Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 23 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 17 février 1999
Le comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel est renvoyé le projet de loi C-41, modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne et la Loi sur la monnaie, et le projet de loi C-43, Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquences, se réunit aujourd'hui, à 17 h 30, pour examiner ces projets de loi.
Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte. Nous allons poursuivre tout d'abord notre examen du projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne et la Loi sur la monnaie.
Bienvenue, monsieur le ministre, c'est avec plaisir que nous vous accueillons aujourd'hui.
L'honorable Alphonso Gagliano, c.p., ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux: Monsieur le président, c'est pour moi un plaisir d'être parmi vous aujourd'hui pour débattre du projet de loi C-41. Je sais que vous connaissez déjà bien ce projet, puisque vous avez déjà rencontré la présidente de la Monnaie, Mme Danielle Wetherup, qui m'accompagne d'ailleurs aujourd'hui pour répondre à toute question technique que vous voudriez poser.
J'ai une brève déclaration à faire, monsieur le président, et j'aimerais passer la plupart du temps dont je dispose à répondre à vos questions.
Chaque fois que je parle de mes responsabilités à titre de ministre responsable de la Monnaie royale canadienne, je me sens privilégié, car elle est un outil important servant à définir l'identité canadienne, ses valeurs et sa culture. Pendant près d'un siècle, la Monnaie a réussi à fournir aux Canadiennes et aux Canadiens des symboles nationaux auxquels ils peuvent adhérer et s'identifier avec fierté.
[Français]
Je suis persuadé que Mme Wheterup vous a parlé avec éloquence et avec une grande expertise des divers aspects de son institution. La Monnaie royale canadienne est une société d'État à vocation entièrement commerciale, dont le mandat est de produire des pièces de monnaie pour le Canada et pour d'autres pays et de faire des profits. La monnaie fabrique et commercialise des pièces de collection de haute qualité, ainsi que des produits d'investissement de métaux précieux et offre des services d'affinage. Je suis fier de vous rappeler que la Monnaie royale a produit l'an dernier environ deux milliards et demi de pièces pour 17 pays différents. Les produits et services de la monnaie offerts à l'échelle mondiale représentent 80 p. 100 de ces recettes et contribuent à réduire les coûts globaux des pièces de circulation canadiennes. Non seulement la Monnaie royale recouvre ses coûts mais elle rapporte des profits. En 1998, ces profits ont atteint l'impressionnante somme de 4,5 millions de dollars. Je tire mon chapeau à la Monnaie royale et à sa présidente.
[Traduction]
La Monnaie produit et vend des pièces hors circulation au Canada et dans le monde entier. Les marchés de ces pièces évoluent constamment et sont très concurrentiels. Les personnes qui collectionnent les pièces et qui les achètent pour les offrir en cadeau exigent une grande diversité de dessins ainsi qu'une variété de coupures et de métaux. De même, les investisseurs recherchent des pièces d'investissement de différentes coupures et faites de différents métaux. La Monnaie requiert un cadre législatif qui lui permettra de répondre rapidement à de nouvelles demandes de production.
Je tiens à souligner que les amendements proposés vont être avantageux pour tous les Canadiens. Nous avons écouté les gens; nous avons tenu compte des préoccupations de nos collègues et nous avons accepté que le processus d'approbation des nouvelles pièces de circulation demeure la prérogative du Parlement. Par exemple, si le gouvernement décidait un jour d'émettre une nouvelle pièce de 5 $, il faudrait d'abord que le Parlement l'approuve.
[Français]
La proposition d'augmenter le pouvoir d'emprunter de la Monnaie royale de 50 millions à 75 millions de dollars en inquiète certains. Je tiens à profiter de cette occasion pour vous expliquer pourquoi ce changement est nécessaire pour que la monnaie puisse atteindre les objectifs de son plan stratégique à long terme. Ce pouvoir d'emprunt accru permettra à la monnaie de disposer d'une plus grande souplesse financière, ce qui lui procurera une plus grande marge de manoeuvre sur le marché. Pour pouvoir devenir le leader mondial dans le domaine de la frappe de monnaie, le monnayage, la Monnaie royale doit pouvoir rechercher agressivement de nouveaux débouchés et développer ses marchés actuels. Elle doit pouvoir répondre rapidement aux besoins financiers pour relever les défis et chercher les occasions qui parsèmeront sa route vers la réussite.
La Monnaie royale est une institution dynamique très respectée, qui évolue dans un marché mondial extrêmement concurrentiel. Elle a comme vision stratégique de miser sur les gens, sur l'innovation et sur la qualité pour devenir le chef de file mondial dans le domaine du monnayage. La Monnaie dispose du personnel, du talent et de la vision nécessaires pour atteindre cet objectif. Les propositions d'amendements à la Loi sur la Monnaie royale canadienne que nous débattons aujourd'hui, sont essentielles pour que la monnaie puisse progresser pour atteindre les normes élevées qu'elle-même s'est fixées.
[Traduction]
La Monnaie royale canadienne dessert très bien les Canadiens depuis 90 ans. Depuis sa constitution en société d'État, en 1969, la Monnaie a rapporté 164 millions de dollars de recettes et de bénéfices au gouvernement, sans compter le milliard et demi de dollars de seigneuriage et de bénéfices tirés de la vente de pièces de circulation aux institutions financières depuis 1987. Ces recettes sont versées directement au Trésor.
La Monnaie est une source de fierté nationale. Elle fournit un service essentiel à l'économie canadienne. Et elle crée de magnifiques pièces qui contribuent à célébrer de fiers symboles de notre pays. L'adoption du projet de loi C-41 procurerait à la Monnaie les outils dont elle a besoin pour devenir le chef de file mondial dans le domaine du monnayage, tout en continuant à être un atout pour tous les Canadiens.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
[Français]
Le sénateur Bolduc: Je dois vous avouer que je suis un de ceux qui ont insisté pour que veniez témoigner devant notre comité. Il est important que le ministre soit présent lors d'un amendement à la loi constitutive d'un organisme gouvernemental. C'est une question de responsabilité ministérielle. Je ne dis pas cela pour sous-estimer la capacité de ceux qui vous entourent, monsieur le ministre, car nous avons été à même de constater la semaine dernière que vous êtes bien entouré. C'est une question de principe et c'est pour cela que nous avons demandé votre présence.
Nous avons étudié le projet de loi la semaine dernière de sorte que mes questions ne seront pas très longues. Lors de cette séance nous nous sommes permis de poser des questions de politique à votre personnel. Je me sentais un peu dans l'embarras comme ancien fonctionnaire, mais j'ai pris une chance et les réponses reçues étaient satisfaisantes. Il y a peut-être deux points qui me chicotent.
