans la santé des enfants en donnant des médicaments qui ne sont pas requis et la question des opérations qui ne sont pas requises? Il faut aussi regarder du côté des médecines douces.
[Traduction]
Le docteur Chance: C'est une question très importante. Nous avons tenté de répondre à certaines de vos questions essentiellement en examinant le rôle de l'environnement et d'autres facteurs et les taux de morbidité infantile qui changent.
Nous savons que certains facteurs environnementaux jouent un rôle ici. Nous ne pouvons ne pas tenir compte de ces faits; cependant, nous ne pouvons pas déterminer le rôle précis de bon nombre de ces facteurs. Si vous voulez une réponse courte, oui, cela nous préoccupe. Oui, il y a de plus en plus de cas de troubles de l'attention et de troubles du comportement dans la société. Quelle proportion de ces troubles peut-on attribuer à l'environnement, au sens général, dans lequel l'enfant grandit? Dans quelle mesure est-ce que cela est causé par les facteurs environnementaux et les contaminants environnementaux? Par exemple, il ne fait aucun doute que l'ingestion de plomb et de BPC provoque un comportement anormal chez les enfants. On en a la preuve, cela ne fait aucun doute. Cependant, quel rôle ce facteur joue-t-il par rapport à la situation générale, par opposition à la violence des parents, à la tristesse que l'on retrouve dans certaines familles, ou aux contraintes économiques et de temps auxquelles les familles font face? Tous ces facteurs jouent un rôle, il n'en fait aucun doute.
Nous sommes ici aujourd'hui pour parler surtout de l'environnement et il est évident que nous devons contrôler les facteurs environnementaux qui jouent un rôle. Nous ne pouvons pas dire cependant quelle est l'ampleur du rôle que jouent ces facteurs.
Mme Schwartz: Par exemple, les cas d'asthme ont quadruplé. Dans le milieu de la recherche, il y a tout un débat sur la cause de cette augmentation. Une cause possible est le fait que l'on établisse davantage le diagnostic prévalent qu'il y a 20 ans. Est-ce que cela peut expliquer une augmentation de 400 p. 100? Nous ne le croyons pas.
Y a-t-il un rapport entre les facteurs environnementaux et l'augmentation des cas d'asthme? Nous savons que certains contaminants environnementaux exacerbent l'asthme. Nous savons que certaines questions de qualité de l'air à l'intérieur de la maison entrent en ligne de compte. Nous savons par ailleurs que la qualité de l'air extérieur peut exacerber la maladie. Nous ne savons pas quels sont les facteurs qui provoquent cette maladie.
On a fait beaucoup de recherches afin d'essayer de trouver un lien avec la qualité de l'air extérieur. La plupart des chercheurs dans le domaine diraient que la qualité de l'air extérieur n'est sans doute pas la cause. Cependant, personne n'a pu déterminer s'il y avait un lien avec la qualité de l'air intérieur. Les États-Unis comptent, à l'heure actuelle, huit centres qui étudient la santé environnementale des enfants. Six de ces centres étudient l'asthme. Bon nombre de ces centres étudient par ailleurs la qualité de l'air intérieur comme une cause du déclenchement de la maladie, par opposition à l'exacerbation d'une condition existante. Il y a donc beaucoup de choses que nous ne savons pas. Il faudra faire d'autres recherches pour déterminer comment et dans quelle mesure l'environnement affecte cette maladie.
Le docteur Chance: Nous savons que certains contaminants interfèrent avec la génération du système immunitaire. L'asthme est de toute évidence un problème du système immunitaire.
Le sénateur Adams: Vous avez parlé des peuples autochtones. Je ne sais pas si vous avez fait beaucoup de recherches sur la santé des gens qui vivent dans l'Arctique. Certains problèmes sont bien pires pour les peuples autochtones que pour les peuples du sud. Il y a par ailleurs un pourcentage très élevé d'adolescentes mères dans l'Arctique, qui n'ont que 13 ou 14 ans.
Nous avons adopté des lois et pris des règlements afin de ralentir l'usage de la cigarette et la consommation d'alcool dans nos collectivités. Notre culture est un peu différente. Nous ne mangeons pas les mêmes choses que les gens du sud. Parfois nous mangeons de la viande de caribou crue ou gelée. Nous mangeons également du poisson cru. Nous nous demandons si le fait de manger de la viande crue ou polluée peut affecter notre santé.
De nombreuses études ont été faites dans nos collectivités. Souvent, les chercheurs retournent dans le sud et présentent leurs rapports à quelqu'un autre, notamment au ministère des Affaires indiennes ou à un autre organisme, mais ils ne présentent jamais leurs rapports aux gens dans nos collectivités.
Maintenant que le gouvernement du Nunavut existe, si des études sont effectuées dans les collectivités, particulièrement des études qui portent sur la santé, les responsables devraient s'adresser aux hommes et aux femmes politiques locaux et aux municipalités et communiquer leurs résultats. Ils ne devraient pas aller d'abord à Ottawa. Les gens ne comprennent pas pourquoi rien ne se produit une fois qu'une étude est terminée. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Le docteur Chance: Je n'ai pas fait de recherches dans le nord. Je me tiens au courant des recherches qui sont faites au sujet de tous les enfants, y compris les peuples autochtones. Je conviens que par le passé, ce sont des gens du sud qui faisaient des recherches et qui présentaient les résultats de ces dernières dans le sud afin d'obtenir de l'avancement personnel.
En fait, ce modèle est en train de changer. J'espère qu'il continuera de changer. On est en train de donner plus de pouvoir aux collectivités autochtones. On forme des autochtones afin qu'ils puissent faire des recherches dans leurs propres collectivités et qu'ils communiquent les résultats à leurs propres collectivités.
On doit vraiment craindre que ces contaminants se retrouvent à des niveaux plus élevés chez les peuples et les enfants autochtones. J'ai mentionné un changement de 5 p. 100. S'il y a un changement de 5 p. 100 dans une collectivité, à la hausse ou à la baisse, parce qu'on a introduit quelque chose dans la collectivité, alors nous devrions constater un changement important pour cette collectivité.
Le sénateur Adams: Oui. Or, en fait, bon nombre de nos gens commencent à abandonner la cigarette et l'alcool, et il y a une mesure législative à cet effet car parfois on ne devrait pas permettre aux gens de fumer ou de boire. Nous avons de nombreux règlements pour des choses du genre.
Le docteur Chance: Nous devons sensibiliser davantage nos autochtones afin de montrer qu'ils peuvent influencer leur propre avenir et l'avenir de leurs enfants en corrigeant certains de ces problèmes. Il est possible de le faire.
Le sénateur Cochrane: Je tiens à vous remercier pour votre travail et vos efforts sur la question, particulièrement pour les enfants d'aujourd'hui et pour les enfants partout au pays. J'ai fait carrière dans l'enseignement, et je suis stupéfait de voir tous les problèmes qu'ont les enfants. Aujourd'hui, il y a encore plus de problèmes qu'il n'y en avait il y a des années. Par exemple, l'incidence d'autisme est incroyable; nous ne savons pas quoi faire face à cela. Il y a également l'asthme. Est-ce que le ministre de la Santé répond également à certaines de vos préoccupations?
Mme Schwartz: Comment pourrais-je répondre à cette question? Dans une certaine mesure, nous avons régulièrement des rencontres avec Santé Canada. Plutôt que de me lancer dans une discussion politique, je dirai que l'on répond à nos préoccupations jusqu'à un certain point. Chose certaine, il existe actuellement un comité interministériel d'Environnement Canada et de Santé Canada. La Direction générale de la protection de la santé et la Division des politiques et des communications d'Environnement Canada se réunissent pour discuter du rôle de l'environnement dans la santé des enfants.
C'est le financement qui pose des difficultés. Pour l'essentiel, notre programme environnemental à l'Institut est financé par le gouvernement fédéral. L'argent vient d'Environnement Canada et de Santé Canada. Il nous est toutefois accordé au compte-gouttes.
Les deux ministères ont pris verbalement des engagements relativement au dossier qui nous préoccupe, mais cela ne se traduit pas par un engagement financier. Par exemple, nous avons créé le Réseau de santé environnementale des enfants canadiens, regroupant des organisations d'un peu partout au Canada. En essayant de mettre cela sur pied, nous avons réussi à intéresser à notre projet un certain nombre d'intervenants internationaux qui sont en train de créer des réseaux internationaux. Nous avons intéressé le gouvernement fédéral et le ministre de la Santé. Par contre, cela n'a pas débouché sur une aide financière.
Donc, pour répondre à votre question, oui, nous avons des entretiens avec les ministres sur ces dossiers. Nous en parlons aux fonctionnaires, en particulier à la Direction générale de la protection de la santé et à Environnement Canada. La question qui se pose est plutôt de savoir dans quelle mesure il existe un véritable engagement à cet égard.
M. Rosinger: Je voudrais ajouter un mot. Ce dossier de bureau de la santé environnementale des enfants nous a amenés à nous intéresser à cette idée, parce que nous espérions qu'un tel bureau favoriserait une intégration plus poussée de la recherche sur la santé environnementale et de l'élaboration des politiques relatives aux enfants. Nous ne voulons pas qu'Environnement Canada et Santé Canada travaillent à la pièce chacun de leur côté; nous espérions plutôt que la politique serait intégrée dans la future réglementation et que l'on prendrait en compte les divers aspects de l'hygiène de l'environnement en ce qui a trait aux enfants.
Nous considérons ce bureau comme un instrument qui permettrait d'établir la collaboration à la fois à l'échelle nationale, entre les divers ministères gouvernementaux et institutions, et à l'échelle internationale. Le Canada pourrait devenir un chef de file et conseiller les autres pays ou les mettre au courant de ce qui s'est fait au Canada, sur demande ou à des tribunes internationales. Cela permettrait de redonner au Canada la place de leader qu'il a déjà occupée. Dans beaucoup de pays du monde, nous sommes considérés comme un chef de file dans le domaine de l'hygiène de l'environnement et de la qualité de vie.
Mme Schwartz: Je voudrais ajouter qu'Environnement Canada et Santé Canada ne seraient pas les seuls représentés à ce bureau. On y trouverait aussi les ministères de la Justice et des Transports. En fait, tout ministère fédéral qui a, de près ou de loin, quelque chose à voir avec les enfants et l'hygiène du milieu.
Le président: Merci à tous d'être venus. Je me joins à tous les membres du comité pour vous souhaiter le meilleur succès dans vos importantes entreprises.
J'invite maintenant nos derniers témoins, qui représentent le Deline Dene Uranium Committee.
Monsieur Andre, vous avez la parole.
M. Leroy Andre, coprésident, Deline Dene Uranium Committee, sous-chef du conseil de bande Deline Dene: Je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole devant vous au sujet de ce projet de loi. Nous ne traiterons pas du projet de loi lui-même; nous voulons seulement raconter notre histoire et vous faire savoir quelles sont les conséquences de ces questions sur notre peuple.
Comme vous le savez, je suis le sous-chef de la bande indienne Deline Dene et aussi le coprésident du Deline Uranium Committee. Je suis aussi président du conseil des ressources renouvelables. Je suis accompagné de Paul Baton, ancien de la bande Deline Dene et membre du comité, et de Gina Bayha, qui est également coprésidente du comité Deline Uranium et qui a été antérieurement porte-parole dans ce dossier.
Deline se situe dans les territoires. Je ne sais pas si vous connaissez le Grand lac de l'Ours, l'une des plus grandes masses d'eau douce au Canada. Les habitants de Deline étaient tout à fait nomades; en conséquence, notre histoire est surtout orale. Nous ne sommes pas habitués à lire des livres ni à écrire des notes ni même à en dicter. Notre histoire est consignée dans la tradition orale. En fait, c'est bien simple, écrire n'est pas mon fort et je ne suis pas habitué à écrire des discours. Comme les autres membres de mon peuple, je parle du fond du coeur. C'est ainsi que nous sommes.
Les Dénés de Deline ont vécu une vie nomade pendant des milliers d'années. Les anciens nous ont toujours enseigné à prendre bien soin du territoire. Ils nous disent que le plus important pour nous, ce sont les animaux, la terre et l'eau. Pour eux, l'environnement est ce qui est le plus important pour le peuple déné. Pendant des milliers d'années, c'était important pour nous de protéger le territoire et de conserver notre culture. C'est ce qui nous a permis de survivre jusqu'à aujourd'hui.
Il n'y a pas tellement longtemps que Deline a été fondé -- c'était autour de 1950, il y a un peu plus de 40 ans. Jusqu'à cette date, nous étions très prospères et nous avions une culture florissante. Aujourd'hui, nous sommes forcés de vivre selon un mode de vie différent, ce qui est un grand changement pour beaucoup de nos anciens comme M. Baton.
Quoi qu'il en soit, nous sommes venus ici pour vous parler des répercussions que ces contaminants ont sur notre vie.
En tant que leader de Deline, je peux vous dire que nous devons toujours nous accommoder de lois qui sont faites ici, au sud, et qui sont très lourdes de conséquences pour les gens du nord. Peut-être que nous ne comptons pas dans l'équation, mais en tant que gens du nord, nous sommes préoccupés au plus haut point par notre territoire et notre peuple. Depuis un mois, il y a eu deux morts dans notre localité: l'un du cancer et l'autre d'une maladie du coeur qui est rare -- on me dit qu'elle touche seulement une personne sur un million. Nous voyons des gens de 40 ans ou même de 30 ans qui meurent du cancer. Le cancer est l'une des principales causes de décès dans les territoires et c'est très inquiétant.
J'ai cinq enfants. S'il devait m'arriver quelque chose, ils sont encore jeunes. C'est pourquoi, en tant que jeune leader, je m'efforce de leur transmettre mon savoir. Le plus vieux a 9 ou 10 ans. Je crains qu'il ne me reste pas tellement de temps à vivre.
Je vais maintenant céder la parole à Gina Bayha. Elle vous donnera des explications sur la mine, après quoi Paul Bacon aura quelques mots à dire.
Mme Gina Baya, Deline Dene Uranium Committee: Notre exposé porte aujourd'hui sur les conséquences permanentes de l'extraction minière d'uranium et de radium dans les années 30 sur les Sahtu Dénés du Grand lac de l'Ours. Aujourd'hui encore, nous en ressentons les conséquences.
L'extraction de radium a eu lieu dans notre région de 1930 à 1940. De 1940 jusqu'au milieu des années 60, on a extrait l'uranium. Le site de Port Radium se trouve à l'extrémité nord-est du Grand lac de l'Ours et nous vivons actuellement dans une localité qui se trouve de l'autre côté, sur la rive ouest du lac.
Avant le début de l'exploitation minière dans notre région, nos gens sillonnaient le territoire. Nous étions une société nomade, essentiellement une société de chasseurs-cueilleurs. Nous chassions le caribou et pêchions dans le lac. Nous suivions les animaux dans leurs déplacements saisonniers. Nous nous déplacions constamment autour du Grand lac de l'Ours. Ce n'est que récemment que nous avons commencé à nous sédentariser, sous l'effet de pressions extérieures. Une église a été construite et une école a été fondée, mais même jusqu'à la fin des années 70, les gens n'habitaient pas vraiment au village. Ils résidaient dans leurs camps installés en pleine nature et ils ne venaient au village qu'occasionnellement, pour s'approvisionner. C'est donc seulement récemment que nous sommes installés dans une seule localité située près du lac.
