Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 30 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 18 mars 1999
Le comité sénatorial permanent des finances nationales, à qui a été renvoyé le projet de loi C-65, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, et le projet de loi C-43, Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour en étudier la teneur.
Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Nous consacrons notre séance de ce matin à l'étude du projet de loi C-65 et nous accueillons pour se faire l'honorable Paul Martin, ministre des Finances.
M. Martin et messieurs les hauts fonctionnaires, bienvenue. Vous avez la parole.
[Français]
L'honorable Paul Martin, ministre des Finances: J'aimerais vous remercier de l'invitation à venir vous parler d'initiatives canadiennes d'une énorme importance.
[Traduction]
Honourable sénateurs, je suis ici pour appuyer le renouvellement d'une initiative canadienne cruciale, un programme qui témoigne on ne peut plus de notre engagement envers le soutien mutuel et les avantages partagés.
Il existe d'autres fédérations de par le monde -- vous les connaissez sans doute -- où si vous naissez dans une région, une province ou un État économiquement défavorisé, qui n'est pas aussi riche que les autres, vous êtes destinés à vous contenter d'un niveau de services gouvernementaux inférieur à celui qui est offert aux régions mieux nanties. Cela peut se traduire par des services de santé de second ordre, des systèmes d'éducation médiocres, l'absence de services sociaux et une foule d'autres disparités qui ont tendance à se perpétuer et à créer un cycle de pauvreté perpétuel.
Ce n'est pas ce que nous voulons au Canada et ce n'est pas ce que nous avons. En effet, grâce à des mesures comme le programme de péréquation, nous faisons en sorte d'offrir à tous les Canadiens des chances raisonnablement comparables peu importe où ils vivent.
[Français]
La péréquation est l'intervention financière du sens de l'équité, une valeur typiquement canadienne. Le renouvellement de ce programme pour cinq autres années, l'objet du projet de loi C-65, nous permet collectivement de soutenir l'un des fondements du Canada et de nos rapports avec les administrations provinciales.
[Traduction]
C'est au tout début du XXe siècle que s'est imposée la nécessité de cette pierre d'assise. Comme les provinces offraient les programmes sociaux qui étaient devenus des priorités nationales, il est apparu que la capacité fiscale dont elles provinces avaient besoin pour s'acquitter de leurs responsabilités n'était pas répartie équitablement entre elles. Il y avait des provinces bien nanties et des provinces démunies.
En 1937, la Commission royale des relations entre le Dominion et les provinces, la Commission Rowell-Sirois, a été mise sur pied et s'est vue confier le mandat d'examiner les questions fédérales-provinciales et de faire des recommandations. Une des recommandations importantes du rapport publié en 1940 voulait que le gouvernement du Dominion, comme on l'appelait à l'époque, verse annuellement des subventions nationales de rajustement aux provinces moins bien nanties. On partait du principe que cela permettrait à chaque province d'offrir à ses résidents des services comparables sans avoir à exiger des impôts trop élevées de ces mêmes citoyens.
En 1957, un programme conçu pour ce faire a vu le jour par l'entremise de la péréquation. En 1982, l'engagement à l'égard de la péréquation a été inscrit dans la Constitution.
Le paragraphe 36(2)dispose ce qui suit:
Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.
[Français]
Le projet de loi soumis à ce comité ne concerne pas seulement un programme. Il touche au caractère d'un peuple, à sa fibre morale. L'adoption de ce projet de loi va procurer un appui important aux provinces moins bien nanties et va mettre en relief la priorité que le gouvernement accorde à la péréquation, et faire en sorte que les provinces qui reçoivent des paiements de péréquation aient des ressources suffisantes pour offrir les services que veulent leurs citoyens et citoyennes et dont ils ont besoin.
[Traduction]
Ce programme renouvelé voit le jour après plus de deux ans de consultations avec les provinces. Des hauts fonctionnaires tant au niveau fédéral que provincial ont apporté de nombreuses améliorations très techniques qu'ont revu par la suite les ministères des Finances des deux paliers. La mesure législative que nous examinons aujourd'hui apporte des amendements surtout techniques pour que le programme reste à jour, tienne compte des assiettes fiscales actuelles, des méthodes d'imposition utilisées au moment où on se parle par les provinces et des réalités économiques actuelles.
Il apporte aussi des changements aux dispositions «plancher» de la loi en prévoyant une protection pour les provinces moins bien nanties contre des baisses importantes de leurs transferts de péréquation sans compter des changements aux dispositions «plafond» pour s'assurer que le programme reste abordable.
D'autres avant moi sont venus vous parler en détail des améliorations proposées à la péréquation et je ne répéterai pas ce que de nombreux sénateurs d'expérience assis autour de cette table ont déjà dit. Cependant, je dirai pour terminer qu'en présentant cette mesure législative, nous contribuons à définir la fédération canadienne en termes qui traduisent notre humanité commune et notre préoccupation. Je vous remercie de m'avoir permis de vous entretenir de cette question.
Le président: Pour les gens qui regardent cette séance de comité, pouvez-vous nous donner une définition, à l'intention des profanes, de l'expression «paiements de péréquation»? Il est important que nous partions sur le bon pied ce matin et que nos auditeurs comprennent bien. Nous avons des moyennes par exemple et les gens ont tendance à s'y perdre.
M. Martin: Monsieur le président, je comprends certes le problème que vous soulevez. Lorsque l'on m'a confié la première fois le portefeuille des finances, on m'a présenté quelqu'un qui m'a dit qu'il fallait ménager sa santé parce qu'il était la seule personne au Canada à comprendre la péréquation.
Sachez, sénateurs, que grâce à l'administration très solide que nous avons instaurée, il y a maintenant deux personnes au ministère des Finances qui comprennent la péréquation.
