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Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 5 novembre 1998

Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 11 heures pour étudier le Budget des dépenses principal déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 1999 (le maintien en poste et la rémunération dans la fonction publique du Canada).

Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous recevons aujourd'hui des témoins du ministère de la Justice, M. Morris Rosenberg, sous-ministre et M. Mario Dion, sous-ministre adjoint. Vous êtes les bienvenus.

Nous avons rencontré un bon nombre de fonctionnaires du ministère, y compris le président du Conseil du Trésor. La semaine dernière, nous avons rencontré le général Maurice Baril, chef d'état-major de la Défense, du côté des forces armées, ainsi que le sous-ministre adjoint, du côté civil, pour établir comment ce ministère avait géré sa restructuration, étant donné que c'est une question qui nous préoccupe vivement. Il ressort du témoignage du général Baril que des problèmes bien réels existent au sein des forces armées, par seulement aux échelons inférieurs de la hiérarchie, mais d'un bout à l'autre.

Nous voulons que vous nous expliquiez exactement comment vous avez géré le processus étant donné qu'il a eu d'importantes conséquences pour tout le monde. Peut-être vous demanderez-vous pourquoi nous vous avons choisis. Nous avons choisi le ministère de la Défense parce que les forces armées avaient un côté civil et que c'était tout à fait particulier. Nous devions choisir quelqu'un d'autre et c'est sur vous que s'est porté notre choix, parce que votre façon de fonctionner nous a toujours intrigués. La parole est à vous.

M. Morris Rosenberg, sous-ministre, ministère de la Justice: Nous vous avons distribué une série de graphiques contenant certains renseignements de base sur le personnel du ministère de la Justice. Je suis heureux d'apprendre que le comité se penche sur les questions concernant le recrutement, le maintien en poste et la rémunération des employés du ministère de la Justice et c'est avec plaisir que nous comparaissons devant vous aujourd'hui.

Je voudrais vous donner un bref aperçu général du ministère avant de parler des défis que nous devons relever et de notre plan d'action. Mario Dion, qui est le sous-ministre adjoint, Droit civil et Gestion ministérielle, sera là pour répondre à certaines de vos questions. J'ai été nommé sous-ministre en juillet et j'ai donc, moi aussi, certaines choses à apprendre. Je vous ferai part de mes opinions sur la direction que doit prendre le ministère.

À l'heure actuelle, les avocats représentent 54 p. 100 de notre personnel. Les secrétaires juridiques et les techniciens juridiques composent 22 p. 100 de l'effectif et le reste est réparti dans d'autres groupes, ce qui donne un nombre total de 2 880 employés.

Les personnes qui travaillent au ministère de la Justice sont jeunes ou du moins plus jeunes que les autres fonctionnaires. Près de 50 p. 100 de nos employés sont âgés de 39 ans ou moins alors que dans l'ensemble de la fonction publique, 37 p. 100 seulement des employés sont âgés de moins de 39 ans. Seulement 15 p. 100 du personnel de la Justice est âgé de 50 ans ou plus. Dans la fonction publique, c'est près de 20 p. 100 des travailleurs qui sont âgés de 50 ans ou plus.

Nous comptons environ 1 500 avocats qui sont répartis de la façon suivante: nous avons neuf bureaux régionaux pour l'ensemble du pays. Environ 150 avocats travaillent dans chacun des trois grands bureaux régionaux, Toronto, Montréal et Vancouver. Nous avons 23 services juridiques ministériels. Ce sont les avocats qui sont affectés dans divers ministères pour fournir des conseils et des services juridiques aux ministères en question. Plus de 50 p. 100 de nos avocats travaillent dans la région d'Ottawa.

À l'heure actuelle, 79 p. 100 des avocats du ministère de la Justice sont aux niveaux LA1 et LA2A, les niveaux de travail pour les avocats du ministère. Depuis 1994, le nombre d'avocats du ministère de la Justice a augmenté de 16,7 p. 100 et cette croissance est surtout attribuable à de nouveaux programmes tels que la lutte contre la contrebande de cigarettes, la stratégie anti-drogue, la pension alimentaire pour enfants, l'initiative concernant les produits de la criminalité, la prévention de la criminalité, le contrôle des armes à feu, et cetera.

En 1997-1998, le salaire moyen des avocats était de 70 768 $ et, dans l'ensemble, le salaire moyen d'un employé du ministère était de 55 301 $.

Je voudrais maintenant parler des défis que nous devons relever. De nombreux employés des diverses catégories voient leurs possibilités d'avancement diminuer, d'autant plus que peu d'avocats, de gestionnaires ou de praticiens pourront prendre leur retraite prochainement. Le défi à relever, et pas seulement pour nous, consiste à créer des possibilités d'avancement pour tous les employés et à élargir les possibilités de mobilité latérale grâce au perfectionnement professionnel.

Nous avons un programme de formation juridique interne qui permet aux avocats d'améliorer ou d'élargir leurs compétences ou de se tenir à jour dans certains domaines du droit. Nous avons un programme d'échanges professionnels qui facilite les affectations à court terme à l'extérieur du ministère et qui permet à des gens de l'extérieur, de l'exercice privé du droit ou du milieu universitaire, par exemple, de venir travailler au ministère. Nous avons un programme de formation permanente en gestion, de même qu'un certain nombre d'autres programmes de perfectionnement.

Il est également important que le ministère puisse offrir des possibilités de carrière intéressantes à ceux qui n'exercent pas la profession d'avocat. Comme l'effectif du ministère a toujours été largement composé d'avocats, je tiens à m'assurer qu'un éventail plus vaste de compétences est mis à contribution. C'est une des choses à laquelle je voudrais travailler, surtout en ce qui concerne l'aspect politique qui amène le ministère à s'intéresser de très près aux questions sociales. Il faut un partenariat entre les experts du droit et les experts des autres domaines de la politique sociale. Je tiens à voir ce que nous pouvons faire pour élargir davantage nos compétences à cet égard. En même temps, nous étudierons quelle est la meilleure façon d'assurer une formation aux autres professionnels et au personnel de soutien du ministère de la Justice. C'est une des questions sur lesquelles nous devons nous pencher.

[Français]

La privatisation des services de l'État, le mouvement vers les organismes de prestation de rechange des services et le nombre accru de poursuites pénales modifient la nature et le volume des demandes de services juridiques des clients. En conséquence, le ministère de la Justice doit s'assurer de disposer d'une main-d'oeuvre souple, compétente et dynamique, apte à fournir des services efficaces et rapides et à s'adapter à ces demandes changeantes. D'autres sources de changement comprennent les attentes croissantes des clients, les contraintes financières et une dépendance accrue vis-à-vis du financement par les clients.