Dans la ligne du budget de M. Martin énoncé hier, vous évaluez les profits à 4 ou 5 millions de dollars par année, permettant ainsi au gouvernement de les dépenser dans toutes sortes d'affaires: cela m'inquiète un peu plus. Je ne peux pas vous blâmer de faire des profits. Est-ce que c'est un 5 millions de profits que vous faites chaque année ou allez-vous vous fâcher et faire 10 millions de profits? Est-ce que vous mettez un peu de pression sur les cadres supérieurs de la Monnaie royale pour que les profits augmentent?
M. Gagliano: Bien sûr que la société a un mandat commercial. Nous nous attendons à chaque année qu'elle fasse des profits et qu'elle paie des dividendes au gouvernement. C'est le mandat qu'on lui a donné. Comme ministre responsable, on s'attend à des profits. Ces profits dépendent des circonstances car on travaille dans un marché mondial qui peut avoir des fluctuations. Mais comme vous l'avez dit, je suis bien entouré, la direction et le personnel font tous les efforts nécessaires. Et jusqu'à maintenant nous sommes satisfaits des résultats. Je ne peux pas dire que nous recevons le même montant tous les ans; il y a des années ou c'est moins et d'autres plus.
Le sénateur Bolduc: On vient d'apprendre tantôt que les profits étaient de l'ordre de 160 et quelques millions de dollars depuis 30 ans, alors cela représente environ 4 ou 5 millions par année.
M. Gagliano: Je n'ai pas les détails devant moi, mais je pense que certaines années nous n'avons pas eu de profits. Certaines années les profits sont plus et d'autres moins. Mais depuis les dernières années, nous sommes sur la bonne route.
Mme Danielle Wetherup, présidente, Monnaie royale canadienne: Il y a quatre ans, la Monnaie royale canadienne était dans un état déficitaire. Depuis quatre ans la Monnaie royale canadienne augmente ses profits annuellement. Je vous garantis que je suis très optimiste que l'an prochain notre rapport annuel aura certainement augmenté ses profits de 4,5 millions, on espère, à un minimum de 5,4 millions.
Le sénateur Bolduc: Vous vendez au gouvernement, mais aussi à 17 autres pays sans compter les particuliers: quand vous fabriquez de la monnaie pour le gouvernement du Canada, est-ce que vous la vendez en bas du prix coûtant de façon à ne pas leur demander trop cher et reprendre votre profit à l'étranger ou êtes-vous liés par des ententes de commerce international où vous devez donner le juste prix?
Mme Wetherup: Nous devons négocier tous les cinq ans un contrat d'approvisionnement avec le ministère des Finances. La Monnaie royale canadienne est entièrement commerciale contrairement à plusieurs de mes collègues qui ont droit au seigneuriage. Le seigneuriage est la différence entre la production de la pièce et la dénomination de la pièce. Cela nous coûte 13 sous pour faire une pièce de deux dollars, il se vend deux dollars, la différence c'est le seigneuriage.
Dans notre cas, les progrès que nous faisons en productivité -- et à la monnaie on a fait depuis quelques années jusqu'à 30 p. 100 de progrès en productivité -- nous permettent de diminuer nos coûts de production. Ce bénéfice retourne au trésor national dans un contexte de seigneuriage. Nos termes contractuels sont établis tous les cinq ans et même si nous améliorons notre productivité, ces argents vont au gouvernement.
Le sénateur Bolduc: En termes de «national treatment» vous traitez avec le gouvernement du Canada comme avec le gouvernement de la Thaïlande?
Mme Wetherup: Exactement, quand on négocie nous prenons les termes et les conditions établies pour être compétitif.
Le sénateur De Bané: Monsieur le ministre, j'aimerais vous dire combien je suis heureux que vous soyez ici aujourd'hui. Nous avons eu une excellente rencontre la semaine dernière avec la présidente de la Monnaie royale canadienne. Le message que j'ai retenu de ce que la présidente nous a dit, c'est que le projet de loi C-41 est absolument essentiel pour permettre à la monnaie, dans un univers concurrentiel farouche, où la Monnaie royale canadienne doit faire la concurrence à d'autres organismes analogues qui ont des instruments, des méthodes d'opération, des moyens que la monnaie n'a pas, qu'il est essentiel de donner à la monnaie ce cadre opérationnel afin qu'elle puisse avoir des chances raisonnables de concurrencer ces autres organismes appartenant à d'autres pays. Ce message, je pense, a été très bien compris par tous les membres du comité.
J'aimerais profiter de votre présence, monsieur le ministre, pour vous entendre nous redire quelque chose qui a été exprimé par certains membres du comité, dont le président.
[Traduction]
En ce qui concerne l'approbation de nouvelles pièces de monnaie, est-ce que le projet de loi C-41 permettrait à la Monnaie royale canadienne de décider de remplacer le billet de banque de 5 $ par une pièce, sans l'approbation du ministre ou du Parlement, ou est-ce que le projet de loi n'aura absolument aucun effet à cet égard, l'approbation du Parlement étant toujours nécessaire?
M. Gagliano: Tout d'abord, la Monnaie ne s'occupe que des pièces; c'est la Banque du Canada qui s'occupe du papier-monnaie.
En ce qui concerne le projet de loi dont vous êtes saisis, il n'y a pas de changement. La Monnaie peut proposer une nouvelle pièce de circulation sur le marché ou une nouvelle coupure, ou le retrait d'une pièce ou d'un billet de banque. Par exemple, l'année dernière, certains médias ont parlé de l'élimination de la pièce d'un sou. C'est le ministre des Finances qui doit prendre cette décision. La Monnaie ne peut pas prendre la décision d'éliminer la pièce d'un sou. Toutefois, la Monnaie royale canadienne peut présenter une recommandation relative à l'élimination de la pièce d'un sou.
À l'heure actuelle, nous avons une pièce d'un dollar et une pièce de deux dollars. Certains suggèrent la mise en circulation d'une pièce de cinq dollars. Pour mettre d'autres pièces de circulation sur le marché, il faut présenter une recommandation à la Chambre des communes et au Sénat.
Le sénateur De Bané: Monsieur le ministre, comme nous l'a expliqué Mme Wetherup, ce projet de loi permettrait d'augmenter le pouvoir d'emprunter dont la raison d'être nous a été clairement exposée.
J'aimerais être sûr que l'approbation du ministre sera toujours nécessaire en matière d'emprunt, lorsque pour certains projets, la Monnaie aura besoin d'emprunter. Le ministre devra-t-il toujours donner son approbation?
M. Gagliano: Le système actuel reste en place. C'est la quantité de pièces, laquelle passe de 50 à 75, qui change. Les approbations nécessaires seront toujours requises; je peux vous l'assurer, en ma qualité de ministre.
La présidente de la Monnaie consulte toujours le ministre pour connaître son avis avant de faire quoi que ce soit. Nous avons un bon système de gestion.
[Français]
Le sénateur De Bané: Je vous remercie, monsieur le ministre. Je tiens à vous dire l'excellente impression que nous avons eue de la haute direction de la Monnaie royale canadienne, la semaine dernière, lors de l'étude de ce projet de loi.
