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Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 29 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 17 mars 1999

Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 16 h 45, pour étudier le projet de loi C-43, portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, le premier groupe de témoins que nous accueillons ce soir sont de l'Association des courtiers en douane du Canada.

Vous avez la parole.

M. Levon Markaroglu, directeur des opérations, Association des courtiers en douane du Canada: Merci d'avoir généreusement donné de votre temps pour entendre l'Association des courtiers en douane du Canada. L'association représente les petites et moyennes entreprises de courtiers en douane de tout le Canada. Nous ne sommes pas ici pour appuyer l'Agence canadienne des douanes et du revenu qui devrait être formée suite au projet de loi C-43 ou pour nous y opposer. Les événements semblent mener à la création d'un organisme de la Couronne et l'association est ici présente pour exprimer certaines de ses inquiétudes.

Les douanes représentent environ 20 p. 100 de la structure actuelle de Revenu Canada. Il est présumé que la fonction douanière de l'agence que l'on prévoit créer sera constituée d'un pourcentage semblable. Ce 20 p. 100 est extrêmement important au commerce canadien. Les importations et les exportations combinées du Canada représentent près de 80 p. 100 de son produit intérieur brut. Les importations et les exportations représentent chacune environ 40 p. 100 du PIB.

Étant donné que le commerce canadien a plus que doublé au cours des cinq dernières années, l'accroissement nécessaire de la surveillance des frontières, pour assurer la sécurité de nos concitoyens et de nos enfants, et l'avancement du commerce canadien requièrent un équilibre délicat. Nous ne pouvons nous empêcher de nous interroger sur le nouveau rôle qui sera attribué à l'agence dans cet environnement.

Nous sommes un pays qui entretient des rapports commerciaux. Veuillez remarquer qu'un emploi sur trois au Canada dépend du commerce. Je vous signale que le Canada exporte, par personne, trois fois plus que les États-Unis et deux fois plus que le Japon.

L'association est au fait des diverses études et publications qui mesurent les gains en efficacité que réaliserait la nouvelle agence en éliminant les chevauchements entre les divers niveaux de gouvernement. Il s'agit d'un objectif admirable. Ces premières études sur le projet de nouvelle agence n'étaient cependant pas vraiment liées aux questions douanières de la Chambre. En fait, très peu a été dit, voire rien du tout, à propos des douanes lorsque ces études ont été menées.

Dans les discussions que nous avons eues avec eux, les auteurs ont indiqué que dans leur évaluation des gains en efficacité qui seraient réalisés par la création de la nouvelle agence, seuls les éléments liés à la TPS, de tous les revenus associés aux fonctions douanières, avaient été pris en considération pour mesurer l'ampleur des économies; à la frontière, toutes les importations sont soumises à la TPS. Le nom de l'agence que l'on propose de créer est le suivant: Agence canadienne des douanes et du revenu. Nous voudrions connaître les détails relatifs aux douanes en ce qui concerne le modèle du projet de nouvelle agence.

Notamment, quelle ressource serait attribuée aux douanes? Les importateurs seraient-ils mieux servis avec la nouvelle agence? Le nouveau modèle offre-t-il des gains en efficacité? Qui assumera les frais de la mise sur pied et qui paiera pour les services offerts par la nouvelle agence?

Comme vous avez pu le constater d'après mes remarques antérieures, l'association est surtout préoccupée par les «redevances douanières» et le «recouvrement des coûts» qui auront éventuellement, avec la nouvelle agence, à être assumés par le dernier utilisateur, le client. Nous doutons que le système devienne plus efficace en dépensant d'abord des fonds publics pour mettre sur pied la nouvelle agence qui transférera les coûts à l'industrie privée pour que le gouvernement puisse faire des gains en efficacité, gains réalisés aux dépens de l'entreprise privée.

Si telle est la direction dans laquelle se dirige la nouvelle agence, si un «bien public» va être mis en vente pour réaliser un profit ou simplement pour récupérer les frais, alors permettez-moi de poser les questions suivantes: quels seront les prix pour les services? Qui en déterminera les coûts? Seront-ils fixés par des règlements? La formule du secteur privé qui veut que les coûts marginaux égalent les revenus marginaux sera-t-elle appliquée? Quelles influences auront ces prix sur la compétitivité de l'industrie privée? Enfin, quels sont les bénéfices nets de ce qui semble être une démarche sans profits?

Honorables sénateurs, nous sommes en consultations publiques avec Revenu Canada sur un schéma des douanes: un point de vue sur l'avenir des douanes de Revenu Canada. Nous avons joint au dossier une copie de nos commentaires sur le schéma pour le sous-ministre adjoint à la Direction générale des douanes et de l'administration des politiques commerciales.

L'association aimerait dire qu'elle souhaite que le processus consultatif sur le schéma soit dissocié des discussions sur la nouvelle agence. En d'autres termes, si les deux sujets ne sont pas incompatibles, l'un n'est pas nécessairement le complément de l'autre.

Nous croyons que l'agence a pour but d'amasser des taxes pour le gouvernement fédéral par l'entremise d'une taxe de vente harmonisée où la plupart des provinces ont harmonisé leur taxe de vente comme l'ont fait la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve. Peut-être, les provinces qui n'auront pas harmonisé leur taxe de vente auront-elles à payer, en guise d'alternative, des frais au gouvernement fédéral pour qu'il prélève des taxes en leur nom. L'agence dont on a proposé la création pourrait faire figure de précurseur en exécutant son mandat, bien que les discussions entre le fédéral et les provinces pour mettre en place un tel mécanisme ne semblent pas être terminées.

Les douanes, quant à elles, n'occupent pas une place très importante dans l'ensemble. Toutefois, elles auraient, de façon très efficace, un effet direct et démesuré sur nos opérations quotidiennes. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.

En conclusion, l'association aimerait réaffirmer que la sagesse populaire indique que les organismes, dans l'ensemble, tendent à être plus indépendants. Il est donc souhaité que l'agence canadienne des douanes et du revenu, dans sa quête d'indépendance, n'entre pas trop en concurrence avec les entreprises privées en se servant de la position privilégiée que lui procurent les redevances douanières pour qu'aucun autre mécanisme de service de rechange ne puisse exister. De plus, un tel développement irait sans aucun doute à l'encontre de l'initiative en matière d'équité du ministre du Revenu lancée en mars 1998 et publiée dans un rapport du Conference Board du Canada intitulé: «Setting a New Standard: A 7-Point Plan For Fairness».

Le président: Monsieur Markaroglu, pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de votre déclaration selon laquelle vous voulez que le processus de consultation sur le schéma soit dissocié des discussions sur l'agence proposée?

M. Markaroglu: Nous venons tout juste de recevoir une nouvelle proposition de Revenu Canada qui cherche à faire en sorte que l'avenir des activités douanières au Canada permette de réaliser un équilibre délicat entre l'interdiction et le respect de la loi d'une part et, d'autre part, la conformité du côté du revenu. Nous étudions cette proposition séparément. Nous avons toutefois des inquiétudes quant aux redevances douanières et au recouvrement des coûts. Nous constatons qu'il existe déjà des obstacles, pas nécessairement associés au schéma, mais de manière générale. Nous nous posons la question suivante: qu'arrivera-t-il si les deux sont combinés? Mais nous ne pourrons peut-être pas étudier la proposition dans son ensemble. Il vaut mieux en étudier les différentes composantes.

La réponse que nous avons rédigée au sujet du schéma se trouve annexée à notre mémoire. Vous pourrez peut-être l'examiner isolément parce que les redevances douanières et le recouvrement des coûts sont une préoccupation pour ce qui est tant du schéma que de l'agence.

Le président: Le ministre a donné à notre comité l'assurance, si je ne m'abuse, qu'il n'y aura pas de frais d'utilisateur. Je suppose que, dans le cadre des consultations qu'elle a tenues avec vous, l'agence vous l'aura fait savoir. Vous l'a-t-elle fait savoir de façon officielle?

M. Markaroglu: Votre comité est peut-être la tribune où il convient de déclarer qu'il en est effectivement ainsi. Peut-être que l'engagement serait exécutoire s'il était pris à une tribune publique ou encore inclus dans un texte de loi ou de réglementation, ou les deux.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il semble que les provinces maritimes aient réussi à harmoniser leurs taxes, mais ce n'est pas le cas des autres provinces. Dans votre mémoire, vous dites que l'agence dont on a proposé la création pourrait faire figure de précurseur en exécutant son mandat, bien que les discussions entre le fédéral et les provinces pour mettre en place un tel mécanisme ne semblent pas être terminées. Y a-t-il une province en particulier avec laquelle vous pensez qu'il pourrait y avoir des difficultés? Vous semblez penser que les pourparlers pourront aboutir, si je vous ai bien compris.

M. Markaroglu: Je vous remercie de poser cette question. En Ontario, nous avons récemment reçu l'Avis de douane N-266 nous informant qu'on a modifié la Loi ontarienne sur la taxe de vente au détail afin d'autoriser Revenu Canada à percevoir et à verser la TVP et à retenir des marchandises si une personne refuse de payer cette taxe. Cette modification entrera à vigueur à compter du 16 avril 1999 pour ce qui est des voyageurs et du 1er juin 1999 pour ce qui est des importations non commerciales entrant au pays par la poste ou par les services de messagerie. Cette disposition pourrait facilement s'appliquer aux biens commerciaux. Dans les Maritimes, la taxe de vente harmonisée ne s'applique pas encore aux biens commerciaux.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous attendez-vous à ce que le Québec considère cette mesure comme une ingérence du gouvernement fédéral dans un domaine de compétence provinciale? Le Québec estimera-t-il que le gouvernement fédéral essaie de lui «dicter» la conduite à adopter? À mon avis, il faut éviter de créer inutilement des sujets de discorde avec les provinces. À la lecture du document que vous nous avez remis, je crains que ce que vous recommandez devienne effectivement un sujet de discorde.

M. Markaroglu: Je ne sais quelle est la teneur des relations fédérales-provinciales. Comme cette question n'est pas de mon ressort, il vaudrait peut-être mieux que je n'y réponde pas. Revenu Canada a certainement laissé entendre que toute province qui n'harmoniserait pas sa taxe avec celle du gouvernement fédéral devra indemniser le gouvernement fédéral pour les taxes qu'il percevra.

Le sénateur Lavoie-Roux: Savez-vous où en sont les discussions?

[Français]

M. Markaroglu: Je m'excuse, madame, je ne sais pas exactement.

[Traduction]

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous attendez-vous à ce qu'il y ait des problèmes? Pensez-vous que la question pourrait être réglée à l'issue de la discussion? Pensez-vous qu'un autre problème risque de perturber l'équilibre délicat dans les relations fédérales-provinciales?

M. Markaroglu: Peut-être puis-je répondre à la question d'un point de vue commercial. Dès que cette taxe s'appliquera aux biens commerciaux, cela suscitera d'autres problèmes.

Le sénateur Lavoie-Roux: Autrement dit, tout est loin d'être réglé.

M. Markaroglu: En effet, et nous suivons de près la situation comme tout le monde.

Le président: Je voudrais apporter une précision: le ministre nous a assuré que le gouvernement fédéral n'imposerait pas de frais d'utilisateur, mais la loi ne le prévoit pas encore. Autrement dit, cela doit figurer dans le règlement.

M. Markaroglu: Nous serions enchantés que le règlement le précise, monsieur.

Le président: Je le comprends. J'insiste sur le fait que cela doit être prévu dans le règlement parce que les ministres eux changent. Nous vous remercions d'avoir contribué à nos travaux.

Nous accueillons maintenant le représentant de l'Institut Fraser.

M. Owen Lippert, directeur, Projet sur le droit et les marchés, Institut Fraser: Honorables sénateurs, mes propos ne reflètent pas la position de l'institut dans la mesure où l'institut lui-même ne prend pas position sur différents sujets, mais recrute des gens comme moi qui le font. J'ajouterai que l'Institut Fraser n'incite personne ni à appuyer ni à s'opposer au projet de loi. Son statut d'organisme de bienfaisance le lui interdit.

J'aimerais vous faire part dans cet exposé de deux préoccupations générales au sujet du projet de loi C-43 qui prévoit la création de l'Agence canadienne des douanes et du revenu. La première a trait à l'obligation de rendre compte et la seconde, à la question légèrement plus complexe du rôle de concurrent que l'agence pourrait jouer sur les marchés privés, particulièrement dans le domaine des réseaux et des logiciels électroniques ainsi que de l'accès à ces réseaux.

L'obligation de rendre compte constitue une source de préoccupations majeures en ce qui touche le projet de loi C-43. La consultation des sites Web et de documents sur le sujet révèle que le ministre a mené des consultations étendues qui ont abouti à des amendements au projet de loi.

J'aimerais aujourd'hui définir l'obligation de rendre compte en me reportant à un modèle établi par Margo Priest et William Stanbury dans un travail récent présenté au Centre canadien de gestion. Pour ces chercheurs, l'obligation de rendre compte comporte six principaux éléments: délégation de l'autorité du mandant au mandataire; instructions données par le mandant au mandataire; critères d'évaluation du rendement du mandataire; transmission de l'information au mandant au sujet du rendement du mandataire; évaluation explicite et implicite du rendement du mandataire; et réaction du mandant qui boucle la boucle.

J'aimerais faire ressortir certaines questions qui se rapportent à chacun de ces éléments. Il ne convient en aucun cas de considérer mes propos comme étant le dernier mot sur la question. Je me réserve le droit de me tromper à l'occasion.

Ce qui est intéressant de constater au sujet de la délégation de pouvoirs prévue dans le projet de loi C-43 est qu'elle permet dans une plus large mesure à l'ACDR de devenir un mandataire indépendant. À titre de mandataire indépendant, l'agence gagne sur tous les tableaux. Cependant, cette situation appelle habituellement des mesures de précaution pour éviter tout comportement arbitraire.

Permettez-moi de préciser ce que j'entends par là en vous donnant un exemple. Le projet de loi protège les membres du conseil d'administration de l'agence si des poursuites étaient intentées contre eux. Si les poursuites s'avèrent fondées, le montant à verser sera puisé à même le Trésor, c'est-à-dire que cet argent sera payé par la Couronne au lieu d'être défalqué du budget de l'ACDR. C'est la pratique courante dans tout le gouvernement. Cette pratique a cependant donné lieu à des abus. Je me souviens avoir entendu l'ancien procureur général Allan Rock dire à plusieurs occasions qu'il fallait corriger cette situation.

La possibilité d'abus est créée du fait des incitatifs étranges que prévoit le projet de loi. Ainsi, lorsque des poursuites sont entamées contre un ministère, ce ministère peut faire appel au ministère de la Justice pour le défendre. Les avocats du ministère de la Justice sont alors rémunérés en partie par le ministère qui fait l'objet de la poursuite et en partie par le ministère de la Justice. Par conséquent, les défendeurs ne dépensent pas autant d'argent que le plaignant en frais juridiques.

Qui plus est, le fait que les dommages à verser seront payés par la Couronne à partir du Trésor au lieu d'être défalqués du budget du ministère constitue un autre incitatif à ne pas régler l'affaire rapidement. En effet, si une entente est conclue avant un jugement final, les frais juridiques doivent être défalqués du budget du ministère. Cette situation donnera lieu à des poursuites inutiles et coûteuses. Certains estiment que les poursuites de nature fiscale représentent jusqu'à 40 p. 100 des litiges auxquelles est partie le gouvernement fédéral.

On s'attendrait à ce qu'on comble cette lacune dans le cas de l'ACDR. L'agence ne devrait pas avoir à assumer la moitié seulement de la rémunération versée aux avocats du ministère de la Justice. Le plein montant devrait lui être facturé. En outre, le ministère de la Justice devrait sans doute facturer à l'agence des honoraires correspondant aux honoraires versés dans le secteur privé. De cette façon, le plaignant et le défendeur, en l'occurrence l'ACDR, seraient traités de la même façon.

Si je soulève la question, c'est pour faire ressortir qu'il y a une différence entre un mandataire indépendant et un mandataire de la Couronne; une autonomie accrue s'accompagne de responsabilités accrues. Il conviendrait d'attacher davantage d'attention aux problèmes potentiels que ce genre de situation risque de créer.

Le projet de loi C-43 réduit clairement la portée des instructions que le mandant peut donner au mandataire. Si le Parlement est le mandant et l'ACDR est le mandataire, bien que l'agence ne soit pas soustraite d'aucune façon à l'examen législatif et ministériel, le mandant n'a plus à observer strictement ou juridiquement les nombreuses instructions législatives qui découlent de lois comme la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et la Loi créant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Les instructions qui découlent de lois antérieures s'opposent maintenant à la perception efficace des recettes. Cela soulève la question suivante: ce qui est vrai de la perception des recettes n'est-il pas aussi vrai d'autres fonctions gouvernementales? Si l'ACDR souhaite devenir une organisation moderne fondée sur le savoir plutôt qu'une énorme bureaucratie, le ministère des Finances ou Industrie Canada ne pourraient-ils pas dire de même?

À certains égards, le fait que l'ACDR ne sera plus assujettie à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique témoigne du fait qu'un régime d'emploi qui ne convient plus a été créé par le gouvernement et doit être corrigé. Je souligne le fait que l'interdiction de prévoir des niveaux de dotation dans les conventions collectives des employés de l'ACDR est un pas dans la bonne direction et une mesure qui devrait s'appliquer dans l'ensemble de la fonction publique.

