Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 24 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 18 février 1999
Le comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-43, Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour l'étude du projet de loi.
Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je tiens à remercier le ministre Herb Dhaliwal et ses adjoints d'être venus ce matin. Nous vous écoutons.
M. Herb Dhaliwal, ministre du Revenu national: Malheureusement, le sous-ministre et le sous-ministre adjoint n'ont pas pu m'accompagner ce matin. Je voudrais toutefois vous présenter les fonctionnaires qui m'accompagnent: William Crandall, sous-ministre délégué, Robin Glass, sous-ministre adjoint, Ressources humaines, et Sherry Moran, directrice de la législation, Agence des douanes. Ils seront à même de répondre à vos questions d'ordre technique, le cas échéant.
Le président: Nous nous inquiétons des demandes d'accès à l'information, en raison d'une affaire qu'a portée à mon attention Ken Rubin, conseiller en accès à l'information. En avril dernier, il a demandé des renseignements à Revenu Canada et les a reçus hier soir, soit bien après les délais prévus. Le commissaire à l'information du Canada a écrit à M. Rubin en lui disant que l'enquête avait établi que Revenu Canada n'avait pas répondu à la demande dans les délais voulus et que, de ce fait, le ministre est considéré comme ayant refusé l'accès aux dossiers, conformément au paragraphe 10(3) de la loi.
Au départ, on a dit à M. Rubin qu'il recevrait les documents le 18 février, mais il ne les a récupérés qu'en fin de journée hier. Vous avez déclaré que, en votre qualité de ministre, vous avez la situation bien en main. Lorsqu'il sera établi que cette agence est indépendante du gouvernement -- autrement dit, un organisme distinct de ce dernier -- avec vous à la barre, dans quelle mesure pouvons-nous avoir confiance dans ce projet dans lequel vous allez vous lancer? Dès qu'un problème épineux se pose, on se heurte à des murs et il est très difficile d'obtenir des renseignements. Notre préoccupation n'est pas compatible avec ce que vous nous dites. Pourriez-vous répondre à cela, monsieur le ministre?
M. Dhaliwal: Monsieur le président, je ne peux pas vous parler de l'exemple précis où les renseignements n'ont pas été fournis dans les délais voulus. Cela dépend parfois du genre de demande et du genre de renseignements demandés. Toutefois, nous essayons de faire en sorte de répondre dans les délais voulus.
Si le commissaire à l'information me signale que l'agence ne fournit pas les renseignements dans les délais voulus, en ma qualité de ministre, je peux émettre une directive, tout comme je le fais aujourd'hui à l'égard du ministère, pour m'assurer qu'il y a suffisamment de ressources disponibles pour remplir nos obligations et tenir nos promesses en matière d'accès à l'information, c'est-à-dire fournir les renseignements dans les délais voulus. Je peux transmettre cette directive au conseil de direction et demander une mise à jour les années qui suivent. Je peux donner l'ordre au conseil de direction d'affecter plus de ressources à cette activité, si c'est là l'origine du problème.
L'agent d'information continuera de venir examiner la situation avec nous, comme cela se fait à l'heure actuelle. Un rapport peut être présenté au ministre sur les éventuels progrès réalisés. S'il n'y a pas eu d'amélioration, je peux émettre une directive au conseil de direction en lui demandant d'affecter plus de ressources à cette fonction. Le conseil ne peut pas refuser de s'y plier et il sera tenu de suivre cette directive. Notre ministère débloque des ressources supplémentaires pour s'assurer qu'il fournit l'information demandée dans les délais voulus.
Le président: Je n'en suis pas pour autant convaincu que lorsque le projet envisagé sera en vigueur, vous aurez davantage la haute main sur la situation. Je pense que ce sera le contraire.
Vous prenez certaines mesures avec les provinces qui donnent de bons résultats. Vous avez conclu des ententes avec les provinces et collaboré avec succès avec elles pour certaines activités. Que pourrez-vous faire lorsque la nouvelle agence sera créée qu'il vous est impossible de faire dans le cadre du système actuel?
M. Dhaliwal: Vous mettez le doigt sur l'essentiel. À l'heure actuelle, nous percevons des impôts et taxes pour les provinces. Dans certains cas, le montant des taxes et impôts perçus est très faible mais dans d'autres, il peut aller jusqu'à 80 p. 100.
À l'heure actuelle, une province qui souhaite que le gouvernement fédéral perçoive pour elle les impôts et taxes s'adresse au ministre des Finances et les taxes sont perçues aux termes de l'Accord de perception fiscale. Lorsque les taxes et impôts sont perçus aux termes de cet accord, c'est le gouvernement fédéral qui en assume les frais. L'an dernier, si la province de la Colombie-Britannique nous avait demandé de ne percevoir que sa taxe de vente provinciale, nous lui aurions dit de s'adresser au ministère des Finances. Ce dernier lui aurait dit: «Si vous souhaitez harmoniser votre taxe de vente avec la nôtre, venez nous parler.» Comme vous le savez, bon nombre de provinces ne veulent pas de l'harmonisation.
Nous voulons permettre à une province de dire: «Nous ne souhaitons pas harmoniser les taxes de vente, mais nous admettons qu'il y a d'énormes avantages à faire percevoir la taxe de vente provinciale par le fédéral.» Les clients sont les mêmes. Il y a un chevauchement dans la clientèle, qu'il s'agisse de la TPS ou de la taxe de vente provinciale. J'ai été dans les affaires pendant la majeure partie de ma vie, monsieur le président, avant de me lancer en politique. Est-il vraiment utile de demander à trois vérificateurs -- un pour la TPS, un pour la taxe de vente provinciale, un pour l'indemnisation des accidents du travail -- de vérifier les livres, de poser les mêmes questions et de faire perdre un temps précieux à un chef d'entreprise? Les provinces le comprennent. Nous créons un instrument qui offrira de nouvelles options de partenariat avec les provinces.
Certaines provinces nous disent: «Vous percevez une bonne partie de nos recettes, jusqu'à 80 p. 100 de nos recettes fiscales et nous voulons avoir notre mot à dire». En fait, lorsque nous avons signé l'accord d'harmonisation avec les provinces de l'Atlantique, celles-ci voulaient s'assurer que l'on mette sur pied une agence, ce qui leur permettrait de désigner un représentant pour siéger au conseil de direction. Cela crée de nouvelles options qui n'existent pas à l'heure actuelle. Cela crée de nouveaux partenariats qui sont impossibles aujourd'hui. Il s'agit de reconnaître que, grâce à une seule administration fiscale, notre pays aura tout à y gagner. Cela réduira le coût de la perception fiscale. Tous les politiques et tous les gouvernements préfèrent de loin allouer des ressources dans des secteurs autres que la perception fiscale. Si nous pouvons réduire le coût d'observation pour les entreprises et les rendre plus concurrentielles, nous réussirons à créer une économie plus compétitive et plus productive.
Le président: Il m'est difficile de vous croire sur parole, mais je poserai d'autres questions sur ce point plus tard.
Le sénateur Bolduc: Monsieur le ministre, vous avez beaucoup insisté sur l'importance pour l'administration publique d'une augmentation de l'efficacité. En fait, j'ai l'impression qu'une agence pourra fonctionner de manière plus efficace si elle a à sa tête un directeur plutôt qu'un ministre. Vous décidez que vous allez créer une société. Un directeur administratif serait plus efficace qu'un ministre.
M. Dhaliwal: Nous proposons de créer une nouvelle structure qui sera souple relativement aux ressources humaines et répondra mieux aux besoins des Canadiens; une nouvelle structure qui permettra des ententes de partenariat avec les provinces et où la participation du fédéral sera plus efficace. Ce sera également un nouvel organisme qui rendra plus de comptes.
Permettez-moi de vous citer un exemple, sénateur. Lorsque j'étais dans les affaires, je m'occupais de tout. J'ai traversé le pays de part en part et me suis rendu dans nos centres. Lors d'une de mes visites dans l'un de nos bureaux de services fiscaux -- et je portais également ma casquette d'homme d'affaires -- j'ai vu qu'un tiers des locaux du centre de traitement n'était pas utilisé. J'ai donc demandé pourquoi on n'utilisait pas cet espace. On m'a répondu que c'était un secteur où il y avait des périodes de pointe et des périodes de creux, que pendant la période des déclarations d'impôt, il y avait une activité accrue mais qu'ensuite celle-ci ralentissait. L'espace supplémentaire n'était donc plus nécessaire. Réagissant en homme d'affaires, je leur ai dit: «Il faut payer les frais de chauffage et d'éclairage, alors pourquoi ne pas louer une partie de cet espace ce qui permettrait de faire des économies?» Mes interlocuteurs m'ont répondu: «Cela ne change rien à notre budget, monsieur le ministre. Nous n'avons pas à rendre des comptes à ce sujet.» Lorsque je leur ai demandé pourquoi, ils m'ont répondu que les Travaux publics fournissait cet espace et qu'il n'y avait pas de loyer à payer.
L'agence sera tenue de rendre plus de comptes sur le plan financier. Lorsque les gens sont dans les affaires, ils doivent prendre des décisions en matière de coût et se demander s'ils utilisent leur installation de la façon la plus rentable. L'obligation de rendre compte est éparpillée à l'heure actuelle. Dans le cadre de la nouvelle agence, il y aura une meilleure reddition de comptes. Ce sont là des secteurs où la direction sera à même de prendre plus de décisions.
C'est surtout dans le domaine des coûts d'observation que l'on pourra réaliser de grosses économies. Si on parle aux gens d'affaires à l'heure actuelle, ils disent que les gouvernements devraient s'entendre et travailler en collaboration dans le domaine de la perception fiscale. Les gouvernements ont justement une occasion extraordinaire de collaborer pour créer à long terme une administration fiscale unique qui permettra de réaliser d'énormes économies au chapitre des coûts d'observation. Selon une étude effectuée par le Forum des politiques publiques, d'importantes possibilités s'offrent à nous, tant sur le plan de la perception fiscale que sur celui des avantages.
Permettez-moi de vous citer l'exemple des allocations familiales de la Colombie-Britannique. Pour pouvoir remettre ces chèques, la province devrait monter tout un réseau informatique et créer toute l'infrastructure. Nous disposons déjà de cette infrastructure. Il en va de même pour la perception fiscale, l'infrastructure est déjà là. Pourquoi ne pas l'utiliser et créer un instrument qui nous permettra de collaborer avec les provinces?
Le sénateur Bolduc: En dehors des coûts d'observation des entreprises, lesquels doivent représenter dans les 100 millions de dollars ou plus, il y a aussi l'aspect de la participation des provinces. Que faites-vous si elles refusent de participer?
M. Dhaliwal: Sénateur, j'ai parcouru tout le pays pour discuter avec les ministres des Finances. Lors d'une réunion du comité des finances il y a deux semaines, nous avons fourni une série de directives relatives aux impôts et taxes que l'Agence serait chargée de percevoir. Tous les ministres des Finances étaient présents et ils ont donc eu l'occasion de discuter de l'Agence. Ils ont approuvé ces directives. Il y a dans tout le pays cinq groupes de travail qui nous disent que c'est une bonne idée, qu'il faut examiner la question pour voir quels taxes et impôts pourront être perçus et qu'ils sont prêts à le faire.
En Nouvelle-Écosse, nous avons signé une entente de service. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante nous a dit: «C'est le projet que nous avions. Nous souhaitons que les indemnités pour accident du travail soient versées grâce au même système que nos chèques de paye courants. Cela nous permettra d'économiser des millions de dollars.» C'est un processus graduel. Nous n'avons pas déclaré à la province: «Dès que nous aurons créé l'Agence, inscrivez-vous pour que nous puissions percevoir tous vos impôts et taxes.» Nous devons faire nos preuves, nous devons gagner leur clientèle. Les provinces sont prêtes et désireuses de voir les possibilités qui nous sont offertes.
Le sénateur Bolduc: Pas toutes les provinces, croyez-moi.
M. Dhaliwal: Cela n'intéresse pas le Québec.
Le sénateur Bolduc: Le gouvernement fédéral n'est pas responsable de la Commission d'indemnisation des accidents du travail du Québec.
M. Dhaliwal: Vous avez raison, le Québec n'est pas intéressé. Sur ce point, je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais revenir à mon argument principal. Vous partez du principe que les politiques administratives du gouvernement fédéral, qui ont été élaborées au fil des ans par le Conseil du Trésor et l'ancienne Commission de la fonction publique, sont inefficaces. Vous dites que si le gouvernement se retire de ce domaine, les choses iront mieux. C'est ce que vous voulez dire, n'est-ce pas?
M. Dhaliwal: Nous entretenons d'excellentes relations de travail avec les provinces. Nous faisons diverses choses pour elles. Toutefois, il existe encore bien d'autres possibilités, si l'on envisage de créer une administration fiscale unique à long terme, ce qui créera d'autres options pour les Canadiens.
L'autre exemple que je citerai est celui du commerce électronique. Cela va offrir d'énormes possibilités et de plus en plus de transactions se feront par ce moyen. Des marchandises vont être vendues d'une province à l'autre grâce au commerce électronique, lequel représente des milliards de dollars. Qui sera chargé de percevoir les taxes visant les produits vendus par Internet au Québec et en Colombie-Britannique? Qui va percevoir la taxe de vente provinciale? Ce sera possible grâce à un système national de perception fiscale. Nous mettons au point un système qui va coûter 140 millions de dollars pour profiter de cette nouvelle technologie. Pourquoi le faisons-nous? Pour vous permettre d'envoyer votre déclaration d'impôt de société par la voie électronique. Vingt-cinq pour cent des déclarations d'impôt T2 nous sont envoyées électroniquement. Nous voulons progresser dans ce sens et permettre aux gens d'envoyer leurs déclarations d'impôt par Internet. Si nous pouvons bâtir une structure, nous pourrons profiter de cette nouvelle technologie.
Le sénateur Bolduc: Qui a besoin d'une agence pour cela? On peut signer un accord avec les provinces.