[Traduction]

Le ministère a obtenu de nouvelles ressources qui lui ont permis de recruter de jeunes avocats, mais il s'agit généralement de ressources temporaires visant à répondre à un objectif précis et qui disparaissent une fois l'objectif atteint. Cela a entraîné une augmentation du pourcentage d'employés nommés pour une période déterminée par rapport à la proportion d'employés permanents. Le personnel nommé pour une période déterminée représente 27 p. 100 de l'effectif et se concentre surtout dans le groupe du droit qui compte 56 p. 100 de ces employés. La proportion d'employés nommés pour une période déterminée est un peu plus élevée dans sept bureaux régionaux. Nous cherchons maintenant à convertir une partie de ces employés en employés nommés pour une période indéterminée, mais ce n'est pas facile étant donné nos ressources limitées et les pressions que cela impose au ministère.

Le maintien en poste des employés de certains groupes pose un autre problème. Selon nos chiffres, le ministère se compare favorablement aux autres secteurs de la fonction publique, mais le maintien en poste de ses employés pose des difficultés. Le nombre de départs pour les groupes désignés autres que les femmes a également légèrement augmenté par rapport à la représentation de ces groupes au ministère et au nombre d'employés recrutés. En fait, le ministère a perdu davantage d'autochtones et de membres des minorités visibles qu'il n'en a recruté entre novembre 1996 et décembre 1997. C'est une situation qui nous inquiète et nous cherchons un moyen d'y remédier.

Nous sommes en train de mettre en oeuvre une stratégie de ressources humaines pour doter les employés des compétences et des connaissances qui leur permettront de réaliser pleinement leur potentiel et de contribuer au succès du ministère. Nous avons défini les compétences générales requises pour tous les groupes et nous sommes en train d'en faire autant pour les divers postes de tous les domaines du droit. La mise en oeuvre de cette stratégie débutera en 1999. Cet inventaire des compétences facilitera le déploiement rapide de nos juristes pour répondre à la demande.

[Français]

La mise en norme générale de classification nous permettra de faire la transition d'un système de classification axé sur l'employé à un système de classification axé sur le travail pour le groupe. Cela aura probablement pour effet de réduire le nombre de niveaux de classification et d'élargir les domaines de classification. Cette stratégie est liée à l'illusion des durées et des conditions d'emploi et à l'administration des régimes de rémunération pour nos avocats à plus long terme.

[Traduction]

Afin de conserver des gens qui pourront devenir les leaders de demain, nous devons faire en sorte que leur rémunération et leurs avantages sociaux restent concurrentiels. Voilà pourquoi les recommandations du rapport Strong sont tellement importantes et pourquoi nous avons entrepris un examen approfondi de la rémunération des avocats, qui portait sur les problèmes de rémunération au sein du ministère.

Notre régime de rémunération, que les ministres du Conseil du Trésor ont approuvé en juin 1998, nous permet d'offrir aux nouveaux employés une rémunération de départ qui tient compte de leur expérience et qui assure des conditions d'équité par rapport aux avocats du ministère et aux 40 à 50 avocats représentés par l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

Nous travaillons également à l'élaboration d'un plan à plus long terme avec le Conseil du Trésor. Le coût global de ce régime de rémunération pour trois ans est d'environ 11,5 millions de dollars en augmentations économiques et environ 27 millions de dollars en primes au rendement.

Un examen interne a conclu que le taux de départ des employés du ministère ne posait pas de problème. Le taux global de départ des avocats a été d'un peu moins de 3 p. 100 entre 1989 et 1996. En 1990, nous avons établi un taux de rémunération spécial pour Toronto afin de pouvoir garder nos avocats dans cette région et nous sommes convaincus que sans ces taux spéciaux, nous aurions eu beaucoup de difficulté à recruter et conserver des avocats à Toronto.

Notre étude a révélé que nous perdions des avocats qui comptaient entre cinq et sept années d'expérience. S'ils nous quittaient, c'était surtout parce que nos salaires n'étaient pas concurrentiels. Ces départs sont très coûteux étant donné que ces avocats ont atteint leur plein niveau de compétence et peuvent être chargés de causes importantes.

[Français]

Nous avons adopté un plan d'équité en emploi pour répondre aux problèmes éprouvés en matière de maintien en emploi par des employés appartenant à un groupe désigné, ainsi qu'une politique sur le maintien en emploi d'employés nommés pour une durée déterminée.

[Traduction]

Pour conclure, nous devons recruter et conserver des personnes hautement qualifiées pour parvenir à une efficacité opérationnelle maximale. Le grand nombre d'avocats qui travaillent pour le ministère pose des défis importants et très particuliers sur le plan du recrutement, du perfectionnement et de la formation de même que de l'amélioration des compétences en gestion. Nous devons également faire en sorte que les autres professionnels et le personnel de soutien soient pleinement intégrés et puissent utiliser tout leur potentiel.

Le ministère se distingue des autres en ce sens que les avocats prédominent tant au niveau opérationnel qu'au niveau de la gestion et que cette prédominance a une incidence indiscutable sur la mentalité, les perspectives d'avenir et les attentes des employés du ministère. Je me réjouis donc de ce que votre comité examine de près toutes ces questions qui auront une influence très importante sur notre capacité à nous acquitter de notre mission, qui consiste à fournir d'excellents services juridiques au gouvernement canadien.

Le président: Vous semblez avoir assez bien géré le processus en ce sens que vous avez vite reconnu que vous deviez faire quelque chose pour garder vos employés. Comment l'avez-vous fait? D'autres ministères ont subi des pertes importantes et ont dû attendre le rapport Strong pour agir, mais vous l'avez fait avant la publication du rapport.

M. Rosenberg: Notre programme de rémunération est assez récent. Il reflète les recommandations du rapport Strong, en tout cas pour ce qui des hauts échelons. Vous remarquerez que le nombre d'employés du ministère de la Justice a augmenté. Quelques diagrammes montrent que, comme je l'ai mentionné, nous le devons à certaines initiatives. Premièrement, nous avons mis en oeuvre un certain nombre de programmes qui avaient une composante juridique importante. Pour nous acquitter de notre nouveau mandat, en plus du mandat existant du ministère de la Justice, nous devions disposer de nouvelles ressources.