Avant tout, la péréquation tient compte du fait que les provinces ont des capacités fiscales différentes basées sur leurs propres réalités économiques. L'exemple le meilleur et le plus clair serait la force de l'industrie automobile en Ontario qui donne à cette province une plus grande capacité fiscale que, par exemple, la province de Terre-Neuve.
La péréquation tente de réduire ce genre de disparité. Fondamentalement, nous examinons la capacité fiscale de cinq provinces, c'est à dire leur capacité à générer les recettes et nous calculons un niveau moyen. Nous nous assurons alors que les recettes de toutes les provinces sont ramenées à cette norme. Pour fixer cette norme, nous tenons compte d'environ 30 indicateurs différents de capacité fiscale.
Le président: Si je comprends bien, les cinq provinces utilisées sont l'Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique, le Manitoba et la Saskatchewan. Si vous deviez utiliser les dix provinces, vous laisseriez tomber l'Alberta en raison des recettes qu'elle tire de l'exploitation du pétrole et la province qui se trouve à l'autre extrémité également. Les provinces soutiennent qu'il faudrait utiliser les dix provinces. Je peux comprendre cet argument, avec cette exception que constitue l'Alberta; les recettes qu'elle tire de l'exploitation du pétrole fausseraient le calcul.
Comment répondez-vous à la question en ce qui concerne Terre-Neuve? Pourquoi ne pas utiliser une moyenne par rapport à neuf provinces ou faire une moyenne en laissant tomber les deux extrêmes? Quelle serait la réaction?
M. Martin: Vous avez en fait répondu vous-même à la question, monsieur le président. On laisse tomber l'Alberta, la province vers laquelle ils se tourneraient, en raison simplement de la grande volatilité des prix du pétrole. Les provinces ont dit qu'elles attachaient une grande importance à la prévisibilité.
Il s'agit d'indicateurs économiques et il arrive parfois que l'information arrive un ou deux ans plus tard. Les provinces se rendent compte tout à coup qu'on leur a versé des sommes en trop ou en moins, ce qui les déstabilise. Si nous incluions les énormes fluctuations en Alberta, il pourrait alors arriver qu'une province se rende compte tout à coup que ses paiements de péréquation ont chuté considérablement en raison de la fixation des prix du pétrole et non de facteurs économiques généraux. C'est ce qui nous a incités à adopter cette norme.
Vous proposez aussi de laisser tomber l'Alberta mais d'inclure toutes les autres provinces parmi lesquelles les recettes générées sont beaucoup moindres. L'Ontario ne serait plus alors le facteur dominant, comme c'est le cas parmi les cinq, et les provinces plus pauvres y perdraient.
Le président: Je comprends cela.
Terre-Neuve s'est aussi plainte qu'elle a un problème pour deux raisons. Premièrement, la population de la province diminue. Deuxièmement, les revenus générés par Hibernia commencent à rentrer et son économie est en pleine croissance. Elle estime être frappée doublement, d'une part parce que sa population diminue, les paiements de péréquation étant fondés sur la population. On peut faire la comparaison avec une personne qui a touché des prestations d'aide sociale, va étudier, trouve un emploi et est finalement mise à pied. Est-ce que Terre-Neuve est pénalisée du fait que sa population baisse et ses recettes augmentent?
M. Martin: Je le ne crois pas. Le paiement est effectué proportionnellement au nombre d'habitants. Cependant, d'autres indicateurs s'ajoutent à celui de la population.
Le deuxième problème se pose constamment dans les provinces solides qui possèdent beaucoup de ressources naturelles. C'est la raison pour laquelle l'Accord Atlantique a été signé. Il protège Terre-Neuve contre une baisse sérieuse des paiements de péréquation entraînée par une augmentation de ses recettes dérivées de l'exploitation des ressources. Dans une certaine mesure, nous avons tenté d'en tenir compte par l'entremise d'un accord distinct en parallèle à la formule de péréquation.
Le sénateur Kinsella: Le principe de la péréquation que vous venez d'expliquer est une valeur essentielle chère à tous les Canadiens. Certains d'entre nous sont inquiets de constater que des députés ne semblent pas saisir toute l'importance de cette valeur inhérente au Canada et aux Canadiens. Le Sénat a approuvé le principe du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture parce qu'il souscrit entièrement à cette valeur fondamentale qu'est la péréquation. Je me demande pourquoi les paiements ont été renouvelés pour cinq ans et non pas pour quatre ou six ans. Pourriez-vous nous l'expliquer?
M. Martin: Pour ce qui est de votre premier point, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit. Je me demande si les règles de procédure me permettent de parler de l'autre endroit. Le Parti réformiste a indiqué qu'il réduirait les paiements de péréquation, et les deux provinces qui en seraient les plus touchées sont le Manitoba et la Saskatchewan. Si, pour les fins de la discussion, on s'arrête à la situation de l'agriculture dans l'ouest du Canada, on se rend compte que le Parti réformiste ne comprend pas le rôle de la péréquation et la solidarité qu'elle assure. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire.
Pourquoi un délai de cinq ans? C'est en quelque sorte un délai moyen. Nous nous sommes assurés que les indicateurs économiques que nous utilisons sont aussi à jour que possible. Ils pourraient être désuets si on dépassait cinq ans. Par contre, nous allons commencer à renégocier les paiements de péréquation après l'adoption du projet de loi. Mme Anderson va entamer de nouvelles négociations avec les provinces très rapidement. Les négociations prennent beaucoup de temps et ce n'est donc pas un délai arbitraire.
Le sénateur Kinsella: Les questions qui touchent plus directement nos régions ont attiré notre attention. Comme je représente le Nouveau-Brunswick, je suis heureux de la nouvelle formule proposée pour les forêts.
J'ai des questions à poser au sujet du paragraphe 2(2) qui prévoit que les revenus provenant des jeux de hasard seront sujets à péréquation. Il y en a qui pensent que les jeux de hasard font du tort à la société. Beaucoup sont d'avis que ces activités sont néfastes pour l'ensemble de l'économie des provinces, mais encore plus pour les démunis.