M. Dhaliwal: Si les provinces nous cèdent une partie de plus en plus importante de leur administration fiscale, elles veulent avoir leur mot à dire. Tout comme les provinces de l'Atlantique, elles nous disent: «Vous percevez 80 p. 100 de nos impôts; nous voulons avoir notre mot à dire.» Nous voulons créer des nouvelles options qui n'existent pas à l'heure actuelle. Pour l'instant, lorsqu'elles souhaitent nous confier la perception des impôts, cela se fait dans le cadre de l'Accord de perception fiscale, c'est-à-dire l'harmonisation. Certaines provinces ne veulent pas de l'harmonisation. C'est très bien. Nous sommes là pour leur offrir ce service lorsqu'elles le souhaitent.
Je vais vous donner un autre exemple; dans une telle situation, un exemple concret est toujours utile. Le ministre des Finances de la Colombie-Britannique nous a téléphoné et nous a dit: «Je vais changer le montant de mon chèque; je crois qu'il y a une erreur sur la facture.» C'est eux qui paient le programme. J'ai répondu: «Pas de problème, je m'en charge.» J'ai téléphoné à notre sous-ministre et lui ai dit: «Le ministre des Finances de la Colombie-Britannique veut faire ce changement mineur.» Il m'a répondu: «Ce n'est pas possible, il faut en parler au ministre du Conseil du Trésor; il va falloir soumettre cela au ministre des Travaux publics». Une chose qui aurait dû me prendre une semaine nous a pris trois mois. Si nous voulons être efficaces, nous devons pouvoir réagir rapidement. Nous devons pouvoir tenir compte des besoins des provinces, sinon elles vont nous dire: «Nous ne voulons pas que vous perceviez nos impôts.»
Si nous sommes plus sensibles à leurs besoins au lieu de devoir consulter deux autres ministres pour pouvoir faire un changement mineur sur un chèque, les provinces s'adresseront à nous plus souvent.
Le sénateur Bolduc: Je suis certain que vous pouvez nous donner plusieurs exemples d'ententes entre les provinces et le gouvernement fédéral qui pourraient être utiles sur le plan de la perception des impôts.
Mais vous n'avez pas répondu à ma seconde question; en tant que ministre d'État responsable des politiques administratives fédérales, y compris les règlements de la Commission de la fonction publique et du Conseil du Trésor, comment pouvez-vous prétendre que nous serons plus efficaces en tournant le dos à ce système? Si cela vaut pour 30 000 personnes dans le cadre de la nouvelle agence, pourquoi cela ne vaudrait-il pas pour les 200 000 personnes de la fonction publique?
M. Dhaliwal: Le gouvernement encadre 80 ministères différents. Pour certains ministères, cela marche très bien, pour d'autres, pas aussi bien. Nous sommes un très gros ministère, et étant donné la nature de nos besoins, nous pensons que ce type de souplesse est nécessaire. Très souvent, il est difficile de faire des changements dans d'énormes organismes. Ce n'est pas toujours facile. Nous pourrions dire: «Dans ce vaste cadre, ce n'est pas possible, car beaucoup de gens ont tenté de le faire, mais peut-être que c'est possible au sein d'un organisme plus souple». Si la flexibilité des ressources humaines était la seule justification, vous auriez peut-être raison. Mais cela va plus loin; il s'agit également de travailler en collaboration avec les provinces et de créer un outil qu'elles peuvent également employer, une structure qui nous permet de répondre à leurs besoins. Voilà ce dont il s'agit.
Le sénateur Bolduc: Autrement dit, vous nous dites qu'un directeur administratif pourra discuter plus efficacement avec les provinces que vous ne pouvez le faire en tant que ministre?
M. Dhaliwal: Je dis que nous voulons créer une structure qui puisse réagir plus rapidement.
Le sénateur Bolduc: Ce que vous faites porte un terrible coup au système gouvernemental.
M. Dhaliwal: Sénateur, je ne suis pas d'accord avec vous; au contraire, nous essayons de créer une structure qui soit souple et qui puisse répondre rapidement aux besoins des provinces. Si vous dites que les provinces ne sont pas d'accord, je peux vous assurer qu'elles ne sont pas timides lorsqu'elles n'aiment pas ce que fait le gouvernement fédéral. Elles n'hésiteront pas à prévenir les membres de ce comité si elles considèrent que le concept est mauvais ou que nous nous engageons dans la mauvaise voie.
Le sénateur Bolduc: Monsieur le président, puis-je continuer?
Le sénateur Cools: Monsieur le président, j'aimerais poser une question qui pourrait être utile au sénateur Bolduc. J'ai écouté cette discussion qui me paraît particulièrement intéressante.
Quand on lit le projet de loi, on constate que les articles 6 à 13 inclusivement portent précisément sur les questions du sénateur Bolduc.
Le président: Je vous en prie. Nous vous avons donné un temps illimité hier soir. Nous ne vous avons pas interrompue. Le sénateur Bolduc a des questions à poser et le ministre est parfaitement capable d'y répondre. Je vous demanderais donc d'être patiente et de laisser le sénateur Bolduc continuer.
Le sénateur Bolduc: Monsieur le ministre, il y a un autre aspect du projet de loi dont j'aimerais discuter avec vous. À l'article 54, vous dites:
Sont exclues du champ des conventions collectives toutes les matières régies par le programme de dotation en personnel.
D'une certaine façon, je comprends cela, puisque les règlements de la fonction publique et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique prévoyaient que toutes ces questions devaient être soumises à l'ancienne Commission de la fonction publique qui était là pour sauvegarder et défendre le système du mérite. Toutefois, il y a un aspect de la fonction publique qui ne met en cause aucun principe fondamental de dotation, c'est un aspect particulièrement important, il s'agit de la perception des impôts. Cela m'inquiète car je me demande si le système du mérite sera bien préservé, bien qu'il s'agisse d'une agence assez éloignée.
En ce qui concerne la promotion des employés, je ne vois rien ici qui leur donne la possibilité de faire appel en cas de patronage ou de quelque chose de ce genre. Le chef et le sous-chef peuvent avoir les meilleures intentions du monde, il reste possible qu'un supérieur, quelque part, se livre à ce que j'appellerai du patronage local. C'est assez inquiétant.
Nous parlons ici d'un très gros organisme du gouvernement fédéral, quelque chose comme 30 000 personnes, un ministère comparable à l'ancien ministère des Transports. À ce niveau-là, il y a une faiblesse. D'autre part, je crois comprendre que les employés ne pourront pas donner leur opinion à ce sujet. Pensez-vous que ce soit juste? Dans le secteur privé, les employés négocient et discutent de la gestion interne. Je ne parle pas de recrutement, je parle de promotion et de ces autres aspects de la dotation.
M. Dhaliwal: L'agence continuera à faire partie de la fonction publique et dans la fonction publique, la dotation est négociée.
Quant au cadre des ressources humaines, d'une façon générale, ce sont les employés eux-mêmes qui nous ont dit que le cadre actuel des ressources humaines n'était pas satisfaisant. Nous devons donc élaborer un nouveau cadre. Nous travaillons en collaboration avec les employés pour élaborer ce nouveau cadre et nous assurer qu'il sera satisfaisant, pas seulement pour l'agence, mais également pour les employés.
La Commission de la fonction publique peut toujours venir s'assurer que ces principes sont bien compatibles avec les leurs. Par ailleurs, en ce qui concerne notre cadre des ressources humaines et les recours prévus, tout cela sera transparent. Cela fera partie des rapports que nous soumettons au Parlement. Ce sera ouvert, connu de tous. Nous voulons quelque chose qui fonctionne bien, qui puisse réagir rapidement. En matière de recrutement, nous ne voulons pas devoir attendre 12 mois. Nous voulons pouvoir faire des promotions, nous voulons que le système fonctionne. Nous avons tout à fait intérêt à ce que le cadre des ressources humaines fonctionne bien. Nous avons tout à fait intérêt à ce qu'il soit satisfaisant à la fois pour l'employeur et pour l'employé. La Commission de la fonction publique aura la possibilité d'examiner le système. En outre, nous avons déjà dit qu'une tierce partie pouvait toujours venir l'examiner également.
Certains syndicats ont travaillé avec nous et nous leur avons dit que nous tenions à cette participation qui est très importante.
Le sénateur Bolduc: Monsieur le ministre, hier dans votre déclaration, vous avez parlé de votre collaboration avec divers groupes de la société, à l'exception des fonctionnaires de ce ministère. Dans une heure, nous allons entendre des représentants de ces syndicats, mais je doute que leur point de vue soit le même que le vôtre.
M. Dhaliwal: Je suis sûr que leur point de vue sera différent, mais il n'empêche que nous avons travaillé avec les employés. Nous avons des équipes de conception qui participent activement à l'élaboration d'un cadre des ressources humaines dont nous pensons qu'il devra leur convenir tout autant qu'il conviendra à l'agence. Le système sera attentif aux besoins de chacun, transparent, ouvert, et la Commission de la fonction publique pourra s'assurer qu'il est compatible avec leurs principes. Grâce à cette démarche, nous allons élaborer un cadre de ressources humaines très moderne, très dynamique, très axé sur l'avenir.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais vous citer un passage du rapport du vérificateur général sur les ressources humaines. Il dit:
Un des facteurs clés était que les systèmes actuels de dotation, de classification et de rémunération sont trop compliqués et inflexibles. Le gouvernement, dans sa précipitation pour «sortir du système», ne doit pas perdre de vue la nécessité de «réparer le système».
Ne pensez-vous pas que c'est la base de votre problème? Rien ne nous prouve que les choses iront mieux parce qu'un plan de classification est un processus à long terme. C'est loin d'être facile. Vous nous dites que vous allez percevoir les impôts pour le compte de divers organismes dans tout le Canada, mais les employés dont vous aurez besoin pour cette tâche auront besoin de qualifications particulières. Percevoir les impôts au Québec, ce n'est pas la même chose que les percevoir dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Manitoba.
Le système de classification que vous devez établir, et cela sur la base d'exigences de postes bien particulières, est tel que je ne vois pas comment vous allez vous y prendre.
M. Dhaliwal: Sénateur, pour moi, c'est une bonne occasion de remplacer un système qui fonctionne mal, et c'est l'opinion de tout le monde, par un système moderne, sensible aux besoins de l'organisation et de ses employés. Pour moi, c'est une occasion magnifique; je ne vois pas les choses comme vous.
C'est une occasion extraordinaire. Il n'y a pas tellement de gros organismes qui discutent avec leurs employés pour concevoir un cadre de ressources humaines adapté à leurs besoins. Il y aura toujours des problèmes. Dans la version que vous avez lue, nous avons 44 000 employés, et 200 personnes seulement dans ce directorat international, c'est-à-dire un pourcentage très faible. Mais si l'administration a les outils nécessaires pour faire face à ce genre de situation, elle peut le faire beaucoup plus efficacement. Avec un cadre capable de réagir beaucoup plus rapidement, nous pourrons donner suite aux besoins en ressources humaines beaucoup plus rapidement aussi.
Le président: Monsieur le ministre, j'ai une question supplémentaire à vous poser. Quand je considère le projet de loi C-29, qui a séparé Parcs Canada du gouvernement, quand je considère NAV CANADA, je vois une tendance très nette au sein du gouvernement. C'est une tendance qui me semble inquiétante. Où cela va-t-il s'arrêter? Vous l'avez déjà fait avec Parcs Canada, avec NAV CANADA, et maintenant voilà que vous le faites avec Revenu Canada. Où le couperet va-t-il tomber la prochaine fois? Quels sont les prochains fonctionnaires qu'on fera passer de l'autre côté?
S'il y a quelque chose de fondamentalement mauvais dans le système, et apparemment c'est le cas, pourquoi ne cherchez-vous pas un remède au lieu de jeter des morceaux par la fenêtre chaque fois que vous le pouvez? À mon avis, cela ne résout pas le problème. Qu'en pensez-vous?
M. Dhaliwal: Vous ne pouvez pas comparer NAV CANADA et Revenu Canada. NAV CANADA est une société privée avec ses propres parties prenantes. Revenu Canada reste un organisme fédéral avec un ministre pleinement responsable devant le Parlement. C'est une grosse différence.
Dans notre cas, nous ne nous contentons pas de rendre les ressources humaines et la gestion plus souples. En effet, nous élaborons une structure à laquelle nous essayons d'intégrer les provinces. Nous voulons qu'elles participent en proposant des candidats au conseil, des candidats que nous nommons ensuite. Nous voulons faciliter les relations et éviter ainsi que toutes les provinces ne décident de percevoir elles-mêmes leurs propres impôts. Étant moi-même homme d'affaires, je peux vous assurer que ce serait un véritable désastre.
Nous voulons mettre en place un système d'administration de l'impôt à guichet unique pour que les gens d'affaires puissent avoir un numéro au lieu de cinq et qu'ils puissent traiter avec une seule organisation. Plutôt que de remplir cinq formulaires, ils peuvent n'en remplir qu'un seul. Nous tentons d'aller au-delà de cela. Il est important d'avoir une certaine souplesse au niveau des ressources humaines, mais il est également très important de mettre en place une structure qui nous permette de travailler en partenariat avec les provinces et de répondre aux besoins des Canadiens. C'est pourquoi nous avons besoin d'un véhicule qui puisse répondre à leurs besoins et à certaines de leurs préoccupations.
Le sénateur Bolduc: J'ai l'impression que vous vous êtes laissé emporter avec votre critère d'efficacité. Vous voulez avoir une administration de l'impôt unique. Le ministre de la Santé touche à tout le domaine de la santé. L'an dernier, il y a eu la bourse de recherche dans le domaine de l'éducation. Pouvez-vous sérieusement imaginer que le Québec puisse accepter ce genre de situation avec les provinces? Ils n'ont aucune compétence dans ces domaines. On ne sait pas trop comment, mais le gouvernement fédéral est dans tout. Ce n'est pas bon pour le Canada. Cela va mener à la balkanisation du pays. Si c'est ce que vous souhaitez, alors ce n'est pas un problème. Je ne suis cependant absolument pas à l'aise avec cela car je suis fédéraliste et Canadien.
M. Dhaliwal: C'est strictement volontaire. On ne force pas le Québec ni aucune province à y participer. C'est volontaire pour les provinces.
Examinons un peu votre point de vue. Je sais que certains collègues à la Chambre ont dit que la province devrait percevoir elle-même d'autres impôts. Imaginez un peu que je suis en affaires et que chaque province perçoive toutes ses taxes à sa façon. Il me faudrait faire dix chèques si je faisais affaire avec toutes les provinces. Il me faudrait remplir dix formulaires. Ce serait un véritable cauchemar; ce serait un désastre absolu.