De façon plus générale, il y a eu un changement dans la nature de la culture politique du pays depuis 1982. On a de plus en plus tendance à considérer les questions de politique publique comme des questions juridiques. Certaines causes importantes comme les poursuites concernant les jeunes autochtones placés en pension ou les victimes de l'hépatite C en témoignent. On a également l'impression que les politiques publiques ont une dimension juridique. Il faut que les avocats fassent partie de l'équipe qui élabore les politiques et pas seulement dans le cadre du ministère de la Justice. Le travail que font nos avocats des services juridiques ministériels ne consiste pas seulement à donner des avis juridiques occasionnels. Il s'agit de plus en plus de participer à l'élaboration des politiques des ministères afin de s'assurer qu'il est tenu compte de la Charte, de la Constitution, du droit administratif et du principe de l'équité pour concevoir ces politiques. De plus en plus, nos avocats font partie intégrante des équipes des ministères qui élaborent les politiques, ce qui est très intéressant pour eux, mais qui exige aussi beaucoup de temps, car ces fonctions s'ajoutent à celles qui étaient déjà les leurs.

Le président: Qui finance ces services? Chaque ministère le fait-il dans le cadre de son budget ministériel?

M. Rosenberg: C'est financé à la fois par le ministère de la Justice, les ressources des services votés auxquelles s'ajoutent, dans une certaine mesure, les ressources obtenues dans le cadre de négociations avec les ministères clients.

Le sénateur Cools: Qu'est-ce qu'un ministère client? Nous sommes des parlementaires et vous nous faciliteriez les choses en vous servant du vocabulaire du Parlement.

M. Rosenberg: Je vais vous expliquer ce que j'entends par «ministère client». Ce sont normalement les avocats du secteur privé qui parlent de clients. En pratique, il n'y a pas de séparation. La Couronne est indivisible; nous formons tous un seul et même gouvernement. Le gouvernement est divisé en ministères et organismes. Toutefois, au ministère de la Justice, nous parlons de ministères clients parce que les avocats des sections ministérielles ne font pas partie du ministère de l'Industrie ou du ministère des Finances ou du ministère des Affaires étrangères. Cette situation existe depuis la mise en oeuvre du rapport de la Commission Glasgow, dans les années 60. On estimait alors qu'il était important de préserver l'indépendance des conseillers juridiques et qu'il ne fallait pas que les avocats dépendent, pour leur avancement et le reste, des gens qu'ils conseillaient. Autrement, on pouvait craindre que leurs conseils ne soient pas objectifs.

Voilà pourquoi le ministère de la Justice a des gens en place dans les ministères, mais ce sont des employés du ministère de la Justice; nous établissons une distinction entre le ministère de la Justice et les gens que nos avocats conseillent. Selon la terminologie que nous utilisons au ministère, ce sont nos clients, comme dans le secteur privé.

Le sénateur Bolduc: Ces avocats sont des employés du ministère de la Justice, mais qui se trouvent dans le ministère qu'ils desservent. Voilà pourquoi il est question de «clients».

Le sénateur Cools: Je ne crois pas que ce genre de vocabulaire soit particulièrement utile pour le travail que nous faisons et peut-être faudrait-il réexaminer cette question en temps voulu. Sans trop m'étendre sur le sujet, si j'ai bien compris, le ministre de la Justice a deux rôles à jouer, une combinaison de rôles. L'un est le rôle de procureur général et l'autre celui de ministre de la Justice, mais la plupart du temps, lorsque les gens travaillent sous la responsabilité du ministre ou du procureur général, selon le cas, le ministère de la Justice n'est pas un client.

Votre rôle est de servir les juristes de la Couronne. C'est ainsi que je comprends le système traditionnel. Il y a deux juristes de la Couronne, le solliciteur général et le procureur général. C'est sous leurs ordres que travaillent les avocats. Je ne pense pas qu'il soit utile de parler de «clients». Peut-être faudrait-il examiner cette question à un moment donné, car ce qui en découle, du point de vue du Parlement, c'est que tout renseignement que nous pourrions demander sera alors assujetti au secret professionnel entre l'avocat et son client. Autrement dit, en modifiant la terminologie, vous changez complètement le système de gouvernement.

C'est une question qui me préoccupe beaucoup. Aux fins de notre discussion, je préfère que nous parlions de «ministères» plutôt que de «clients».

M. Rosenberg: Je ne voudrais pas me lancer dans un débat philosophique au sujet de la terminologie, mais je vais vous donner une réponse partielle. Au ministère, nous cherchons à nous mettre davantage au service des gens. En fin de compte, nous donnons les meilleurs conseils juridiques que nous pouvons, mais nous reconnaissons que, même si nous sommes indépendants, il est possible d'interagir avec les gens en se montrant plus accommodants, en écoutant davantage, en essayant plus de coopérer. L'expression «client» vise à refléter cette orientation vers une culture du service.

Le président: Vous avez dit que l'âge moyen des employés de votre ministère était de 39 ans alors qu'il était nettement plus élevé dans les autres secteurs de la fonction publique. Pourquoi êtes-vous beaucoup plus jeunes qu'ailleurs? Je voudrais le savoir, car c'est étonnant.

M. Rosenberg: Ce n'est pas l'âge moyen. Nous comptons davantage d'employés qui sont âgés de 39 ans et moins que la moyenne de la fonction publique. Voici un diagramme montrant le profil démographique général de notre ministère.

En deux mots, nous avons fait beaucoup de recrutement ces dernières années à cause des nouveaux problèmes et des nouveaux programmes que j'ai mentionnés tout à l'heure. Nous avons recruté de nouveaux employés et nous voulions recruter des jeunes pour assumer ces nouvelles responsabilités.

Le président: N'est-ce pas parce qu'il y a trop d'avocats?

M. Rosenberg: Non.

Le sénateur Cools: Est-ce parce qu'il y a beaucoup de jeunes avocats qui ont besoin d'acquérir de l'expérience?

Le président: Les autres ministères semblent en mesure d'attirer les jeunes, mais dès que ces derniers ont cinq ou six années d'ancienneté, ils partent. Vous semblez être en mesure de les garder. Il semblerait qu'il y ait des défis à relever au sein du ministère.