Or, la question des relations de travail que d'autres témoins aborderont aussi sans doute sous un angle différent, tend à rejeter dans l'ombre l'instruction la plus importante que le Parlement envoie à l'agence, c'est-à-dire son budget. Dans la mesure où l'ACDR peut augmenter son propre budget par l'intermédiaire de l'imposition de frais, en procédant à des ventes de bien et en répartissant son budget sur plusieurs années, elle échappe plus ou moins au contrôle du gouvernement. Il en découle que le ministre doit veiller d'autant plus à ce que les instructions du Parlement soient respectées par l'agence, en particulier s'il pourra compter sur l'aide de conseils d'administration.

La question de la composition du conseil d'administration soulève une question intéressante en ce qui touche l'exécution du mandat de l'ACDR qui doit percevoir des taxes pour le compte des gouvernements provinciaux. Les membres du conseil d'administration ne peuvent pas appartenir aux gouvernements provinciaux. Si vous cherchez à vous faire un client de gouvernements provinciaux et espérez être rémunérés en conséquence, vous voudrez sans doute leur offrir d'être représentés au conseil d'administration de l'ACDR pour pouvoir surveiller de près ses activités. Ce sera peut-être une exigence que poseront les assemblées législatives provinciales. Ce serait une façon pour elles d'atteindre cet objectif.

Passons maintenant aux critères d'évaluation du rendement du mandataire. Malgré tous les mécanismes complexes relatifs à l'obligation de rendre compte qui sont décrits dans le projet de loi C-43, les seuls éléments qui semblent faire l'objet de cette obligation de rendre compte sont la conduite des affaires internes et la gestion financière de l'agence. Cette situation soulève certaines questions.

Parlons d'abord de la question de l'équité. Je vois que le ministre a lancé une initiative en matière d'équité. Or, il n'a pas du tout précisé de quoi il s'agissait. On a fait allusion à la déclaration de 1985 sur les droits du contribuable, mais cette mesure législative ne prévoyait aucun recours indépendant important. Les contribuables peuvent faire appel aux tribunaux lorsqu'ils estiment avoir été lésés, mais ils doivent fonder leur plainte sur d'autres lois comme la Charte des droits et libertés. Si la déclaration des droits du contribuable revêt autant d'importance, on s'attendra à ce qu'un service de Revenu Canada soit chargé d'y donner suite. Je me trompe peut-être à cet égard, mais je n'ai pas pu trouver une personne au ministère, malgré tous les appels téléphoniques que j'ai faits à cet égard, qui soit chargée de faire observer la déclaration.

Il convient de définir clairement ce sur quoi doit porter l'obligation de rendre compte de l'ACDR à l'égard des contribuables. Je note que le porte-parole de l'opposition, M. Jason Kenny, a proposé un projet de loi portant adoption de la déclaration des droits du contribuable et la création d'un bureau de protection du contribuable. Je ne veux pas reprendre son raisonnement, mais il me semble assez bizarre que le site officiel de Revenu Canada comporte plusieurs modules créés en vue de la troisième lecture du projet de loi C-43 et donnant accès à divers discours sur le projet de loi qui devaient sans doute être prononcés par des députés ministériels et dont les auteurs sont sans doute des fonctionnaires de Revenu Canada. Le module sur l'équité réfute les propositions de M. Kenny même si l'on n'y mentionne pas son nom.

Cette situation me semble problématique. Si les fonctionnaires écrivent des discours réfutant les propositions présentées par les députés de l'opposition, cela fait ressortir le fait qu'il devra être prévu dans la loi créant l'ACDR que l'agence ne doit faire preuve d'aucun parti pris dans ses activités.

En ce qui concerne la transmission de renseignements au mandant au sujet du rendement du mandataire, je reconnais que le projet de loi C-43 prévoit divers moyens par lesquels cette information sera transmise au Parlement. Il n'y a rien à redire à ces moyens. Il me semble cependant que les députés aimeraient sans doute obtenir d'autres types de renseignement et notamment savoir le nombre de poursuites mettant en cause des contribuables, leurs coûts, leur issue, le nombre de plaintes, les évaluations annuelles et les sondages d'opinion public. C'est d'autant plus important que l'une des raisons citées pour s'opposer à la création d'un bureau de protection du contribuable comme l'a suggéré M. Kenny, était de préserver le rôle des députés qui sont censés signaler au ministre, à son personnel et au ministère les problèmes de nature fiscale auxquels font face leurs électeurs. Si les députés veulent pleinement jouer leur rôle de défenseur du contribuable, ils doivent disposer de tous les faits. On pourrait même aller jusqu'à leur fournir une ventilation par circonscription des problèmes de nature fiscale qui se posent pour qu'ils aient une vue d'ensemble de la situation à cet égard.

Il y a également la question de l'évaluation du rendement du mandataire. La portée des responsabilités à cet égard du vérificateur général n'est pas clairement précisée dans le projet de loi. Il semblerait que sa responsabilité se limite à évaluer les états financiers et à établir la crédibilité et la fiabilité de l'information relative au rendement de l'agence. Or, ces dernières années, le vérificateur général a mené des vérifications sur l'optimisation des ressources ainsi que d'autres examens du rendement plus détaillés. L'ACDR souhaitera que ces vérifications se poursuivent.

J'ai mentionné le fait que l'intervalle prévu entre les examens législatifs est de cinq ans, ce qui semble un peu long. La loi devrait conférer aux citoyens le droit de faire observer la loi, en invoquant un instrument comme la Déclaration des droits du contribuable, sur lequel doit reposer le fonctionnement de Revenu Canada et de l'ACDR.

Cette proposition n'est pas aussi révolutionnaire qu'elle peut le sembler parce que des lois comme la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et la loi proposée protégeant les espèces en péril reconnaissent le droit aux citoyens de pouvoir intenter des poursuites. Si le gouvernement estime que ce genre de droit importe dans le domaine environnemental, on pourrait soutenir qu'il importe tout autant dans le domaine fiscal.

En ce qui touche les réactions, les récompenses et les sanctions, il est évident que le projet de loi C-43 part du principe que pour être efficace, l'ACDR doit être en mesure de récompenser et de sanctionner ses propres employés. Le projet de loi atteint cet objectif. La même chose vaut pour ce qui est de l'examen par le Parlement des activités de l'ACDR. Il y a peu de choses que nous pouvons vraiment faire, mais je propose que l'ACDR relève du ministre des Finances et non pas du ministre du Revenu national parce que le ministre des Finances dispose de plus de ressources. Le sous-ministre des Finances peut en fait agir comme intermédiaire entre le ministère et l'ACDR.

Tel que le prévoit à l'heure actuelle le projet de loi, le sous-ministre du ministère du Revenu national jouerait le rôle de commissaire et serait chargé à la fois de conseiller le ministre et de diriger l'agence quasi indépendante. Le fait de faire relever l'ACDR du ministre des Finances aurait pour avantage de mieux coordonner les politiques en matière de recettes et de dépenses.

La seconde préoccupation importante que soulève l'ACDR est l'incidence qu'elle risque d'avoir sur le marché. J'ai noté que dans son discours du 10 décembre, le sénateur Carstairs a fait ressortir les avantages que pourrait tirer l'ACDR de la conception de nouveaux logiciels et de la création de réseaux électroniques. On songe en particulier à la transmission électronique des déclarations d'impôt. Les fonctionnaires de Revenu Canada ont parlé de la possibilité de permettre éventuellement aux contribuables de présenter de façon électronique leur déclaration d'impôt. À l'heure actuelle, seuls des mandataires autorisés peuvent présenter les déclarations d'impôt par voie électronique et peuvent facturer jusqu'à 50 $ au contribuable pour le faire.

Je crois comprendre qu'un projet pilote est actuellement en cours. L'ACDR doit cependant veiller à ne pas faire concurrence à cet égard au secteur privé. Elle sera certainement tentée de le faire. Si l'ACDR mettait au point des logiciels pour la préparation des impôts ou des portiques électroniques, elle pourrait éventuellement dominer le marché en réglementant l'accès au portail électronique ainsi que les normes régissant les logiciels.

Abstraction faite de la question de savoir si l'ACDR a les compétences techniques voulues pour le faire, cette possibilité soulève deux préoccupations principales. Il y a d'abord la question de la confidentialité des données. Il deviendra désormais difficile de savoir quels sont les renseignements de nature fiscale qui appartiennent aux contribuables et ceux qui appartiennent au gouvernement. Il y a aussi la question de la concurrence que les gouvernements font au secteur privé dans le domaine des réseaux électroniques et de la conception des logiciels.

La seule raison pour laquelle le gouvernement devrait offrir un bien ou un service est lorsque le secteur privé ne peut pas le faire. Il s'agit d'un principe économique et d'un principe d'administration publique qui est depuis longtemps reconnu mais qui est très peu souvent observé. La situation s'est cependant améliorée à cet égard. Petro-Canada et Air Canada ont été privatisés. L'index établi par l'Institut Fraser et qui s'intitule: Economic Freedom of the World fait état d'un déclin, du moins dans les pays industrialisés, du nombre d'entreprises exploitées par les gouvernements, déclin qui s'accompagne par ailleurs d'une augmentation de la croissance économique.

Au Canada, nous avons par exemple la Société canadienne des postes, qui plutôt que de restreindre ses activités sur le marché, les a étendues, ce qui invite à la prudence. En effet, même les avancées de la Société canadienne des postes dans le domaine de l'immobilier, des services de messagerie et des réseaux électroniques devraient nous inviter à la plus grande prudence.

Étant donné la taille de l'ADRC, ses possibilités de pouvoir compter sur des fonds publics, sa capacité d'exiger des droits monopolistiques et de redéployer ses investissements, l'agence pourrait très bien commencer à offrir toute une gamme de services publics et acquérir une position dominante quant à l'accès informatique en matière de déclarations d'impôt sur le revenu, d'administration de la taxe de vente, de portiques pour le commerce électronique. Cette situation serait malsaine car cette position dominante ne serait pas due au choix des consommateurs ou à l'innovation, mais à des pouvoirs monopolistiques s'appuyant sur un financement stable de la part du gouvernement.

Il serait très étonnant que le gouvernement laisse une telle situation s'instaurer. Tout d'abord, le gouvernement a affirmé qu'il encourageait l'expansion de l'industrie privée, notamment le secteur des logiciels et de l'autoroute de l'information. Deuxièmement, le gouvernement procède actuellement avec diligence à l'étude des effets pervers potentiels sur la concurrence dans les industries de réseaux électroniques et dans les grandes plates-formes de logiciels. En fait, Industrie Canada, en collaboration avec le Bureau de la concurrence, s'adonne à cela sur une haute échelle. En l'absence d'une surveillance parlementaire rigoureuse et de renseignements sur les activités des organes quasi publics, le terrain est propice à des activités nuisibles à la concurrence. À preuve, l'acquisition par la Société canadienne des postes des services de messagerie Purolator.

En terminant, je vous fais une dernière recommandation, à vrai dire, une proposition: Si l'agence s'adonne à des activités sur le marché de consommation de masse, on devrait demander au Bureau de la concurrence de procéder à une vérification de concurrence de ces activités. Pour étayer cette proposition qui concerne mon argument central, je rappelle que si l'agence jouit désormais d'une plus grande autonomie, il faut aussi qu'elle assume une plus grande responsabilité. À cet égard, ne pas nuire aux marchés privés en profitant d'un avantage déloyal devient une responsabilité centrale pour elle, car elle pourrait très bien ne pas tenir compte, du moins jusqu'à un certain point, de certaines manifestations concernant les prix, les bénéfices et les pertes, propres aux marchés.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons discuté à maintes reprises du bien-fondé d'avoir recours à une agence plutôt qu'à un ministère. Quel serait l'avantage pour Revenu Canada d'être transformé en agence?

M. Lippert: D'après moi, l'avantage le plus évident a trait à sa politique en matière de ressources humaines. L'agence pourra désormais se soustraire aux exigences de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois, même si certaines de leurs dispositions s'appliquent encore. Manifestement, l'agence procédera avec prudence quand elle décidera de s'écarter de ces dispositions-là, mais un élément critique concerne les salaires. Afin de pouvoir retenir des vérificateurs qualifiés, il a fallu que Revenu Canada leur offre des traitements comparables à ceux du marché. Les lignes directrices actuelles imposées par le Conseil du Trésor sur les traitements maximaux l'en empêchaient. Son statut d'agence donnera à cette dernière la possibilité de s'écarter de ces maximaux.

Toutefois, cela veut dire, pour ce qui est du moins des salaires des hauts fonctionnaires, qu'il faudra en exiger la publication parce qu'ils s'écarteront désormais des lignes directrices du Conseil du Trésor. Il sera intéressant de voir quelle sera l'ampleur de cet écart.

Le sénateur Tkachuk: Je vais poser les mêmes questions aux fonctionnaires quand ils reviendront témoigner, mais vous venez de me dire la même chose que certains autres témoins et je suis d'accord avec vous. N'est-ce pas le gouvernement qui fixe les lignes directrices du Conseil du Trésor?

M. Lippert: Oui. Essentiellement, on constate actuellement que le respect des règles adoptées par le passé coûte désormais trop cher et entrave un fonctionnement adéquat.

Le sénateur Tkachuk: Ce problème n'est pas spécifique à Revenu Canada. On a également constitué l'Agence nationale des parcs, et je pense que le même genre de raisonnement s'applique là aussi. C'est pour échapper aux règles du Conseil du Trésor et pour se délier des ententes conclues avec les syndicats de la fonction publique qu'on a formé cette agence qui, désormais, derrière l'enveloppe d'une société, peut faire ce qu'elle n'aurait pas pu faire dans des circonstances normales.

M. Lippert: Je suis d'accord avec vous. C'est un élément positif. Il aurait mieux valu cependant faire les choses directement et modifier la loi, mais comme pis aller, on a trouvé une autre façon.

De façon générale, il se peut que ce ne soit pas exclusivement pour régler le problème des ressources humaines. La logique de base militant en faveur d'une agence quasi gouvernementale repose sur la notion qu'elle pourra mieux interpréter les signaux du marché privé si bien que les budgets dont elle disposera seront mieux adaptés à ce que ses clients lui permettent. L'idée est de donner à l'agence les mêmes moyens dont dispose une organisation privée sans privatiser ses fonctions. On exigera d'elle qu'elle soit plus concurrentielle et plus efficace.

Le sénateur Tkachuk: Cela ne donne-t-il pas l'impression qu'on cherche à donner aux fonctionnaires la possibilité de toucher des traitements plus élevés, sans devoir rendre des comptes, tout en prétendant que l'agence est une agence privée alors qu'elle est effectivement protégée par le gouvernement fédéral? Si cet argument est valable pour eux, ce pourrait l'être également pour le ministère des Finances parce qu'il doit lui aussi recruter pour des économistes de haut calibre. Doit-on s'attendre à ce que cet argument-là soit avancé sous peu?

C'est ce que je crains. Dès le départ, je n'ai pas compris le projet de loi. Je ne comprends pas ce qu'on essaie de faire ici, sauf qu'il semble qu'on souhaite que les fonctionnaires puissent toucher des traitements plus élevés et échapper aux lignes directrices qui sont établies.

M. Lippert: Ce sont des motifs louables.

Le sénateur Tkachuk: Je reconnais que ce sont des motifs louables si on les invoque au nom d'une plus grande efficacité. Mais je pense également que l'honnêteté est un motif louable. Ainsi, on échappe à la reddition de comptes parce que c'est le gouvernement qui établit les lignes directrices et qui adopte les lois. Quand on constate que cela ne va pas, on doit modifier les lignes directrices et les lois. Rien de moins.

Si quelqu'un veut intenter une action en justice contre l'agence, cette personne devra-t-elle poursuivre les membres du conseil de direction également?

M. Lippert: C'est possible. Il est difficile d'imaginer les conditions aboutissant à une action en justice contre les membres du conseil de direction. On peut imaginer que quelqu'un pourrait prétendre qu'une politique générale donnée a entraîné une situation de discrimination bien précise. Cette personne pourrait demander des dommages-intérêts de la part des membres du conseil de direction car ce sont eux qui établissent la politique générale.

Le sénateur Tkachuk: Comment l'agence se distinguera-t-elle d'une société privée? Il y aura un conseil de direction. Je suppose que les administrateurs auront la responsabilité de gérer l'agence. Si quelque chose ne va pas dans le cas d'une société privée, les poursuites visent tout le monde. Elles visent l'agence tout autant que les administrateurs et les dirigeants.

M. Lippert: C'est toujours par là que l'on commence: la poursuite vise tout le monde et après la première journée au tribunal, les choses prennent forme.

Le sénateur Tkachuk: Étant donné que l'agence ne contractera pas d'assurance, personne ne voit l'intérêt de craindre des poursuites, d'assumer une responsabilité, n'est-ce pas? En fin de compte, l'État va assumer toutes les amendes éventuelles.

M. Lippert: Oui, à moins que, comme cela figure dans la loi, il y ait manquement évident aux responsabilités. Mais si ce n'est pas le cas, les intimés n'auront pas à assumer les frais juridiques ni les amendes.

Le sénateur Tkachuk: Dans le cas contraire, cela leur reviendrait. Peuvent-ils être tenus responsables?

M. Lippert: Oui, mais l'agence pourrait trouver une autre façon de les dédommager de leurs frais. S'il y avait manquement dans l'exercice de leurs fonctions, ils seraient personnellement responsables. C'est prévu dans la loi.