Avez-vous inclus cette source de revenu dans le but non avoué que cela ait un effet dissuasif, ce qui est alors peut-être une bonne chose? Par contre, si vous l'avez fait uniquement dans le but de puiser dans toutes les sources de revenu des provinces, je me demande si vous ne pénalisez pas les provinces qui se servent de ces activités pour augmenter leurs revenus et devenir plus autonomes financièrement. C'est un élément nouveau du projet de loi.
M. Martin: Sénateur, il n'y avait pas d'intention cachée dans la décision d'élargir la définition des sources de revenu. Les jeux de hasard ont toujours été inclus, et notamment la vente de billets de loterie. Nous n'avons pas voulu porter de jugement de valeur dans un sens ou dans l'autre et nous essayons d'être aussi neutres que possible. Il fallait tout simplement moderniser la définition des jeux de hasard, qui ne comprenait que la vente des billets de loterie, pour tenir compte de l'augmentation importante des autres activités.
Pour ce qui est du deuxième élément de votre question, je ne crois pas que nous pénalisions les provinces; nous ne faisons que tenir compte de la réalité.
[Français]
Le sénateur De Bané: Monsieur le ministre, récemment, à l'occasion de votre dernier budget, j'ai remarqué avec tristesse que le gouvernement de ma province était le seul à critiquer les subventions fort généreuses que vous avez concédées, tant au gouvernement de la province de Québec qu'à celui des autres gouvernements au Canada.
Ce qui m'a frappé, si je regarde les montants que vous avez envoyés au gouvernement du Québec, il s'agit de plusieurs milliards de dollars dont, en gros, la moitié sont reliés au domaine de la santé et l'autre moitié en forme de péréquation, laquelle vous définissez dans les documents que vous nous avez transmis ce matin. Les paiements de péréquation sont des paiements inconditionnels versés par le gouvernement fédéral et les provinces peuvent les utiliser à leur gré.
Or, pour les subventions reliées à la santé, le gouvernement du Québec a dit que c'était humiliant de recevoir des subventions reliées à un programme en particulier. Et pour les programmes de péréquation, qui sont des subsides inconditionnels, pour employer votre terme, ils ont dit que cela aussi était humiliant. Évidemment, ils ne peuvent pas plaider deux choses contradictoires. Vous aviez raison lorsque vous avez dit que vous, les chicanes, cela ne vous intéresse pas. Il m'a semblé que cette critique de deux programmes, l'un relié à la santé et l'autre sans conditions, sont critiqués chacun pour des raisons absolument contradictoires. Voilà mon premier commentaire.
Mon deuxième commentaire, monsieur le ministre, à trait au projet de loi. Le projet de loi couvre le spectre non seulement de la péréquation, des paiements de stabilisation, mais la garantie du programme des revenus provenant de l'impôt sur le revenu, le programme des transferts pour la santé et le transfert social canadien.
Est-ce qu'il est bon que nous continuions à faire en sorte que la péréquation soit un versement au budget d'une province sans l'assortir d'aucune condition? Voilà la question à laquelle j'aimerais qu'on réfléchisse. Est-ce souhaitable de continuer à verser des subventions sans les relier à quelque objectif que ce soit? Bien sûr, comme vous dites, cela devrait servir pour ajuster l'assiette fiscale de chacune des provinces, en présumant que cela devrait permettre d'avoir les mêmes services partout.
Mais on sait fort bien que certaines des provinces qui reçoivent ces subsides inconditionnels s'en sont servis pour ouvrir des ambassades à l'étranger, d'autres pour faire en sorte que leur fonction publique soit la plus payée au Canada, d'autres pour geler pendant 25 ans les frais de scolarité des étudiants. Finalement, on n'atteint pas les résultats visés. On se dit que plus on administre mal, plus les autres provinces vont nous verser des subventions.
Il est vrai que les membres de l'Union économique européenne versent des subventions, mais ils disent que cela doit aller pour les régions démunies des pays, que cela ne peut pas aller dans d'autres secteurs.
Je constate, pour un pays grand comme le Canada, le plus grand de la planète, où on n'est pas unis par une seule langue, une seule religion, une seule histoire, une seule tradition, qu'unir tous ces gens en leur donnant des opportunités égales dans la vie, ce me semble une idée extraordinaire. Mais n'est-ce pas là la bonne façon de créer un sentiment de dépendance chez certains gouvernements qui reçoivent ces subsides inconditionnels et qui, au lieu d'être encouragés à améliorer leur économie, se disent que plus ils administrent mal, plus les autres vont les aider?
J'aimerais, monsieur le ministre, lors des prochains accords fiscaux et au terme de celui-ci que vous pensiez à l'opportunité de focaliser ces subsides de solidarité pour certains buts qui sont sous-jacents à tout ce programme. Voilà ma suggestion, monsieur le ministre.
M. Martin: Tout d'abord, comprenez que c'est un peu difficile pour moi de vraiment répondre à un ex-ministre qui a une connaissance tellement profonde du dossier et qui vient de l'indiquer. Je pense qu'il est très clair que le message du gouvernement péquiste est contradictoire. Je crois, et on l'a vu après le débat et toute la publicité faite à ce sujet, que l'opinion publique au Québec a reconnu que c'était vraiment un message très contradictoire.
Sur le deuxième point que vous avez soulevé, je crois qu'il est préférable de se fier à la bonne volonté des provinces et de transmettre cet argent sans conditions. C'est l'électorat d'une province qui va décider. Vous aviez raison lorsque vous avez parlé d'une province qui a, par exemple, des salles d'urgence d'hôpitaux bondées, et qui, en même temps, ouvre des ambassades partout. Vous avez raison de vous demandez si cela reflète les priorités des citoyens et citoyennes de cette province.
Mais il faut laisser l'électorat décider, ce n'est pas à nous d'imposer ces conditions, c'est la façon dont je le vois. Mais vos commentaires sont très bien faits.
