Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 10 juin 1998
Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 17 h 30, afin d'examiner le Budget des dépenses principal déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 1999.
Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Mesdames et messieurs, j'aimerais brièvement vous expliquer la raison d'être de ces réunions. L'automne dernier, nous avons entendu parler de la pénurie de personnel qui existe au sein de la fonction publique, du fait que les employés se tournent vers le secteur privé. Tout a commencé avec un reportage qu'a fait Jason Moscovitz à la radio de la SRC, un samedi matin. Nous avons par la suite décidé de nous attaquer à ce dossier et d'entendre, en tant que comité, divers témoins, dont Lawrence Strong, qui dirige le comité responsable de la fonction publique, les syndicats, le vérificateur général et le ministre Marcel Massé. Voilà qui résume brièvement le travail que nous avons accompli dans le cadre de cette étude.
Nous accueillons aujourd'hui Mme Ruth Hubbard, présidente de la Commission de la fonction publique. Nous vous souhaitons la bienvenue. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent avant de faire votre déclaration.
Mme Ruth Hubbard, président, Commission de la fonction publique: Merci beaucoup. J'aimerais vous présenter Jean-Guy Fleury, directeur exécutif de la Direction générale de l'apprentissage et du renouvellement du personnel, et Judith Moses, directrice exécutive de la Direction générale des politiques, de la recherche et des communications.
J'aimerais remercier les membres du comité pour leur travail opportun visant à appuyer le renouvellement de la fonction publique fédérale. C'est une question importante pour les Canadiennes et les Canadiens et nous apprécions beaucoup l'intérêt que le comité a manifesté à cet égard.
Le Canada est reconnu, au pays comme à l'étranger, pour avoir une des meilleures administrations publiques au monde, le produit de générations de femmes et d'hommes voués au service du bien public.
Pierre angulaire du régime gouvernemental démocratique stable du Canada, la fonction publique professionnelle non partisane a la responsabilité de donner les meilleurs avis possibles au gouvernement et de donner suite fidèlement à ses orientations, d'administrer les services au public et de faire respecter les lois et règlements du pays.
[Français]
La Commission de la fonction publique est le gardien de certaines des valeurs fondamentales de la fonction publique qui sous-tendent le professionnalisme et l'intégrité de l'administration publique du Canada: le mérite, la non-partisanerie et la représentativité.
La Commission de la fonction publique est l'organisme politiquement indépendant qui maintient l'intégrité des systèmes de dotation. Le travail de la commission touche des secteurs essentiels comme le recrutement, l'établissement de normes de sélection, la sélection et la dotation des cadres supérieurs, l'avancement fondé sur le mérite, la gestion des échanges, la promotion de l'apprentissage et du perfectionnement, le maintien de mécanismes de recours et de revue indépendants, l'administration d'initiatives liées à l'équité en matière d'emploi à la fonction publique et enfin la présentation des rapports au Parlement sur l'efficacité du système fédéral de dotation, laquelle est aujourd'hui déléguée en grande partie aux ministères.
[Traduction]
La commission détermine quand il est dans le meilleur intérêt de la fonction publique de procéder à du recrutement externe. Elle travaille en collaboration avec d'autres, notamment avec des ministères et organismes hiérarchiques, des organismes centraux et des représentants des employés. Elle offre de l'encadrement, des avis et de l'appui, assure une surveillance et rend compte directement au Parlement.
Des changements aux répercussions multiples de même que le soutien et la participation accrus au chapitre de la mondialisation des marchés ont transformé les économies de la planète ainsi que les attentes des citoyens. Au Canada, nous avons vu les citoyens exiger de plus en plus de participer au façonnement des politiques publiques, à la détermination de l'équilibre entre les importantes considérations qui définissent l'intérêt public au fur et à mesure de son évolution et à la prestation de services abordables et adaptés.
Cela a par ailleurs entraîné la réforme du secteur public au Canada et suppose que l'on doive repenser les responsabilités d'une fonction publique professionnelle. Quelles devraient être ses principales caractéristiques et de quelles compétences les personnes qui la composent auront besoin aujourd'hui et demain.
[Français]
Comme l'a affirmé le greffier dans son cinquième rapport annuel au premier ministre sur l'état de la fonction publique du Canada, l'histoire de la réforme du secteur public du Canada doit être racontée. Les gens sont au coeur d'une réforme réussie. L'initiative gouvernementale La Relève, visant à renouveler la fonction publique, reflète bien cette énergie renouvelée et un intérêt sincère à valoriser et à former les gens.
Le recrutement, le maintien en poste et le renouvellement du personnel sont des questions clés et la Commission de la fonction publique joue son rôle à cet égard.
Les principaux défis sont bien exposés dans le rapport du comité consultatif présidé par M. Strong, qui s'est déjà présenté aux audiences de votre comité. Il y a notamment les données démographiques -- le vieillissement de la fonction publique -- la mobilité au sein de la fonction publique, les nouvelles capacités et compétences et le renforcement chez tous les gestionnaires de la fonction publique du principe qu'une gestion et une planification efficaces des ressources humaines sont absolument essentielles si l'on veut présenter de bons résultats au public canadien.
[Traduction]
À cette liste, nous de la CFP ajouterions la représentativité, particulièrement en ce qui touche les principaux groupes visés par l'équité en matière d'emploi, soit les autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles. Nous devons nous assurer que la fonction publique offre un climat à la fois stimulant et gratifiant, qui intègre des personnes aux antécédents culturels divers, appartenant aux deux groupes linguistiques officiels et en provenance de toutes les parties du pays et un climat qui s'adapte à ces personnes. La fonction publique doit représenter les gens qu'elle sert.
Le comité de M. Strong a parlé de la nécessité d'un recrutement concerté hautement ciblé à l'extérieur de la fonction publique, au niveau d'entrée et peut-être à mi-carrière. En tant que responsable du recrutement du gouvernement, nous dirions que ce rapport vient à point nommé et que c'est exactement ce que nous faisons, de concert avec les ministères et organismes hiérarchiques ainsi qu'avec les autres organismes centraux, dans les secteurs où il y a pénurie, comme en technologie de l'information, et dans les campagnes de recrutement ciblé sur les campus, par exemple pour les économistes, les mathématiciens et les ingénieurs.
Nous avons également des programmes de perfectionnement généraux, comme le programme de stagiaires en gestion, qui permet à des recrues de haute qualité d'emprunter la voie rapide pour accéder au niveau de cadre intermédiaire grâce à une combinaison d'apprentissage en cours d'affectation et d'apprentissage plus officiel.
Nous utilisons de plus en plus des stratégies de recrutement fondées sur l'Internet et nous continuons de repenser et de restructurer nos méthodes pour nous adapter aux marchés d'aujourd'hui et de demain.
[Français]
Nous contribuons également à relever les défis touchant la mobilité interne; les compétences nouvelles; le nouvel apprentissage intégré aux paliers inférieurs à celui de cadre de direction ainsi que l'accroissement de même que le renforcement du sentiment d'appartenance chez les gestionnaires -- en commençant par les sous-ministres -- à l'égard de la dotation grâce à une réforme qui repose sur des valeurs et des résultats et non pas sur des règles et des transactions.
[Traduction]
Je suis fière d'être fonctionnaire, fière de ce que fait la fonction publique pour le pays, fière de ceux qui continuent de servir et fière de ceux qui entendent encore l'appel et y répondent. C'est une profession honorable.
[Français]
Les gens se joignent à la fonction publique du Canada pour bien des raisons, mais surtout parce qu'ils retirent de la satisfaction du fait de servir leurs concitoyens. Cela est vrai qu'ils travaillent directement en contact avec le public comme les inspecteurs des douanes, ou qu'il s'agisse de chercheurs en biotechnologie, de conseillers stratégiques supérieurs ou de sous-ministres.
[Traduction]
Les défis et les exigences sont réels. Nous avons besoin de personnes qui partagent des valeurs uniques inhérentes à la fonction publique -- des personnes qui sont déterminées à servir les Canadiennes et les Canadiens.
En terminant, j'aimerais souligner qu'il y a quelques années, le Parlement a adopté une loi faisant de la semaine prochaine, la troisième semaine de juin, la Semaine nationale de la fonction publique. Une fierté renouvelée et la reconnaissance à l'égard de ceux et celles qui demeurent déterminés à servir appuient tous les efforts visant à façonner pour la population canadienne une fonction publique efficace et respectée.
Je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser au comité. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le sénateur Bolduc: Dans les années 60, nous avons essayé d'évaluer le mérite par voie de concours. Les postes vacants étaient habituellement annoncés dans les journaux et ailleurs. Il me semble qu'on ne voit plus tellement d'annonces de ce genre aujourd'hui. Quel pourcentage de postes vacants sont comblés par voie de concours? Combien de postes sont comblés par voie de concours et combien le sont par voie de promotion, selon les critères définis par les gestionnaires?
Mme Hubbard: Je n'ai malheureusement pas ces chiffres avec moi, mais je me ferai un plaisir de vous les fournir. Nous utilisons les médias électroniques pour diffuser aux fonctionnaires de l'information sur les concours. Nous avons davantage recours à ce mécanisme aujourd'hui.
Nous utilisons également les médias électroniques pour faire du recrutement à l'extérieur de la fonction publique. Nous utilisons l'Internet. Les gens ont aujourd'hui une meilleure idée des emplois qui sont disponibles qu'il y a cinq ans. Jean-Guy Fleury aurait peut-être d'autres précisions à vous donner à ce sujet.
Le sénateur Bolduc: Si j'ai posé cette question, c'est parce qu'il est assez difficile de définir le principe du mérite. La représentativité est un autre critère. Il peut y avoir, à l'occasion, incompatibilité entre les deux. Je me demande si les concours ne constituent pas encore le moyen le plus efficace de trouver les candidats les plus compétents.
[Français]
M. Jean-Guy Fleury, directeur exécutif, Ressourcement du personnel et apprentissage, Commission de la fonction publique: J'ajouterais deux points. La plupart des concours se font au mérite, vis-à-vis les compétences nécessaires qu'exige le poste. Il y a des critères établis par la Commission de la fonction publique au niveau de la norme et par les gestionnaires au niveau des besoins immédiats ou spécialisés.
En ce qui a trait au nombre de concours, vous avez mentionné la question des affiches, mais maintenant il y a davantage l'usage de la technologie. En somme, c'est le mérite qui prime. Ce sont les critères établis par la Commission de la fonction publique versus les exigences du poste. Bien que durant la période de gel, il y ait eu peut-être moins de concours qu'auparavant, avec la décroissance de la fonction publique, il y a eu beaucoup de redéploiements, d'affectations et de prêts entre ministères pour les ressources.
Le sénateur Bolduc: Vous tenez encore des concours, c'est-à-dire que vous les déléguez aux ministères?
M. Fleury: On les délègue au ministère à 95 p. 100.
Le sénateur Bolduc: Est-ce qu'ils tiennent les concours ou s'ils font simplement un jeu d'affectations internes?
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Le danger, c'est que les cadres intermédiaires risquent d'agir d'une façon qui ne respecte pas les règles du jeu.
[Français]
M. Fleury: À mon avis, ils les tiennent. Jusqu'à un certain point, nous avons un contrepoids où on peut mesurer la performance ou le rendement des ministères et des gestionnaires. Il y a le droit d'appel, le droit de recours, le droit d'enquête et dans certaines circonstances, la commission peut exiger une vérification de la dotation dans les ministères donnés.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Est-ce que cette formule peut s'appliquer au niveau des cadres intermédiaires, au niveau des cadres supérieurs, sauf ceux qui sont nommés par le gouvernement?
[Français]
M. Fleury: À tous les niveaux sauf au niveau des cadres qui n'est pas délégué aux ministères et où les nominations sont réservées aux commissaires.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Oui. Pour les EX-1, 2 et 3.
[Français]
M. Fleury: Jusqu'à sous-ministre adjoint 5.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Le sous-ministre adjoint et le sous-ministre sont-ils nommés par le gouvernement, ou est-ce que le sous-ministre adjoint est toujours nommé par la commission?
