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Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 26 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 4 mars 1999

Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour étudier le projet de loi C-43, Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Nous tenons ces réunions pour discuter du projet de loi C-43, Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence. M. Walter Robinson fera maintenant une déclaration liminaire.

[Français]

M. Walter Robinson, directeur fédéral, Canadian Taxpayers Federation: C'est un grand plaisir d'être ici ce matin pour donner nos suggestions et nos préoccupations concernant le projet de loi C-43, portant création de l'Agence canadienne des douanes et du revenu. Ma présentation sera en anglais, mais je vais essayer de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.

[Traduction]

Avant de passer à la mesure législative à l'étude, permettez-moi de vous donner un bref aperçu de la Canadian Taxpayers Federation. Notre organisation existe depuis 10 ans; elle est politiquement indépendante et constituée en vertu d'une loi fédérale à titre d'organisme sans but lucratif de recherche et de défense des droits doté d'un triple mandat. Premièrement, nous agissons comme organisme de surveillance des dépenses du gouvernement. Deuxièmement, nous préconisons des réformes budgétaires et démocratiques. Troisièmement, nous mobilisons les contribuables pour les amener à exercer leurs droits et leurs responsabilités démocratiques. Nous sommes fiers de représenter les intérêts communs de 80 000 contribuables canadiens auprès des trois ordres de gouvernement, à partir de bureaux établis dans cinq provinces. Nous prévoyons accroître notre présence dans la région atlantique du Canada et le Québec au cours des deux prochaines années.

La notion d'une super-agence de perception et d'administration de l'impôt est un élément positif du point de vue théorique. L'objectif de simplifier l'administration et de réduire le chevauchement et le double emploi reçoit notre appui total. Nous approuvons également le désir du gouvernement de fonctionner d'une manière plus commerciale. La décision apparente d'adopter la structure d'une agence, ce qui reflète nos demandes constantes d'une plus grande diversification des modes d'exécution dans la fonction publique, est louable. Cependant, je comparais devant vous ce matin pour vous faire part de plusieurs de nos préoccupations.

Avant d'entreprendre ma carrière actuelle en tant que défenseur de l'émancipation des contribuables, j'ai travaillé dans le secteur privé à titre de responsable du développement de l'entreprise et de la gestion de programmes pour une entreprise internationale de sous-traitance. À ce titre, j'ai conseillé des gouvernements au sujet des trois principaux critères à imposer dans toute diversification des modes d'exécution. Premièrement, il faut démontrer qu'une telle mesure en vaut la peine, habituellement parce qu'il en résultera des économies ou un meilleur service pour les contribuables, ou les deux. Deuxièmement, on doit assurer la continuité des services qu'on envisage de structurer ou modifier. Troisièmement, il faut toujours tenir compte des intérêts du personnel touché. Ce sont ces trois éléments, en plus des récentes observations du vérificateur général et de notre préoccupation quant aux activités futures que l'agence pourra entreprendre, qui forment le contenu de mon témoignage devant vous ce matin.

D'après nous, la valeur de cette agence, en termes d'économies, est extrêmement faible. Jusqu'à maintenant, autant que nous sachions, aucune province n'a encore accepté cette agence, ou même exprimé publiquement dans un mémorandum d'intention le désir d'examiner sérieusement les mérites du projet de loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Et l'Association canadienne d'études fiscales a remarqué que l'Ontario et l'Alberta ont de très forts doutes, étant donné que le gouvernement fédéral refuse d'adopter une structure d'impôt sur le revenu des particuliers moins progressive. Le ministère a préparé une étude montrant que l'ADRC permettra de faire des économies importantes, en particulier en réduisant les coûts d'observation. Cette étude est fondée sur la participation de toutes les provinces au concept de l'ADRC. Je répète qu'autant que nous sachions aucune province n'a accepté. En ce qui concerne la continuité des services, nos bureaux reçoivent de plus en plus de lettres de plainte de contribuables qui estiment avoir été traités d'une manière injuste ou arbitraire par Revenu Canada. De plus, nous avons reçu dernièrement, sans que nous les ayons demandés, plusieurs manuscrits d'anciens employés de Revenu Canada expliquant en détail certaines procédures de gestion et de perception en vigueur à Revenu Canada, que nous avons l'intention de rendre publiques à l'approche du moment de la soumission des déclarations de revenu. Par conséquent, nous appuyons la création d'un bureau de protection des contribuables, ainsi que l'a proposé l'Opposition officielle à l'autre endroit pour répondre aux préoccupations des contribuables qui craignent un manque de sensibilité de la part de ce colosse que sera l'agence fiscale.

Ne vous méprenez pas: il ne s'agit pas là d'une condamnation absolue de Revenu Canada. D'une manière générale, le système fonctionne, mais nous pouvons toujours nous efforcer de l'améliorer.

En ce qui concerne les intérêts des employés, j'exhorte les membres de votre comité à examiner sérieusement les objections soulevées par les divers groupes d'employés de Revenu Canada -- comme l'Institut professionnel de la fonction publique et le Syndicat des employés de l'impôt. Ces groupes ont exprimé des craintes réelles au sujet de la création de cette super-agence. Nous soutenons qu'on pourrait atténuer leurs craintes en faisant preuve d'une plus grande coopération plutôt qu'en faisant adopter à la hâte cette mesure législative par les deux Chambres du Parlement.

Ce serait une erreur de donner suite à cette proposition de créer l'agence dans le contexte des graves préoccupations qu'éprouvent les employés à l'heure actuelle et qu'ils éprouvent depuis le début. Le ton utilisé et l'ampleur de ces préoccupations sont bien pires que ce que plusieurs d'entre nous ont vu lors de la création de NAV CANADA ou de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Je vous exhorte à tenir compte des commentaires formulés récemment par le distingué président de ce comité et de ses graves appréhensions au sujet des crises profondes qui affectent le moral de l'ensemble de la fonction publique fédérale.

Au début de mon exposé ce matin, j'ai mentionné notre appui aux initiatives prises par le gouvernement pour assurer différents modes de prestation des services (DMPS) afin d'offrir les mêmes services ou de meilleurs services à un coût moindre, et notre appui à leur utilisation pour répondre aux besoins changeants des Canadiens dans leurs demandes de services gouvernementaux. Je vous engage à réfléchir aux mises en garde faites par le vérificateur général en décembre dernier lorsqu'il a remarqué qu'il manquait un processus clair dans plusieurs des initiatives fédérales de DMPS, y compris celle qui nous occupe.

Le succès de telles initiatives de DMPS dépend de deux facteurs essentiels. Il faut un processus concis, transparent et global, ainsi qu'un défenseur respecté pour piloter ce processus.

Étant donné les protestations des groupes représentant les employés touchés et le manque de débat public sur cette initiative, nous mettons en doute l'efficacité du processus. Il nous semble évident que les défenseurs de cette idée d'une super-agence se trouvent à l'intérieur de la bureaucratie, et non pas au niveau visible, élu et imputable.

Enfin, permettez-moi d'exprimer nos craintes quant au mandat de la future agence. Si elle doit adopter des pratiques plus semblables à celles du secteur privé, comme la recherche de nouveaux débouchés, ou offrir une rémunération à base d'incitatifs, c'est une démarche positive. Mais rien ne nous montre que Revenu Canada ne cherchera pas à concurrencer directement des fournisseurs de services fiscaux dans le secteur privé. D'après les explications fournies par Revenu Canada sur son site Web, on n'a pas l'intention de faire imposer des frais d'utilisateur pour les services fiscaux, douaniers et commerciaux assurés par l'agence. Nous espérons certainement qu'il en sera ainsi.

Nous vous encourageons à faire en sorte que tout amendement que vous proposerez à ce projet de loi interdise expressément de telles mesures. L'idée d'une agence indépendante de perception des impôts est valable, mais il y a encore du travail à faire.