Nous n'avons d'ailleurs pas complètement abandonné cette culture. Nous avons nos maisons à Deline, qui se trouvent sur la rive du Grand lac de l'Ours, mais nous chassons tout autour du lac. Nous avons nos chasses et nos activités saisonnières tout autour du Grand lac de l'Ours. Encore aujourd'hui, nous sommes essentiellement une société de chasseurs-cueilleurs. Nos chasseurs ont aussi divers emplois saisonniers ici et là qui leur donnent un revenu d'appoint leur permettant d'acheter leurs motoneiges et leurs bateaux afin de continuer à faire la chasse et le piégeage.
L'histoire que nous voulons vous raconter aujourd'hui est celle de l'expérience qu'a été pour nous l'industrie minière à l'époque; nous voulons vous donner notre point de vue là-dessus. M. Baton a été porteur de minerai; il est l'un des survivants de cette époque et il vous décrira sa vie quotidienne, ce qui s'est passé et ce qu'il a vu. Mais avant de lui céder la parole, je voudrais résumer brièvement ce qui s'est passé.
C'est dans les années 30 qu'a été découvert le gisement de minerai à Port Radium, sur la rive occidentale du Grand lac de l'Ours. C'était l'un des plus riches gisements de radium et d'uranium au monde. L'exploitation minière a commencé en 1931. C'est à cette mine que le minerai était grossièrement trié et ensaché pour être expédié ailleurs. C'est à cette mine que les gens de notre peuple, les Sahtu Dénés, ont travaillé comme porteurs de minerai. On les appelait les «coolies» et ils transportaient le minerai depuis le gisement jusqu'à l'endroit d'où on l'expédiait vers le sud. Les hommes transportaient sur leur dos des sacs de minerai brut pesant entre 90 et 100 livres. Ils commençaient très tôt le matin et travaillaient jusqu'à la nuit tombée. Ils faisaient ce travail jour après jour pendant les mois d'été et aussi à l'occasion pendant les mois d'hiver. Les hommes transportaient le minerai depuis le site de Port Radium où se faisait l'extraction minière. À l'origine, on transportait seulement le radium.
Les hommes aidaient à faire un tri grossier du minerai et à le mettre dans des sacs de jute. Ils prenaient ensuite ces sacs à pleines mains et les portaient à dos d'homme depuis la mine jusqu'aux grandes barges sur le Grand lac de l'Ours. Le minerai était alors transporté sur 250 kilomètres vers l'ouest, jusqu'à un endroit appelé Great Bear Landing, à l'embouchure de la Great Bear, qui se jette dans le Mackenzie, lequel coule du sud au nord. Les sacs étaient déchargés sur le quai au bord du lac. Les hommes les rechargeaient alors sur de plus petites barges fluviales sur lesquelles ils s'embarquaient.
Comme la Great Bear est une rivière peu profonde, vers le milieu du trajet sur la rivière, il fallait décharger les barges à l'endroit de portage et transborder les sacs sur des camions à plate-forme. Environ 13 kilomètres plus loin, il fallait de nouveau transporter les sacs sur de petites barges fluviales pour le dernier tronçon jusqu'au Mackenzie.
Au confluent de la Great Bear et du Mackenzie, les hommes étaient toujours à bord des barges et devaient décharger une fois de plus les sacs pour les transborder sur les énormes barges qui naviguaient sur le Mackenzie. Les sacs de minerai étaient alors transportés jusqu'à leur destination finale -- nous ne savons pas exactement où. Nous savons seulement que c'était vers le sud.
Au total, il y avait huit points de transfert où il fallait physiquement manipuler les sacs. Les hommes nous disent que les sacs s'éventraient fréquemment pendant le transport. Certains hommes étaient chargés exclusivement de balayer la poussière et à la fin de la journée, ils étaient couverts de poussière blanche. Leurs cheveux et leurs vêtements étaient couverts de poussière. Chaque jour, ils devaient rentrer à la maison pour retrouver leurs femmes et leurs enfants.
Par contre, beaucoup d'hommes amenaient leur famille avec eux sur les barges. Étant donné qu'à l'époque, leur société était essentiellement fondée sur la chasse et la cueillette, les femmes ne pouvaient pas rester à la maison pour essayer de se débrouiller seules et d'élever les enfants toutes seules. C'est pourquoi beaucoup d'hommes amenaient leur famille avec eux et les installaient près de l'endroit où ils travaillaient. Les familles vivaient là avec les hommes. Les femmes faisaient la cuisine pour leurs maris. Les gens allaient à la pêche à cet endroit, qui était tout près de la mine. Ils chassaient aussi le caribou tout près. En fait, toute leur nourriture provenait des environs immédiats. Les enfants jouaient aussi aux alentours.
Les hommes rentraient à la maison couverts de poussière et se livraient à leurs activités familiales.
Les femmes nous ont raconté qu'ils utilisaient parfois les sacs de jute qui étaient déchirés et laissés sur place. Elles en faisaient des tentes pour y loger leur famille.
Parfois, quand les hommes étaient partis pendant de longues périodes, les femmes amenaient aussi à la maison du bois arraché aux quais. Quand elles faisaient brûler ce bois pour faire la cuisine, les flammes étaient vertes.
Beaucoup d'hommes nous ont aussi raconté que s'ils avaient des pièces de monnaie dans leurs poches pendant qu'ils travaillaient, à la fin de la journée, les pièces de monnaie étaient noires.
Même si l'on parle surtout des porteurs de minerai, les femmes et les enfants étaient touchés également.
Paul vous racontera comment ils ont vécu tout cela. Nos gens n'ont jamais su ce qui s'est passé à Port Radium. Ce n'est que très récemment que l'on nous a enfin raconté toute l'histoire. Nous sommes très reconnaissants aux gens comme Paul Baton qui ont commencé récemment à nous dire l'histoire de Port Radium. Ils nous ont dit bien des fois que tous les déchets étaient jetés à l'eau. Tous les déblais miniers depuis 1931 jusqu'aux années 60 ont été jetés à l'eau. Pour des jeunes comme moi, c'était très difficile de croire que tout cela était vraiment arrivé. Ce n'est que récemment que nous avons découvert en faisant des recherches que les déblais étaient effectivement jetés dans le Grand lac de l'Ours et répandus dans la nature, là même où nous chassons et pêchons.
En fait, cet endroit appelé Great Bear Landing est l'un de nos principaux camps de pêche et est encore utilisé aujourd'hui. C'est parce que l'on ne nous a jamais dit qu'il y avait là des endroits dangereux. On ne nous jamais dit que ce truc pouvait être dangereux pour notre santé. C'est justement ce dont M. Baton va vous parler.
Quant à savoir ce qui reste au Grand lac de l'Ours et la quantité de déblais qui ont été jetés à l'eau, d'après nos recherches, il y a 1,7 million de tonnes de déblais au fond du Grand lac de l'Ours. Que faut-il en faire?
Depuis 60 ans que cette substance se trouve dans l'eau et à la surface, quelles en ont été les conséquences pour nous, pour notre peuple? Nous sommes seulement 700 personnes à Deline. Sur ces 700 personnes, probablement la moitié sont âgées de 30 ans ou moins. La plupart de nos hommes sont morts prématurément.
Nous avons fait un film documentaire intitulé «The Village of Widows» (Le village des veuves). Nous avons une communauté de veuves qui élèvent leurs enfants toutes seules et qui ont vécu des temps très difficiles parce que les principaux pourvoyeurs, les hommes, les grands-pères et les oncles, sont décédés prématurément. Cela a beaucoup influé sur ce que nous sommes devenus, nous les Dénés. Nous continuons aujourd'hui à nous débattre dans l'adversité à laquelle nous sommes confrontés.
Ce sont les grands-pères et les oncles qui transmettent leurs enseignements aux enfants. Nous n'en avons aucun à l'heure actuelle. C'est très inhabituel que de si jeunes chefs comme M. André viennent s'adresser à une assemblée comme la vôtre. Il en entre autres ainsi parce que nous n'avons plus les hommes qui, par tradition, sont censés occuper ces postes. Vous ne verrez pas souvent une jeune femme de mon âge parler d'une question comme celle-ci qui revêt tant d'importance pour notre peuple. Nous sommes très heureux de compter encore parmi une personne comme M. Baton qui continue à nous raconter son histoire.
Le bon sens dit que nous avons été exposés à des substances au fil des ans. Nous ne savons pas dans quelle mesure les eaux ont été touchées. Nous n'en savons pas davantage sur les effets que ces substances ont eus sur nos oiseaux aquatiques, nos animaux et notre santé. Ce que nous savons toutefois c'est qu'il y a bel et bien eu des répercussions et qu'il n'y a pas eu d'autres exploitations autour du Grand lac de l'Ours à part cette industrie minière.
J'aimerais maintenant donner la parole à M. Paul Baton qui nous racontera son expérience de transporteur de minerai et nous parlera du fait qu'on ne leur a jamais parlé des risques qu'ils couraient à transporter cette substance.
[M. Paul Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Bayha: Paul vous remercie de nous avoir invités à venir raconter notre histoire. Aussi tragique que cela puisse paraître, il est toujours bon d'avoir l'occasion de pouvoir sourire et de partager l'histoire avec les personnes que cela intéresse. Il veut vous raconter son expérience qui remonte aux années 30 lorsqu'il vivait sur l'emplacement de Port Radium.
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Bayha: Il dit qu'il a vécu cinq ans sur l'emplacement de Port Radium. Alors qu'il s'y trouvait, il a travaillé sur les barges du Grand lac de l'Ours et a transféré manuellement des sacs de minerai à partir de l'emplacement de Port Radium. On lui avait dit que les sacs pesaient 120 livres. Il chargeait les sacs sur son dos et les transportait dans la barge. Il montait ensuite à bord de celle-ci pour parcourir la distance de 250 kilomètres séparant le Grand lac de l'Ours jusqu'au point de déchargement de la Grande rivière de l'Ours. Il remontait ensuite sur la barge pour aller chercher un autre chargement. C'est ce qu'il a fait pendant toutes ces années.
Les sacs était tellement lourds qu'il en avait souvent les bras rouges. Il était aussi couvert de poussière.
Pendant les cinq années où il a vécu là-bas, il a été témoin du rejet des résidus dans l'eau. Il a dit que cette pratique n'a jamais cessé pendant toutes les années où il a travaillé là-bas. À l'emplacement d'élimination, la profondeur de l'eau se situait entre 10 et 15 pieds. Le volume était à ce point important qu'il s'est créé un pont terrestre jusqu'à une île assez éloignée des rives du lac.
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Bayha: Il a dit que les travailleurs commençaient à 6 heures du matin et finissaient à 13 heures le même jour. Il a dit qu'il ne valait peut-être pas la peine de le mentionner mais qu'à l'époque une journée de travail rapportait trois dollars.
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Bayha: Il a dit qu'il ne travaillait pas seul. Ils étaient pas mal nombreux à effectuer ces transbordements de minerai. Certaines personnes étaient désignées pour se rendre à différents points de transbordement. Certains hommes ont travaillé au point de transbordement du Grand lac de l'Ours et certains à celui de la rivière Great Bear. Certains ont travaillé plus en aval de la rivière.
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Bayha: Il a dit qu'à l'époque il n'y avait pas de machinerie. Tout se faisait manuellement. Tout était transporté manuellement. Si l'on voulait déplacer quelque chose, il fallait le faire manuellement. Chacun de ces sacs de minerai a été transporté de cette manière.
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Baya: Il a dit qu'à cette époque il n'y avait pas que des Dénés qui travaillaient là-bas. Il y avait aussi des travailleurs non autochtones. Parmi les hommes Dénés qui ont travaillé là-bas, il ne connaît qu'un seul autre survivant. Il s'agit d'Isidor Yukon qui a été capitaine d'une barge sur la rivière.
Le président: Quel âge a M. Baton?
Mme Baya: Il va avoir 85 ans.
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Baya: Il a dit que cela s'est passé dans notre propre cour, dans notre réserve. Tous les hommes qui transportaient le minerai devaient subvenir aux besoins de leurs familles qui vivaient sur l'emplacement avec eux. Ils chassaient et partageaient une partie de la viande avec leurs familles et les mineurs. Même s'il a habité là pendant toutes ces années, il a dit que jamais personne ne lui a dit que la substance était nocive pour lui.
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Baya: Il est resté à l'emplacement de Port Radium jusqu'en 1940 et est retourné avec sa famille dans la communauté appelée Deline. Il a remonté la rivière parce qu'il avait besoin de travail. Il s'est installé près de la rivière Great Bear pour aider à élargir l'ancienne route de portage. C'est ce qu'il a fait après avoir quitté l'emplacement de Port Radium.
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Baya: Il a dit qu'à l'époque ou il a aidé à la construction de la route du personnel de l'armée se trouvait au même emplacement. Un jour, l'un d'entre eux est tombé malade et s'est fait dire de rester à la maison pour se reposer. M. Baton a rendu visite à cet homme et ils ont parlé de diverses choses. Nous devons comprendre que la plupart des hommes à cette époque ne parlaient ni ne comprenaient l'anglais. L'homme essayait de lui expliquer à quoi devait servir cette substance qu'ils transportaient. Il essayait de lui dire qu'elle servirait un jour ou l'autre à fabriquer une bombe. Il disait: «Si elle sert à fabriquer une bombe et qu'un jour cette bombe est utilisée, elle tuera des gens.» C'est essentiellement ce qu'on lui a dit, mais il ne sait même pas de quelle bombe il s'agissait. C'était très difficile pour eux de comprendre ce qu'on leur disait et ce qu'on faisait avec la substance qu'ils avaient aidé à transporter au sud. Ils n'en savaient pas plus sur la raison pour laquelle ils construisaient cette route qui permettrait de transporter des quantités plus importantes de cette substance vers le sud. C'est ce qu'on lui a dit à l'époque.
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Baya: Il a dit que c'était le gouvernement, la Société de la Couronne, qui avait exploité la mine et avait extrait cette ressource du sol. C'est lui qui est responsable parce qu'il a extrait cette substance de nos terres et que nous ne connaissions même pas les dangers qu'elle représentait. Il a dit: «Aujourd'hui je me demande pourquoi on ne nous a caché que cette substance était nocive pour nous, pour nos enfants et pour notre avenir? Ce n'est pas bien. Je me demande souvent pourquoi on ne nous a rien dit.»
[M. Baton s'exprime dans une langue autochtone.]
Mme Baya: Il a dit que, jusqu'à tout récemment, nous n'avions jamais entendu parler de cette maladie mais qu'il n'y a pas très longtemps tout ce que nous entendons dire c'est que les gens qui meurent dans notre collectivité, meurent tous du cancer. C'est la raison pour laquelle nous sommes inquiets, très inquiets. Nous nous posons des questions au sujet des animaux, de l'environnement et de l'eau. Nous dépendons de ces éléments pour assurer notre subsistance. Nous devons en prendre soin. Nous devons les protéger non seulement pour nous-mêmes mais pour les générations futures. Nous savons et comprenons que, sans ces éléments, nous ne sommes rien. Nous ne serons plus un peuple et nous ne pourrons plus survivre. C'est avec cette interdépendance que nous vous parlons aujourd'hui. Sans ces éléments sur lesquels nous dépendons pour vivre, nous ne pouvons désormais survivre comme peuple.
[M. Baton s'exprime dans sa langue autochtone.]
Mme Bayha: Il dit ne pas voir comment il pourrait vous faire comprendre autrement l'importance que cette question revêt pour nous. Nous ne sommes pas nombreux. Nous sommes les seuls à habiter autour du Grand lac de l'Ours et notre population est très peu nombreuse. C'est donc pour nous une question de survie. Qu'allons-nous pouvoir faire?
C'est une question très importante. Voilà pourquoi il en parle. Il ne sait pas comment vous faire comprendre autrement l'importance des répercussions que ces activités minières ont eue sur notre peuple et encore aujourd'hui.