Le sénateur Bolduc: Monsieur le ministre, bienvenue à notre comité. Ce n'est pas à tous les jours que l'on reçoit le ministre des Finances. J'aimerais poser quelques questions sur le problème qui nous concerne présentement, la péréquation. Mais peut-être à la fin, dans une deuxième ronde, j'aimerais poser des questions sur d'autres aspects de la politique économique du gouvernement.
En ce qui concerne la formule de péréquation, est-ce qu'elle a pour objectif de mesurer la richesse relative des provinces, l'une par rapport à l'autre, ou de mesurer le revenu actuel que le gouvernement tire d'une base semblable ou retirerait d'une base semblable de taxation, ou l'effort que chacun y met? Le rendement est peut-être plus fort en Ontario, disons, que dans le Québec. Est-ce que l'effort est le même? Est-ce qu'on tient compte des efforts fiscaux qui sont faits? Est-ce qu'on incorpore, dans la formule, des politiques économiques de chacune des provinces qui font que chez nous les taxes sont plus élevées qu'ailleurs?
Apparemment, les gens tendent plus à utiliser le gouvernement comme formule de redistribution ou autre. Ma question, c'est de savoir si l'on s'appuie davantage sur les revenus, sur la richesse ou sur l'effort, ou si on cumule les revenus et l'effort?
M. Martin: Le programme ne pose pas de jugement sur les politiques fiscales des provinces, c'est-à-dire qu'il ne pénalise pas les provinces dont les taxes sont plus élevées ou plus basses que la moyenne. On ne regarde que la capacité fiscale, par exemple si vous avez la capacité, on juge comparativement à une autre province. C'est le seul critère, ce n'est pas l'effort que vous mettiez là-dedans.
Le sénateur Bolduc: Prenons le cas de la province de Québec, peut-être qu'ils ont une capacité inférieure à l'Ontario parce qu'ils ont des politiques économiques qui sont peut-être plus interventionnistes, à cause de cela, ils diminuent la croissance et ils ont moins de revenus. Alors dans ce sens, implicitement, vous endossez, il me semble, les politiques économiques de chacun.
Or, on sait que cela se promène entre une perspective plus conservatrice en Alberta, une perspective plus interventionniste au Québec et, entre les deux, il y en a d'autres. Je trouve que c'est un peu embêtant.
Cela revient d'ailleurs à ce que le sénateur a dit tantôt; s'ils ont des mauvaises politiques, ils créent de l'incertitude par exemple. Je ne devrais peut-être pas parler comme cela parce que, venant du Québec, nous sommes les récipiendaires en bonne partie de la péréquation. Je pose la question quand même parce que quelqu'un doit la poser et cela rejoint l'opinion du sénateur De Bané. Les «incentives» qui sont inclus là-dedans ne sont pas contradictoires par rapport à ce que j'appelle la responsabilité. En fin de compte, si vous créez un climat d'incertitude, vous avez moins d'investissements. La province de Québec est un exemple concret de cela depuis 20 ans, c'est assez clair pour tout le monde. Parce qu'on a moins d'investissements, nous avons une croissance inférieure et parce qu'on a une croissance inférieure, on est récompensés dans la péréquation par le fait que l'Alberta puis l'Ontario paient pour nous.
Je reconnais qu'il y a un problème d'équité au Canada; le sénateur Kinsella l'a très bien exprimé, il y a des régions plus pauvres. Mais entre cela puis vouloir être pauvre, c'est une autre affaire.
M. Martin: Sénateur Bolduc, vous avez raison certainement d'unir votre question à celle du sénateur De Bané. Il n'y a pas de doute qu'au Québec nous sommes pénalisés par l'incertitude politique qui entraîne une incertitude économique. Cela est clair. Depuis l'élection du gouvernement, à part le budget, tout ce que l'on entend est à propos des ambassades à l'extérieur. Ce sont les conditions gagnantes, pas pour l'économie, pas pour le bien-être de la population, mais les conditions gagnantes pour un nouveau référendum. Vous avez raison, il n'y a pas de doute que cela nuit. Je ne crois pas que, en ce qui concerne la péréquation, on puisse faire des jugements sur des politiques des gouvernements, même si cela a l'effet que vous venez de décrire.
Le gouvernement péquiste actuel cherche, jusqu'à un certain point, à camoufler ces résultats qui sont intéressants. Par exemple, M. Landry a dit qu'il n'était pas content. Il a qualifié la péréquation d'assistance sociale et ce n'est pas le cas. Cela reflète la solidarité canadienne. Il a dit qu'il voulait recevoir la péréquation à l'intérieur du transfert social canadien parce que c'est camouflé. On ne le voit pas. Quand on le reçoit par l'entremise de la péréquation, c'est évident que ces subventions viennent du reste du Canada. Jusqu'à un certain point, cela reflète peut-être un malaise, que ses politiques sont plus politiques qu'économiques et nuisent à l'avenir économique de la province.
Le sénateur Bolduc: Je voudrais revenir sur la question des incitatifs qui sont implicites. Ils ne sont pas explicites. D'une part, on veut accroître une sorte d'équité canadienne -- on peut l'appeler solidarité si l'on veut -- d'autre part, il faut bien reconnaître un élément de balkanisation là-dedans. On demande à des groupes de payer pour d'autres. C'est de la nature du processus politique de faire des transferts entre des groupes.Ce sont toujours les mêmes qui paient. Il me semble que si j'étais un résident de l'Ouest, j'argumenterais cette position. Quand il y a des discussions entre les fonctionnaires ou avec les ministres, je ne sais pas comment cela se passe, mais il me semble que j'argumenterais. Ce n'est peut-être pas très politique de dire cela, venant de la province de Québec. Je le dis pareil parce que je le pense.