Mme Hubbard: Les sous-ministres adjoints, les niveaux EX-4 et 5, sont toujours nommés par la commission. Pour ajouter à ce que M. Fleury a dit, moins de 1 p. 100 des mesures de dotation de la fonction publique font l'objet d'un appel, si je ne m'abuse. L'appel, qui est une procédure bien établie, laisse entendre que, de manière générale, le processus fonctionne assez bien.
Le sénateur Bolduc: Vous dites que les critères sont établis par la CFP. Sont-ils à ce point précis qu'une seule personne peut se qualifier, ou est-ce que plusieurs personnes peuvent le faire?
Mme Hubbard: Il existe un partenariat, si vous voulez, entre l'agent de placement et la Commission de la fonction publique, parce que l'agent de placement sait en quoi consiste le travail. Notre rôle est de faire en sorte que les critères sont raisonnables. Bien que nous ne soyons pas vraiment contre les concours, nous trouvons que les agents de placement ont tendance à croire que les gens les mieux placés pour effectuer le travail sont ceux qui ont beaucoup d'expérience dans ce domaine. Autrement dit, ils ne seraient probablement pas prêts à considérer la candidature de personnes qui pourraient posséder des compétences similaires dans des domaines similaires. Il s'agit d'une responsabilité partagée, parce qu'il serait impossible pour la CFP de préciser la nature du travail qui doit être fait.
Le sénateur Bolduc: Avez-vous dit plus tôt que les cadres supérieurs sont toujours recrutés ou désignés par la commission?
Mme Hubbard: Oui. De manière générale, nous n'avons pas délégué la catégorie de la direction, les EX-1, 2, 3, 4 et 5. Chaque semaine, les trois commissaires, et je fais partie de cette équipe, se réunissent pour décider des mesures à prendre pour doter chaque poste qui fait l'objet d'une nomination ou d'une promotion. Des employés de la commission vont ensuite participer au processus de sélection pour faire en sorte qu'il soit juste.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: La semaine dernière, on a lu dans les journaux que Michèle Jean avait été affectée à un poste à Bruxelles et que quelqu'un la remplaçait au ministère de la Santé. Comment se sont faits ces choix? Michèle Jean n'a jamais été dans le service diplomatique d'aucune façon, elle travaillait au ministère de la Santé depuis qu'elle était à Ottawa.
Mme Hubbard: Le poste de sous-ministre de Santé Canada est comblé par le premier ministre. C'est une affectation effectuée par le gouverneur en conseil. Cela n'appartient pas à la Commission de la fonction publique du tout. Son remplaçant était sous-ministre des Finances. Il a travaillé pendant une certaine période de temps à l'extérieur de la fonction publique et il y est retourné comme sous-ministre de Santé Canada.
L'affectation en Europe est peut-être une question que vous pouvez poser à la greffière, mais je pense que c'est un poste où on donne des conseils dans le domaine de la santé à la communauté européenne. La Commission européenne pense avoir besoin de ce genre de conseils.
Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce la Commission européenne qui l'a engagée?
Mme Hubbard: Non, c'est la Commission qui a dit qu'elle en avait besoin et formellement, de façon technique. Le gouvernement canadien a créé un poste et il a comblé le poste avec Mme Jean pour qu'elle puisse donner des conseils au comité européen.
Le sénateur Lavoie-Roux: Mais cette personne n'avait jamais travaillé dans le domaine de la santé avant de venir à Ottawa. Ce n'est pas une personne qui vient du domaine de la santé, elle vient du domaine de l'éducation. Elle a écrit le fameux rapport Jean sur l'éducation des adultes au Québec. Tout à coup, elle est devenue une experte mondiale en santé.
[Traduction]
Le sénateur Eyton: Je voudrais revenir à la question des examens. Je présume qu'ils existent toujours. Je voudrais m'en servir comme exemple pour démontrer ce que les meilleurs talents pensent de la fonction publique. Ce cas est tout à fait anecdotique. Il y a neuf ou dix ans, mon fils, un jeune homme très bien, s'est présenté à un examen en vue d'obtenir un poste au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je n'ai rien dit avant ou après l'examen, sauf parler un peu des résultats quand il les a reçus. J'ai appris que cette année-là, plus de 3 000 personnes s'étaient présentées à l'examen. Les finalistes, ceux qui ont passé des entrevues, étaient moins de 100. Malheureusement, mon fils s'est classé soixante-cinquième. Comme ils n'ont recruté que 50 personnes, il n'a pas eu le poste.
Mon fils m'a dit que, d'après ses recherches et les discussions qu'il a eues, la grande majorité des gens qui ont posé leur candidature pour le nombre limité de postes étaient très compétents. Ils étaient presque tous diplômés, et bon nombre d'entre eux avaient également un diplôme supérieur. La concurrence était vive. Cela montre que, en tout cas il y a dix ans, les postes de la fonction publique, surtout dans ce ministère, étaient très recherchés et convoités. Ce préambule est plutôt long. Ma question est la suivante: existe-t-il un mécanisme comparable aujourd'hui qui permet de confirmer que les personnes les plus compétentes considèrent toujours la fonction publique, disons ses ministères, d'un oeil aussi positif?
Mme Hubbard: La réponse à votre question est oui. Nous faisons toujours passer un examen aux personnes qui souhaitent poser leur candidature. Proportionnellement, il y a toujours beaucoup plus de gens qui postulent des emplois permanents que nous avons de postes vacants. Par exemple, l'année dernière, plus de 9 000 étudiants ont posé leur candidature pour quelque 850 postes permanents. Cela comprend les personnes que nous avons recrutées pour les Affaires étrangères.
Dans le cas des emplois pour étudiants, nous avons reçu 90 000 demandes pour 10 000 postes.
Le sénateur Eyton: Est-ce que vous examinez ces demandes pour voir quels sont les candidats qui possèdent les compétences requises?
Mme Hubbard: Nous croyons comprendre que les critères sont plus sévères. Autrement dit, le niveau de scolarité qu'exigent les gestionnaires des candidats a augmenté au cours des dernières années dans toutes les catégories de recrutement, même dans le cas des emplois d'une durée déterminée, c'est-à-dire même dans le cas des emplois temporaires. Les agents du Service extérieur doivent toujours passer un examen, tandis que les étudiants du niveau postsecondaire doivent, quant à eux, passer des examens de compétences générales. Nous maintenons des normes élevées, et il s'agit là d'un critère de qualité.
De manière générale, nous avons beaucoup plus de candidats que de postes disponibles, ce qui n'est très bon dans le cas des marchés de travail serrés. Par exemple, dans les marchés à créneaux comme celui de la technologie de l'information, où il y a une pénurie de personnel en Amérique du Nord, nous avons autant de difficulté que les autres employeurs à recruter des candidats.
Le revers de la médaille, c'est que, parfois, nous recevons quelques demandes, mais pour des experts hautement spécialisés. Avant que l'Internet ne voie le jour, nous avions de la difficulté à recruter des gens même à l'échelle internationale. Nous utilisons maintenant l'Internet pour le faire. Au lieu de dire à un ministère, «Voici le nom de deux candidats», nous sommes maintenant en mesure de leur donner les noms de 10 personnes qui possèdent ces compétences spécialisées, ce qui laisse entendre qu'il existe un bassin plus vaste à partir duquel ils peuvent choisir des candidats.
Le sénateur Eyton: Il me semble qu'il n'y a pas tellement de différence entre la fonction publique et le secteur privé. J'ai lu que le gouvernement fédéral aurait peut-être de la difficulté à attirer les meilleurs talents. Vous laissez entendre, par vos propos, que la fonction publique suscite encore beaucoup d'intérêt, et qu'un grand nombre de personnes compétentes veulent toujours travailler pour le gouvernement.
Mme Hubbard: Au cours des dernières années, les Canadiens qui auraient souhaité poser leur candidature avaient l'impression que le gouvernement ne recrutait plus personne. Ils ont donc cherché ailleurs.
Nous avons effectué récemment un sondage auprès d'étudiants de dernière année afin de voir combien d'entre eux pensaient trouver un emploi au sein du secteur public plutôt que privé. Il s'agissait d'un sondage plutôt limité. Si je ne m'abuse, la plupart des répondants -- 70 p. 100 d'entre eux -- n'avaient pas songé au secteur public. Cela veut dire que, et ce n'est pas déraisonnable, au cours de la période de compression des effectifs, ou même avant cela, le nombre de fonctionnaires n'a pas augmenté. Les étudiants qui obtenaient leur diplôme, les gens qui cherchaient des emplois, n'auraient pas été portés à chercher du côté de la fonction publique.
Allons-nous être obligés de recruter des employés au cours des 10 prochaines années? Oui, absolument. Nous ne pouvons pas faire preuve de complaisance. Nous allons livrer concurrence à d'autres employeurs. Cela va être difficile.
Le sénateur Bryden: Je voudrais faire un bref retour en arrière. En 1967, la fonction publique a changé de façon radicale avec l'introduction de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Cette loi prévoyait la syndicalisation de la grande majorité des fonctionnaires. Bon nombre des tâches, fonctions et responsabilités jadis assumées par ce que l'on appelait à l'époque le service civil ont été transférées sous le régime de la Loi sur la gestion des finances publiques. La loi fixait les normes salariales, les conditions d'emploi, tout. En effet, quand le nouveau système a été mis sur pied, j'ai participé à une réunion où l'on se demandait s'il y avait lieu de garder la Commission de la fonction publique. Il est évident que cet organisme est utile.
Je voudrais revoir brièvement certains des points abordés dans votre mémoire afin d'avoir une bonne idée de vos fonctions actuelles. Pour ajouter à ce qu'a dit le sénateur Eyton, dans le secteur privé, la plupart de ces responsabilités relèveraient du même ministère.
Vous avez parlé de recrutement. Qu'est-ce que vous entendez par cela?
Mme Hubbard: Pour répondre à cette question précise, c'est la Commission de la fonction publique qui décide s'il est dans l'intérêt de la fonction publique de recruter à l'extérieur de celle-ci pour combler un poste, peu importe son niveau. C'est la commission qui, également, doit assurer l'intégrité du processus de recrutement dans la fonction publique. L'employeur, le gouvernement et les ministères doivent, eux, se concentrer sur la nature des postes à combler.
En 1967, comme vous l'avez mentionné, bon nombre des fonctions de l'employeur ont été transférées du Service civil au Conseil du Trésor. Pour vous donner une brève description du partage des responsabilités, les fonctions du conseil de gestion ou de l'employeur, comme les conditions d'emploi -- la rémunération, les relations avec les représentants des employés -- relèvent du comité statutaire du cabinet, soit le Conseil du Trésor. Ce que nous faisons, en tant qu'organisme indépendant, c'est de sauvegarder, si vous voulez, les principes du mérite et de neutralité, d'assurer de manière générale l'intégrité du système de dotation, que ce soit par voie de recrutement de l'extérieur, ou par voie de promotion à l'intérieur de la fonction publique. Nous avons délégué un grand nombre des tâches qui, de par la loi, relèvent de notre responsabilité, aux sous-ministres.
Le sénateur Bryden: Ces tâches ont été déléguées aux ministères.
Mme Hubbard: C'est exact, mais c'est toujours à nous qu'incombe l'obligation de rendre compte.
Le sénateur Bryden: Le recrutement n'englobe pas l'embauche.
Mme Hubbard: C'est la même chose. Si, en tant que gestionnaire, j'avais un poste à combler, je pourrais décider que ce poste, quel que soit son niveau, n'est pas susceptible d'être pourvu par un employé de la fonction publique. Il faudrait que je m'adresse à la Commission de la fonction publique et que je lui dise que j'ai besoin de tel genre de compétences. Or, celles-ci sont peut-être rares. Il n'y a pas suffisamment de gens à l'intérieur qui les possèdent. Il me faut un directeur qui est spécialisé en technologie de l'information. L'agent de recrutement cernerait le besoin. La commission dirait: «Vous avez tout à fait raison. Nous pouvons vous aider. Nous savons où se trouve ce bassin d'experts. Nous pouvons vous aider à choisir des candidats, selon un processus qui est juste.» C'est comme cela que l'on procéderait.