Le sénateur Fraser: Vous dites dans votre exposé que les gouvernements provinciaux ne seront pas représentés au conseil de direction. Comme vous le savez, dans l'article 14, il est prévu que chaque province propose la candidature d'un administrateur. En fait, les provinces et les territoires seront représentés à 11 des 15 postes au conseil de direction.

À l'article 16, il est prévu qu'aucun des administrateurs ne pourra être sénateur, député, député à une assemblée législative ou fonctionnaire. Toutefois, que je sache, en règle générale, on estime qu'il n'est pas de bon aloi que les députés, les sénateurs ou les députés à l'assemblée législative siègent au conseil d'administration d'une société d'État. Je pense que de façon générale on souhaite que ces agences rendent des comptes au gouvernement par l'intermédiaire du ministre, grâce aux procédures parlementaires habituelles, et non pas par l'intermédiaire du conseil d'administration.

M. Lippert: Vous avez raison mais dans le cas des provinces, les rapports sont différents. Il s'agit d'un rapport vendeur -- acheteur, du moins du point de vue de la perception des impôts. Il me semble que si vous aviez un rapport commercial important avec une société, vous siégeriez au conseil de direction. En fait, c'est ce qui se fait dans bien des secteurs. S'il existe beaucoup d'interrelations entre divers secteurs, en tant que fournisseur, on vous réserverait un poste au conseil de direction.

L'agence devient un mandataire harmonisant la perception d'impôt et il n'y a aucune raison que des représentants du gouvernement provincial, lequel est un intéressé direct, ne siègent pas au conseil d'administration.

Le sénateur Fraser: L'imbrication des conseils d'administration est une autre question.

Le sénateur Carstairs: Ma question est dans la même veine. Si l'on crée une agence indépendante, on souhaite que ses administrateurs soient indépendants. Aucun accord entre une province et l'agence ne peut entrer en vigueur à moins que les deux parties ne l'acceptent. Ne pensez-vous pas qu'il y aurait conflit d'intérêts si des fonctionnaires et/ou des députés à l'assemblée législative ou des députés au Parlement ou encore des sénateurs siégeaient au conseil de direction?

M. Lippert: C'est une inquiétude qui se comprend. Toutefois, nous avons au Canada sans doute un plus grand nombre d'agences de perception qu'il n'est souhaitable ou justifié. Il faut que quelqu'un cède. Le gouvernement fédéral prend les devants en établissant l'ADRC dans le but d'être plus efficace que le fisc provincial. Il agit ainsi pour protéger sa position et son rôle.

Les provinces vont résister encore longtemps car elles aiment bien exercer le contrôle elles-mêmes. Il sera difficile de les convaincre de faire autrement, comme on peut le constater. Cependant, si l'harmonisation de la perception des impôts est une bonne chose en soi, et s'il y a deux concurrents -- un provincial sur le marché local et un fédéral sur le marché national -- pourquoi ne pas joindre les efforts? À cette fin, il faut offrir aux provinces un rôle plus que symbolique dans la façon de procéder.

On en revient à la nature du conseil de direction. Il est différent des conseils d'administration que l'on trouve dans le secteur privé. Il s'agit plutôt d'un conseil formé de consultants. On prévoit sa composition de telle sorte qu'il ne sera peut-être pas aussi puissant que ce que l'on attend du conseil d'administration d'une société privée qui regroupe des experts, des gens musclés. Toutefois, ce conseil-ci pourrait être plus efficace qu'un conseil consultatif tout simplement. Il pourrait très bien donner des orientations marquées si les intervenants représentent véritablement certains intérêts.

Je ne vois absolument pas pourquoi il y aurait conflit d'intérêts si un député siégeait au conseil de direction de l'agence. De toute façon, les députés auront leur mot à dire. Pourquoi y aurait-il conflit s'ils participaient plus directement à l'élaboration de la politique? Rappelez-vous que ce conseil de direction n'aura pas à se prononcer sur des cas particuliers de fiscalité mais qu'il devra établir la politique d'ensemble de l'agence.

Le sénateur Carstairs: Je dois vous dire que d'après mon expérience, les députés à l'assemblée législative nommés au conseil d'administration des sociétés d'État ont été de véritables désastres. Ils ne représentent que la position du parti au pouvoir, du parti auquel ils appartiennent. Ils ne représentent pas les intérêts du public. Si c'est ce que vous souhaitez pour l'agence, sa création constituera un recul. Quant à moi, j'aime croire qu'elle est un pas en avant.

M. Lippert: C'est peut-être mon côté cynique. Je suppose que quiconque sera nommé à ce conseil de direction par le gouvernement, et ce sera une nomination politique et partisane, représentera les intérêts du gouvernement tout autant, voire plus que n'importe quel député ou membre de l'assemblée législative. Rappelez-vous qu'il ne s'agit pas ici d'une société d'État.

Le sénateur Tkachuk: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Le sénateur Carstairs: Eh bien nous allons devoir convenir de ne pas être d'accord.

Les dispositions du projet de loi précisent clairement que les provinces vont devoir dresser une liste. À partir de cette liste, le gouverneur en conseil va faire des nominations. La raison en est bien simple. Si les provinces devaient chacune nommer leur représentant, nous nous retrouverions au bout du compte avec 11 comptables agréés. Si chaque province présente une liste, on espère que les candidats qui y seront inscrits offriront toute une gamme de compétences. Toutefois, d'après mon expérience il n'y a personne de plus partisan qu'un député ministériel, ou qu'un député de l'opposition.

Le sénateur Cools: Monsieur Lippert, je vous ai écouté attentivement. Je constate qu'à part deux ou trois petites préoccupations mineures, le projet de loi jouit de votre adhésion.

M. Lippert: Comme je l'ai dit, je ne vais pas me prononcer pour ou contre le projet de loi. Certains objectifs visés -- notamment une perception plus efficace des impôts -- vont tout à fait dans le bon sens. L'harmonisation fiscale réduit le coût de la perception des impôts au Canada et c'est un objectif louable. En outre, il faudrait se débarrasser de l'attitude caractéristique du XIXe siècle qui détermine la façon dont le gouvernement gère l'emploi. Si les agences gouvernementales ou quasi-gouvernementales sont disposées à prendre plus de risques sur le marché, c'est tout à fait positif.

Il y a toutefois risque d'abus, et voilà pourquoi j'affirme qu'il faut prévoir des garanties, particulièrement en ce qui a trait au droit des contribuables d'intenter des poursuites civiles. On doit prévoir un code circonstancié pour la reddition des comptes. Ces garanties permettraient d'atténuer les risques potentiels.

Le président: Pensez-vous que le public serait outré si on introduisait des frais d'utilisation? Dans ce cas, est-ce qu'on y renoncerait?

M. Lippert: Les frais d'utilisation imposés par le gouvernement sont un sujet délicat. S'ils sont liés directement à ce que coûte un service, la tarification de ce dernier est acceptable dans la mesure où l'on a le choix de se prévaloir du service gouvernemental. La dernière fois que j'ai vérifié auprès de mon comptable, il m'a bien dit que je n'avais pas le droit de ne pas verser mes impôts. Pour ce qui est de la perception des impôts, l'imposition d'une tarification souleverait un tollé de protestations.

Si d'autres services gouvernementaux sont offerts, alors, il convient d'imposer des frais. Par exemple, on pourrait imposer des frais pour l'obtention d'une décision préalable. Si les frais sont trop élevés, la société jugera si cela en vaut la peine car, comme solution de rechange, elle pourrait toujours s'adresser au tribunal.

Voici ce qui est difficile: le consommateur, en l'occurrence le contribuable, a-t-il le choix? S'il a le choix, alors on peut trouver là un argument. Toutefois, les frais imposés doivent être calculés en fonction du coût véritable de la prestation du service. Lors d'une affaire récente devant les tribunaux, le barème des frais d'homologation en Ontario a été rejeté car on a constaté qu'il servait à garnir les coffres de l'État et n'avait rien à voir avec le véritable coût de l'homologation des testaments.

Le président: Oui, c'est ce que j'ai pu constater.

Je ne sais si vous connaissez la situation de l'IRS aux États-Unis. Cette agence exige-t-elle des frais d'utilisation?

M. Lippert: Je ne suis pas expert en la matière mais je sais qu'il y a un barème de tarifs. Je pourrais me renseigner. Cette agence est encore plus indépendante que ce qui est proposé pour l'ADRC et pour diverses raisons. Le modèle n'est pas nouveau. En Angleterre, il existe tout un barème d'honoraires qui correspondent à des services consultatifs fiscaux très précis et l'ont vous dit ce que vous obtiendrez contre versement de ces honoraires.

Le président: Honorables sénateurs, les témoins que nous attendions à cette heure-ci ne sont pas encore arrivés, car nous avons de l'avance, mais deux témoins que nous devions entendre plus tard sont déjà là et avec votre permission, nous allons les entendre maintenant.

M. Neil Crothall, témoignage à titre personnel: Monsieur le président, je suis un employé du ministère du Revenu et ce depuis 18 ans. Actuellement, je travaille comme vérificateur pour les successions et les fiducies, au Bureau de services fiscaux de Hamilton. Puisque le Sénat est considéré comme une Chambre de réflexion, j'ai cru bon vous faire part du point de vue d'un des travailleurs de première ligne à Revenu Canada.

Après des années de gel des salaires et des augmentations de salaire dans la Fonction publique, 45 000 mises à pied, des propositions de loi interdisant l'arbitrage pendant encore deux ans, et des propositions de loi pour absorber l'excédent du régime de pension, mes collègues et moi-même sommes très démoralisés. Nous avons l'impression qu'on nous demande trop de sacrifices.

Une chose qui ne fait qu'affaiblir davantage le moral déjà faible des employés, c'est que nous ne savons pas au juste pourquoi on crée l'Agence de douanes et du revenu du Canada. Le mieux qu'on puisse dire des renseignements qu'on nous fournit, c'est qu'ils sont incomplets et vagues. La plupart de ces renseignements nous viennent de la publication ministérielle Interaction et de bulletins de mise à jour sur l'agence. La direction elle-même a fourni très peu de renseignements aux employés.

À l'origine, on nous avait dit qu'on voulait créer l'agence pour coordonner et administrer les fonctions fiscales provinciales et fédérales. Nous savons cependant que, jusqu'ici, peu de provinces ont manifesté le moindre intérêt envers la nouvelle agence ou le désir d'y participer. Quelle est l'impression que peuvent en avoir les employés quand on discute de la question?

J'ai constaté que le niveau d'inquiétude chez mes collègues augmente à l'idée que le projet de loi vise en réalité à affaiblir les droits des travailleurs et à réduire leurs avantages sociaux. On craint que la mesure donne carte blanche à la direction pour la dotation et les promotions et que cela donnera lieu à des procédures beaucoup plus partiales et injustes. Le droit de recours a une tierce partie qui est prévu aux termes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique disparaîtra.

Nous craignons que, puisque tous les contrats maintenant en vigueur devront être renégociés si nous avons un nouvel employeur, nous perdrons des avantages durement gagnés. Nous avons aussi noté que notre emploi ne sera garanti que pour seulement deux ans et nous craignons de nous trouver dans une situation comme celle qui existait à NAV CANADA, où 1 800 personnes ont été mises à pied.

Je suis convaincu que le projet de loi C-43 finira par être adopté sous une forme quelconque. Je crois savoir que le comité du Sénat a reçu quatre propositions d'amendement qui garantiraient le maintien des droits des employés de Revenu Canada après la création de l'agence. L'amendement visant le recours à une tierce partie revêt un intérêt particulier pour les employés.

À mon avis, ces concessions feraient beaucoup pour obtenir la collaboration des employés et pour garantir un milieu de travail plus productif et un lancement plus propice pour l'agence.

Mme Barbara Stewart témoignage à titre personnel: Honorables sénateurs, j'habite Ottawa et je travaille au bureau des services fiscaux. Je suis une employée de Revenu Canada depuis 23 ans. J'ai réussi à survivre tout ce temps à l'emploi du gouvernement. Je travaille pour les services à la clientèle, dans un secteur appelé la résolution des problèmes. Je m'occupe de problèmes qui ne peuvent pas être résolus de la façon normale. Je fais affaire avec les bureaux de députés et de sénateurs qui ont reçu des demandes d'aide de contribuable relativement à un problème fiscal.

Je tiens à remercier les membres du comité de m'avoir donné l'occasion d'exprimer mes préoccupations et celles de mes collègues au sujet du projet de transformer Revenu Canada en une agence. Quand on avait proposé le changement au départ, bon nombre d'entre nous pensions que ce pourrait être à l'avantage des employés. Nous pensions que cela fournirait l'occasion d'améliorer le régime de dotation en personnel, de modifier le système de classification et de donner une nouvelle perspective et un meilleur moral aux employés de Revenu Canada. Je peux vous dire que cela a très vite changé quand la direction a formé ses équipes de conception et a cessé graduellement et enfin complètement de consulter les syndicats.

Je ne pense pas qu'un seul employé de Revenu Canada refuse d'admettre qu'il faut apporter des changements aux procédures de dotation. Nous savons que c'est nécessaire, mais nous ne voulons pas perdre en retour le recours à une tierce partie. Nous savons dans combien de cas on fait appel maintenant des résultats des concours alors que nous sommes censés être mieux protégés et nous ne pouvons qu'imaginer et craindre ce qui arrivera aux promotions quand nous n'aurons plus de recours. Le moral est déjà très bas.

Je sais que M. Dhaliwal, notre ministre, a déclaré qu'il avait parcouru le pays pour parler aux employés. Je travaille moi-même à Ottawa et, à ma connaissance, il n'est pas venu nous visiter. S'il l'a fait, on avait dû choisir quelques employés pour le rencontrer et sa visite au bureau a fait très peu de bruit.

Très peu de renseignements détaillés parviennent aux employés ordinaires. Les gestionnaires de notre bureau ont organisé récemment des séances d'information pour nous donner des mises à jour, mais ils ne nous ont rien dit au sujet de l'agence que nous n'avions déjà lu dans les journaux. Ils n'ont pas pu répondre aux questions sur diverses questions importantes: pourquoi il n'y aurait pas de recours à une tierce partie; que nous arriverait-il après la période de deux années d'emploi garanti prévue dans le projet de loi; pourquoi la direction refuserait de prolonger cette période de deux ans si elle ne voulait pas réduire les effectifs; et pourquoi nous devons devenir une agence vu que l'on pourrait réaliser la plus grande partie, sinon la totalité des changements prévus en conservant la structure actuelle.

Les employés de Revenu Canada savent bien ce qui est arrivé aux employés de NAV CANADA et de l'Agence d'inspection des aliments, connue aussi sous le nom d'agence agro-alimentaire, où il y avait eu aussi une garantie d'emploi de deux ans et ensuite des avis de mise à pied. Nous ne voulons pas qu'il nous arrive la même chose.

Le ministère a déjà dépensé beaucoup d'argent sur cette nouvelle agence. Vu que huit différentes équipes de conception ont parcouru le pays pour parler à des employés choisis par la direction. J'ai moi-même assisté à une séance sur le système de classification où il a été question d'à peu près tout sauf la classification. C'est parce que la classification est une question très complexe et que peu de personnes en connaissent suffisamment pour essayer d'améliorer le système.

C'est ainsi que le ministère a choisi de consulter les employés et les syndicats. Au lieu de créer une équipe de personnes au courant qui pouvaient fournir des idées, des suggestions et des recommandations, on a préféré procéder autrement. Les employés ont commencé à se demander qui serait protégé dans le cadre du projet. Apparemment, ce ne sera pas les employés.

Je croyais que la nouvelle agence nous aiderait, mais plus je lis des articles et plus j'entends des choses, plus je m'inquiète. Tout ce que nous demandons, c'est que vous nous aidiez à conserver certaines des protections que nous avons maintenant comme employés du gouvernement en apportant les amendements proposés au projet de loi. Cela ferait beaucoup pour relever le moral et réconforter ceux d'entre nous qui travaillons depuis bien des années au ministère et qui ne sommes pas convaincus que le changement comporte des avantages pour nous. Quand elle a su que je venais ici ce soir, une de mes collègues m'a dit: «dis-leur que ça sent mauvais, peu importe comment on envisage la chose.»

Cela étant dit, je vous remercie de m'avoir écouté et de vous préoccuper de notre sort. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de recours à une tierce partie pour les promotions. Que craignez-vous? Comment pensez-vous que cela se passera?

Mme Stewart: Il y aura du patronage. Autrement dit, si votre surveillant vous aime bien, vous obtiendrez la promotion. S'il ne vous aime pas, vous n'aurez jamais d'avancement. C'est ce qui arrive même selon le système basé sur le mérite. Nous avons l'impression que cela se fait déjà, même si nous avons un droit d'appel et certaines protections. Nous sommes convaincus que le nouveau système peut facilement donner lieu à du patronage et cela nous effraie beaucoup.

Le sénateur Tkachuk: Quand vous parlez du système en fonction du mérite, vous voulez parler de vos antécédents de travail. Y a-t-il un examen, ensuite une entrevue, et tout le reste?

Mme Stewart: Oui. Normalement, il y a un concours écrit pour établir les connaissances des candidats à une promotion et ensuite une entrevue pour déterminer leurs aptitudes et leurs qualités personnelles. Selon la proposition, les employés ne pourront pas en appeler une fois qu'une décision aura été prise. La direction pourra essentiellement accorder les promotions à qui elle veut. Nous craignons que ce processus ne soit pas juste envers nous.