Nous allons nous arrêter là pour le moment, car nous vous avons déjà retenus trop longtemps, mais nous sommes prêts à répondre à vos questions, si vous en avez.
Le président: Veuillez dire à M. Baton que son histoire est maintenant enregistrée pour toujours dans les archives du Parlement du Canada.
M. Baton: Merci.
Mme Bayha: Avant de terminer, nous voudrions ajouter que nous avons rédigé un rapport qui raconte notre histoire telle que nos anciens nous l'ont rapportée. Il parle de leur expérience et de leur travail dans la mine. Il s'intitule «They Never Told Us These Things». La communauté a mené des consultations l'année dernière et préparé ce rapport. Nous n'en avons qu'un exemplaire que nous allons remettre au comité.
Le sénateur Adams: Merci d'être venus aujourd'hui.
Il est intéressant de constater que, ce qui s'est passé il y a 60 ans, a toujours des conséquences pour la population de votre communauté. D'après mes renseignements, une partie de la pollution qui vous entoure se retrouve dans le Mackenzie et produit des effets sur les gens de cette région. Je suis inquiet pour la population de Tuktoyaktuk qui réside à l'embouchure du fleuve. Ces personnes chassent le phoque et la baleine dans le secteur où le fleuve se déverse dans la mer.
Le gouvernement a-t-il fait une étude environnementale pour établir la quantité de rayonnement provenant des opérations minières qui s'échappe du Grand lac de l'Ours?
M. Andre: C'est une autre question que notre région désire également approfondir.
La principale voie de transport de l'uranium allait de Port Radium à Fort Smith. Nous avons toujours éprouvé de grosses difficultés avec le gouvernement qui nous dit que tout va bien. Il fait des petits tests et nous dit que tout va bien, que nous n'avons pas lieu de nous inquiéter. Il affirme qu'il y a quelques petits points chauds ici et là, mais pas vraiment de problème.
Cela fait très longtemps que nous nous méfions du gouvernement. Nous n'avons pas confiance dans ses rapports ou dans ce qu'il nous raconte. Lorsque nous voyons les gens de chez nous mourir du cancer à un taux alarmant, nous devons nous demander si le gouvernement nous dit la vérité. Il y a beaucoup de méfiance chez nous et voilà pourquoi nous avons créé ce comité composé de gens de notre propre communauté. Ils veulent des réponses. Nous avons demandé l'aide du gouvernement. Nous réussissons peu à peu à faire entendre notre message. Nous sommes ici aujourd'hui dans une tribune publique afin que d'autres Canadiens nous entendent et nous aident.
Le sénateur Adams: Les activités minières ont commencé sous l'égide du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. C'est un organisme gouvernemental et non pas une société privée, mais il l'a fait quand même.
M. Baton a maintenant 85 ans. J'ai moi-même 65 ans. J'espère que, lorsque j'aurai son âge, j'aurai l'air aussi jeune que lui. Il est en bonne santé, même s'il a trouvé très dur de voir ses amis mourir du cancer. C'est très difficile sur le plan émotif.
Les victimes de la contamination radioactive ont encore des membres de leur famille qui sont vivants aujourd'hui. L'indemnisation des familles des personnes qui vivaient là-bas lorsque c'est arrivé vous posent-elles un problème? Qu'en pense la communauté? Il est déjà difficile d'habiter là-bas sans subir les effets de cette contamination. Certains des anciens qui vivent encore aujourd'hui savent ce qui s'est passé. Non seulement faudrait-il faire un nettoyage, mais dédommager les personnes dont la famille en a été victime.
Mme Bayha: Pour revenir un peu en arrière, c'est seulement depuis un an et demi que nous avons commencé à examiner ce dossier. Les anciens disaient que toutes ces substances étaient rejetées dans le lac. A chacune de leurs assemblées, ils parlaient des maladies qu'ils constataient. Nos anciens pourraient vous parler des changements qu'ils ont observés au fil des ans. M. Baton nous a souvent raconté qu'avant l'exploitation de la mine, les gens vivaient jusqu'à 100 ans. C'était normal, même s'ils vivaient dans un environnement difficile. Hommes et femmes travaillaient dur, mais vivaient quand même jusqu'à 100 ans. Il se souvient qu'ils devaient laisser les vieux derrière eux parce qu'ils ne pouvaient plus s'en occuper. C'est ainsi que les choses se passaient à l'époque.
Les familles qui vivaient dans ces endroits sont touchées et vous pouvez le constater directement. Nous avons pratiquement dû rechercher d'autres lieux traditionnels de chasse et piégeage. Des gens comme M. Baton nous ont dit de ne pas nous approcher de ces secteurs. Ils ne savaient pas pourquoi, mais ils pensaient que quelque chose là-bas était nocif pour nous.
C'étaient nos campements traditionnels. Tous ces secteurs ont des points chauds, mais on ne nous l'a pas dit. C'est seulement il y a un an et demi, à la suite de nos propres recherches, que nous avons appris que ces résidus se trouvaient là-bas. Non seulement il y a des résidus, mais ils sont tous radioactifs.
À l'époque, les gens ne savaient pas ce qu'ils manipulaient. On ne leur a pas dit de quelle substance il s'agissait. On ne leur a jamais dit que cela pouvait être dangereux pour leur santé. C'est seulement il y a un an et demi qu'ils ont appris que la substance qu'ils aidaient à transporter avait servi à construire une bombe qui a été lâchée sur le Japon. Personne ne le savait, car les gens ne parlaient pas l'anglais, ne le lisait pas et ne le comprenaient pas.
Nous avons lu des rapports sur le transport dans les sites d'extraction du minerai, les déchets qui se retrouvaient dans le Mackenzie et ces rapports datent des années 80. Ils n'ont jamais été communiqués aux gens de la communauté. Ils n'ont jamais été traduits pour M. Baton et les gens de la communauté afin qu'ils puissent dire ce qu'ils en pensaient.
La jeune génération, les gens de mon âge, ont fini par comprendre ce qui s'était passé. Je suis allée à l'école, comme tous les autres Canadiens, et j'ai étudié les sciences sociales. On ne m'a jamais dit que la bombe avait été fabriquée à l'aide de matières provenant de la région où j'ai grandi. Mes deux grands-pères sont morts. Comment vais-je transmettre mon identité et notre histoire à mes enfants?
Il reste très peu de gens qui peuvent le faire aujourd'hui dans notre communauté.
Comment réagissent les gens lorsqu'ils apprennent la vérité? C'est très difficile à accepter, car cela souligne également l'incertitude de notre avenir. Il y a aussi le fait que c'est la terre et l'eau qui nous entourent ainsi que les animaux qui nous font vivre et qui nous nourrissent quotidiennement. Si nous commençons à douter de ce genre de choses, nous n'avons pas d'espoir de survivre et de transmettre tout cela à nos enfants.
C'est exactement ce que M. Baton a souligné. C'est ce qui fait de nous le peuple Sahtu du Grand lac de l'Ours. C'est ainsi que nous vivons. Ce n'est pas seulement une question économique. Nous tirons notre identité spirituelle de nos relations avec la terre. Sans cela, nous n'avons rien d'autre à quoi nous accrocher.
La communauté est pratiquement dans une situation de crise. Il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas d'enseignants pas de gens pour les orienter et très peu de gens pour les faire vivre, mais il y a beaucoup de veuves. Vous pouvez constater les répercussions que tout cela a eues.
Le sénateur Adams: Y a-t-il encore du minerai dans cette mine, ou est-ce qu'elle pollue simplement le lac? Où en est-on actuellement?
Mme Bayha: Il reste en gros un monument qui évoque cette fameuse mine et son histoire. La zone a été remblayée. On ne s'est pas occupé des écoulements dans le lac, qui se poursuivent d'après ce que nous croyons savoir. En outre, d'autres lacs ont été utilisés comme dépotoirs. Le pont terrestre qui avait été construit est toujours là. Apparemment, on s'est contenté de remblayer avec une partie du minerai qui restait en surface.
Le sénateur Adams: Vous avez parlé de 1,7 millions de tonnes de déchets. C'est dans le lac ou sur le rivage?
Mme Bayha: Principalement dans le lac, et en partie aussi sur la rive. C'est simplement au site de Port Radium. Nous n'avons pas parlé de tous les autres sites où il y a eu des déversements le long de la route. Il y a eu des déversements à Great Bear Landing, juste à l'embouchure de la Great Bear, qui est un autre grand site traditionnel de camping pour nous, et il y a eu aussi des déversements en aval dans la rivière. Ce rapport, qui a été rédigé en 1983, je crois, parle de la route de transport et de tous les déversements de minerai le long de cette route. Nous n'en avons même pas parlé.
Le sénateur Chalifoux: Monsieur Andre, quel âge avaient les personnes qui sont mortes? Est-ce que les personnes meurent encore? Quand s'est-on rendu compte que c'était surtout des hommes qui mouraient et de quoi mouraient-ils?
Dans vos discussions et négociations avec les Affaires indiennes et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, avez-vous obtenu des réponses à ce sujet? Quelles ont été les retombées sur d'autres collectivités? Vous dites que vous allez de Fort Smith jusqu'à vos collectivités installées le long du Mackenzie. Avez-vous fait des recherches sur les retombées dans ces communautés-là?
M. Andre: Quand les gens ont commencé à mourir, il y a eu beaucoup de diagnostics erronés dans le cas des aînés. Bien des personnes contaminés par le minerai ont été cataloguées comme tuberculeux. C'était surtout cela. Au début, ce n'était pas évident, mais comme l'a dit M. Baton, nous n'avions jamais entendu parlé de ce cancer dont nous parlons. Maintenant que les médecins diagnostiquent le cancer, nous constatons que de plus en plus de personnes meurent de cette maladie, alors que dans le passé on pensait que c'était la tuberculose ou quelque chose comme ça. Les gens mouraient après avoir été très malades. Il n'y a qu'une seule infirmière là-bas. En fait, jusqu'à présent, il n'y a qu'une seule infirmière dans la collectivité. On ne diagnostique la maladie que quand c'est trop tard, et que le cancer est déjà très avancé. C'est un autre gros problème.
Pour ce qui est de votre dernière question sur les études et nos rapports avec le gouvernement, il nous faudrait des millions de dollars pour pouvoir faire une étude, et nous n'avons que quelques billets. Nous mendions quelques sous pour pouvoir payer nos recherches et le travail qu'il faut faire.
Le gouvernement n'a aucune envie d'aborder ce sujet explosif. Il a fait des tentatives qui ont échoué. L'an dernier il a divisé la communauté. Il a trouvé la faille et a monté les gens les uns contre les autres. C'est le principe du diviser pour régner. Nous avons tirer la leçon de nos erreurs et des tactiques du gouvernement et nous sommes plus unis que jamais maintenant.
Le gouvernement ne veut pas toucher à ce sujet. C'est quelque chose qui a des retombées importantes non seulement pour Deline, mais aussi pour tous les autres Canadiens qui sont dans la même situation. Pendant des années et des années, le gouvernement s'est accaparé les ressources de notre terre pour gagner de l'argent mais sans se préoccuper de nettoyer derrière lui. Vous allez probablement entendre parler de la mine Giant à Yellowknife. Il paraît qu'il faudra 250 millions de dollars pour la nettoyer. Qu'ont-ils fait de tout l'argent qu'ils ont gagné?
Mon message au Sénat, c'est que je ne voudrais pas que ce genre de choses puisse se reproduire de nos jours. Nous avons déjà assez de problèmes. Il faut prendre des mesures pour que les industriels soient responsables de leurs actions. On nous parle toujours du protocole de Kyoto. Qu'est-ce que le gouvernement a fait à ce sujet? Est-ce que nous réduisons vraiment nos émissions?
Il y a beaucoup de choses à faire, mais le gouvernement répugne à traiter avec nous et à aborder les questions environnementales.
Le sénateur Chalifoux: Ce projet de loi permet à des organisations et à des gouvernements d'obtenir de l'argent pour divers projets de recherche. C'est prévu dans le nouveau projet de loi que nous étudions. Peut-être quelqu'un peut-il vous faire parvenir cette information.
Je trouve encourageant de constater que les autochtones que nous sommes vont enfin pouvoir profiter d'un peu de cet argent.
Le président: Merci beaucoup à tous pour votre exposé, dont nous vous sommes très reconnaissants. Vous êtes venus de loin et tous nos voeux vous accompagnent en ces temps très difficiles. Vous avez contribué très utilement aux délibérations de notre comité. Au nom de tous les sénateurs, merci beaucoup encore une fois.
[M. Baton s'exprime dans sa langue autochtone.]
Mme Bayha: M. Baton tient à vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'intervenir et d'avoir eu la patience de nous écouter. Il a répété essentiellement que nous sommes très inquiets à cause de ces déchets, à cause des substances radioactives qui sont restées sur place, qui sont encore là 60 ans après.
Il a dit qu'il ne savait pas comment vous faire comprendre à quel point il importe de faire quelque chose. Il a ajouté que nous continuons à boire l'eau, à manger le poisson et la viande, et cetera, parce que cette terre est notre seule source de nourriture. Il s'inquiète pour notre avenir. Si vous pouvez nous aider à lutter contre ce problème, nous vous en serons très reconnaissants.
Le président: Merci, monsieur Baton, et merci, madame Bayha, pour votre interprétation.
Honorables sénateurs, nous allons passer à l'étude article par article. Avant cela, quelqu'un souhaite-t-il faire une intervention préliminaire?
Le sénateur Taylor: Il faudrait peut-être signaler que nous avons reçu une lettre du ministre. Faut-il la lire?
Le président: Nous avons tous reçu copie de cette lettre et je vais simplement donner la mienne au greffier pour qu'il en soit pris note officiellement. Est-ce que cela vous va?
Le sénateur Taylor: Oui.
Le président: Y a-t-il d'autres remarques préliminaires avant que nous passions à l'étude article par article?
Le sénateur Spivak: Monsieur le président, vous vous souvenez que j'ai déposé une motion au comité, mardi je crois, mais que je ne l'ai pas fait officiellement parce qu'il n'y avait pas de quorum et que, comme je suis une personne de qualité, je n'aime pas les attaques surprises. C'était juste après que le ministre eut dit qu'il n'avait pas d'objections à la LCPE actuelle. J'ai proposé d'annuler la motion de clôture présentée préalablement par le sénateur Kenny.
J'aimerais expliquer pourquoi je l'ai fait. Vous vous rendez compte que c'est un peu une motion de la dernière chance, mais je tiens quand même à la présenter.
Le président: Si je comprends bien, vous voulez qu'on revienne sur la motion du sénateur Kenny.
Le sénateur Spivak: Oui. Je n'ai pas cette motion sous les yeux.
Le président: Il s'agirait donc de la réexaminer.
Le sénateur Spivak: Oui. Je voudrais demander un vote du comité pour l'annuler, et j'aimerais expliquer pourquoi.
C'est un projet de loi extraordinaire. Il est extraordinaire à maints égards, et je le dis sans aucun parti pris, car quand il a été étudié par le comité, il a eu l'appui de tous les partis. Le NPD, le Bloc, les Conservateurs, et cetera. Je répète donc que c'est un projet de loi extraordinaire et qui, si j'en crois mon expérience, aura des répercussions considérables.
La Chambre des communes a eu neuf mois pour l'étudier. On m'a dit que le comité de la Chambre avait passé 93 heures à l'examiner. Nous avons eu environ neuf jours, et nous ne sommes pas encore arrivés à l'étude article par article.
Je comprends bien de quoi il s'agit. La question, c'est la prorogation. Si ce n'était pas le cas, je suis sûr que les sénateurs d'en face auraient moins de réticence à l'étudier très soigneusement.