Le sénateur Bryden: Il faudrait trop de temps pour passer en revue tous les points que je veux soulever. Cependant, vous avez parlé de réaménagement. Nous en avons déjà vécu un important, où 55 000 postes de fonctionnaires ont été abolis. À cette époque, on donnait la priorité aux employés dont le nom figurait sur des listes d'admissibilité -- si c'est le terme exact -- ce qui veut dire que les employés dont le poste a été aboli seraient considérés en premier si un poste pour lequel ils sont qualifiés devenait vacant. Est-ce que ces listes existent toujours? Pouvez-vous me dire combien d'employés, grosso modo, figurent sur ces listes? Combien empêchent quelqu'un de l'extérieur d'avoir un poste au sein de la fonction publique?
Mme Hubbard: Il y a plusieurs catégories de personnes qui ont priorité en matière de nomination. Les chiffres que j'ai couvrent la période allant de 1995-1996 à 1997-1998. Au total, environ 7 500 personnes ont été réaffectées. Sur ce nombre, environ 5 500 étaient des employés excédentaires ou mis en disponibilité. Il y a aussi d'autres personnes qui bénéficient d'une priorité. Ce sont les chiffres que nous avons.
Si vous me demandiez combien de personnes sont aujourd'hui prioritaires, je dirais un plus de 2 000, ce qui est moins que ces dernières années. Nous sommes presque revenus aux niveaux antérieurs.
Le sénateur Bryden: Combien de nouveaux employés auraient été embauchés au cours de la période que vous avez mentionnée?
Mme Hubbard: Je pense que les chiffres seraient beaucoup plus élevés que cela. Nous aurions embauché un plus grand nombre de personnes pour des périodes déterminées que pour des périodes indéterminées. Autrement dit, à peu près 1 000 emplois, ou peut-être un peu plus, ont été dotés de façon permanente au cours de cette période. Nous avons embauché 850 employés l'automne dernier, environ 600 l'année précédente, et environ 300 l'année d'avant.
Le sénateur Bryden: Il s'agissait d'employés nommés pour une période indéterminée.
Mme Hubbard: Oui, mais nous avons embauché un plus grand nombre de personnes pour trois mois, six mois, un an ou deux ans. C'est une décision que prend l'agent de recrutement.
Le sénateur Bryden: Vous avez parlé dans votre mémoire de l'embauche de minorités. Je fais allusion aux minorités visibles, faute d'une meilleure expression. Quels progrès a-t-on réalisés à ce chapitre, compte tenu de nombreux changements démographiques que connaît le Canada? Est-ce que les personnes nouvellement embauchées reflètent notre évolution démographique?
Mme Hubbard: J'ai quelques chiffres pour l'ensemble de la fonction publique. Dans le cas des minorités visibles, 4,5 p. 100 des fonctionnaires ont déclaré qu'ils faisaient partie de groupes de minorités visibles. Cela représente environ 9 p. 100 de la population active. Nous n'avons toujours pas atteint notre objectif.
Est-ce que les personnes qui cherchent à se faire embaucher sont proportionnellement représentatives de la population? Ma réponse est oui. Je n'ai pas de données avec moi, mais je peux certainement vous les trouver. C'est, en tout cas, l'impression que j'ai, qu'il s'agisse de recrutement postsecondaire, d'emplois pour étudiants ou d'emplois temporaires. En fait, nous savons que le pourcentage de minorités visibles qui occupent des emplois temporaires est supérieur au pourcentage d'employés qui occupent des postes permanents. Cela représente le nombre de personnes qui poseraient leur candidature pour ce genre de travail.
Je tiens aussi à dire que, en raison des compressions décrétées au cours des dernières années, la fonction publique a fait des progrès. Elle n'en a pas fait beaucoup, mais elle n'a pas perdu de terrain. Nous n'avons pas perdu un nombre démesuré de membres appartenant à des groupes visés par l'équité en matière d'emploi dans le cadre cet exercice.
Le sénateur Bryden: Avez-vous un programme d'action positive qui vise à favoriser le recrutement de minorités visibles et de membres appartenant à d'autres groupes sous-représentés?
Mme Hubbard: Le Conseil du Trésor, en tant qu'employeur, a mis sur pied, depuis plusieurs années déjà, un programme de mesures spéciales. Il s'agit en quelque sorte d'un programme d'action positive, si vous voulez. La Loi sur l'emploi dans la fonction publique, que nous administrons, nous donne des outils pour appuyer ce genre d'initiative. Par exemple, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a demandé à la Commission de l'aider à améliorer la représentation de travailleurs autochtones. Nous avons utilisé les pouvoirs que nous confère la loi pour prendre des règlements et adopter diverses mesures spéciales qui lui permettrait d'atteindre cet objectif.
Le Conseil du Trésor dispose d'un programme, et c'est quelque chose que vous pourriez peut-être explorer plus à fond. Nous avons des outils. Nous les utilisons. La loi nous interdit toute forme de discrimination fondée sur la race ou le sexe. Nous avons également des obligations en vertu de la nouvelle Loi sur l'équité en matière d'emploi.
Le sénateur Bryden: Les programmes d'action positive ne sont pas considérés comme une forme de discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Mme Hubbard: Quand nous proposons des candidats qualifiés aux agents de recrutement, nous devons en choisir parmi les groupes visés par l'équité en matière d'emploi, afin que les personnes qui possèdent les compétences voulues pour faire le travail soient représentées au sein de la population. Nous sommes également tenus d'appuyer les mesures de saine gestion qui vont contribuer à nous donner une fonction publique plus représentative des gens qu'elle dessert.
Le sénateur Forest: Il pourrait y avoir, d'ici quatre ou cinq ans, environ 170 postes de sous-ministre adjoint, si je ne m'abuse, qui deviendraient vacants. Vous avez mis sur pied quelques programmes pour doter ces postes. Il y en a un qui met l'accent sur la préqualification, et l'autre, sur le perfectionnement des cadres. J'aimerais avoir des précisions sur ces programmes, et savoir aussi comment ils vont vous permettre d'atteindre cet objectif. Je trouve inquiétant qu'il y ait un si grand nombre de postes de sous-ministres adjoints à combler.
Mme Hubbard: Nous avons, dans le cadre de La Relève, et le greffier pourrait vous en dire plus à ce sujet, mis sur pied deux programmes à l'intention du groupe de la direction, programme que nous administrons pour l'ensemble du système. Un d'entre eux vise à cibler les candidats qui sont prêts à occuper des postes de sous-ministres adjoints, et qui auraient pu évoluer naturellement vers ces postes dans une fonction publique en essor. C'est ce que nous appelons le bassin de candidats préqualifiés.
Nous faisons appel aux candidats. Environ 15 p. 100 des cadres manifestent leur intérêt. Ils sont soumis à processus très rigoureux. Nous examinons leur feuille de route, les références, les résultats des entrevues, et décidons ensuite quels sont ceux qui sont prêts à assumer ces fonctions. Ces gens sont ciblés, «préqualifiés», si vous voulez.
Lorsqu'il y a une vacance, ou lorsqu'il y a un poste à combler et pour lequel nous avons un candidat qualifié, le candidat est désigné et affecté à ce poste. Voilà pour le premier programme.
Le deuxième programme vise un objectif différent. Il a pour but d'accélérer le perfectionnement des cadres supérieurs jusqu'au niveau de sous-ministre adjoint. Cette initiative doit nous aider à faire face à la pénurie de personnel qui pourrait s'ensuivre si tous les cadres qui pouvaient prendre leur retraite le faisait. Ce programme porte le nom de Programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs. C'est nous qui l'administrons. Les cadres qui réussissent à franchir toutes les étapes du processus de sélection très rigoureux sont affectés à un poste. Si j'étais un EX-1, par exemple, inscrit au programme, j'aurais en trois ans acquis suffisamment d'expérience dans divers domaines pour occuper un poste de EX-3, qui vient juste avant celui de sous-ministre adjoint.
Nous venons tout juste de lancer ces deux programmes. Un premier programme accéléré vient de prendre fin, et nous sommes sur le point d'en lancer un deuxième. Dans le cas du programme de pré-qualification, nous venons de terminer la deuxième campagne de sélection, mais les résultats ne sont pas encore tout à fait prêts. Ce sont les deux programmes que nous avons mis sur pied. Il est vrai aussi que les sous-ministres peuvent très bien dire: «J'ai un poste à combler. Je veux pouvoir l'offrir aux employés de mon ministère qui possèdent les compétences voulues pour l'occuper.» Je présume qu'il y aura plus de stratégies, au sein des ministères et entre ministères, en vue de fournir aux employés l'expérience dont ils ont besoin pour occuper des postes à ce niveau.
Le sénateur Forest: Le chiffre de 55 000 est très élevé. Est-ce que les autres niveaux ont été aussi touchés par les compressions que les échelons supérieurs? Je trouve cela inquiétant. Nous avons vécu ce genre de situation au CN quand la compagnie a été privatisée. Les effectifs ont été réduits du tiers. Certains niveaux ont été plus touchés que d'autres. Je me demande si vous avez cerné les niveaux qui feraient l'objet d'importantes réductions et qui nécessiteraient une attention spéciale.
Mme Hubbard: Pour connaître le nombre et le pourcentage d'employés touchés par les compressions, il faudrait vous adresser au Conseil du Trésor. Je présume que ces compressions visaient le même objectif que celles que vous avez connues au CN. Autrement dit, qu'elles seront les nouvelles tâches qui devront être accomplies, comment allons-nous redéfinir ces tâches, et qu'est ce que cela signifie en termes d'effectifs?
Est-ce que ces réductions ont eu un impact démesuré? Vu sous cet angle, on dirait sans doute qu'elles ont eu un impact inégal. Selon toute vraisemblance, c'est surtout la nature du travail qui a été touchée.
A-t-on besoin d'un programme de perfectionnement accéléré pour les cadres supérieurs? La réponse est oui. Certains programmes sont déjà en place. Lorsque nous avons analysé la situation, nous avons constaté qu'il n'y avait aucun programme au niveau de la direction. Pendant 25 ans ou plus, il y a eu le programme d'affectations de carrière qui visait à accélérer la formation des cadres intermédiaires. Le programme de stagiaires en gestion, lui, permet de recruter certains des meilleurs étudiants universitaires et de leur donner une formation rapide pour accéder au niveau de cadre intermédiaire. Est-ce que ces mesures suffisent? Probablement pas. Voilà une autre question qu'examine La Relève.
Les scientifiques, par exemple, les spécialistes en communication ou même les agents du personnel ont tous des défis différents à relever. On met l'accent sur la nature de ces défis, sur les mesures à prendre pour les relever, et on décide s'il y a lieu de mettre sur pied un programme au niveau de la direction, à l'intérieur d'un ministère ou d'une section d'un ministère.
Le sénateur Forest: Et qu'en est-il de la mobilité des travailleurs entre différents ministères? Souvent, cela nous permet de trouver des candidats pour certains postes. Le ministère n'est peut-être pas le même, mais les compétences requises, elles, le sont. Est-ce quelque chose qui se produit?
Mme Hubbard: M. Strong a indiqué qu'il s'agissait là d'un défi. Je suis d'accord avec lui, en partie. Il n'y a pas autant de mobilité chez les travailleurs qu'il pourrait, en fait, y avoir. Comme l'a indiqué M. Fleury il y a quelques instants, on remarque une certaine mobilité, quoique informelle. Il y a de nombreux employés qui vont occuper un poste pour quelque mois, ou pour un an, dans le cadre d'un déploiement, qui est une mutation latérale.
Nous savons que la mobilité géographique est limitée. Nous savons qu'elle est limitée pour l'ensemble de la population active. De concert avec d'autres organismes centraux et ministères, nous essayons de trouver des moyens de permettre aux employés de rester à l'intérieur de la même zone géographique, tout en favorisant les déplacements entre ministères. Des projets sont en cours entre ministères fédéraux dans les provinces comme le Manitoba et la Saskatchewan. Nous discutons également avec les provinces parce que, dans une certaine mesure, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes.
Le sénateur Bryden: Au cours de la période de restructuration et de compression des effectifs, combien de postes la CFP a-t-elle perdus? Combien de personnes travaillent à l'heure actuelle pour la Commission?