M. Martin: Cela reflète vraiment la solidarité canadienne et la vision canadienne. Cela fait six ans que je suis ministre des Finances du Canada et que je rencontre mes homologues des provinces. Il y a des chicanes mais jamais je n'ai entendu un ministre de l'Ontario, de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique se plaindre de la péréquation. Ils l'appuient puis ils reconnaissent ce que cela veut dire.
J'étais pour le mentionner en Chambre. Vous m'en donnez la chance au Sénat. Un jour, le chef du Bloc québécois, dans un contexte que j'ignore, a dit: pourquoi le Québec devrait-il payer pour les autres provinces? J'ai été dépassé. Non seulement ce n'est pas vrai, mais je n'ai jamais entendu quelqu'un de l'Ontario, de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique dire cela. Ils ont toujours dit qu'ils étaient fiers d'être Canadiens et de partager la richesse du pays.
Ceci étant dit, je partage entièrement le sentiment que vous avez éprouvé en ce qui concerne l'incertitude politique et ses effets.
Le sénateur Ferretti Barth: Monsieur le ministre, comme vous le savez, je suis nouvelle au Sénat. J'ai regardé votre sommaire du projet de loi C-65. Je comprends parfaitement les explications que vous avez données. Le gouvernement fédéral est juste envers les provinces. Vous avez raison. Je rencontre plusieurs personnes dans différentes provinces au Canada. Je n'ai jamais entendu dire que la péréquation était injuste. On a dit qu'il fallait faire plus d'efforts pour avoir plus de disponibilités pour répartir la richesse entre les provinces.
Au sommaire de votre projet de loi, vous prévoyez une baisse imposable progressive qui s'étendra sur la période du 1er avril 1999 au 31 mars 2004. Vous allez mettre au point la définition de revenus sujets à péréquation et source de revenus. Est-ce que vous voulez m'expliquer cette définition de revenus sujets à la péréquation?
M. Martin: Si je comprends la question, il y a 30 indicateurs économiques ou de capacité fiscale qu'on utilise.
Le sénateur Ferretti Barth: Ce montant distribué aux provinces sous forme de péréquation, ces fonds sont le résultat de quel calcul? C'est ce que j'aimerais savoir.
M. Martin: Je ne sais pas si je comprends exactement la question. Je vais donner des exemples de sources de revenus. D'abord, vous avez l'impôt des particuliers. Après cela, vous avez les impôts sur le capital des personnes morales, vous avez les taxes générales et les taxes de vente. Vous avez les taxes sur le tabac, sur les carburants, vous avez les revenus tirés de la vente de boisson. Il y a 30 indicateurs comme cela.
Le sénateur Ferretti Barth: Et une partie de ces revenus sont destinés à la péréquation.
M. Martin: On regarde ces 30 indicateurs et on compare, par exemple, la capacité fiscale d'une province, par exemple, le Québec, avec le standard des cinq autres provinces et après on décide. On se pose la question: est-ce qu'on a une meilleure capacité dans un de ces indicateurs ou une moindre capacité? Et à la fin de tout cela, on fait le calcul.
Le sénateur Ferretti Barth:Vous dites que dans les modifications au projet de loi C-65, vous allez ajouter les revenus tirés des jeux de hasard, par exemple, les casinos. Est-ce que vous savez ce que le gouvernement provincial fait des revenus du Casino de Montréal? On n'entend jamais parler de ces revenus des casinos qui, à mon avis, sont énormes. Personne n'en parle.
Vous voulez comptabiliser ces revenus dans le contexte de la péréquation. Est-ce que vous pouvez m'expliquer jusqu'à maintenant où sont allés ces fonds?
M. Martin: D'habitude, on révise nos données deux ou trois fois et elles sont à peu près un an ou deux ans en retard. Si votre question est la suivante: le gouvernement fédéral a-t-il cette information? Par exemple, je n'ai pas cette information pour 1996-1997, concernant les revenus du Québec ou d'une autre province provenant des casinos. Si je les avais, aurais-je le droit de vous les donner? C'est à vérifier. Si j'ai le droit de vous donner cette information, nous vous la ferons parvenir.
[Traduction]
Mme Susan Peterson, sous-ministre adjointe, ministère des Finances: Chaque province fait des déclarations de revenu qui incluent toutes ses sources de revenu. Je ne sais pas si les provinces peuvent déterminer les recettes qu'elles tirent d'un casino en particulier, mais elles déclarent les revenus qu'elles tirent des activités liées aux jeux de hasard.
Le sénateur Ferretti Barth: Cet argent est-il investi dans les services sociaux, dans l'éducation ou ailleurs?
Mme Peterson: Cet argent est inscrit dans les revenus généraux.
Le sénateur Ferretti Barth: On ne sait pas si on s'en sert pour acheter un chapeau, des souliers ou un manteau.
M. Martin: J'ai parlé un peu durement de certaines mesures prises par l'actuel gouvernement du Québec. Cependant, en tant que ministre des Finances, je dois dire que j'aime bien l'idée de ne pas indiquer précisément ce à quoi les revenus sont utilisés. Nous considérons essentiellement les revenus de façon globale.
Le sénateur Tkachuk: J'aimerais poursuivre la discussion amorcée par les sénateurs De Bané et Bolduc sur le principe des transferts. C'est effectivement un aspect très difficile à analyser.
Je constate dans l'accord que Terre-Neuve voulait qu'on modifie considérablement la formule à propos du pétrole marin. J'imagine que les revenus supplémentaires qu'elle en tirera auront des conséquences.
Il y a un certain nombre d'années, le premier ministre de la Saskatchewan, à qui on demandait de réduire la taxe de vente, avait dit que, s'il la réduisait, il recevrait moins en paiements de péréquation. Comment cela fonctionne-t-il?