Le sénateur Lavoie-Roux: Suite aux questions du sénateur DeBané, j'ai eu une réponse à ma question. Pour l'amour du ciel, ne nous arrivez pas avec une nouvelle pièce de monnaie de 5 dollars! C'est déjà tellement lourd avec le un et le deux dollars et les autres monnaies, vous avez besoin d'avoir une bonne raison pour que je puisse jamais appuyer cela.
[Traduction]
M. Gagliano: Pour l'instant, je ne sais pas si la présidente de la Monnaie a des projets à cet égard. Je n'en ai pas.
Le sénateur Callbeck: J'ai une question rapide à poser au sujet des pièces d'édition spéciale; elles contribuent considérablement à notre culture et à notre histoire. Si une province ou une organisation souhaite avoir une pièce commémorant un événement, une fête, un anniversaire, et cetera, comment s'y prennent-elles?
M. Gagliano: Je vais essayer de nouveau de vous répondre rapidement. Nous avons mis en place un processus spécial pour les fêtes du millénaire. En ce qui concerne les autres événements, on nous demande de frapper de la monnaie pour des occasions spéciales. La Monnaie a toujours examiné ces demandes de près pour déterminer si elles sont valables et importantes.
Autre point -- et je vais laisser la présidente expliquer le processus interne -- lorsqu'il s'agit de pièces commémoratives, je crois que la Monnaie est très agressive et n'attend pas qu'une province, des gens ou des organisations lui présentent des idées. Elles sont les bienvenues, mais la plupart du temps, la Monnaie a un ou deux ans d'avance sur leurs programmes. Nous avons une bonne série de pièces.
Le sénateur Callbeck: Qui prend la décision?
M. Gagliano: La Monnaie fait les préparations, mais tout doit être approuvé par décret.
Le président: J'ai une question rapide à poser au sujet du placage des pièces, que j'ai d'ailleurs posée à la présidente, la semaine dernière.
Elle nous a assuré que le marché est en pleine expansion et que la société Westaim, située à Fort Saskatchewan, en Alberta, ne pouvait pas répondre à tous les besoins de la Monnaie royale canadienne. Étant moi-même de l'Ouest et croyant fermement à l'entreprise privée, je ne voudrais pas que cette société soit menacée par l'expansion des capacités de placage de pièces de la Monnaie royale canadienne à Winnipeg. Pouvez-vous me donner la même assurance, monsieur?
M. Gagliano: Oui, j'ai même rencontré le président de la société dont vous faites mention et je l'ai assuré que les relations de travail seraient maintenues. Cette société a une bonne réputation.
Le président: Si un tel potentiel existe, est-ce que Westaim prévoit augmenter sa production? Si un tel potentiel existait, elle pourrait prendre de l'ampleur, j'imagine.
M. Gagliano: Ce n'est pas à moi de donner des conseils à une société privée au sujet de son plan d'affaires. À un moment donné, Westaim a prévenu la Monnaie qu'elle pensait se retirer du marché. Puis elle est revenue; il y a eu quelques changements de gestion, et cetera.
Il faut être sûr des approvisionnements en pièces. En même temps, à cause du marché international, il y a beaucoup de travail. Cette société peut entrer en concurrence; il y a du travail pour elle.
Si, pour quelque raison que ce soit, Westaim ne peut pas répondre à nos besoins, nous devons nous assurer que les Canadiens continueront d'avoir accès à des pièces de monnaie.
Le président: Je comprends qu'il s'agit d'un milieu très concurrentiel et que vous avez du mal parfois à trouver des fournisseurs. Vous devez même faire des appels d'offre et acheter des flans à la Monnaie britannique en concurrence directe avec elle si bien que vous n'obtenez pas un bon prix. Toutefois, je ne tiens pas à stopper l'expansion d'une société privée. Je n'ai plus d'inquiétude.
Le sénateur Mahovlich: La semaine dernière, vous m'avez dit que les Américains allaient produire une pièce d'un dollar. Quand cela va-t-il se faire?
Mme Wetherup: Oui, c'est prévu pour cette année. Le Congrès examine trois dessins en ce moment. Le président de la Monnaie américaine prévoit lancer cette pièce cette année, fort probablement.
Le sénateur Mahovlich: Pensez-vous que le change posera un problème, ou faudra-t-il se promener avec un sac de pièces de 25 sous?
Mme Wetherup: La pièce américaine sera très attrayante, mais fort différente de notre pièce de un dollar.
Le sénateur Mahovlich: Avec le taux de change, cela pourrait poser un autre problème.
Mme Wetherup: Peu de gens changent des pièces de monnaie. Nous avons plutôt tendance à utiliser du papier-monnaie. Tout détaillant honnête vous donnera le taux du jour.
Je vous rappellerais également que les États-Unis sont l'un des rares pays du groupe G-10 qui n'aient pas de pièces de coupures élevées. Dans les pays d'Europe, les pièces valant 10 $ sont très courantes, qu'il s'agisse de la France, de l'Allemagne, de l'Angleterre ou de l'Italie.
Le sénateur Cools: Je tiens à remercier Mme Wetherup pour sa franchise. J'aimerais également la remercier d'avoir si rapidement répondu à mes questions la semaine dernière. Je la remercie en particulier de m'avoir bien expliqué la valeur de l'ancienne pièce canadienne de 20 sous.
Je tiens à remercier le ministre d'avoir bien voulu rencontrer notre comité et d'être venu aujourd'hui discuter et débattre des préoccupations des sénateurs. Le ministre sait très bien que les sénateurs croient profondément à la comparution de ministres devant eux. Je suis très heureuse que vous ayez fait honneur à cette belle tradition.
J'aimerais que vous nous assuriez, comme toujours, que la Monnaie continuera de fonctionner de façon exceptionnelle.
M. Gagliano: Très certainement. J'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous; c'est un honneur et un privilège. J'aurais été déçu si vous ne m'aviez pas demandé de venir.
Le président: J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Dhaliwal, ministre du Revenu national. Nous allons maintenant passer à l'examen du projet de loi C-43.
Je vous cède la parole, monsieur le ministre.
M. Herb Dhaliwal, ministre du Revenu national: Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis accompagné aujourd'hui par mon sous-ministre, M. Robert Wright, ainsi que par mon sous-ministre adjoint, M. Bill McCloskey.
Je me sens privilégié de comparaître pour la première fois devant le comité sénatorial permanent des finances nationales. En fait, c'est la première fois que je comparais devant un comité sénatorial.
Je suis très sensible au rôle que joue le Sénat dans la procédure parlementaire et je suis à l'écoute de vos délibérations. En tant que parlementaires, chacun de nous a la responsabilité de faire respecter les valeurs et les principes que nous partageons et qui nous définissent en tant que Canadiens. Il s'agit de l'équité, du partenariat, de l'universalité et de la responsabilité.
