Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 34 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 2 juin 1999
Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 17 h 30 pour procéder à l'étude du Budget principal des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000 et pour examiner le projet de loi C-71, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 février 1999.
Le sénateur Terry Stratton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous recevons aujourd'hui Tony Ianno, le secrétaire parlementaire auprès du président du Conseil du Trésor. Nous vous demanderons de vous présenter, après quoi vous pourrez faire votre exposé.
M. Tony Ianno, secrétaire parlementaire auprès du président du Conseil du Trésor: J'ai à mes côtés Stephen Lane, le directeur de l'Analyse des dépenses.
C'est avec plaisir que je comparais aujourd'hui devant ce comité, au nom du président du Conseil du Trésor, pour vous parler du Budget principal des dépenses du gouvernement pour 1999-2000. Certains de mes fonctionnaires ont déjà comparu devant le comité pour vous fournir des renseignements sur le processus d'attribution des crédits. Aujourd'hui, j'aimerais concentrer mon intervention sur le Budget principal des dépenses et, plus précisément, sur ce que l'on appelle traditionnellement le «livre bleu», c'est-à-dire la partie du budget des dépenses qui appuie directement la Loi de crédits.
Le budget que le ministre des Finances a déposé en février dernier établissait un cadre de dépenses de 153,7 milliards de dollars pour 1999-2000. Ce budget octroyait aux provinces un financement beaucoup plus élevé pour les soins de santé et prévoyait un financement accru pour la recherche, l'innovation et le soutien de l'emploi. Toutes ces mesures prennent place dans un contexte de réduction continue des dépenses de programmes fédérales par rapport à l'économie canadienne.
En 1993-1994, les dépenses de programmes représentaient 16,6 p. 100 du produit intérieur brut. Cette année, cette proportion sera réduite à 12,2 p. 100. Le livre bleu fait état de dépenses de 151,3 milliards de dollars, soit 98 p. 100 du total de ce plan de dépenses.
Dans ce Budget principal, le gouvernement demande au Parlement l'autorisation de dépenser les 45,8 milliards de dollars pour lesquels une approbation annuelle est requise ainsi que les 105,8 milliards de dollars prévus dans des lois existantes. Les prévisions pour ces dépenses législatives sont présentées ici afin de fournir une information complète, puisqu'elles sont essentielles à la compréhension de la situation globale. L'autorisation de dépenser la différence qui reste sera sollicitée par le biais de budgets supplémentaires des dépenses, ou d'autres lois distinctes, tout au cours de l'année.
En réalité, le total des budgets supplémentaires ne sera pas nécessairement égal à cette simple différence de 2,4 milliards de dollars, pour les trois raisons suivantes. Tout d'abord, on retrouve dans le Budget principal des dépenses des éléments du passif qui ont été comptabilisés à titre de dépenses budgétaires au cours des années précédentes, lorsque ce passif a été constaté initialement. Ces éléments ne représentent donc pas des dépenses budgétaires de cette année.
Deuxièmement, les excédents des caisses de retraite sont amortis graduellement, ce qui réduira les dépenses totales comptabilisées en deçà de leur niveau autorisé.
Enfin, les dépenses autorisées par le Parlement ne sont pas dépensées en totalité chaque année. Les crédits approuvés représentent une limite légale imposée aux dépenses des ministères et il subsiste normalement un écart entre cette limite et le montant réel dépensé. Il y a diverses raisons à cela, qui vont d'impondérables, comme les délais subits dans des projets de construction à cause de la météorologie, aux décisions prises par la gestion de ne pas effectuer certaines dépenses.
En raison de ces facteurs, les dépenses budgétaires totales seront moins élevées que les sommes prévues dans les budgets des dépenses déposés tout au cours de l'année.
Le budget principal des dépenses de cette année est de 6,1 milliards de dollars, ou 4,2 p. 100, de plus que le précédent. Cette augmentation tient compte des efforts continus du gouvernement de s'occuper des priorités nationales de manière équilibrée. Près de la moitié de cette augmentation est attribuable à des hausses des autorisations législatives de dépenser, lesquelles comprennent: près de 900 millions de dollars pour l'accroissement des transferts aux provinces au titre des soins de santé; plus de 800 millions de dollars pour les prestations de l'assurance-emploi; 800 millions de dollars supplémentaires pour les paiements de péréquation; enfin, près de 600 millions de dollars pour les prestations aux personnes âgées. Ces augmentations sont compensées en partie par une baisse de 1 milliard de dollars des frais de la dette publique.