Les coûts d'observation seraient énormes pour les entreprises. Ces dernières dépensent déjà 3,4 milliards de dollars relativement à la perception de l'impôt. Monsieur le sénateur, ces coûts augmenteraient. Nous tentons actuellement de les réduire. Nous tentons de mettre en place une économie productive afin de réduire les coûts pour les entreprises. Ces dernières portent déjà un fardeau énorme. Nous pouvons adopter un système d'administration de l'impôt unique et réduire ainsi la montagne de paperasse que les gouvernements veulent que les gens d'affaires remplissent, et mettre ainsi en place une économie plus productive et plus efficace et réduire les coûts d'observation pour les entreprises. Personne ne pense qu'il est efficace de mettre en place des structures parallèles au pays. Les Canadiens ne veulent pas de structures parallèles partout au pays. Les Canadiens veulent que leurs gouvernements travaillent ensemble. Il s'agit d'écouter les Canadiens. Je suis allé les écouter. J'ai déjà été à leur place à remplir toute la paperasserie. En fait, j'ai perdu beaucoup de cheveux à remplir toute la paperasse qu'exigent les gouvernements. Il est temps de faire quelque chose. C'est ce dont il est question.
Le sénateur Bolduc: J'imagine, monsieur le ministre, que la collaboration pour la perception des impôts permettra de réaliser des économies, mais ce n'est rien comparé au taux d'imposition élevé pour les sociétés. C'est là où l'argent se trouve et vous n'avez pas changé cela dans votre dernier budget. Je suis surpris que deux hommes d'affaires comme M. Martin et vous-même soyez si peu sensibilisés aux coûts, aux problèmes de productivité des sociétés canadiennes, particulièrement dans le secteur manufacturier.
M. Dhaliwal: Malheureusement, monsieur le sénateur, il a fallu réparer les dégâts du gouvernement précédent. Nous avons commencé à réduire les taxes dans ce budget. C'est un début.
Le sénateur Bolduc: Je suis là depuis longtemps, et je me rappelle l'histoire du système économique canadien et de la politique fiscale canadienne de 1976 à 1984. Je sais quelle était la situation en 1984. Je me souviens du budget MacEachen et de tous les autres budgets qui ont suivi.
Il y a un aspect que vous avez oublié. Ils n'ont pas augmenté les dépenses. Seul le service de la dette augmentait en raison du fardeau dont nous avions hérité.
M. Dhaliwal: Je suis sûr que nous pourrions passer beaucoup de temps à en discuter, monsieur.
Le sénateur Bolduc: Soyez prudent lorsque vous en parlez.
Le président: Je n'étais pas satisfait de la réponse que vous avez donnée précédemment. Lorsque nous parlons du prolongement de certains secteurs du gouvernement, Parcs Canada maintenant Revenu Canada, je dois le répéter: si cela se produit et cela s'est produit à deux reprises, lors de la privatisation de NAV CANADA, ce que je discerne dans tout cela, c'est un problème structurel au sein du gouvernement qui vous oblige à faire cela. On pourrait donner toutes sortes de raisons pour expliquer votre décision, notamment pour vous libérer de toutes les contraintes de la dotation, des syndicats, afin de pouvoir repartir à zéro. C'est ce qu'on a dit, et les syndicats le confirmeront. En réalité, c'est pour que vous soyez plus autonome; vous pourrez faire payer vos clients pour le travail effectué et obtenir un revenu.
La question fondamentale c'est que, si nous faisons cela dans trois situations à l'heure actuelle, le gouvernement devrait certainement chercher à trouver les raisons. Pourquoi ne nous penchons-nous pas sur le problème structurel apparent au sein du gouvernement?
M. Dhaliwal: Monsieur le président, je peux vous parler de ce que je connais. Lorsque j'ai été nommé ministre du Revenu national en 1997, j'ai pris ce dossier et je l'ai évalué. Lorsqu'un ministre s'empare d'un dossier, il doit se demander s'il peut prendre un dossier qui existait déjà auparavant et s'il peut s'en accommoder.
D'après mon expérience, et je ne suis pas en politique depuis aussi longtemps que certains autres honorables députés qui sont là depuis beaucoup plus longtemps -- j'ai été élu en 1993 -- j'ai dû prendre une décision de mon propre chef. Est-ce un état de choses dont je peux m'accommoder? Est-ce que cela à long terme profitera aux Canadiens? J'avais le choix, soit de continuer avec le dossier, soit de dire: «Non, je ne pense pas que ce soit la bonne chose à faire.» J'y ai réfléchi longuement.
D'après mon expérience d'homme d'affaires, je suis fermement convaincu qu'une administration de l'impôt unique sera extrêmement avantageuse pour les Canadiens sur le plan des services offerts. Cela permettra de réduire considérablement nos coûts d'observation. Je vous en ai donné de nombreux exemples. C'est pourquoi j'ai poursuivi le processus, quoique je l'aie changé considérablement, monsieur le président.
Si vous considérer le premier rapport d'étape, il est assez différent de ce que nous avions au départ. Alors que nous avions au départ un organisme indépendant et qu'il était même question de ne pas avoir un ministre du Revenu, j'en suis arrivé maintenant à un organisme fédéral qui a une responsabilité ministérielle importante.
Je ne peux parler que du domaine dans lequel je travaille. Vous parlez du gouvernement de façon plus générale pour ce qui pourrait se produire dans d'autres ministères. J'ai examiné de quelle façon cela affecte les recettes. Je suis convaincu que dans ce domaine nous faisons ce qu'il faut faire. Je ne peux pas vous parler des autres ministères, du gouvernement en général. Nous avons proposé cela dans le discours du Trône. Je l'ai évalué moi-même pour voir si c'était la meilleure orientation à prendre. D'après mon expérience et d'après ce que j'ai vu, c'est effectivement la meilleure orientation. Je ne peux certainement pas faire de commentaires cependant sur le point de vue d'autres ministres du gouvernement ou sur d'autres projets de privatisation. Il ne s'agit pas ici de privatisation. Il s'agit d'un organisme fédéral important doté d'un ministre.
Il faut examiner ce qui convient dans chaque domaine. Au départ nous avions une vision différente. Nous avons consulté les Canadiens, nous avons parlé à des Canadiens partout au pays, et ils nous ont donné de très bons conseils. Nous avons écouté, nous avons appris et nous avons apporté les changements. C'est ce que vous avez devant vous.
Le président: J'aimerais que vous fassiez passer le message que cela semble être un problème plus vaste. Si cela vous arrive à vous et si c'est arrivé à Parcs Canada et à NAV Canada, il semble que ce ne sont pas des cas isolés.
Le sénateur Callbeck: J'ai une question à propos de ma province, l'Île-du-Prince-Édouard. Ce matin, vous avez décrit comment les provinces peuvent simplifier la perception des impôts à l'aide de cette nouvelle agence. Hier soir, vous nous avez dit que vous percevez déjà des taxes ou les impôts particuliers dans certaines provinces et que d'autres provinces examinent la possibilité d'en faire autant.
On n'a pas parlé de ma province. Quelle est la position de l'Île-du-Prince-Édouard face à cette nouvelle agence?
M. Dhaliwal: J'ai rencontré le trésorier de la province il y plus d'un an. Je l'ai alors mis au courant de l'agence, de nos progrès et je lui ai dit où nous en étions. Nous avons communiqué l'information à toutes les provinces.
J'ai aussi rencontré le premier ministre provincial. Il est venu à Ottawa et nous en avons discuté. Il s'est dit très intéressé par l'idée et en faveur. Je vous avouerai qu'il n'y a pas de discussion actuellement sur ce que nous pouvons faire dans cette province. Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, nous avons songé à examiner le secteur de la CAT et si l'idée marche bien là-bas, nous pourrions en faire autant dans d'autres provinces.
On pourra peut-être aussi examiner le cas des provinces plus petites pour monter un projet pilote. C'est l'occasion pour nous d'apprendre. La participation est facultative. Certaines provinces sont plus enthousiastes que d'autres. La Nouvelle-Écosse est très enthousiaste. Elle veut voir quelles sont les possibilités. Le Manitoba et la Saskatchewan sont très intéressés. Il faut examiner des projets pilotes et bâtir lentement, graduellement. Lorsque les provinces voient que cela marche dans une région, je suis certain que d'autres suivront. Lorsque nous avons créé l'allocation familiale en Colombie-Britannique, l'Alberta, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont dit: «Cela a beaucoup de sens. Pourquoi voudrions-nous créer un système informatique? Pourquoi voudrions-nous prendre tous les renseignements qui sont dans vos ordinateurs et les transférer ici pour nous apercevoir que vous pouvez déjà le faire? Vous pouvez assurer le service beaucoup plus rapidement. Nous ne voulons pas édifier toute cette infrastructure. Chargez-vous en pour nous.» C'est ce que nous avons fait pour la Colombie-Britannique. Cela a intéressé l'Alberta, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse à cause des importantes économies réalisables et du fait que nous pouvons assurer le service de meilleure façon.
Pour ce qui est du programme de la Colombie-Britannique, lorsque nous répondons au téléphone, nous disons: «Allocations familiales de la Colombie-Britannique.» Nous ne disons même pas «Revenu Canada.» Nous offrons un service à la province. Je suis certain qu'il y aura d'autres possibilités de créer un projet pilote au pays. Si ça marche, on pourra l'étendre à d'autres provinces. Mais ce sera graduel. Il faut mériter le contrat. Il faut mériter la confiance des provinces. Nous voulons créer un partenariat. J'espère que l'occasion se présentera dans l'Île-du-Prince-Édouard, comme c'est le cas ailleurs. Nous sommes ouverts aux suggestions.
Le président: Monsieur le ministre, vous avez manifesté une grande patience à notre endroit et nous vous en sommes très reconnaissants. J'aimerais vous dire une dernière chose. Nous venons de terminer une étude sur la rémunération et la conservation de l'effectif dans la fonction publique. Comme vous le savez, la fonction publique vieillit et c'est un problème. Soixante-dix pour cent des fonctionnaires auront droit à la retraite au cours des cinq prochaines années. Nous avons constaté un problème de moral, dans les témoignages que nous avons entendus en tout cas. J'aimerais que vous en soyez conscients. Les prolongements de Parcs Canada, NAV Canada et de Revenu Canada suscitent un grand malaise chez ceux que nous avons entendus.
Le Canada s'en enorgueillit de sa fonction publique. Il s'en enorgueillit de son intégrité. C'est une organisation bien dirigée. Actuellement le moral est bas à cause de ce qui se passe à Parcs Canada et à Revenu Canada. Vous devriez en tenir compte dans vos rapports avec votre personnel.
M. Dhaliwal: Monsieur le président, je tiens à vous remercier ainsi que tous les autres sénateurs de leurs excellentes questions. J'emporte votre message avec moi. Je reconnais l'importance des ressources humaines. Nous avons plus de 40 000 employés à Revenu Canada. Dans mes fonctions de ministre, j'ai essayé de les rencontrer et de leur parler parce qu'ils représentent notre richesse la plus précieuse. Nous voulons nous assurer d'avoir un cadre de ressources humaines qui réponde à leurs besoins. Nous voulons travailler avec eux et avec le syndicat pour bâtir un cadre de ressources humaines moderne, transparent et ouvert et une agence dont nous puissions tous être fiers.
Le président: Nous entendrons maintenant M. David Flinn, président national du Syndicat des employés-e-s de l'impôt.
M. David Flinn, président national, Syndicat des employé-e-s de l'impôt: D'abord et avant tout, je tiens à remercier les honorables sénateurs membres de votre comité de la courtoisie et de la considération dont ils ont fait preuve en nous invitant à comparaître devant vous aujourd'hui.
Le Syndicat des employé-e-s de l'impôt est le plus grand syndicat de Revenu Canada, dont il représente plus de 18 000 employés. Nos membres constituent l'arête administrative et la face publique du ministère à l'échelle du Canada.
Nous savons que votre comité -- tout comme le Sénat dans son ensemble -- a un programme chargé et une vaste gamme d'importants dossiers à traiter. Je vous invite néanmoins à vous intéresser de très près à la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Le projet de loi C-43 n'est pas qu'une simple formalité administrative. Il aura pour effet de soumettre pas moins de 20 p. 100 de la fonction publique fédérale à un modèle complètement différent de prestation de services.
La haute direction de Revenu Canada voudrait vous faire croire que les employés appuient d'emblée l'initiative de l'agence. Au cours du témoignage d'aujourd'hui, vous entendrez les syndicats qui représentent 90 p. 100 des 43 000 travailleurs de Revenu Canada. Vous verrez que nous sommes unis dans notre opposition au projet de loi C-43 tel qu'il est actuellement formulé. Je tiens à souligner que cette opposition ne vient pas d'une résistance intransigeante au changement ni d'un refus d'accepter la nécessité d'une réforme -- comme certains cadres de Revenu Canada nous en ont accusé -- bien au contraire.
Au départ, notre syndicat appuyait le concept de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Nous étions disposés à collaborer avec la haute direction du ministère pour créer une entité qui servirait les intérêts du Parlement et du public contribuable, tout comme des employés de Revenu Canada. Aux premiers jours du projet de l'agence, j'ai écrit au sous-ministre pour lui demander d'apaiser nos craintes légitimes sur diverses questions de relations de travail. Au cours de mes réunions avec M. Wright, je n'ai pas cessé de lui exposer les craintes de nos membres, mais j'ai dû me contenter de ses rebuffades.
Au départ, nous étions prêts à accepter le statut d'agence, y voyant une solution qui ne ferait que des gagnants à la direction, chez les employés et dans le public. Malheureusement, la tournure des événements a fait que la direction a fait peu de cas des craintes légitimes des agents négociateurs. Nous craignons au plus point que cette approche unidirectionnelle arbitraire de la «réforme» de l'organisation ne devienne la procédure normale d'exploitation après l'adoption du projet de loi de la naissance l'ADRC. C'est dans cette optique que les trois principaux syndicats de Revenu Canada proposent conjointement quatre amendements au projet de loi C-43 en ce qui concerne les relations de travail. J'espère sincèrement que vous reconnaîtrez qu'ils sont tout aussi raisonnables qu'équilibrés. Ils visent à imprégner d'un niveau modeste de réalité les élans oratoires que le partenariat en milieu de travail inspire à la haute direction.