Le projet de loi que nous présentons reflète ces principes. C'est un projet de loi qui se tient et qui change quelque chose.
Il y a trois ans, le gouvernement s'est engagé à mettre sur pied une nouvelle agence fiscale. Il s'agissait d'un engagement exprimé dans le discours du Trône, mentionné dans notre budget fédéral et réaffirmé au cours de la dernière campagne électorale. Il s'agit d'un engagement que nous avons pris à l'égard des Canadiens et que nous avons l'intention de tenir, avec votre aide.
Il y a trois ans, nous avons amorcé un processus qui ne pouvait réussir qu'avec le soutien et l'engagement des sénateurs, des députés, de nos groupes d'intérêt et de nos employés. Nous avons demandé aux Canadiens de toutes les régions et de tous les horizons de nous faire part de leurs réactions.
Non pas une fois, mais à trois reprises, nous avons consulté les provinces et les territoires, les fiscalistes, les professionnels oeuvrant dans le domaine des douanes et des échanges commerciaux, ainsi que les organismes représentant les entreprises, en vue de savoir quel cadre, quelle structure et quelle organisation conviendraient le mieux pour l'agence. En fait, certains de ces groupes nous ont vus si souvent qu'ils se disaient: «Pouvez-vous nous laisser tranquilles? Nous vous avons assez vus.» J'ai vu plus de ministres provinciaux des finances que n'importe quel autre ministre du Revenu national.
Nous avons mis sur pied un comité consultatif spécial chargé de nous communiquer ses observations en permanence. Nous avons tenu compte des commentaires qui ont été formulés dans le cadre des séances de consultation officielles que nous avons tenues. Près de 10 000 de nos employés ont participé à ces séances. Nous avons récrit, passé en revue et révisé le projet de loi à la lumière des préoccupations exprimées et des avis précieux reçus tout au long de ce vaste processus de consultation.
Honorables sénateurs, le projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui a subi des modifications et des améliorations grâce, surtout, aux contributions apportées par les Canadiens.
Nous avons consulté une vaste gamme d'associations, de syndicats, de petites entreprises, de fiscalistes et de contribuables. Nous avons notamment sollicité l'opinion de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, de l'Institut canadien des comptables agréés, de l'Association du Barreau canadien et de l'Association canadienne d'études fiscales, pour n'en nommer que quelques-uns.
Nous avons écouté, nous avons appris et nous avons agi en fonction des conseils reçus.
À l'heure actuelle, chacun des organismes que je viens de citer a donné un appui enthousiaste au projet de loi. De plus, l'Institut des cadres fiscalistes, la Société canadienne des courtiers en douanes, l'Association de planification fiscale et financière, ainsi que l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada appuient ce projet de loi.
Honorables sénateurs, l'Agence des douanes et du revenu du Canada est un concept né d'un processus de consultation étendue et singulièrement démocratique, élaboré à partir d'un modèle typiquement canadien. J'ai parcouru tout le pays pour consulter les Canadiens. Plus récemment, j'ai entrepris une tournée de la Colombie-Britannique qui m'a emmené dans diverses villes du Lower Mainland. À chacun de mes arrêts, je me suis entretenu avec des propriétaires de petites entreprises écrasés par le coût massif lié à l'observation de la loi ainsi que par des montagnes de paperasserie.
L'Agence des douanes et du revenu du Canada introduira une nouvelle flexibilité et une nouvelle simplicité dans le processus fiscal. Il en découlera pour les petites entreprises du Canada des frais administratifs moins élevés ainsi qu'une réduction des chevauchements et du double emploi. Lors de ma tournée, je me suis également entretenu avec des propriétaires d'entreprises et des gens d'affaires dont les sociétés ont besoin d'un accès facile aux marchés internationaux. La nouvelle agence répondra à ce besoin en simplifiant les services douaniers.
Avant de faire de la politique, j'ai travaillé dans le monde des affaires pendant plus de 25 ans. Je connais donc bien la situation que vivent les gens d'affaires du Canada. La nouvelle agence cherche à supprimer le gaspillage et à favoriser la croissance de l'économie canadienne. Les petites entreprises sont le moteur de notre économie, ainsi qu'une source d'innovation. À mesure que les barrières commerciales disparaissent, que les communications s'élargissent et que les technologies progressent, nous avons besoin d'un régime fiscal capable de s'adapter aux changements; qui n'entrave pas le commerce électronique, mais qui, au contraire, l'encourage; qui ne fait pas obstacle au commerce international, mais qui plutôt le renforce; qui ne gêne pas le pouvoir des communications instantanées, mais qui peut au contraire l'exploiter pour le bien de tous les Canadiens.
L'Agence des douanes et du revenu du Canada tirera avantage des nouvelles technologies afin de réduire la paperasserie, d'accélérer les prises de décisions et de répondre aux besoins des Canadiens. Les entreprises canadiennes pourront ainsi consacrer moins de temps et d'argent pour traiter avec le gouvernement, et consacrer plus de temps et d'argent pour faire progresser notre économie et notre pays, ainsi que créer des emplois.
C'est une chose de promettre le changement, c'est une autre de tenir ses promesses. Toutefois, maintenant plus que jamais, les Canadiens exigent des comptes de leurs politiciens et de leurs institutions publiques. C'est pour cette raison qu'une obligation accrue pour le ministre de rendre des comptes est au coeur du présent projet de loi. Beaucoup de particuliers et d'organismes recommandent avec insistance que le ministre du Revenu national conserve sa responsabilité principale de gestionnaire, chose que je vais faire. Ils nous disent que l'Agence des douanes et du revenu du Canada doit continuer à faire partie de la fonction publique canadienne; ce sera le cas. Ils nous disent également que si un sénateur ou un député désire poser une question relativement à un cas particulier, je dois être là, en tant que ministre du Revenu national, pour lui répondre. Permettez-moi de vous assurer que ce sera le cas, car nous avons écouté ces messages et allons prendre les mesures qui s'imposent.
L'agence sera assujettie à des examens menés par le vérificateur général. Elle devra soumettre au Parlement des plans d'entreprise et des rapports sur le rendement. Ces procédures de dotation seront assujetties à des examens réguliers de la part de la Commission de la fonction publique. De plus, le Parlement procédera après cinq ans à une revue de la législation.
On nous a également signifié de simplifier les procédures et de nous assurer que les gouvernements travaillent de concert pour réduire le chevauchement et le double emploi et pour fournir un meilleur service aux Canadiens. La nouvelle agence répondra à ce besoin. Selon les estimations effectuées par le très respecté Forum des politiques publiques, les économies que permettra une administration unique, sur le plan des coûts liés à l'observation, s'élèveront annuellement, pour les entreprises, entre 116 et 193 millions de dollars. Par ailleurs, les gouvernements réaliseront des économies, sur le plan administratif, pourraient atteindre 62,5 millions de dollars.