Honorables sénateurs, si vous lanciez une entreprise, vous identifieriez votre marché, vos partenaires stratégiques et vos perspectives de succès commercial en utilisant certaines techniques, par exemple en faisant des études, en organisant des groupes de discussion et en effectuant une analyse comparative. Vous vous assureriez de pouvoir compter sur un bassin de ressources humaines dévouées et bien formées pour fournir un service supérieur aux clients. Vous vous assureriez également que tout le processus réglementaire est en place, ainsi que les contrats et le financement. Nous exhortons le gouvernement à faire un peu plus en ce qui concerne son marché cible, c'est-à-dire la participation des provinces. Les provinces seront aussi les partenaires.

Nous exhortons le gouvernement à ne pas se lancer à l'aveuglette dans cette entreprise avec une main-d'oeuvre hostile qui n'est pas intéressée et qui n'est pas décidée à participer. Il faut faire davantage pour amener les groupes d'employés à accepter le projet.

Il faut atténuer les préoccupations des contribuables en adoptant la proposition faite par l'Opposition officielle de créer un bureau de protection des contribuables. Il ne serait pas bon, sur le plan de la politique gouvernementale, de donner suite à ce projet maintenant.

C'est tout de même louable d'avoir pour objectif d'économiser les deniers publics, de fonctionner d'une manière plus semblable à celle du secteur privé et d'offrir aux contribuables un guichet unique. Nous sommes tout à fait d'accord là-dessus. Cependant, nous estimons que le projet de loi C-43, dans son libellé actuel, n'atteindra pas ces objectifs.

Honorables sénateurs, nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Carstairs: Vous semblez penser que tout se fait très rapidement. Je crois que l'annonce a été faite dans le budget de 1996. De plus, il y a depuis ce temps deux processus de consultation à l'échelle du pays. Le Parlement est saisi de cette mesure législative depuis trois mois. Pourquoi pensez-vous qu'on procède à la hâte?

M. Robinson: Je le pense à cause de l'analyse de la situation faite par les médias et des protestations des divers groupes syndicaux, qui se font entendre depuis le début. Plusieurs des préoccupations exprimées concernaient l'exercice des pouvoirs et l'imputabilité. Depuis, le ministre, son personnel et le ministère ont fait beaucoup pour répondre à certaines de ces préoccupations. Dans ce sens, on a apporté des améliorations. À notre avis, l'idée a peut-être été mal conçue en ce qui concerne certaines questions relatives à l'exercice des pouvoirs et à l'imputabilité. Lorsqu'on s'apprête à concevoir une politique d'intérêt public, la première règle à suivre en tant que législateur, c'est de mettre en place de tels cadres de travail. En ce qui concerne les consultations à l'échelle nationale, nous croyons savoir qu'on a reçu moins de 3 000 mémoires, mais je fais peut-être erreur. Je compare ce chiffre avec le nombre de mémoires reçus par la Commission de l'équité fiscale en Ontario au début des années 90, qui a reçu plus de 20 000 mémoires, et c'était seulement dans la province de l'Ontario.

Je ne pense pas que les consultations aient vraiment eu lieu à l'échelle nationale et que tout le monde a pu y participer. On les a peut-être tenues à l'échelle nationale, mais un groupe très limité d'intervenants y ont participé. J'oserais dire que neuf Canadiens moyens sur 10 ne sont pas vraiment au courant de ce qui se passe avec cette mesure législative. Je ne vois pas de groupes importants de la population réclamer l'adoption de cette mesure. En ce qui concerne l'adoption à la hâte par les deux Chambres du Parlement... je peux seulement mentionner la motion d'attribution de temps qu'on a utilisée à l'autre endroit.

Le sénateur Carstairs: Pour ce qui est des 3 000 mémoires reçus, je pense qu'il y a très peu de mesures législatives qui suscitent la présentation de 3 000 mémoires. Je pense qu'on serait chanceux de recevoir 100 mémoires sur une mesure législative typique. Il y a toujours des mesures, comme le projet de loi sur les armes à feu, par exemple, qui ont fait l'objet d'un très grand nombre de mémoires. Cependant, 3 000 mémoires reçus dans le pays au sujet d'une mesure législative d'une nature aussi technique, c'est une très bonne représentation de la société.

En ce qui concerne la participation des provinces, les premiers ministres de l'Ouest demandent depuis 1996 la création d'une telle agence. Ils l'ont fait lors de la conférence des premiers ministres de l'Ouest en juin 1996. Les trois provinces de l'Atlantique qui ont accepté l'harmonisation de leurs taxes avec la TPS l'ont fait avec l'idée qu'on établirait une telle agence. On n'a pas signé beaucoup d'accords, mais il y en a eu un récemment avec la Nouvelle-Écosse au sujet de l'indemnisation des travailleurs. Je dirais qu'il y a eu un appui général des provinces en faveur de la création de l'agence. Avez-vous des preuves du contraire? Les provinces ont-elles déclaré qu'elles s'opposaient à la création d'une telle agence?

M. Robinson: Il ne s'agit pas simplement d'une mesure législative de nature technique. Je dirais que c'est une refonte fondamentale du système de perception des impôts et de l'administration des taxes dans notre pays. Je répète que la Commission de l'équité fiscale a reçu 20 000 mémoires. La mesure concernant le Régime de pensions du Canada, qui portait sur l'avenir de l'un des programmes auxquels nous tenons le plus, nos futures pensions, a suscité la présentation de plus de 6 000 mémoires dans un délai beaucoup plus court que les trois ans écoulés depuis l'annonce de la présentation de cette mesure, sous diverses formes.

Divers gouvernements et premiers ministres provinciaux demandent depuis longtemps un mécanisme de coordination unique et efficace: un percepteur, un ensemble de formulaires, une plus grande efficacité et un meilleur service pour les contribuables canadiens. Cependant, je ne vois pas de mémorandum d'intention montrant que les provinces acceptent ce concept de l'agence; je n'ai vu aucune mesure depuis, aucune déclaration publique de ministres provinciaux des Finances, du Trésor ou du Revenu -- selon la nomenclature utilisée dans les diverses provinces -- indiquant un tel appui. J'ajouterais qu'en ce qui concerne le caractère technique de la mesure législative, je pense que le gouvernement s'y prend à l'envers. Réparez d'abord le régime fiscal: simplifiez les formulaires, simplifiez les crédits. C'est ce que le gouvernement doit d'abord faire pour améliorer son service et ses produits. Ensuite, il doit établir une structure et une agence pour refléter ces changements. Il ne faut pas aller dans l'autre sens.

Le printemps dernier, vers le mois d'avril, nous avons effectué un sondage auprès de 81 représentants élus à l'autre endroit et nous avons appris que 80 p. 100 d'entre eux ne remplissent pas eux-mêmes leur déclaration de revenu. Ils ne le font pas eux-mêmes parce que le système est trop pénible, trop compliqué, ou qu'ils n'ont pas le temps. J'oserais dire que je trouverais des résultats semblables ici. Je demande au gouvernement de reculer un peu. Nous approuvons en principe ce que le gouvernement essaie de faire, mais il ne faut pas se hâter; il faut planifier, obtenir la participation des provinces et celle des groupes d'employés. Vous ne lanceriez pas une entreprise quand tous vos employés menacent de se mutiner. Cela n'a pas de bon sens sur le plan commercial, et cela n'a pas de sens non plus sur le plan de la politique gouvernementale.

Le sénateur Carstairs: Je remplis ma propre déclaration de revenus. Je suis très fière de pouvoir le faire et je trouve cela relativement facile, bien que ma déclaration soit très complexe. J'aimerais entendre vos commentaires au sujet de l'initiative de l'équité, qui est indirectement reliée à cette question.

M. Robinson: On nous a invités à participer à cette initiative, mais nous n'avons malheureusement pas pu le faire. Cette initiative a été un élément positif, car le gouvernement a consulté divers groupes d'intervenants afin d'essayer de simplifier la perception et l'administration des impôts, ainsi que l'interprétation de diverses lois. La Loi de l'impôt sur le revenu est une mesure embrouillée, si vous me permettez de la qualifier ainsi. L'aide gouvernementale au ministère a été très accessible, et je félicite les responsables de cette initiative.

Le sénateur Tkachuk: Les premiers ministres de l'Ouest étaient-ils en faveur du concept d'un système de perception plus centralisé, ou appuyaient-ils plutôt le concept d'une agence de perception -- un organisme plus indépendant du gouvernement, comme un ministère?