Notre position à «l'autre endroit» était que C-43, dans sa formulation actuelle est une mauvaise politique publique, et est sérieusement taré sur un certain nombre de points. Nous avons invité les membres du comité permanent des finances de la Chambre des communes à faire retirer C-43 et à le faire remanier pour corriger les lacunes signalées par des groupes comme la Fédération des contribuables canadiens et l'Association des comptables généraux agréés du Canada. Cependant, comme le réalisme nous oblige à reconnaître que le gouvernement n'est pas disposé à retirer C-43, notre responsabilité d'agents négociateurs nous oblige à faire tout notre possible pour que le passage au statut d'agence ne fasse pas perdre à nos membres les droits qu'ils ont déjà. Il ne s'agit pas ici d'ajouter quoi que ce soit à ce que nous avons déjà. J'insiste sur le fait qu'il est question ici de protéger les droits actuels.
Avant d'aborder les quatre amendements que nous proposons, je voudrais traiter brièvement d'un certain nombre de préoccupations de politique publique que soulève l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Elles vont des questions clés du droit de regard du Parlement et de l'obligation de rendre compte au public jusqu'à la concentration des renseignements personnels des clients, en passant par le manque d'appui des provinces. Disons les choses sans nuances: l'agence proposée ne répond à aucun des critères de rentabilisation que lui ont fixés ses créateurs, à la haute direction de Revenu Canada.
À l'origine, l'agence a été créée pour harmoniser la TVP et la TPS et ainsi éliminer la TPS. Comme le ministre l'a dit tout à l'heure, trois provinces de l'Est ont accepté cette proposition. Aucune autre province n'est intéressée par l'idée. Nous savons tous -- et le ministre l'a dit lui-même -- que le Québec ne veut rien savoir de l'agence ni de l'harmonisation des taxes. L'agence est censée coordonner puis administrer la politique fiscale et la perception des impôts avec les provinces. Pourtant, à l'exception d'une question mineure d'impôt avec la Nouvelle-Écosse, pas une seule lettre d'intention n'a encore été signée avec aucune des provinces. À de nombreuses reprises nous avons demandé à voir les lettres d'intention, mais nous n'en avons pas encore vu une seule. Le Québec est contre l'agence, pour des motifs constitutionnels. Quant à l'Ontario... ma foi, qu'il suffise de dire que le ministre Dhaliwal attend en vain depuis environ deux ans une rencontre en face à face avec son homologue de l'Ontario pour discuter de l'agence. De fait, l'Ontario, le Manitoba et l'Alberta ont toutes fait savoir -- c'était dans les journaux ces derniers mois -- qu'elles entendent établir leur propre système de perception des impôts sur le revenu des particuliers, ce qui va à l'encontre, et non pas dans le sens de l'intégration administrative. Dans les autres provinces, l'appui est tout au plus tiède.
Le ministre l'a dit hier soir -- il l'a répété ce matin -- l'idée était de créer l'agence avec l'espoir que les provinces finiraient par y participer, y voyant un service rentable. Cela reste à voir. Il n'est pas très malin de créer une entreprise et de se faire dire par ses clients que vos services ne les intéressent pas mais en espérant qu'ils finiront un jour par s'adresser à vous.
L'agence était censée profiter aux entreprises. Cependant, les récentes réformes du ministère -- comme le numéro d'identification d'entreprise et le service dit à guichet unique -- ont répondu à la plupart des attentes de l'entreprise et sont la preuve que Revenu Canada est tout à fait capable de réforme de l'intérieur comme ministère. Les grands lobbies et les grandes associations du patronat ne se sont même pas donné la peine de se manifester devant le comité des finances des Communes. Il n'y aucune raison de penser qu'il ne serait pas possible d'apporter d'autres améliorations dans le cadre de la structure actuelle du ministère.
De même, selon un sondage du Forum des politiques publiques mené auprès des entreprises-en 1997 pour le compte du ministère -- seulement un tiers des entreprises répondantes voient un quelconque avantage-coût dans la nouvelle agence. Ces avantages étaient de l'ordre de 160 millions de dollars par an. De fait, loin de faire des économies, l'agence se révélera vraisemblablement plus coûteuse pour les contribuables. Elle sera encore plus bureaucratique dans sa structure que le ministère actuel. Elle maintiendra des relations avec le Conseil du Trésor et les autres ministères mais se donnera en même temps de nouveaux niveaux de bureaucratie pour appuyer le nouveau Conseil de direction et administrer les services offerts aux autres instances. Nous avons bien peur que le projet de loi C-43 n'ouvre la porte à l'imposition de nouveaux droits d'utilisation.
L'agence sera également soustraite à une surveillance politique significative -- et c'est une question qui devrait inquiéter au plus haut point tous les parlementaires. Le ministre aura beaucoup moins à dire dans les opérations de l'agence que ce n'est actuellement le cas avec le ministère. Et le projet de loi d'habilitation ne propose un examen parlementaire complet que cinq ans après le lancement de l'agence.
Avec son intention de percevoir les taxes et les impôts au niveau municipal et au niveau provincial, l'agence concentrerait en un même endroit une quantité incroyable de renseignements personnels. Nous partageons les craintes des défenseurs des libertés civiles au sujet des problèmes de confidentialité et de protection des renseignements personnels que soulève cette «superagence».
Pour toutes ces raisons de politique publique, nous étions persuadés -- et nous le sommes toujours -- que le statu quo est préférable à cette initiative mal conçue qu'est l'agence. Nous croyons sincèrement que le sous-ministre et la haute direction du ministère en ont «passé une petite vite» au ministre et au gouvernement. Dans leur précipitation pour se construire un temple bureaucratique et se donner plus de pouvoir et un meilleur statut, les mandarins ont complètement oublié les intérêts des parlementaires et du public.
Après avoir réclamé votre indulgence pour me permettre de réitérer notre dénonciation de politique publique du projet de loi C-43, je voudrais maintenant aborder les amendements dont les trois principaux syndicats du ministère vous saisissent. Les quatre amendements traitent directement de questions de relations de travail. Leur adoption contribuerait pour beaucoup à relever le moral des troupes et à réparer une relation syndicale-patronale tendue dans les premiers mois et les premières années critiques du fonctionnement de l'agence. Vous voudrez peut-être à ce stade-ci consulter les amendements que nous avons annexés à votre exemplaire de mon texte. Ils sont présentés selon une structure normalisée qui rappelle la question, le libellé actuel de l'article visé de C-43, le problème perçu avec le libellé actuel du projet de loi, l'amendement que nous proposons et une brève explication de notre amendement.
Notre premier amendement traite de la question de l'examen indépendant externe des mesures de dotation prises par la direction de l'agence. L'article pertinent du projet de loi est l'article 59. La formulation actuelle enlève le droit au recours indépendant externe que les employés de l'agence ont actuellement en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et de la partie I et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. En régime d'agence, les travailleurs perdraient le droit qu'ils ont actuellement d'en appeler de mesures de dotation qui seraient irrégulières ou sembleraient l'être. Nous sommes inquiets de l'impact que cela aurait sur le «principe du mérite» tel qu'il s'applique actuellement aux mesures de dotation de Revenu Canada dans le cadre de la fonction publique fédérale. Vous savez tous, j'en suis sûr, que le principe du mérite est le principe fondamental du processus de dotation des postes.
S'il n'est pas modifié, le projet de loi C-43 enlèvera aux employés le droit de recours à un examen objectif externe des décisions de dotation de la direction. Les gestionnaires de l'agence seraient ceux qui jugeraient le bien-fondé des mesures de dotation de leurs amis et collègues -- ce qui est un net conflit d'intérêts. Compte tenu de l'autonomie relative et de la diminution de la surveillance qui sont inhérentes au concept de l'agence, nous estimons qu'il est tout à fait injuste d'abolir un mécanisme existant qui garantirait que la compétence et le mérite demeurent les pierres d'angle des procédures de dotation. Par conséquent, nous avons proposé un nouveau paragraphe (1) pour l'article 59. Nous avons renuméroté l'ancien paragraphe (1), qui devient le paragraphe (2), et nous avons ajouté l'obligation pour l'agence de rendre disponible, sur demande, l'évaluation complète de ses mesures de recours. Cet ajout obligerait l'agence à rendre davantage de comptes. Selon la disposition actuelle, l'agence n'a pas d'autre obligation que de remettre au Parlement un résumé de l'évaluation dans le cadre de son rapport annuel. Pour nous, c'est nettement insuffisant, compte tenu de la diminution du droit de regard des parlementaires sur les opérations de l'agence.
Notre deuxième amendement a trait au report dans le régime de l'Agence des protections de l'Agence des protections existantes pour les employés selon les accords conclus entre le gouvernement fédéral et ses agents négociateurs au Conseil national mixte. L'article pertinent du projet de loi est l'article 51. Le Conseil national mixte est une assemblée consultative et délibérante qui réunit le gouvernement fédéral, dans son rôle d'employeur, et les divers agents négociateurs de la fonction publique fédérale. Le CNM en arrive à de nombreux accords qui engagent ses intervenants et qui touchent les droits et les avantages des fonctionnaires. Ceux-ci font partie de nos ententes collectives avec l'employeur. À moins d'un amendement à C-43, les employés de l'agence perdront des protections actuellement inscrites dans les diverses conventions collectives existantes entre les agents négociateurs et le Conseil du Trésor. Parce que le projet de loi est muet sur cette question critique, les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques font que les dispositions du CNM cesseront de s'appliquer aux employés de l'agence dès le jour de la naissance de l'agence. Cette résiliation des accords conclus par le CNM, dans la Loi sur la gestion des finances publiques, visait les cas où des travailleurs de la fonction publique fédérale étaient transférés au secteur privé plutôt qu'à un organisme quasi-gouvernemental de service spécial.
Les accords du CNM couvrent de nombreuses questions administratives, y compris (sans limitation) à la santé et la sécurité, les détachements, les mutations et les déménagements, la sécurité d'emploi et les indemnités dans le Nord. Ce sont autant de questions que l'agence devra aborder de toute façon. Par exemple, la directive sur les déplacements fixe le taux de kilométrage, les allocations quotidiennes et autres choses de ce genre. Lorsque l'agence entrera en service, elle aura besoin de règles pour régler ces questions. Actuellement, ces directives ne seront pas reconduites et il n'y aura rien pour les remplacer. Notre amendement -- qui ajoute un nouveau paragraphe (3) à l'article 51, permet tout simplement le maintien, selon le bon sens, des accords existants mutuellement acceptables sur un certain nombre de questions administratives.
Notre troisième amendement concerne l'interdiction explicite que fait le projet de loi C-43 de négocier un régime de dotation pour la nouvelle agence. L'article pertinent du projet de loi est l'article 54. Selon son libellé actuel, C-43 donnerait à la haute direction de l'agence un contrôle total et arbitraire sur les questions de dotation. Le paragraphe (2) de l'article 54 interdit à l'agence et à ses agents négociateurs de négocier un régime de dotation et d'intégrer ce régime négocié dans les conventions collectives. Le projet de loi C-43 fait du commissaire de l'agence le dépositaire de pouvoirs discrétionnaires extraordinaires en matière de ressources humaines. Ces pouvoirs sapent la perception (sinon la réalité) du «principe du mérite» qui sous-tend toute l'étique de la prestation des services publics.
Nous proposons la suppression du paragraphe (2). Nous ne saurions trop faire valoir que notre amendement n'obligerait pas à négocier un régime de dotation. Le retrait de toute interdiction spécifique laisse tout simplement la possibilité à l'agence et à ses agents négociateurs de discuter de la question. Nous ne vous demandons pas de nous ouvrir une porte. Ni même de la déverrouiller. Nous vous demandons plutôt de ne pas laisser le projet de loi C-43 ériger un mur de briques permanent là où il suffit d'une porte. Ce sera aux parties de décider quand ouvrir la porte.
Nous aimerions signaler que la dotation est une question entièrement négociable dans la vaste majorité des lieux de travail syndicalisés du secteur privé et du secteur parapublic. Si l'on veut donner à la nouvelle agence les avantages perçus d'un environnement parapublic, nous croyons qu'elle devrait avoir les responsabilités dont ils s'accompagnent. Il faut également noter que cette interdiction de négocier un régime de dotation ne se retrouve pas dans la loi habilitante des deux autres organismes de service spéciaux que le gouvernement a créés: l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence Parcs Canada. Nous nous demandons pourquoi on a fait de Revenu Canada un cas d'exception dans une disposition de loi qui ferme la porte à la négociation sur la dotation. Nous convenons que le régime de dotation actuel de la fonction publique fédérale a besoin d'une refonte en profondeur. Aussi notre syndicat est-il disposé à s'asseoir avec la haute direction pour trouver un nouveau processus de dotation qui contribuera à un climat positif et progressiste de relations de travail. Nous demandons tout simplement que ce processus s'appuie sur la négociation bilatérale, et non pas sur l'imposition unilatérale des volontés patronales. La Loi sur l'emploi remonte maintenant à 30 ans et a besoin d'être rénovée. Nous ne le contestons pas. Toutefois, nous contestons le fait qu'on donne à la direction de l'agence le droit de faire tous les changements qu'elle veut.
Notre quatrième et dernier amendement traite de la question de représentation des agents négociateurs au conseil de direction de la nouvelle agence. L'article pertinent du projet de loi est l'article 14. Le conseil de direction est chargé de la supervision de la structure organisationnelle et de l'administration de l'agence et de la gestion de ses biens, de ses services, de son personnel et des contrats. Toutes ces questions intéressent les employés de l'agence, et la plupart ont des conséquences directes dans leur quotidien. Cependant, C-43 ne prévoit pas, à l'heure actuelle, une représentation des employés au sein du conseil, ce qui prive l'organe administratif de l'agence d'un accès direct à une précieuse expérience et expertise des relations de travail.
Selon le libellé actuel du projet de loi C-43, seulement 13 des 15 sièges sont déjà réservés. Le gouvernement fédéral a le pouvoir discrétionnaire de confier les deux autres sièges à qui il juge le mieux placé pour ajouter de la valeur aux délibérations du conseil. Nous proposons de modifier l'article 14 pour prévoir le choix conjoint d'un administrateur par les agents négociateurs de l'agence. Nous croyons que le moral des troupes serait relevé si les employés savaient que leurs problèmes pourraient être soulevés directement au plus haut niveau de la nouvelle agence. Cette initiative serait également perçue comme la preuve tangible de l'engagement d'ouverture et de transparence de la haute direction dans ses rapports avec les troupes. Il faut noter que la représentation des employés au sein des conseils d'administration des entreprises est une tendance croissante. L'ADRC devrait donner l'exemple, et profiter de l'occasion.