Le sénateur Tkachuk: Je suis certain que nous en entendrons davantage là-dessus plus tard. Je partage vos craintes parce que cela m'effraie qu'on veuille transformer un service gouvernemental pour qu'il ressemble au secteur privé. Dans le secteur privé, le fait de promouvoir le mauvais candidat peut ruiner mon entreprise. Cependant, au gouvernement, rien n'arriverait. J'ai toujours cru qu'il fallait des syndicats pour protéger les travailleurs. À ce moment-là, il existe une situation de conflit pour garantir qu'on prend les bonnes décisions.

Quelles mesures proposent-ils? La protection ne sera-t-elle pas la même?

M. Crothall: Nous l'ignorons. Je connais un chef d'équipe à Hamilton qui a travaillé pour le ministère pendant 30 ans. Il a écrit à Rob Wright en disant que l'un des concours se déroulait dans la plus grande confusion, du jamais vu en 30 ans. Dans sa réponse, M. Wright a dit:

Un de nos objectifs consiste à améliorer le processus de dotation et à donner aux gestionnaires la souplesse nécessaire pour embaucher le personnel dont ils ont besoin pour exécuter le travail. Cela suppose des changements aux politiques et aux procédures de dotation traditionnelles.

L'interprétation qu'en ont fait les membres de mon unité, c'est que «nous allons faire ce qu'il nous plaît.» Si vous souhaitez annexer la lettre dans le procès-verbal, mon surveillant m'a autorisé à vous en remettre des exemplaires.

Le sénateur Tkachuk: Oui, j'aimerais bien la voir.

Le président: Monsieur Crothall, combien de personnes travaillent à Hamilton?

M. Crothall: Environ 300. Je ne connais pas le nombre exact.

Le président: Est-ce que le ministre ou quelqu'un d'autre s'est rendu sur place pour vous rencontrer?

M. Crothall: À ma connaissance, non. La dernière réunion que nous avons eue avec un cadre important remonte à deux ans, et il s'agissait d'un directeur. À l'époque, tout ce qu'il a dit, c'est: «Ne vous inquiétez pas. Tout ira bien.» Non, nous n'avons eu droit à aucune réunion. En fait, je n'ai même pas rencontré mon propre chef d'équipe au sein de mon unité pour discuter de l'agence. L'information que nous recevons nous est communiquée par l'entremise des publications ministérielles. Elle n'est pas acheminée par la direction.

Le président: Personne ne vous informe à intervalles réguliers?

M. Crothall: Pour vous dire la vérité, je ne crois pas qu'ils soient au courant. Je ne crois pas qu'ils y voient plus clair que nous concernant ce dossier. Je ne pense pas qu'ils puissent nous décrire exactement la structure ou le mandat actuels.

Mme Stewart: Je suis d'accord. Ils ignorent ce qui va nous arriver. Les cadres supérieurs de l'administration centrale nous transmettent certaines informations, mais ils n'ont aucun renseignement précis quant à ce qui va se produire en octobre lorsque c'est censé entrer en vigueur. Même si vous êtes encore en train de l'étudier et que le projet de loi n'a pas été adopté, on nous a dit que l'agence allait ouvrir ses portes le 1er octobre. Vous comprendrez sûrement pourquoi nous nous inquiétons.

Le président: Parmi les amendements que vous avez proposés, est-ce qu'il y en a un que vous estimez prioritaire? Vous souvenez-vous des amendements?

M. Crothall: Je me souviens d'un amendement en particulier, concernant la capacité de faire appel à un tiers objectif.

Le président: Vous l'avez dit plus tôt. Est-ce l'un des amendements qui vous tient le plus à coeur?

M. Crothall: Oui.

Mme Stewart: La sécurité d'emploi est également importante. La convention collective pour les membres de la table 1 ayant été signée dernièrement, une annexe de notre convention collective portant sur le réaménagement des effectifs sera renouvelée pour certains d'entre nous qui travaillent à Revenu Canada. Nous ne savons pas exactement comment elle sera reportée, mais cela fait partie de notre convention collective. Cependant, ce n'est pas le cas pour certains employés du ministère -- par exemple, ceux qui font partie de l'IPFPC, les vérificateurs et les responsables des services informatiques, et les membres des syndicats qui ne font pas partie de l'Alliance. Ils vont perdre leur sécurité d'emploi, qui ne sera valable que pendant deux ans dès que le ministère se sera transformé en agence.

Le sénateur Carstairs: Dans votre mémoire, madame Stewart, vous avez dit que votre opinion avait changé lorsque la direction a créé les équipes de remodelage et mis un terme à la consultation des syndicats. Or, nous avons appris que certains des syndicats avaient décidé de ne pas faire partie des équipes de remodelage.

Mme Stewart: Oui, en effet. Je dois les féliciter de ne pas avoir choisi de le faire. Je suis active au sein du syndicat, cependant mes camarades qui ne s'intéressent pas de près aux activités du syndicat estiment que ce dernier est censé nous représenter en tant qu'agents négociateurs.

Au cours de la réunion à laquelle j'ai assisté au sujet de la classification, j'en savais probablement plus sur le sujet que quiconque dans la pièce, et pourtant je n'y connais presque rien même si j'oeuvre activement au syndicat depuis longtemps. Si j'en sais très peu, les membres ordinaires ignorent pratiquement tout du système de classification. On ne nous a pas demandé «qui aimerait assister à la réunion?» La direction a plutôt choisi les participants en espérant, à mon avis, qu'ils ne feraient qu'approuver les mesures proposées au lieu de choisir des gens susceptibles de proposer des idées ou d'émettre des réserves.

Lorsque j'examine la situation, je vois une tentative d'écarter les syndicats. Même si ces derniers ont été invités, il y a des questions qui doivent être négociées, comme le réaménagement des effectifs et la sécurité d'emploi et les ententes avec le Conseil national mixte. Ce sont tous des éléments de notre convention collective qui doivent être négociés par l'agent négociateur et non par un employé ordinaire. Nous avons procédé à l'élection de quelqu'un qui est chargé de nous représenter. Quelqu'un qui connaît les préoccupations et les pièges, alors que moi, à titre d'employée, je pourrais me contenter de dire: «Cela semble très bien.» Je pourrais ne pas me rendre compte qu'une proposition présente un problème légal ou quelle va à l'encontre d'une loi.

C'est pourquoi, à mon avis, ils ont essayé d'écarter le syndicat et d'amener les employés à accepter des propositions dont ils ne connaissaient pas toutes les répercussions.

Le sénateur Carstairs: Vous ne pouvez pas tout avoir. Si vous ne voulez pas que vos syndicats fassent partie des équipes de remodelage, vous ne pouvez pas vous plaindre qu'ils n'y sont pas.

Mme Stewart: Nous voulions qu'ils fassent partie des équipes de remodelage. Nous ne voulions pas que ce soit des employés ordinaires qui fassent partie des équipes alors que la loi prescrivait qu'il incombait au syndicat et à la direction de discuter des enjeux.

Voilà le coeur du problème. Il n'y a rien de mal à s'assurer que les employés soient mis au parfum. Les préoccupations auraient dû être exprimées au syndicat qui aurait pu en discuter au sein des équipes de remodelage, à condition que l'information circule. Le problème est que les syndiqués de la base n'obtenaient de l'information qu'au compte-gouttes.

Selon moi, les syndicats auraient dû être présents pour discuter des enjeux. Je crois que tous les employés du ministère auraient convenu que des changements s'imposaient. Nous ignorons pourquoi le ministère doit se transformer en agence pour opérer ces changements.

Le sénateur Carstairs: Je ne comprends toujours pas. Si vous voulez que le syndicat soit à la table, il doit y être. Si le syndicat refuse, qu'est-ce que l'agence ou l'employeur éventuel est censé faire?

Mme Stewart: Ils auraient dû accepter les suggestions formulées par les syndicats qui désiraient être à la table. Ils ont décidé de les écarter, avec tout le respect que je vous dois, sénateur.

Le sénateur Carstairs: Mon autre question porte sur la dotation. Un des amendements semble conférer aux employés un pouvoir en matière de dotation qu'ils n'ont pas en ce moment.

Mme Stewart: Vous en avez lu davantage sur le régime de dotation que j'ai pu le faire en tant qu'employée.

Le sénateur Carstairs: Non, j'ai sous les yeux l'amendement proposé par le syndicat.

Mme Stewart: Vous voulez parler de la capacité de négocier? Je suppose qu'il accorde ce pouvoir, sauf qu'il existe des situations où la dotation à l'extérieur du gouvernement peut être négociée. Je ne crois pas que le but de la proposition vise à négocier la dotation dès demain si elle était entérinée. Nous pourrons réexaminer la situation à mesure que l'agence évolue. Il est possible qu'à un certain moment, nous puissions négocier. En inscrivant maintenant, la possibilité existe, même si nous ne nous en prévalons pas demain. Le ministère conserve son droit de veto. Les deux parties doivent s'entendre avant que cela puisse se faire. Le fait d'accorder ce droit au syndicat ne signifie pas que ce dernier va l'exercer demain ni pendant les deux premières années d'existence de l'agence.

Le sénateur Lavoie-Roux: Monsieur le président, on a beaucoup parlé de l'anxiété vécue par les employés. Est-ce que notre calendrier nous permettrait de nous pencher à une date ultérieure sur la protection de ces employés? Les employés craignent toujours le pire. Je crois qu'il est essentiel qu'ils comprennent bien la situation pour fournir un bon service. Est-ce qu'au cours des prochains jours nous pourrions examiner tout le problème entourant le personnel et la sécurité?

Le président: Est-ce que vous voulez examiner cette question séparément ou dans le cadre du projet de loi?

Le sénateur Lavoie-Roux: Dans le cadre du projet de loi.

Le président: Cela doit être décidé à la majorité du comité.

Le sénateur Lavoie-Roux: Malheureusement, je dois partir, mais j'estime que les observations qui ont été formulées sont très importantes. Il nous incombe aussi de protéger les employés.

Le président: Lorsque nous avons tenu des audiences sur la STbr et l'augmentation de la production des vaches laitières, cinq employés de Santé Canada sont venus témoigner devant le comité de l'agriculture. Je leur ai dit, et mon invitation s'adresse également à vous, si vous avez des problèmes parce que vous avez comparu devant notre comité aujourd'hui, n'hésitez pas à me téléphoner.

Mme Stewart: Ne craignez rien.

Le président: J'aimerais que vous m'informiez de toutes les répercussions dont vous pourriez souffrir. Je vous félicite de votre courage.

M. Crothall: C'est ainsi que j'ai obtenu une lettre de mon surveillant. Il m'a dit que si j'étais disposé à prendre des risques, que je devrais apporter cette lettre. Le sentiment est partagé.

Le sénateur Tkachuk: Au début des années 80, on avait interdit à l'Institut Fraser de prononcer des conférences à l'Université de Regina parce que ces ardents défenseurs de la liberté de parole, les gauchistes de l'Université de Regina, estimaient que l'Institut Fraser était trop à droite. On leur a interdit, au Canada, de prononcer des conférences. Le syndicat étudiant les avait invités, mais on ne leur a pas permis de prendre la parole.

Cela témoigne des progrès que nous avons faits. Aujourd'hui, l'Institut Fraser se range du côté des libéraux. Je suis moi-même assez à droite, mais je ne suis pas en faveur de cette agence. C'est réellement fascinant pour les sénateurs de l'autre côté. Je les félicite de s'être au moins rangés du côté de l'Institut Fraser. Dans ce dossier, c'est presque incroyable.

Le président: Nous allons maintenant entendre le Bureau du vérificateur général du Canada.

M. Shahid Minto, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada: Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant votre comité dans le cadre de votre étude du projet de loi C-43. Je suis accompagné aujourd'hui de Barry Elkin.

Honorables sénateurs, nous croyons comprendre que votre comité s'intéresse particulièrement aux défis de gestion des ressources humaines que Revenu Canada doit relever.

Pendant de nombreuses années, nous avons effectué des vérifications d'optimisation des ressources des activités de Revenu Canada. Ces vérifications n'ont pas toutes porté précisément sur des questions de ressources humaines, même si ce sont des questions que nous prenons toujours en considération pour déterminer l'étendue de la vérification et formuler nos observations. Deux vérifications récentes ont porté précisément sur les questions de ressources humaines et c'est de ces deux vérifications dont j'aimerais vous parler.

Le chapitre 37 de notre rapport de 1996 portait sur le programme de vérification des grandes sociétés de Revenu Canada, le programme des dossiers importants. Notre rapport de vérification résumait les points forts du programme de Revenu Canada et faisait état de quelques domaines où des améliorations étaient nécessaires.

L'une de nos préoccupations était le personnel. Une main-d'oeuvre suffisante, compétente et motivée est essentielle à la prestation efficace et efficiente du programme des dossiers importants. La sophistication des contribuables et la complexité des dossiers vérifiés le justifient. La plupart des chargés de cas et des vérificateurs à qui nous avons parlé étaient fiers de leur travail et trouvaient stimulant l'effort intellectuel qu'il exige.

Parallèlement, nous avons observé un certain nombre de problèmes de dotation en personnel qui doivent être réglés. Ainsi, certaines régions avaient de la difficulté à obtenir les ressources considérées nécessaires par l'administration centrale pour mettre en oeuvre le programme. La pièce 10 du rapport montre qu'en 1995-1996, l'écart entre le nombre de personnes disponibles pour faire le travail et le nombre de personnes allouées par l'administration centrale était d'environ 14 p. 100 dans les deux plus grandes régions. De plus, les difficultés que pose la dotation des postes vacants ont donné lieu à des affectations temporaires et à des nominations intérimaires pour combler ces postes pendant de longues périodes. Cela entraîne de l'instabilité et des tensions au travail qui font que les vérificateurs ont de la difficulté à donner leur pleine mesure.

La direction était consciente de ces problèmes et elle s'est engagée à améliorer les aspects de la planification et de la dotation qu'elle contrôle. Le suivi de cette vérification, que nous avons publiée en 1998, nous a permis de constater que le ministère avait fait des progrès par rapport à nos recommandations, surtout grâce à l'équipe de conception du programme de dotation pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada dont la création est proposée, même si la dotation des postes dans certaines régions continue de poser problème.

Le chapitre 24 de notre rapport de décembre 1998 traitait exclusivement de la gestion des ressources humaines à la direction de l'impôt international de Revenu Canada. La direction de l'impôt international, qui a été créée en novembre 1991, est le point de convergence pour toutes les questions d'exécution et d'observation liées aux règles fiscales internationales.

La complexité des questions que la direction doit traiter est impressionnante. Parmi ces questions, on trouve la fixation de prix sessions internes; le commerce électronique; les entreprises internationales et leurs opérations entre entités apparentées; les paradis fiscaux et la concurrence nuisible en matière fiscale; les mécanismes de financement internationaux; les conventions fiscales; enfin les non-résidents qui exploitent une entreprise au Canada ou qui aliènent des biens canadiens imposables. Il est clair que la direction a besoin d'employés hautement qualifiés qui possèdent une bonne compréhension des lois fiscales du Canada et de celles d'autres administrations. D'après notre vérification, la question des ressources humaines exige beaucoup d'attention.

Les lacunes qu'affichent la gestion des ressources humaines à la direction, associées aux règles souvent lourdes de la gestion des ressources humaines en vigueur dans la fonction publique, ont considérablement retardé le processus de concours pour la dotation des postes, de même que les dernières étapes des nominations. Par exemple, dans le paragraphe 32 du rapport, nous notons que la date limite d'inscription à un concours pour doter des postes d'agent principal de l'impôt international ou international tombaient en août 1997 et que les résultats ont été rendus publics en septembre 1998. Dans un autre cas, la date limite d'inscription à un concours pour la dotation de postes de conseiller en règles fiscales internationales était en octobre 1996, et la liste d'admissibilité a été dressée 18 mois plus tard.

Nous avons signalé que la direction pourrait prendre des mesures pour accélérer le processus de dotation. Le chapitre illustrait la durée exceptionnellement longue de la période nécessaire pour corriger les examens et dresser les listes d'admissibilité. Les bons candidats peuvent perdre tout intérêt s'ils doivent attendre longtemps avant de se voir offrir un poste.

Il y a actuellement cinq postes de niveau supérieur au sein de la direction: un poste de directeur général et quatre postes de directeur. Comme l'indique notre chapitre, le directeur général a été muté à une autre direction générale du ministère en septembre 1996. Une mesure de dotation a été lancée peu après et une nomination a été faite en octobre 1997, soit un an plus tard. Depuis la fin de notre vérification, ce directeur général est aussi parti et le poste a été comblé au moyen d'une nomination intérimaire en février 1999. Les quatre postes de directeur ont aussi été comblés au moyen de nominations intérimaires.

Bien qu'elle est reconnue depuis 1994 la nécessité pressante de se doter d'un plan des ressources humaines, la direction en est toujours à l'étape d'élaboration d'un plan et de stratégie d'ensemble en matière de ressources humaines, reliés à son plan d'activité. La direction devra disposer d'une solide stratégie en matière de ressources humaines pour s'assurer qu'à mesure que les titulaires de poste supérieur prennent leurs retraites ou sont mutés ailleurs, leurs postes seront dotés par des personnes compétentes et expérimentées. Pour appuyer la mise en oeuvre de sa stratégie, elle aura en outre besoin d'un système d'information sur les ressources humaines qui soit fiable.

La direction ne dispose pas d'un tel système. Le ministère a reconnu que la nécessité de disposer de systèmes d'information et de base de données fiables sur les ressources humaines touche non seulement la direction de l'impôt internationale, mais toute l'organisation.