Au Canada, nous savons que, pour construire quoi que ce soit de solide, ce doit être fondé sur la confiance, l'équité, la responsabilité et le partenariat. Il faut également établir des partenariats. Avec la création pied de la nouvelle Agence des douanes et du Revenu du Canada, nous cherchons à établir de nouveaux partenariats avec les provinces et les territoires. Nous voulons qu'ils aient une plus grande voix au chapitre de l'administration fiscale. C'est pourquoi nous avons prévu, dans cette législation, leur droit de proposer des candidats pour 11 des 15 postes du conseil de direction de l'Agence.
Je tiens à souligner que la participation des provinces et des territoires à ce nouveau régime est entièrement volontaire. Les provinces et les territoires continueront d'exercer le contrôle de leurs propres politiques fiscales, mais c'est la nouvelle agence qui appliquera ces politiques. Personne n'a jamais dit que le partenariat est chose facile. Nous sommes conscients qu'il n'y a pas de réponses ou de solutions simples. Le partenariat est fondé sur le consensus et le compromis. Il repose sur un équilibre délicat de concessions mutuelles. Nous comptons travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires pour atteindre cet équilibre. Les Canadiens souhaitent que les gouvernements travaillent de concert pour assurer le bien de leurs citoyens. Ils ne veulent pas que nous mettions en place des régimes parallèles dans tout le pays. L'entente qu'a conclu Revenu Canada avec la Colombie-Britannique pour gérer, en son nom, son programme de prestations familiales est un bel exemple du genre de partenariat que nous cherchons à créer avec les provinces et les territoires. Dans le cadre de cette entente, les économies que fait la Colombie-Britannique sur le plan administratif sont substantielles. Elles s'ajoutent aux économies que permettrait une administration fiscale unique, comme l'a souligné le Forum des politiques publiques dans son rapport. Notre gestion efficace du Programme de prestations familiales de la Colombie-Britannique a ouvert la voie à une coopération fédérale provinciale accrue dans la prestation des programmes. Une fois ce programme réalisé en Colombie-Britannique, l'Alberta, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et d'autres provinces ont manifesté leur voeu que nous collaborions à l'administration de leurs programmes de prestations fiscales pour enfant.
Revenu Canada a signé une entente de services avec la Nouvelle-Écosse en prévision de la mise sur pied de la nouvelle agence, en vue d'étudier la possibilité de l'administration des programmes provinciaux, comme le versement des prestations de la Commission des accidents du travail, au nom de la province. Cinq autres provinces étudient actuellement avec Revenu Canada la faisabilité pour l'Agence d'administrer d'autres programmes.
La nouvelle agence permettra la prestation d'un plus large éventail de services, adaptés aux besoins des provinces et des territoires. En toute franchise, je comprends les provinces qui préfèrent attendre pour voir si l'agence peut effectivement tenir ses promesses. Il est tout à fait sensé d'examiner la marchandise avant de l'acheter. J'encourage mes collègues provinciaux à continuer leur observation attentive du processus de mise sur pied de la nouvelle agence.
Comme notre nation elle-même, l'Agence des douanes et du Revenu du Canada représentera une institution vivante capable de s'adapter, de mûrir et de se perfectionner en fonction de l'évolution de la conjoncture et des besoins des Canadiens. Tout au long du processus, nous avons déjà pu, à plusieurs reprises, voir se manifester cette capacité d'évoluer et de se perfectionner. À titre d'exemple, citons l'Initiative en matière d'équité que nous avons lancée au printemps de 1998, qui visait à demander aux Canadiens leur opinion sur des façons d'améliorer les pratiques du ministère en matière d'équité. Nous nous sommes pour cela associés avec le Conference Board du Canada, afin d'assurer l'objectivité du processus. Dans son rapport préliminaire sur le résultat des consultations menées, le Conference Board a déclaré que «Revenu Canada... jouit d'une bonne réputation, tant au pays qu'à l'étranger au sein d'agences des douanes et du revenu, et est reconnu comme un chef de file et une organisation novatrice et efficace». Le rapport indiquait en outre que Revenu Canada avait tout ce qu'il fallait pour assurer aux Canadiens un traitement équitable. C'était donc, incontestablement, un vote de confiance.
Le 9 février, nous avons réitéré cet engagement de Revenu Canada de traiter les Canadiens de façon équitable, en publiant deux documents connexes, soit notre Stratégie en sept points pour l'équité et l'Engagement envers l'équité. Honorables sénateurs, je peux vous assurer que l'équité sera non seulement une règle de l'agence, mais aussi l'une des valeurs fondamentales qu'elle défendra.
De plus, nous nous sommes assurés que les Canadiens pourront recevoir dans tout le pays des services dans la langue officielle de leur choix. C'est la loi. Nous nous sommes également assurés que l'agence se conformera aux lignes directrices du Programme de coordination de l'image de marque. Nous préserverons la visibilité du gouvernement fédéral dans tout le pays.
Nous avons conféré à l'agence la flexibilité voulue pour traiter les aspects fondamentaux sur le plan des ressources humaines, comme l'embauche, la formation et le maintien en poste d'employés qualifiés, en vertu d'un cadre de dotation qui convienne non seulement à l'agence, mais aussi à ses employés. Comme vous tous, je suis convaincu que le régime politique du Canada, et spécialement notre administration fiscale et douanière, constitue le régime le plus respecté au monde. C'est un héritage qui s'est constitué avec le temps grâce au travail, au dévouement et à l'intelligence de milliers de fonctionnaires talentueux et consciencieux.
Nos fonctionnaires font partie intégrante d'une administration fiscale et douanière sans égale. Je n'ai aucunement l'intention de les laisser tomber. La nouvelle agence sera conçue de manière à assurer une gestion plus rapide, plus simple et plus transparente des ressources humaines. Les mutations d'un poste à l'autre seront plus faciles. Il faudra moins de temps pour doter les postes ainsi que pour traiter les promotions et les transferts. Les mécanismes de recours seront plus accessibles et plus efficaces.
Dès le départ, l'équité et l'ouverture ont été le fondement de l'élaboration du projet de loi C-43. Si notre régime fiscal s'est maintenu avec succès au fil des ans, c'est uniquement parce que chaque Canadien a vécu en accord avec ces principes.
En ma qualité de ministre du Revenu national, je me sens investi de la responsabilité spéciale de respecter leur exemple. C'est pourquoi je me suis engagé à élaborer, dans un très proche avenir, un plan de mise en oeuvre de chacun des sept points soulevés dans notre stratégie en matière d'équité. Nous voulons nous assurer que notre régime fiscal continue de respecter cette norme des plus honorable. Je compte continuer de demander l'avis des Canadiens et des employés de Revenu Canada sur des façons d'améliorer encore le système.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-43 vise effectivement à créer pour notre pays un modèle proprement canadien d'administration des douanes et des recettes. Il vise la prestation d'un meilleur service aux Canadiens. Il vise l'innovation par l'établissement de partenariats. Il vise l'obligation de rendre compte enchâssée dans nos traditions parlementaires. Il vise l'équité, qui est le fondement même des valeurs que nous partageons.