Mme Hubbard: La Commission de la fonction publique compte actuellement un peu plus de 1 200 employés. Je ne sais pas exactement combien d'employés étaient en poste avant l'Examen des programmes, mais je pense qu'ils étaient environ 1 900 en 1994-1995, et 2 100 en 1993-1994. Les effectifs ont diminué progressivement.
Le président: Certains intervenants, ainsi que les médias, ont laissé entendre que les jeunes ne se sentent pas attirés par la fonction publique. Le nombre d'employés pouvant prendre leur retraite atteindra très bientôt des proportions alarmantes -- jusqu'à 50 p. 100, si je ne m'abuse, d'ici l'an 2012. J'aimerais avoir votre avis sur chacun de ces points.
Mon dernier commentaire est plus subjectif. Je sais que vous défendez les intérêts de la Commission de la fonction publique, et je tiens cela pour acquis, mais comment évaluez-vous le moral des employés? C'est une question qui préoccupe beaucoup le comité. Suivant le groupe qui comparaît devant nous, nous entendons dire que le moral est soit très bas, soit raisonnable.
Mme Hubbard: Pour ce qui est de la première question, je peux confirmer ce que d'autres ont dit. D'après les données que j'ai en main, 22 p. 100 des fonctionnaires étaient âgés de moins de 35 ans en 1994. En 1997, ce chiffre était tombé à 15 p. 100. En 1994, 29 p. 100 des fonctionnaires avaient entre 45 et 54 ans. En 1997, ce chiffre était de 36 p. 100.
Ces données, en fait, n'ont rien d'étonnant. La fonction publique a connu une très forte expansion à la fin des années 60 et au cours des années 70. Elle a ensuite connu une période relativement stable avant de faire l'objet de compressions. En tout cas, nous savons une chose: nous vieillissons d'année en année.
Nous ne recrutons plus comme nous le faisions dans le passé. Je ne veux pas dire par cela que nous ne recrutons plus personne, mais si nous comparons les niveaux de recrutement à ceux qui ont été enregistrés à l'époque où la fonction publique connaissait un grand essor, nous constatons que le recrutement n'est plus ce qu'il était. Est-ce que nous vieillissons tous? Oui. Est-ce que le profil démographique de la fonction publique constitue une source d'inquiétude? Oui.
Que devrions-nous faire? Nous devons nous occuper des deux extrêmes, si vous voulez. D'abord, il n'y a pas suffisamment de jeunes qui entrent dans la fonction publique. Il est vrai que, au cours des dernières années, les employés sur le point de prendre leur retraite ou en mesure de prendre une retraite même partielle ont dit que le temps était venu de partir.
C'est une question à laquelle le gouvernement devra également s'attaquer. Avons-nous un problème démographique? Oui. Si vous voulez savoir combien de cadres supérieurs pourraient prendre leur retraite, sans pénalité, dans les dix années à venir, la proportion, en 1992, était de 51 p. 100. En 1997, elle était supérieure à 70 p. 100. Cela ne veut pas dire qu'ils vont prendre leur retraite, mais ils pourraient le faire.
Si vous jetez un coup d'oeil sur l'âge des groupes qui sont au-dessous des cadres supérieurs, ils sont plus jeunes. Pas beaucoup plus jeunes, mais ils sont plus jeunes.
Pour ce qui est du moral des employés, je pourrais répondre de deux façons. Les réductions d'effectifs et les réorganisations ne sont jamais faciles. Il y a eu un contrôle salarial pendant six ans, un geste nécessaire, et une baisse de la légitimité des gouvernements de par le monde, y compris au Canada. Pour de nombreux fonctionnaires qui s'étaient engagés à servir l'intérêt public, ces mesures remettaient en question la façon dont le travail était effectué, et non les tâches elles-mêmes.
La réforme a été difficile, mais on voit la lumière au bout du tunnel. Le gel salarial a pris fin. La saine gestion et planification des ressources humaines sont maintenant considérées comme un objectif critique, non pas comme quelque chose de complémentaire. Les possibilités de changement et de renouveau sont énormes. Les gouvernements ont changé leur façon de faire les choses, et cela constitue à la fois un défi et une opportunité nouvelle.
La créativité est quelque chose qu'il faut nourrir. Lorsque j'étais fonctionnaire dans les années 60, on ne parlait pas trop de créativité. Dernièrement, il semble que le niveau de stress au sein de la fonction publique soit élevé, notamment parmi le personnel de direction, mais aussi à tous les niveaux, je crois. Les gens sont physiquement fatigués et commencent à avoir des symptômes physiques, ce qui est inquiétant; il ne sert à rien de faire preuve d'optimisme à ce sujet.
Je pense que le fait même de le reconnaître est un début. Le moral est-il bas? Il est plus élevé dans certains endroits que dans d'autres. Ceux qui connaissent bien le rôle qu'ils sont appelés à jouer, qui pensent avoir un certain contrôle sur ce qu'on leur demande de faire, semblent se sentir mieux que d'autres. Je crois que c'est quelque chose de très personnel. C'est un problème dont il faut s'inquiéter, mais je suis de nature optimiste. Je dirais que d'énormes défis se sont présentés, mais si je pense à mes années de fonctionnaire, je peux dire que le contexte n'a jamais été plus excitant, qu'il n'y a jamais eu autant de potentiel. Reste à décider si le verre est à moitié vide ou à moitié plein.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: J'aimerais vous poser une question en fonction de l'intégration des personnes handicapées à la fonction publique. Est-ce que vous avez des objectifs que vous pensez atteindre? Quelle est la place des handicapés dans la fonction publique?
Mme Hubbard: Les personnes handicapées sont un des groupes ciblés. Le pourcentage des personnes handicapées dans la fonction publique est de 3,2 p. 100.
Si on regarde la composition du marché du travail, c'est 4,8 p. 100. On a encore du travail à faire. Pendant des années, la fonction publique et le Conseil du Trésor ont créé des mesures pour aider ces personne à travailler. Du point de vue des outils pour aider les personnes handicapées à travailler dans un milieu, cela dépend de la nature du handicap, nous avons un programme que l'on gère avec une subvention des ministères qui veulent faire quelque chose ou prendre des arrangements qui coûtent peu d'argent pour que ces personne puissent travailler.
Le sénateur Lavoie-Roux: C'est encore très faible. Quel est votre objectif? Est-ce 5 ou 10 p. 100?
Mme Hubbard: On veut que la fonction publique représente la communauté de concert. On commence en faisant une comparaison raisonnable entre nos chiffres et la proportion du marché du travail. Cela dépend un peu du champ d'activités.
Dans les années d'Examen des programmes, on a perdu peut-être un peu plus de ces gens. On pense que ces personne sont un peu plus âgées que les autres. Une plus grande proportion de ces gens était éligible pour prendre une préretraite.
Le sénateur Lavoie-Roux: Une chose nous frappe sur la colline, c'est l'absence de personnes handicapées qui travaillent sur la colline, dans n'importe quel emploi.
Mme Hubbard: Le but est d'arriver au même niveau que le pourcentage qui existe sur le marché du travail.
Le sénateur Lavoie-Roux: Si on prend les 10 dernières années... Je pense que vous n'avez pas les chiffres ici et si vous les aviez, j'aimerais les consulter pour voir comment la situation a évolué.
Quelles sont vos exigences quant au bilinguisme?
Mme Hubbard: Le gouvernement a une politique sur le bilinguisme. Un gestionnaire décide si, pour un certain travail, on a besoin d'une personne bilingue et si le poste demande que la personne parle une ou deux langues. On peut peut-être combler le poste d'une façon non impérative, à savoir que l'on peut offrir le poste si la personne est prête à devenir bilingue.
Le sénateur Lavoie-Roux: En tant que responsable de la fonction publique, est-ce une de vos préoccupations? Une des choses qui me frappe, c'est le peu de bilinguisme d'un grand nombre de sous-ministres que l'on reçoit aux comités. Je voudrais savoir si c'est une de vos préoccupations. Je ne dis pas d'en faire une condition sine qua non, que si vous ne parlez pas les deux langues, vous n'êtes pas engagé.
Mais je sais que du côté des francophones, il y a une espèce de stimulant pour qu'ils apprennent l'anglais et ils ont accès à des cours en anglais. Est-ce que l'inverse est vrai?
Mme Hubbard: C'est une préoccupation de la fonction publique, du gouvernement et de la commission. Nous voulons encourager une fonction publique qui représente les personnes qu'elle sert. La langue que l'on parle est une des choses importantes.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Nous avons perdu près de 50 000 employés ces quatre ou cinq dernières années, soit 22 p. 100 de l'effectif, grosso modo. Cela s'applique-t-il également à la catégorie de la direction?
Mme Hubbard: Je n'ai pas les chiffres ici, mais je pourrais vous les transmettre.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais les avoir. Dans La Relève, vous examinez tout l'aspect de gestion des fonctionnaires de certaines collectivités fonctionnelles, lesquelles englobent les finances, les systèmes d'information ou l'élaboration des politiques. J'imagine que la rubrique «Finances» désigne l'administration, et non pas nécessairement les fonctionnaires du ministère des Finances.
Mme Hubbard: Nous voulons parler du service fonctionnel.
Le sénateur Bolduc: Il est question du groupe d'élaboration des politiques. Cela s'inscrit-il dans le cadre de votre programme La Relève? S'agit-il du niveau de la direction ou des spécialistes en sciences sociales, c'est-à-dire essentiellement les économistes qui travaillent dans le domaine de l'analyse et de l'élaboration des politiques?
Mme Hubbard: Il s'agit de spécialistes de l'analyse des politiques, d'économistes, et aussi de ceux qui assurent le leadership pour le cadre de direction de ces services fonctionnels.
Le sénateur Bolduc: Il ne s'agit pas nécessairement de hauts fonctionnaires?
Mme Hubbard: Il s'agit de toute la collectivité fonctionnelle, du plus haut niveau jusqu'au plus bas.
Le sénateur Bolduc: En même temps, cela peut causer des malentendus, car cela s'applique au programme La Relève. Nous avons ici le «Cinquième rapport annuel au premier ministre sur la fonction publique du Canada», préparé par Jocelyne Bourgon, greffière du Conseil privé et secrétaire du Cabinet. À la page 8 de ce rapport, on peut lire qu'il faut renforcer la capacité d'élaboration des politiques. L'auteur indique qu'un groupe en a analysé les aspects économiques et sociaux en 1995. Cette même année, un comité s'est penché sur les politiques, probablement pour examiner les questions auxquelles est confronté le Canada à l'aube de l'an 2000. Vous soulignez qu'il y aura quelque chose sur la croissance économique, sur le développement humain, sur la cohésion sociale et sur la mondialisation. Je le comprends très bien.
En 1997, un groupe de 300 fonctionnaires a examiné les orientations stratégiques. En novembre de cette même année, des représentants de 40 agences de recherche du secteur privé se sont réunis pour créer un réseau d'information à l'intention des chercheurs. Vous êtes en relation avec l'OCDE ainsi qu'avec des groupes de spécialistes dans le monde entier. En dehors de cette organisation -- plutôt bureaucratique -- créez-vous systématiquement des liens avec des chercheurs particuliers dans diverses universités?
Si j'en parle, c'est parce que le comité des affaires étrangères se spécialise en commerce international et que nous avons accès à 10 ou 15 économistes -- la moitié venant des États-Unis, l'autre moitié du Canada -- qui comparaissent régulièrement devant notre comité. Établissez-vous un lien entre ce que vous faites et les chercheurs, en dehors du réseau institutionnel?
Mme Hubbard: C'est une question que vous pourriez peut-être poser à la greffière lorsqu'elle comparaîtra. Si je comprends bien, elle doit comparaître tout de suite après moi.
Le sénateur Bolduc: Je ne savais pas qu'elle était ici aujourd'hui.
Le sénateur Eyton: Je comprends la raison politique de l'indépendance de la CFP. Par contre, cela pourrait être un handicap, à certains égards. Je parle ici du point de vue du secteur privé.