Les budgets de fonctionnement des ministères fédéraux ont connu des réductions importantes depuis 1994, en grande partie en raison de l'examen des programmes que nous avons réalisé. Les dépenses totales des ministères connaissent maintenant une croissance progressive pour pouvoir faire face aux pressions sur le plan des traitements et des salaires ainsi qu'à l'augmentation de la charge de travail. Les principales augmentations des crédits approuvés comprennent: les coûts résultant de la reprise de la négociation collective, soit environ 700 millions de dollars; l'aide accrue aux agriculteurs, de quelque 600 millions de dollars; un plus grande nombre de subventions canadiennes d'épargne études, soit 400 millions de dollars; enfin, l'augmentation des autorisations de dépenser de la Défense nationale, soit 750 millions de dollars, près de la moitié de cette somme étant destinée à des paiements aux provinces au titre de l'aide financière en cas de catastrophe.
En outre, on retrouve un financement additionnel pour des programmes tels que le Programme d'adaptation et de restructuration des pêches, les besoins liés à la préparation à l'an 2000, le Programme canadien de prêts aux étudiants, le programme des Affaires indiennes et inuites, ainsi que le rétablissement du financement aux conseils de recherches subventionnaires.
J'aimerais attirer votre attention sur certains aspects du Budget principal des dépenses de cette année. Comme c'est normalement le cas chaque année, des changements ont été apportés à la présentation. Bien que ces changements soient expliqués dans l'introduction du «libre bleu», j'aimerais m'arrêter aux plus importants d'entre eux.
L'un de ces changements, relativement important, consiste à prévoir pour la première fois un crédit de programme dont la durée d'autorisation s'étend sur deux ans, c'est-à-dire jusqu'au 31 mars 2001. Ce crédit est destiné à l'agence Parcs Canada, le premier organisme à recevoir une autorisation de crédits pluriannuelle. Cette modification est apportée en vertu du projet de loi C-29, qui stipule que le solde non dépensé des dépenses d'exploitation de l'agence approuvées par le Parlement tombera en annulation à la fin de l'année financière suivant l'année au cours de laquelle les sommes sont initialement approuvées.
Je souligne en passant que la loi constituant l'agence des Douanes et du Revenu du Canada, l'ancien projet de loi C-43, qui a reçu la sanction royale le 29 avril, contient une disposition semblable.
Nous modifions aussi cette année certaines autorisations s'appliquant à l'échelle de l'administration fédérale. Je fais référence, en particulier, à trois crédits qui se retrouvent dans le budget des dépenses du Secrétariat du Conseil du Trésor, du fait qu'ils seront administrés par le Conseil du Trésor. Il s'agit du crédit 5 du CT, du crédit pour les initiatives spéciales et du nouveau crédit pour la négociation collective.
Le crédit 5 du CT, qui est le crédit pour éventualités du gouvernement, sert à assurer un «financement provisoire» dans les situations qui ne pouvaient être prévues au moment où le Budget principal des dépenses a été déposé au Parlement. Tout financement provisoire de cet ordre est par la suite mis en évidence lorsqu'on demande au Parlement d'autoriser des dépenses par le biais de budgets supplémentaires des dépenses. Le crédit pour éventualités est alors remboursé.
Compte tenu du pouvoir discrétionnaire dont dispose le Conseil du Trésor dans la gestion de ce crédit, nous sommes conscients que le principe du contrôle du Parlement exige que ce crédit conserve une ampleur raisonnable. Dans ce contexte, j'aimerais expliquer pourquoi le crédit connaît une augmentation de 100 millions de dollars cette année. Il y a deux grandes raisons. Tout d'abord, l'augmentation graduelle du budget des dépenses global amène la nécessité d'une souplesse accrue pour faire face aux nouveaux enjeux sans que cela compromette le processus d'attribution des crédits. En outre, nous conservons une approche prudente face aux problèmes potentiels découlant du passage à l'an 2000.