Honorables sénateurs, cela a été pour moi un honneur et un plaisir de participer à l'examen que vous menez relativement à cet important projet de loi. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Callbeck: J'aimerais que vous nous expliquiez le rôle que vous aurez dans cette nouvelle agence. Je sais que vous ne participerez pas à la prise quotidienne des décisions. Je présume que vous ne ferez pas partie du processus de prise de décision de l'agence. Quel sera exactement votre rôle?
M. Dhaliwal: Permettez-moi d'expliquer le modèle original, pour illustrer comment nous sommes arrivés où nous en sommes.
Dans le cadre du processus de consultation, l'agence était perçue à l'origine comme une agence indépendante du gouvernement. Lors des consultations que j'ai menées dans tout le pays, j'ai appris que les Canadiens préféraient que cette agence ait une obligation de rendre compte. La fonction de perception de l'impôt est très importante. J'étais tout à fait d'accord avec eux.
D'une agence indépendante, c'est devenu une agence fédérale dirigée par un ministre entièrement responsable, tenu de rendre compte au Parlement. Je serai responsable du programme. Nous n'endossons aucune des responsabilités visées par la Loi de l'impôt sur le revenu ni par la Loi sur la taxe d'accise, et le ministre conserve ces responsabilités pour l'instant. J'aurai plein pouvoir sur l'agence. En vertu de la loi, je peux émettre une directive au conseil d'administration si je pense qu'il a pris une décision qui ne respecte pas les priorités du gouvernement ou sa politique. Le conseil ne peut pas s'opposer à cette directive.
Le conseil de direction est chargé de la gestion quotidienne de l'agence, de tout ce qui concerne les biens réels, ainsi que des ressources humaines, sur le plan des négociations. Cependant, le ministre du Revenu national assume encore la direction générale et la responsabilité de l'agence. Nous mettons sur pied une agence fédérale très solide.
Le sénateur Callbeck: Vous avez dit pouvoir émettre une directive que le conseil est tenu de suivre. Par exemple, si l'Agence instaure de nouveaux droits d'utilisation ou les augmente, avez-vous votre mot à dire là-dessus? Pouvez-vous l'en empêcher?
M. Dhaliwal: La loi ne permet pas au conseil d'administration d'instituer des droits d'utilisation. Il serait astreint au même processus que moi, le ministre du Revenu national, c'est-à-dire qu'il devrait s'adresser au gouverneur en conseil. L'agence n'aurait absolument pas le pouvoir d'administrer des droits d'utilisation, quels qu'ils soient. Cela a été prévu dans la loi. La situation ne serait pas différente de ce qu'elle est maintenant, mais nous n'avons aucune intention d'instaurer des droits d'utilisation.
Les droits d'utilisation qui existent déjà sont ceux qui sont perçus lorsque quelqu'un demande une décision par anticipation sur l'implication d'une taxe. C'est assez mineur et nous n'envisageons pas de changements sur ce plan. L'Agence ne peut pas instaurer de droits d'utilisation. Elle doit se conformer au processus en vigueur actuellement.
Le sénateur De Bané: Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous voir ici avec vos principaux collaborateurs. J'aimerais saisir cette occasion pour vous poser quelques questions qui préoccupent les gens que j'ai consultés.
Vous avez souligné que cette agence sera en mesure d'améliorer et d'augmenter les services offerts aux contribuables canadiens. Pourriez-vous nous donner des exemples de ce que cette agence pourra faire qui n'est pas du ressort du ministère du Revenu national aujourd'hui? Cela contribuerait beaucoup à vous octroyer le soutien des Canadiens.
M. Dhaliwal: Je vous remercie de poser cette importante question, sénateur.
En fondant l'agence, nous créons un véhicule qui nous permettra de collaborer avec les provinces. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Nous essayons de convaincre les provinces d'avoir un seul numéro d'entreprise pour toutes les petites entreprises qui traitent avec le gouvernement fédéral et un gouvernement provincial. Il n'y aurait donc qu'un seul numéro d'entreprise plutôt que de nombreux numéros auxquels s'adresser. Cela permettrait de réaliser de grandes économies sur les coûts d'observation.
La Commission des accidents du travail est un autre exemple. Nous travaillons avec la Nouvelle-Écosse. Pour le moment, les cotisations de la Commission des accidents du travail dans cette province sont calculées selon les charges de personnel. Les entreprises doivent verser une cotisation fondée sur une estimation de leurs charges de personnel. Elles doivent payer par anticipation. S'il y a une erreur de 25 p. 100 dans leur estimation, elles doivent payer une amende. Le milieu des affaires doit effectuer des retenus à la source toutes les deux semaines, qu'elles envoient ensuite à Revenu Canada. Pourquoi n'en est-il pas de même des cotisations des accidents du travail? Nous pourrions réaliser des gains d'efficience sur l'administration, les frais de financement et les amendes. C'est donc un exemple du genre de choses que nous pouvons faire pour les gens d'affaires, pour leur permettre de réaliser des économies sur les coûts d'observation.
En ce moment, les coûts d'observation des entreprises s'élèvent à 3,4 millions de dollars. Nous nous efforçons de créer un système qui nous permette de collaborer avec les provinces pour réduire les coûts d'observation qu'assument les entreprises.
Pour ce qui est de notre mode de fonctionnement, nous cherchons à créer un cadre de dotation qui soit plus souple, de manière à ce que si nous avons besoin de quelqu'un, il ne soit pas nécessaire d'attendre six mois pour l'embaucher. Nous ne voulons pas que les employées doivent attendre deux ans pour obtenir une promotion. Nous voulons être une organisation beaucoup plus souple.
Nous voulons créer avec les provinces un système d'administration fiscale unique. Nous percevons actuellement 50 p. 100 des impôts pour le compte des provinces. Cependant, il y a d'énormes possibilités de faire plus. Par exemple, la Colombie-Britannique perçoit un impôt sur le capital social. Il n'y a pas de raison que les gens qui remplissent leur déclaration de revenus de leur société ne puissent pas faire cela en même temps.
Dans la situation actuelle, nous ne pourrions pas offrir de percevoir une taxe de vente provinciale qui n'est pas harmonisée. Cependant, l'Agence pourrait se présenter à la province et lui dire «Nous comprenons que vous ne vouliez pas harmoniser la taxe de vente, et c'est votre droit, mais nous pouvons maintenant nous charger de percevoir votre taxe de vente provinciale, au même prix que cela vous coûte». Ainsi, les gens d'affaire n'auraient à remplir qu'une seule formule et à traiter avec une seule organisation plutôt qu'avec plusieurs.