Je dois dire qu'il y a beaucoup de choses que nous n'avons pas examinées de près. Nous n'avons fait qu'effleurer la surface du problème. Il y a par exemple la réglementation liée à la Loi sur les aliments et drogues, qui a été publiée le 3 juillet 1999. Nous n'avons pas eu l'occasion d'entendre les représentants du ministère de l'Agriculture, pas plus que le ministre de la Santé. Nous ne l'avons pas invité, et je crois que nous c'était un oubli. Je n'accuse pas le comité directeur, mais je pense qu'il aurait fallu l'inviter.
Nous pourrions ajouter un représentant Métis au comité consultatif national. J'aimerais avoir le point de vue des autorités sur la question. On a soulevé une question importante au sujet de la Loi sur les Indiens et de leurs terres et j'aurais bien aimé interroger les représentants du ministère des Affaires indiennes sur l'importance de cette question.
Il me semble évident qu'un projet de loi comme celui-ci, qui a des ramifications dans de nombreuses autres lois, soulèvera divers problèmes. Je sais que les députés ont passé énormément de temps à l'étudier à la Chambre des communes, mais nous sommes un organe indépendant, ou du moins nous sommes censés l'être, et même si vous n'êtes pas tous d'accord pour dire qu'il faut apporter des modifications à ce projet de loi, je pense qu'il faudrait au moins l'étudier correctement.
Ce matin, nous avons pu voir toute une gamme de propositions d'amendements qui ouvrent de nouvelles perspectives. Bien franchement, je ne suis pas prête à me prononcer sur les propositions de modifications présentées il y a une demi-heure. J'aime bien éplucher chaque texte jusqu'à la dernière virgule. Très franchement, nous ne devrions pas nous imposer un délai aussi court. Je pense que nous pourrions nous donner jusqu'au 15 octobre si nous voulons examiner correctement toute la question.
Je ne suis pas sûre que tous les sénateurs seront d'accord, mais je tiens à dire publiquement ce que je pense sincèrement sur cette question. Un projet de loi qui va avoir des répercussions aussi importantes -- et nous avons entendu des témoignages accablants, et pas seulement à la Chambre des communes -- devrait faire l'objet de l'étude la plus approfondie possible. Je n'accuse personne. Je sais que chacun a agi avec les meilleures intentions. Je dis simplement qu'il faut faire le travail correctement.
Le nouveau ministre n'est pas responsable de la situation dans laquelle il se trouve maintenant. Je suis convaincue qu'il n'a pas étudié ce projet de loi comme le comité l'a fait à la Chambre des communes. Il n'a pas eu le temps de le faire depuis qu'il exerce ses nouvelles responsabilités. Peut-être que, s'il avait écouté ce témoignage et pris connaissance de cette expérience, il aurait pu le faire.
Honorables sénateurs, je vous ai dit le fond de ma pensée; au comité de se prononcer.
Le président: Il faut que nous nous comprenions bien au sujet de la motion que l'on demande au comité d'examiner.
Le sénateur Spivak: Je n'y ai pas mûrement réfléchi.
Le président: C'est une motion en vue de reconsidérer la question.
Le sénateur Spivak: Oui, une motion de reconsidération.
Le président: Elle vise à abroger la motion précédente sur le délai qui nous est imposé. Ainsi, nous ferions rapport au Sénat le 15 octobre au lieu du 7 septembre. Est-ce ce que vous souhaitez?
Le sénateur Spivak: Oui.
Le président: Y a-t-il un comotionnaire?
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas nécessaire.
Le président: Je pense que ce l'est étant donné qu'il s'agit d'une motion de reconsidération.
Le sénateur Nolin: Ce n'est pas nécessaire.
Le président: Ce n'est pas nécessaire en comité?
Le sénateur Taylor: Je ne vois pas ce que cela nous donnerait. Au départ, la motion visait à faire en sorte que notre comité termine ses travaux à temps pour la rentrée du Sénat, le 7 septembre 1999. Le but était de faire en sorte que le projet de loi soit disponible pour le débat qui devrait y avoir lieu ultérieurement.
Il s'agit d'un projet de loi très controversé. Le temps que nous y avons consacré pour déterminer si un segment de la société avait vraiment été lésé est suffisant. En outre, il y a eu au cours de l'été plusieurs tentatives pour organiser des réunions. En fait, le sénateur qui présente la motion n'était pas disponible pour assister à une réunion. Il ne sert à rien de revenir en arrière et de ressasser d'anciens arguments. Allons de l'avant et passons à l'examen article par article.
Le président: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?
Le sénateur Adams: Si nous passons à l'étude article par article du projet de loi, de combien de temps disposons-nous? Avons-nous une demi-heure, une journée ou deux?
Le président: Nous avons jusqu'au 7 septembre 1999.
Le sénateur Adams: Avons-nous 90 jours, tout comme la Chambre des communes? Voilà ce qui m'inquiète. Dans l'intervalle, je ne sais pas exactement combien d'autres témoins qui auraient été laissés pour compte voudront comparaître.
Si le projet de loi franchit l'étape du comité aujourd'hui mais que le Parlement est prorogé avant la troisième lecture, la mesure ne reviendrait pas automatiquement. Elle mourra au Feuilleton. Après une prorogation, un projet de loi doit être représenté à nouveau à la Chambre des communes. Certains de nos témoins, peut-être la majorité, ne souhaitaient pas que cela se produise. D'autres, qui sont opposés au projet de loi, n'y verraient sans doute pas d'inconvénients.
Des habitants du Nord me demandent encore ce que veut dire le projet de loi C-32. Ils veulent savoir si la mesure guérira leurs maladies et empêchera la pollution des aliments qu'ils consomment. À mon avis, d'une façon typique, ce projet de loi n'améliorera pas plus notre sort que n'importe quel autre projet de loi adopté depuis 20 ans.
Les autochtones se plaignent du fait que leurs lacs sont pollués. Je ne sais pas si l'adoption de ce projet de loi permettra l'assainissement de ces lacs ou empêchera la pollution d'un plus grand nombre de lacs à l'avenir. La Chambre des communes s'est penchée sur la LCPE pendant quatre ans. Certains de nos témoins ont le sentiment de ne pas avoir pu s'exprimer à la Chambre des communes et estiment que le Sénat leur prêterait une oreille plus attentive. Nous venons à peine de commencer notre travail et voilà que nous devons adopter le projet de loi. Il est clair que nous ne nous soucions pas suffisamment de l'intérêt du public et des citoyens qui seront les plus touchés par cette mesure.
Même si le gouvernement réussit à le faire adopter sans délai, de quelle façon cela améliorera-t-il les choses? Nous n'avons pas entendu tous les témoins, et cela m'inquiète.
Le sénateur Chalifoux: J'ai écouté les tenants des deux parties. Nous sommes en présence de deux segments de la société polarisés, et il n'y a rien au centre. Nous serons vilipendés quoi que nous fassions.
L'expérience que j'ai du travail en comité m'amène à faire remarquer qu'il faut examiner tous les témoignages, non pas d'un seul camp, mais de tous les côtés. J'ai brièvement discuté de la question avec le président du Métis National Council. Les Métis préfèrent que le projet de loi soit adopté maintenant puis à négocier par la suite, car il y a un certain nombre de questions, outre le fait qu'il n'ait pas vraiment été consulté, qui restent en suspens.
Nous avons entendu hier les représentants des Inuits. Je suis entièrement d'accord avec Jose Kusugak pour dire que le Nunavut peut représenter les Inuits de son territoire, mais qu'il ne représente pas ceux du Labrador, du Québec ou des autres régions du Grand Nord. Les Inuits de ces territoires doivent aussi pouvoir être consultés.
J'ai examiné le projet de loi de mon mieux. Je ne suis de retour que depuis un peu plus d'une semaine. Un attaché de recherche du Sénat m'a aidé à y voir clair pour ce qui est de certaines préoccupations que j'avais.
Je constate effectivement que le projet de loi tel qu'il est présenté n'est pas sans ses lacunes, mais je considère qu'il est meilleur que l'actuelle LCPE. J'ai vérifié la chose. Le projet de loi est une amélioration sur le plan de la consultation et de l'application.
J'ai entendu l'autre jour une émission radiophonique à CBC. L'organisme The Friends of Old Man River ont réussi à contester l'application dans leur région. Au cours de l'entrevue, les représentants ont indiqué que, si le projet de loi était déjà entré en vigueur, les agents chargés de l'application de la loi auraient été en mesure de régler les problèmes qui se présentent là-bas.
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises au cours de nos audiences, le projet de loi est pour moi un document évolutif, comme l'atteste la disposition voulant qu'il fasse l'objet d'un examen après cinq ans. Il n'est pas nécessaire d'attendre cinq ans. Nous pouvons commencer l'examen dès que le projet de loi sera adopté afin que dans cinq ans tout soit au point. Il n'est pas nécessaire d'attendre cinq ans pour débuter l'examen. Nous pouvons l'entreprendre dès que le projet de loi sera adopté.
Il faut tenir compte de l'intérêt des entreprises, il faut aussi tenir compte des «petites gens» qui vivent dans les territoires, il faut tenir compte de l'intérêt de tous les Canadiens. Le projet de loi, même avec ses lacunes, constitue néanmoins une amélioration par rapport à l'actuelle loi, et nous pourrons l'améliorer au fur et à mesure de l'examen que nous en ferons.
Le sénateur Hays: Je suis d'accord avec le sénateur Chalifoux. Elle vient de faire une intervention importante. Le comité a fait du très bon travail ces trois dernières semaines. Le projet de loi sera présenté au Sénat, même si la motion du sénateur Spivak est adoptée, car le gouvernement exerce des pressions pour qu'il soit adopté dans les plus brefs délais. D'après ce qu'on lit dans les journaux, et je crois que ce sera le cas, il y aurait prorogation d'ici peu. C'est ainsi que le gouvernement a procédé lors de la dernière session. Si nous attendions au 15 octobre, le projet de loi serait reporté à la prochaine législature.
Pour cette raison et pour les raisons énoncées par le sénateur Chalifoux, je trouve qu'il ne faut pas laisser le projet de loi sans conclusion ni continuer à l'étudier jusqu'au 15 octobre.
J'aurais d'autres observations à faire quand nous nous serons prononcés sur la motion à l'étude, monsieur le président.
Le sénateur Nolin: Sénateur Chalifoux, devons-nous rayer tous les témoignages des Métis qui sont venus témoigner devant nous? Ils nous ont dit le contraire de ce que vous venez de dire.
Le sénateur Chalifoux: Non, ce n'était pas le contraire. Jody Pierce a déclaré ici même qu'il était venu nous rencontrer en dernier recours. Les Métis n'étaient pas au courant du projet de loi jusqu'à ce que je leur en parle. Même après qu'ils en ont eu pris connaissance, il a dit qu'ils n'avaient pas eu le temps voulu pour l'étudier en profondeur. Nous avons certainement besoin de faire plus de consultations. Nous devons inclure les Métis dans le projet de loi, mais il faut s'en remettre à leurs dirigeants. Nous avons de bonnes intentions et des préoccupations légitimes, mais j'invite les sénateurs qui s'intéressent vraiment à la question à travailler avec les dirigeants métis afin de présenter, non pas nos vues, mais les leurs.
Le sénateur Taylor: Je tiens à apporter une correction. Le sénateur Adams a parlé des témoins. C'est le comité directeur qui a choisi les témoins. Nous n'avons refusé aucun témoin. Nous avons fait tous les efforts possibles pour entendre autant de témoins que possible qui avaient à se plaindre du projet de loi. Notre horaire était très chargé. Je ne me souviens pas d'avoir entendu qui que ce soit dire que nous ne pourrions pas entendre tel ou tel témoin.
Le président: Soyons justes, sénateur Taylor. Nous étions convenus que ce seraient là les témoins que nous entendrions dans un premier temps. Le sénateur Spivak a déjà parlé d'autres témoins qu'elle voudrait entendre.
Le sénateur Taylor: Nous avons entendu les témoins qui se sont manifestés. S'il y en a une foule d'autres que nous n'avons pas entendus, c'est parce qu'ils ne nous ont pas encore écrit.
Le sénateur Spivak: Sauf tout le respect que je vous dois, je suis sûre que si ce n'était de cette question de la prorogation, vous tiendrez compte de tous les témoins qui nous ont dit que le projet de loi présente des lacunes fondamentales, et vous tiendriez aussi compte des circonstances curieuses dans lesquelles vos spécialistes au comité de la Chambre des communes n'ont pas pu voter en faveur du projet de loi. Croyez-moi, je sais ce que c'est que de voter contre son gouvernement. J'ai déjà voté contre le mien au Sénat. Ce n'est pas facile. On se sent inévitablement tiraillés, car on veut naturellement appuyer son gouvernement. Je sais ce que c'est.
Je ne peux m'empêcher de dire que l'idée que nous puissions tout simplement adopter le projet de loi et en corriger les lacunes après coup me paraît aberrante. Cela n'est pas conforme à l'expérience que j'ai des travaux parlementaires. C'est une possibilité qui peut très bien être envisagée quand il n'y a que quelques rajustements mineurs à apporter, mais le projet de loi présente des lacunes fondamentales; il contient notamment une disposition clé qui est différente en anglais et en français.
Il importe de ne pas contrecarrer les plans du gouvernement, mais cela n'importe pas plus que l'intérêt public, et j'estime -- je ne peux parler qu'en mon propre nom -- que nous devrions nous efforcer d'avoir une incidence positive et d'agir dans l'intérêt du public.
Je ne compte pas que ma motion soit adoptée, mais je tenais à faire ces quelques observations.
Le président: Voilà qui met fin au débat, mesdames et messieurs les sénateurs. Il est proposé par l'honorable sénateur Spivak que le comité révoque sa motion du 24 août concernant la date du dépôt de son rapport et l'audition de témoins et qu'il s'entende plutôt pour faire rapport du projet de loi au Sénat au plus tard le 15 octobre 1999. Tous ceux qui sont pour la motion sont priés de bien vouloir dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui s'opposent au projet de loi disent non.
Des voix: Non.
Le président: Quelqu'un veut-il un vote par appel nominal?
Le sénateur Spivak: Oui.
M. Till Heyde, greffier du comité: L'honorable sénateur Adams?
Le sénateur Adams: Non.
M. Heyde: L'honorable sénateur Chalifoux?
Le sénateur Chalifoux: Non.
M. Heyde: L'honorable sénateur Cochrane?
Le sénateur Cochrane: Je suis désolée, mais je ne sais pas exactement sur quoi je vote.
Le président: Vous votez sur la motion du sénateur Spivak.
Le sénateur Cochrane: Oui, je veux une prolongation.
M. Heyde: L'honorable sénateur Cook?
Le sénateur Cook: Non.
M. Heyde: L'honorable sénateur Ghitter?
Le président: Oui.
M. Heyde: L'honorable sénateur Hays.
Le sénateur Hays: Non.
M. Heyde: L'honorable sénateur Hervieux-Payette?
Le sénateur Hervieux-Payette: Non.
M. Heyde: L'honorable sénateur Lynch-Staunton?
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.
M. Heyde: L'honorable sénateur Nolin?
Le sénateur Nolin: Oui.
M. Heyde: L'honorable sénateur Poulin?
Le sénateur Poulin: Non.
M. Heyde: L'honorable sénateur Spivak?
Le sénateur Spivak: Oui.
M. Heyde: L'honorable sénateur Taylor.
Le sénateur Taylor: Non.
Le président: La motion est rejetée.
Y a-t-il d'autres questions préliminaires que quelqu'un souhaite soulever avant que nous passions à l'étude article par article?