Même si l'on considère que le Canada est mieux préparé que la plupart des pays à ce changement de date, le gouvernement prend un certain nombre de mesures préventives pour pouvoir répondre à toute urgence éventuelle. Cette planification financière est l'une de ces mesures préventives qui nous permettra de fournir un financement temporaire avec le crédit 5 du CT si une urgence survient.
Le crédit pour les initiatives touchant l'ensemble de l'administration fédérale, soit le crédit 10 du CT, prévoit des autorisations qui viendront compléter les crédits ministériels pour diverses initiatives de gestion touchant l'ensemble de l'administration fédérale, en particulier la modernisation de la fonction de contrôleur, les mesures positives des ressources humaines et le soutien à la transition dans la carrière.
La modernisation de la fonction de contrôleur, de manière à harmoniser celle-ci avec l'orientation globale de la gestion au sein du gouvernement, sera synonyme de changements majeurs. Nous devons accélérer nos efforts pour délaisser les approches traditionnelles de la fonction de contrôleur: les besoins de la gestion sont maintenant différents et les défis à surmonter, énormes. Les façons de faire traditionnelles pour l'établissement des politiques, la prestation des services et le maintien du potentiel de la fonction publique ne suffisent plus. Un travail d'équipe polyvalent est nécessaire pour appuyer la gestion publique de qualité que les Canadiens demandent. La modernisation signifie que nous devons faire correspondre et intégrer notre capacité analytique avec notre programme d'action. Nous savons aussi que les progrès ne seront pas les mêmes partout, les projets prioritaires pouvant varier d'un ministère pilote à l'autre.
Les mesures de modernisation de la fonction de contrôleur qui seront financées à même ce crédit viseront à accélérer le rythme des changements, à obtenir des résultas mesurables et à nous doter de connaissances transférables.
Pour leur part, les mesures spéciales liées à l'emploi figurent depuis le milieu des années 80 au nombre des caractéristiques du programme d'équité en emploi de la fonction publique. Parmi les mesures qui seront financées à même ce crédit, on retrouve l'ouverture du milieu de travail ainsi que le perfectionnement professionnel, pour les personnes ayant une déficience, les Autochtones, les membres des groupes de minorités visibles et les femmes.
Le financement venant appuyer la transition dans la carrière servira à aider les employés occupant un emploi incertain, en particulier ceux touchés par la réduction des effectifs, en offrant diverses mesures tels que la formation et le perfectionnement, l'aide à la mobilité et le placement.
Ce crédit éliminera la nécessité de plusieurs budgets des dépenses supplémentaires de faible montant, et permettra en fait d'accroître la transparence dans l'utilisation des fonds puisque les comptes publics feront état des affectations ministérielles précises visées par ce crédit. Si nous suivions l'autre voie, en déposant de petits budgets des dépenses supplémentaires, ces articles seraient généralement présentés sous la rubrique «coûts d'exploitation additionnels» et s'inscriraient simplement dans le total des dépenses ministérielles.
Le nouveau crédit pour la négociation collective, le crédit 15 du CT, servira à compléter les crédits ministériels pour défrayer les coûts liés à deux conventions collectives conclues avec l'Alliance de la fonction publique du Canada, le 29 décembre 1998. En raison de la date de ces ententes, les exigences détaillées pour chacun des ministères ou organismes n'ont pu être finalisées à temps aux fins de leur inclusion dans leurs budgets des dépenses. Le libellé du crédit ne confère aucune latitude dans l'utilisation des fonds et, en conséquence, toute somme qui ne sera pas requise pour ces conventions précises tombera automatiquement en annulation.
La règle veut que le financement des conventions collectives conclues hors du cycle régulier s'effectue par le biais de budgets supplémentaires des dépenses ou à même le crédit 5 du CT. Il y a quelques années, le Parlement a accepté que ce crédit serve sur une base permanente à défrayer des dépenses salariales, afin de réduire le fardeau administratif et la paperasserie qu'entraîneraient les budgets supplémentaires liés au règlement des conventions collectives. Nous aurions donc pu augmenter le crédit 5 du CT de 280 millions de dollars, ce qui aurait cependant donné moins de certitude au Parlement quant à l'affectation des soldes résiduels, lesquels ont été disponibles pour d'autres ajustements salariaux.