Comme je l'ai signalé au début de mon propos, nous avons bon espoir que vous conviendrez que les amendements que nous proposons ne sont ni radicaux ni contraires à l'esprit et à l'intention de la mesure législative proposée. Ils n'imposeraient pas non plus un fardeau financier administratif indu. Nous demandons simplement la protection de droits existants que reconnaît l'actuelle législation des relations de travail. L'imposition unilatérale des questions de relations de travail minera le moral des troupes et la confiance des employés envers la direction, au moment même où l'agence pourrait tout mettre en oeuvre pour reconstruire ses relations, déjà sérieusement détériorées, avec ses principaux agents de négociateurs. À défaut de rétablir les contrôles existant, nécessaires et raisonnables, on infligera à la nouvelle agence un climat de relations de travail amer et négatif. Cette situation n'avantagera ni la direction, ni les travailleurs, ni la population canadienne.
Mesdames et messieurs les sénateurs, un grand nombre de Canadiens remettent en question le rôle et la valeur de notre Chambre haute. Nous n'en sommes pas. Vous possédez la sagesse, le pouvoir et l'indépendance d'agir au mieux des intérêts du pays et de ceux de ses citoyens qui seront directement touchés par cette mesure législative. Nous ne sommes pas là pour réclamer un second examen objectif, comme on dit ici. Dans le cas du projet de loi C-43, c'est un premier examen objectif qu'il faut. La Chambre des communes a manqué à son obligation de bloquer ou de modifier une mesure législative mal conçue et sérieusement tarée. J'invite particulièrement les membres du Parti ministériel au sein de votre comité à exercer leurs prérogatives constitutionnelles légitimes de sénateurs. Au nom de nos 38 000 membres, nous vous demandons donc respectueusement d'appuyer les efforts que nous faisons pour améliorer le projet de loi C-43.
Je serai heureux de répondre aux questions que vous voudrez nous poser.
Le sénateur Bolduc: Dans votre mémoire, vous avez exprimé des inquiétudes relatives à la conduite des affaires publiques et réclamé quatre amendements. Nous avons posé au ministre des questions sur la coopération des provinces parce qu'il nous a dit que beaucoup frapperont à la porte pour obtenir un accord pour que le gouvernement fédéral perçoive des impôts dans les provinces. Il a dit que cela sera bon pour les affaires. J'ai dit au ministre que les choses ne se passeront peut-être pas de cette façon et je suis heureux de voir que vous êtes du même avis que moi. Vous dites que jusqu'à présent il n'y a une entente que sur un seul petit point avec une seule province et que l'Ontario ne veut pas en entendre parler.
L'agence offre en outre des services de perception des impôts aux municipalités de tout le pays. J'ai du mal à imaginer la Ville de Montréal faire percevoir ses impôts fonciers par le gouvernement fédéral. Nous nous sommes laissés emporter trop loin par nos propres critères d'efficacité, comme je le disais au ministre.
Voyons les quatre amendements. Dans le premier, vous demandez une place au conseil de direction. Si j'ai bien compris, toutefois, ce n'est pas la question prioritaire pour vous.
M. Flinn: Dans l'immédiat, cette question arriverait en quatrième place. À longue échéance, il serait bon malgré tout que le syndicat soit représenté au conseil de direction.
Le sénateur Bolduc: Avez-vous d'autres exemples d'administration fiscale en Amérique du Nord, pas en Europe, où les employés ou les syndicats sont représentés au conseil de direction ou à la direction?
M. Flinn: Pas dans une administration fiscale. En Amérique du Nord, il n'y a que Revenu Canada et l'IRS. Nous ne sommes pas représentés à la direction.
Le sénateur Bolduc: Quelle est la situation dans un État progressiste comme le Minnesota? Y a-t-il quelque chose de ce genre dans un État?
M. Flinn: Je ne sais pas. Dans les grandes sociétés comme Chrysler, Ford et GM, les syndicats sont représentés au conseil. Je ne sais pas ce qu'il en est pour les administrations publiques.
Le sénateur Bolduc: Dans ce cas, ce n'est pas à cela que vous accordez la priorité.
Passons maintenant à l'article 51. Jadis, il y avait un conseil mixte qui discutait des politiques administratives avec la gestion.
M. Flinn: Oui, tous les sujets sauf la dotation.
Le sénateur Bolduc: Est-il exact que vous ne discutez pas de dotation avec eux à cause des règlements de la fonction publique?
M. Flinn: Oui.
Le sénateur Bolduc: Vous nous dites que cela n'existe plus.
M. Flinn: Cette loi qui crée des agences spéciales prévoit que toutes les ententes relatives à des conseils mixtes nationaux cesseront d'exister le jour où la nouvelle agence ouvrira ses portes. À compter de cette date, toutes ces ententes cessent d'exister. Ce que nous voulons, c'est qu'elles restent en vigueur jusqu'à ce qu'on les remplace.
Nous avons travaillé avec Revenu Canada pour assurer une transition en douceur et pour qu'on prévoie un accord sur un conseil mixte national pour traiter avec l'agence. Maintenant, je ne vois pas comment cela serait possible.
Le sénateur Bolduc: Autrement dit, du jour où le projet de loi est adopté, tout ce qui a été convenu jusqu'à présent disparaît.
M. Flinn: Oui, ce jour-là, ou bien le jour où l'agence ouvrira officiellement ses portes.
Le sénateur Bolduc: Est-ce que le sous-ministre ne vous a pas envoyé une lettre pour vous prévenir que cela serait changé?
M. Flinn: Nous lui avons demandé de nous assurer de cela par écrit, mais il nous a répondu que ce n'était pas possible. Il ne nous a pas donné de raison. Nous voulons nous assurer que ces ententes très importantes continuent à exister.
Le sénateur Bolduc: Quelle priorité donnez-vous à cet amendement?
M. Flinn: Je le place au second rang.
Le sénateur Bolduc: Dans ce cas, dois-je comprendre que l'article 59 est le premier par ordre d'importance?
M. Flinn: Oui, exactement.
Le sénateur Bolduc: Passons maintenant à l'article 54.
Si le gouvernement acceptait d'ajouter dans le projet de loi une phrase courte précisant que le principe du mérite s'applique au recrutement et que les promotions sont accordées sur concours, qu'est-ce que vous en penseriez?
M. Flinn: Ce serait préférable au texte actuel.
À l'époque où les trois syndicats faisaient parti du comité directeur, nous avons communiqué nos nombreuses préoccupations à Revenu Canada et au sous-ministre. Comme nous n'avons pas de clause de sécurité d'emploi dans notre convention collective, notre sécurité d'emploi disparaît. La dotation des postes était une autre source de préoccupation. Nous avons demandé au sous-ministre de ne pas fermer la porte. Si la loi ne parle pas de dotation, comme c'est le cas de la loi qui régit Parcs Canada et l'Agence d'inspection des aliments, et si un beau jour nous décidons que la dotation syndicale devrait être négociable, comme c'est le cas dans d'autres conventions collectives, la porte serait ouverte. Nous lui avons dit que nous ne réclamons pas un avantage que nous n'avons pas actuellement, car en effet, à la fonction publique, la dotation n'est pas négociable actuellement. Il n'est pas possible d'obtenir une décision arbitrale pour des questions de dotation.
Le sous-ministre et le ministre nous ont claqué la porte au nez. Notre position est que cela n'est pas nécessaire car la direction nous a déjà prévenus qu'elle n'avait pas du tout l'intention de négocier avec nous la dotation. C'est elle qui a le dernier mot. Nous trouvons particulièrement insultant de nous faire claquer la porte au nez, puisque de toutes façons, c'est la direction qui contrôle la situation.
Le sénateur Bolduc: J'essaie de vous montrer qu'il y a une corrélation entre les articles 54 et 59.
M. Flinn: Effectivement, il y a une corrélation.
Le sénateur Bolduc: À votre avis, le climat des relations de travail dans la nouvelle agence risque de ne pas être très favorable.
M. Flinn: C'est ce que nous redoutons. Depuis plusieurs mois, nous demandons au sous-ministre de nous rassurer sur plusieurs points.
Le sénateur Bolduc: Je crois comprendre que vous n'avez reçu aucune assurance, n'est-ce pas?
M. Flinn: Absolument rien. Nous n'avons reçu aucune assurance. Le 27 août, les trois syndicats ont envoyé un protocole d'entente au sous-ministre lui demandant des garanties sur certains aspects très simples comme la rétroactivité salariale, lorsque les salaires seraient finalement fixés, la rétroactivité pour la convention collective, et également la dotation et la sécurité d'emploi, bref, tout le parcours. Sa réponse ne nous a offert aucune garantie. En ce qui concerne la dotation, nous tenons absolument à ce que la porte reste ouverte. Pendant la première série de négociations avec l'agence, nous ne pensons pas être appelés à négocier la dotation. Ce n'est pas ce que nous voulons. Par contre, ce qui nous ennuie, c'est que la porte soit fermée définitivement.
Le sénateur Bolduc: Pour l'instant, le projet de loi ne parle pas du système du mérite dans les principes de recrutement, ne dit rien au sujet des concours d'avancement et rien non plus au sujet du droit d'appel ou du droit de déposer un grief en ce qui concerne le processus de dotation. C'est bien cela?
M. Flinn: Oui, et cela nous ramène à l'article 59, le mécanisme de recours, qui est notre priorité absolue.
À l'heure actuelle, la Loi de l'emploi dans la fonction publique régit le processus de dotation dans le secteur public qui englobe, entre autres, le principe du mérite. Elle prévoit une procédure d'appel qui permet à une personne employée par la Commission de la fonction publique de remettre en question une dotation et de déterminer si la direction a bien suivi les règles. À l'heure actuelle, nous utilisons avec succès la procédure d'appel car Revenu Canada n'a pas la réputation d'organiser des concours dans les règles.
La partie I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique prévoit qu'une personne congédiée pour incompétence ou pour incapacité peut aller en arbitrage devant une tierce partie. Quand nous passerons à la partie II, ce qui sera le cas le jour où l'agence ouvrira ses portes, nous perdrons ce droit. La direction pourra alors congédier quelqu'un sous prétexte d'incapacité ou d'incompétences sans que cette mesure soit jamais remise en question. C'est très dangereux.
On a vu des cas, pas à Revenu Canada, mais dans le secteur public fédéral, de personnes qui ont été congédiée sans qu'on leur donne jamais une raison. Un arbitre a ensuite décidé qu'il n'avait pas la compétence nécessaire pour intervenir puisqu'il s'agissait d'une décision non disciplinaire.
L'idée que nous allons perdre deux droits d'appel, au sujet de la dotation et en cas de congédiement pour incapacité ou encore incompétence nous inquiète énormément: c'est notre priorité absolue.
Le sénateur Bolduc: Au cours des deux dernières heures, j'ai entendu un ministre, qui parle de bonne foi et qui est optimiste et convaincu d'améliorer le processus administratif. Il prétend que ses relations avec les employés sont bonnes. Mais en même temps, voici un témoin qui vient nous dire que cela ne fonctionne pas, que la situation est mauvaise depuis un an. Je ne sais quoi penser, je me demande si le ministre est naïf, ou astucieux, je ne sais qu'en penser.
Le sénateur De Bané: Monsieur Flinn, je vais être aussi franc avec vous que vous l'avez été avec nous.
D'après ce que j'ai compris, le régime actuel s'applique à 80 ministères et organismes fédéraux. Il est tellement complexe qu'il faut six à douze mois pour doter un poste dans un ministère. Le ministre pense que, tant que des organismes centralisés établiront les politiques et contrôleront 80 ministères, la structure restera compliquée et il sera impossible d'embaucher des gens compétents. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que le principal atout d'un gros organisme c'est son personnel.
Apparemment, le système actuel nuit au moral du personnel. Il suffit de lire les journaux pour s'en convaincre. Aujourd'hui, les compagnies se battent pour embaucher des experts en informatique et le gouvernement, avec sa structure trop lourde, n'est pas à la hauteur.
Cette agence dont nous parlons accueillera dans son conseil de direction des gens du secteur privé qui, grâce à leur vaste expérience de l'administration d'une grosse organisation essaieront de mettre en place la formule de gestion des ressources humaines la plus progressiste, la plus dynamique possible.
Vous qui dirigez le syndicat, vous devriez être enthousiaste à l'idée de faire partie de cette nouvelle agence où vous ne serez pas ralenti par 79 autres organismes qui ne cessent de répéter la même excuse: Monsieur Flinn, ce n'est pas possible car le Conseil du Trésor nous l'interdit. Vous pourrez négocier avec la direction et comme c'est vous qui aurez les experts et les meilleures occasions, vous devriez pouvoir améliorer considérablement les conditions de travail de vos adhérents. Il ne faudra plus de six à douze mois pour doter un poste car vous pourrez négocier des conventions collectives sur la base des priorités des gens et, de son côté, la direction ne pourra plus évoquer l'excuse du Conseil du Trésor ou d'un autre organisme central.
Ne pensez-vous pas que dans une telle agence, loin d'être une menace, vous pourrez négocier d'égal à égal et obtenir des conditions de travail et de rémunération comparables à celles du marché actuel, un marché qui offre de meilleures conditions aux gens du secteur informatique?
Il me semble que cela pourrait représenter beaucoup d'avantages pour vos adhérents.
M. Flinn: Dans l'ensemble, je suis d'accord avec ce que vous dites; comme je l'ai dit au début, nous pensons que la création de l'agence pourrait être très positive. Il est certain que le processus de dotation déterminé par la Loi de l'emploi dans la fonction publique, qui date de 30 ans, est nettement périmé.
Peut-être pourrions-nous nous attacher au problème qui existe. Le recrutement à l'extérieur n'est pas un problème. Il n'y a pas de mécanisme de recours pour le recrutement à l'extérieur. Lorsqu'on embauche quelqu'un d'ailleurs, personne ne peut faire appel. Cela peut aller très vite, ce n'est pas un problème.