Le sénateur Hays: Monsieur le président, je ne sais pas si mon intervention sera bien accueillie, mais je voudrais soulever deux questions. La première concerne la date et l'heure de nos réunions. Nous sommes déjà mercredi, et c'est le milieu de l'après-midi. Il nous reste deux jours ouvrables cette semaine, selon l'horaire habituel, puis il y a la longue fin de semaine, et le Sénat revient mardi. Or, on nous demande d'en finir avec le projet de loi au plus tard mardi, à midi. Il n'y a pas d'inconvénient à ce que nous utilisions tout le temps qu'il nous reste, mais je me demande si les sénateurs seraient d'accord pour que nous décidions des jours où nous allons travailler pour que ceux d'entre nous, en particulier, qui habitent loin, puissent planifier leur emploi du temps.
Le président: Je propose que nous attendions de voir comment les choses se dérouleront cet après-midi et que nous revenions à cette question plus tard cet après-midi.
Le sénateur Hays: Très bien.
Le président: Y a-t-il d'autres questions que les sénateurs veulent soulever?
Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que le comité passe à l'étude article par article du projet de loi C-32?
Les honorables sénateurs: D'accord.
Le président: Le préambule est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le sénateur Spivak: Non. J'ai une motion d'amendement, monsieur le président. Je propose:
que le préambule du projet de loi C-32 soit modifié:
par substitution, aux lignes 20 et 21, page 1, ce qui suit:
«qu'il reconnaît la nécessité d'éliminer progressivement la production et l'utilisation des substances toxiques».
Il s'agit du paragraphe où il est question de la quasi-élimination. Je reprends, bien entendu, dans mon amendement, le libellé du comité de la Chambre des communes.
Il s'agit là, monsieur le président, d'une partie importante du projet de loi. Nous avons entendu les témoins du Québec qui sont venus nous parler de cette usine qui continuera à émettre des BPC, alors même que ces substances sont interdites. Cela montre bien, à mon avis, la dichotomie marquante entre la réglementation des substances qui permet néanmoins qu'elles soient produites et la reconnaissance ou l'affirmation, comme dans le texte proposé, de l'importance d'éliminer progressivement la production et l'utilisation des substances.
Le sénateur Taylor: J'invoque le Règlement. Quand on propose des amendements, serait-il possible d'en distribuer le texte?
Le sénateur Spivak: Nous allons le faire. J'avais oublié.
Le président: On est en train de distribuer le texte. Vous pouvez continuer.
Le sénateur Spivak: L'amendement conduirait logiquement à des amendements sur la quasi-élimination à la partie 5 du projet de loi, qui tiendrait compte des sages propositions faites à cet égard par le comité de la Chambre des communes, notamment en ce qui a trait au paragraphe 65(3) qui traite de la quasi-élimination et aux dispositions d'application du projet de loi, les paragraphes 77(2), 77(4), 79(1), 79(2), 91(2) et 91(4).
Les témoins que nous avons entendus ont bien fait ressortir la différence entre ce que le comité avait recommandé et ce qui se trouve dans le projet de loi relativement à la quasi-élimination; ils ont fait remarquer que le projet de loi ne fait que réglementer l'utilisation des substances au-delà d'un certain niveau. Ce que le comité voulait -- et c'est aussi ce qu'on trouve dans le rapport de la Commission mixte internationale -- c'est qu'on se fixe comme objectif la quasi-élimination des substances et qu'on prenne les mesures voulues pour y arriver. Des représentants de diverses industries ont, naturellement, à cause notamment de l'importance que représente pour eux l'élément de certitude, fait part de leur opposition à cet objectif et ont exercé des pressions en conséquence.
Si mon amendement était adopté, il cadrerait bien avec la promesse que le gouvernement a faite dans son Livre rouge en 1993, où il avait parlé d'éliminer progressivement la production et l'élimination des substances. Il serait aussi conforme avec l'obligation du Canada en vertu de l'accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Nous participerons bientôt à des discussions sur la signature d'une convention très importante, le traité sur les polluants organiques rémanents, où il est important, comme l'ont fait remarquer divers groupes que nous avons entendus, d'inclure l'idée de l'élimination progressive de la production et de l'utilisation de ces substances, faute de quoi nous donnerions à entendre à la communauté internationale que, dans la mesure où on réglemente l'utilisation et l'émission de ces polluants organiques rémanents, il n'y a aucun problème.
Voilà justement ce que nous a fait remarquer Daniel Green dans son exposé, quand il nous a dit qu'on continuera à produire des dioxines, des BPC et des furannes. Les représentants des diverses industries disent qu'ils les récupéreront, mais ce ne sera peut-être pas le cas. Nous savons comment les choses se passent.
Une convention de la plus grande importance sur les polluants organiques rémanents sera bientôt à l'étude à Genève. Aussi, le projet de loi a un impact à l'échelle non seulement nationale, mais internationale. Le Canada est considéré comme un chef de file. Il a déjà préconisé l'inclusion de ce concept dans bien d'autres conventions. Sa position à l'égard des polluants organiques rémanents favorise l'élimination progressive de la production et de l'utilisation de ces substances. J'espère que l'adoption du projet de loi à l'étude ne signale pas un changement de cap à cet égard.
Comme vous le savez, le droit international a son origine dans le droit national. Tout ce que nous faisons donc sur le plan du droit national est d'une importance clé pour les conventions internationales.
Il faut bien se rendre compte que cette mesure n'imposera pas de restrictions rigoureuses à l'industrie. En effet, elle vise uniquement une poignée de substances toxiques persistantes biocumulatives, comme les BPC. Et encore là, pour qu'on en élimine graduellement la fabrication et l'utilisation -- il faut prendre en compte, avant d'établir des limites de rejet, des questions économiques sociales et techniques.
En l'occurrence, je pense que les préoccupations de l'industrie sont exagérées. Comme on peut le voir, la donne économique dicte souvent les normes, mais nous parlons ici uniquement d'une poignée de polluants organiques persistants. Nous avons entendu les représentants de plusieurs organisations -- en particulier, ce matin, l'Institut canadien de la santé infantile -- au sujet des répercussions de ces polluants et de leur action à long terme.
Le préambule établit les assises de la mesure. L'amendement communiquerait l'intention du gouvernement d'éliminer graduellement la fabrication et l'utilisation d'un petit nombre de polluants dont tout le monde sait pertinemment qu'ils sont mauvais. Nous protégeons alors la santé puisque ce projet de loi porte sur la santé. Nous protégeons la santé des enfants, des nourrissons et des habitants du Nord.
Monsieur le président, voilà les raisons pour lesquelles je présente l'amendement.
Le président: Je remarque qu'il y a un autre amendement sur la feuille que vous avez distribuée. Je suppose que vous y viendrez tout à l'heure.
Le sénateur Spivak: Oui.
Le président: Nous considérons uniquement le premier amendement.
Le sénateur Spivak: Il s'agit d'amendements au préambule. Un seul est à l'étude.
Le président: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir au sujet de l'amendement?
Le sénateur Taylor: Je pense que l'intention de l'amendement est admirable, mais à mon avis, cela est déjà couvert dans le projet de loi.
Si l'on fait une lecture attentive du projet de loi, on constatera que si nous supprimons «la quasi-élimination» du préambule, cela nous amènerait à apporter des changements d'envergure à une douzaine d'autres endroits au moins pour harmoniser les autres paragraphes pertinents.
Qui plus est, vous vous inquiétez de l'élimination graduelle. L'article 93 du projet de loi confère clairement au ministre le pouvoir d'éliminer graduellement la fabrication et l'utilisation d'une substance. Autrement dit, la quasi-élimination n'est pas une entrave à l'élimination graduelle d'une substance. L'élimination graduelle peut se faire, même si la quasi-élimination signifie une élimination allant jusqu'à une quantité qui ne peut être mesurée. Comme l'on dit certains porte-parole de l'industrie, cela n'est pas sans les inquiéter car ils craignent qu'une quantité non mesurable puissent le devenir d'ici un an ou deux ou trois. Ce n'est pas ce qui vous dérange. Ce que vous craignez, si j'ai bien compris, c'est que nous mettions un terme ou un frein à l'élimination graduelle d'une substance. Or, l'article 93 vise précisément l'élimination graduelle ou l'interdiction totale d'une substance.
Vous avez mentionné le DDT.
Le sénateur Spivak: Je n'ai pas mentionné cela.
Le sénateur Taylor: Étant donné que nous en interdisons la fabrication, la vente ou l'importation, je pense que le terrain est amplement couvert dans le projet de loi.
Je comprends ce que vous dites, mais je pense que vous voyez un croquemitaine là où il n'y en a pas.
Le sénateur Spivak: Ce n'est pas moi, monsieur le président, qui voit un croquemitaine.
Le président: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir au sujet de l'amendement?
Le sénateur Spivak: Tous les articles portant sur la quasi-élimination ont été discutés pendant neuf mois au comité de l'autre endroit. Les députés de tous les partis s'entendent pour dire que c'est la bonne façon de procéder.
Évidemment, nous parlons également du volet opérationnel de la quasi-élimination. Je ne sais même pas quel est le rapport avec les dispositions opérationnelles du paragraphe 93(1) parce que nous n'avons pas eu l'occasion d'en discuter.
De plus, comme je l'ai déjà mentionné, une convention sur les polluants organiques persistants se profile à l'horizon. L'incidence de tous ces changements apportés à l'étape du rapport est substantielle, notamment pour le volet opérationnel. Comme vous le savez, cela nous ramène au paragraphe 65(3), qui a été modifié spécialement pour que l'on vise la gestion et le contrôle des émissions et non l'élimination graduelle de la fabrication et de l'utilisation de ces substances.
Sans vouloir vous manquer de respect, sénateur Taylor, je pense que votre opinion est erronée.
Le président: Honorables sénateurs, pouvons-nous passer au vote? Que tous ceux qui sont en faveur de la motion du sénateur Spivak en vue d'amender ce paragraphe du préambule veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président: À mon avis, les non l'emportent.
Souhaitez-vous un vote par appel nominal? Non? Très bien. Continuons.
Y a-t-il d'autres amendements?
[Français]
Le sénateur Nolin: Je propose:
Que le projet de loi C-32 soit modifié, dans le préambule, dans la version anglaise, à la page 2, par substition, à la ligne 1, de ce qui suit:
«postponing effective measures to prevent».
Le but de mon amendement est d'éliminer la première partie du mot composé «cost-effective», c'est-à-dire le mot «cost» et le trait d'union qui le relie à "effective" et ce dans les deux langues officielles.
Suite à la lecture d'une partie des témoignages rendus et des discussions tenues dans l'autre endroit sur une période très longue, et suite aux témoignages que nous avons entendus, plus particulièrement celui non pas d'un expert en environnement mais d'un linguiste, j'en suis venu à la conclusion que l'ajout de cet amendement, survenu à la toute fin du processus, c'est-à-dire la référence aux coûts, dénature l'attendu dans lequel il est inclu.
Ce que je propose de modifier est un attendu qui ne traite que de questions patrimoniales et économiques, laissant de côté toutes les autres.
La santé des individus, ce n'est pas une question économique. L'intention des individus, ce n'est certainement pas une question économique. Tout ce qui n'est pas patrimonial, donc qui a une valeur monétaire, est exclu dans l'attendu qu'on a devant nous. C'est pour cela que, suite au témoignage du juriste-linguiste qu'on a entendu hier matin, mon amendement vise à donner à l'attendu toute sa plénitude. Toutes les mesures effectives doivent être prises en considération et non uniquement les mesures économiques effectives. La définition et la traduction que le juriste-linguiste nous a données, c'est la rentabilité. On ne doit pas limiter à la rentabilité les mesures effectives auxquelles font référence l'attendu en question. C'est pour cette raison que j'ai proposé cet amendement.
Le sénateur Poulin: Monsieur le président, plusieurs sénateurs se souviennent qu'il y a à peu près une dizaine d'années, toutes les entreprises privées et publiques ont commencé à identifier leur émission. Les deux mots clés qui étaient utilisés pour la définition d'émission étaient «efficient» et «effective». À ce moment, en français, il n'y avait pas de mot qui traduisait «effective» parce que pour «efficient» on avait le mot «efficacité».
Je me souviens encore des discussions en réunion -- autant dans les entreprises publiques qu'au sein du gouvernement -- au sujet du mot approprié pour traduire «effectiveness» et «effective measures». Il y a eu un consensus non public qui a établi que «efficient» voulait dire «tout ce qui est lié au temps» et que «effective» signifiait «tout ce qui est lié au coût».
Je comprends que le sénateur Nolin trouve qu'il y a un dédoublement lorsqu'on dit «cost-effective», mais je trouve que ce n'est pas une raison valable pour apporter un amendement à une législation. Je suis à l'aise avec l'intention du législateur. Il est très clair qu'il s'engage à adopter le principe de la prudence si bien qu'en cas de risques, de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitudes scientifiques absolues ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives, donc qui impliquent des coûts visant à prévenir la dégradation de l'environnement. Je ne vois pas ici un problème réel.
[Traduction]
Le sénateur Spivak: Un juriste-linguiste nous a expliqué que l'expression «effective measures» n'a pas de connotation de coût et pour qu'une mesure soit économique, en anglais, il faut employer l'expression «cost-effective». En français, «mesures effectives» peut donner lieu à des mesures qui ne seront pas du tout économiques. Elles pourraient être plus coûteuses. Voilà ce que le juriste-linguiste nous a dit. C'est également l'opinion de Luc Gagné de la Division du droit et du gouvernement.
Sénateurs, comme vous le savez, le français n'est pas ma langue maternelle. M. Gagné a dit que le terme français qui convient le mieux pour rendre l'expression anglaise «cost-effective» est «efficient». Un autre témoin nous a dit qu'il serait préférable d'employer l'expression «au moindre coût» étant donné qu'à ce moment-là, on introduit l'élément du coût. À l'heure actuelle, il n'y a absolument aucune notion de coût dans la version française.
Comment cela sera-t-il administré? Quelle version prévaudra? Dans un cas, on parle uniquement de «mesures effectives», qui risquent de coûter beaucoup plus, et dans l'autre, on parle de mesures qui sont «cost-effective», ce qui signifie qu'elles doivent être économiques.
Sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur un autre problème, soit le fait qu'il n'existe pas de définition de «cost-effective». Nous en avons déjà parlé. Je suis sûr que ceux d'entre vous qui ont siégé assidûment au comité le savent. Cela dit, il n'y a absolument aucune définition de «cost-effective». Qui décidera si telle ou telle mesure est économique? Est-ce plus économique pour l'industrie? Compte tenu de tout le temps consacré au projet de loi, on aurait espéré que ce problème aurait été réglé. C'est une erreur monumentale. Vous ne pouvez le nier. C'est une erreur qu'il faut corriger.
Si nous n'étions pas si pressés, nous pourrions la corriger. Dans les faits, il est absolument évident que l'expression anglaise «cost-effective» ne correspond absolument pas au terme français «effectives», si ce terme signifie qu'il est possible que l'on dépense davantage.
Le sénateur Hays: Ce qui est intéressant, c'est que la solution proposée à cette divergence est de modifier la version anglaise, ce qui rend inutile toute l'argumentation concernant la signification du terme français. Par conséquent, je ne me lancerai pas sur ce terrain. Je concède que je n'y connais rien.
Compte tenu de ce que j'ai entendu et de ce que j'ai lu à ce sujet, je suis convaincu que l'expression anglaise «cost-effective» ne correspond pas à «de mesures effectives». Cela dit, je ne suis pas un expert et je me fonde sur un mémoire de la Bibliothèque du Parlement et le témoignage d'un expert, M. Blais.
Je ne suis pas en faveur de l'amendement pour deux raisons. Premièrement, je ne pense pas que l'on doive apporter un changement pour se conformer à l'expression la moins souple.