Si je dirigeais une entreprise, y compris un ministère, je souhaiterais m'occuper seul de l'embauche, de la promotion et des normes de mes employés. Il me semblerait difficile d'avoir à m'adresser à un organisme de l'extérieur. Ce serait particulièrement difficile pour moi de m'adresser à un grand organisme qui vérifierait ce qui, à mon avis, représente un travail assez courant -- ou même, s'en mêlerait.
D'après mon expérience, les employés sont heureux et ont un bon rendement, tout d'abord en raison du défi de leur travail et de la satisfaction qu'ils en retirent et, deuxièmement, en raison de la récompense -- la rémunération -- à la clé. Plus important, ils craignent également l'échec et ses conséquences. Avec l'intervention de la CFP et le manque d'indépendance qui en découle, cette crainte de l'échec semble en quelque sorte disparaître. Le processus de protection du classement hiérarchique dépasse également le cadre de mes compétences.
Cela nous ramène aux observations faites plus tôt par le sénateur Bryden au sujet du processus et de la façon dont vous intervenez dans ces décisions d'embauche, de promotion et de rémunération. Peut-être que je ne comprends pas très bien le processus, mais il semble que la CFP présente un inconvénient. Qu'en pensez-vous?
Mme Hubbard: Depuis de nombreuses décennies, le Canada dispose d'une entité indépendante qui relève du Parlement et qui a sauvegardé certaines valeurs fondamentales de la fonction publique. Le Canada s'attend à avoir une fonction publique à la fois autonome et subordonnée. Elle est subordonnée à la volonté des élus. Les élus disent ce qu'ils veulent réaliser et demandent à la fonction publique de les aider à le réaliser.
Pour ce qui est de l'autonomie, il s'agit de donner des conseils sans crainte ni favoritisme. C'est important. Vaut-il la peine de préserver cet état de choses? Y a-t-il un prix à payer en matière d'efficience? Oui. Est-ce un prix que le pays, dans sa sagesse, trouve qu'il vaut la peine de payer? Oui.
C'est le travail que nous sommes appelés à faire, en vertu de la loi actuelle. Le défi consiste à le faire d'une façon qui amoindrisse le moins possible le sens des responsabilités en matière de gestion des ressources humaines. Le fait de disposer de tous les mécanismes nécessaires à une bonne gestion du personnel accroît le sens des responsabilités. Lorsque nous parlons de la réforme de nos systèmes, de leur simplification, nous nous efforçons en fait d'accroître ce sens des responsabilités, tout en étant en mesure de servir.
Lorsque j'étais cadre hiérarchique, je trouvais à l'occasion utile de pouvoir dire à quelqu'un: «J'aimerais bien faire ce que vous me demandez de faire, mais l'organisation ne me le permettra pas.» C'est une question importante.
Le sénateur Eyton: Cela supprime, d'une certaine façon, la relation directe employeur-employé ou gestionnaire-employé.
Mme Hubbard: Cela permet à l'employeur de dire: «J'ai besoin que ce travail soit fait, et vous ne le faites pas bien.» Cela ne change pas. Ce qui change, c'est que l'employeur ne peut pas dire: «Vous ne faites pas votre travail correctement. Vous êtes renvoyé.»
Le sénateur Eyton: C'est la crainte l'échec dont je parlais plus tôt.
Mme Hubbard: On juge une société par ce que l'on aimerait y voir préservé; ces compromis sont toujours des compromis.
Le sénateur Bolduc: En tant qu'ancien fonctionnaire, je me dois de dire également que le processus de prise de décisions n'est pas exactement le même. Les gestionnaires du privé ont plus d'autonomie -- en ce qui a trait aux questions d'emploi -- que les très hauts fonctionnaires, lesquels sont parfois en conflit avec leur ministre.
Le président: Merci beaucoup d'avoir participé à notre séance.
Bienvenue, madame Bourgon; je vous cède la parole.
Mme Jocelyne Bourgon, greffière du Conseil privé et secrétaire du Cabinet: Merci de l'intérêt que vous avez manifesté pour La Relève au cours de vos délibérations.
Je vais vous piloter à travers trois de mes rapports afin de situer La Relève dans son contexte qui se rapporte à plusieurs des questions que vous avez posées.
Tout d'abord, examinons le rapport que j'ai présenté au Parlement au milieu de l'Examen des programmes en 1994-1995. Ce rapport vise à éveiller l'attention de tous les parlementaires par l'entremise du premier ministre sur l'état de la fonction publique et sur les défis auxquels nous sommes confrontés.
Dans le rapport de 1994-1995, j'ai éveillé l'attention du premier ministre et des parlementaires sur le fait que les changements importants que nous apportions -- les compressions d'envergure -- ne pourraient pas se faire sans douleur, souffrance et conséquences. Aucun organisme, qu'il soit privé ou public, ne peut repenser son rôle, modifier son secteur d'activité, s'adapter pour devenir rentable et gérer des compressions de l'ordre de 45 000 à 50 000 personnes, sans occasionner dans ses rangs douleur, tension, stress et autres perturbations.
Dans ce rapport, j'ai éveillé l'attention de tout le monde sur le fait qu'il ne fallait pas s'imaginer que cela pouvait se faire sans conséquences. Les compressions doivent se faire avec beaucoup de soin, humainement et en accordant beaucoup d'attention aux gens. C'est un processus douloureux pour ceux qui partent, mais aussi pour ceux qui restent. Aucun fonctionnaire touché par les compressions de l'organisme n'a échappé à leur impact, que ce soit parce que des collègues et des amis ont été visés, parce que plusieurs décisions difficiles ont dû être prises ou parce que la charge de travail a augmenté du jour au lendemain.
Décider, d'une part, des services que vous n'allez pas rendre et, d'autre part, restructurer un système afin d'offrir des services adaptés à la réalité nouvelle sont des processus entièrement différents. La période de transition est difficile. Ceux qui continuent de servir l'intérêt collectif, le gouvernement et les Canadiens doivent affronter une réalité très difficile. Vous vous en êtes aperçus dans certains rapports qui ont fait l'objet de discussions, dont le rapport sur la santé de l'institution, et cetera. Nous ne devrions donc pas être surpris de voir qu'un sondage effectué en 1997 a révélé ce que j'avais signalé dès 1995. Cela ne devrait pas être surprenant.
En 1994-1995, je disais donc que ce travail était réalisable, mais qu'il faudrait le gérer de façon humaine et avec beaucoup de soin.
À l'époque, j'avais déjà signalé les questions auxquelles il fallait prêter attention, comme la réalité démographique, le sentiment de fierté et l'érosion de la fierté. J'éveillais l'attention des parlementaires sur le fait que nous avons un rôle à jouer pour continuer d'avoir l'une des meilleures fonctions publiques au monde -- une fonction publique professionnelle, impartiale -- et pour conserver la résilience et la capacité de servir les générations futures. C'était le troisième rapport.
Attardons-nous un instant sur le quatrième rapport dont un chapitre est intitulé: «La Relève». J'ai voulu éveiller l'attention du premier ministre, du gouvernement du Canada et des parlementaires sur la crise silencieuse au sein de la fonction publique. Cette crise s'explique par de nombreux facteurs. J'ai parlé de la portée et de l'étendue du renouveau de notre rôle, et cetera, mais en même temps, j'ai énuméré six facteurs. Le premier, c'est le temps qu'il a fallu pour repenser notre rôle, la durée prolongée des compressions. J'ai également fait mention d'autres facteurs qui n'étaient pas uniques à la fonction publique.
J'ai fait mention de l'impact sur le sentiment de fierté ainsi que les critiques incessantes dont font l'objet ceux qui ont décidé de faire carrière dans la fonction publique pour servir l'intérêt du pays. Nous devons être très prudents, veiller à ne pas éroder la volonté de servir chez ceux pour lesquels une carrière au sein de la fonction publique est respectable, mérite d'être traitée avec dignité et devrait susciter le respect. C'est quelque chose de très précieux et nous avons tous eu un rôle à jouer pour en assurer la pérennité.
Le troisième facteur de la crise silencieuse était que nous perdions certains de nos éléments les plus chevronnés. Cela n'avait rien d'étonnant, mais c'était tout de même un fait. Par conséquent, nous étions en train de perdre un bassin de connaissances et de compétences que nous pouvions tous chercher à remplacer. Cependant, il faudrait du temps et des efforts pour le faire.
Dans le quatrième rapport, j'ai mentionné la question de la rémunération dont vous avez parlé avec l'autre témoin.
Dans le cinquième rapport, j'ai signalé un phénomène de plus en plus courant. L'équipe de gestion a vu l'entreprise privée faire beaucoup de maraudage en vue de recruter nos meilleurs éléments. Je puis le comprendre, car ils sont vraiment bons; ils possèdent un bagage de connaissances et d'expérience qui a beaucoup de valeur dans l'entreprise privée. N'oubliez pas que ce rapport vise la période 1996-1997, pendant laquelle l'entreprise privée était prospère au Canada et que se poursuivait l'exercice de réduction des effectifs. Par conséquent, l'entreprise privée faisait beaucoup de recrutement au sein de la fonction publique.
Le deuxième rapport disait essentiellement que nous nous attaquions à une tâche herculéenne aux proportions historiques et que nous le faisions humainement. Le rapport disait aussi que ce n'était pas sans conséquences et que d'autres forces en jeu influeraient sur notre capacité d'offrir au Canada et aux Canadiens une institution performante.
Dans le dernier rapport, nous voyons la fin des lourdes conséquences qu'a eues la réduction des effectifs.
[Français]
La majorité de nos ministères sont dans la dernière année de cet effort. Le ministre des Finances a informé tout le monde qu'on a maintenant un budget équilibré. C'est un changement phénoménal. On est passé d'un déficit de 9 p. 100 du produit intérieur brut à un budget équilibré. C'est majeur. C'est une proportion historique. On va voir la lumière au bout du tunnel. Il y a de l'espoir pour les gens qui ont traversé cette période et qui l'ont bien gérée.
Maintenant, il faut s'attaquer à préparer l'avenir dans un environnement global, dans une société axée sur le savoir. Une économie qui dépend de plus en plus des connaissances et de l'acquisition permanente de connaissances requiert qu'on prépare la fonction publique pour ces défis.
J'ai proposé trois grands défis: établir une institution qui opère sans frontière, devenir une organisation axée sur le savoir et l'acquisition permanente du savoir et devenir une organisation qui va porter une attention très particulière au développement de son leadership à tous les niveaux.
Je ne veux pas associer le mot leadership strictement aux catégories exécutives et de gestion. Je veux utiliser le mot leadership au sens le plus large, c'est-à-dire ceux qui sont capables de déplacer les frontières. Cela s'applique à toutes les catégories d'emploi, à tous les niveaux et dans tous les ministères. Ces trois défis seront la base d'une institution capable de bâtir et de bien servir les Canadiens et les Canadiennes à l'avenir.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Pour ce qui est du premier aspect de ma question, je parlais des rapports entre ceux qui énoncent la politique au sein du gouvernement, dans la fonction publique, et les chercheurs individuels des universités de même que, peut-être, les rapports avec les partis, parce que l'énoncé de la politique est aussi un jeu de politiciens. Je sais que les politiques n'ont parfois pas l'esprit très clair et qu'ils ne sont pas toujours capables de définir tous les aspects techniques de l'énoncé de politique. Cependant, les partis politiques doivent aussi faire cet exercice. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que j'ai dit tout à l'heure et de ce que je viens d'ajouter.
Mme Bourgon: Chaque ministère du gouvernement du Canada a une direction générale des politiques. Son appellation peut varier, mais chacune représente un groupe d'hommes et de femmes dont la tâche principale consiste à faire de la recherche, de l'analyse et de l'élaboration en matière d'orientations.