M. Robinson: Je pense que c'était un peu des deux. Vous voudrez peut-être en discuter avec le sénateur Carstairs, étant donné que vous venez tous les deux de l'Ouest. Les questions qui préoccupaient les premiers ministres de l'Ouest en 1996 étaient la simplification et la création d'une agence pour empêcher la politisation du système de perception des impôts. Ce sont deux questions sur lesquelles l'Association canadienne d'études fiscales et nous insistons depuis déjà assez longtemps. L'un des principaux éléments que nous voulons est un guichet unique pour les contribuables. Ce serait merveilleux de remplir un seul jeu de formulaires. Laissons la technologie faire le reste.

Le sénateur Tkachuk: Je crains que cette agence n'enlève encore plus de responsabilité au Parlement. Ce serait un instrument puissant, doté de pouvoirs qu'aucun autre ministère fédéral n'a. Y a-t-il une raison pour laquelle il faut une agence? Je ne comprends pas pourquoi une agence serait préférable à un ministère. Quelle est la différence? Pourquoi veut-on cela?

M. Robinson: Je ne peux pas parler au nom du gouvernement.

Le sénateur Tkachuk: Je vous pose la question à titre d'ancien expert-conseil.

M. Robinson: En ce qui concerne la diversification d'exécution des services gouvernementaux, le concept d'agence, d'organisme de service spécial, d'entité indépendante, ou quelle que soit la méthode choisie, représentera une séparation nette. Cela montrerait qu'on peut créer de nouvelles structures et qu'on peut se libérer de l'application de certaines lois qui limitent la latitude en matière de dotation dans la fonction publique. Voilà certaines des raisons de procéder ainsi. Je suis d'accord avec vous pour dire que Revenu Canada a des pouvoirs sans pareil dans tout autre ministère. Il s'agit de pouvoirs équivalents à ceux de la police, à ceux d'un État policier: l'organisme peut saisir des biens et des comptes en banque et mener des enquêtes. D'après ce qui s'est passé dans d'autres organismes semblables, mais dont les pouvoirs ne sont pas aussi généraux et complets, comme la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles, les Canadiens ont raison d'avoir des doutes lorsqu'on éloigne des organismes de la supervision directe du Parlement.

Cependant, comme je l'ai répété en réponse à une question de sénateur Carstairs, je n'ai pas parlé longuement de la question de l'exercice des pouvoirs dans notre exposé, car le ministre, son personnel et le ministère ont amélioré considérablement la mesure législative par rapport à sa première version, à mon avis, et c'est tout à leur mérite.

Le sénateur Tkachuk: J'ai lu tous les documents fournis par le gouvernement et j'ai examiné le projet de loi. Comme on l'a fait dans le cas des autres agences déjà créées, on y parle de manque de souplesse et d'incitatifs pour les travailleurs. Vous semblez appuyer le concept d'une agence, mais vous êtes aussi en faveur d'un gouvernement plus efficace. Si un problème survient, pourquoi ne le résoudrions-nous pas de manière globale? En tant que citoyen, je trouve tout ce processus angoissant. Nous avons beaucoup trop d'agences. Nous devrions peut-être transformer tout le gouvernement en une société d'État géante pour le rendre vraiment efficace.

M. Robinson: Sénateur, quand je travaillais dans le secteur privé, nous avions conclu qu'on pouvait tout effectuer en sous-traitance, sauf la représentation élue, et nous cherchions même un moyen de faire cela également.

Pour ce qui est du modèle le plus efficace, tout dépend du service dont il est question. Le gouvernement du Canada fournit une variété de services. Certaines structures institutionnelles se prêtent mieux que d'autres à la création d'agences. Dans d'autres cas, les réformes doivent se faire de l'intérieur. La Commission de la capitale nationale, par exemple, a fait une variété de choses. Elle a réduit ses programmes, elle a confié certains de ses services à des entreprises prises en charge par les employés, elle continue de faire certaines choses à l'interne et elle en a privatisé d'autres. Il n'y a pas de méthode qui soit la meilleure.

Je crois que la méthode choisie par le gouvernement pour Revenu Canada en est une parmi d'autres. Il peut en effet y en avoir d'autres. Cependant, on a déjà fait beaucoup de travail sur cette proposition, et, comme je suis réaliste, je ne pense pas qu'on y renoncera complètement. Mon objectif aujourd'hui est de vous demander d'examiner la question de la simplification des impôts, de ne pas vous hâter, et peut-être aussi de faire accepter cette agence à plus de gens afin de la rendre plus efficace sur le plan de la prestation des services.

J'ai aussi soulevé la question des rapports du vérificateur général. Dans le monde industrialisé, les gouvernements ont décidé d'agir différemment. Nous avons comme exemples la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les pays d'Europe de l'Est. Le succès de leurs modèles comporte deux facteurs clés: un processus bien défini, transparent, responsable et clair, et un maître d'oeuvre. Je ne pense pas qu'en l'occurrence le processus ait été très transparent ou bien défini. Le vérificateur général affirme la même chose au sujet de plusieurs de ces initiatives dans le rapport spécial qu'il a présenté au Parlement en décembre 1998 au sujet de l'atteinte des objectifs, de l'imputabilité, de la transparence et de la protection de l'intérêt public; je ne pense pas qu'il y a eu un maître d'oeuvre de cette initiative, sauf le respect que je dois au ministre. Nous avons eu trois ministres du Revenu national depuis le moment de la formulation de cette idée. Il n'y en a pas un qui a assumé la paternité de l'idée et qui l'a vendue à la population canadienne -- il y a 22 millions de déclarants et 15 millions de contribuables au Canada. J'ose encore dire que neuf d'entre eux sur 10 ne sont pas au courant de ce qui se passe.

Le sénateur Tkachuk: J'ai des questions à poser au sujet de l'efficacité et de l'opinion des provinces de l'Ouest.

Les particuliers remplissent des formules d'impôt sur le revenu et envoient leur argent. Les sociétés remplissent des formules d'impôt sur le revenu et envoient leur argent. On ne peut pas avoir plus efficace que cela. C'est le système d'impôt qui est complexe, et non pas la méthode de perception. C'est assez efficace. L'impôt est déduit de nos chèques. Il va au gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral paie à son tour les provinces. C'est assez simple. On envoie sa déclaration de revenus. La formule est compliquée, mais ce n'est pas le cas de la méthode d'imposition.

Comment pourrait-on rendre le système plus efficace autrement qu'en éliminant complètement l'impôt, ou en le rendant volontaire -- ce qui ne serait pas une mauvaise idée? Comment la centralisation rendra-t-elle le système plus efficace?

M. Robinson: Certaines des provinces ont confié en sous-traitance la perception d'autres formes d'impôt, par exemple les amendes pour excès de vitesse, les amendes pour infraction au Code criminel, et ce genre de choses, à Revenu Canada, qui peut faire des économies d'échelle à cause de son envergure nationale. Ces provinces ont conclu qu'il pouvait être moins dispendieux de confier en sous-traitance à une super-agence la perception de ces fonds au lieu de les percevoir elles-mêmes.

Cela nous cause des préoccupations. Si l'on veut assurer l'efficacité au sein du gouvernement, c'est probablement raisonnable afin de réduire les coûts de perception et d'observation. D'autre part, il y a lieu d'éprouver des craintes très sérieuses en matière de confidentialité au sujet de l'exploitation des données -- le couplage d'un permis de conduire avec une formule d'impôt et avec un casier judiciaire. C'est le genre de choses qu'on peut ainsi mieux faire.

En outre, on peut s'éloigner des conventions collectives traditionnelles et essayer de se donner une main-d'oeuvre polyvalente. On peut offrir une rémunération qui n'est pas déterminée en fonction des années de service dans une société d'État, dans un ministère, ou même pour un employeur du secteur privé, mais une rémunération fondée sur le travail de l'employé, sur sa productivité, sur son expérience, et sur la valeur qu'il ajoute à l'entreprise.