Deuxièmement, je ne pense pas que ce soit une erreur suffisamment grave qu'il faille absolument la corriger. S'il y avait d'autres amendements qui allaient être adoptés, alors d'accord. On pourrait resserrer le libellé, mais je ne suis pas sûr qu'il y en ait. Cependant, je ne corrigerais pas cela de cette façon. Je le ferais en modifiant la version française pour la rendre conforme à la version anglaise.
Quoi qu'il ne soit, je ne suis pas sûr que je présenterais un amendement pour faire le contraire, sur votre invitation ou autrement.
Le président: Dans votre raisonnement, vous avez négligé un troisième aspect, soit que le gouvernement a essentiellement affirmé qu'il n'y aurait pas d'amendements.
[Français]
Le sénateur Nolin: On parle d'efficience et d'efficacité des investissements. Lorsque ma collègue fait référence à l'examen des nouvelles versions d'émissions d'entreprise, c'est bien d'entreprises qu'on parle. Et Dieu merci, on ne parle pas que d'une entreprise commerciale, on parle d'une entreprise de biens publics.
Lorsqu'on lit attentivement cet attendu, on s'aperçoit que l'efficacité de l'investissement pourrait atténuer l'intention principale de l'attendu qui est d'introduire le principe de la prudence. Donc n'attendons pas d'avoir des preuves scientifiques, fondamentales, formelles, hors de tout doute: ne nous empêchons pas d'adopter des mesures efficaces. Alors si on restreint uniquement à des mesures économiques efficaces, on dénature en partie l'intention prévue dans cet attendu et c'est pour cela que j'ai déposé mon amendement.
[Traduction]
Le président: Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président: Les non l'emportent.
Y a-t-il d'autres amendements au préambule?
Le sénateur Spivak: Oui. Je veux maintenant passer au texte que vous avez déjà sous les yeux. Je propose:
Que le préambule du projet de loi C-32 soit modifié:
par substitution, aux lignes 20 et 21, page 1, de ce qui suit:
«qu'il reconnaît la nécessité d'éliminer progressivement la production et l'utilisation des substances toxiques»
par substitution, aux lignes 2 à 4, page 3, de ce qui suit:
«de la gestion des effets nocifs de l'utilisation du rejet de substances toxiques, de produits de biotechnologie, de polluants et d'autres déchets et de la»
par suppression des lignes 7 à 11, page 3.
Je pense que c'est un amendement plus simple. Son objet est très précis. Autrement dit, nous reviendrions au libellé issu du comité de la Chambre des communes. En l'occurrence, je pense que l'intention est très claire. On ne veut pas établir de lien entre le produit de la biotechnologie et une quelconque menace à la diversité biologique dans le libellé du projet de loi C-32.
Comme on peut le lire aux lignes 6 à 11:
«Qu'il reconnaît la nécessité de protéger l'environnement -- notamment la diversité biologique -- et la santé humaine en assurant une utilisation sécuritaire et efficace de la biotechnologie.»
Il me semble qu'ainsi, on change l'accent car on ne voudrait pas éliminer graduellement la fabrication et l'utilisation des produits de la biotechnologie. Même si on voulait le faire aux termes de l'article 93, ce serait impossible car cela relève de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Je ne pense pas que l'on puisse recourir à l'article 93, il est totalement évidé.
En l'occurrence on ne met pas l'accent sur la bonne chose. Récemment, des recherches ont jeté un doute sur la possibilité d'utiliser en toute sécurité et efficacité les produits de la biotechnologie. Un scientifique anglais, champion de la biotechnologie, a constaté, à sa surprise, que le maïs génétiquement modifié avait une incidence sur les rats; plus précisément, sur leur foie et leur système immunitaire. Encore une fois, il ne faut pas en conclure que ce produit risque d'être dangereux. Ce n'est peut-être pas le cas, mais il faut faire de la recherche à long terme et appliquer le principe de la prudence.
Nous avons rencontré environ 60 agriculteurs de l'Ouest qui sont au bout de leur rouleau en raison des difficiles circonstances qu'ils vivent. Après la rencontre -- je pense que vous étiez parti à ce moment-là, sénateur Taylor -- je leur ai demandé précisément ce qu'ils pensaient des produits de la biotechnologie, du gène terminateur, et cetera? Ils ont été très directs dans leurs réponses. Ils considèrent cela comme une tentative pour contrôler leurs exploitations agricoles et leur vie. Ils sont très préoccupés. Ils s'inquiètent particulièrement au sujet du gène terminateur.
D'ailleurs ce gène se profile à l'horizon. C'est sans aucun doute un produit de la biotechnologie qui risque de causer le risque le plus sérieux à la diversité biologique. C'est ce qui inquiète les gens. En fait, je pense que la société Monsanto, qui s'est portée acquéreuse de l'entreprise propriétaire du brevet, a mis la pédale douce. Elle va attendre. Elle a des brevets en suspens dans tous les pays du monde en vue de faire accepter cela et de protéger son investissement commercial.
Ce n'est pas un problème mineur. Il faut revenir au libellé du comité de la Chambre des communes pour qu'il soit clair que certains produits de la biotechnologie risquent d'avoir une incidence sur la diversité biologique.
Je vous rappelle que le Canada a l'obligation légale de présenter une mesure législative. Aux termes de la Convention sur la diversité biologique, le Canada doit présenter une mesure législative pour se conformer à ses obligations légales. À mon avis, les amendements présentés ici à la suite d'un lobbying flagrant, ont eu pour effet de supprimer la mention de la menace que peuvent représenter les produits de la biotechnologie pour la diversité biologique. L'article 347, qui est très insidieux, fait en sorte de confier l'ensemble des produits de la biotechnologie à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ce qui est tout à fait effroyable. Néanmoins, on trouve dans le préambule des assises qui nous amèneront à traiter à la légère les produits de la biotechnologie.
En fait, certains ne seront pas évalués du tout. Selon la théorie, qui ne s'appuie sur aucune certitude scientifique, la pomme de terre dont un gène a été modifié n'est pas différente de la pomme de terre naturelle. C'est là qu'on se trompe. Si l'on apporte une modification génétique à un produit, ce n'est plus le même produit.
Quoi qu'il en soit, j'estime important de faire ce changement, pour que nous comprenions ce que nous sommes en train de faire. Il ne faudrait pas permettre qu'un amendement de dernière minute vienne changer toute la donne. Le texte de loi sera là pour longtemps. Il ne faut donc pas procéder par tâtonnements. Comme les chercheurs d'Angleterre l'ont affirmé, l'erreur commise au départ est impossible à rattraper. Un changement irréversible survient quand la plupart de ces choses sont libérées dans l'environnement.
Le sénateur Hays: J'ai écouté attentivement ce qu'on a dit.
Ma question s'adresse peut-être au sénateur Spivak. Il me semble que le résultat le plus important de l'amendement proposé serait d'éliminer les mots «risques» et «quasi-élimination», dont j'estime la présence dans le préambule essentielle, à moins que ne soient modifiés d'autres articles du projet de loi, plus particulièrement l'article 65 et les articles auxquels il renvoie.
Le sénateur Spivak: Il n'est pas question de quasi-élimination, mais bien de biotechnologie. L'amendement concerne la page 3.
Le sénateur Hays: Tel que je comprends votre amendement, vous retrancheriez ces mots à partir de la ligne 2 de la page 3.
Le sénateur Spivak: C'est juste.
Le sénateur Hays: Et vous retrancheriez ce qui suit:
[...] de la réglementation et de la gestion des risques d'effets nocifs de l'utilisation et du rejet de substances toxiques, de polluants et de déchets et de la quasi-élimination des substances toxiques persistantes et biocumulables;
Vous enlèveriez aussi le paragraphe suivant, c'est-à-dire:
[...] qu'il reconnaît la nécessité de protéger l'environnement -- notamment la diversité biologique -- et la santé humaine en assurant une utilisation sécuritaire et efficace de la biotechnologie;
Par conséquent, votre amendement retrancherait notamment le mot «risques» et l'expression «quasi-élimination». On pourrait insérer ces mots plus loin dans le texte du projet de loi que précède le préambule. Vos amendements, s'ils étaient adoptés, nous obligeraient peut-être à modifier le préambule.
Comme tous les autres, j'ai pu constater le fossé qui sépare le camp environnementaliste du présumé groupe économique ou groupe d'affaires. Il me semble difficile à combler. Je suis particulièrement intéressé par le document de M. Leiss au sujet de la gestion des risques. Il y fait observer qu'en minimisant l'importance de la gestion des risques, nous enlèverions de sa force à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, car nous y introduirions une certaine rigidité qui la rendrait moins facile à appliquer que si l'on conservait la souplesse le principe de la gestion des risques, lorsqu'il y a lieu.
Pour ce qui est de la quasi-élimination, bien que vous n'ayez pas fait d'observations à ce sujet parce que l'expression serait retranchée, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée parce que la quasi-élimination se définit par rapport au niveau de substance qu'on peut mesurer.
C'est pourquoi je ne crois pas que ce soit une bonne idée de retrancher ces mots. Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez. Vous n'avez pas vraiment parlé beaucoup des risques et de la quasi-élimination.
Le sénateur Spivak: J'aurais deux choses à dire. Je vous renvoie aux travaux du comité de la Chambre des communes.
De ce que j'en sais pour avoir fait partie du Comité de l'agriculture, la gestion des risques ne se prête pas à des produits de biotechnologie parce qu'il faut des années parfois pour faire un bilan. Vous vous souvenez du principe de prudence. D'après lui, si l'on ne dispose pas de certitude scientifique, mieux vaut ne rien faire. Je suis sûre qu'aucune personne saine d'esprit ne le ferait sans avoir certains indicateurs à sa disposition. C'est le cas du monarque et du gène du maïs BT. Il existe donc certains indicateurs.
Vous avez souligné pourquoi cela est justement si important. Ce n'est pas de la gestion des risques. Certains produits de biotechnologie -- nous espérons qu'ils sont très peu nombreux, car la biotechnologie est une énorme industrie -- peuvent peut-être effectivement affecter la diversité biologique. Je vous donne l'exemple du gène terminateur dont la seule raison d'être est de protéger un investissement commercial. Estimez-vous correct de compromettre la santé des plantes et des êtres humains pour faire en sorte de protéger un investissement commercial? Qu'est-ce qui a le plus d'importance? C'est probablement pourquoi, selon moi, les membres du comité de la Chambre des communes qui, je vous le rappelle, ont consacré quatre ans et neuf mois à examiner cette question ont proposé l'amendement et c'est la raison pour laquelle je le propose.
Le sénateur Chalifoux: La maîtrise du dossier dont fait preuve le sénateur Spivak ne cesse de m'épater. Toutefois, je me vois obligée de manifester mon opposition à ce qu'elle propose.
Sénateur, vous vous concentrez uniquement sur une partie du projet de loi qui, selon moi, est prise hors contexte. C'est mon avis. Le texte dit ici que le gouvernement du Canada s'efforcera d'éliminer les menaces à la diversité biologique au moyen de la prévention de la pollution, de la réglementation et de la gestion des risques d'effets nocifs de l'utilisation et du rejet de substances toxiques, de polluants et de déchets et de la quasi-élimination des substances toxiques persistantes et biocumulables.
Voilà à quoi il faut s'attarder dans le préambule du projet de loi à l'étude, parce qu'il s'accomplit de très grandes réalisations en biotechnologie. Je ne suis pas une très chaude partisane de la biotechnologie; je penche davantage du côté des produits organiques.
Vous dites que vous souhaitez que soit modifié un passage ou que certains mots soient retranchés. Or, je trouve ces mots très importants et j'estime qu'ils ont leur place dans le texte. Je parle de la partie qui dit que le gouvernement du Canada reconnaît la nécessité de protéger l'environnement -- notamment la diversité biologique -- et la santé humaine en assurant l'utilisation sécuritaire et efficace de la biotechnologie. J'estime que ce passage est vraiment important. En le conservant intact, nous faisons en sorte que notre gouvernement et nos ministères ont la possibilité et la volonté de faire en sorte que nous utilisions la biotechnologie de manière sécuritaire et efficace. Je suis d'accord avec vous au sujet du gène terminateur, mais il y a aussi du bon, et je crois qu'il faut en tenir compte.
Le président: Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter avant que le sénateur Spivak ne mette fin au débat?
Le sénateur Spivak: Je sais que le sénateur Chalifoux et moi partageons les mêmes objectifs, mais la gestion des risques ne s'applique pas à la biotechnologie. En éliminant la mention des produits de biotechnologie de la partie où il est question des menaces à la diversité biologique, nous enlevons de sa force au projet de loi.
Le passage que vous avez mentionné semble effectivement bien, mais il faudrait l'examiner d'un peu plus près. Quand on y parle d'utilisation sécuritaire et efficace, cela signifie que nous nous servirons de la biotechnologie, que nous nous contenterons de faire en sorte que son utilisation soit sécuritaire et efficace. Il n'est pas toujours possible de le faire.
Je vous donne un autre exemple. Les agriculteurs biologiques sont venus témoigner devant le comité de l'Agriculture et ont affirmé qu'ils ne peuvent plus garantir que leurs produits sont organiques parce que ce qu'on leur livre a été génétiquement modifié.
Je ne propose pas que nous éliminions tous les produits de biotechnologie, loin de là. Ce que j'essaie de faire, c'est d'en revenir à la recommandation du comité de la Chambre des communes selon lequel l'autre libellé ne convenait pas en raison de la gestion des risques et parce qu'il y était simplement question d'utilisation sécuritaire et efficace plutôt que d'élimination de la production et de l'utilisation. Si le gouvernement avait accepté ce principe, le projet de loi y aurait peut-être gagné.
Le président: Que tous ceux qui sont pour la motion du sénateur Spivak veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président: Les non l'emportent. La motion d'amendement est donc rejetée.
Le sénateur Spivak: Monsieur le président, je me demande s'il est utile de continuer à présenter nos arguments puisque ces amendements très fondamentaux au projet de loi n'ont pas été approuvés et que nous avons une lettre du ministre dans laquelle il dit souhaiter qu'il n'y ait pas d'amendement. Nous pourrions peut-être nous contenter de faire la lecture des amendements, et je présenterai le reste au Sénat. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je n'ai pas vraiment eu le temps d'envisager des amendements à certains points parce qu'ils n'ont été présentés que ce matin. Il ne me semble pas très productif de défendre 356 amendements quand on sait d'avance qu'ils vont tout simplement être rejetés. Je pense que nous pouvons procéder autrement et gagner du temps.
Le président: Il me semble que ce serait un gaspillage éhonté de notre temps et de l'argent des contribuables de continuer. Les consignes me semblent évidentes: il n'y aura pas d'amendement. J'ai cru que le sénateur Chalifoux ou le sénateur Adams pourrait peut-être, en raison des nombreuses préoccupations exprimées, changer quelque peu d'avis, mais cela ne semble pas être le cas.
Nous pourrions continuer, mais il est évident, d'après la lettre du ministre, de la motion de clôture et de tout ce qui s'est produit au cours des derniers jours, qu'il est peut-être préférable de présenter nos amendements au Sénat plutôt que de faire perdre à tout le monde du temps et de gaspiller l'argent des contribuables. Je vous laisse le soin d'en décider. Si quelqu'un souhaite présenter une motion visant à mettre fin à l'étude article par article, il peut le faire.
Le sénateur Taylor: Je suppose que le sénateur Spivak souhaite présenter cette motion.
Le président: Non, je ne l'ai pas entendue le dire.
Le sénateur Taylor: Nous en sommes donc au point où vous ne voulez pas aller plus loin, mais vous ne voulez pas être celui qui présente la motion.