Dans un monde où une partie de plus en plus grande du travail d'élaboration de politiques prend un caractère transversal, comment servirons-nous nos maîtres politiques? La réponse n'est pas évidente. En vue de renforcer notre capacité dans ce domaine et de constituer une équipe solide dans toute l'administration fédérale, nous avons essayé de regrouper tous les services d'élaboration de politique des 30 ministères et organismes. Nous les avons regroupés en réseau et nous leur avons dit que nous comptions sur eux pour se doter d'un plan de travail. Nous leur avons demandé d'échanger entre eux et de recenser ce qui existe en la matière au sein du gouvernement du Canada. À quoi travaille le chercheur en matière de politique actuellement? Qu'est-ce qui l'occupera dans une année ou deux? Le groupe l'a fait. Nous avons été étonnés de la riche mine d'information. Nous avons redécouvert la richesse du travail effectué en matière de politique.
À partir de là, nous avons demandé que soient repérées les lacunes. Nous voulions repérer d'éventuels enjeux pour lesquels il faudrait se préparer. Ensuite, nous sommes passés aux suggestions de nouveaux projets souhaitables et nous en avons approuvé et financé quelques-uns.
Faire ce genre de travail à l'interne est une chose; le comparer à celui de groupes externes en est une autre. Nous avons réuni tout le monde. Trois cents analystes ont débattu pour savoir si nous allions dans la bonne direction, et nous leur avons demandé ce qu'il fallait inclure de plus dans le rapport. Pour débattre des résultats de leur travail, ils ont traité avec plusieurs groupes d'élaboration de politiques et laboratoires de réflexion du pays.
Le fruit de ce travail est maintenant à la portée de quiconque s'y intéresse. Nous n'essayons pas de le garder pour nous; la politique relève du domaine des idées. Il faut les partager et en débattre à grande échelle. Nous fournirons avec plaisir à quiconque en fait la demande un exemplaire du rapport et, si cela s'avérait utile, nous accepterions volontiers de vous présenter un mémoire à ce sujet.
C'est ainsi que nous avons pu établir un réseau de leaders de divers domaines. Il existe désormais des liens avec les leaders du domaine de l'élaboration de la politique dans chaque ministère, parce que c'est là que s'effectue le travail d'élaboration. Ce n'est pas parce que nous avons opté pour une méthode unifiée que nous voulons saper le travail effectué dans chaque ministère. Chacun d'entre eux travaille en étroite collaboration avec plusieurs universités et chefs de file de leur domaine particulier.
Plus que tout, quand on passe à une méthode unifiée, le fait que le travail soit examiné par à peu près tous ceux qui s'y intéressent au Canada signifie qu'un chercheur principal dans un domaine peut échanger des idées.
J'ai parlé des leaders et des parlementaires. Je crois avoir répondu à ce que vous m'avez demandé au sujet des divers niveaux auxquels s'effectue le travail.
Le sénateur Bolduc: Industrie Canada a un groupe qui fait de l'analyse microéconomique, et je reçois parfois différents documents. Il tient de nombreux colloques et il fait venir des gens des quatre coins du monde pour analyser les formes de croissance économique et leurs causes. C'est fort intéressant.
Je me demande s'il est possible de recevoir ce genre de textes des divers ministères ou s'il faut pour cela remplir divers formulaires. Je sais que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a un groupe qui fait circuler beaucoup de documents dans ce milieu. Cependant, nous ne voyons pas de documents produits par les autres ministères. Je soupçonne que le ministère des Finances serait un peu plus discret, en raison des politiques élaborées en matière de gestion et de budgets. Comment s'y prennent les autres ministères? Produisent-ils des rapports du genre ou ces rapports sont-ils destinés uniquement à une consommation interne?
[Français]
Mme Bourgon: Chaque ministère est différent. Quand j'étais au ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources naturelles, des documents de nature scientifique -- c'est la nature du ministère -- étaient distribués non seulement à l'industrie mais aussi au domaine axé sur la recherche.
Est-ce que cela allait au milieu financier? Je suis prête à parier que non. Est-ce que cela allait au milieu parlementaire? Peut-être à un petit groupe de gens qui au fil des années avait manifesté un intérêt. Etait-ce automatiquement distribué à tout le monde? Non, chaque ministère a une approche pour la diffusion de l'information ciblée sur sa situation, sa clientèle et la nature de son travail.
Un des avantages du travail regroupé est que cela permet à plus de gens d'indiquer leur intérêt dans les questions suivantes et de mettre leur nom sur une liste. Cela permet au ministère de réagir en conséquence.
Je peux préparer un relevé du genre de documents préparés par le Policy Research Commitee.
[Traduction]
Cela vous permettra de vous faire une idée, de voir si cela est intéressant et si c'est facile à comprendre. Nous reviendrons avec plaisir en discuter avec vous à nouveau.
Le président: Cela nous serait très utile.
Le sénateur Bryden: J'ai lu certains de ces rapports. J'aimerais vous féliciter de l'initiative que représente cette approche. Vous visez un objectif bien défini tout en sachant qu'il faudra du temps pour l'atteindre.
La définition de «leader efficace», à la page 24 de votre dernier rapport, est l'une des meilleures que j'aie jamais vues. J'y souscris entièrement. Il est rare qu'on fasse appel au leadership de tous les membres d'un organisme, plutôt que de ses seuls chefs. Voilà qui est extrêmement intéressant.
Dans votre programme, vous parlez de la mobilité de la haute direction. Pour avoir un fort niveau de mobilité, il faut déplacer les cadres supérieurs à l'occasion. Découvrez-vous, comme cela se produit souvent dans l'entreprise privée, que le passage d'une discipline à une autre empêche d'acquérir de véritables compétences de gestion dans une discipline particulière? Comment arrivez-vous à un juste équilibre?
Mme Bourgon: C'est un élément central. En gestion, il faut éviter de dire qu'il n'y a qu'une seule façon de bien faire. Ce qu'il nous faut, ce sont différentes façons de faire les choses. Il faut éviter de nous limiter dans nos choix. Avons-nous besoin de généralistes, ce qui signifie que tous devraient en être, ou de spécialistes, donc que chacun est un expert? En toute honnêteté, nous avons besoin des deux.
Je suis une gestionnaire. Je suis une spécialiste de la géologie du Canada. J'aime ma carrière. J'ai passé de nombreuses années de ma vie ici, et le domaine me plaît. Je souhaite continuer à y contribuer. Néanmoins, j'aimerais diversifier mon expérience. Cela ne signifie pas que je souhaite me recycler en politique sociale ou devenir une experte du droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones. Je souhaite peut-être en savoir davantage sur la masse continentale, sur le changement climatique et sur les fonds marins, parce que tout cela a un rapport avec mon domaine de spécialité.
Pour moi, la mobilité fait partie d'une carrière enrichissante, que l'on ait décidé de se spécialiser ou que l'on aspire à la généralisation. Il existe un besoin de diversité et de mobilité qu'il faut appuyer et encourager dans toute la fonction publique, de manière à aider les gens à faire leurs choix. Si nous prenons le soin d'appuyer les fonctionnaires dans leurs choix, plutôt que de les leur dicter, nous éviterons certains écueils auxquels vous faisiez allusion, soit l'érosion des compétences et des connaissances dans un domaine spécialisé.
Le sénateur Bryden: Dans l'entreprise privée, l'intérêt principal est de savoir comment servir au mieux les actionnaires. Vous, vous semblez dire qu'il faut tenir compte avant tout de ce qui correspond au meilleur intérêt soit de la direction soit des employés. Cela correspond-il toujours au meilleur intérêt du public pour lesquels ils travaillent?
Mme Bourgon: La Relève concerne ce qui est dans le meilleur intérêt de la personne. Si c'est ce que vous compris, il faut que je réécrive le tout, parce que cela voudrait dire que nous n'avons pas envoyé le bon message.
Ce que nous voulons faire savoir, c'est que nous sommes profondément convaincus de l'importance de la démocratie publique comme institution, une institution appuyée par le secteur public. Il faut que ces institutions du secteur public soient modernes et à la hauteur. Pour y parvenir, il nous faut bien des choses. Ce qu'il ne faut pas, par contre, c'est une institution qui permet à certains de faire avancer leur carrière. Nous avons besoin d'une institution qui est capable d'agir dans l'intérêt collectif et de servir ceux que les Canadiens se choisissent comme élus.
Qui devrait diriger un ministère? Ceux qui ont une notion de ce qu'est la tradition parlementaire. Ceux qui connaissent le pays. Ceux qui ont une expérience de l'énoncé de politiques, sinon comment allez-vous appuyer le gouvernement du jour? Ceux qui se sont engagés à servir les Canadiens. Ceux qui comprennent ce que c'est que d'agir dans l'intérêt collectif, dont les actes reposent sur les valeurs et les principes qui y sont liés. La Relève n'a rien à voir avec la carrière du gestionnaire. Elle consiste à préparer l'institution à tenir ce rôle.
Je réexaminerai donc la documentation, parce que ce n'est pas le message que vous devriez avoir reçu, monsieur.
Le sénateur Bryden: Durant une grande partie de la restructuration qui s'est produite dans l'entreprise privée au cours des dernières années et durant l'examen de ses programmes, le mot à la mode était le service à la clientèle.
En plus de tout ce que vous avez dit, ce à quoi je souscris, la fonction publique du Canada est aussi un moyen de fournir des services. L'agent des pêches qui se trouve sur le quai de Murray Corner représente la fonction publique du gouvernement du Canada auprès du client. On entend dire qu'on insiste beaucoup dans les forces armées pour former les militaires en vue de les rendre plus sensibles à la clientèle. A-t-on envisagé la possibilité d'offrir ce genre de formation ou de perfectionnement dans la fonction publique? Ceux qui rencontrent le public ont souvent à annoncer des décisions qui ne sont pas forcément de bonnes nouvelles.
Je viens de la région atlantique. Tous ne sont pas des pêcheurs là-bas, mais on n'est jamais très loin de l'océan ou de ceux qui en vivent. Au cours des dix dernières années, les rapports entre les prestataires des services et ceux qui font la prestation se sont beaucoup détériorés. Je ne m'en sers que comme d'un exemple. Je suis sûr qu'il y en a d'autres. On se croirait presque sur un champ de bataille, coincés entre le camp du nous et le camp du vous, entre celui des pêcheurs et celui des bureaucrates. Une partie de La Relève atteindra-t-elle le client et les moyens de prestation?
Mme Bourgon: C'est à mon tour de souscrire de tout coeur à ce que vous dites.
Nous avons essayé d'expliquer à chacun de nos employés que les fonctionnaires ne sont pas au service d'un client ou d'un consommateur. Le consommateur est libre d'acheter du fournisseur de son choix, au sein d'une économie de marché. Nous sommes au service des citoyens, ce qui est d'un ordre plus élevé. Les fonctionnaires représentent chaque jour le gouvernement du Canada.
Les fonctionnaires ont leurs propres raisons -- les valeurs du secteur public -- de vouloir offrir un service de qualité et réaliser des gains d'efficacité. Ces raisons, toutefois, sont différentes de celles d'un employé du secteur privé qui cherche à assurer un rendement à l'actionnaire.
Nous tenons à offrir un service de qualité en raison du respect dû aux concitoyens. Nous visons l'efficacité parce que, chaque fois que nous dépensons un dollar de trop, c'est un dollar de service en moins pour un autre. Il est essentiel que tous nos employés comprennent la différence entre être au service du concitoyen et servir un consommateur. Nous essayons de le leur enseigner, de les former et d'expliquer. J'espère que nous faisons tous des progrès à cet égard.
Cela signifie-t-il qu'il faut forcément faire de la formation pour que les fonctionnaires soient sensibles aux besoins de la clientèle? Chaque ministère a une approche différente. Certains ont de l'avance sur les autres et offrent des cours relatifs à la qualité du service depuis des années. D'autres projettent d'en offrir, et d'autres encore commencent tout juste à les offrir. C'est assez inégal. Chaque ministère n'évolue pas au même rythme ou de la même façon. La sensibilisation à ces questions atteint-elle tous les niveaux? En tout cas, je l'espère.
Le sénateur Lavoie-Roux: Ces témoins sont fort intéressants, mais je dois m'absenter parce qu'on tient une petite réception pour de nombreux collègues qui quittent le Sénat. Veuillez m'excuser. Je vous assure que ce n'est pas par manque d'intérêt que je pars.
Le sénateur Forest: Moi aussi, je tiens à vous féliciter de la vision du programme La Relève. C'est très important. Vous avez anticipé les problèmes que poserait la réduction des effectifs.