Ces politiques offrent de nouveaux choix qui n'existaient pas auparavant. Ceux-ci permettront de réduire les coûts administratifs et aussi les coûts d'observation.
Pourquoi est-ce que cela nous importe tant? La productivité est un facteur très important pour les entreprises canadiennes. Si nous pouvons réduire les coûts d'observation de l'entreprise, leurs produits et services peuvent devenir plus compétitifs. Nous sommes un pays commerçant, est c'est important. Par conséquent, nous pouvons contribuer à l'émergence d'une économie plus productive.
Le sénateur De Bané: Comme je suis avocat, il y a une question qui me tient à coeur. Le service juridique de votre ministère offre des conseils juridiques. Il se dresse entre les contribuables et les objectifs généraux du ministère. Il veille à ce que les travaux du ministère sont conformes à notre Constitution et à la loi du pays.
Si une agence distincte doit naître demain, est-ce que le personnel du service juridique serait aussi indépendant, compte tenu de ses obligations, et cetera, pour fournir des conseils juridiques au ministère? Si les contribuables ont droit légalement à une exonération, ou quoi que ce soit, auront-ils une certaine marge de manoeuvre ou devront-ils automatiquement défendre les intérêts de l'agence?
M. Dhaliwal: Pour l'instant, le ministère de la Justice fait toutes nos démarches en matière juridique et nous donne des conseils juridiques. Cette relation ne changera pas. Le ministère de la Justice continuera de nous conseiller. Si nous souhaitons obtenir des conseils juridiques ou faire effectuer du travail légal par des services externes, nous devrons nous adresser au gouverneur en conseil. Donc, cette relation ne change pas.
Le sénateur De Bané: Je suis satisfait de cette réponse.
Sur un autre plan, vous avez dit que cela ne ressemble pas à votre ministère de licencier des employés. D'un autre côté, il me semble que vous n'êtes pas en position d'offrir une garantie de plus de deux ans à vos employés à contrat ou titulaires d'un poste de durée indéterminée.
N'y a-t-il pas une certaine contradiction entre cette intention de ne pas se servir de cette Agence pour réduire les effectifs, alors que d'un autre côté vous ne voulez pas leur garantir plus de deux ans?
M. Dhaliwal: Premièrement, je crois que personne d'autre à la fonction publique offre de garantie de deux ans; nous nous montrons donc exceptionnellement généreux. Deuxièmement, tout le concept de l'administration fiscale unique vise à encourager les provinces à se décharger un peu plus sur nous de certaines fonctions. Si nous arrivons à les convaincre, en fait, nous aurons plus de responsabilités et plus de travail à faire avec les provinces. Je ne prévois pas que la création de l'Agence nous force à réduire nos effectifs. Cependant, c'est une conséquence normale de la technologie, qui aura un rôle très important dans la perception des recettes.
Je disais plus tôt que les Canadiens ne souhaitent pas que nous établissions des régimes parallèles dans tout le pays. La conception de plates-formes technologiques est coûteuse. Ainsi, il peut en coûter 140 millions de dollars pour construire une nouvelle plate-forme qui permettrait aux entreprises de soumettre leurs déclarations de revenus et aux particuliers de verser la TPS par voie électronique, de même que toutes les autres taxes. Nous ne voulons pas établir de régimes parallèles dans tout le pays.
Permettez-moi de vous donner un exemple à propos des prestations fiscales pour enfant. La province verse ces prestations, semblable à la prestation fiscale pour enfant que verse le gouvernement canadien. Lorsqu'on nous a demandé d'administrer les prestations fiscales pour enfant versées aux Canadiens à revenu faible et moyen, nous avons affirmé pouvoir le faire. C'est un programme de 400 millions de dollars. Nous l'administrons pour 2 millions de dollars. Sa mise sur pied leur aurait coûté probablement 20 millions de dollars. Pourquoi cette différence? Nous avons l'information, l'infrastructure et les systèmes informatiques nécessaires, ce qui fait que nous a permis d'offrir ce programme à bien moindre coût que pour la province. Là-dessus, d'autres provinces nous ont demandé de faire de même pour eux. Ainsi, les provinces n'auraient pas besoin d'établir les régimes parallèles puisque nous disposons déjà d'une infrastructure nationale que nous pouvons mettre à profit. Nous faisons des investissements qui aideront les provinces. Voilà ce que je veux dire par l'offre d'un meilleur service aux Canadiens.
De plus, le commerce électronique bouleversera nos façons de brasser des affaires. Les gens ne se rendent pas compte que toute cette industrie va exploser avec l'avènement du commerce électronique. Les provinces, toutefois, n'y participent pas parce que, si un Québécois vend un produit à quelqu'un de la Colombie-Britannique, qui se chargera de percevoir la taxe provinciale pour la Colombie-Britannique? La taxe de vente provinciale ne sera peut-être pas perçue. Par conséquent, il faut que la section de la cotisation puisse travailler à une échelle nationale ainsi qu'internationale. Le système de commerce électronique est une réalité, et il faut que nous conservions à notre régime fiscal son intégrité.
J'aimerais en revenir à mon observation initiale. Ce n'est pas un exercice de mises à pied, mais bien d'amélioration du service offert aux Canadiens. C'est aussi une question de créer des choix et des possibilités de travailler avec les provinces qui n'existent pas actuellement.
Le sénateur De Bané: Ma dernière question, monsieur le ministre, concerne la responsabilité ministérielle. Cette question est vraiment au coeur de tout le malaise, si j'y puis dire. Comme vous le savez, le poste de ministre tire sa légitimité du fait que le gouvernement a la confiance de la chambre du Parlement. Si jamais il perd cette confiance, il devra démissionner. Naturellement, tous les Canadiens savent que, lorsque nous recevons notre avis de cotisation du ministère, il n'est pas question de faire de l'intervention politique. Par contre, chaque Canadien sait que, si ses droits ou son opinion ne sont pas respectés, il peut toujours s'adresser en dernier recours au ministre parce que lui et le gouvernement ont des comptes à rendre à la population.
Tout ce que je souhaite, monsieur le ministre, c'est que vous répétiez que la création de cette agence n'empêchera pas les Canadiens de s'adresser à leur représentant élu si jamais ils estiment avoir été injustement traités par des fonctionnaires.
M. Dhaliwal: Tout d'abord, permettez-moi de préciser, sénateur, que vous venez d'énoncer ce que de nombreux Canadiens m'ont dit, à moi et aux ministres provinciaux des finances. Ils souhaitent pouvoir s'adresser à quelqu'un qui sera responsable de l'agence.
Dans les lois, le concept initial a été modifié. Je l'ai changé de manière à inclure la pleine responsabilité ministérielle à l'égard du Parlement et de tous les parlementaires. Tout député peut m'interroger, et je lui rendrai des comptes complets au sujet des mesures prises par l'agence. La pleine responsabilité ministérielle est inscrite dans la loi, ce qui a de l'importance pour les Canadiens. Des Canadiens de tout le pays de même que des parlementaires nous l'ont dit.