Le problème se situe au niveau de l'avancement à l'interne, des employés qui ont un droit d'appel. Il y en a beaucoup qui font appel, et c'est un processus qui peut s'étirer en longueur. Il y a environ cinq ans, nous avons contesté un concours à Halifax et l'affaire est encore devant la Cour fédérale. À chaque palier, nous avons gagné notre cause, et par conséquent, dans ce cas particulier, nous nous en tirons bien.
Le véritable problème, c'est que les administrateurs ne comprennent pas le processus de dotation. Très souvent, ils suivent le principe du mérite. Très souvent, ils accordent de l'avancement à qui ils veulent, et cela devient très transparent. Nos membres ont le droit d'appel, et ils l'utilisent. C'est ce processus d'appel, qui prend beaucoup de temps, qui irrite beaucoup d'administrateurs à Revenu Canada.
Une meilleure solution serait de mettre en place un nouveau régime de dotation fondé sur le principe du mérite ou quelqu'autre méthode, n'importe quoi sauf ce système archaïque des concours, avec des épreuves écrites et une entrevue. Il existe une meilleure façon de procéder et les syndicats sont entièrement d'accord.
Les gens qui organisent les concours doivent être compétents, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Nous gagnons souvent des appels. Parfois nous retirons un appel parce que l'intéressé a obtenu ce qu'il ou elle voulait et parce que la direction ne veut pas perdre sa cause. Autrement dit, nous obtenons gain de cause, mais il n'en reste rien de concret. Une réforme du système s'impose.
Vous avez parlé des conventions collectives. Nous ne pouvons pas négocier la dotation dans le cadre d'une convention collective. Si c'était possible, si nous pouvions négocier cela comme nous négocions les congés, les salaires, et cetera, le système serait bien meilleur.
Avec la nouvelle agence, nous voulons nous éloigner de la Loi de l'emploi dans la fonction publique qui nous régit actuellement. C'est un point de référence. Si nous n'aimons pas une situation, nous pouvons nous adresser à un tribunal pour demander un redressement. L'agence veut remplacer la loi par la politique de la compagnie, une politique que la compagnie peut modifier comme elle l'entend.
Nous avons parlé du problème de la politique publique. On ne voit pas très bien l'utilité de l'agence. Revenu Canada a introduit des réformes. Comme je l'ai dit plus tôt, l'agence a été créée pour harmoniser la TVP et la TPS. Cela n'a pas marché. On a eu ensuite une autre idée, celle de percevoir les impôts pour le compte des provinces en leur facturant les coûts. Les provinces devaient économiser de l'argent de cette façon. Cela n'a pas marché non plus.
Nous pensons que la véritable raison d'être de cette agence, c'est de supprimer les lois qui régissent la dotation, la classification, et cetera, et de laisser les administrateurs faire ce qu'ils veulent. Nous avons essayé de parler au sous-ministre pour obtenir des assurances. Nous voulons être certains de ne rien perdre de ce que nous avons actuellement. Il a refusé de nous donner ses garanties. C'est la raison pour laquelle nous avons porté la bataille devant la Chambre des communes et le tribunal de l'opinion publique et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous pensons que nous risquons de perdre gros.
Nous avons fait de gros efforts pour travailler avec le sous-ministre. S'il nous avait donné l'ombre d'une garantie raisonnable, nous vous dirions probablement aujourd'hui que c'est une bonne idée.
Toutefois, nous craignons fort que la direction de l'agence ne commence par simplifier le processus pour pouvoir faire ce qu'elle souhaite et nous empêcher de contester ses décisions injustifiées. Voilà ce qui nous inquiète.
Le sénateur De Bané: Je ne suis pas expert en matière de relations de travail, comme le sénateur Bolduc. D'un côté, M. Flinn, vous dites que le système de dotation est archaïque et que les choses doivent changer, mais d'un autre côté, vous dites que la confiance ne règne pas entre le personnel et la direction. Est-ce que je vous ai bien entendu?
M. Flinn: Oui.
Le sénateur De Bané: C'est très triste, car d'après ce que j'ai lu dans la documentation officielle, il semble que la structure actuelle de Revenu Canada comprenne environ 32 niveaux de classification. Les processus de dotation qui régissent les transferts d'un groupe à un autre font qu'il est très difficile et très long de réaffecter du personnel à un service qui en a besoin.
Nous sommes tous d'accord pour dire que dans un gros organisme où travaillent 50 000 personnes, le moral de ce personnel est crucial pour le succès de l'organisme. Il faut donc adopter des politiques qui favorisent le moral du personnel. Un des moyens est de leur verser d'excellents salaires, faute de quoi on risque de les perdre.
Je comprends vos arguments pour l'essentiel. D'une part vous dites que le système est archaïque, mais d'autre part vous dites aussi que vous ne faites pas confiance à la direction.
M. Flinn: Le sous-ministre déclare aux syndicats: «Faites-moi confiance car je défendrai vos intérêts.» C'est très simple, nous ne lui faisons pas confiance. Il n'a pas gagné ma confiance, il ne m'a rien donné de concret qui me permette de dire: «Oui, M. Wright, je vous fais confiance, je sais que vous ne nous retirerez pas les avantages que nous avons actuellement.» Nous ne réclamons rien de plus, tout ce que nous voulons, c'est conserver ce que nous avons actuellement. Nous sommes tout à fait disposés à envisager de nouveaux contextes, de nouvelles façons de faire les choses. C'est très simple, nous ne voulons pas perdre les droits que nous avons actuellement.
Le sénateur Carstairs: Vous avez répété à maintes reprises que vous aviez essayé de parler au sous-ministre, mais je crois comprendre que plusieurs équipes sont chargées d'élaborer un système des ressources humaines pour la nouvelle agence et que le syndicat a refusé de participer à cette tâche.
M. Flinn: Oui.
Le sénateur Carstairs: Pouvez-vous m'expliquer pourquoi?
M. Flinn: C'est très simple. Il y avait au moins sept équipes de conception et deux des sujets qu'elles étaient chargées d'étudier, le conseil mixte national et l'équité dans l'emploi, doivent absolument faire l'objet de consultations aux termes de la loi.
Le sous-ministre a insisté pour que le processus de consultation soit tripartite: syndicat, direction et employés. C'est nous qui représentons les employés. À notre avis, cette consultation, exigée par la convention collective, devait mettre en cause la direction et le syndicat seulement, et non les employés. Puisque les employés participaient à l'exercice -- et parce que nous représentons les employés, nous avons jugé que nous ne pouvions pas participer nous aussi et légitimer le processus. Ce que nous voulions, c'était une véritable consultation direction-syndicat, une consultation bipartite et non pas tripartite.
Le sénateur Carstairs: Vous avez parlé des frais d'utilisateur, de ce véritable épouvantail que sont les frais d'utilisateur.
L'article 60(2)b) est très clair, et autorise uniquement l'agence à dépenser les recettes d'exploitation perçues aux fins du programme. Cela ne lui donne pas le droit de fixer des frais d'utilisation.
M. Flinn: Je n'ai jamais dit cela. Ce que j'ai dit, c'est que si on a le droit d'utiliser les recettes d'exploitation, il faut prévoir une autre structure. Si j'ai bien compris, cela n'est possible que par décret en conseil et approbation du cabinet. Le fait que la loi prévoit que l'agence peut dépenser les recettes d'exploitation nous porte à croire que ces droits d'utilisateur augmenteront un jour ou l'autre.
Le sénateur Carstairs: À vrai dire, c'est un épouvantail qui n'existe pas.
Ma dernière question porte sur la protection de la vie privée que vous avez soulevée. Dans ce projet de loi, qu'est-ce qui vous fait penser que les sauvegardes actuelles -- dont la plupart des Canadiens vous diraient qu'elles sont remarquables -- pourraient disparaître en partie? Les lois sur la protection de la vie privée qui s'appliquent actuellement continueront à s'appliquer, exactement de la même façon.
M. Flinn: Il s'agit de la gestion d'une somme considérable de renseignements personnels. À l'heure actuelle, ils sont répartis entre Revenu Canada, les différents services fiscaux provinciaux, les rôles d'évaluation des taxes foncières, et cetera. Si l'Agence parvient à la totalité de ses objectifs et si Revenu Canada perçoit tous les impôts au Canada, y compris les impôts fonciers, et de toute évidence, c'est l'intention, cela aura pour effet de rassembler en un même endroit une énorme masse de renseignements. N'importe qui pourra vous dire que les chances et les possibilités d'abus augmentent lors du transfert électronique d'une énorme masse de renseignements centralisés.
Le budget est également une source d'inquiétude. Il y a un article enfoui là-dedans quelque part qui prévoit que Revenu Canada peut partager avec la province de Nouvelle-Écosse des informations sur l'administration de la loi qui régit la Commission des accidents du travail. Cela prouve que des informations fiscales et des informations recueillies par Revenu Canada iront dorénavant là où elles ne vont pas actuellement. En ce qui concerne les informations recueillies par Revenu Canada en Nouvelle-Écosse, le budget déposé mardi par Paul Martin prévoit que certaines informations de nature fiscale pourront dorénavant être communiquées. Voilà ce qui nous préoccupe.
Il faut espérer que cela ne se produira pas, sénateur. Je suis d'accord avec vous, ces informations sont vitales et importantes et nos employés et nos membres font tout en leur pouvoir pour les sauvegarder. Ils s'exposent à des peines sévères s'il leur arrive de révéler des informations de nature fiscale. Plus nous faisons circuler les informations, plus nous les regroupons en un endroit unique, plus nous devons nous attendre à ce que ces sauvegardes échouent.
Le sénateur Carstairs: Monsieur Flinn, dans votre déclaration vous avez dit une chose au sujet de ma province, le Manitoba, qui m'a inquiétée et j'ai donc contacté une personne là-bas. Apparemment, personne n'a la moindre intention de créer là-bas un service distinct pour percevoir les impôts.
M. Flinn: Sénateur, vous devriez parler à quelqu'un du Globe and Mail car ils ont publié un article à ce sujet il y a deux ou trois semaines.
Le sénateur Carstairs: J'ai parlé à des responsables du ministère des Finances de la province du Manitoba.
M. Flinn: Je tiens mes informations du Globe and Mail, le journal national que beaucoup de gens croient comme si c'était la Bible. Dans cet article, on disait que le Manitoba et l'Alberta envisageaient d'établir leurs propres systèmes de perception des impôts.
Le sénateur Butts: J'ai une question au sujet du contenu général de votre mémoire. Ce qui m'ennuie, c'est qu'au moins à deux reprises dans votre exposé vous dites que le moral est très mauvais et que les relations sont très tendues. Et pourtant, tous vos amendements cherchent à garder ce que vous avez et non pas à obtenir de nouveaux avantages. En fait, en réponse à une question vous avez dit: «Tout ce que nous voulons, c'est garder ce que nous avons déjà». Est-ce que ce n'est pas une contradiction?
M. Flinn: Je crois que nous allons avoir du mal à garder ce que nous avons déjà. Si nous essayions d'obtenir quelque chose de plus, notre problème serait encore plus considérable.
L'agence comporte un aspect positif sur le plan de la négociation des conventions collectives. En effet, nous ne négocierons plus avec le Conseil du Trésor, mais avec l'employeur, l'agence. C'est à ce niveau-là que nous espérons un jour obtenir de nouveaux avantages, dans le cadre des négociations collectives.
Je suis à Revenu Canada depuis 1965 et j'ai commencé à Halifax. À l'époque, frais sorti de l'Université Saint-Mary, j'estimais comme un privilège et un honneur d'obtenir un poste au gouvernement fédéral. C'était un emploi en or. Quand je parle aux gens aujourd'hui, je constate que le moral est bas. Les gens ne veulent pas travailler pour le gouvernement fédéral. Les gens qui ont des compétences en informatique, qui peuvent trouver un emploi à l'extérieur ne travaillent pas pour le gouvernement. Ils n'aiment pas la façon dont la direction les traite depuis des années. Comme je défends les travailleurs, vous vous attendez à ce que je dise cela. Toutefois, je vois ce qui se passe depuis près de 35 ans, et je trouve la situation actuelle très décourageante. J'aimerais trouver un moyen de remonter le moral, mais je peux vous assurer que cette agence ne réussira pas à le faire à Revenu Canada.
Le sénateur DeWare: Il s'agit d'une nouvelle agence. Est-ce que les employés du ministère seront transférés, ou bien embauchera-t-on de nouveaux employés?
M. Flinn: D'après le projet de loi, tout le monde sera automatiquement transféré à l'agence, mais une disposition prévoit une période de trois mois pendant laquelle n'importe qui peut se désister. Tous les gens qui seront employés par Revenu Canada la veille du jour où l'agence ouvrira ses portes seront transférés automatiquement.
Le sénateur DeWare: Tout le monde?
M. Flinn: Oui, y compris les employés à terme, les employés nommés pour une période indéterminée et ceux qui ne sont pas permanents. Tout le monde sera transféré. Nous ne sommes pas inquiets à l'idée de perdre des emplois le jour où l'agence ouvrira ses portes. Le projet de loi s'occupe de cela.
Le sénateur DeWare: On change seulement le titre.
M. Flinn: Le nom Revenu Canada devient l'Agence du revenu du Canada.
Le sénateur DeWare: Et les gens qui sont employés à contrat? Nous savons que certaines personnes sont embauchées pour accomplir une tâche bien déterminée. Il peut arriver qu'on embauche une personne pour une période de deux ans pour lui permettre de mener à bien une tâche, après quoi son contrat expire. Est-ce que votre politique prévoit cela?
M. Flinn: Non. Les employés à contrat ne sont pas syndiqués, ils ne font pas partie de notre syndicat. Il y a une disposition de la loi de l'emploi dans la fonction publique qui régit ces employés. J'imagine que cela s'appliquera également à l'agence, mais nous n'avons pas encore eu de discussions détaillées avec la direction au sujet de la dotation.
Le sénateur DeWare: Ce qui vous préoccupe avant tout, c'est la sécurité d'emploi et la promotion des employés à certains postes?
M. Flinn: La sécurité d'emploi, effectivement. Je parle uniquement au nom des employés syndiqués du secteur de l'impôt. D'autres témoins vous exposeront des problèmes différents.