Ce sont là certaines des raisons pour lesquelles des ministères choisissent de se transformer en agence ou en d'autres types de structure. Je répète qu'on peut accomplir certaines de ces choses avec la structure actuelle. Les groupes d'employés vous l'ont dit très clairement. Ils sont très bien placés pour parler au nom de leurs membres. Je ne parlerai pas à leur place. Cependant, on peut faire la même chose en utilisant ce moyen également.

Le sénateur Tkachuk: Je pensais que vous pourriez répondre ainsi à cette question. Nous en arrivons maintenant au coeur du problème.

L'Association des contribuables croit-elle que nous devrions utiliser un instrument aussi puissant que Revenu Canada pour percevoir par exemple des amendes pour stationnement illégal, qui n'ont rien à voir avec les impôts? Votre Association de contribuables croit-elle vraiment que nous devons permettre à cet instrument puissant, qui sera dorénavant une société d'État encore plus indépendante du Parlement, de saisir l'argent des citoyens sans une procédure de recours?

Revenu Canada sait tout ce que chacun des membres de ma famille paie. Croyez-vous qu'il est efficace que Revenu Canada ait le droit de saisir mon argent pour payer des amendes au gouvernement municipal et au gouvernement provincial?

M. Robinson: J'ai des idées plutôt libertaires au sujet de la limitation du rôle de l'État. Cela dit, conduire un véhicule est un privilège que m'octroie l'État, ce n'est pas un droit.

Si j'enfreins les lois régissant la circulation routière, le processus de recours est prévu dans le code de la route. Dans ma province, si je ne paie pas mon amende pour avoir fait un virage à gauche à partir d'une voie où c'est interdit pendant une certaine période, il y a déclaration de culpabilité par procédure sommaire si je n'interjette pas appel. C'est une procédure de recours par défaut, si vous voulez. C'est le système qui est en vigueur.

Comme je l'ai déjà dit, nous avons des préoccupations fondamentales concernant la protection des renseignements personnels et l'exploitation des données: le couplage de plusieurs dossiers. Mais il faut être juste envers le gouvernement en disant qu'on a protégé les renseignements personnels dans une certaine mesure, c'est-à-dire qu'on n'a pas fait de couplage des dossiers de douanes et accise et de ceux de la TPS et de Revenu Canada. C'est seulement depuis quelques années qu'on a pu coupler le numéro d'entreprise d'une personne et son numéro d'assurance sociale. Il faut se rappeler que notre système fonctionne sur une base d'observation volontaire.

Nous ne prêchons pas la fraude fiscale. Nous pensons que l'évitement fiscal est un comportement économiquement rationnel. Vous et moi cherchons à limiter le montant d'impôts que nous payons par tous les moyens légaux possibles. Nous cherchons toutes les astuces possibles pour réduire nos impôts. C'est un système volontaire et il fonctionne bien dans ce sens. Je ne voudrais pas qu'on le change. Je crois que le gouvernement a jusqu'à un certain point rendu un peu plus transparentes les mesures de responsabilité et de gestion financières. Nous ferions preuve d'une grande duplicité si nous prêchions le recours à différents modes de prestation des services dans une variété de ministères -- le ministère de la Défense nationale, la gestion du parc automobile dans la fonction publique fédérale, la sous-traitance des services de répartition centralisés ou des services de technologie de l'information -- sans examiner la possibilité de le confier à Revenu Canada d'un point de vue théorique et purement idéologique. Il y a des exemples dans le monde de gouvernements qui sont allés beaucoup plus loin que ne le propose dans ce projet de loi. C'est le cas par exemple de douanes et accises au Royaume Uni. La mesure a permis de réduire les coûts de perception des impôts. Elle a permis d'améliorer le service dans certains secteurs de douanes et accise du Royaume Uni. Les fournisseurs du secteur privé ont en fait donné un meilleur service à la clientèle que les fonctionnaires, d'après les sondages sur le degré de satisfaction.

Je ne suis pas en faveur d'un État tout-puissant et omniprésent. Nous demeurons fidèles à nos principes. Cette mesure législative donnera peut-être l'organisation la plus efficace. Nous tenons surtout à ce que vous ameniez vos employés à participer, que vous preniez votre temps et que vous cherchiez à simplifier la fiscalité. Je ne peux pas voir la chose sous un angle unique.

Le sénateur Tkachuk: Croyez-vous vraiment le gouvernement quand il dit que même s'il est inclus dans le projet de loi la possibilité de frais d'utilisation, il n'y aura jamais recours?

M. Robinson: Je l'ai mentionné pour ce qui est de l'information qui a été fournie au grand public. Le gouvernement a dit que l'agence n'avait aucune intention de percevoir des droits d'utilisation pour l'administration et la perception de l'impôt. Il existe diverses lignes directrices du Conseil du Trésor au sujet des droits d'utilisation. Comme vous le savez, une alliance de groupes d'entreprises a comparu devant les deux Chambres du Parlement pour dire que les droits d'utilisation du gouvernement n'ont aucun rapport avec quelque valeur que ce soit qu'on demande aux gens de payer. S'il y a quoi que ce soit que vous puissiez faire lors de votre examen article par article, ligne par ligne de ce projet de loi, il serait utile de renforcer cette exclusion des droits. En un sens, nous sommes obligés de payer nos impôts. J'appuierais tout ce que vous pouvez faire pour vous assurer qu'il est expressément interdit d'imposer des droits d'utilisateur pour ces services essentiels.

Le sénateur Carstairs: J'aimerais avoir un éclaircissement à la suite de la question qu'a posée le sénateur Tkachuk. Cela m'a beaucoup inquiétée lorsque vous avez dit qu'il était possible d'entrer quelque part sans mandat. J'ai demandé à mon personnel de vérifier, étant donné surtout que nous sommes à la télévision et que cette séance sera largement diffusée. Apparemment, ils peuvent entrer dans une entreprise n'importe quand et faire des photocopies de documents. Ils ne peuvent pas prendre ces documents sans un mandat de perquisition et ils ne peuvent pas entrer dans un logement à moins d'avoir un mandat de perquisition ou le consentement de l'occupant.

Le président: D'après mon expérience dans les affaires, je sais qu'ils vous passent un coup de fil et vous annoncent qu'ils viendront dans quelques jours en vous demandant si cela vous convient. Je sais que nous disons toujours oui.

Le sénateur Tkachuk: Je croyais qu'ils pouvaient le faire également au domicile. J'ai de l'expérience dans les affaires et je sais qu'ils peuvent tout simplement entrer sans que l'on ne puisse faire quoi que ce soit. Je me demandais si c'était la même chose en ce qui concerne le domicile.

Le président: Je suis un peu préoccupé par cette super agence qui perçoit les impôts pour les provinces. Je suis d'accord pour ce qui est de l'efficacité et des coûts moins élevés. La question du respect de la vie privée me préoccupe également. Je suis par ailleurs vraiment préoccupé par tout ce concept du grand frère -- pour utiliser ce terme plutôt vieillot. Un libertaire serait fondamentalement en désaccord avec cela. Je ne suis pas nécessairement libertaire, mais cela me préoccupe dans la mesure où à un moment donné, on ne pourra plus aller où que ce soit, ni faire quoi que ce soit, sans avoir l'impression que quelqu'un nous surveille, que toute infraction, même très mineure, sera surveillée, épiée et qu'on sera fait. Que répondez-vous à cela? Je sais que vous y avez répondu, mais pour moi cela est tout à fait inacceptable sur le plan de la liberté et du droit à la vie privée.

M. Robinson: Monsieur le président, je partage vos préoccupations à cet égard, mais permettez-moi de vous donner une réponse toute faite ou une réponse un peu cavalière. Notre organisation existe surtout pour surveiller ce genre d'activité et faire des observations à leur sujet. Les impôts fédéraux, les amendes de stationnement, les redevances criminelles -- peu importe, la liste des droits et amendes imposés par le gouvernement est longue -- découlent de l'appétit insatiable du gouvernement pour les recettes fiscales. Notre travail consiste toujours à limiter les dépenses du gouvernement par une loi visant à équilibrer les dépenses et les recettes et d'autres choses que nous avons proposées au pays et au gouvernement fédéral. Nous avons comparu devant le Comité des finances de la Chambre et devant votre comité, je crois, concernant une loi sur les pensions. Nous avons lutté pour nous assurer que l'appétit du gouvernement pour aller chercher davantage d'impôts sur le revenu, les droits de stationnement ou de licences ou de redevances soit assujetti à une cure d'amaigrissement radicale. C'est pour nous une lutte constante.