Le mois dernier, le ministère a diffusé un plan d'équité en sept points. Ce plan signalait que l'équité exige un traitement égal peu importe l'âge, la race et le statut; l'endroit; les antécédents; le degré de sophistication; l'accès à des spécialistes; l'influence politique; l'assurance; enfin, la taille de l'entreprise. Pour qu'il y ait équité et que les règles du jeu soient les mêmes pour tous, il faut une main-d'oeuvre hautement compétente et stable pour faire en sorte que les contribuables multinationaux astucieux qui ont accès à des avis professionnels dispendieux paient leurs justes parts d'impôt.

La solution d'un certain nombre de problèmes, est telle que la planification des besoins, l'établissement d'une stratégie en matière de dotation et la prise de mesures pour accélérer les processus de sélection et d'examen, relèvent uniquement du ministère. Aux termes du projet de loi C-43, l'Agence des douanes et du revenu du Canada, dont la création est proposée, assumera la plupart des responsabilités liées à la gestion des ressources humaines que Revenu Canada partage actuellement avec les organismes centraux. D'après les observations formulées dans les deux vérifications dont nous avons discuté, il serait malaisé de s'attendre que la nouvelle agence règle toute seule les problèmes des ressources humaines de la direction ou du ministère.

Le ministre de Revenu national a déjà expliqué au comité les raisons pour lesquelles il propose la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada. L'amélioration de la gestion des ressources humaines en est une. Bon nombre des autres raisons étant d'ordre politique, il ne serait pas approprié pour nous de les commenter. Toutefois, j'aimerais mentionner que le bureau a été consulté sur les dispositions de la loi proposée qui concernent tant la vérification que la reddition de comptes et que les dispositions, dans leur forme actuelle, nous satisfont.

Monsieur le président, ceci met fin à mon commentaire d'introduction. Nous serons heureux de répondre aux questions du comité.

Le sénateur Carstairs: Il est inhabituel que le vérificateur général comparaisse au sujet d'un projet de loi. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous êtes ici ce soir?

M. Minto: Sénateur, je crois que nous avons été invités à comparaître devant vous. Nous sommes au service du Parlement et c'est pourquoi nous sommes ici.

Le président: C'est parce que vous participez à un examen prévu dans la loi et aussi parce que certaines préoccupations ont été émises. Nous avons jugé nécessaire de vous demander si vous aviez des observations à formuler.

M. Minto: Monsieur le président, notre mandat demeure intact en ce qui concerne la vérification de Revenu Canada. Il est même renforcé du fait que ce projet de loi nous demande de fournir chaque année notre opinion au sujet des états financiers de Revenu Canada. Nous allons également procéder à l'évaluation du rendement de Revenu Canada.

Le président: Voilà pourquoi nous vous avons invités.

Le sénateur Carstairs: Je voudrais préciser qu'à mon avis c'est le président du comité qui a décidé d'inviter les témoins. Cette décision n'a pas été prise par le comité.

Cela dit, j'ai certaines questions à poser au sujet de la reddition de comptes. C'est une question qui intéressait sérieusement un grand nombre de personnes qui ont comparu devant nous. Vous avez dit que vous aviez été consultés et que vous ne voyiez pas d'objection à ces dispositions. Peut-être pourriez-vous nous expliquer ce qui vous tranquillise?

M. Minto: Comme je l'ai dit, les dispositions actuellement en vigueur pour la vérification des revenus du Canada, ce qui comprend Revenu Canada et le ministère des Finances, restent intactes. Ces dispositions ont très bien servi les contribuables et le Parlement ces dernières années. Nous avons effectué un grand nombre d'attestations et d'évaluations de l'optimisation des ressources. Selon nous, et c'est sans doute une opinion que partagent la plupart des gens à Revenu Canada, ces dispositions ont renforcé l'intégrité et la solidité du système. Elles sont bien là.

Quand le ministère s'est orienté vers l'autonomie et a dû mettre sur pied un conseil d'administration, on a estimé que ce dernier aurait besoin, chaque année, d'une opinion sur ses états financiers, et nous nous réjouissons donc de voir cette disposition dans le projet de loi.

D'autre part, la tendance aux vérifications basées sur les résultats et à l'examen du rendement s'accentue et nous procéderons à ce type d'évaluation. Nous en sommes satisfaits.

Quant au régime de vérification, nous en sommes plus que satisfaits. Je dirais que la reddition de comptes ne se limite pas à la vérification. Nous n'en sommes que l'instrument.

Pour faire un retour en arrière, les premières ébauches que nous avons vues prévoyaient un rôle différent pour le ministre et le Bureau du vérificateur général craignait que le Parlement soit moins en mesure de superviser et d'examiner ces activités. Nous avons échangé des lettres avec le ministère. Nous avons dit que nous verrions d'un mauvais oeil une réduction du rôle du Parlement. Le ministère a réagi de façon positive à nos observations. Le ministre rend maintenant des comptes à la Chambre et dirige cette agence, comme il dirige le ministère. Cela nous satisfait.

Une autre chose qui nous inquiétait était le rôle du conseil de direction. Le conseil allait-il assumer le rôle des comités parlementaires et les supplanter? Il ressort de nos séances d'information et de notre lecture du projet de loi qu'en ce qui concerne le programme, le conseil joue un rôle consultatif; cependant, sur le plan de la gestion, il aura certains pouvoirs décisionnels. Pour ce qui est du programme, il ne s'occupera pas des cas individuels.

La protection que l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu confère au contribuable et qui porte sur la confidentialité est intacte. Nous travaillons à cela en collaboration avec le ministère depuis deux ans et je peux donc vous dire que nous sommes de plus en plus satisfaits.

Le sénateur Carstairs: Ma dernière question concerne le problème des ressources humaines à Revenu Canada.

De toute évidence, le vérificateur général s'est penché sur de nombreux ministères. Pourriez-vous nous dire si, à votre avis, le problème est particulièrement grave au ministère du Revenu national ou si tout le monde a de la difficulté à recruter de la main-d'oeuvre hautement compétente pour reprendre votre expression?

M. Minto: Sénateur, ces vérifications sont uniquement centrées sur Revenu Canada. C'est sur ce ministère que nous nous basons. Chacun sait que les compétences dont Revenu Canada a besoin actuellement se situent dans le secteur de la vérification, de la comptabilité et de l'informatique. C'est précisément le genre de personnel qui est très en demande à l'extérieur.

Les gens ne quittent pas la fonction publique uniquement à cause des compressions ou des programmes de départ anticipé; ils partent aussi parce que le marché extérieur offre des salaires plus élevés et, dans certains cas, des possibilités de carrière plus intéressantes.

Nous faisions valoir à cet égard que cela représente un risque inévitable et qu'il y aura toujours des gens qui partiront parce qu'ils peuvent gagner plus d'argent dans le secteur privé. Voilà pourquoi nous préconisons un plan intégré pour les ressources humaines de façon à former des gens à prendre la relève en prévision des départs futurs.

Le sénateur Johnstone: Nous constatons que vous avez des problèmes de dotation dans certains domaines. Nous sympathisons avec vous. Ma question est simple. Qu'entendez-vous par concurrence nuisible en matière fiscale?

M. Minto: Je demanderais à M. Elkin, notre expert en questions fiscales, de vous répondre.

M. Barry Elkin, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada: C'est une allusion au fait que les paradis fiscaux, en particulier, tentent d'accaparer l'assiette fiscale de quelqu'un d'autre. Ils livrent une concurrence déloyale. Lorsque le gouvernement canadien établit des règles s'appliquant à certaines situations, un paradis fiscal modifie ses propres règles pour permettre à un contribuable canadien de profiter de l'intention des lois fiscales canadiennes. C'est une question sur laquelle l'OCDE se penche actuellement de très près. En fait, c'est l'OCDE qui a parlé la première de «concurrence nuisible en matière fiscale» et elle vient de publier un rapport sur ce sujet.

Le sénateur Johnstone: Avez-vous eu de nombreux problèmes sur ce plan? Pourriez-vous nous citer un exemple?

M. Barry Elkin: Revenu Canada a continuellement des problèmes. Le gouvernement a récemment imposé des exigences pour la déclaration de l'actif étranger en raison des sommes importantes investies à l'étranger pour lesquelles on se demandait si le Canada obtenait les impôts qui lui revenaient. C'en est certainement un exemple.

Il y a eu d'autres exemples de mouvement de fonds vers l'étranger pour lesquels le gouvernement a légiféré dans le but de remédier à la situation en ce qui concerne les fiducies familiales, entre autres.

Le sénateur Cools: J'ai toujours eu l'impression que le vérificateur général ou son bureau n'avait pas l'habitude de faire des commentaires à propos de projets de loi qui sont encore à l'étude au Parlement. D'après ce que vous avez dit, vous êtes venu ici sur invitation. Avez-vous déjà comparu devant un comité pour parler d'un projet de loi? Est-ce quelque chose de nouveau? Je suis peut-être mal informée ou en retard. Mais est-ce la première fois que vous comparaissez devant un comité pour parler d'un projet de loi?

M. Minto: C'est la première fois en ce qui me concerne personnellement, mais je pourrais m'informer à mon bureau pour voir si quelqu'un d'autre l'a fait avant.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, nous sommes venus aujourd'hui pour vous parler de nos vérifications. Nous espérons que ces renseignements vous seront utiles.

Le sénateur Cools: Les renseignements sont toujours utiles. Le vérificateur général fait des observations une ou deux fois par an, mais c'est généralement à propos de questions différentes. Ce que je trouve inhabituel, c'est que le vérificateur général formule une opinion au sujet d'un projet de loi dont le Parlement est saisi. Pourriez-vous me préciser si c'est bien la première fois que vous comparaissez devant un comité?

M. Minto: Oui, mais si vous le permettez, je ne formule absolument pas d'opinion au sujet de ce projet de loi. Nous ne sommes pas venus dans ce but. Nous n'avons aucunement l'intention de vous donner une opinion au sujet de cette mesure.

Nous sommes ici uniquement pour vous parler des vérifications que nous avons faites. Elles portaient sur la gestion des ressources humaines à Revenu Canada. Nous croyons savoir que c'est un domaine qui intéresse votre comité et si cela peut éclairer votre examen de ce projet de loi ou de toute autre question, nous nous en réjouissons.

Le sénateur Cools: Je comprends la situation dans laquelle vous vous trouvez.

Le président: Merci beaucoup, messieurs, d'être venus.

Honorables sénateurs, le témoin suivant représente l'Alliance de la fonction publique du Canada.

La parole est à vous.

M. John Baglow, vice-président exécutif régional -- RCN, Alliance de la fonction publique du Canada: Honorables sénateurs, l'Alliance de la fonction publique du Canada est le plus grand syndicat de la fonction publique fédérale, qui représente 150 000 travailleurs. Nos membres font partie d'un certain nombre d'éléments syndicaux, dont la plupart correspondent aux ministères fédéraux. Ces éléments représentent les intérêts au jour le jour, en cours d'emploi, de leurs membres. Vous avez entendu deux de nos éléments, le Syndicat des employés de l'impôt et Customs and Excise Union Douanes Accise. Cependant, l'Alliance est ici aujourd'hui en sa qualité d'agent négociateur représentant les membres du SEI et ceux de CEUDA dans leurs négociations contractuelles avec le Conseil du Trésor et, bientôt, l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

L'AFPC partage un grand nombre des préoccupations d'intérêt public que vous ont exposées de nombreux témoins au sujet de la structure et de l'utilité de l'Agence. Cependant, ce terrain a été amplement couvert, de façon convaincante, tant à la Chambre qu'au Sénat, à l'occasion de l'étude du projet de loi C-43. J'aimerais plutôt traiter des grandes questions de ressources humaines et de relations de travail que soulève la transformation de Revenu Canada en cette agence.

Nous pensons que le gouvernement et les bureaucrates créent cette agence pour une raison primordiale: afin de se soustraire à des procédures qu'ils jugent désuètes et onéreuses en matière de ressources humaines en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ou LEFP, et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ou LRTFP. Qu'est-ce qui nous amène à penser ainsi? Pour quelle autre raison pourrait-on vouloir aller de l'avant avec un vaste projet qui, c'est évident, se justifie si peu à ce stade-ci? Personne n'a pu convaincre personne que l'Agence permettrait des économies, des économies qui supposent toutes l'adhésion des provinces et des territoires au concept de l'agence.

À part une entente avec la Nouvelle-Écosse au sujet de certaines retenues à la source, on n'a encore aucun élément concret de participation des provinces ou des territoires. Dans ce cas-ci, la charrue est loin devant les boeufs! De fait, les pauvres boeufs pourraient finir par s'effondrer sous le fardeau des attentes non satisfaites avant même de rejoindre la charrue!

Un grand nombre de témoins non syndicalistes ont fait ressortir les lacunes de la LEFP et de la LRTFP. Vous devez comprendre, toutefois, que les agents négociateurs de la fonction publique fédérale sont aussi frustrés que la direction par le statu quo. Ces lois archaïques remontent au milieu des années 60, et n'ont pour ainsi dire pas changé depuis quatre décennies. Peut-on imaginer un employeur du secteur privé qui ne changerait rien pendant plus d'une génération à son régime de ressources humaines? C'est pourtant ce que les gouvernements fédéraux qui se sont succédé ont laissé se produire. Et, devrais-je ajouter, malgré tous les efforts que nous avons faits pour amener l'employeur à y remédier.

Il y a des décennies, littéralement, que l'AFPC réclame une révision en profondeur et une mise à jour du régime de ressources humaines de la fonction publique fédérale. Alors que notre position est que les travailleurs de la fonction publique fédérale doivent être régis par le Code canadien du travail, nous étions, et sommes toujours, néanmoins disposés à participer à tout exercice, mené de bonne foi, où l'employeur, les travailleurs et le public que nous servons seraient tous gagnants. Lorsque vous passerez à la période de questions, je pourrais peut-être vous en dire plus sur certaines discussions que nous avons eues au sujet de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, étant donné que j'y ai participé.

Pourtant, plutôt que d'aborder la question de façon systématique dans la fonction publique fédérale, le gouvernement actuel semble résolu à se délester de composantes de plus en plus grandes de la fonction publique pour les transformer en sociétés d'État, organismes de services spéciaux et autres organismes parapublics. Avec l'Agence des douanes et du revenu du Canada, nous nous apprêtons à amputer plus de 20 p. 100 de la fonction publique, d'un seul coup fatal.

On semble craindre, de façon presque maladive, que les travailleurs de l'Agence ne finissent par tomber sous le coup du Code canadien du travail. Personnellement, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre tout cela. L'AFPC négocie de nombreuses conventions collectives pour des travailleurs de l'extérieur de la fonction publique fédérale. Un grand nombre d'entre elles sont subordonnées au Code. Je peux vous dire que, pour l'essentiel, notre relation avec ces employeurs est plus constructive et marquée d'une relation de plus grand respect mutuel qu'avec le Conseil du Trésor. Tout est relatif, bien entendu. Tel est le cas précisément parce qu'il existe un équilibre judicieux entre les pouvoirs et les responsabilités de la direction et du syndicat.

Par contre, le projet de loi C-43 remet entre les mains de la direction le contrôle presque absolu des questions de ressources humaines. Le SEI et CEUDA, avec l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, ont collectivement proposé plusieurs amendements qui feraient tout simplement consacrer les droits dont ils jouissent déjà.

Nous avions espéré que le ministre et le gouvernement seraient sensibles au caractère modeste et raisonnable de ces amendements. En somme, l'Agence, ce sera l'héritage de M. Dhaliwal comme ministre du Revenu national. On aurait pu s'attendre à un plus grand souci de veiller à une transition harmonieuse et sans problèmes. Or, vous avez entendu les agents négociateurs vous parler de tous les soupçons qu'ils ont à l'endroit de la haute direction. L'imposition unilatérale de mesures de dotation minera le moral des troupes et la confiance des employés dans la direction au moment même où l'Agence ne devrait ménager aucun effort pour reconstruire ses relations extrêmement tendues avec ses principaux agents négociateurs. Mais non pas, semble-t-il, dans le cas de l'Agence!

Donc, quels sont ces amendements indigestes, menaçants et outrageants que proposent le SEI, CEUDA et l'IPFPC?

Le premier concerne le maintien d'une revue indépendante externe des mesures de dotation prise par la direction de l'Agence. Selon son libellé actuel, le projet de loi C-43 élimine le droit au recours indépendant externe que les employés de l'Agence ont actuellement en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, partie I.

L'amendement proposé à l'article 59 aurait pour seul effet de permettre aux employés d'avoir accès à des mécanismes indépendants externes de recours et de réparation en matière de dotation, de classification et de rétrogradation et cessation d'emploi de nature non disciplinaire. Cette disposition est une protection importante contre le favoritisme ou le patronage de la direction -- des pratiques qui vont à l'encontre de l'éthique en matière de prestation de services publics au Canada. Cet amendement comprend également le recours indépendant externe en cas de cessation d'emploi ou de rétrogradation pour des motifs non disciplinaires. Le maintien du droit actuel -- que consacre l'alinéa 92(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, partie I -- est aussi essentiel à la protection du principe du mérite et des normes d'éthique les plus élevées dans la dotation et les opérations de l'Agence.