Après la création de l'agence, la loi prévoit une garantie d'emploi de deux ans qui prévoit des possibilités d'emploi dans d'autres agences. Pendant cette période de deux ans, on vous garantit un emploi, mais après cette date, rien du tout. L'Alliance de la fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor viennent de négocier l'annexe sur la sécurité d'emploi qui figure maintenant dans la convention collective. La convention collective des employés de l'impôt, membres de l'AFPC, sera transférée à l'agence, ce qui leur assure une sécurité d'emploi. Nous ne sommes plus aussi inquiets au sujet de la sécurité d'emploi à cause de cette annexe qui s'appliquera aux employés de l'agence.
Par contre, ce qui nous inquiète, c'est la perspective des compressions de personnel. D'autres agences ont réduit leur personnel. Mais à cause de cette annexe, nous sommes loin d'être aussi inquiets en ce qui concerne la sécurité d'emploi.
Le sénateur Callbeck: Monsieur Flinn, dans votre mémoire, vous dite que l'agence, loin d'économiser de l'argent, s'avérera plus coûteuse pour les contribuables.
Apparemment, le Forum des politiques publiques a effectué une étude indépendante et déterminé que les entreprises canadiennes pourraient économiser de 116 à 193 millions de dollars et que les gouvernements provinciaux pourraient économiser jusqu'à 62,5 millions de dollars. Cela ne comprend pas le Québec. Avez-vous vu cette étude, l'avez-vous analysée?
M. Flinn: Oui, je l'ai vue et analysée. Si on considère l'ensemble du budget de Revenu Canada, 116 millions de dollars, c'est de la petite monnaie.
Maintenant que vous avez posé la question, j'aimerais faire une observation au sujet du Forum des politiques publiques. Revenu Canada a versé 170 000 $ au Forum pour faire faire cette étude. Si quelqu'un me payait une telle somme pour faire une étude, je suis certain que je réussirais à lui trouver les résultats désirés.
Le sénateur Callbeck: Je ne suis pas d'accord quand vous dites que 116 millions de dollars c'est une broutille. À mon avis, c'est beaucoup d'argent.
M. Flinn: Dans l'univers de Revenu Canada, ce n'est vraiment pas grand-chose.
Le sénateur Callbeck: Ce n'est pas la façon dont je vois les choses.
Le président: Merci, monsieur Flinn. Nous vous savons gré d'être venu témoigner aujourd'hui.
Nos témoins suivants représentent l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Il s'agit de M. Steve Hindle, président et de Mme Susan Dorion, vice-présidente.
Nous vous souhaitons la bienvenue. Vous avez la parole.
M. Steve Hindle, président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: Monsieur le président, j'aimerais signaler que Susan Dorion, la vice-présidente de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, occupe à plein temps un poste de vérificateur à Revenu Canada. Pour ma part, je travaille à plein temps pour l'institut et je suis en congé sans solde. Lorsque je travaillais au gouvernement fédéral, j'étais également rattaché à Revenu Canada. Vous avez donc devant vous deux personnes qui ont une certaine expérience de travail au sein de ce ministère.
L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l'IPFPC, est le plus important syndicat représentant des professionnels, non seulement à la fonction publique fédérale, mais aussi dans tout le pays, je pense. Nous représentons certaines disciplines, depuis la médecine vétérinaire à la médecine, le commerce, la vérification, les systèmes informatiques commerciaux, ainsi qu'une vaste gamme de domaines scientifiques. Nous représentons près de 7 100 employés qui seront touchés par le transfert à l'Agence des douanes et du revenu du Canada.
Même si nous partageons certaines préoccupations soulevées ce matin par le président du comité, nous ne traiterons pas en détail des initiatives prises par le gouvernement précédent en vue de créer des entités distinctes, comme NAV CANADA et l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Notre mémoire d'aujourd'hui est divisé en deux volets. Je traiterai principalement de la première partie qui porte sur la diversification des modes de prestation des services et l'Agence des douanes et du revenu du Canada.
Nous sommes prêts à répondre à vos questions au sujet d'éventuels amendements au projet de loi C-43. Je dirai simplement que les amendements que nous envisageons sont les mêmes que ceux qui ont déjà été proposés ce matin, et c'est pourquoi je n'entrerai pas dans les détails.
L'Institut professionnel ne s'oppose pas au principe de la diversification des modes de prestation des services. Toutefois, nous estimons qu'il faut évaluer chaque proposition en fonction de ses avantages et l'analyser en tenant compte de l'incidence qu'elle aura sur la fonction publique et sur les services qui seront offerts aux Canadiens.
À cette fin, j'aimerais parler de l'agence et vous dire que, selon nous, le seul objectif de celle-ci est une plus grande souplesse administrative.
Peu après le discours du Trône annonçant le concept d'Agence des douanes et du revenu du Canada, Revenu Canada a énoncé trois objectifs. Tout d'abord, l'agence devait fournir des programmes et services de façon plus efficace et rentable grâce à une plus grande autonomie et flexibilité. En second lieu, l'agence devait améliorer les services et réduire le coût de l'administration des recettes et de l'observation en travaillant avec les provinces afin d'éliminer le chevauchement et le double emploi. Le troisième objectif était de renforcer l'efficacité de la fédération et contribuer à l'unité nationale en faisant de l'agence une organisation chargée de fournir aux Canadiens et Canadiennes des services de nature fédérale et provinciale.
Lors de la publication du deuxième rapport d'étape, en janvier 1998, il est devenu clair que les deuxième et troisième objectifs seraient impossibles à atteindre. Le premier objectif, qui est d'assurer une prestation plus efficace et efficiente des programmes et des services, est le seul que l'agence pourrait vraisemblablement réaliser. Cependant, Revenu Canada n'a pas réussi à démontrer que la création de l'agence permettra d'atteindre cet objectif.
Dans un article publié récemment, la Revue fiscale canadienne concluait après une analyse du projet d'agence que celle-ci ne pourrait vraisemblablement atteindre qu'un niveau réel, voire modeste de succès dans la promotion d'une plus grande efficacité et flexibilité administrative. En outre, elle ne permettrait la progression substantielle ni de l'objectif de réduire la perception de politisation ni de celui d'augmenter l'harmonisation de l'administration fiscale provinciale-fédérale.
De même, dans son examen récent du premier organisme découlant de la DMPS ayant été créé par le budget de 1996, soit l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le vérificateur général affirme qu'il est trop tôt pour dire si l'agence se prévaudra de la flexibilité qui lui a été donnée pour respecter l'engagement pris par le gouvernement d'assurer la prestation des services d'une manière novatrice et plus efficace. Il fait donc une mise en garde. Selon lui, plus l'agence prend de temps pour créer des pratiques et des systèmes reflétant ses pouvoirs, plus elle risque de retomber dans les manières habituelles de fonctionner.
Le gouvernement a décidé d'établir l'Agence des douanes et du revenu du Canada comme employeur distinct aux termes de la partie II, annexe I, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, appelée couramment LRTFP. C'est une loi vieille de 30 ans qui n'a jamais fait l'objet d'une refonte en profondeur. Ce régime pourrait s'avérer fastidieux pour les agences car il ne permet que quelques adaptations mineures pour répondre aux besoins particuliers des organisations.
La LRTFP fonctionne bien dans le contexte de la négociation dans le secteur public où il faut tenir compte de vastes intérêts publics en raison de la nature des services offerts. Cette loi assure une grande mobilité du personnel et des conditions d'emploi semblables dans l'ensemble des ministères. Ceci explique la portée réduite de la négociation collective, ainsi que le droit à la désignation de postes pour assurer les services essentiels et l'enchâssement des modes de règlement des différends en prévision de grèves éventuelles et, jusqu'à tout dernièrement, du processus d'arbitrage exécutoire.
Depuis des années, l'institut s'est adressé à différentes instances pour obtenir la révision de la LRTFP. L'institut est disposé à collaborer avec le gouvernement pour trouver des moyens d'insuffler une plus grande souplesse au système et à la structure législative en place. Cela pourrait être un moyen plus rapide de rendre les services gouvernementaux plus efficaces que la création de grandes agences au titre de la DMPS.
L'institut s'inquiète de l'importance accordée à la flexibilité administrative au nom de laquelle le gouvernement invoque le principe de la diversification des modes de prestation des services. Les conventions collectives conclues entre le gouvernement fédéral et l'institut ou les autres syndicats de la fonction publique contiennent actuellement de nombreuses dispositions qui donnent au gouvernement des pouvoirs discrétionnaires et la possibilité d'annuler des dispositions d'un contrat de travail pour des raisons opérationnelles ou autre.
Nous convenons qu'il faut plus de souplesse dans l'administration des ressources humaines au sein de la fonction publique fédérale, surtout en ce qui a trait aux mesures de dotation. La dotation et les questions touchant la détermination du mérite sont beaucoup plus fastidieuses en raison de l'application actuelle de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et des délais prescrits pour les renvois devant la Commission de la fonction publique. Cependant, l'institut ne croit pas que la solution soit la création d'agences fondées sur la DMPS et qui ne seront pas assujetties à la LEFP, en l'occurrence l'Agence des douanes et du revenu du Canada.
La Commission de la fonction publique examine actuellement la question d'une réforme de la dotation dans la fonction publique fédérale. Dans le cadre de son initiative de réforme de la dotation, la commission a déjà délégué d'énormes pouvoirs au ministère, donnant ainsi aux gestionnaires des droits et des pouvoirs discrétionnaires accrus en matière de dotation. En outre, la commission estime que la réforme peut se faire selon le cadre législatif actuel.
Dans son dernier rapport annuel, la Commission de la fonction publique affirme:
La réforme de la dotation n'exige pas de modifications à la LEFP. Elle exige toutefois de nos partenaires en gestion des ressources humaines, une parfaite connaissance des possibilités qui existent actuellement en vertu de la loi afin d'en tirer le meilleur parti possible.
Nous multiplions les efforts pour aider les ministères et organismes à mettre au point leur propre régime de dotation dans le cadre de la LEFP. Nous croyons que nous serons ainsi mieux en mesure de répondre à leurs besoins et d'offrir aux Canadiens et aux Canadiennes des politiques et des programmes abordables et de haute qualité.
En juin 1996, un sondage d'opinion mené conjointement par le syndicat et le ministère auprès des 5 000 employés du groupe vérification à Revenu Canada a révélé l'existence de graves problèmes dans le système de dotation. Par exemple, la majorité des employés sondés -- en l'occurrence 74 p. 100 -- ne croyaient pas que le système de dotation était objectif et juste. Le ministère était disposé à apporter les changements nécessaires à la structure en place, mais le projet a été mis en veilleuse en attendant la création de l'agence.
À l'été 1997, le ministère a décidé de consulter 7 000 employés de Revenu Canada pour connaître leurs vues sur un nouveau cadre de gestion des ressources humaines pour l'agence. Huit équipes de conception spécifiques ont été mises sur pied pour examiner les questions touchant les ressources humaines comme la dotation, la classification, la formation et le perfectionnement professionnel. Nous croyons qu'il serait possible de concevoir et d'implanter un nouveau cadre de gestion des ressources humaines à Revenu Canada sans créer une nouvelle agence.
Dans le cadre des débats de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-43, le 1er octobre 1998, le ministre du Revenu national, l'honorable Herb Dhaliwal, a déclaré ceci:
... la nouvelle agence tirera profit des méthodes de gestion propres aux organisations prospères du secteur privé.
L'institut croit que Revenu Canada peut adopter, et devrait être tenu d'adopter de nouvelles méthodes de gestion sans engager les dépenses liées à la création de la nouvelle agence. Le succès des méthodes de gestion n'est pas tributaire de la structure de l'organisation.
Fait intéressant à noter, le vérificateur général du Canada, après avoir examiné la situation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, fait la mise en garde suivante. Selon lui, les initiatives de DMPS devraient reconnaître tôt la complexité de l'établissement, comme employeur distinct, d'un nouveau cadre de gestion des ressources humaines. En effet, la conception et la mise en oeuvre d'un nouveau cadre nécessite du temps et des ressources.
Il semble qu'il y ait eu certaines discussions avec les provinces, mais il nous paraît tout aussi évident qu'il y a une certaine confusion ou du moins une réticence de la part des provinces face à ce projet, auquel aucune d'entre elles n'a vraiment donné son aval. J'aimerais vous poser la question suivante, monsieur le président et mesdames et messieurs et membres du comité. S'il nous est impossible de dire clairement quelles provinces ont rejeté le projet, et refusé d'y participer, nous devrions peut-être demander lesquelles se sont prononcées en faveur du projet de loi C-43. Les représentants d'une des provinces ont-ils demandé à comparaître devant votre comité ou celui de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-43, pour présenter leurs vues tout en appuyant l'initiative du gouvernement?
Venons en à la question des services fiscaux qui seront offerts à meilleur prix. Dans une analyse récente de l'Agence des douanes et du Revenu du Canada, publiée dans la Revue fiscale canadienne, on conclut que les économies fiscales prévues par Revenu Canada sont relativement modestes et reposent sur l'hypothèse que les impôts de toutes les provinces, sauf le Québec, seront administrés par un même organisme fiscal. Selon l'article, aucune estimation n'a été faite pour évaluer soit l'augmentation soit la réduction des coûts qu'entraînera pour le gouvernement fédéral la conversion de Revenu Canada en agence; en outre, on n'a tenu aucun compte des frais imputés par l'agence aux provinces pour la perception d'impôts qui ne seraient pas harmonisés de manière suffisante à l'impôt fédéral correspondant pour permettre d'être perçus sans frais.
À notre avis, Revenu Canada a tenté de faire croire faussement au gouvernement et aux contribuables canadiens que la création de l'agence n'entraînerait aucun coût. Des documents de Revenu Canada révèlent que, pour la première fois de l'histoire du ministère, il y aura un manque à gagner de 280 millions de dollars pour l'exercice en cours. Nous croyons que ce manque à gagner découle en partie des millions de dollars versés au projet de l'agence.
Revenu Canada n'a pas lésiné sur les coûts engagés au profit de cette agence. Ce manque à gagner a des conséquences négatives pour les opérations ministérielles. Pour corriger la situation, le budget de la direction générale des douanes et de l'administration des politiques commerciales de Revenu Canada a été réduit de 10 p. 100 à 15 p. 100, alors que tous les budgets des bureaux de services fiscaux seront réduits de 2 p. 100 de plus.