Mais en fin de compte, les impôts sont le prix que nous payons pour avoir une société civilisée. Les gens nous montrent toujours du doigt en disant que notre organisation est contre les impôts. Non, notre organisation est contre le gaspillage, contre l'inefficacité, contre les entreprises parasites. Nous voulons que le gouvernement s'occupe d'abord de ses responsabilités publiques essentielles pour lesquelles nous l'avons élu. Je présume que c'est ce que vous faites ici également. Encore une fois, je partage vos préoccupations concernant le respect de la vie privée. Elles doivent demeurer une priorité.

Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie beaucoup d'être venus nous rencontrer. Votre témoignage a été des plus instructifs.

Nous avons avec nous aujourd'hui M. Robert Spindler, président de l'Institut canadien des comptables agréés et président du Comité conjoint sur la fiscalité; Catherine McMillan, ancienne présidente du Comité sur les impôts indirects de l'Institut canadien des comptables agréés et Sal Badali, des Affaires gouvernementales.

M. Spindler, coprésident, Comité conjoint ABC-ICCA sur la fiscalité, Institut canadien des comptables agréés: Au nom de l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA), nous remercions le Comité des finances nationales de nous avoir invités à comparaître et à exprimer nos opinions sur le projet de loi C-43, le projet de mesure présenté pour créer l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Je suis accompagné aujourd'hui de Catherine MacMillan et de Sal Badali. Au sein d'un groupe de l'ICCA, nous avons analysé les questions entourant la création de cette agence. Je dirai quelques mots au sujet des propositions générales du gouvernement, tandis que Sal et Catherine commenteront certains points en particulier.

Depuis 18 mois, des représentants de l'ICCA travaillent avec des fonctionnaires de Revenu Canada dans le but de soumettre des commentaires sur les propositions du gouvernement concernant l'Agence. Nous avons également offert avec plaisir une contribution supplémentaire à cette initiative en nommant un représentant au Comité consultatif spécial auprès du ministre sur l'Agence, soit M. Jack Vicq de la Saskatchewan. Pendant ces 18 mois, nous avons concentré nos commentaires sur une série de questions liées à la gestion et à la reddition de comptes.

Les propositions initiales voulant que l'Agence n'ait pas de liens de dépendance vers le gouvernement nous ont grandement préoccupés. Nous avons recommandé que la surveillance actuelle du système du revenu exercée par le ministre du Revenu national soit maintenue. Nous avons souligné qu'il était vital que les députés puissent, au nom des contribuables, demander au ministre qu'il rende compte du fonctionnement du système. Il est clair que les commentaires formulés à ce sujet lors des consultations ont été entendus et pris en compte. Nous sommes heureux de constater que, selon le projet de loi C-43, le ministre du Revenu national conservera la responsabilité de l'Agence et que celle-ci sera structurée de façon à permettre une surveillance étroite de la part du ministère; nous sommes particulièrement heureux de voir que le pouvoir d'enquête du ministre à l'égard de toute activité de l'Agence sera maintenu.

Sal Badali va maintenant vous parler des questions relatives à la gestion de l'agence proposée.

M. Salvatore M. Badali, F.C.A. Deloite & Touche Consulting Group: En élaborant nos commentaires sur l'agence, nous avons étudié de près les rôles qu'il est proposé de confier au Conseil de direction, au commissaire et au ministre. Nous voulions nous assurer que les propositions prévoyaient des mécanismes appropriés de reddition de comptes relativement aux orientations globales adoptées par l'agence. Nous avons déjà dit que le ministre devrait conserver la responsabilité des questions d'intérêt public se rapportant à l'agence et que le conseil de direction devrait être chargé de l'élaboration des politiques administratives courantes. Nous pensions qu'il était important que ces responsabilités respectives soient clairement énoncées dans la loi. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-43 clarifie ces rôles: le ministre pourra émettre des directives écrites à l'intention de l'agence sur des questions d'intérêt public, et le conseil de direction sera responsable de l'administration générale de l'agence, et pourra -ainsi en gérer les ressources, les services et le personnel.

À cet égard, nous savons qu'il est prévu de donner à l'agence la latitude nécessaire pour concevoir une structure administrative adaptée à ses exigences opérationnelles. C'est pourquoi nous avons déjà fourni au ministre deux publications préparées par l'ICCA: «Recommandations sur le contrôle» et «Recommandations à l'intention des administrateurs -- Processus de gouvernement d'entreprise lié au contrôle». Ces publications traitent de questions relatives au contrôle, soit tous les éléments d'une organisation qui, collectivement, aident les gens à réaliser les objectifs de l'organisation. Ces éléments comprennent les ressources, les systèmes, les processus, la culture, la structure et les tâches. Cela signifie que, lorsqu'on analyse le contrôle, on analyse tous ces éléments, leur interrelation et leur conformité aux objectifs. Les publications décrivent les responsabilités qui incombent au conseil d'administration en matière de contrôle ainsi que les façons dont celui-ci peut s'en acquitter; elles établissent également des critères concernant le contrôle efficace dans une organisation. Nous avons demandé avec insistance au Conseil de direction de l'agence de s'y référer lors de la création de la structure administrative de l'agence.

Je vais maintenant demander à Mme McMillan de traiter des questions relatives au conseil de direction et aux frais d'utilisation.

Mme McMillan, FCA, ancienne présidente, Comité sur les impôts indirects (ICCA): Nous avons dit que la composition du conseil de direction était une question absolument fondamentale pour le succès de l'agence. Nous avons recommandé que les membres du conseil soient choisis en fonction de leur compétence, de leur expertise et de leurs réalisations, en recherchant des caractéristiques comme l'intégrité, le jugement éclairé, l'aptitude au travail d'équipe, les connaissances financières, l'absence de conflit d'intérêts et des normes élevées de performance. Les critères de sélection devraient viser à assurer que le conseil de direction possède les compétences de base requises, au chapitre de la fiscalité, de la comptabilité et de la finance d'entreprise, de la connaissance des affaires, du leadership, des ressources humaines, de la gestion d'installations, de la gestion de crise, ainsi que de la stratégie et de la vision. Pour tenir compte de ces considérations, nous avons fortement recommandé que, au lieu de simplement nommer un candidat unique au conseil de direction, chaque province soit invitée à présenter une liste de candidats -- peut-être quatre ou cinq. À partir de ces listes, le gouvernement pourrait créer un conseil de direction équilibré. Nous croyons que cette formule favorisera le succès à long terme de l'agence, et nous nous réjouissons de voir que cette recommandation a été retenue dans les dispositions législatives.

Nous avons également fait état de préoccupation concernant la possibilité que de nouveaux frais d'utilisation soient introduits par l'agence. Nous estimons qu'il est très important que le ministre demeure responsable de faire approuver tous les frais d'utilisation et nous comprenons que cette procédure sera maintenue. Nous comprenons également qu'un plan relatif aux frais d'utilisation fera partie du plan annuel d'entreprise qui sera exigé en vertu de la loi. Nous croyons également qu'il est essentiel, dans l'intérêt du programme que toutes les recettes provenant des frais d'utilisation demeurent entre les mains de l'agence elle-même.

Je rends maintenant la parole à Rob, qui traitera d'autres aspects présentant un intérêt.

M. Spindler: Bien que nous n'ayons pas lieu de nous inquiéter pour le moment, il y a deux aspects qui nous intéressent et que nous entendons suivre lors de la création de l'agence. De nombreux facteurs influencent le bon fonctionnement de l'administration des impôts. Deux de ces facteurs présentent actuellement un intérêt particulier pour l'ICCA: a) le processus de décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu et, b) l'interaction entre l'agence et le ministère des Finances.