Vous avez parlé de ceux qui sont partis. Ils ont eu droit à un traitement équitable. Vous avez aussi parlé de ceux qui sont restés et du problème de moral. À un certain stade, la réduction des effectifs peut devenir contre-productive, en ce sens que ceux qui restent sont surchargés de travail, sans compter qu'ils se sentent coupables de n'avoir pas été touchés par les compressions.
Vous avez parlé de vos programmes de recrutement. J'aimerais que vous nous donniez plus de détail sur ce que vous faites pour mousser le moral des troupes. Comment pouvez-vous leur donner une vision globale quand ils sont surchargés de détails? C'est très important.
Mme Bourgon: Il est juste de supposer que le moral a déjà commencé à s'améliorer au sein de la fonction publique. J'ai déjà fait allusion au sondage de 1997. Je serai curieuse de voir les résultats d'une étude analogue, dans deux ans. Le fait que la réduction des effectifs soit terminée injecte déjà une certaine stabilité. Ce n'est pas la fin du changement pour autant. Les fonctionnaires ne sont pas naïfs. Nous savons que le changement est permanent, qu'il sera là pour le reste de notre vie. C'est cependant la fin de l'effort massif en vue de renouveler la fonction publique et d'en réduire les effectifs. Le fait de voir la lumière au bout du tunnel et de savoir que tout s'est fait humainement et avec dignité contribue déjà à remonter le moral.
J'aimerais vous encourager à voir ce que vous pouvez vous-même faire. Il faut que nous trouvions un moyen de redorer l'image de la fonction publique. Servir la population canadienne est effectivement une noble carrière. C'est une noble carrière de solliciter un mandat pour la servir. C'est une noble carrière de s'engager à contribuer au bien collectif. Il faut en parler. Il faut redonner de la valeur à la fonction publique. Nous pouvons tous aider. Vous n'imaginez pas la force et l'importance du signal que vous envoyez à de jeunes cadres de la fonction publique quand vous en parlez. Il est étonnant de voir à quel point les discours de parlementaires au sujet de l'importance de la fonction publique circulent sur Internet. Chaque signal que vous, en tant que parlementaires, envoyez au sujet de l'importance du secteur public au sein de la société y contribue.
Nous avons aussi un rôle à jouer à l'interne. Pour des raisons qui m'échappent, certains de nos programmes les plus fondamentaux visant à reconnaître les réalisations, l'excellence et ainsi de suite ont été abolis. Le premier ministre a rétabli le Prix pour services insignes, et le Gouverneur général est en train d'en rétablir d'autres, tout comme le Conseil du Trésor d'ailleurs. Je le ferai moi aussi. Chaque ministère essaie de ressusciter un sentiment de fierté au sein de la fonction publique. Cela y contribuera énormément.
Le fait que la rémunération ait été bloquée pendant six ou sept ans n'a pas aidé à remonter le moral. Par contre, le dégel des salaires est une bonne nouvelle. Le fait que sept conventions collectives aient été signées est aussi une bonne nouvelle, et on espère qu'il y en aura d'autres bientôt. Tous ces facteurs contribuent à remonter le moral au sein d'une institution qui a traversé un très grand bouleversement. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous pouvons tous avoir une influence. Nous pouvons tous contribuer, et cette contribution a de l'importance.
Le sénateur Forest: Effectivement. Je vous remercie de cet encouragement. Cela me préoccupait quand j'étais dans le secteur privé, mais aussi dans le secteur public.
[Français]
Le sénateur Bolduc: On a déjà eu l'occasion de poser ces questions. Je voudrais que vous sachiez que lorsque M. Strong est venu ici, on a discuté avec lui de différents aspects de cette question. J'ai émis alors l'avis qu'à ce comité, on était en relation avec les gens du ministère des Finances et au comité des affaires étrangères, on est en relation avec les gens des affaires étrangères et du commerce international. Je soutiens que ces deux ministères ont des fonctionnaires d'une grande qualité qui se comparent à n'importe qui dans le monde entier. Je ne dis pas que les autres ministères n'en n'ont pas, mais les autres ministères sont plus actifs pour promouvoir des choses, parfois les fonctionnaires sont compétents, mais ils finissent par avoir une certaine idéologie et ils pensent qu'ils peuvent améliorer le monde.
Certains préjugés se manifestent dans la recherche, dans le «policy research». Ce n'est pas indépendant des valeurs des personnes. On sait que si vous avez fait votre cours en économique à Harvard, vous êtes un peu plus à gauche, si vous l'avez fait à Chicago, vous êtes un peu plus à droite. C'est important, quand on parle de non-partisanerie des fonctionnaires de comprendre en même temps que lorsqu'ils élaborent des politiques, ils ne sont pas sans introduire leurs valeurs propres dans le processus.
Je n'ai pas d'objection à cela, mais j'aimerais que les fonctionnaires, lorsqu'ils préparent leur document disent: «Je suis plus un gars de gauche ou de droite». Ce n'est jamais le cas. On ne dit jamais cela au gouvernement. Comme les ministères veulent faire des choses positives, ils interviennent. On ne connaît pas de planificateurs qui disent: «On ne doit rien faire dans ce cas, il faut laisser le marché jouer». On n'en connaît pas beaucoup qui font cela. Des fois, c'est la vertu de le faire, pas toujours. Quelle est votre réaction par rapport à cela? J'ai insisté tantôt sur les «policy research people» car pour moi, c'est le fondement du haut fonctionnarisme. C'est de cette crème que l'on obtient les sous-ministres des Finances.
David Dodge, par exemple, était extraordinaire au ministère des Finances. J'ai travaillé avec lui et je l'ai trouvé formidable. Il s'en va à la Santé. Or à la Santé, on avait un monsieur pour qui les cinq critères de la santé publique au Canada étaient sacrés, y compris l'administration publique du système de santé. Je suis convaincu qu'en un an, avec M. Dodge dans le système, vous allez voir que la notion d'administration publique va prendre un sens différent en ce qui concerne la santé. Cela veut dire que les hauts fonctionnaires introduisent -- et je ne les blâme pas de le faire -- leurs propres valeurs dans le processus. Cela ne veut pas dire qu'ils sont partisans. J'aimerais avoir votre réflexion là-dessus parce que c'est une question fondamentale.
Mme Bourgon: J'ai toujours pensé qu'il était très important que les tâches des élus et des serviteurs de l'État soient exécutées par les membres de la race humaine. Et les membres de la race humaine, lorsqu'ils travaillent sur quelque chose, y apportent le meilleur d'eux-mêmes.
[Traduction]
Nous sommes tous l'aboutissement de ce que nous avons fait, d'où nous venons, de la façon dont nous avons été élevés, de ce que nous avons étudié et du travail que nous avons fait. Nous mettons tout notre être dans l'accomplissement de nos tâches. Ce n'est pas différent pour le ministre, le sous-ministre ou l'analyste de politiques.
[Français]
Y a-t-il de l'hommerie dans l'homme? Dieu soit loué, oui, il y en a.
[Traduction]
Est-ce à dire que tout le travail effectué par la fonction publique est partial? Absolument pas. Attendons-nous de la fonction publique qu'elle se contentera d'exécuter les ordres sans jamais les contester? Nous avons vu, à différentes époques de l'histoire de l'homme, ce qui arrive dans ces cas-là. Je ne crois pas que ce soit la meilleure façon d'élaborer la politique et de préparer un pays.
Attendons-nous de la fonction publique qu'elle se bornera à réunir les données brutes et qu'elle laissera aux autres le soin de les traiter? Je ne suis pas sûre que les ministres et le gouvernement seraient bien servis. Un système de poids et de contrepoids est essentiel. Ceux qui font de la recherche stratégique y apportent leurs convictions, leurs croyances et leur système de valeurs. C'est pourquoi il est si important, en recherche stratégique, de disposer de bonnes données, réunies sur plusieurs années. Il faut accorder de la valeur à la fonction de la recherche stratégique avant d'accorder de la valeur à l'énoncé de la politique, parce que cette recherche est le fruit de nombreuses collaborations.
Si la recherche stratégique est saine, il faut toute une variété de compétences et de personnes pour énoncer la politique. C'est là que l'on retrouve la richesse des options qui permet au gouvernement de jouer pleinement son rôle. Une foule d'options ont été élaborées pour que moi, en tant qu'élue, je puisse exercer mon choix. Cela aussi vient avec le système de valeurs et de croyances d'une personne, et je n'y vois rien de mal.
Le fait que nous souhaitions bâtir une fonction publique compétente qui s'enrichit des croyances, des convictions, des motivations et des rêves de chacun n'est pas incompatible avec une fonction publique impartiale.
[Français]
Le sénateur Carstairs: Merci, madame, de votre excellente présentation, mais j'ai un problème particulier.
[Traduction]
Je ne saurais être plus d'accord avec vous au sujet de l'importance d'un sentiment de fierté. Je ne crois pas que des employés aient souffert plus que ceux du Sénat. Leur institution est constamment attaquée, et ils nous servent bien.
Au Canada, les personnes âgées vivent aussi une certaine érosion de la fierté. Souvent, elles sont incapables de faire face aux nouvelles technologies. Elles se font répondre par des boîtes vocales, on leur demande de presser des boutons et de comprendre la magie des guichets bancaires. L'autre jour, j'ai vu une dame qui a essayé à cinq reprises d'insérer sa carte. J'ignorais quoi faire. C'est une transaction privée. Offrez-vous de l'aider? En fin de compte, dégoûtée, elle a abandonné et s'en est allée.
En est-il question au sein de la fonction publique? Disons-nous aux fonctionnaires de ne pas prendre les personnes âgées de haut, mais de les traiter plutôt avec respect? Il faut que les fonctionnaires comprennent que ce n'est pas par stupidité que les personnes âgées ne comprennent pas la technologie; c'est simplement qu'elles n'ont jamais eu à s'en servir auparavant. Comment s'attaque-t-on cette question?
Mme Bourgon: C'est une question qui nous préoccupera encore de nombreuses années parce que nous sommes tous dans l'ignorance de certains domaines. J'aimerais élargir votre question. Il n'y a pas que les personnes âgées qui puissent être dans l'ignorance de certaines technologies nouvelles ou incapables d'accéder à de nouveaux supports d'information. Autour de cette table, nous sommes tous pris du même mal. C'est mon cas à tout le moins.
Il faut changer notre façon d'assurer les services dans cette société. Comment y parvenir en sachant que 30 millions de personnes ne prendront pas tous le virage en même temps? Nous ne pouvons nous permettre de maintenir tous les anciens modes de prestations de services. Le passage à de nouveaux modes de prestations de services ne se fait jamais sans heurts.
Il n'y a pas de solution unique. Le Centre de services du Conseil de perfectionnement des ressources humaines a accompli des choses exceptionnelles comme la création de ce qu'il appelle «le guichet unique». On y trouve aussi des affiches en très gros caractères qui aiguillent la clientèle. Il est possible de s'adresser à des comptoirs où un préposé s'assoit avec vous et trouve pour vous l'information déjà disponible. Il ne s'agit pas dans ces cas-là de questions à caractère privé. Les gens viennent à notre bureau pour obtenir de l'information.
Ensuite, il faut offrir le choix. Voulez-vous que vos chèques soient déposés dans votre compte de banque ou que l'on vous fasse parvenir une lettre? Nous offrons différents choix. Nous faisons tout cela. C'est un vrai problème pour les employés, pour ceux que nous desservons de même que pour leur nature changeante.
On m'a dit qu'au Canada, les personnes âgées utilisent davantage les dispositifs électroniques, les cartes de débit et les cartes bancaires que leurs pairs des autres pays membres du G-7. Pour une raison ou pour une autre, nous ne gérons pas trop mal cette transition. Si tel est le cas, comment avons-nous fait pour nous tirer si bien d'affaire? Notre approche comporte peut-être un aspect unique que nous pourrions développer. Je me rends compte du sérieux de votre propos.