Le président: Nous sommes disposés à poursuivre le débat.
Le sénateur Taylor: Nous ne voudrions pas être accusés de vous avoir bâillonnés. Vous avez demandé que l'on mette fin à l'étude article par article et que le débat se poursuive dans la Chambre du Sénat. Fort bien. Vous nous l'avez demandé, et nous pouvons nous prononcer à ce sujet. Je ne suis pas sûr de l'issue du vote, mais nous demander de présenter la motion, pour que vous puissiez jouer au héros en vous y opposant, n'est pas très catholique.
Le président: Je ne vous demande pas de faire quoi que ce soit. Nous sommes disposés à continuer d'étudier les amendements.
Le sénateur Spivak: J'explique simplement mes sentiments. Je parle en toute franchise.
Le président: Je vais quitter le fauteuil maintenant et demander au sénateur Taylor de me remplacer. Je vais retourner à ma place, à la table.
Le sénateur Nicholas Taylor (vice-président) prend le fauteuil.
Le vice-président: A-t-on autre chose à dire au sujet du préambule?
Le préambule est-il adopté?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: Le préambule est adopté à la majorité.
Le titre est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le sénateur Ghitter: Je préfère m'abstenir.
Le sénateur Spivak: Nous nous abstenons.
Le sénateur Ghitter: Nous nous abstenons également de nous prononcer à l'égard de toutes les autres dispositions.
Le vice-président: Les sénateurs Spivak et Lynch-Staunton ont peut-être quelque chose à dire.
Le sénateur Spivak: Continuez. Nous aurons peut-être quelque chose à dire.
Le président: Est-on d'accord pour reporter l'article 1 du projet de loi?
Des voix: D'accord.
Le vice-président: L'article 2 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
[Français]
Le sénateur Nolin: Je propose d'amender le projet de loi de la façon suivante:
Que le projet de loi C-32 soit modifié, à l'article 2, dans la version anglaise, à la page 3, par substitution, à la ligne 24, de ce qui suit:
[Traduction]
«postponing cost-effective measures to prevent»
[Français]
Alors vous avez entendu mes arguments tout à l'heure. Ce sont les mêmes. Il s'agit d'une clause substantive du projet de loi et non pas seulement une mesure touchant le texte du préambule. Cet article établit la mission du gouvernement fédéral en matière de protection de l'environnement. Il est encore plus important qu'on soit des plus précis et en anglais et en français et qu'on dise autant que possible la même chose dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Le vice-président: Pardon. De quelle partie du paragraphe 2(1) est-il question?
[Français]
Le sénateur Nolin: C'est l'article 2, le paragraphe 1, le sous-paragraphe a).
[Traduction]
Le sénateur Hays: L'amendement correspond à l'amendement au préambule proposé par le sénateur Nolin. Je suis d'accord qu'il faudrait que les deux versions correspondent. Cependant, j'estime que l'expression «cost-effective» a sa place dans le projet de loi en raison de l'utilisation prévue d'instruments économiques, tout comme la «most effective» prévue qui, selon moi, est habituellement la manière la plus rentable de réaliser l'objectif aux termes du projet de loi à l'étude en ce qui concerne les produits toxiques.
Le sénateur Spivak: Vous n'avez rien compris, sénateur Hays.
[Français]
Le sénateur Poulin: Je comprends que le sénateur Nolin ne voudrait pas amoindrir la force de ce paragraphe qui, justement, identifie clairement la mission du gouvernement fédéral.Je ne veux pas répéter ce que j'ai dit tantôt : la version anglaise et la version française disent clairement que dans sa mission, pour l'exécution de la présente loi, le gouvernement fédéral doit, compte tenu de la Constitution et des lois du Canada, et sous réserve du paragraphe 1.1, exercer ses pouvoirs de manière à protéger l'environnement et la santé humaine, appliquer le principe de prudence, si bien qu'en cas de risque de dommages graves ou irréversibles à l'environnement, l'absence de certitudes scientifiques absolues ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives. Le message important est que l'absence de certitudes scientifiques absolues ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives ou comme on dit en anglais: «to postpone cost-effective».
Le message est très clair en anglais et en français et l'intention est bonne. «Effective» est un nouveau mot qu'on a développé dans les années 80. Je me souviens très bien d'avoir regardé dans le Petit Larousse dans les années 1980, le mot n'existait pas. Aujourd'hui, lorsqu'on regarde «mesure effective», cela signifie qui prend effet, qui entre en vigueur et se dit d'une méthode de raisonnement qui à l'aide d'un nombre déterminé d'étapes permet d'aboutir à une démonstration complète et vérifiable.
Le sénateur Nolin: Je suis d'accord avec cela.
Le sénateur Poulin: Donc l'intention est rendue, monsieur le président.
[Traduction]
Le sénateur Nolin: Je souscris entièrement à cela.
[Français]
Le sénateur Poulin: On a un consensus, monsieur le président.
Le sénateur Nolin: En français, on n'a pas de problème.
Le sénateur Spivak: Si j'ai entendu correctement, le mot «coût» n'est pas inscrit.
Le sénateur Poulin: Il est sous-entendu par la définition même.
Le sénateur Spivak: Non.
Le sénateur Poulin: Je ne voudrais pas qu'on se prenne pour des linguistes. Si on voulait, on pourrait passer l'après-midi, la semaine et le mois sur des traductions.
[Traduction]
Le vice-président: Êtes-vous prêts à vous prononcer?
Le sénateur Nolin: J'aimerais tout d'abord dire quelques mots pour clore le débat.
[Français]
Le sénateur Nolin: Pour mes collègues, en français, je suis entièrement d'accord avec vous. Il est rare que je suis d'accord avec le Petit Larousse, cette fois-ci, je le suis, le Robert est meilleur d'ailleurs. «Effective» veut dire qu'il produit des effets, en français, tout genre d'effets.
En anglais, il est question uniquement des effets économiques. C'est cela mon problème. Je ne veux pas que ce soit limité à des effets économiques et que l'on prenne en considération que des questions économiques, mais que l'on prenne en considération toutes les questions quelles soient patrimoniales ou extra patrimoniales. C'est cela que je veux.
Le sénateur Poulin: Et comme dirait un bon avocat de la défense: «I rest my case».
[Traduction]
Le vice-président: Que tous ceux qui sont pour l'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre l'amendement veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent. Je déclare la motion rejetée.
Le sénateur Spivak: Chers collègues, j'aimerais proposer un amendement aux alinéas 2(1)j) et j.1) qui les ferait correspondre au texte modifié du préambule, car ils sont exactement les mêmes. Si vous déclarez l'amendement irrecevable, j'y perdrai mon latin.
Le vice-président: Si je le déclare irrecevable, me promettez-vous de ne rien dire à ce sujet, à moins que ce ne soit pour ajouter un élément nouveau?
Le sénateur Spivak: Non. Tout comme le sénateur Poulin, je n'ai plus rien à dire.
Le vice-président: Sommes-nous prêts à nous prononcer au sujet de cette question?
Le sénateur Spivak: Il s'agit de l'amendement que j'ai proposé. Vous comprenez qu'il s'agit du même.
Le sénateur Hays: Le ferez-vous circuler?
Le sénateur Spivak: Je pourrais le faire si vous acceptez d'attendre que tout soit fait. C'est exactement le même amendement que l'autre.
Le sénateur Hays: À tout le moins, il faudrait en faire la lecture, selon moi, parce que je ne vois pas le mot «risques» à l'alinéa j.1).
Le sénateur Spivak: Je propose:
Que le projet de loi C-32 soit modifié par substitution, à l'article 2 de la page 4, de ce qui suit aux lignes 20 à 22:
[...] humaine des effets nocifs de l'utilisation et du rejet de substances toxiques, de produits de biotechnologie, de polluants et de déchets;
et que soient supprimées les lignes 23 à 26, page 4.
C'est exactement le même amendement que celui qui a été proposé au préambule.
Le vice-président: Je crois qu'il est exactement le même.
Que tous ceux qui sont pour l'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le vice-président: Que tous ceux qui y sont opposés veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le vice-président: Selon moi, les non l'emportent. Je déclare la motion rejetée.
A-t-on d'autres amendements à proposer à l'article 2?
L'article 2 est-il adopté?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: L'article 2 est adopté à la majorité.
L'article 3 est-il adopté?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: L'article est adopté à la majorité.
L'article 4 est-il adopté?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: La motion est adoptée à la majorité.
L'article 5 est-il adopté?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: L'article est adopté à la majorité.
L'article 6 est-il adopté?
[Français]
Le sénateur Nolin: Monsieur le président, je propose trois amendements; un amendement uniquement en anglais, et l'autre dans les deux langues officielles. Ils sont tous rattachés au même objet. Mon premier amendement vise l'article 6.
[Traduction]
Dans la version anglaise, remplacer la ligne 9 de la page 12 par ce qui suit:
«each of the provinces;»
Le second amendement se lit comme suit:
Que le projet de loi C-32, à l'article 6, soit modifié par adjonction, après la ligne 31, page 12, de ce qui suit:
d) un représentant pour tous les Métis, choisi par le Ralliement national des Métis.
[Français]
La version française de l'amendement, se lit comme suit:
Que le projet de loi C-32, à l'article 6, soit modifié par adjonction, après la ligne 31, page 12, de ce qui suit:
(d) un représentant pour tous les Métis, choisi par le Ralliement national des Métis.
L'argument qui soutient mes amendements est définitivement mon appui total au témoignage de ce qui m'apparaissait, jusqu'à cet après-midi, être les représentants autorisés du Regroupement national des Métis. Mon amendement était prêt, je le dépose quand même. S'il faut modifier la loi dans cinq ans, on la modifiera en conséquence, mais il m'apparaît à tout le moins que l'on soit respectueux de la Loi constitutionnelle de 1982, et que l'on respecte le texte même de cette loi fondamentale qui reconnaît l'existence des Métis au Canada. Si le gouvernement du Canada n'a pas été capable dans la préparation de ce projet de loi au moins d'inclure le respect des Métis, on va le faire ici.
[Traduction]
Le sénateur Chalifoux: C'est pourquoi j'ai consulté le Ralliement national des Métis et j'ai examiné avec soin le projet de loi à l'étude.
Le paragraphe (2) de l'article 6 mentionne les gouvernements autochtones du Canada. Les Métis sont actuellement en pourparlers, en négociation, au sujet de leur rôle en tant que gouvernement autochtone. Cet amendement ne sera jamais adopté à moins que nous ne nous penchions sur l'expression «gouvernement autochtone».
C'est pourquoi le président du Ralliement national des Métis, Gerald Morin, a déclaré qu'il préférerait examiner cette question, amorcer la réflexion, pour que, lorsque l'organisme sera inclus dans le projet de loi -- je ne doute pas que cela se produise durant la prochaine série de modifications --, on le fasse correctement.
Il faut aussi consulter les nations inuits. Il faut qu'une fois proclamée, cette loi s'applique à ces deux groupes autochtones de notre société. Par conséquent, pour l'instant, je ne puis appuyer cet amendement. J'attendrai avec impatience, au cours des cinq prochaines années, de voir comment nous pouvons traiter avec les gouvernements autochtones et avec les Métis.
Le vice-président: A-t-on autre chose à dire?
Le sénateur Nolin pourrait peut-être m'aider. Y a-t-il deux amendements ici ou un seul?
Le sénateur Nolin: L'un concerne la version anglaise seulement, et l'autre vise les deux versions. Le premier ne modifie que la version anglaise du projet de loi.
Le sénateur Chalifoux me demande de la croire sur parole. Je ne voudrais pas contredire son «témoignage», mais ce n'est pas ce que nous ont dit les représentants des Métis.
Je rencontrerai avec plaisir les représentants des Métis, mais j'ai tout de même vérifié une autre fois auprès d'eux et leur ai demandé s'ils souhaitaient que nous modifiions le projet de loi. J'ai proposé le libellé de l'amendement et ils m'ont affirmé que c'est bel et bien ce qu'ils souhaitaient. C'est mon argument.
Le sénateur Chalifoux: Je suis complètement d'accord avec vous, monsieur le sénateur, mais en attendant, nous avons une définition de «gouvernements autochtones» qui élimine complètement toute possibilité de participation des Métis. Ils ne sont pas admissibles selon la définition du projet de loi de «gouvernements autochtones.» La même chose s'applique aux Inuits. Les Inuits sont reconnus, mais seulement sous un gouvernement.
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, faisons preuve d'un peu plus de souplesse. Je présente un amendement à l'alinéa (2). Je ne parle pas de «gouvernement autochtone», mais des «membres suivants». Cela n'a rien à voir avec le «gouvernement autochtone» et tout à voir avec la Constitution de notre pays.
Le sénateur Chalifoux: Je le comprends, mais je dois vous renvoyer au paragraphe 3(1) et aux définitions de «gouvernement autochtone» et de «terres autochtones». C'est là que se trouve le problème.
Le sénateur Nolin: C'est précisément la raison pour laquelle je ne propose pas d'amender l'alinéa 6(2)c). Je propose d'en ajouter un autre, soit l'alinéa d).
Le vice-président: Je crois avoir laissé le débat sur le deuxième amendement durer trop longtemps. Nous devrions procéder au vote sur le premier amendement proposé par le sénateur Nolin.
Tous ceux en faveur du premier amendement du sénateur Nolin, veuillez voter «oui».
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: L'amendement est rejeté à la majorité.
Tous ceux en faveur du deuxième amendement, veuillez voter «oui».
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: Rejeté à la majorité.
Le sénateur Nolin: Monsieur le président, je vais présenter d'autres amendements lorsque nous arriverons au Sénat.
Le président: L'article 6 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: L'article 6 est adopté à la majorité.
Le vice-président: L'article 7 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Adopté à la majorité.
L'article 8 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Adopté à la majorité.
L'article 9 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Adopté à la majorité.
L'article 10 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Adopté à la majorité.
L'article 11 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Adopté à la majorité.
Le vice-président: L'article 12 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le sénateur Ghitter: Monsieur le président, cela semble un peu ridicule. Au lieu de gaspiller votre temps, monsieur le président, disons que nous nous opposons à tout. Vous pourriez envisager une façon d'accélérer le processus.
Le vice-président: Les articles 13 à 356 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Les articles 13 à 356 sont adoptés à la majorité.
Le vice-président: Les annexes 1 à 6 sont-elles adoptées?
Le sénateur Hays: Monsieur le président, j'ai une question à poser. Dans ma copie du projet de loi, il n'y a rien à l'annexe 2. Il est simplement indiqué «Lois et règlements». Je me demande pourquoi on adopterait une annexe qui se résume essentiellement à une page blanche.
Le sénateur Ghitter: Nous l'avons déjà fait. Le projet de loi pourrait aussi bien être une page blanche.
Mme Monique Hébert, attachée de recherche, Bibliothèque du Parlement: Les deux annexes 2 et 4 sont en fait des annexes vierges. Elles sont liées aux articles résiduels dont on a débattu en profondeur au comité. C'est dans ces annexes que les autres lois qui l'emporteront sur la LCPE seront inscrites. Bien sûr, aucune n'y figure pour l'instant et c'est la raison pour laquelle il s'agit de pages blanches.
Le sénateur Hays: Le Parlement aura-t-il son mot à dire une fois qu'elles seront inscrites?
Mme Hébert: Non, monsieur.
Le sénateur Hays: Pourquoi pas?
Mme Hébert: Parce que cela se fait par décret du gouverneur en conseil.
Le sénateur Hays: Cela est-il prévu dans le projet de loi?
Mme Hébert: Oui.
Le sénateur Hays: Savez-vous où cela l'est indiqué?