En ce qui concerne le premier facteur, les contribuables et leurs conseillers s'en remettent en grande partie au processus de décision anticipée pour obtenir de l'information en temps opportun sur l'application des dispositions fiscales. Il est donc essentiel pour le système que le groupe responsable des décisions anticipées soit composé d'un personnel adéquat et bien formé. Nous formulons le souhait que ce groupe ne soit pas affecté par la création de la nouvelle agence. De plus, nous souhaitons qu'il soit appuyé pleinement et développé davantage afin d'être en mesure d'offrir des services améliorés dans un environnement de plus en plus complexe.

En ce qui concerne le deuxième facteur, la complexité des transactions d'affaires et leur tendance à évoluer constamment sont telles qu'ils n'est pas possible de rédiger des mesures législatives fiscales précises et complètes puisqu'elles deviendraient très vite désuètes. C'est un fait que le libellé des dispositions législatives ne saurait parfois être précis. C'est pourquoi l'interprétation de la législation fiscale requiert l'exercice du jugement afin que l'on s'assure que les résultats appropriés sont atteints, en fonction de politiques établies et judicieuses. Une interaction étroite entre l'agence et le ministère des Finances est essentielle à l'interprétation appropriée de la législation fiscale. Nous comprenons que les relations existantes seront maintenues et nous encourageons l'agence à interagir de près avec le ministère des finances sur les questions d'interprétation législative.

Nous avons apprécié l'occasion qui nous a été donnée de travailler avec le ministre et les fonctionnaires de Revenu Canada afin de pouvoir commenter les propositions relatives à l'agence. Nous sommes heureux que plusieurs de nos suggestions aient été retenues et fassent maintenant partie du projet de loi à l'étude.

L'ICCA appuie les propositions actuelles du gouvernement pour la création de l'agence, telles qu'elles figurent dans le projet de loi C-43. Nous croyons que l'agence proposée permettra au gouvernement de fournir des services améliorés aux contribuables. Nous pensons également que le fait de donner à l'agence une plus grande latitude pour élaborer des systèmes en fonction de ses besoins particuliers est de nature à améliorer l'efficience du système visant à assurer l'observation des règles fiscales. Nous sommes impatients de voir ces objectifs se concrétiser et nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question que vous pourriez nous soumettre.

Le président: Bien que vous appuyiez cette agence, ce qui n'est pas clair pour moi, c'est pourquoi ça ne pourrait pas se faire avec le système actuel. Est-ce parce que le système actuel ne fonctionne pas? Est-ce pour cette raison que vous appuyez cette agence? Est-ce ce qui justifie votre position?

M. Spindler: Bon nombre de gens ont fait les mêmes commentaires. Le fait de créer une agence distincte permet de mieux concentrer ses ressources et d'avoir un certain degré d'indépendance des structures gouvernementales traditionnelles. Cela permet d'être plus efficace dans le choix et l'affectation des ressources. Cela crée réellement une attitude différente, l'agence étant ainsi soustraite aux restrictions gouvernementales traditionnelles, ce qui lui donne un degré d'indépendance qui représente une vraie possibilité. En théorie, il est possible de le faire à l'intérieur du gouvernement mais je crois qu'il est plus facile de le faire avec une agence distincte.

M. Badali: Nous pensons également qu'il est sans doute plus facile à plus long terme d'avoir la participation des provinces. L'agence a d'excellentes possibilités d'élargir ses horizons et nous l'appuyons pour ces raisons. Ce n'est pas que Revenu Canada soit inefficace à l'heure actuelle. Nous sommes loin de laisser entendre une telle chose. Nous disons tout simplement que de façon générale, à l'avenir, une agence présente de meilleures possibilités d'efficacité accrue.

Le président: À votre avis, cela aura-t-il un impact sur cette agence si les employés actuels de Revenu Canada y sont transférés essentiellement sous contrainte et sans protection?

M. Spindler: Lorsque vous dites «sans protection», si j'ai bien compris ils sont syndiqués. Comme dans tous rapports entre employeur et employés, il y aura des problèmes de transition, mais si j'ai bien compris, la création de cette agence vise à avoir une organisation qui fonctionnera mieux et qui pourra offrir une formation mieux ciblée et un meilleur appui aux employés. De façon générale, l'agence offre à mon avis de nombreux avantages. Comme chaque fois qu'il y a un changement, les employés ont sans doute certaines craintes et certaines préoccupations; ils voient davantage les aspects négatifs que les aspects positifs. Ce n'est certainement pas une raison suffisante pour mettre l'agence de côté, pour remettre à plus tard sa création. Il y aura toutes sortes de problèmes et d'obstacles à surmonter. Traiter avec les employés constitue l'un de ces obstacles mais ne devrait pas empêcher qui que ce soit de concrétiser une bonne idée.

M. Badali: Je pense que nous connaissons tous un certain nombre de gens qui travaillent à Revenu Canada. Ils sont peut-être préoccupés par la question du changement et de ce que cela signifie; mais personne n'a jamais dit être gravement préoccupé par ce que j'appelle un changement «sous la contrainte» ou quoi que ce soit du genre. Personnellement, je n'ai rencontré personne qui m'ait parlé d'une telle chose.

M. Spindler: L'ICCA compte plus de 500 membres qui travaillent pour Revenu Canada et aucun de nos membres n'a soulevé ce genre de problème.

Le président: Pourquoi, alors, les syndicats ont-ils adopté cette position, si vous êtes si positif de l'autre côté?

Mme McMillan: Je pense que les syndicats ont des préoccupations depuis des années concernant le moral des employés et le gel des salaires. Je pense qu'ils se servent de cela pour essayer de régler ces problèmes avant la création de l'agence. Cependant, comme M. Spindler l'a dit, étant donné que l'agence aura une plus grande latitude, qu'il y aura davantage de possibilités de mutation dans d'autres domaines, de formation, et cetera, il y a sans doute de meilleures chances que l'agence réponde mieux et plus rapidement aux préoccupations des employés.

M. Badali: Nous avons tous nos habitudes dans une certaine mesure. Comme M. Spindler l'a dit, nous n'aimons pas nécessairement le changement. C'est peut-être tout simplement cela. Nous ne sommes pas vraiment qualifiés pour parler des problèmes du syndicat.

Le président: Je le comprends. Les syndicats ont fait valoir leur point de vue à plus d'une occasion. Ils ne sont pas nécessairement contre l'agence -- et c'est ce que je crois comprendre -- même s'ils ne peuvent dire clairement qu'ils appuient l'agence. Si nous pouvions résoudre la question des problèmes ou des préoccupations et prévoir une certaine protection, alors je pense qu'ils l'appuieraient davantage. Cependant, vous n'êtes pas ici pour parler de cette question, et je ne pense pas non plus que ni vous ni moi devrions en parler davantage.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Premièrement, ne serait-il pas plus profitable que les provinces appuient d'abord ce projet de loi plutôt que de l'adopter sans avoir leur consentement? Il serait préférable de faire connaître le projet de loi d'abord, d'avoir un consensus et ensuite de procéder à faire avancer le projet de loi.

Deuxièmement, le gouvernement prévoit que la formation de l'agence va simplifier l'administration de Revenu Canada et qu'elle va aussi diminuer le travail de gestion des documents. Actuellement, les contribuables doivent parfois attendre plusieurs mois après avoir remis leurs déclarations de revenus avant de recevoir les montants d'argent qui leur sont dus. Croyez-vous que l'implantation de cette agence va simplifier ce processus et résoudre les désaccords qui en résultent avec la clientèle?

[Traduction]

Mme McMillan: Je ne crois pas que la création de l'agence en soi va simplifier l'administration, mais elle permettra de mettre en place une infrastructure et une nouvelle organisation plus souple capable de réagir plus rapidement, de déplacer les ressources et de simplifier certains processus, qu'il s'agisse de réduire la documentation sur papier ou de simplifier le processus comme tel. Par ailleurs, les provinces vont pouvoir participer et faire percevoir leurs impôts par l'agence, ce qui encore une fois réduit les coûts d'observation pour les entreprises et les gouvernements.