M. Martin: Sénateur, vous soulevez un problème réel, qui pour certains est un facteur pervers. Je ne pense pas toutefois qu'il aurait eu une incidence dans ce cas particulier. Si la Saskatchewan avait la capacité de tirer un certain niveau de revenu de sa taxe de vente, il n'y aurait pas de débat. La décision de la province ne serait pas prise en compte dans le calcul. Peu importe que le taux de la taxe de vente baisse ou augmente, ce qui nous intéresse, c'est la capacité fiscale de la province.
Vous soulevez la question fondamentale de la pénalisation apparente. Une province qui reçoit tant d'argent en paiements de péréquation pense que, si sa situation économique s'améliore tout à coup, ses paiements vont diminuer. Perd-elle un dollar pour chaque dollar gagné? Pourquoi ferait-elle un effort dans ce cas?
Premièrement, dans le cas de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, nous avons conclu l'Accord atlantique qui atténue en quelque sorte le problème.
Deuxièmement, on ne perd pas un dollar pour chaque dollar gagné. Je ne dis pas qu'il n'y a pas une baisse, mais elle n'est pas égale aux gains. Par ailleurs, sénateur, il s'agit d'une mesure qui compense le fait que votre province n'a pas la même capacité fiscale qu'une province plus riche. Si la province améliore sa capacité fiscale, il serait injuste pour les autres provinces de ne pas en tenir compte. Voilà ce qui se passe.
Le sénateur Bolduc: Par contre, vous favorisez d'une façon les gens riches des provinces plus pauvres. Pas complètement bien sûr puisque le taux d'imposition au Canada est très élevé. D'une certaine façon, vous réglez le problème de l'équité entre les provinces mais pas au sein de chacune des provinces. Je me fais aussi soigner dans la province de Québec.
M. Martin: Je comprends votre point de vue mais, franchement, j'ai du mal à l'accepter. Notre régime fiscal est progressif. Le sénateur Bolduc demande essentiellement si une personne pauvre de l'Ontario subventionne une personne plus riche de Terre-Neuve. Je ne crois pas que ce soit le cas pour deux raisons.
Premièrement, le Terre-Neuvien plus riche paie des impôts sur une base progressive. Donc, l'Ontarien paye beaucoup moins d'impôts que le Terre-Neuvien mieux nanti. Deuxièmement, l'argent est versé au gouvernement de Terre-Neuve pour, espérons-le, qu'il améliore les services offerts. C'est d'ailleurs un des sujets de notre discussion.
J'ai du mal à accepter cet argument, sénateur.
Le sénateur Tkachuk: Pour ce qui du fond du problème, les paiements de péréquation, si nous avions 9 milliards de dollars de moins, quelle serait la différence pour le Canada? Ne vous méprenez pas, je ne fais que m'interroger sur la question de principe parce que beaucoup d'éléments me dérangent.
Je constate qu'en Alberta et en Ontario les impôts sont moins élevés. Autrement dit, nous voudrions que tout le monde se trouve dans une situation semblable ou meilleure que ces provinces. Moins il y a de provinces qui tirent de l'arrière, mieux c'est pour l'ensemble du pays, et tout le monde s'enrichit.
Pendant des années, l'Alberta et l'Ontario ont toujours été des donneurs, et non des receveurs. Que se passerait-il si on réduisait les impôts sur le revenu de 9 milliards de dollars et que nous ne faisions aucun transfert? Le pays serait-il bien différent?
M. Martin: Monsieur le sénateur, avant que la séance commence, je discutais avec les sénateurs Bolduc et De Bané. Au risque de me tromper, je crois que l'Alberta et la Colombie-Britannique ont déjà reçu des paiements de péréquation. C'est toujours une situation qui peut changer.
Je comprends pourquoi vous posez cette question. Si nous réduisions de 9 milliards de dollars les impôts dans tout le pays, les impôts baisseraient autant en Alberta qu'en Nouvelle-Écosse. L'Alberta est plus en mesure financièrement de baisser ses impôts que la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick ou n'importe quelle autre province. En partant, l'Alberta a un avantage dont elle peut profiter. En même temps, si, par exemple, la Nouvelle-Écosse ou le Nouveau-Brunswick devait faire des compressions dans son système de santé ou son système d'éducation parce qu'elle ne reçoit pas de paiement de péréquation, l'avantage de l'Alberta deviendrait un obstacle insurmontable. Très rapidement, on commencerait à constater un ralentissement économique réel.
Le sénateur Bolduc: J'aimerais poser une question sur ce qui s'est fait au sujet de la surveillance internationale des institutions financières nationales à la suite de ce qui s'est passé au Mexique et en Asie du Sud-Est. Je sais que vous avez fait une proposition au Fonds monétaire international. Où en sont les choses?
M. Martin: Sénateur, je suis heureux que vous me posiez la question.
Vous êtes bien au courant du problème et nous en avons déjà parlé, mais j'aimerais rapidement replacer la question dans son contexte.
Nous avons appris de la crise du Mexique qu'il fallait qu'il y ait plus de cohérence et de transparence dans les états financiers des pays et ceux du secteur privé. Puis, on s'est dit que la transparence ne suffisait pas, qu'il fallait établir des règles pour l'assurer. Cette proposition n'a pas été admise d'emblée, même si le Canada l'a proposée. Après la crise en Asie, quand la faillite d'une petite banque de Thaïlande a fini par se répercuter sur nous de façon importante, on s'est rendu compte qu'il fallait adopter un meilleur système.