J'ai également inclus un examen quinquennal, effectué par un comité parlementaire, des objectifs fixés à l'agence. Trop souvent, nous adoptons une loi au Parlement et nous n'en vérifions pas l'efficacité par la suite. Cette agence subira un examen quinquennal de sorte que le Parlement pourra vérifier qu'elle fonctionne bien comme prévu.
Le sénateur De Bané: C'est un grand plaisir que d'avoir ce dialogue avec vous.
le sénateur Carstairs: En tant qu'ex-parlementaire provinciale, j'estime que la partie la plus intéressante de ce projet de loi est le fait que nous accordions enfin aux provinces le droit de participer jusqu'à un certain point au conseil de direction de Revenu Canada.
Arrêtez-vous simplement au nombre de taxes que Revenu Canada perçoit pour chaque province. Il prélève notamment pour le Nouveau-Brunswick six taxes différentes. Si ma mémoire est bonne, environ 49 p. 100 de toutes les taxes prélevées dans cette province sont perçues par Revenu Canada. Il me semble donc tout à fait convenable que quelqu'un du Nouveau-Brunswick fasse partie du conseil et que cette personne soit en fait nommée par la province, plutôt que par le gouvernement fédéral.
Donc, si une province décide de ne pas faire prélever ses taxes par Revenu Canada ou par cette nouvelle agence de revenu, aura-t-elle tout de même droit à un représentant au conseil de direction?
M. Dhaliwal: Nous percevons 80 p. 100 des taxes de certaines provinces de l'Atlantique. Le processus d'harmonisation avec les provinces atlantiques comprenait, en partie, de créer une agence à laquelle elles pourraient faire des représentations. Elles souhaitaient avoir leur mot à dire. C'est pourquoi les provinces proposeront des candidats à 11 des 15 postes. Chaque province proposera trois noms. Nous en choisirons un.
Si une province n'est pas disposée à proposer un nom, nous pouvons nommer quelqu'un pour faire en sorte qu'il y ait une représentation de toutes les régions du pays. Nous pouvons le faire inclure dans la loi.
le sénateur Carstairs: Ma deuxième question concerne la politique générale de votre ministère. Le père de mon époux a 86 ans. Chaque mois, j'envoie un chèque à Revenu Canada représentant les impôts retenus à la source et les cotisations au RPC et à l'assurance-emploi des employés qui prennent soin de mon beau-père. Laissez-moi vous dire, monsieur le ministre, qu'il n'est pas facile de passer en revue tous ces livrets pour faire les calculs.
Il faut aussi que j'envoie un chèque à la province de la Colombie-Britannique comme contribution à l'indemnisation des accidentés du travail. Pouvez-vous me donner l'assurance que vous allez simplifier ce régime?
M. Dhaliwal: La simplification est un de nos principaux objectifs. Vous avez une idée de ce que subissent les gens d'affaires tous les jours.
le sénateur Carstairs: Toutefois, je ne fais pas un profit.
M. Dhaliwal: Ce ne sont pas toutes les entreprises qui font des profits. Imaginez-vous en train de traiter avec trois ou quatre autorités fiscales différentes. Le nombre de formulaires à remplir est incroyable. Ce serait merveilleux si un programme d'ordinateur pouvait, à partir du montant brut, effectuer les calculs et envoyer les chèques par ordinateur à tous les organismes.
Nous voulons offrir des options. Notre but à long terme est d'avoir un seul organe d'administration fiscale où payer les taxes. Un jour peut-être, cela inclura les taxes municipales. Pourquoi ne pas vous donner le choix, si vous souhaitez payer vos taxes municipales au moyen de retenues à la source? Cela aidera à créer de nouvelles options. Si les gouvernements peuvent se concerter et créer un seul organisme d'administration fiscale, nous y gagnerons tous puisque l'économie sera plus productive et que nous offrirons de meilleurs services aux Canadiens.
Le président: Avec votre permission, monsieur, le comité va s'ajourner maintenant parce que nous souhaitons délibérer à huis clos d'autres questions.
Pourrions-nous vous demander de revenir à 10 h 45, demain matin?
Le sénateur Cools: Je tiens à vous remercier et à vous féliciter, monsieur le ministre, car je suis très consciente qu'il s'agit de votre première rencontre avec un comité sénatorial. Je vois avec plaisir qu'il ne vous a pas fallu beaucoup de temps pour vous sentir à l'aise. Vous semblez si disposé à nous rencontrer et si maître de vous.
Je tiens également à vous remercier d'avoir présenté un projet de loi très progressiste. Je fais écho au souhait exprimé par le sénateur Carstairs de voir le système simplifié pour le compte des Canadiens.
Je fais également miennes certaines préoccupations exprimées par le sénateur Callbeck. Très souvent, nous faisons bon accueil à ces initiatives et à ces innovations. Quand elles surviennent, le ministre nous affirme que la responsabilité ministérielle sera préservée. Puis, quelques années plus tard, on nous dit qu'il est inconvenant pour les parlementaires de communiquer avec des tribunaux comme la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Vous avez répondu à mes préoccupations, ce dont je vous suis reconnaissante. Je remercie aussi le secrétaire parlementaire.
Ai-je bien compris que vous souhaitez que le ministre revienne demain matin? Il nous a informés qu'il est disponible demain, mais nous pourrions peut-être le laisser s'occuper de ses dossiers.
Le président: Nous siégeons à 10 h 45. Nous avons deux autres témoins à entendre. Si vous pouviez être ici à midi, monsieur le ministre, ce serait parfait, car nous aurons encore la salle.
Nous allons passer à autre chose, car il ne nous reste plus beaucoup de temps. Revenons au projet de loi C-41, modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne et la Loi sur la monnaie. Il faut en faire l'étude article par article.
Le sénateur Cools: Je propose que nous fassions l'étude article par article du projet de loi.
Le président: L'adoption du titre est-elle reportée?
Des voix: D'accord.
Le président: Je ne crois pas que le projet de loi à l'étude pose problème. L'article 1 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: L'article 1 est adopté.
L'article 2 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: L'article 2 est adopté.
Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter l'article 3?
Des voix: D'accord.
Le président: L'article 3 est adopté.
Pour accélérer le processus, plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter les articles 4 à 15 inclusivement?
Des voix: D'accord.
Le président: Les articles 4 à 15 inclusivement sont adoptés.
Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter l'annexe?
Des voix: D'accord.
Le président: L'annexe est adoptée.
Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le titre est adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi est adopté.
Suis-je autorisé à faire rapport du projet de loi sans amendement?
Le sénateur Cools: Je propose que vous fassiez rapport du projet de loi sans amendement demain.
Le président: Je vous remercie. La séance publique du comité est levée. Nous passons maintenant à une réunion à huis clos.
Le comité poursuit ses délibérations à huis clos.