[Français]

M. Badali: À mon avis, il serait plus intéressant pour les provinces de travailler avec l'agence. Cela est une des raisons pour lesquelles nous donnons notre appui à cette initiative.

Le sénateur Ferretti Barth: Les agences seront des chiens de garde et elles garderont un oeil sur le gouvernement et sur Revenu Canada. C'est ce qu'on fait déjà. J'ai vu une émission où on disait, quant à l'Internet ou à l'informatique: «Watch yourself! We are watching you.»

N'importe qui est susceptible d'être observé par la télévision ou par l'Internet. Ce n'est pas le rôle de cette agence d'être un chien de garde. Nous faisons déjà cela. Nous-mêmes sommes déjà surveillés n'importe où et n'importe quand. C'est peut-être une conséquence de l'évolution de la société.

[Traduction]

Tout le monde sait d'où je viens et ce que je fais, si j'ai un chien ou si je n'en ai pas. Ce n'est cependant pas là ma préoccupation.

[Français]

Les agences auront-elles les moyens de simplifier le système existant pour le rendre plus souple, plus approprié pour la population ou, si vous voulez, plus transparent?

[Traduction]

M. Spindler: De leur côté, les entreprises espèrent qu'il y aura une intégration de l'interaction fédérale, provinciale et peut-être municipale avec les autorités fiscales.

À l'heure actuelle, les entreprises doivent confronter les vérificateurs fédéraux, les vérificateurs provinciaux et les évaluateurs municipaux. Il y a de nombreuses interactions entre les entreprises et le gouvernement. Le fait d'avoir un seul vérificateur qui puisse régler équitablement les problèmes entre les diverses compétences au lieu d'avoir toute une série de vérifications qui occupent l'entreprise et le personnel est une excellente occasion de simplifier le système et de réduire les coûts et les interruptions.

Le président: Malgré ce que le sénateur Ferretti Barth a dit, j'ai une crainte inhérente d'une surveillance de plus en plus accrue. Je crains que le gouvernement nous surveille de plus en plus. Cela entraîne la crainte réelle d'une réaction de l'autre côté, comme on le constate dans certaines régions des États-Unis. Je ne veux pas semer d'idées hérétiques dans l'esprit des gens, mais je pense que la tendance est là. S'il y a plus de gouvernement et plus de contrôle, il y aura une réaction à l'autre bout.

M. Badali: Sénateur, bon nombre de Canadiens ordinaires partagent vos préoccupations. Nous ne croyons pas, cependant, que le fait d'avoir une agence plutôt que Revenu Canada en tant que ministère soit un problème ici. Les préoccupations légitimes en ce qui a trait à la protection de la vie privée ne sont pas une raison pour reporter à plus tard la création de l'agence. Nous pensons que la création de l'agence est une heureuse initiative. Les questions de protection de la vie privée doivent être réglées séparément.

Mme McMillan: En ce qui concerne les comparaisons avec les États-Unis et le contrôle exercé par le grand frère; nous avons exprimé des préoccupations lorsque la première ébauche a été publiée au sujet de l'agence. Nous étions très heureux que l'on ait donné suite aux recommandations que nous et d'autres groupes avons faites et que l'on maintienne la responsabilité ministérielle. C'est là l'élément clé. On devrait considérer l'agence sur le plan de l'administration plutôt que sous l'angle de la protection de la vie privée et de la politique fiscale, car le ministre sera surtout responsable de ces questions.

Le sénateur Tkachuk: Je suis très troublé par le concept d'une agence qui administre le gouvernement. Je reviendrai donc à ma question initiale. Qu'est-ce qui empêche le ministère actuel de faire ce que vous dites que l'agence fera? J'entends tous ces mots à la mode au sujet d'une plus grande latitude, et cetera. Qu'est-ce qui empêche que cela se fasse au niveau ministériel?

M. Spindler: Revenu Canada doit fonctionner dans le cadre de certaines contraintes. Je ne connais pas la terminologie exacte, mais un ministère doit suivre certaines normes en matière de niveaux de salaires. Il doit respecter les normes qui sont établies pour le gouvernement en général, notamment les normes d'embauche. L'agence ne sera pas tenue de respecter ces normes et aura donc une plus grande latitude pour mieux rémunérer ses employés de niveaux plus élevés qui doivent effectuer des vérifications.

Il est peut-être plus psychologique à certains égards de créer une agence qui fonctionne davantage comme une entreprise et qui est plus efficiente. Par exemple, le conseil de direction est une excellente façon pour Revenu Canada d'apprendre à administrer l'agence d'une façon plus efficiente ou comme une entreprise, à affecter des ressources, utiliser la formation et s'éloigner de la façon traditionnelle de faire les choses. Est-il possible de le faire à l'intérieur de Revenu Canada? Peut-être. Est-il plus facile de le faire dans une agence? Je le crois.

M. Badali: L'agence pourrait correspondre à un concept que l'on appelle la prestation de rechange des services, pour utiliser l'une des expressions à la mode. Nous avons constaté que dans tous les pays occidentaux industrialisés, les gouvernements adoptent le concept de prestation de rechange des services et ce, avec succès, dans toute une série de domaines. L'objectif est d'aider à mieux définir les priorités. Bien que ce concept ne s'applique que depuis 10 ans, jusqu'à présent le résultat laisse entendre que c'est une bonne chose, que cela fonctionne en général, que lorsqu'une organisation a une bonne orientation et un peu plus d'indépendance, elle peut mieux répondre aux besoins de ses intervenants.

Le sénateur Tkachuk: C'est vous qui parlez de latitude et de déplacer les ressources humaines. Vos arguments ne sont pas très convaincants, mis à part la possibilité de se débarrasser de quelques conventions collectives.

M. Spindler: Je n'avais pas encore entendu cela.

Le sénateur Tkachuk: Ce que je veux dire, c'est pourquoi n'est-il pas possible à l'heure actuelle d'avoir une plus grande latitude, de déplacer les gens et de les payer davantage?

M. Spindler: Si j'ai bien compris, il y a certaines contraintes au niveau des salaires selon le nombre d'années de service et la catégorie d'emploi. La nouvelle agence aura davantage de latitude à cet égard.

M. Badali: Par ailleurs, ce n'est pas uniquement une question d'efficience, même si c'est quelque chose que nous appuyons, mais une question d'institution nationale. Il sera peut-être plus facile pour les provinces de décider d'y participer. Il y a un certain nombre de raisons en faveur de créer l'agence.

M. Spindler: Nous avons peut-être perdu de vue le point le plus important. Le plus important ce n'est pas nécessairement ce que sera l'agence après sa création; c'est ce qu'elle pourrait être. Elle incite les provinces à participer et permet une plus grande efficience sur le plan de l'interaction des contribuables avec les autorités fiscales.

Le sénateur Tkachuk: Nous allons en parler. Vous dites que l'agence ne sera pas limitée par exemple par ce que gagne un sous-ministre. Donc, le nouveau dirigeant de l'agence, le commissaire, peut être mieux payé, comme n'importe quel expert qui est très compétent. Les gens qui nettoient les planchers et les mécanographes ne seront pas payés davantage, mais les cadres supérieurs le seront.

M. Spindler: Nous avons fait part de notre préoccupation selon laquelle il faudrait mettre l'accent sur le vérificateur qui travaille chez le client.

Le sénateur Tkachuk: À votre avis, devrait-on partager les profits de façon à ce que tout le monde soit mieux rémunéré lorsqu'ils perçoivent des amendes?

M. Spindler: C'était l'une de nos principales préoccupations et la raison pour laquelle nous voulions maintenir la participation ministérielle.

Le sénateur Tkachuk: Il serait plus efficace lors de la perception des amendes seulement s'ils peuvent les déduire dans ma déclaration d'impôt sur le revenu. Ils ne sont pas efficaces parce qu'ils les perçoivent.

M. Spindler: Je pense que nous perdons de vue d'où viennent les efficiences. En grande partie, elles proviennent de la réduction du nombre d'autorités fiscales avec lesquelles le contribuable doit traiter.