Comment faites-vous si vous vous trouvez constamment devant de nouveaux problèmes que vous ne pouvez pas prévoir ou pour lesquels vous ne pouvez pas établir de budget à l'avance? Cela peut vous coûter cher. Je sais que lorsque le projet de loi sur le contrôle des armes à feu a été proposé, on a sans doute estimé combien cela coûterait en frais juridiques au ministère. Logiquement, vous devez recevoir régulièrement d'autres dossiers comme celui de l'Airbus ou de la Commission d'enquête sur l'APEC. Prévoyez-vous simplement un budget global sans savoir ce qui va se produire? Comment procédez-vous?

M. Rosenberg: La réponse réside en grande partie dans la nature des compétences que nous essayons de développer. Pour réussir, le ministère doit réunir plusieurs conditions. On assiste à une tendance à la spécialisation dans toutes les professions, y compris celle d'avocat, et il y a certains domaines dans lesquels nous avons besoin de compétences très spécialisées.

Toutefois, nous avons aussi besoin de gens qui n'ont pas nécessairement des connaissances très approfondies dans un domaine particulier, mais qui ont une bonne connaissance générale de l'ensemble du gouvernement. Certaines de ces personnes pourraient s'enrichir, non pas en faisant toute leur carrière au ministère de la Justice, mais en allant ailleurs. C'est ce que j'ai fait. J'ai travaillé 11 ans au ministère de la Justice et les neuf dernières années, j'ai travaillé ailleurs. Je n'ai pas exercé directement le droit. Je me suis occupé de questions juridiques, comme M. Dion qui a été au Bureau du Conseil privé pendant un an ou deux. Nous avons également besoin de ce genre de personnes.

Vous ne savez jamais, d'une année à l'autre, ou d'un gouvernement à l'autre, quelles seront les grandes questions de l'heure ou dans quel domaine nous aurons besoin de compétences. Étant donné l'évolution de la demande, il nous faut aussi des gens qui ont une bonne faculté d'adaptation et c'est ce que nous essayons d'obtenir avec nos nouvelles recrues. Nous voudrions avoir des employés suffisamment adaptables pour pouvoir passer d'un secteur à un autre.

Par exemple, lorsque le gouvernement précédent a commencé à négocier l'Accord de libre-échange en 1985, il a dû créer un bureau des négociations commerciales, qui était une version temporaire du U.S. Trade Representatives Office. Nous n'avions pas beaucoup d'expérience en droit économique au ministère de la Justice, mais nous avions des gens qui possédaient une expérience analogue. Nous les avons fait venir. Ils avaient beaucoup à apprendre, mais ils possédaient des bases suffisantes pour pouvoir se mettre au travail et, en un an ou deux, devenir experts dans un tout nouveau domaine du droit.

Également, la Charte posait des défis pour le ministère de la Justice, mais nous avions des gens possédant une expérience analogue en droit public, en droit administratif, en droits humains, en droit constitutionnel et dans les questions d'équité. Cette expérience nous a été utile. Nous avons muté des employés d'un service à un autre au lieu d'avoir a recruter tout un groupe de gens. Nous voulons développer cette faculté d'adaptation de façon à répondre à l'évolution de la demande et c'est l'un de nos principaux défis sur le plan des ressources humaines.

Le sénateur Cools: C'est un très gros ministère. Il doit être extrêmement difficile d'en gérer les divers éléments.

Vous nous avez dit certaines choses que j'ai trouvées très intéressantes. Vous avez déclaré que le salaire moyen des employés du ministère était de 54 000 $ et le salaire moyen des avocats de 70 000 $. Quel est le salaire moyen des avocats au Canada?

M. Rosenberg: Je ne me souviens pas du chiffre, mais M. Dion l'a peut-être.

M. Mario Dion, sous-ministre adjoint, ministère de la Justice: Nous avons l'enquête sur la rémunération que Canadian Lawyer a récemment effectuée et publiée en juin de cette année. Il n'y a pas de moyenne nationale. La rémunération dépend du nombre d'années d'expérience. Cette enquête, qui a été menée auprès de 37 cabinets d'avocats du pays, fait état de moyennes allant de 26 000 $ dans le cas d'un avocat fraîchement admis au barreau à 120 000 $ pour un avocat qui exerce la profession depuis sept ans ou plus. Il n'y a pas vraiment de moyenne nationale.

Le sénateur Cools: J'ai vu quelque part que la moyenne nationale était de 80 000 $. Je crois que c'est un chiffre de Statistique Canada. Sur quoi se base-t-il?

M. Dion: Je ne suis pas au courant de l'étude dont vous parlez, sénatrice Cools, mais cela semble crédible. Les salaires varient énormément. Il y a un problème de chômage dans certaines provinces où les avocats ne peuvent pas gagner décemment leur vie, mais par contre, vous avez certains avocats qui gagnent plus de 500 000 $ par an.

Le sénateur Cools: D'après ce qu'on m'a dit, ils ne sont pas très nombreux. C'est plutôt exceptionnel.

Vous avez parlé des avocats qui sont au service du ministère ou à l'emploi du ministère. Lorsque vous engagez des avocats de l'extérieur, par exemple dans l'affaire Airbus, où trouvez-vous l'argent? Quel budget avez-vous prévu pour cela au ministère?

M. Dion: Tout d'abord, n'oubliez pas que les avocats sont engagés uniquement avec l'autorisation du procureur général. Le ministère de la Justice n'a pas de budget pour les services d'avocats de l'extérieur, car dans la majorité des cas, les honoraires des avocats sont payés par le ministère pour le compte de qui le travail est effectué. Ces services représentent une dépense annuelle totale d'environ 40 millions de dollars.

Le sénateur Cools: Avez-vous une caisse distincte?

M. Rosenberg: Ce n'est pas une caisse distincte. Cela représente le total de tous les montants versés.

Le sénateur Cools: C'est pour l'ensemble du pays. Les frais juridiques de l'affaire Airbus ont-ils été payés sur ces 40 millions de dollars? Les honoraires des avocats ou des cabinets qui ont été engagés pour cette affaire ont-ils été payés sur ce budget de 40 millions de dollars ou ont-ils été entièrement assumés par une autre source de financement?

Monsieur le président, nous ne sommes pas informés des mesures budgétaires qui sont prises lorsque l'on poursuit la Couronne. Nous devrions commencer à examiner cela plus à fond, car il semble que ce soit de plus en plus fréquent.

Le président: Dans l'intérêt de tout le monde, il serait souhaitable de comprendre ce processus et l'affaire Airbus en est un bon exemple. Cela pourrait s'appliquer à n'importe quelle circonstance, comme l'APEC ou un autre événement. À propos de l'affaire Airbus, il n'arrive pas souvent que ce genre de personne poursuive à ce point le gouvernement. C'est sans doute pour cette raison que le sénateur Cools pose la question.