Par ailleurs, nous aurions pu attendre et préparer 106 budgets supplémentaires des dépenses à l'égard de ces conventions. Dans nombre de cas, on aurait préparé un budget supplémentaire des dépenses pour un ministère ou un organisme à cette seule fin, augmentant ainsi la paperasserie et le fardeau administratif sans que cette façon de faire n'accroisse pour autant la visibilité des opérations.
Je souligne à nouveau que les comptes publics feront état des affectations précises provenant de ce crédit, pour chacun des ministères. Une telle transparence préservera l'intégrité du contrôle par le Parlement, tout en aidant à rationaliser la gestion gouvernementale.
Les fonctionnaires du secrétariat qui m'accompagnent aujourd'hui et moi-même sommes maintenant disposés à répondre à toutes vos questions au sujet du Budget des dépenses, même si nous devrons peut-être renvoyer certaines questions particulières aux ministres ou aux ministères compétents.
Le président: Merci, monsieur Ianno. Sachant combien vous êtes occupé, j'apprécie votre comparution ce soir.
À la première page, vous nous dites que les dépenses de programme se sont élevées à 16,6 p. 100 en 1993-1994. Cette année, ce pourcentage a été ramené à 12,2 p. 100. C'est un progrès de 4,4 p. 100.
Je suis curieux comme toujours: à votre avis, est-ce que cette diminution est due à la croissance de notre économie, à une baisse des dépenses gouvernementales ou aux deux à la fois. Qu'est-ce qui représente le plus gros pourcentage?
Vous n'avez pas besoin de nous répondre précisément aujourd'hui, parce que nous avons un document qui fait deux pouces d'épaisseur ainsi que le reste de votre documentation. Nous aimerions toutefois le savoir. Nous essayons de voir quelle a été la croissance des revenus du gouvernement ainsi que les diminutions de coût globales pour que l'on en arrive à ce pourcentage. Vous devez disposer de ce genre de données.
M. Ianno: Nous avons effectué en 1993-1994 une révision des programmes et nous avons dû imposer une réduction en raison de l'ampleur du déficit. Vous le savez, le gouvernement a réduit ses dépenses à l'époque de 7 p. 100 et plus.
Au cours des cinq dernières années, l'économie a progressé et les taux d'intérêt comme le taux d'inflation ont baissé. Davantage de Canadiens ont pu trouver du travail et le marché de l'exportation est en expansion. Le gouvernement s'est montré plus prudent et s'est attaqué à un certain nombre de problèmes -- la réduction du nombre d'employés du gouvernement, les conditions s'appliquant aux dépenses, NAV CANADA, et cetera. Tous ces facteurs, mis ensemble, nous ont permis d'améliorer notre situation financière, et c'est là où nous en sommes aujourd'hui.
En pourcentage, notre part a été ramenée de 16,6 p. 100 à 12,2 p. 100, même en tenant compte du fait que cette année nos dépenses ont nettement augmenté pour tenir compte des besoins des Canadiens sur le plan de la santé.
Le président: J'en conviens, mais je n'en pense pas moins que nous devrions avoir des chiffres relativement concrets d'un côté comme de l'autre. Depuis cette époque, quelle a été la croissance de notre PNB en valeur absolue? Est-ce que nos frais de fonctionnement ont diminué en valeur absolue? J'imagine que vous en êtes arrivé à cette réduction de 4,4 p. 100 en procédant à une analyse de ce genre. J'aimerais que vous me donniez la réponse.
Quand les gens autour de cette table voient une augmentation de 6,1 milliards de dollars, soit 4,2 p. 100, du budget des dépenses de cette année, nous ne manquons pas de nous préoccuper puisque l'on sait que l'inflation se situe aux alentours de 1,7 p. 100. Je ne suis pas satisfait du fait qu'en dépit d'une bonne administration on se retrouve avec un chiffre de 4,2 p. 100.
Je comprends bien qu'en raison des caractéristiques de cette grosse machine, alors que nous avons réduit les coûts et bloqué les salaires pendant si longtemps, il est normal qu'il y ait un certain retour de flamme. Nous avons bloqué les salaires et les coûts de la santé. Nous avons fait beaucoup de choses. Toutefois, j'aimerais que l'on me garantisse que cette augmentation de 4,2 p. 100 est une aberration et qu'elle ne se répétera pas tous les ans à l'avenir. C'est la préoccupation de chacun autour de cette table.