Pour résumer rapidement, nous avons mis 75 ans sur le plan national, au Canada, aux États-Unis et en Europe pour se doter d'une réglementation qui assure le fonctionnement du régime de marché, que ce soit le Bureau du surintendant des institutions financières ou les Commissions des valeurs mobilières du Québec ou de l'Ontario. Puis, soudain, l'économie se mondialise, les mouvements de capitaux sont cinq fois plus importants que les échanges commerciaux, et il n'existe aucun organisme de réglementation. Le Canada a travaillé fort. Il y a environ six mois, les ministres des Finances des pays du G-7 ont demandé au président de la Bundesbank d'étudier, en s'inspirant de l'idée proposée par le Canada, la possibilité de mettre en place un mécanisme de coordination permettant d'assurer que, si la Thaïlande ou le Canada, par exemple, ne réglementait pas ses banques de la façon voulue, on pourrait déceler le problème et agir. Il a présenté son rapport il y a trois semaines à Bonn, et je suis heureux que le G-7 ait immédiatement approuvé l'idée et même demandé aux dirigeants de la Banque des règlements internationaux de créer un secrétariat. Je pense que c'est un départ, modeste peut-être, mais je crois que nous pourrons établir la structure de réglementation dont nous avons besoin.
Le sénateur Bolduc: Le secrétariat serait-il chargé d'accréditer l'institution financière nationale, ou prendrait-il l'avis du surveillant financier du pays visé?
M. Martin: Il est trop tôt pour le dire.
Le sénateur Bolduc: Nous avons pu constater que le Fonds monétaire international n'est pas capable d'inspecter ou de surveiller ce qui se passe dans le monde entier. Il faut en quelque sorte passer par l'agence d'inspection financière de chaque pays. Par contre, il n'est peut-être pas possible de le faire en Indonésie ou dans d'autres pays du genre.
M. Martin: Votre remarque est pertinente. Cette question est maintenant au centre du débat. Certains pays seraient prêts à ce que les choses aillent aussi loin que vous l'avez dit, mais beaucoup d'autres ne sont pas d'accord.
Comme il est clair que beaucoup de pays ne veulent pas que le FMI ou la Banque mondiale accréditent leurs déclarations, le Canada a proposé un examen par les pairs, et je pense que les choses progressent à cet égard. Prenons l'exemple du Canada. Les vérificateurs bancaires de la France, des Philippines et de l'Argentine, par exemple, viendraient examiner la réglementation bancaire du Canada pour vérifier si elle est satisfaisante ou non. On ne créerait pas une grosse institution monolithique, mais la vérification serait faite par les pairs.
Selon nous, cet examen pourrait être fait par des vérificateurs bancaires de différents pays ou, dans le cas des pays membres de l'ANASE, par d'autres pays de cette région. La capacité des pays doit être vérifiée par une source de l'extérieur.
Le sénateur Bolduc: Cela suppose qu'il existe une norme comptable internationale qui est respectée dans le monde entier, autrement, on pourrait cacher des choses.
M. Martin: Vous avez tout à fait raison et je pense que nous progressons à ce sujet.
Le sénateur Bolduc: Ma prochaine question est un peu plus embarrassante. Vous avez rejeté la fusion de la Banque de Montréal et de la Banque royale. Je crois comprendre que les grandes banques canadiennes sont en train de revoir toute leur organisation, de procéder à une vaste réforme, et que beaucoup d'emplois seront éliminés de toute façon.
Dans deux ou trois ans, le nombre d'employés sera probablement le même que s'il y avait eu fusion entre les deux banques. Quel est votre avis à ce sujet?
M. Martin: Nous allons rendre public, à la fin du printemps ou au début de l'été, un énoncé de principe sur toute la question de l'industrie des services financiers et de ses relations avec le gouvernement.
Pour ce qui est de votre question, nous suivons la situation de près. La rationalisation des activités bancaires entraînera peut-être des pertes d'emplois, mais je pense qu'elles seront beaucoup moins importantes que s'il y avait eu fusion.
[Français]
Il va y avoir des pertes d'emploi parce que les banques sont en train de changer leur façon d'opérer, mais ce n'est rien en comparaison avec ce que cela aurait pu être si les fusions avaient eu lieu.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Je vous en parle parce qu'en France, apparemment, on envisage la création d'une grande banque mondiale, qui regrouperait la Bundesbank et d'autres.
Comment se fait-il que le ministre des Finances du Canada a son mot à dire là-dedans? Pourquoi peut-il intervenir dans le domaine des banques et pas dans d'autres domaines? Pourquoi n'intervient-il pas dans le cas d'une fusion entre Chrysler et Daimler-Benz, par exemple?
M. Martin: Il est prévu dans la Loi sur les banques que la décision revient au ministre des Finances.
Le sénateur Bolduc: Je sais, ne trouvez-vous pas cela inquiétant?
M. Martin: Oui. J'ai essayé de voir si quelqu'un d'autre ne se joindrait pas à moi.
C'est qu'on considère les banques comme faisant partie intégrante de la vie économique du pays. On répond que ce sont des entreprises privées qui devraient pouvoir gérer elles-mêmes leurs propres affaires. Essentiellement, on trouve qu'elles sont un élément absolument crucial de l'évolution du secteur économique de notre pays et que cette décision doit revenir au ministre des Finances.
Le sénateur Kinsella: Comme le sénateur Bolduc a élargi la discussion, je crois qu'il vaut mieux que je profite de la présence du ministre ici ce matin. On discute dans certains milieux du fait que des billions de dollars sont transférés tous les jours d'un pays à l'autre. Je pense que c'est James Tobin qui, il y a quelques années, a proposé d'imposer une taxe sur ces transferts. À première vue, avez-vous une opinion à ce sujet, monsieur le ministre?
M. Martin: Oui. Il est certain que les capitaux spéculatifs qui circulent dans les pays qui n'ont pas de marchés de capitaux solides, comme en Thaïlande, causent un problème grave. C'est un problème que toute la structure économique dont je discutais avec le sénateur Bolduc est censée régler.
Je ne pense pas qu'une taxe, comme celle recommandée par M. Tobin, mettrait un frein à la spéculation. Je ne pense pas que cette mesure aurait une incidence. Si elle était assez élevée pour en avoir une, elle serait nuisible.
Cela dit, je crois qu'une taxe du genre de celle que M. Tobin a proposée est valable pour financer d'importantes obligations internationales, comme celles qui existent en matière d'environnement, mais pas pour éliminer la spéculation sur les marchés. J'ai d'ailleurs soumis l'idée d'une taxe pour générer des recettes aux pays du G-7.