Le sénateur Cools: Y a-t-il un montant d'argent?

M. Rosenberg: Il n'y a pas de fonds séparés. Il n'y a pas de budget distinct pour payer les mandataires. Ces derniers sont généralement rémunérés par le ministère qu'ils représentent. Le mot «mandataire» est important, car ces avocats sont les mandataires du procureur général du Canada. Autrement dit, ils ne sont peut-être pas des employés du ministère de la Justice, mais ils agissent pour le compte du procureur général, comme le feraient des employés du ministère.

En fait, nous avons une section de surveillance des mandataires qui veille à ce que ces derniers adoptent des positions conformes à la position générale du gouvernement. Nous devons assurer une coordination, par exemple en ce qui concerne la Charte ou les questions constitutionnelles. Vous ne pouvez pas avoir neuf positions différentes exprimées dans les diverses régions du pays. C'est le procureur général qui décide d'engager un mandataire en consultant son collègue du ministère concerné. Il n'y a pas de budget réservé, comme je l'ai dit, si bien que normalement, c'est le client...

Le sénateur Cools: Si vous continuez à employer le mot «client», je continuerai à contester le mot «mandataire».

M. Rosenberg: Je vais essayer de parler des ministères qui ont des problèmes juridiques. Ils financent généralement les services du mandataire en puisant dans leur propre budget si bien que les 40 millions de dollars dont M. Dion a parlé représentent la totalité des paiements que le gouvernement canadien a faits à des mandataires au cours de l'année écoulée.

Le sénateur Cools: Ces 40 millions de dollars servent aux divers ministères. Au départ, je pensais que cela faisait partie du budget du ministère de la Justice.

M. Rosenberg: Il n'y a pas de budget distinct pour les mandataires. M. Dion voudrait apporter une précision.

Le sénateur Cools: Lorsque le gouvernement fédéral engage des procureurs pour des affaires de stupéfiants, comme il l'a fait souvent par le passé, bien que j'ignore si c'est toujours le cas, la situation est différente étant donné que c'est le rôle du procureur général. Il intente des poursuites.

D'un autre côté, dans l'affaire Airbus, par exemple, lorsque des gens se font poursuivre, les avocats jouent un rôle légèrement différent. J'aimerais que vous précisiez quel est le recours aux mandataires afin que nous comprenions un peu mieux les choses, car nous oublions souvent le rôle que joue le gouvernement fédéral dans les affaires de stupéfiants et de drogue.

M. Dion: Le montant total est d'environ 40 millions de dollars. En fait, il était de 42 millions en 1997-1998. C'est la somme totale qui a été payée à des avocats du secteur privé qui ont joué le rôle de mandataires du procureur général pour le compte du gouvernement canadien.

Je voulais préciser que, sur ce montant approximatif de 40 millions de dollars, 20 millions servent à payer pour la poursuite d'infractions reliées aux stupéfiants. La moitié de cet argent sert pour la poursuite et vient du fonds consacré aux stupéfiants, qui fait partie du budget du ministère, tandis que l'autre moitié sert à payer toutes sortes de services assurés aux clients, y compris des services consultatifs. Cela ne représente toutefois qu'une petite partie des dépenses globales, du contentieux et de la représentation de la Couronne devant les tribunaux civils.

Le sénateur Bolduc: Si vous dépensez 40 millions de dollars pour engager des avocats du secteur privé, combien vous coûtent au total les avocats à l'emploi du ministère?

[Français]

M. Dion: Le coût total des avocats qui font du litige tourne autour de 110 millions de dollars.

[Traduction]

Le sénateur Bolduc: Autrement dit, environ 40 p. 100 de votre budget sert à payer les contractuels et le reste est pour vos employés.

[Français]

M. Dion: C'est l'équivalent d'environ 40 p. 100 de leur budget. S'ajoutent les 110 millions de dollars versés en salaires par le ministère à des gens qui font un travail comparable dans le secteur privé, de 40 millions de dollars.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Les montants d'argent dont vous parlez comprennent-ils des règlements ou des dépens?

M. Dion: Non.

Le sénateur Cools: Laissons de côté les affaires de drogues, même si j'aimerais en parler davantage et si je connais bien le sujet étant donné que j'ai siégé à la Commission des libérations conditionnelles. C'est un travail difficile qui est le vôtre sur ce plan-là.

Pour en venir aux affaires pour lesquels le ministère ou la Couronne a fait l'objet de poursuites, comment détermine-t-on quel est le montant à payer, à qui et pour quelle raison? Comment ces décisions sont-elles prises? L'avocat dit-il: «Je vais défendre cette cause pour vous à tel tarif horaire»? Comment établissez-vous combien vous allez le payer pour faire ce travail? Est-ce un processus ésotérique ou avez-vous un barème indiquant les honoraires que vous payez?

L'aide juridique a des barèmes, par exemple. Je serais curieuse de le savoir, car lorsque vous choisissez des avocats, vous n'allez pas chercher les moins chers.

M. Dion: Nous avons deux séries de barèmes. Nous avons un barème pour les causes civiles et les services consultatifs et un autre barème pour retenir les services et engager les mandataires chargés des poursuites au criminel. L'échelle va de 60 $ de l'heure pour un avocat peu expérimenté à un maximum absolu de 200 $ de l'heure qui ne peut être dépassé sans l'autorisation personnelle du sous-ministre. Ces tarifs tiennent compte des années d'expérience tout comme pour la rémunération des avocats. Ces tarifs sont en vigueur depuis plusieurs années. Ils ont été gelés depuis 1991. Aucune augmentation n'a été accordée.

Le sénateur Cools: Je trouve cela réconfortant. Y a-t-il un montant maximum que vous pouvez payer à un avocat ou à un cabinet? Autrement dit, s'il s'agit d'une affaire très importante, la confiez-vous à un seul cabinet dont la facture peut gonfler jusqu'à 2 millions ou 5 millions de dollars? Y a-t-il des règles stipulant qu'il faut partager le contrat entre les divers cabinets d'avocats? Je me demande comment vous procédez. C'est très difficile.

M. Dion: Il n'y a pas de limite quant au montant qui peut être versé à un avocat ou à un cabinet au cours d'une année donnée. Il y a toutefois un tarif horaire maximum et une règle qui interdit à un avocat de faire payer pour plus de 10 heures de travail par jour. Si vous multipliez 10 heures par jour par 365 jours, vous obtenez le montant maximum qui peut être payé à un avocat, mais il n'y a pas de limite pour les cabinets ou pour les avocats.