Le président: J'aimerais revenir aux exposés précédents et plus particulièrement à ceux de l'Alliance de la fonction publique du Canada de même que de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. L'Alliance a parlé de l'augmentation de salaires des cadres. La Loi sur les juges accroît les salaires et les avantages; des augmentations sont aussi prévues en ce qui a trait aux militaires, aux agents de la GRC et ainsi de suite. La semaine dernière on parlait d'essayer de conserver nos pilotes parce qu'ils s'en allaient tous dans le secteur privé.
Je comprends votre problème. Comme l'ont dit les représentants de l'Alliance de la fonction publique du Canada et de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, le malheur c'est que l'on sape le moral des troupes en accordant un traitement de faveur à ces groupes. On a l'impression est qu'ils touchent des salaires plus élevés que les fonctionnaires du niveau général et certains groupes membres de l'IPFPC. J'aimerais que vous répondiez à cela.
Cela mène fondamentalement à La Relève. Cependant nous sommes aux prises avec un problème de moral assez important parce que nous laissons aller les choses. Je me rends compte que vous essayez de les régler du mieux que vous pouvez, mais la question est de taille non seulement par les temps qui courent mais pour les années qui viennent. Voudriez-vous répondre à cela?
Mme Bourgon: Je le ferai en faisant très attention parce qu'il ne revient pas au chef de la fonction publique de donner son point de vue sur des questions de rémunération, qui relèvent du président du Conseil du Trésor.
Le président: Je comprends cela, mais vous pouvez nous dire ce qui se passe au sujet du moral parce que le problème est très sérieux.
Mme Bourgon: Je vais essayer de m'en tenir à mon rôle et vous être aussi utile que je le peux. Je suis heureuse que vous ayez parlé d'impression, à savoir que les cadres obtiennent peut-être une meilleure entente. Le ministre Massé a expliqué que le gouvernement avait fondamentalement voulu fixer un paramètre à l'intérieur du cadre financier. La rémunération totale associée au rôle consultatif dont il est question dans le rapport Strong représente 2 p. 100 du salaire de base. Il s'agit pour ainsi dire de la composante qui a été intégrée au cadre. À ma connaissance, toutes les autres ententes qui ont été conclues respectent également les paramètres précisés dans le cadre financier. Certaines négociations sont encore en cours et je suppose qu'ils respectent les mêmes paramètres. Les négociateurs des deux côtés, du moins d'un des côtés peuvent considérer que cela ne suffit pas, mais jusqu'à maintenant les ententes qui ont été conclues respectent les paramètres financiers fixés au sein de tous les groupes.
Bien entendu, nous préférerions que toutes les conventions collectives soient ratifiées, et que tout le monde soit de retour au travail. Est-ce que nous aimerions que toutes les négociations en suspens soient terminées le plus tôt possible? Absolument. Est-ce que le fait de savoir qu'elles sont terminées améliorerait le moral des employés? Absolument. Par conséquent, ce que je souhaite, c'est que les deux parties fassent tout leur possible pour terminer le travail.
Le président: Je me suis aventuré sur un terrain glissant, mais je devais poser la question parce qu'elle revient souvent lors de nos discussions. J'aimerais revenir aux jeunes et au renouvellement de la fonction publique. Je sais que vous avez pris des mesures dans le cas des retraités, des fonctionnaires plus âgés. Où en êtes-vous à ce chapitre? Pouvez-vous m'expliquer comment vous attirez les jeunes dans la fonction publique? En ce qui concerne les fonctionnaires qui ont atteint l'âge de la retraite, vous ne voulez pas qu'ils quittent tous ensemble. Comment allez-vous évaluer vos progrès à cet égard?
Mme Bourgon: Nous vous avons remis un tableau qui a été compilé par un démographe canadien bien connu, David Foot. Il décrit les défis auxquels nous sommes confrontés et les mesures que nous prenons pour les relever.
Le président: Il a présenté un exposé au caucus il y a quelques années, à St. John.
Mme Bourgon: Je vous invite à jeter un coup d'oeil sur le tableau où l'on compare la fonction publique fédérale à la population active canadienne. Vous avez une pyramide blanche avec des traits bleus d'un côté, et des traits rouges de l'autre. Elle représente la répartition, selon l'âge, de la population active canadienne. J'étais assise à l'arrière quand Mme Hubbard a dit que nous voulions représenter la société canadienne, ceux que nous desservons. Nous essayons de représenter la population active canadienne. Pour y arriver, il faudrait suivre le tracé de la pyramide blanche.
La fonction publique est représentée par la pyramide bleue et la pyramide rouge. Nous accusons du retard par rapport à la pyramide blanche. Pourquoi? Nous n'avons pas suffisamment de jeunes, et nous n'avons pas suffisamment d'employés âgés de plus de 50 ans. Je sais pourquoi. Je ne suis pas étonnée. Nous n'avons pas fait de recrutement depuis bientôt 10 ans. Nous avons considérablement réduit nos effectifs. Nous avons créé des incitatifs afin de permettre aux travailleurs dans la cinquantaine de prendre leur retraite, sans pénalité.
Si nous essayons de représenter ceux que nous desservons, notre courbe démographique devrait ressembler davantage à celle-ci. Il y a un écart ici, et il y en a un autre là. Nous devons mettre un terme aux mesures de compression, ce que nous en sommes en train de faire dans la plupart des ministères. Nous devons également faire des efforts particuliers pour recruter des jeunes afin que nous puissions représenter leur génération. Nous avons besoin de leurs compétences, de leurs connaissances et de leur expertise; nous avons besoin de leur savoir technologique.
Nous devons également nous demander quels sont les obstacles qui empêchent les travailleurs plus âgés et expérimentés de rester avec nous une fois qu'ils ont atteint l'âge normal de la retraite. Par quels moyens pourrions-nous les encourager à rester? Nous devons travailler sur les deux fronts en même temps.
Nous essayons de représenter la population active canadienne ainsi que la société canadienne. Les Canadiens appartiennent tous à des groupes d'âge différents; leurs origines aussi sont différentes. La diversité englobe également les générations.
Nous avons demandé aux ministères d'effectuer des analyses démographiques pour que nous puissions avoir des donnés plus précises et une meilleure idée de ce que nous devons faire pour les biologistes, les ingénieurs, les commis de niveau un, deux, trois, ainsi de suite. Nous avons besoin d'une analyse détaillée afin de dresser un bon plan de recrutement et d'évaluer les obstacles qui empêchent certains de nos travailleurs plus âgés de rester avec nous pour une période plus longue.
Nous avons demandé à Statistique Canada de nous aider à créer des modèles. Quels sont les moyens que nous devons utiliser pour effectuer une analyse démographique dynamique? Nous sommes en train de tester la méthodologie avec quatre de nos plus gros ministères, qui représentent 50 p. 100 de la fonction publique. Si cette expérience porte fruit, nous aurons alors un modèle que d'autres ministères pourront utiliser. Mme Hubbard et son personnel pourront à partir de ce moment-là aider les ministères à dresser un plan de recrutement externe. Le conseil, lui, travaillera avec les ministères afin de trouver des moyens d'encourager les employés à rester avec nous au-delà de l'âge normal de la retraite. Voilà où nous en sommes pour l'instant.
Le président: Est-ce que l'absence de motivation et l'image de la fonction publique sont des facteurs qui incitent les employés à prendre leur retraite?
Mme Bourgon: Je sais par expérience qu'il y a beaucoup de jeunes qui veulent faire partie de la fonction publique. C'est tout le contraire. Par exemple, notre programme de stagiaires en gestion, qui est un programme restreint, permet à des recrues d'obtenir une formation et de joindre nos rangs. Je trouve cela très difficile de recevoir 3 000 demandes de candidats exceptionnels et de ne pouvoir en choisir que 40. Je trouve cela embarrassant. Je trouve cela difficile de recevoir 3 000 ou 4 000 demandes pour des postes d'agents du Service extérieur, et de savoir que nous n'en prendrons que 30, 40 ou 50.
Mme Hubbard a aidé certains de nos ministères à dresser des plans pour recruter des spécialistes de la technologie de l'information. Il y a eu des milliers de candidats. Est-ce qu'il y a une pénurie de jeunes Canadiens qui veulent servir leur pays et travailler pour la fonction publique du Canada? Non. Est-ce que les campagnes de recrutement externe visant à donner aux jeunes la possibilité d'entreprendre une carrière dans la fonction publique ont été trop rares? Absolument.
Le président: Il est bon d'entendre votre point de vue parce que d'autres nous ont dit qu'ils ont de la difficulté à attirer les jeunes au sein de la fonction publique.
Mme Bourgon: Nous avons de la difficulté à les garder après un certain nombre d'années.
Le sénateur Moore: Je suis en train d'examiner le diagramme comme vous l'avez fait. Je trouve cela intéressant. Je vois qu'il y a un écart, mais je vois aussi que la concentration est plus forte dans deux ou trois catégories d'âge. Comment expliquez-vous cela? Que s'est-il produit pour qu'il y ait un tel gonflement?
Mme Bourgon: Il s'agit là d'un des problèmes les plus difficiles que nous devons résoudre. Parallèlement à la compression des effectifs, nous avons délibérément créé des incitatifs pour encourager certains de nos travailleurs à prendre leur retraite sans pénalité. Nous avons donc perdu de ce côté-là. Nous avons arrêté de faire du recrutement parce que nous étions en train de réduire nos effectifs. Comment dire à vos employés qu'il y en a cinq d'entre eux qui vont être mis à pied, mais que vous allez recruter deux nouveaux étudiants de l'extérieur? C'est ce qu'il faudrait peut-être faire. Nul doute, c'est ce qu'il faut faire, parce qu'il faut dix ans pour former et préparer ces recrues. Il est difficile de faire cela quand vous réduisez vos effectifs. Donc, nous cessons de recruter de l'extérieur et créons des incitatifs pour encourager les travailleurs à prendre une retraite anticipée. C'est pour cette raison que la courbe est très accentuée.
Quelles sont les conséquences de cette politique? À l'heure actuelle, nous ne représentons pas adéquatement la population active du Canada. Nous nous retrouvons tous dans la même catégorie d'âge. Peu importe que vous soyez une secrétaire de niveau subalterne ou le greffier du Conseil privé, nous faisons tous partie du même groupe d'âge, ce qui veut dire que nous allons tous nous succéder. Si vous êtes mon patron et que je travaille pour vous, nous allons vieillir ensemble. Quand vous allez être prêt à partir, je vais prendre moi aussi ma retraite. C'est ce que je veux dire.
Cette courbe est malsaine pour trois raisons. Nous ne représentons pas la population active canadienne. La courbe est plutôt accentuée, ce qui veut dire que nous avons un problème au niveau de la relève. Nous devons faire du recrutement externe et nous devons créer des incitatifs pour encourager les travailleurs à rester avec nous une fois qu'ils ont atteint l'âge normal de la retraite. Nous devons aplanir cette courbe.
Le sénateur Bolduc: Tout à coup, les cadres se retrouvent tous dans la même catégorie d'âge.
Le sénateur Moore: Ils vont tous partir en même temps, et nous n'aurons pas de remplaçants expérimentés pour prendre la relève.
Le sénateur Bolduc: Non seulement vont-ils partir, mais ils vont conseiller le gouvernement. C'est ce qui s'est produit au début des années 60, quand le pouvoir se retrouvait entre les mains d'un petit groupe de personnes du même âge. Cette génération avait ses propres valeurs, et elles sont enchâssées dans les politiques de l'époque.
Mme Bourgon: Vous avez très bien cerné le problème. Pouvons-nous le résoudre? Oui. Est-ce que cela demandera un effort particulier de la part de tous les ministères et organismes? Absolument. C'est cela, La Relève.
Le sénateur Moore: Il faudra des années pour y arriver.
Mme Bourgon: Oui, mais vous allez voir. Les quelques mesures que nous avons prises -- la fin des compressions, la levée du gel salarial, la normalisation de la situation -- toutes ces mesures signifient que certains des employés qui étaient sur le point de réorienter leur carrière en décideront autrement. Nous aurons droit à un certain répit, mais nous devrons faire bon usage de celui-ci. Nous n'avons pas de temps à perdre.
Le président: Merci beaucoup. Cet échange a été fort utile et encourageant.
La séance est levée.