Le sénateur Tkachuk: Parlons-en. De quoi peuvent-ils se mêler encore? À l'heure actuelle, je paie l'impôt sur le revenu fédéral et l'impôt sur le revenu provincial avec un seul formulaire, et les impôts sont retenus à la source. Un homme d'affaires envoie un chèque et le gouvernement fédéral envoie sa part à la province. Je sais qu'il y a la TPS et la taxe de vente provinciale, et cetera. Cependant, je me demande encore de quoi ils pourront se mêler?

M. Spindler: Je pense que vous oubliez un point ici. Il y a une grande différence. Lorsque vous envoyez vos chèques par la poste, le processus n'est pas terminé. Bon nombre d'employés du revenu sont des vérificateurs.

Les entreprises doivent faire face à une série de différents vérificateurs qui examinent souvent les mêmes renseignements, les mêmes questions et les mêmes problèmes. Les entreprises doivent traiter avec les vérificateurs fédéraux pour l'impôt sur le revenu, avec les vérificateurs provinciaux pour l'impôt sur le revenu, avec les vérificateurs de la taxe de vente provinciale et les vérificateurs de la TPS. Tous ces gens posent souvent les mêmes questions mais à des moments différents. L'une des grandes efficiences provient du fait qu'on aura un seul groupe plus petit. Si le tout fonctionne tel que prévu, idéalement les entreprises n'auront à faire face qu'à une seule série de vérificateurs qui examineront toute l'information et s'occuperont de toutes ces questions en une seule fois.

Cela est beaucoup plus rentable. Du point de vue de l'entreprise, au lieu d'affecter du personnel pour traiter avec les vérificateurs à tour de rôle et bloquer ainsi des mois d'heures- personnes, cela se fera en une seule fois.

À l'agence, la productivité peut être améliorée en affectant le personnel et les ressources là où les besoins sont les plus criants. Je crois savoir que ce sera plus facile sous une agence plutôt que sous Revenu Canada tel qu'il existe actuellement.

Le sénateur Tkachuk: Quelles provinces disposent à l'heure actuelle de leurs propres vérificateurs de l'impôt sur le revenu?

M. Spindler: N'oubliez pas non plus l'impôt sur le capital car cela risque de changer également. L'Ontario, le Québec et l'Alberta ont leurs propres vérificateurs. L'impôt sur le capital devient un problème de plus en plus pressant.

Le sénateur Tkachuk: Ces trois provinces ont leurs propres vérificateurs qui se chargent de l'impôt sur le revenu? Qui le fait pour les autres provinces?

M. Badali: Revenu Canada.

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce que l'agence a à voir là-dedans? Elles collaborent déjà en matière d'impôt sur le revenu.

Vous me dites qu'elles vont faire toutes ces choses fantastiques. À l'heure actuelle, en Saskatchewan, une série de vérificateurs est chargée de l'impôt sur le revenu. Il y a la TPS et la TVP, il y a les questions politiques et d'harmonisation. Ce n'est pas l'agence contre le ministère.

M. Badali: Théoriquement, une province pourrait avoir sa propre taxe de vente provinciale et demander un jour à l'agence de percevoir cette taxe en son nom. Voilà ce qu'on peut faire.

De temps à autre, vous entendrez des ministres provinciaux des finances dire qu'ils voudraient bien se désolidariser du système actuel. Ils disent que cela pourrait fort bien diminuer les coûts de perception de l'impôt et ainsi de suite. Tout ce qu'on peut faire pour améliorer la productivité et réduire les coûts ne peut que profiter à nous tous, contribuables. Nous pensons simplement qu'une agence offre davantage de possibilités.

Le sénateur Tkachuk: Croyez-vous au concept d'un monopole? Pensez-vous que ce serait plus rentable?

M. Spindler: C'est une question intéressante.

Le sénateur Tkachuk: C'est un concept que nous connaissons bien dans ce pays et nous en connaissons tous les conséquences. C'est précisément ce que nous créons ici.

M. Spindler: J'en conviens. Je crois que la concurrence est à encourager.

Le sénateur Tkachuk: La concurrence rend une entreprise efficace.

M. Spindler: Parfois oui, mais ce n'est pas une vraie entreprise.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez raison; ce n'est pas une entreprise.

M. Badali: Sénateur, pour que la nouvelle agence obtienne des contrats provinciaux, et c'est la meilleure façon de le faire, elle doit faire la démonstration qu'elle peut offrir un service de qualité à moindres frais. Sinon elle n'en obtiendra pas. Si j'étais ministre provincial des Finances, pourquoi opterais-je pour cette solution si ces conditions n'étaient pas réunies?

Le sénateur Tkachuk: Apparemment, sept provinces sur dix se sont engagées à faire appel à cette agence. Seules trois provinces ont leurs propres vérificateurs. Exception faite du Québec, elles perçoivent toutes les impôts ensemble à l'heure actuelle. Cela se produit déjà.

Ce qui m'inquiète, c'est la reddition de comptes au Parlement, le processus démocratique et tous ces éléments que nous tenons souvent pour acquis et qui, à mon avis, s'effritent lorsqu'on crée tous ces petits organismes d'état et mini-organismes quasi judiciaires qui échappent à l'examen du Parlement.

M. Spindler: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous sommes peut-être en train de perdre cet élément de vue. Lorsque les propositions ont été faites, ce que nous craignions le plus, c'était la création d'un organisme dépendant. Je suis tout à fait d'accord. Si cet organisme devenait indépendant ou si le ministre ne jouait pas un rôle très actif, nous serions en train de vous dire que cet organisme ne peut pas voir le jour. À notre avis, il serait très dangereux de créer un énorme monopole complètement indépendant.

Ce n'est pas ainsi que les choses ont évolué. Les responsables de ce projet ont tenu compte de ces préoccupations. Ils se sont entretenus régulièrement avec le ministre. Il appartiendra au ministre de veiller à ce que cette créature ne devienne pas une pieuvre. Le Sénat et la Chambre des communes devront y veiller. Nous nous attendons, nous contribuables, à ce que le gouvernement assume cette responsabilité. C'est prévu par la loi.

Cette garantie ayant été respectée, pourquoi ne nous demandons-nous pas si cette nouvelle agence permettra de réduire le coût d'observation du régime fiscal ou de diminuer la charge fiscale des contribuables? Sera-t-il plus facile et moins onéreux pour les entreprises et les particuliers de se conformer au régime fiscal existant? Les perspectives sont les plus intéressantes dans le secteur des entreprises.

Mme McMillan: Le régime fiscal des sociétés est à l'heure actuelle le mieux intégré et le plus rentable car sept provinces ont signé un accord. Vous avez dit que cela ne touchera pas pour l'heure la TPS et la TVP. C'est une question très politique. Raison de plus de créer cette agence et de laisser aux provinces le loisir de demander au gouvernement fédéral d'administrer leur taxe de vente au détail en leur nom. Nous pouvons au moins les administrer de façon plus rentable si nous ne pouvons pas les harmoniser.

Le président: Merci, mesdames et messieurs.

Sénateurs, mercredi prochain à 17 h 30, les débats que nous aurons avec nos témoins seront télévisés et nous examinerons ensuite le budget supplémentaire des dépenses (C). Attendez-vous à siéger une grande partie de la soirée.

Jeudi, nous terminerons l'examen du budget supplémentaire des dépenses (C) ainsi que le budget principal des dépenses pour pouvoir terminer notre rapport et le présenter au Sénat. La semaine suivante, nous reprendrons l'examen du projet de loi C-43.

Le sénateur Carstairs: Monsieur le président, j'avais cru comprendre que si nous avions fini l'examen du budget supplémentaire (C) avant jeudi, nous pourrions passer directement l'étude du projet de loi C-43.

Le président: En effet, mais il nous faut en général deux jours pour les examiner. Les hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor ne ménagent pas leurs efforts et nous donnent les réponses aux questions que nous avons posées dès le jour suivant ou presque. Nous pouvons donc avoir des discussions bien remplies sur divers sujets.

Si certains sénateurs veulent aborder un sujet en particulier, je vous demanderais de nous prévenir le plus tôt possible pour que les hauts fonctionnaires puissent se préparer. Ils vous en seraient reconnaissants.

La séance est levée.


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