Le deuxième amendement traite du report dans le régime de l'Agence des protections dont les employés jouissent déjà selon les accords conclus entre l'employeur et les agents négociateurs dans le cadre du Conseil national mixte. Le Conseil national mixte est un organe consultatif et délibérant qui regroupe le gouvernement fédéral, dans son rôle d'employeur, et les divers agents négociateurs de la fonction publique fédérale.

Le Conseil national mixte en vient à de nombreux accords exécutoires qui touchent les droits et les avantages sociaux des travailleurs. À moins d'un amendement au projet de loi C-43, les employés de l'Agence perdront les protections actuellement consacrées par les conventions collectives entre les agents négociateurs et le Conseil du Trésor.

Les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui visaient à l'origine à faciliter la création d'organismes de diversification des modes d'exécution, font que les dispositions adoptées au CNM cesseront de s'appliquer aux employés de l'Agence dès le moment où l'Agence naîtra.

Malgré tout, le projet de loi C-43 est muet sur cette question cruciale. Les accords conclus par le CNM couvrent de nombreuses questions administratives, y compris (sans limitation) la santé et la sécurité, les déplacements, les mutations-déménagements, la sécurité d'emploi et les indemnités dans le Nord. Ce sont autant de questions auxquelles l'agence devra voir de toute façon. Le non-report des accords déjà conclus par le CNM jusqu'à la mise en place de nouveaux accords provoquera un immense fouillis bureaucratique.

Le troisième amendement traite du paragraphe 54.2 et de l'interdiction absolue qu'il fait de toute négociation, présente ou future, des questions de dotation. À moins que le paragraphe 2 ne soit supprimé, l'Agence et ses agents négociateurs ne pourront jamais négocier un régime de dotation à intégrer dans les conventions collectives.

La dotation est un élément entièrement négociable dans la vaste majorité des lieux de travail syndicalisés du secteur privé et du secteur parapublic. Si l'on veut que la nouvelle agence soit perçue comme présentant les avantages de l'environnement parapublic, ne faudrait-il pas lui donner les responsabilités appropriées? On ne saurait faire valoir avec trop d'insistance que l'amendement proposé n'oblige pas à négocier un régime de dotation. Le retrait de l'interdiction spécifique n'aurait, au contraire, d'autre effet que de permettre à l'Agence et à ses agents négociateurs d'explorer cette option.

Cette interdiction de négocier un régime de dotation, on ne la retrouve pas dans la loi habilitante de deux autres organismes créés par ce même gouvernement: l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence Parcs Canada. Donc, encore une fois, nous demandons pourquoi cette interdiction explicite dans le cas de cette Agence? Nous ne demandons pas au comité d'ouvrir la porte à la négociation de la dotation; nous vous demandons tout simplement, et de façon très raisonnable, de ne pas construire un mur de briques là où il suffit d'une simple porte.

Pour ma part, j'ai fait ma carrière de fonctionnaire au Conseil de recherches en sciences humaines. La dotation est un point négociable au sein de cet organisme. En deux décennies de syndicalisation au CRSHC, je ne pense pas qu'il y ait plus de deux griefs en vertu de cet article de la convention collective, qui fixe clairement les règles du jeu pour les deux camps. Refuser aux employés de l'Agence de l'impôt la simple possibilité future de négocier la dotation, c'est buté et, franchement, insultant.

Le dernier des quatre amendements proposés traite de l'absence de présentation des agents négociateurs au Conseil de direction de l'Agence, que crée l'article 14.

En vertu du paragraphe 31(1):

Le Conseil de direction est chargé de la supervision de la structure organisationnelle et de l'administration de l'Agence, de la gestion de ses biens, de ses services, de son personnel et des contrats.

Un grand nombre, sinon la totalité de ces responsabilités touchent directement les employés de l'Agence dans leur quotidien. Le projet de loi C-43 prévoit actuellement un conseil formé de 15 administrateurs, dont le président, le commissaire, un administrateur proposé par chaque province et un autre proposé par les territoires. Il ne prévoit pas de représentant des agents négociateurs. Cela prive le conseil d'un accès direct à une expérience et une expertise sans prix en matière de relations de travail.

Nous suggérons au gouvernement de nommer une personne proposée par les agents négociateurs, choisie conjointement et mise de l'avant par les syndicats de l'Agence. Le moral des troupes serait relevé si les employés avaient l'assurance que leurs problèmes pourront être portés au plus haut niveau de la nouvelle Agence. Ce serait également la preuve tangible de l'engagement d'ouverture et de transparence de la haute direction dans ses rapports avec les troupes.

La représentation des employés au sein des conseils d'administration des entreprises est une tendance croissante. L'agence devrait donner l'exemple et profiter d'une occasion. La présence d'un représentant des agents négociateurs au conseil de direction, par ailleurs, contribuerait à réparer les graves dommages infligés aux relations syndicales-patronales pendant la période de gestation de l'Agence.

Et voilà! Quatre modestes amendements! Pas de quoi alimenter une révolution syndicale, vous en conviendrez. Bientôt vous devrez, honorables sénateurs, passer à autre chose. Dans plusieurs années, très probablement, la distribution actuelle des acteurs -- le ministre, le sous-ministre et les dirigeants syndicaux -- aura changé. Que restera-t-il alors de cet exercice? La direction de l'Agence jouira d'un pouvoir et d'un contrôle sans précédents en matière de ressources humaines et de dotation.

Honorables sénateurs, il est crucial que les employés ne perdent pas les quelques leviers que leur donne la législation du travail dans la fonction publique fédérale.

Le sénateur Carstairs et le personnel du ministre ont reçu l'assurance personnellement que, si ces changements modestes sont apportés, les syndicats feront tout en leur pouvoir pour que l'Agence fonctionne pour tous ses intervenants. Si l'offre que nous faisons de bonne foi est repoussée, comme elle semble devoir l'être, alors il n'y a rien de garanti.

En rejetant ces amendements, et en tournant le dos aux syndicats disposés à offrir une branche d'olivier, vous léguez à l'Agence des douanes et du revenu du Canada un climat amer et trouble de relations de travail.

Et, comme le témoin de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante vous l'a déclaré la semaine dernière, le gouvernement paiera cher si l'Agence ne tient pas sa promesse. Voilà pourquoi le ministre et ses hauts fonctionnaires devraient courtiser les agents négociateurs, plutôt que de les éconduire.

Le ministre et ses fonctionnaires ne devraient pas avoir l'arrogance de sous-estimer les coûts d'une aliénation profonde des syndicats de l'Agence. Il y a moins d'une décennie, il y a eu un autre gouvernement qui, lui aussi, s'est fait dire par ses mandarins que la menace d'agitation syndicale n'était que de la grandiloquence. Le résultat de cette arrogance a été la plus grande grève de fonctionnaires dans l'histoire du Canada et un héritage de fonction publique démoralisée et amère, dont on n'arrive pas à se défaire.

Votre comité a fait un commentaire sur ce climat déplorable dans son récent rapport sur les questions de maintien en poste et de rémunération dans la fonction publique fédérale. J'ajouterais, en passant, qu'à l'époque de la grève nationale de l'AFPC de 1991, le parti actuellement au pouvoir nous appuyait sans réserve dans notre combat contre le gouvernement d'alors, et qu'il était disposé à se mettre à blanc pour nous. Les temps ont changé. Les gouvernements ont changé. Mais, selon moi, les leçons de cette grève n'ont pas changé et il ne faut pas les oublier.

En tant que sénateurs, vous êtes là pour un second examen objectif et pour défendre l'intérêt public. Ni la population, ni l'Agence elle-même, ne seront bien servies si les représentants des employés sont piétinés sous de gros sabots. Faites ce qu'il faut et acceptez ces amendements.

Le président: Si j'ai bien compris, vous voulez que nous reportions la Loi sur l'emploi dans la fonction publique?

M. Baglow: À l'Alliance de la fonction publique, l'un des mes portefeuilles est celui de la Commission de la fonction publique. J'ai donc siégé longtemps à ce qui était le comité mixte de consultation et qui s'appelle depuis peu le Conseil consultatif de la Commission de la fonction publique.

Il y a environ deux ans, nous avons lancé un examen de la dotation. Nous avons étudié toutes les questions du point de vue de la Commission, du Conseil du Trésor et des agents négociateurs. Nous nous sommes penchés sur le processus de recours dans le cadre de la dotation. Comme le nombre de personnes sondées était élevé, les interventions ont été nombreuses. À la fin, nous avons publié un rapport.

Enfin, ce n'est pas une bonne chose de négocier la dotation dans une convention collective. Je n'en dirai pas plus mais j'ajouterai aussi que si les deux parties se sont intéressées à cette éventualité, c'est parce qu'elles étaient terriblement frustrées par le régime actuel. En effet, il faut des mois pour doter un poste et parfois même des années. Puis, s'il y a appel, cela peut durer indéfiniment, sans qu'il y ait nécessairement des mesures de réparation en fin de compte. Voilà pourquoi les deux parties sont terriblement frustrées et ne savent pas comment sortir de l'ornière.

Le président: Vous avez proposé quatre amendements. Comme le demandait plus tôt le sénateur Bolduc, si vous deviez les inscrire en ordre de priorité, lequel aurait la préséance?

M. Baglow: Ce qui est extrêmement important, c'est d'avoir la possibilité de négocier la dotation. Mais tout aussi important -- et je ne sais pas lequel des deux amendements aurait la préséance -- c'est de pouvoir reporter les protections actuelles et les avantages conclus par le Conseil national mixte. Le moins important de ces amendements, c'est celui qui vise à nous donner un représentant au conseil d'administration de la nouvelle Agence.

Le sénateur Tkachuk: Les amendements que vous avez proposés visent-ils uniquement à réinstaurer des dispositions qui se trouvent actuellement dans la convention collective que vous perdriez, lors de votre passage à l'Agence?

M. Baglow: Oui, en partie. Nous craignons de perdre les dispositions qui nous protègent actuellement; toutefois, ce qui nous préoccupe aussi, c'est l'idée que la loi ne nous permettrait jamais de négocier notre régime de dotation. Bien sûr, nous n'en avons pas le droit à l'heure qu'il est, mais nous ne voudrions pas que quelque chose nous en empêche de façon absolue. Toutefois, le plus inquiétant pour nous, c'est de perdre le droit à une revue indépendante que nous avons à l'heure qu'il est.

Le sénateur Tkachuk: Comment votre syndicat réagirait-il si le gouvernement imposait de façon universelle à l'échelle de la fonction publique tous ces changements, mais sans passer par de la loi portant création de l'Agence?

M. Baglow: Nous en serions heureux, car cela fait déjà longtemps que nous réclamons le droit de négocier la dotation à la fonction publique.

Le sénateur Tkachuk: Que feriez-vous si le gouvernement, par le truchement de modifications imposées par le Conseil du Trésor ou d'une loi qui s'appliquerait à l'ensemble de la fonction publique, vous retirait tout droit futur à la dotation, ainsi que d'autres protections que vous craignez de perdre en étant transférés à l'Agence? Que diriez-vous si ce que vous proposez dans les quatre amendements vous était refusé à tout jamais?

M. Baglow: Deux des dispositions proposées sont des éléments nouveaux, et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique interdit déjà de négocier la dotation. Toutefois, en ce qui concerne l'abolition des accords conclus par le Conseil national mixte et l'élimination du mécanisme indépendant de recours, cela pourrait entraîner des problèmes avec les relations de travail. Nous considérerions cette mesure comme un coup de jarnac.

Le sénateur Carstairs: Mais la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne s'applique-t-elle pas dans le processus de négociation?

M. Baglow: La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne s'appliquera pas dans les cas de mécanisme indépendant de recours pour toutes les questions de rétrogradation ou de renvoi pour incompétence ou pour incapacité, par exemple. Ce n'est pas prévu. En fait, cela va carrément disparaître, ce qui nous préoccupe au plus haut point dans le projet de loi.

Le sénateur Carstairs: L'article 54 du projet de loi ne garantit-il pas qu'il y aura des recours offerts aux employés?

M. Baglow: Je n'ai pas retenu par coeur toutes les dispositions du projet de loi, mais ce qui nous préoccupe vraiment, et ce dont nous vous avons parlé, c'est de perdre la possibilité d'avoir recours à un mécanisme indépendant de recours dans les cas comme ceux que je vous ai mentionnés. Nous perdons également les accords conclus par le CNM qui sont incorporés par renvoi à la convention collective actuelle. Il pourrait bien y avoir d'autres types de mécanisme indépendant de recours dans les cas de griefs ordinaires déposés au titre d'une infraction à la convention collective, mais nous y perdons quelque chose. Nous voudrions maintenir nos acquis, et c'est ce que nous préconisons.

Le sénateur Carstairs: D'après le paragraphe 54(1):

L'Agence élabore [...]

On ne lui donne pas le choix.

[...] un programme de dotation en personnel régissant notamment les nominations et les recours offerts aux employés.

M. Baglow: Oui, mais on ne parle pas ici d'un mécanisme indépendant. Rien n'empêche l'Agence d'élaborer un programme de dotation en faisant appel à un agent qu'elle paierait elle-même, ou à un de ses propres experts-conseils ou employés, qui jugerait les griefs en matière de dotation. Rien dans cet article n'oblige l'Agence à avoir recours à un agent indépendant. En fait, c'est plutôt le contraire. Le libellé porte que l'agence élaborera le régime elle-même. On peut difficilement parler d'un agent indépendant comme celui que nous avons à l'esprit.

Le sénateur Carstairs: Autrement dit, vous n'êtes aucunement convaincus que l'Agence va agir dans l'intérêt supérieur de ses employés.

M. Baglow: C'est justement la raison pour laquelle les syndicats existent, sénateur.

Le sénateur Carstairs: Je veux que cela soit bien clair.

Il y a aussi autre chose qui vous préoccupe, et ce sont les directives du Conseil national mixte. Si je comprends bien, il s'agit là d'accords qui sont actuellement négociés par les syndicats et le Conseil du Trésor et qui s'appliquent à tous les employés. Ils portent notamment sur la santé et la sécurité, les déplacements, l'indemnité de réinstallation, les primes au bilinguisme et d'autres choses encore.

Si j'ai bien compris également, c'est la première fois qu'une loi qui s'applique de façon distincte à un groupe donné d'employés comporte des dispositions de ce genre. En fait, la Loi de 1996 sur la gestion des finances publiques stipule clairement que ces directives ne doivent pas être reportées dans une autre loi.

D'après vous, comment pourrait-on les reporter dans la nouvelle loi puisque cela irait carrément à l'encontre de la loi de 1996?

M. Baglow: C'est à vous à décider si c'est légal ou pas. Les accords conclus par le Conseil national mixte comportent certains avantages et certains droits pour les employés. Rien n'empêche que l'on reporte carrément dans le projet de loi ces dispositions, peu importe comment on les appelle, jusqu'à ce que l'on négocie dans les divers secteurs un nouveau régime. J'imagine que l'on ne voudra plus parler d'accords conclus par le Conseil national mixte, mais c'est le contenu de ces accords qui nous intéresse. Nous ne voulons pas perdre nos acquis et tout ce que nous avons réussi à gagner grâce à ce processus qui, soit dit en passant, n'est pas à strictement parler une négociation collective; nous ne voulons pas perdre tout ce qui est incorporé dans les diverses conventions collectives qui s'appliquent dans la fonction publique.

Ainsi, s'il était possible de reporter les prestations sans contrevenir à la Loi sur la gestion des finances publiques... il me semble que cela devrait être relativement simple. Tout ce que nous voulons, ce sont des mesures de transition en attendant que la nouvelle Agence soit en place et fonctionne, en attendant de renégocier ces éléments directement.

Le sénateur Carstairs: Monsieur Baglow, ma question va peut-être être déclarée irrecevable car elle ne porte pas vraiment sur votre exposé. Toutefois, puisque vous représentez l'AFPC et que je représente la province du Manitoba, je dois absolument vous la poser.

J'ai un exemplaire de votre bulletin de grève le plus récent, daté du 12 mars. Votre syndicat déclare:

Les membres de la table 2 qui travaillent à la Commission canadienne des grains, au garage et aux entrepôts de la GRC, et au poste frontalier Pacific and Doublas ont dressé des piquets de grève devant deux élévateurs à grains du port de Vancouver. Ces deux élévateurs sont hors service pendant le reste de la grève. Chaque jour les membres ajouteront un autre élévateur à grains sur leur liste de piquets de grève jusqu'à ce que le grain ne puisse plus du tout être entreposé sur la côte ouest!

Au nom des agriculteurs de l'Ouest du Canada, j'aimerais savoir pourquoi vous tenez à punir les agriculteurs.

M. Baglow: Monsieur le président, est-ce que vous allez prendre une décision sur le caractère recevable de la question? Je pourrais très bien y répondre.

Le président: La question a été enregistrée, nous n'irons pas plus loin. Vous n'avez pas besoin d'y répondre.

M. Baglow: Si vous le permettez, j'aimerais répondre.

Le président: Absolument.

M. Baglow: Ce genre de choses n'est jamais simple, pas aussi simple que vous ne le laissez entendre. Je vais essayer de ne pas être trop simpliste. Lorsque des groupes de travailleurs sont suffisamment désespérés pour se mettre en grève parce qu'il n'y a pas de commune mesure entre leurs salaires et les salaires généralement pratiqués dans leur région, quand ils gagnent des salaires misérables, des salaires qui ont été gelés pendant des années, quand ils négocient sans le moindre résultat depuis près de deux ans avec un gouvernement qui n'a pas la moindre intention de négocier sérieusement, ils descendent dans la rue et il y a forcément des gens qui en subissent les conséquences.