Quant à la réglementation qui s'applique à la nomination des mandataires, la règle veut que le travail soit distribué équitablement.

Le sénateur Cools: Tenez-vous compte de ces considérations pour éviter que certaines firmes s'imaginent profiter d'un certain favoritisme tandis que d'autres sont laissées de côté?

M. Dion: Le ministre tient compte de ces considérations.

Le sénateur Cools: Il y a deux ans, votre prédécesseur, M. George Thomson, a comparu devant nous. Nous l'avons interrogé au sujet des montants payés à divers avocats dans l'affaire Airbus. Nous avons pu savoir quels avaient été les honoraires versés à trois des avocats. Toutefois, nous n'avons pas pu établir avec suffisamment de clarté combien avait été payé à un avocat de Toronto du nom de Michael Code pour une opinion juridique. J'ai oublié la question exacte, mais je crois qu'à l'époque M. Thomson avait cité un montant de 66 000 $ qui, disait-il, incluait les honoraires en question. Il a par la suite envoyé une lettre au président dans laquelle il disait, je crois, qu'il s'agissait de 33 000 $ ou 34 000 $. D'après ce que j'ai compris, d'autres montants ont été payés ultérieurement. Pourriez-vous me dire quel est le montant total des honoraires versés à M. Michael Code? Avez-vous ce renseignement?

M. Rosenberg: Je ne l'ai pas sous la main aujourd'hui, mais je vais vous le faire parvenir par écrit.

Le sénateur Cools: Si vous pouviez m'indiquer le montant total versé ainsi que la date des paiements, je l'apprécierais beaucoup.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: On nous a distribué quelques pages qui proviennent de la Direction de la recherche parlementaire où l'on identifie certains postes et où l'on mentionne que l'on dispose d'un «système de justice accessible, efficace et juste»; je ne lirai pas tout le document, mais comment expliquez-vous que l'on refuse de payer les honoraires des avocats des manifestants de la conférence de l'APEC? Ce devrait être votre mission d'assurer l'accès à la justice pour tout le monde.

M. Rosenberg: Je dois dire que ce n'est pas la pratique habituelle pour le gouvernement de payer les honoraires de tous les groupes qui se présentent devant les tribunaux. Effectivement, c'est une décision politique. C'est une décision prise par le gouvernement du Canada. Le solliciteur général a annoncé cela; je ne peux pas, comme fonctionnaire, aller contre ces décisions ou en appeler. Je crois que la pratique est de ne pas de payer les honoraires pour des groupes qui interviennent devant le tribunal. Je dois dire aussi qu'il y a une commission, qu'il y a des avocats qui représentent cette commission, et que l'une des fonctions des avocats de la commission est de s'assurer que le processus soit juste et équitable. C'est le rôle de la commission et de ses avocats. Il y a des moyens de s'assurer que tous les faits soient présentés devant cette commission, et que les droits des personnes contre-interrogées seront respectés.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je pense qu'il faudrait que vous changiez la définition de votre mission parce que ce que je comprends, c'est que le ministère de la Justice dispose d'un système de justice accessible, efficace et juste. Je comprends que vous ne payiez pas les honoraires pour les avocats de tout le monde, mais dans ce cas en particulier, c'est une situation où le gouvernement est mis en cause, et là, où est-elle donc, votre justice?

M. Rosenberg: Comme je vous l'ai dit, ce n'est pas la pratique du gouvernement de payer les honoraires pour les avocats de tous les groupes qui sont représentés devant les tribunaux. C'est une décision qui a été prise par le gouvernement du Canada, et si vous avez quoi que ce soit à dire contre cela, je vous demanderais respectueusement de le dire au gouvernement ou au solliciteur général. La seule chose que je peux faire aujourd'hui est d'expliquer les raisons de cette décision, et c'est ce que j'essaye de faire.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je comprends que c'est une question délicate pour vous; je le comprends. Mais il n'en reste pas moins que vous nous dites que vous respectez toutes ces choses dans une cause qui remet en question le gouvernement et des individus directement. Je comprendrais s'il s'agissait d'une cause qui aurait à faire avec le transport ou autre chose, mais dans ce cas, je pense qu'il faudrait modifier votre approche, à moins que vous n'ajoutiez «sauf dans des circonstances exceptionnelles» ou « sauf quand le gouvernement est en conflit avec des citoyens», ou quelque chose comme cela. Cela ne m'apparaît pas exact. J'ai peut-être tort aussi, vous savez.

Le sénateur Corbin: Je ne comprends pas que vous laissiez entendre que seul le ministère de la Justice ou le solliciteur général retiennent ou emploient les services d'avocats dans l'establishment fédéral. Il y a d'autres avocats qui travaillent pour le ministère de la Justice qui ne sont pas payés par ce ministère ou par le solliciteur général. Avez-vous une idée du nombre d'avocats qui travaillent dans l'establishment fédéral, comme par exemple pour la GRC ou d'autres institutions semblables?

M. Rosenberg: Nous ne sommes pas en mesure de vous donner aujourd'hui une réponse spécifique parce que nous ne connaissons pas les données, mais vous avez parfaitement raison de dire qu'il y a des avocats qui travaillent principalement dans des postes juridiques dans deux ministères. Il y a des avocats qui travaillent pour le ministère de la Défense nationale; il y a des avocats qui travaillent pour le ministère des Affaires étrangères, et qui sont des experts en droit international. Il y a aussi dans ces deux ministères des avocats du ministère de la Justice qui travaillent en étroite collaboration avec les autres avocats, mais ils ont une expertise différente. Certains avocats sont souvent membres du barreau et choisissent de travailler dans d'autres fonctions, en tant qu'agents de politique, par exemple, et ne font donc pas un travail strictement juridique, quoique leurs connaissances juridiques sont sûrement utiles dans l'exercice de leurs fonctions. C'est ce que j'ai fait moi-même pendant une période; je n'étais pas au ministère de la Justice; j'étais responsable de la Loi sur la faillite dans l'ancien ministère de la Consommation et ma formation d'avocat m'était très utile pour comprendre la loi. Cependant, ce n'était pas un travail juridique. C'était un travail de réforme législative.