Mme Hébert: Il y a plusieurs exemples; ainsi, les paragraphes 81(7), 106(7), 81(6).
C'est au paragraphe 81(7) que vous trouvez le pouvoir relatif à l'inscription de ces lois.
Le vice-président: Les annexes 1 à 6 sont-elles adoptées?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Adoptées à la majorité.
L'article 1 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Adopté à la majorité.
Le vice-président: Le titre est-il adopté?
Le sénateur Ghitter: Non, ce n'est pas une loi visant la protection.
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Le titre est adopté à la majorité.
Convenez-vous d'adopter ce projet de loi sans amendement?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: La motion est adoptée à la majorité.
Convenez-vous que je fasse rapport de ce projet de loi à la prochaine séance du Sénat?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le sénateur Ghitter: Selon la tradition, la minorité du comité est autorisée à présenter un rapport minoritaire, si elle le souhaite. C'est notre intention. J'aimerais que la motion indique que la minorité est autorisée à déposer un rapport minoritaire.
Le sénateur Hays: Selon la tradition, le rapport est accompagné de commentaires, si nous le souhaitons. Il serait utile pour le Sénat de recevoir les commentaires du comité, le cas échéant. Peut-être devrions-nous écouter ceux qui représentent l'opposition; il est possible qu'ils ne souhaitent pas travailler avec nous là dessus.
Des commentaires pourraient être ajoutés pour indiquer à nos collègues ce que nous avons appris, ce qui, d'après nous, pose des problèmes, ainsi que certains points susceptibles de les aider à mieux comprendre les difficultés que présente cette mesure législative.
La question toutefois est de savoir si nous souhaitons faire des commentaires en tant que comité ou si nous voulons en faire en tant que particuliers ou en tant que partis? Peut-être cette question s'adresse-t-elle à vous, monsieur le sénateur Ghitter.
Le sénateur Ghitter: Au nom de la minorité de ce comité, nous ne souhaitons pas participer au rapport du comité; nous souhaitons déposer notre propre rapport.
Le vice-président: Honorables sénateurs, le greffier du comité vient de me remettre un document où il est indiqué que si le président et le vice-président ne peuvent pas se mettre d'accord sur le libellé et les observations, les deux versions des observations doivent faire l'objet d'un rapport au Sénat. En d'autres termes, vous pouvez faire rapport de vos observations et en tant que vice-président, je peux faire de même. Cette motion est-elle recevable?
Le sénateur Ghitter: Elle est à mon avis recevable, mais je crois que nous devrions également présenter notre rapport selon la motion du 24 août qui a déjà été adoptée. Cela devrait faire partie de ce rapport, car nous devons respecter cette motion.
Le vice-président: C'est le 7 septembre. Vous accepteriez donc de les avoir dans le même document?
Le sénateur Ghitter: Je pense qu'il pourrait s'agir de commentaires distincts.
Le vice-président: Le greffier m'indique qu'il faut que ce ne soit qu'un seul rapport.
Le sénateur Ghitter: Ce sera alors le même rapport, mais divisé en deux sections.
Le vice-président: Le sénateur Hays aimerait que l'on arrive à un genre d'entente.
Le sénateur Hays: Puisque le greffier a indiqué que nous sommes obligés de présenter un rapport unique -- je ne suis pas sûr de la raison, mais c'est la coutume, j'en ai déjà été informé et je l'ai, en ce qui me concerne, toujours observée -- nous devrions au moins nous transmettre nos rapports et nous réunir pour voir s'ils sont exacts quant à l'ordre dans lequel les points sont présentés et quant aux raisons à l'origine des commentaires.
Par exemple, pour ce qui est du préambule, j'ai exprimé une inquiétude, mais elle n'est pas suffisante pour justifier un amendement au projet de loi. Dans tous les cas, l'amendement qui a été proposé et que j'appuie vise des différences de langue. J'ai écouté soigneusement le sénateur Poulin et je pense qu'elle a raison de dire que le sens est équivalent; toutefois, si «cost-effective» et «effectif» ne veulent pas dire la même chose, je pense alors qu'il vaut la peine de faire un commentaire au Sénat, lequel voudra peut-être proposer un amendement.
Dans tous les cas, cela veut dire que nous allons de nouveau nous réunir, probablement le 7 septembre, ou, à tout le moins, nous informer les uns les autres de ce que nous allons indiquer dans le rapport. Vous pouvez ne pas vouloir le faire.
Le sénateur Ghitter: Ce n'est pas que nous ne voulions pas le faire; il n'y aura tout simplement pas assez de temps pour le faire. Nous allons travailler pendant toute la fin de la semaine pour préparer notre document. Il n'y aura pas suffisamment de temps à cause de la motion de clôture qui a été imposée. Même si nous ne nous opposons pas à le faire, nous n'en aurons tout simplement pas le temps.
Le sénateur Hays: Si je ne me trompe pas, il faut que le comité approuve le rapport.
Le vice-président: C'est ce que dont nous sommes en train de parler maintenant.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous présentez un rapport sans amendement.
Le sénateur Hays: Mais vous voulez faire des commentaires.
Le sénateur Ghitter: Êtes-vous vraiment en train de nous dire que vous voulez rédiger le rapport?
Le sénateur Hays: Non, j'essaie simplement de donner le plus de souplesse possible à ceux qui ne sont pas d'accord, pour que nous procédions d'une manière qui respecte ce qui, d'après moi, constitue le règlement et les traditions du Sénat. En d'autres termes, si nous faisons des commentaires ou des observations au sujet du projet de loi, il s'agit des observations du comité. Comment pourrait-il en être autrement? Nous devons nous réunir et dire que oui, effectivement, ce sont nos commentaires.
C'est ainsi que je comprends la façon dont les choses doivent se faire. Sinon, il ne s'agit pas d'un commentaire qui appartienne au rapport, car ce n'est pas un commentaire du comité. C'est un commentaire de quelques membres du comité seulement, de notre côté ou de leur côté. Nous ne pouvons pas le faire dans la salle. Toutefois, je souligne maintenant que tout commentaire ou observation du comité doit provenir de ce dernier. Tout commentaire doit donc émaner du comité; par conséquent, j'imagine que le comité va se réunir et dire qu'effectivement, il s'agit de ses commentaires ou observations.
Peut-être que le greffier ou quelqu'un d'autre va dire que j'ai tort, mais c'est ainsi que je comprends la façon dont ces commentaires ou observations sont présentés par écrit au Sénat, avec ou sans recommandation. Je pose la question maintenant de manière que nous puissions réagir d'une façon qui respecte le Règlement du Sénat.
Le sénateur Ghitter: Lorsque ce comité prend la parole, il le fait au nom de la majorité, de manière que la majorité puisse rédiger son rapport qui devient alors le rapport du comité. C'est évident et il n'y a pas à revenir sur ce point. La majorité peut rédiger son rapport. Je n'ai pour l'instant aucun intérêt à le voir, car je sais ce qu'il va contenir. Nos vues sont si divergentes à propos de cette mesure législative que nous parlons véritablement de points symboliques. Nous souhaitons inscrire nos observations à côté de celles de la majorité dans le même rapport, comme le greffier nous a dit qu'il fallait le faire, et nous sommes heureux de le faire de cette façon-là. Je ne pense pas qu'il soit utile de débattre davantage de cette question.
Le sénateur Chalifoux: Monsieur le président, depuis que j'ai commencé à étudier ce projet de loi, je souhaite faire quelques remarques, quelques recommandations et quelques observations. Suis-je autorisée à le faire en tant que membre de ce comité ou dois-je les inscrire dans le rapport? J'aimerais faire plusieurs recommandations et observations.
Le vice-président: Essayer de rédiger un rapport auquel souscrivent sept libéraux et le terminer d'ici la fin de la semaine est une tâche difficile en elle-même, mais lorsqu'il sera présenté dans la salle, aucun sénateur -- libéral, conservateur ou indépendant -- ne se verra refuser le droit de se lever pour prendre la parole. Il serait difficile d'essayer d'intégrer vos idées dans quelques lignes du rapport. Je suis sûr que le sénateur Ghitter et moi-même tenons à ce que les commentaires du rapport ne dépassent pas une page environ. Mes commentaires seront assez brefs. Je vais essayer de demander au parti de les vérifier le plus possible, mais obtenir l'accord de sept libéraux au cours d'une longue fin de semaine au sujet d'un long rapport risque de présenter quelques difficultés.
Le sénateur Chalifoux: J'ai l'habitude de rédiger mes propres rapports.
Le vice-président: Vous aurez aussi la possibilité de prendre la parole dans la salle.
Le sénateur Chalifoux: De combien de temps vais-je disposer?
Le vice-président: À l'étape de la troisième lecture, vous avez 15 minutes. Je n'ai jamais vu le président interrompre qui que ce soit -- au cas où vous souhaiteriez parler plus longtemps.
Le sénateur Ghitter: Nous sommes d'accord que vous parliez autant que voulez, sénateur, si c'est réciproque.
Le sénateur Chalifoux: Merci.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je siège au comité des banques. Nous avons l'habitude de faire des commentaires et des remarques au sujet des mesures législatives; parfois, nous indiquons au ministre que, à la prochaine étape, nous voulons tel ou tel changement, sachant bien qu'il est important d'adopter le projet de loi tout de suite. La tradition veut que le président et le vice-président invitent les membres à envoyer leurs remarques par écrit -- suffisamment tôt, bien sûr, pour qu'elles soient incluses. Nous pouvons envoyer quelques lignes au sujet des réserves que nous pouvons avoir ou d'une étude plus approfondie que nous souhaitons.
Je vais vous donner un exemple. On m'a promis que le ministre des Finances examinerait le traitement fiscal du processus relatif au retrait de la forme mutuelle des personnes âgées. J'ai soulevé ce problème au moment où nous avons examiné le projet de loi et le ministre a dit qu'effectivement le projet de loi serait adopté, mais que cette question serait envisagée.
Je veux être sûre que cela ne nous empêche pas de faire nos remarques. Si elles sont courtes, elles seront probablement plus pertinentes. Si j'ai quelques commentaires, je vais les adresser au vice-président et les Conservateurs peuvent adresser les leurs au président. Ils travailleront ensemble et présenteront le rapport comme étant le rapport du comité. C'est ainsi que cela fonctionne.
Le vice-président: Je serai disponible toute la fin de semaine, ici ou à Calgary.
Il me faut une motion autorisant le vice-président à faire rapport des deux séries d'observations au Sénat.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je le propose.
Le sénateur Hays: Allons-nous avoir une autre réunion?
Le vice-président: Non.
Le sénateur Hays: Je crois que vous innovez et je vous en félicite. Je pensais qu'il faudrait se réunir de nouveau pour examiner nos observations. J'en conclus que vous les approuvez à l'avance.
Le vice-président: Selon la motion, nous présentons chacun nos observations. Le sénateur Ghitter demande maintenant que le comité les examine. De notre côté, je suis prêt à recevoir des présentations écrites de tout le monde et à faire de mon mieux. Si je ne donne pas satisfaction, vous pouvez vous plaindre auprès du leader du caucus et me déloger, ou vous pouvez prendre la parole au Sénat et dire ce que vous auriez dit dans vos observations.
J'imagine que presque tout le monde va prendre la parole au Sénat à ce sujet.
Le sénateur Adams: Si ce projet de loi est adopté en comité aujourd'hui, il sera renvoyé au Sénat mardi. Dès que le projet de loi C-68, projet de loi sur le contrôle des armes à feu, a été adopté en comité, il n'a fait l'objet d'aucun autre commentaire.
L'environnement est très important pour nous. Même si nous adoptons le projet de loi C-32 sans amendement, je veux être sûr qu'il sera examiné avant l'échéance des cinq ans et j'aimerais que cela figure dans les observations.
Le sénateur Poulin: J'aimerais faire une proposition au sujet des échéances, simplement pour des raisons d'efficacité. Je propose que tous les commentaires des membres du comité soient télécopiés au président et au vice-président avant 17 heures, jeudi, que le rapport conjoint soit télécopié à tous les membres du comité avant 9 heures, mardi matin et qu'il y ait une réunion rapide du comité à 15 heures, mardi.
Le vice-président: Sénateur, notre propre motion nous impose de tout terminer d'ici midi, mardi.
Nous n'allons certainement pas déposer un rapport qui n'aura pas fait l'objet d'un examen approfondi. Je ne vais pas passer la fin de semaine à rédiger un énorme rapport. Je vais le rédiger le mieux possible et il sera vérifié par les personnes essentielles. Je suis sûr que le patron parlementaire du sénateur Ghitter va aussi l'examiner.
Il me faut une motion indiquant que nous allons faire rapport du projet de loi avec des observations à la prochaine séance du Sénat.
Le sénateur Hays: Monsieur le président, comment pouvons-nous nous prononcer sur des observations qui n'existent pas?
Le vice-président: Si vous n'êtes pas d'accord, dites-le, et nous allons passer au vote.
Le sénateur Hays: Nous serions prêts, en règle générale, à collaborer avec vous. Nous demanderions à notre personnel qui nous a secondé au cours du processus de nous aider à préparer un rapport. On semble s'écarter de la norme, entre autres parce que les membres de l'opposition ne souhaitent pas faire preuve de collaboration.
Pouvons-nous approuver les observations à l'avance? Peut-être. Nous pouvons peut-être dire que les commentaires que vous ferez seront consignés au compte rendu en tant qu'observations du comité.
Est-ce bien ce que vous êtes en train de dire?
Le vice-président: Le comité des banques, par exemple, a convenu récemment que les deux séries d'observations feraient l'objet d'un rapport au Sénat. Elles n'ont pas été soumises de nouveau au comité. La décision a été prise par le président et le vice-président. Si vous ne faites pas confiance au président et au vice-président, dites-le. Vous pouvez, si vous voulez, préparer un rapport minoritaire.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je ne peux pas confirmer ce que mes collègues ont dit. Nous avons tous parlé de divers cas. Il y a aussi celui de la location de voiture. Trois députés libéraux se sont opposés à la participation des banques dans ce domaine et nous l'avons tout simplement indiqué dans le rapport.
Il n'est pas nécessaire pour moi de voir les observations si elles correspondent à ce que j'ai dit. Nous avons clairement exposé notre position tout au long des audiences. Le document qui devra être approuvé ne sera pas très long.
Le sénateur Hays: Je pense que vous devriez ajouter les mots «préparées et soumises par».
Le vice-président: Préférez-vous que ce soit quelqu'un d'autre, et non le vice-président, qui les préparent? Voulez-vous vous en charger? Nous pourrions également décider de ne pas faire de commentaires et de donner à tout le monde l'occasion d'exposer son point de vue à la troisième lecture.
Le sénateur Chalifoux: On rendrait un mauvais service au comité. Que le projet de loi soit adopté avec ou sans amendement, nous avons tous des réserves et des observations à formuler, et nous devons l'indiquer non seulement dans le rapport, mais également de vive voix.
Le vice-président: C'est ce que nous allons faire. Il me faut une motion indiquant que nous allons faire rapport du projet de loi avec des observations à la prochaine séance du Sénat, conformément à la résolution du 24 août.
La motion est-elle adoptée?
Le sénateur Ghitter: Avec dissidence.
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le vice-président: La motion est adoptée avec dissidence.
Le sénateur Ghitter: J'aimerais remercier tous les membres du comité. Même si nous n'avons pas réussi à nous entendre, comme c'est souvent le cas, nous l'avons fait dans un esprit de collégialité, avec classe et dignité. Je vous remercie tous. Le processus a été long et fort intéressant, mais le comité s'en est très bien tiré.
Le vice-président: Je souhaite moi aussi vous remercier. Je suis certain que la discussion va se poursuivre au Sénat.
La séance est levée.