Nous avons également des causes communes avec les agriculteurs. Très souvent nous les avons soutenus; nous sommes en partenariat social avec le Syndicat national des cultivateurs. En fait, si vous voulez aider ces agriculteurs, je vous suggère d'exercer des pressions sur votre gouvernement, de l'inciter à conclure un accord équitable, honnête et décent avec les cols bleus qui sont actuellement en grève. Il est terriblement injuste de les acculer à cette extrémité pour les blâmer en suite des conséquences.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, j'aimerais savoir quelle est la date exacte du bulletin de grève cité par le sénateur Carstairs.

Le sénateur Carstairs: Le bulletin est daté du 12 mars.

Le sénateur Tkachuk: Cela m'ennuie beaucoup lorsque les agriculteurs sont pénalisés par les actes des syndicats. Ce n'est pas la première fois que cela se produit, c'est même très fréquent. Lorsqu'un fonctionnaire et représentant syndical viennent donner ici leur avis sur un projet de loi qui est au Feuilleton, il est déplacé d'utiliser un document qui n'a absolument aucun rapport dans le but de discréditer le témoin. Le sénateur aurait dû soulever la question au Sénat. Elle pourrait soulever la question au comité sénatorial de l'agriculture et des forêts. On a l'impression qu'elle essaie de discréditer le messager parce qu'elle n'a pas aimé le message. Je pense qu'elle lui doit des excuses.

Le sénateur Carstairs: Sénateur Tkachuk, vous pouvez penser ce qui vous plaît, mais je vais continuer à protéger les agriculteurs du Manitoba chaque fois que j'en ai l'occasion.

Le président: Je vous en prie. Cet échange n'est pas admissible. Les gens qui nous regardent ne sont pas idiots. Ils savent ce qui s'est passé et ils forment leurs propres conclusions. Je pense que nous pouvons faire confiance au jugement du public qui nous regarde. Merci beaucoup.

Le sénateur Fraser: Monsieur Baglow, l'amendement que vous avez proposé et qui demande à ce qu'il y ait un agent de négociation au conseil de direction me semble particulièrement intéressant. C'est inhabituel. Y a-t-il d'autres cas où la loi prévoit que les syndicats doivent être représentés au conseil d'une agence ou d'une société d'État?

M. Baglow: Il y a de nombreuses années, la Société canadienne des postes avait un représentant syndical, mais cela a changé. Je ne sais vraiment pas si c'était la coutume ou si c'était dans la loi. Dans le secteur privé, dans les sociétés privées, il n'est pas inhabituel de voir des représentants syndicaux siéger à ces conseils d'administration. En l'occurrence, je ne pense pas non plus qu'il s'agisse d'une disposition législative. Les conseils d'administration ne sont pas constitués non plus de cette façon-là. Dans ce cas particulier, nous voudrions que la loi prévoit cela spécifiquement. Tout ce que nous disons, c'est que nous aimerions être inclus.

Le sénateur Fraser: D'après ce que je sais de la plupart des syndicats, ils considéreraient que c'est un conflit d'intérêts. En effet, les conseils représentent la direction; ils sont la direction.

M. Baglow: C'est un sujet sur lequel ma propre opinion a changé. En effet, il fut un temps où je ne pensais pas qu'un organe bipartite puisse fonctionner. C'est une idée que j'ai abandonnée depuis longtemps. Il est important d'établir un dialogue, de communiquer. Avec un représentant syndical à ces conseils, on peut parfois éclairer un problème d'un nouveau jour, peut-être calmer une situation qui pourrait s'envenimer, et cetera. C'est également un moyen de communication avec l'ensemble des travailleurs. Je n'ai absolument pas l'intention de prétendre qu'une telle représentation pourrait nous donner un statut égal à ces conseils, qu'il pourrait s'agir d'une forme de cogestion avec les syndicats. Les chances que cela se produise sont à peu près nulles, et ce n'est pas ce que nous demandons. En fait, c'est plutôt un moyen de communication.

Cela dit, je tiens à répéter que dans nos quatre priorités, celle-ci serait au quatrième rang. Ce qui nous intéresse beaucoup plus, c'est la représentation par une tierce partie, des mécanismes de recours par la négociation, et cetera.

Le président: Merci.

Notre témoin suivant est M. Andrew Jackson, économiste principal au Congrès du travail du Canada. Veuillez vous avancer, je vous prie.

M. Andrew Jackson, économiste principal, Congrès du travail du Canada: Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître.

Le CTC est l'organisme syndical central du Canada et représente plus de deux millions de femmes et d'hommes qui travaillent dans notre pays. Une de nos responsabilités principale est de suivre la législation fédérale dans la mesure où elle a une incidence sur la vie active et le bien-être commun de nos membres.

Parmi ces membres, nous comptons les employés de Revenu Canada qui appartiennent au Syndicat des employé(e)s de l'impôt et à l'Union Douanes Accise. Ces hommes et ces femmes sont affiliés au CTC par l'entremise de leur agent négociateur, l'Alliance de la fonction publique du Canada. Le CTC a des réserves à exprimer au sujet de la structure et de l'utilité de l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Aux termes de sa structure actuelle, Revenu Canada est entièrement responsable devant le Parlement et, par l'entremise du Parlement, devant le public contribuable par l'entremise du ministre du Revenu national. Les politiques, programmes et activités du ministère peuvent être remis en question quotidiennement pendant la période des questions à la Chambre des communes. Le ministre ne peut pas éternellement éviter de répondre aux questions difficiles qui lui sont posées. Nous pensons que cela est tout à fait justifié étant donné l'étendue des pouvoirs du gouvernement fédéral lorsqu'il s'agit d'imposer les Canadiens et de vérifier leurs comptes.

Par ailleurs, l'Agence des douanes et du revenu du Canada impose un défi aux parlementaires dans la mesure où ils sont les gardiens de l'intérêt public et où ils ont la confiance du public. On ne cesse de répéter que la nouvelle Agence sera entièrement responsable devant nos représentants élus, mais cette assertion est trompeuse dans le meilleur des cas.

Nous pensons que cette Agence sera beaucoup moins surveillée par le Parlement que ce n'est le cas actuellement. Il est tout à fait évident qu'un organisme sans lien direct se sentira beaucoup moins forcé qu'un ministère gouvernemental pleinement responsable de répondre à des questions ou à des préoccupations du public ou à des questions posées par des sénateurs ou par des députés au nom des Canadiens. Cette Agence pourrait beaucoup plus facilement ignorer le public et le Parlement et en même temps le ministre en place pourrait invoquer ce prétexte pour faire porter par le commissaire une large part de la responsabilité de l'Agence.

Pour l'instant, la loi habilitante de l'Agence prévoit qu'il faudra attendre cinq ans après le début des activités pour qu'il y ait un examen parlementaire complet. Beaucoup de choses peuvent aller de travers pendant une si longue période, et pourtant, pendant ce temps, la majeure partie des crédits de l'Agence continueraient à être votés par le Parlement. Sur le plan politique, c'est une forme de taxation sans représentation.

Ce qui nous inquiète le plus, c'est qu'en écartant le regard du ministre des activités quotidiennes de l'Agence, on donne trop de pouvoirs aux administrateurs et pas assez au ministre. En vertu de la structure prévue pour l'Agence, celle-ci présenterait au ministre un plan d'affaires déjà établi et il, ou elle, ne serait pas vraiment consulté.

À notre avis, la situation actuelle constitue un équilibre souhaitable entre l'élaboration de la politique fiscale d'une part, ce qui relève du ministère des Finances, et l'application de cette politique, laquelle relève du ministre et du ministère du Revenu national. Avec une agence, cet équilibre n'existerait plus. Nous craignons une véritable guerre territoriale entre Revenu Canada et Finances, une guerre à laquelle il n'y aurait pas de solution facile au niveau politique.

On nous dit que la principale raison d'être de l'Agence est de conclure des accords avec les provinces et les municipalités pour l'administration et la perception de leurs taxes et impôts. Pourtant, en dépit de la longue et agressive campagne qu'ils ont menée, le ministre et le sous-ministre n'ont réussi à signer qu'un seul accord, avec la Nouvelle-Écosse, au sujet des indemnisations des accidents du travail. Pas un seul accord, pas même une lettre d'intention, n'a été signée avec une autre province.

Nous avons vu le témoignage du ministre devant le comité, et nous connaissons sa version de la participation provinciale.

Le ministre a passé deux ans à courtiser les provinces et il a rencontré tous les ministres des finances en groupe. Les seuls résultats de ces efforts sont quelques observations anecdotales et des lettres de soutien de principe, ce qui ne signifie rien du tout. Une question se pose: pourquoi tous les efforts du ministre n'ont-ils produit qu'une seule entente, avec la province de Nouvelle-Écosse?

Le ministre nous dit:

Ce que nous voulons, c'est donner des options aux provinces [...] c'est construire un véhicule.

En fait, ce qu'on nous demande vraiment, c'est d'approuver une nouvelle structure administrative dans l'espoir que les provinces participeront. Pour reprendre l'analogie du ministre, le concept d'une agence est un véhicule sans moteur.

Considérons la réalité actuelle, et non pas un avenir illusoire. Le Québec et l'Ontario ont refusé d'adhérer à cette agence. En fait, l'Ontario envisage très sérieusement d'établir sa propre administration fiscale, indépendamment d'Ottawa, comme cela existe déjà au Québec. Dans l'Ouest, l'enthousiasme, de tiède qu'il était, s'est beaucoup refroidi, et l'Île-du-Prince-Édouard a déclaré qu'elle n'avait pas l'intention de céder au gouvernement fédéral une plus grande partie de son pouvoir fiscal. La semaine dernière encore, nous avons appris que le gouvernement de l'Alberta avait l'intention de remplacer son système, qui fonctionne sur la base d'un pourcentage de l'impôt fédéral, par un impôt sur le revenu à taux uniforme. C'est loin d'être le statu quo, et cette province pourrait s'écarter encore plus d'une collaboration avec la nouvelle Agence si elle décidait d'administrer son propre régime fiscal.

D'après un document interne de Revenu Canada, les provinces veulent voir l'Agence à l'oeuvre avant de décider de lui confier ou non une plus large part de leurs programmes fiscaux.

Ce même raisonnement pour expliquer la réticence des provinces s'applique encore plus aux gouvernements régionaux et municipaux.

Dès le début, les responsables de l'Agence avaient déclaré que c'est l'harmonisation fiscale qui produirait les plus grosses économies. Toutefois, comme nous le savons, cette harmonisation devait se généraliser, mais ça n'a tout simplement pas été le cas. La nouvelle Agence ne demandera pas non plus aux provinces de payer les frais de la perception et de la manutention de leurs taxes et impôts si le programme est «pleinement harmonisé» avec le régime fiscal fédéral. L'argument de base, selon lequel l'Agence était nécessaire pour percevoir les impôts en commun, semble vraiment très faible, c'est le moins qu'on puisse dire.

Un autre argument de base a été cité en faveur de l'Agence, le fait que ce serait une façon plus économique et plus efficace que Revenu Canada d'assurer les services de l'impôt. Pourtant, la structure de la nouvelle Agence vient ajouter un palier administratif supplémentaire, un conseil de direction dont les membres sont nommés. Ce conseil, dont le droit de regard serait seulement théorique, exigerait tout de même du temps, de l'argent et du personnel, autant de ressources qui seraient mieux employées ailleurs. En même temps, sur le plan administratif, il continuerait d'être responsable devant le Conseil du Trésor, par exemple pour son plan d'affaires et son plan de ressources humaines.

Autrement dit, les anciens mécanismes de responsabilité restent en place mais un nouveau palier administratif est créé: nous sommes loin de cette «machine fiscale économique» à laquelle on voudrait nous faire croire.

Outre les questions de responsabilité devant le Parlement, et par l'entremise du Parlement, devant les contribuables canadiens, des préoccupations légitimes ont été exprimées. On s'inquiète des abus qui peuvent se produire dans une entité administrative importante qui détiendrait une énorme quantité de renseignements personnels d'ordre financier. Revenu Canada reconnaît lui-même le bien-fondé de cette préoccupation dans des documents internes, et nous savons tous que c'est également une préoccupation pour le public.

À ces préoccupations en ce qui concerne la politique publique, nous ajoutons de fortes réserves relativement à la concentration extrême d'informations relatives aux ressources humaines entre les mains de l'administration. À long terme, cela créera une situation qui n'est ni saine ni souhaitable.

Les bonnes relations de travail sont construites sur le respect mutuel et un bon équilibre des droits et des responsabilités. Avec cette agence, Revenu Canada est sur le point de basculer dans un environnement quasi-privé. Et pourtant, en même temps, le projet de loi C-43 supprimerait les protections, les poids et les contrepoids qui existent, sans les remplacer par de nouvelles mesures. Honorables sénateurs, cela conduirait immanquablement à un désastre sur le plan des relations de travail.

Il y a véritablement lieu de se demander pourquoi le gouvernement n'a pas décidé d'appliquer la protection du Code du travail aux employés de la nouvelle agence. Comme vous le savez, le Code vient d'être modifié sur la base d'un consensus entre les syndicats et les employeurs qui sont régis par le Code et la grande majorité des experts considèrent que c'est une législation bien équilibrée. Ces amendements au Code du travail ont été très peu contestés. La grande majorité des changements ont été élaborés en collaboration et par consensus.

Il faut donc se poser la question suivante: pourquoi, en passant au statut d'agence, ne pas appliquer aux employés la protection du Code canadien du travail? Peut-être le gouvernement craint-il que cette protection ne conduise à des interruptions de travail ou ne donne trop de pouvoirs aux travailleurs lors des négociations. Si c'est bien le cas, c'est reconnaître tacitement, comme le prétendent les syndicats, que les dispositions du projet de loi C-43 en matière de ressources humaines et de relations de travail penchent très fort en faveur de la haute direction et ne sont absolument pas neutres.

Le Code canadien du travail s'applique maintenant à environ 10 p. 100 des travailleurs canadiens, ceux dont les activités chevauchent les limites des provinces. C'est le cas des travailleurs de secteurs comme les transports, les télécommunications, les banques et les mines d'uranium.

Les conflits de travail ne sont pas plus fréquents dans les secteurs qui relèvent de la compétence fédérale que dans ceux qui relèvent de la compétence provinciale. Nous avons beau déplorer que le Parlement ait le pouvoir absolu de forcer les travailleurs à retourner au travail en dépit du Code, c'est bel et bien un pouvoir que le Code confère au Parlement. Autrement dit, pour les travailleurs et pour les syndicats affiliés au Congrès du travail du Canada, le fait de ne pas accorder aux travailleurs de l'Agence la protection du Code canadien du travail est une injustice flagrante, une mesure injustifiable.

On dit que les employeurs sont respectés par les syndicats dans la mesure où ils le méritent; les mauvais employeurs, ceux qui n'ont pas pour leurs employés et pour leurs agents de négociation le respect fondamental qu'ils méritent, en paient le prix. C'est un prix qu'on ne devrait faire payer ni aux travailleurs de l'Agence, ni aux Canadiens. Nous sommes convaincus de la nécessité d'établir la nouvelle Agence sur une base de bonnes relations de travail, et cela, dès le début.

À notre avis, il n'existe pas de motifs suffisants de donner suite à l'heure actuelle au projet de loi C-43. Nous ajoutons notre voix à celles des autres témoins qui ont demandé instamment au gouvernement de redresser la situation avant de procéder à une réorganisation aussi énorme de la fonction publique de façon anticipée.

Si le gouvernement fait la sourde oreille à notre demande, nous demandons instamment au comité de rétablir l'équilibre dans les relations de travail avec l'Agence des douanes et du revenu du Canada. D'après ce que nous savons -- et j'étais là pendant le témoignage précédent -- les agents de négociation de Revenu Canada ont proposé certains amendements logiques en vue d'uniformiser les règles du jeu dans le domaine des relations de travail.

Les travailleurs à l'emploi de l'Agence ne devraient pas être tenus de se lancer dans l'inconnu sans jouir, au minimum, de protections équivalentes à celles que leur accorde actuellement le Parlement aux termes de la législation sur la fonction publique fédérale. C'est une demande très minime qui justifie qu'on modifie le projet de loi.

Le sénateur Carstairs: Monsieur Jackson, j'aimerais revenir sur le début de votre exposé où vous parlez de reddition de comptes, et vous demander si vous étiez là quand le vérificateur général a témoigné devant le comité, même si vous n'aviez rien à faire ici.

M. Jackson: Non, je n'étais pas présent.

Le sénateur Carstairs: J'aimerais vous faire part de ce qu'il nous a dit. Je pense faire un résumé précis, mais d'autres auront peut-être quelque chose à ajouter. Il nous a dit en gros que son bureau n'est pas satisfait des dispositions initiales en matière de reddition de comptes qui ont été annoncées il y a deux ans et demi ou trois ans dans le premier Livre blanc. Toutefois, il estime que les dispositions en matière de reddition de comptes prévues dans la loi actuelle répondent à toutes les normes de responsabilité qu'on peut attendre d'un organisme ou un ministère fédéral. Il semblerait que vous n'êtes pas du même avis.

M. Jackson: Le pouvoir de percevoir des impôts dont jouit le gouvernement est un pouvoir fondamental de conduite des affaires publiques. Nous admettons tous que, à l'occasion, certains abusent de ce pouvoir et qu'il est extrêmement important de prévoir un moyen de recours pour les personnes qui sont victimes de tels abus.