Le sénateur Corbin: Croyez-vous qu'il soit possible pour vous, ou quelqu'un au gouvernement fédéral, de nous donner les noms des membres du Barreau qui travaillent dans l'establishment fédéral, dans les ministères et les agences? Serait-il possible d'obtenir cela?

M. Rosenberg: Je ne peux pas le garantir parce que je l'ignore. Si ces données sont disponibles et comptabilisées de cette façon, nous tenterons de répondre à votre question.

[Traduction]

Le sénateur Bolduc: Un bon nombre de vos employés travaillent à des causes criminelles. Cela absorbe à peu près la moitié des 40 millions de dollars, d'après ce que j'ai compris. L'autre moitié comprend les employés qui s'occupent de causes fiscales?

M. Dion: L'autre moitié comprend tout un éventail d'autres services qui se rapportent notamment à la Loi de l'impôt, à des questions civiles et des services consultatifs dans n'importe quel domaine du droit, y compris la fiscalité.

[Français]

M. Dion: Excusez-moi. On utilise très peu de mandataires en matière fiscale, cependant ce n'est pas exclu dans cette partie des 40 millions de dollars.

Le sénateur Bolduc: Quel est le domaine où vous utilisez le plus de mandataires, à part le criminel?

M. Dion: Je ne pourrais pas vous le dire. Nous avons au ministère des tableaux qui donnent les détails des dépenses par domaines du droit. On pourrait mettre ces tableaux à la disposition du comité.

Le sénateur Bolduc: Ce serait intéressant.

[Traduction]

Notre comité désire examiner la situation des employés permanents. Je voudrais y revenir. Vous avez un effectif d'environ 200 avocats, n'est-ce pas?

M. Rosenberg: Environ 1 500 avocats.

Le sénateur Bolduc: Certains d'entre eux, environ 40 p. 100, je suppose, travaillent au ministère de la Justice. Les autres sont répartis un peu partout, au ministère des Transports, aux Travaux publics, au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et cetera. Quels sont vos principaux clients?

M. Rosenberg: Affaires indiennes et du Nord Canada est un gros client depuis quelque temps en raison des revendications territoriales et des poursuites récemment intentées au sujet des pensions pour les jeunes autochtones. Il y a maintenant de gros ministères depuis la restructuration de 1993. De plus en plus, certains dossiers prennent des dimensions juridiques. Le ministère du Développement des ressources humaines est un très gros clients à plusieurs égards. Industrie Canada est un très gros client. Nous avons énormément de travail relié à la perception des impôts et aux douanes, et Revenu Canada absorbe à peu près le quart des ressources du ministère de la Justice.

Le sénateur Bolduc: Je suppose qu'un certain nombre de ces personnes travaillent à la rédaction des lois.

M. Rosenberg: Nous avons une section législative. Elle est divisée en deux. Il y a une section législative générale et une section spécialisée qui travaille en collaboration étroite avec le ministère des Finances à la préparation des lois fiscales.

Le sénateur Bolduc: La plupart de ce travail législatif, le travail de rédaction, est-il effectué par vos employés permanents plutôt que des contractuels?

M. Rosenberg: À de rares exceptions près, le travail de rédaction législatif du gouvernement canadien est fait par des employés du ministère de la Justice qui sont spécialisés dans ce domaine et qui ont généralement suivi le programme de certificat offert à l'Université d'Ottawa. C'est un champ de spécialisation.

Le sénateur Bolduc: Ces rédacteurs législatifs travaillent-ils au ministère de la Justice comme tel ou dans les divers ministères?

M. Rosenberg: À l'exception du groupe du Conseil fiscal, qui est en fait très restreint et dont les membres travaillent au ministère des Finances, le reste du groupe législatif se trouve à l'administration centrale du ministère de la Justice et travaille en collaboration très étroite avec les divers ministères.

Si un ministère désire entreprendre une réforme législative, par exemple si Industrie Canada veut modifier la Loi sur la faillite ou si Environnement Canada désire changer une loi environnementale, nos rédacteurs législatifs travailleront en équipe avec les responsables de la politique du ministère et les avocats des services juridiques du ministère en question qui comprennent les exigences juridiques qui lui sont propres. Les rédacteurs sont des experts de la rédaction et non pas du droit, mais ils apprennent rapidement. Cela fait partie des compétences du rédacteur; ces personnes comprennent rapidement quelles sont les questions qui se posent et comment traduire en jargon juridique ce que le ministère veut inclure dans la loi.

Le sénateur Bolduc: Un grand nombre de vos employés sont jeunes et vous avez dit qu'il fallait qu'ils trouvent des débouchés et des défis au sein du ministère. Les possibilités d'avancement sont limitées, mais l'une d'entre elles est la nomination au poste de juge. Quel pourcentage de vos avocats deviennent juges?

M. Rosenberg: Je n'ai pas ce chiffre sous la main. Je suppose qu'il est très faible.

Le sénateur Corbin: Aspirent-ils tous à devenir juge?

M. Rosenberg: Certains le souhaitent et certains ont d'autres aspirations.

Le sénateur Bolduc: Certains de vos employés finissent-ils par occuper des postes de sous-ministre dans divers ministères?

M. Rosenberg: Il y a des employés du ministère de la Justice qui sont devenus sous-ministres ou hauts fonctionnaires dans d'autres ministères et en fait, nous favorisons le passage d'un ministère à l'autre. Par exemple, nous avons maintenant un employé qui a été détaché au Secrétariat du Conseil du Trésor. Il ne fait pas de travail juridique, mais il va passer quelques années à acquérir une vision d'ensemble du gouvernement. Si cette personne décide de revenir chez nous, elle apportera une perspective différente à son travail.

Un autre employé nous a quittés il y a quelques années pour travailler au Bureau du Conseil privé. Là encore, cette personne ne fait pas du travail juridique, mais remplit des fonctions pour lesquelles il est utile de posséder une formation juridique. Je tiens à inciter un certain nombre de personnes à ne pas se contenter d'une spécialisation et à acquérir une vision plus globale du gouvernement.

Nous avons également eu des employés qui sont allés participer à des programmes d'échanges avec des universités, des cabinets juridiques du secteur privé ou des organismes internationaux. Cela élargit leur perspective. Notre personnel a des compétences diversifiées et nous voulons être certains de ne pas voir les choses de façon homogène. Nous réussirons si nous avons des employés ayant des opinions diverses et si nous pouvons tenir compte de toutes ces opinions. Nous produirons les meilleures lois et les meilleures politiques qui soient au ministère de la Justice grâce à des compétences approfondies et des expériences diversifiées.