Les Allemands et les Britanniques ont dit clairement qu'ils ne prendraient pas de mesure en ce sens. À moins d'être adoptée par tout le monde, elle ne fonctionnera pas. C'est un problème de fond.
Le sénateur Kinsella: À l'article 6, page 8 du projet de loi, on parle de «la forme prescrite». Cette forme prescrite est-elle précisée dans la Loi de mise en oeuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, dans la Loi de mise en oeuvre de l'Accord Atlantique Canada-Terre-Neuve, ou ailleurs? Où est déterminée la façon dont le choix doit être fait?
Mme Peterson: Elle est prescrite par voix de règlement.
Le sénateur Kinsella: Dans un règlement en vigueur ou dans un règlement à venir?
M. Frank Vermaeten, chef, Élaboration des politiques et recherches, Division des relations fédérales-provinciales, ministère des Finances: Dans le règlement en vigueur. Il dit la même chose.
Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie le ministre au nom du comité.
Sénateurs, nous allons maintenant passer à l'étude article par article du projet de loi C-43.
Le sénateur Carstairs: Je propose que le comité termine l'étude article par article du projet de loi C-43.
Le président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: Oui.
Le président: Comment voulez-vous que nous procédions?
Le sénateur Tkachuk: Par mise aux voix.
Le président: Pour tout le projet de loi?
Le sénateur Tkachuk: Oui.
Le sénateur Lavoie-Roux: Hier soir, un des derniers témoins que nous avons entendus a soulevé la question des craintes des employés au sujet du projet de loi. Avez-vous examiné cette question durant la soirée ou est-ce que cela n'a pas d'importance?
Le président: Nous avons fini d'entendre les témoins, selon une motion adoptée par le comité la semaine dernière, et nous devons maintenant terminer l'étude article par article du projet de loi.
Avant de soumettre l'étude article par article à l'approbation du comité, le greffier me dit qu'il faut reporter l'étude du titre et de l'article 1.
Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
Le président: Pour le reste des articles, on doit présenter une motion.
Le sénateur Carstairs: Je propose que nous approuvions tous les autres articles du projet de loi.
Le président: Voulez-vous en débattre?
Êtes-vous d'accord, sénateurs?
Des voix: Oui.
Le sénateur Bolduc: Avec dissidence.
Le sénateur Cools: Pouvons-nous indiquer dans la proposition tous les articles dont il s'agit pour que ce soit clair?
Le président: Il s'agirait des articles 2 à 198.
Le sénateur Cools: Ils ont tous été approuvés avec dissidence. Je tenais à ce qu'on le précise.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Adopté.
L'article 1 est-il adopté?
Des voix: Oui.
Le président: Adopté.
Le sénateur Cools: Le projet de loi est adopté en entier. Nous devons présenter une motion pour faire rapport du projet de loi cet après-midi.
Le président: En feriez-vous la proposition?
Le sénateur Cools: J'en fais la proposition, monsieur le président.
Le président: Avez-vous quelque chose à dire?
Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis un peu surprise que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement quand la question fondamentale du personnel n'a jamais été discutée ici. On ne nous a jamais vraiment bien expliqué les craintes du personnel.
Le président: C'est pourquoi le projet de loi est adopté avec dissidence.
Le sénateur Cools: Vous avez choisi de procéder de cette façon.
Le président: Une question a été soulevée. Voulez-vous en discuter? On l'adopte avec dissidence?
Des voix: Oui.
Le président: Il y a une question d'ordre administratif à régler au sujet du projet de loi C-65. Je crois comprendre que vous vouliez que nous en terminions l'étude la semaine prochaine.
Le sénateur Carstairs: Je pense pouvoir dire, au nom du gouvernement, et aussi de l'opposition, que si nous ne terminons pas notre étude la semaine prochaine, les provinces ne recevront pas leur premier paiement de péréquation.
Le président: Je le comprends, mais les sénateurs ont demandé d'entendre d'autres témoins. Les seuls autres témoins possibles sont les ministres provinciaux des finances. Nous leur avons écrit mais n'avons pas encore reçu de réponse. De plus, il est question, à l'annexe 1 de notre Règlement, des représentations provinciales aux comités du Sénat. Je tiens à lire ce passage pour que ce soit bien clair pour tout le monde, parce que je pense que nous pouvons étudier le projet de loi et en faire rapport la semaine prochaine sans problème.
Il s'agit d'un extrait du deuxième rapport du comité permanent du Règlement et de la procédure, du mardi 28 mai 1985, qui a été adopté le 30 mai 1985:
Le comité permanent du Règlement et de la procédure recommande que ce qui suit soit observé par les comités du Sénat comme pratique générale:
Que lorsqu'un comité sénatorial étudie un projet de loi ou la teneur d'un projet de loi qui présente, à son avis, un intérêt particulier pour une ou plusieurs provinces ou pour un ou plusieurs territoires, il devrait, en règle générale et dans la mesure du possible, inviter les gouvernements concernés à lui présenter des observations écrites ou verbales et leur accorder un délai raisonnable pour le faire, si la province ou le territoire répond à cette invitation par l'affirmative.
Comme il s'agit d'un projet de loi assez important pour les provinces, c'est ce que j'ai fait. Nous avons accordé un délai suffisant pour obtenir une réponse d'ici lundi.
Nous ne pouvons reporter cette question à un autre jour, pour des raisons logistiques. Nous devons faire rapport du projet de loi mardi après-midi pour donner aux provinces le temps voulu pour répondre. Il faudra nous réunir mardi matin, dans la mesure du possible, pour étudier le projet de loi. La réunion devrait durer tout au plus 20 minutes à une demi-heure.
Êtes-vous d'accord, sénateurs?
Des voix: Oui.
La séance est levée.