D'après mon expérience au service d'élus politiques, lorsque les gens ont affaire à des organismes du secteur public, communiquer avec son député ou un membre de l'Assemblée législative est souvent un moyen efficace d'obtenir un recours de la part des organismes gouvernementaux. Bien des gens communiquent effectivement avec leur représentant élu pour cette raison. Je suppose que dans la grande majorité des cas, ils font part de leurs préoccupations. Le député communique alors avec l'organisme et l'affaire est réglée.

En dernier ressort, la capacité d'un député de soulever des préoccupations en public, de poser des questions à un comité et à la Chambre des communes, est très importante. Je considère comme une initiative assez grave le fait de permettre à Revenu Canada et à ces pouvoirs d'échapper à cet aspect de l'obligation de rendre compte.

Le sénateur Carstairs: Monsieur Jackson, ce n'est pas ma façon d'interpréter le projet de loi. Rien dans cette mesure ne m'empêche, en ma qualité de sénateur, de poser une question au sujet de l'Agence du revenu au leader du gouvernement au Sénat. Rien n'empêche les députés de se pencher sur une question au rapport avec Revenu Canada pour le compte de leurs électeurs. Rien ne les empêchera de saisir d'un tel problème le ministre responsable de l'Agence.

M. Jackson: Je pars du principe que, si un député pose une question au ministre, ce dernier a une réponse toute faite, à savoir que l'Agence n'a pas vraiment de lien de dépendance avec lui et qu'il n'est pas directement responsable des décisions administratives qui sont prises. La reddition de comptes ne sera pas aussi efficace que dans d'autres cas.

Le sénateur Carstairs: Toutefois, le ministre n'en est pas moins responsable de l'Agence devant le Parlement du Canada; c'est stipulé clairement dans le projet de loi C-43, n'est-ce pas?

M. Jackson: Il y a une différence entre une responsabilité globale et les décisions quotidiennes qui seront prises par l'Agence. Vous ne trouvez pas que la création de l'Agence limite d'une certaine façon la responsabilité du ministre?

Le sénateur Carstairs: J'estime que le ministre sera toujours aussi responsable de l'Agence. C'est sur ce point qu'il y a désaccord entre vous et moi, je pense. C'est ma façon d'interpréter le projet de loi.

Je vois par contre dans ce projet de loi un élément très positif. Je sais que vous et d'autres avez fait valoir qu'il n'y a pas beaucoup d'ententes signées, scellées et délivrées avec le gouvernement à l'heure actuelle. C'est vrai, mais l'Agence n'existe pas encore. Malgré ce que Revenu Canada a indiqué sur son site web, l'Agence n'existera vraiment que lorsque le projet de loi aura été adopté par le Sénat et aura reçu la sanction royale, et rien ne nous permet de dire quand cela se produira.

Ce qui me plaît, c'est qu'il y aura désormais un conseil d'administration qui représente les provinces. Pendant mes 10 premières années en politique, j'étais députée à l'Assemblée législative provinciale, et non sénateur. Il n'y avait aucun représentant du Manitoba à Revenu Canada tel que le ministère existe à l'heure actuelle. Désormais, il y en aura un. Selon vous, n'est-ce pas un avantage que les provinces aient leur mot à dire?

M. Jackson: S'il existait de telles ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces, de sorte qu'il soit logique que les deux instances participent conjointement à la perception des impôts et taxes, alors je conviens parfaitement qu'il serait logique qu'il y ait un organisme quelconque, un conseil auquel les deux seraient représentés. Pourquoi les provinces auraient-elles leur mot à dire dans la gestion de Revenu Canada alors que 98 p. 100 des activités de ce ministère consistent à percevoir des impôts pour le gouvernement fédéral? Cela nous éloigne de la question. Je dois dire que, à l'heure actuelle, je crains fort que nous nous éloignions de l'objectif d'un régime fiscal harmonisé, en tout as pour ce qui est de l'impôt sur le revenu. L'Alberta n'a pas encore franchi le Rubicon. L'orientation que nous prenons est davantage axée sur la fragmentation, plutôt que l'harmonisation du régime fiscal, ce qui serait regrettable.

Le sénateur Carstairs: Il est intéressant, j'en conviens, que les grandes provinces aient tendance à évoluer dans ce sens. Toutefois, prenez le Nouveau-Brunswick, par exemple. Dans cette province, le gouvernement fédéral s'occupe de tout, depuis la perception de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés, jusqu'aux calculs et versements des crédits et ristournes liés à l'impôt sur le revenu, sans oublier la perception de la taxe de vente harmonisée, de la taxe d'entrée et l'application des programmes de prestation provinciaux. Néanmoins, à l'heure actuelle, il n'y aucun représentant du Nouveau-Brunswick à Revenu Canada.

Je serais la première à vous dire que le gouvernement fédéral perçoit plus d'impôts et taxes pour le Nouveau-Brunswick que pour les autres provinces, mais il le fait dans cinq secteurs pour la Colombie-Britannique, quatre pour le Manitoba et cinq pour la Saskatchewan. À votre avis, n'est-il pas logique que ces provinces aient leur mot à dire par le biais d'un représentant au conseil d'administration?

M. Jackson: Nous pourrions discuter indéfiniment de la question de savoir si l'on met la charrue avant les boeufs. À mon avis, c'est exactement ce qu'on fait.

Le sénateur Carstairs: Pour reprendre votre comparaison, je pense que l'on a fermé la porte de l'étable avant d'en sortir les boeufs.

Le sénateur Cools: J'espère que c'était des taureaux de concours.

Monsieur Jackson, vous avez soulevé la question -- et elle est venue très souvent sur le tapis ce soir -- de l'obligation de rendre compte et de la responsabilité ministérielles. Manifestement, vous êtes parfaitement au courant du genre de rapport tout à fait particulier qui existe entre les contribuables et le percepteur, en l'occurrence le gouvernement. Vous y avez fait allusion. Voici ce que vous dites à la page 2 de votre mémoire:

L'Agence sera beaucoup moins surveillée par le Parlement que ce n'est le cas actuellement.

Puis un peu plus loin, vous ajoutez ceci:

En éloignant l'Agence de la surveillance quotidienne de la part du cabinet du ministre, le ou la ministre risque de devoir s'en remettre entièrement aux hauts fonctionnaires.

D'après mon interprétation du projet de loi -- et je l'ai lu attentivement -- les articles 6 à 13 inclusivement portent expressément sur les préoccupations que vous soulevez. Vous pourriez peut-être me dire sur quelles lacunes dans ces dispositions vous fondez votre position.

M. Jackson: Mon inquiétude est de portée plus générale. J'ai observé le processus politique. Je suppose qu'il est normal, si l'Agence ne relève pas directement du ministre, de pouvoir dire que certaines mesures qui ont été prises n'étaient pas de son ressort et qu'il transmettra volontiers les préoccupations soulevées à l'Agence en lui demandant d'y donner suite. Je pense que le ministre ne sera pas autant mis sur la sellette.

Je suppose que la question n'est pas aussi simple. Si l'Agence est créée, ce qui est probable, j'espère que vous avez raison. Loin de moi l'idée d'affirmer qu'il n'y aura aucune reddition de compte de la part du ministre. Toutefois, nous assistons à un changement. Avant la révolution française, le gouvernement faisait percevoir les impôts par les fermiers généraux, lesquels faisaient très bien leur travail. Rien n'est plus fondamental que le principe voulant qu'il n'y ait pas d'imposition sans représentation. Vous créez un palier supplémentaire en l'occurrence.

Le sénateur Cools: J'en conviens, mais nous sommes chargés d'étudier un projet de loi. Vous parlez de l'ordre naturel des choses. Le problème, c'est qu'un projet de loi n'est pas un outil particulièrement utile pour remédier à certaines faiblesses de la nature humaine. D'après ce que je peux voir, ce projet de loi s'efforce de répondre de façon précise, directe et claire aux problèmes que vous avez soulevés.

M. Jackson: Si vous le permettez, n'y a-t-il pas une contradiction entre vos questions et celles de votre collègue.

Le sénateur Cools: Il n'y a absolument aucune contradiction dans mes questions. Je vous demande précisément de m'indiquer en quoi ces dispositions, qui traitent directement de la question dont vous parlez, soit de l'obligation ministérielle de rendre compte, sont lacunaires.

M. Jackson: Je n'ai pas le texte des dispositions sous les yeux.

À mon avis, vous ne pouvez pas dire, d'une part, qu'il importe d'avoir un conseil d'administration représentatif des provinces parce qu'elles devraient participer à ces décisions et, d'autre part, que la responsabilité directe du ministre n'est pas amoindrie. Ce sont deux positions contradictoires. Si, d'une part, l'Agence est dirigée par un conseil d'administration qui représente des parties autres que le ministre fédéral, comment pouvez-vous dire du même souffle que le ministre fédéral assumera pleinement la responsabilité de ses actes comme par le passé? Je me rends compte que je suis en train de vous attribuer les remarques du sénateur qui est intervenue avant vous.

Le sénateur Cools: Vous éludez quelque peu la question. À mon avis, le ministre mérite nos félicitations parce que les articles 6 à 13 sont extrêmement clairs, et très bien rédigés. On dirait que l'on a prévu les problèmes dont vous avez parlé et qu'on y apporte une solution dans la loi. Je pensais, monsieur Jackson, que ces dispositions vous rassureraient grandement.

M. Jackson: Ce n'est pas le cas, mais j'espère que vous avez raison.

Le sénateur Tkachuk: Pour tirer les choses au clair afin que je comprenne bien, le sénateur Carstairs a parlé de certains autres impôts que le ministère perçoit actuellement pour le compte d'autres provinces. Vous n'êtes pas fonctionnaire. Je ne sais pas comment poser cette question, mais je pense qu'il devrait être évident que ces impôts et taxes sont perçus actuellement dans le cadre du régime en vigueur. C'est bien le cas?

Premièrement, on nous dit qu'on a besoin d'une agence, et on nous dit maintenant que les choses se passent très bien à l'heure actuelle. On vient de nous citer toute une litanie de taxes et impôts perçus par le ministère fédéral. Il y a quelque temps, on nous a dit qu'il était difficile d'obtenir ces contrats tant qu'il n'y aurait pas d'agence. Je ne sais pas si cela vous paraît plus clair ou non, mais les responsables nous ont donné faussement l'impression que cela allait changer quelque chose alors que cela se fait déjà.

Le président: Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre témoignage.

Honorables sénateurs, comment souhaitez-vous procéder? Pour faire une petite mise au point, conformément à la décision adoptée à la majorité lors de notre dernière séance, outre la réunion de demain où nous devons entendre le témoignage du ministre des Finances au sujet de ce projet de loi, ce sera la dernière séance avec audition de témoins. Nous passerons ensuite directement à l'étude article par article du projet de loi.

Le sénateur Cools: Je veux m'assurer que nous sommes toujours d'accord pour procéder de cette façon.

Le président: Oui, nous sommes tous sur la même longueur d'onde.

Le sénateur Cools: Tout à fait. Il n'y a eu aucun changement?

Le président: Le seul changement, c'est le dépôt du projet de loi C-65 et le témoignage du ministre des Finances.

Le sénateur Cools: J'aimerais proposer une motion. Certains d'entre nous en ont déjà discuté de ce côté-ci.

Le président: Vous voulez la proposer maintenant?

Le sénateur Cools: Il faut le faire en public. Cela ne me dérange pas.

Certains d'entre nous ont eu des discussions au sujet des travaux futurs du comité. Nous pensons tous que, concernant l'établissement des ordres du jour et de la liste des témoins, et cetera, ainsi que le choix des travaux du comité, il y aurait lieu de créer un sous-comité du programme.

Le président: Si vous parlez d'un comité directeur, je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Cools: Oui, c'est cela. Cela dit, je propose, appuyée par le sénateur Carstairs:

Que le sous-comité du programme et de la procédure soit composé du président, le sénateur Stratton, de la vice- présidente, le sénateur Cools et du sénateur Marisa Ferretti Barth et

Que le sous-comité soit autorisé à prendre des décisions au nom du comité en ce qui a trait au programme et à la procédure et

Que le sous-comité soit autorisé à inviter des témoins et à établir le calendrier des audiences et

Que le Sous-comité du programme et de la procédure soumette ses décisions au comité principal.

Le président: Quelqu'un veut-il intervenir au sujet de cette motion, honorables sénateurs?

Le sénateur Tkachuk: Quand j'étais président du comité des finances, nous ne faisions pas tout cela.

Le sénateur Cools: Nous non plus. De notre côté, il y a quelques jours à peine que cela nous a paru nécessaire.

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce qui a changé depuis?

Le sénateur Cools: De toute façon, le comité est saisi d'une motion.

Le sénateur Tkachuk: J'ai le droit de savoir ce qui a changé. C'est vous qui avez proposé cette motion.

Le sénateur Cools: Je ne réponds pas aux questions ici. Toutes les questions doivent être adressées au président. C'est lui qui préside la réunion.

Le sénateur Tkachuk: Vous êtes l'auteure de la motion. Je pensais que nous en discutions et je vous demande ce qui est à l'origine de ce changement?

Le sénateur Cools: Monsieur le président, je pense que la question que me pose le sénateur Tkachuk ne porte pas précisément sur la motion.

Le sénateur Tkachuk: Bien au contraire.

Le président: Par souci de franchise, je dois admettre une certaine part de responsabilité. Lorsque j'ai jugé que c'était important, surtout pour un projet de loi comme celui-ci, lorsque nos audiences sont télévisées, qu'elles intéressent le grand public et que nous recevons des commentaires de la part de ce dernier, j'estime qu'il nous incombe -- et je m'en excuse -- de faire en sorte d'inviter à comparaître toutes les personnes qui ont des observations à faire. Ce n'est pas pour qu'il y ait des répétitions, mais pour nous assurer que tous les aspects du projet de loi sont étudiés en détail.

Mon erreur a été de ne pas en faire part au sénateur Cools. Je vous demande de m'en excuser. C'est pourquoi, étant donné les relations amicales qui nous unissent, je regrette de voir l'atmosphère s'envenimer. Il est encore temps d'arranger les choses, mais je n'ai aucune objection à procéder ainsi de façon officielle. Poursuivons et votons sur la motion.

Le sénateur Tkachuk: Je n'ai aucune objection.

Le président: Voilà ce qui s'est passé et comment j'interprète la situation. Si je me trompe, quelqu'un d'autre pourra intervenir.

Le sénateur Tkachuk: Je pose la question par curiosité -- parce que j'aime bien connaître les secrets de la direction ici -- quelle est cette invitation que vous avez faite à l'insu du sénateur Cools ne le sache et qui explique cette réaction?

Le sénateur Cools: C'est à mon tour de répondre, monsieur le président.

Le sénateur Tkachuk: Vous n'avez pas voulu répondre aux questions tout à l'heure. Je vous ai posé une question et vous avez refusé d'y répondre, alors je ne vous en pose plus.

Le sénateur Cools: Vous n'êtes pas le seul autorisé à poser des questions ici. La question que vous avez posée, vous auriez dû la poser au président.

Le président: Et j'y ai répondu.

Le sénateur Tkachuk: Quelle est cette invitation que vous avez faite et qui est à l'origine de tout cela?

Le président: J'avais des inquiétudes parce qu'on avait demandé au vérificateur général de venir effectuer une vérification ici. J'étais préoccupé par cette partie du projet de loi, alors je l'ai invité sans qu'on en ait discuté.

Le sénateur Cools: Bon, s'il vous plaît, à l'ordre, monsieur le président. À l'ordre. Monsieur le président, ce que vous faites n'est pas tout à fait conforme aux règles; nous sommes saisis d'une motion.

Le sénateur Tkachuk: On nous force la main! Voilà ce qu'on nous fait!

Le président: La motion a été mise aux voix. Tous ceux qui sont pour?

Le sénateur Carstairs: J'ai la main levée.

Le sénateur Cools: Nous pouvons débattre de la question. C'est possible. Nous aimons bien les débats de ce côté-ci.

Le sénateur Tkachuk: Celle qui refusait de répondre aux questions tout à l'heure semble maintenant très loquace.

Le sénateur Cools: Mais vous n'êtes pas très ouvert aux questions, et de toute façon je ne suis jamais trop loquace.

Le sénateur Carstairs: Je crois qu'il y va de l'intérêt supérieur du Sénat et des comités du Sénat que chaque comité ait un comité directeur. Il nous incombe à tous d'assurer la plus grande participation possible. Les témoins que nous avons entendus ce soir ont apporté une précieuse contribution au processus législatif, mais on nous a simplement annoncé leur présence à la réunion de la semaine dernière sans nous consulter au préalable. Ce n'est pas ainsi que se déroulent généralement les travaux des comités sénatoriaux.

Afin donc de mettre en place un processus standard, le sénateur Cools, appuyée par moi-même, propose de créer un comité directeur du comité sénatorial permanent des finances nationales.

Le sénateur Tkachuk: C'est raisonnable.

Le président: C'est juste. Je n'y vois pas d'inconvénient.

Le sénateur Cools: Je tiens à ajouter que le comité souhaite bien fonctionner, dans un esprit de collaboration et dans l'intérêt supérieur des Canadiens.

Le président: Vous devez par ailleurs vous rendre compte que ce projet de loi est le premier projet controversé dont nous avons été saisis depuis très longtemps. C'est ce qui explique que nous nous retrouvions dans cette situation. Dans l'intérêt du comité et de la collaboration, nous devrions adopter cette motion.

Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: Adoptée.

La séance est levée.


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