Le sénateur Bolduc: Avez-vous dit que vous permettiez à certains de vos spécialistes d'enseigner dans les universités et les collèges?

M. Rosenberg: Oui. Un grand nombre d'entre eux enseignent dans des universités ou des écoles du barreau du pays, y compris en Ontario. Nous invitons nos employés à jouer un rôle actif dans le milieu du droit ou la société en général.

Le sénateur Bolduc: Ils n'ont pas le droit d'exercer le droit à l'extérieur.

M. Rosenberg: Non. S'ils travaillent au ministère de la Justice, ils travaillent pour le gouvernement. Ils ne donnent pas de conseils.

Le sénateur Cools: Le sénateur Bolduc voulait savoir si vous aviez les chiffres quant au nombre d'avocats du ministère qui deviennent juges. J'ai lu des études sur la question qui concluaient que de nos jours, la voie à suivre pour devenir juge était de travailler pour le gouvernement ou les pouvoirs publics. Il semble clair que, pour devenir juge, il faut travailler pour le ministère de la Justice, au niveau fédéral ou provincial. Ce n'est plus la politique qui conduit à la magistrature, comme c'était le cas avant.

Je me suis intéressée de très près à la façon dont fonctionne l'ACDI. L'ACDI est une créature étrange et unique sur laquelle le Parlement doit certainement se pencher, car depuis qu'elle existe, elle est constituée par décret du conseil. C'est une chose inhabituelle dans le contexte actuel.

Nous avons assez longuement discuté au comité des juges canadiens que l'ACDI finance pour remplir des fonctions sur la scène internationale. Comme chacun sait, c'est une situation qui inquiète de nombreux membres de notre comité.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont l'ACDI finance les juges par l'entremise du ministère de la Justice? Peut-être ne le savez-vous pas étant donné que votre nomination est assez récente. D'après ce que nous avons compris, c'est un système assez compliqué selon lequel l'ACDI donne de l'argent au commissaire des Affaires judiciaires pour permettre à des juges canadiens d'aller remplir certaines fonctions de par le monde. Nous essayons d'établir d'où vient cet argent, à combien il se monte, qui sont les juges qui remplissent ces fonctions et depuis combien de temps ils le font. Tout ce que vous pouvez nous dire à ce sujet nous sera utile. On en a beaucoup parlé dans les journaux, surtout dans le cadre d'entrevues avec le juge Lamer.

M. Rosenberg: Je n'ai pas ces renseignements sous la main. Je vais voir ce que je peux faire.

Le sénateur Cools: Je vous en remercie.

[Français]

Le sénateur Ferreti Barth: On parle beaucoup aujourd'hui de l'accessibilité au travail. Je me demande si le ministère de la Justice aurait un problème dans la fonction publique du côté des jeunes. Les jeunes ne sont plus intéressés à travailler pour le gouvernement. Quand on parle du ministère de la Justice, vous savez que chaque année, nous recrutons de jeunes avocats. Comment doivent-ils faire pour avoir accès aux emplois et présenter leurs candidature au ministère de la Justice? Y a-t-il des concours? Doivent-ils avoir une expertise spécifique? Si c'est le cas, pourquoi, dans les universités, en ce qui concerne l'enseignement du droit, ne présente-t-on pas des réquisitions très spécifiques pour inciter les jeunes avocats à apprendre ces matières pour que, le moment venu, le gouvernement puisse compter sur des jeunes déjà bien préparés? Ou alors, créez des programmes grâce auxquels les jeunes avocats pourront travailler, des programmes pilotes; après avoir complété ces programmes, les jeunes auront accès aux emplois. À Montréal, il y a beaucoup d'étudiants d'origine italienne. Ce sont des avocats sans travail, parfois pendant trois, quatre ou cinq ans. S'ils veulent travailler, ils doivent faire les chiens de garde dans des études d'avocats qui les exploitent, sans avoir la possibilité d'avoir accès à un emploi au ministère de la Justice.

M. Rosenberg: Je vais essayer de répondre à votre question quant au recrutement. D'autres parties de la fonction publique ne recrutent pas suffisamment de jeunes et de personnes d'âge moyen. C'est toujours une question de ressources. Il n'y a pas de garantie que ce sera toujours ainsi. Je crois que l'on doit garder à l'esprit que l'on doit toujours être en mesure, comme organisation, de se renouveler. Or, la meilleure façon de se renouveler, c'est de s'assurer que l'on a des ressources externes et des idées nouvelles. Pour les jeunes, c'est important, mais c'est important également pour les personnes qui font le même travail dans d'autres domaines, les avocats de pratique privée, les professeurs d'université et même les professionnels qui ne sont pas des juristes, mais qui ont quelque chose à ajouter à notre travail. Ce devrait être un objectif. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui exactement comment nous allons le réaliser, mais nous devons garder à l'esprit que nous devrons le faire. Quant aux incitations spécifiques, c'est une idée intéressante et je vais y songer. Je dois souligner qu' un étudiant en droit doit avoir des connaissances en droit public, en droit de la Charte, de la Constitution, de la rédaction de contrats, et cetera. Une bonne éducation juridique vous donne déjà tout cela. Serions-nous aujourd'hui en mesure de dire à quelqu'un qu'il ou elle doit privilégier tel ou tel sujet? Je ne sais trop. Il y a toujours de la concurrence dans les valeurs mobilières ou d'autres domaines semblables parce qu'on garantit que dans trois ou quatre ans, il y aura des emplois disponibles dans ce domaine. C'est difficile. Nous avons besoin de personnes capables de s'adapter aux changements. Ce que nous recherchons, ce n'est pas une personne avec une expertise spécifique. Il est rare que nous recrutions des jeunes en fonction de certaines spécialités, parce que par définition, les jeunes ne sont pas des spécialistes. Ce que nous voulons, ce sont des personnes capables d'apprendre en travaillant, et de changer. Doit-on considérer que le ministère de la Justice doit donner plus de renseignements sur le programme, la fonction et le mandat du ministère? Peut-être. Peut-être devrions-nous revoir la façon dont nous recrutons dans les écoles de droit, parce qu'elles sont une source de recrutement très importante pour nous. Je retiens votre suggestion.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup d'être venus. Nous l'apprécions vivement. Nous essayons toujours de comprendre un peu mieux comment vous procédez. Le comité va examiner le Budget des dépenses supplémentaire dans quelques semaines et il se peut que nous vous demandions de revenir pour cette occasion.

La séance est levée.


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