Des milliers d'employés ont été affectés au projet d'agence au lieu de vaquer à l'administration des lois fiscales canadiennes de manière juste et opportune. Dans tout le pays, on a sabré dans les budgets de déplacement. Par conséquent, les vérificateurs de l'impôt ne pourront plus se déplacer comme ils le devraient pour rencontrer des contribuables et procéder à l'établissement de nouvelles cotisations, et les percepteurs d'impôt risquent de se trouver limités dans leur capacité de recouvrer les impôts qui sont dus.
La structure proposée pour la nouvelle agence ajoute un niveau supplémentaire de bureaucratie sous la forme d'un conseil de direction nommé et d'un secrétariat. Il faut du temps, de l'argent et du personnel pour ce conseil et son personnel.
Il en coûtera des millions de dollars pour réimprimer des milliers de formulaires, de publications, de papier à en-tête, de cartes d'affaires, ou pour modifier les enseignes sur tous les bureaux d'impôt et de douanes ainsi qu'aux passages frontaliers et pour changer l'identification des uniformes et véhicules des douanes et pour modifier les systèmes informatiques.
Pour vous donner une petite idée de ce qu'a dépensé le ministère, monsieur le président, vous avez parlé plus tôt des problèmes auxquels s'est heurté M. Rubin pour obtenir des renseignements de Revenu Canada. Nous sommes l'un des clients de M. Rubin. Il ressort des documents qu'il a pu nous fournir jusqu'ici que le ministère a dépensé au moins 800 000 $ en contrats pour l'élaboration de ce projet d'agence. Ces fonds ont été dépensés à des initiatives comme des colloques visant à préparer des gens à comparaître devant des comités parlementaires.
Le projet de loi C-43 va créer un nouveau conseil de direction composé de 15 membres: un président, un commissaire, dix représentants provinciaux et un représentant territorial, ainsi que deux personnes non spécifiées. Le projet de loi prévoit la mise en poste d'un nouveau commissaire, c'est-à-dire la création d'un nouveau poste de népotisme nommé par le gouvernement. L'agence aura carte blanche en matière de contrats, de gestion des biens, du matériel, de l'information et de la technologie. Étant donné le droit de regard limité de l'extérieur, il y a une très réelle apparence de favoritisme et d'abus de pouvoir par les bureaucrates.
Ce matin, le ministre a fait une remarque que j'aimerais évoquer car elle témoigne de l'attitude à laquelle se heurtent les syndicats. Il en a été question lors du témoignage du ministre et à nouveau lorsque M. Flinn a comparu. Le ministre ne cache pas le fait que les responsables sont allés parler aux employés.
Dès le début, l'institut et les autres syndicats espéraient participer aux discussions et nous avions convenu d'y prendre part en tant que représentants légaux des employés de Revenu Canada. Puis nous avons pris la décision, ce qui est notre droit le plus strict, de ne pas participer à ces consultations. Cela n'a pas semblé gêner Revenu Canada ni le ministre. Ils ont contourné les syndicats et ont consulté directement les employés.
À mon avis, cela témoigne du mépris dont le ministre et son gouvernement font preuve à l'égard des syndicats, des représentants légaux de leurs employés de la fonction publique.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le sénateur Bolduc: Je vois que les amendements que vous proposez sont les mêmes que ceux présentés par l'autre syndicat.
M. Hindle: Oui, en effet.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais vous poser la même question que j'ai posée plus tôt au sujet des priorités. Si nous ne devions retenir que deux amendements, quelles seraient vos priorités?
M. Hindle: Pour nous, l'ordre de priorité est celui qui figure dans notre mémoire.
Le sénateur Bolduc: Je peux comprendre l'objet du premier amendement, mais le deuxième, qui porte sur les articles 51 et 54, me gêne un peu.
M. Hindle: Le deuxième amendement vise à garantir le maintien des conditions d'emploi actuelles lorsque la nouvelle agence sera créée, comme l'a expliqué M. Flinn ce matin.
Les deux autres sont des desiderata. Ce sont des choses que nous aimerions pouvoir faire un jour prochain.
Le sénateur Bolduc: Le ministre s'est dit tout à fait optimiste ce matin quant aux trois objectifs. Pourtant, dans votre mémoire, vous dites que le premier a peut-être été partiellement atteint mais que les deux autres ne le seront pas. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Le ministre s'est montré tout à fait optimiste sur ce point. Si l'un des principaux objectifs était la création d'une administration fiscale unique au Canada, je ne pense pas que ce serait possible. En fait, ce serait même peu souhaitable étant donné l'énorme quantité de renseignements concernant une seule personne qui seraient concentrés en un seul endroit. Par exemple, supposons que je m'oppose à un projet et que je dissimule un maximum d'information au ministre. Qu'est-ce qui pourrait empêcher quelqu'un de jeter un coup d'oeil dans le dossier de M. Bolduc pour voir s'il s'y trouve des renseignements concernant la province? C'est gênant. À l'instar d'Orwell, je tremble à l'idée de ce que l'avenir nous réserve.
M. Hindle: Le ministre était très optimiste ce matin. Il a plus ou moins dit qu'il fallait d'abord créer l'agence et que les provinces y adhéreraient ensuite, selon le principe que l'on trouvait dans le film Field of Dreams. Je trouve normal que les gens fassent des rêves, mais ce rêve-là risque de mettre un certain temps avant de se réaliser. Une agence unique d'administration fiscale comme l'a admis le ministre ce matin a peu de chance de se réaliser, comme nous l'avons indiqué.
Dans un avenir prévisible, le Québec ne fera plus partie de l'administration fiscale fédérale ou nationale. Il perçoit déjà son impôt sur le revenu et son impôt sur les sociétés. Il perçoit la TPS pour le gouvernement fédéral aux termes d'un accord avec ce dernier, parallèlement à la perception de sa taxe de vente provinciale.
Au départ, c'est un obstacle à la création de l'agence. On ne pourra pas convaincre toutes les provinces. Il est de plus en plus évident que d'autres provinces hésitent à participer à l'opération.
On remarquera avec intérêt que le ministre et ses fonctionnaires ont cité des cas où ils ont réussi à travailler avec les provinces. La prime familiale en Colombie-Britannique a été accordée au niveau du ministère fédéral. Le ministre, il est vrai, a reconnu que son ministère s'était heurté à des difficultés lorsque les provinces demandaient des changements, mais il n'a cependant pas insisté sur les conséquences de prises de décisions trop rapides concernant des régimes fiscaux très complexes.
Je ne veux pas parler uniquement de législation; je veux aussi parler d'informatique. C'est le domaine dans lequel je travaille. Je connais les conséquences auxquelles on s'expose quand on veut agir trop rapidement et effectuer un changement sans procéder aux essais nécessaires. Ces conséquences peuvent être très gênantes, non seulement pour l'auteur de l'erreur, mais également pour le gouvernement. Admettez qu'il faut faire preuve de prudence dans la gestion de l'administration fiscale et tenir compte des conséquences d'un changement trop rapide. La souplesse administrative est certainement souhaitable, mais il faut mettre en place tous les mécanismes de contrôle appropriés à l'intérieur de chaque service.
Le président: Je voudrais revenir aux propos tenus ce matin par le ministre. J'ai essayé de le comprendre, mais je ne l'ai pas compris lorsqu'il a dit qu'il lui fallait cette agence pour atteindre ses objectifs. Je ne vois pas pourquoi il ne peut pas les atteindre dans le cadre du système actuel.
Est-ce que vous avez des commentaires à ce sujet?
Mme Susan Dorion, vice-présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: J'aimerais répondre. Nous avons assisté à une séance d'information sur les propositions ministérielles de régime de dotation en personnel à Revenu Canada. Nous avons vite constaté que l'immense organigramme du ministre nous présentait apparemment un rêve chimérique. Mais en y regardant de plus près, j'ai vu qu'il ne proposait rien qui ne puisse être réalisé dans le cadre du système actuel. Comme la Commission de la fonction publique délègue ses pouvoirs de dotation en personnel au ministère, je lui ai demandé de m'expliquer ce qu'il y avait dans cet organigramme qui ne puisse être fait à l'heure actuelle. Je n'ai pas eu de réponse, car il n'y a rien qui ne puisse déjà être fait.
S'il est question de rendre l'administration fiscale plus efficace et plus efficiente, on n'y parviendra pas en jetant les règlements au panier et en disant que tout est merveilleux sans règlement. La réalité a prouvé à maintes reprises que le gouvernement ne doit pas prendre le risque de renoncer à tout règlement et à toute forme d'autocontrôle, en particulier dans un ministère aussi important pour les contribuables canadiens.
Vous devez savoir qu'aux termes du projet de loi C-43 dans sa forme actuelle, il n'y aura aucune évaluation du service de dotation en personnel à Revenu Canada avant quatre ans.
Que se passera-t-il dans un ministère aussi important -- l'un des rares ministères ou organismes qui procurent ses recettes au gouvernement du Canada -- si le régime de dotation en personnel reste à l'abandon pendant quatre ans?
M. Hindle: J'ai du mal à croire que les gens qui prétendent pouvoir simplifier la perception des impôts soient incapables de simplifier le régime fiscal.
Le président: Pourquoi feraient-ils cela, sinon pour les motifs qu'ils invoquent?
Mme Dorion: Parce qu'ils se figurent que s'ils maîtrisent totalement et unilatéralement toutes les questions de dotation et de classification, le ministère fonctionnera mieux. La notion de meilleur fonctionnement est très subjective. Je suis toujours persuadée que ce n'est pas la bonne façon de procéder. Dans un tel scénario, le risque d'abus de pouvoir est considérable.
Le président: Lorsqu'on crée un organisme comme celui-ci, il en résulte presque inévitablement des frais d'utilisation plus élevés pour les Canadiens. C'est du moins l'impression que j'en ai. C'est toujours ce qui se produit. Le gouvernement souhaite que les organismes de ce genre soient aussi indépendants que possible financièrement, pour qu'ils puissent trouver de nouvelles sources de recettes. Pensez-vous qu'il y ait là de quoi préoccuper sérieusement les Canadiens?
M. Hindle: Nous craignons que cela ne devienne un problème. Au départ, le ministère réussira certainement à créer cette agence sans imposer de frais d'utilisation supplémentaires. Au bout de quelques années, il va avoir du mal à gérer l'administration fiscale avec les ressources que lui confère la procédure du Conseil du Trésor. Il va demander 75 millions de dollars supplémentaires pour gérer ses programmes fiscaux et se fera répondre: «Non, vous avez déjà votre programme. Si vous voulez imposer des frais d'utilisation, revenez-nous voir avec une proposition». Et il va faire une proposition de mise en oeuvre de frais d'utilisation. Je peux vous garantir que c'est ce qui va se passer tôt ou tard.
Le président: Finalement, je m'inquiète de l'ensemble du système. J'ai dit ce matin au ministre qu'on avait déjà fait l'expérience de NAV CANADA et de Parcs Canada, et qu'on nous proposait la même chose avec Revenu Canada.
Est-il arrivé qu'un organisme gouvernemental ou un ministre s'adresse aux syndicats en disant: «Ce service est détraqué et irréparable. Il faut repartir à zéro et simplifier le système qui est en panne»?
M. Hindle: On trouvera toujours des ministres et des fonctionnaires pour prétendre que le système est détraqué. Il ne fonctionne pas aussi bien qu'il le devrait. Il ne fonctionne sans doute pas très bien depuis plusieurs années et pourtant, le ministre et les fonctionnaires hésitent toujours à s'atteler à la tâche.
Tout d'abord, quel est le ministre effectivement responsable de la fonction publique? Est-ce le ministre responsable de la Commission de la fonction publique, c'est-à-dire Mme Copps? Est-ce le ministre responsable du Conseil du Trésor, M. Massé? Est-ce qu'ils peuvent se mettre d'accord sur ce qu'il faut réparer? Y a-t-il une véritable volonté politique de modifier la loi qui est à l'origine des problèmes?
Nous avons dit à maintes reprises qu'à notre avis, la fonction publique et la loi qui la régit font partie du problème. Même si nous considérons que le régime actuel pose un problème, nous préférons un système imparfait à un système inconnu qui nous privera de certains droits.
Il est surprenant que cette démarche doive venir des employés. Plusieurs syndicats de la fonction publique se sont regroupés pour obtenir du Conseil du Trésor l'engagement de mettre à leur disposition une tribune publique qui étudierait la législation applicable aux employés de la fonction publique dans les secteurs qui ne relèvent pas de la compétence fédérale.
Je n'ai pas beaucoup d'espoir que le gouvernement pourra résoudre ce problème au cours de ce mandat. J'espère qu'il y aura un examen neutre de ce projet de loi et des questions dont nous avons discuté afin de déterminer si ce que nous disons est vrai.
Travaillons-nous avec une législation du travail désuète qui met trop l'accent sur ce qui doit être fait au lieu de mettre sur pied un cadre qui permet aux parties de se mettre d'accord sur une solution compte tenu des circonstances? C'est ce que pense l'institut depuis très longtemps; c'est-à-dire que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique était déjà désuète quand elle a été introduite en 1967.
Le sénateur Bolduc: Je veux poser une question sur le mot «responsabilité», un mot dont le ministre s'est servi ce matin. J'ai un peu de difficulté avec le fait qu'un ministre responsable d'un ministère parle de plus de responsabilités lorsqu'il n'est plus responsable et que l'agence est laissée à elle-même. Comment peut-il parler de plus de responsabilités que lorsqu'un ministre est directement responsable? Qu'en pensez-vous?
M. Hindle: Nous aussi nous inquiétons de la responsabilité devant le Parlement pour les actions et les activités au sein de la nouvelle agence. Nous préférons ce que nous avons maintenant plutôt que ce qui était dans la proposition initiale, comme il l'a clairement décrite. L'agence était beaucoup plus indépendante telle que décrite au début.
En vertu du cadre actuel, nous ne comprenons pas comment les mécanismes seront renforcés. Nous pensons même qu'il y aura un affaiblissement de cette relation et de la responsabilité de l'agence devant le Parlement. Le ministre peut continuer d'être responsable devant le Parlement. Je n'ai pas de doute à propos de cela, mais jusqu'à quel point le ministre pourra-t-il contrôler ce qui se passe dans l'agence une fois que celle-ci aura démarré et fonctionnera?
Le président: J'aimerais vous remercier de votre aide cet après-midi.
La séance est levée.