M. Ianno: Tout d'abord, nous sommes sensibles à cette préoccupation. Voilà près de six ans maintenant que nous nous assurons que seuls les postes de dépenses particulièrement nécessaires et non accessoires sont conservés. La santé est aujourd'hui comme hier un grand sujet de préoccupation dans tout le pays. Nous avons jugé important de remettre entre les mains des provinces 11,5 milliards de dollars pour qu'elles puissent commencer à régler les questions les plus pressantes -- tout particulièrement les salles d'urgence et tout ce que les Canadiens ont profondément à coeur.
Sur le plan des principes, nous ne voulons pas d'un système à deux vitesses. C'est pourquoi, une fois que nous avons équilibré nos comptes, nous avons décidé de régler les questions qui intéressent le plus les Canadiens. L'année dernière, nous avons engagé une dépense de 2,5 milliards de dollars au titre de l'enseignement. L'enseignement revêt lui aussi une grande importance pour les Canadiens. Ce sont là les postes de dépenses auxquels nous avons pour l'essentiel consacré le plus d'argent.
Nous avons aussi programmé 600 millions de dollars pour remédier aux difficultés éprouvées par les agriculteurs, notamment dans l'ouest du Canada. Cela aussi, c'était important. La population canadienne est tout à fait convaincue que nos agriculteurs doivent pouvoir continuer à fournir au pays l'alimentation et tous les produits nutritifs dont il a besoin. Il y a eu aussi l'aide apportée au titre de l'indemnisation des catastrophes naturelles pour ce qui est de la tempête de glace qui a touché notre région.
Notre pays a dû se pencher sur un grand nombre de problèmes qui sont venus se poser. Cela explique en partie les augmentations de dépenses. Nous ne nous sommes pas dits simplement: «Nous avons l'argent et nous allons donc le dépenser» en prenant un poste de dépenses au hasard. Il faut continuer à s'occuper de la dette. Il y a aussi nombre de problèmes bien réels, tels que les problèmes informatiques liés au passage à l'an 2000, sur lesquels le gouvernement doit se pencher.
Le président: Je vous comprends bien. J'en reviens toutefois au point de vue assez simpliste des comptes d'un ménage. Il y a une enveloppe comportant les différentes catégories de dépenses. Si l'on reçoit une augmentation de salaire de 1,7 p. 100, il faut vivre avec ses moyens, sinon on aura des difficultés à long terme.
Ce que je veux dire, c'est que si les Canadiens doivent s'accommoder de cette réalité, il faut certainement que le gouvernement en fasse autant. Cela revient à dire que si notre population dans son ensemble doit s'accommoder d'une inflation et d'augmentations de salaires de 2 p. 100 ou moins, si les fonctionnaires doivent s'accommoder d'augmentations de 2 p. 100, il faut certainement que le gouvernement s'accommode aussi de 2 p. 100 d'augmentation.
M. Ianno: Je suis bien d'accord, nous devrions pouvoir le faire. Toutefois, nous parlons ici de la santé des Canadiens, ce qui est plus important. Si l'un de vos enfants a des problèmes de santé, je ne pense pas que vous allez d'abord considérer le coût ou les problèmes d'inflation.
Le président: Bien sûr, mais il me faudra couper ailleurs mon budget. Je n'en dirai pas plus.
Le sénateur Bolduc: Monsieur Ianno, vous nous dites à la page 2 que les excédents enregistrés au titre des régimes de pension vont être amortis au fil des années, ce qui va réduire le montant total des dépenses comptabilisées en les faisant passer au-dessous du niveau autorisé. Pouvez-vous nous en parler de manière plus détaillée?
M. Ianno: M. Lane pourra me corriger s'il estime que je me trompe mais, autant que je le sache, en ce qui concerne le projet de loi C-78, que nous venons de présenter, le vérificateur général voulait que les 2,5 milliards de dollars soient amortis et non pas imputés en bloc, même s'ils sont comptabilisés dans les comptes publics. Sur ce modèle, le projet de loi C-78 va entraîner une réduction de cet excédent de 30 milliards de dollars sur une période de 15 ans. L'amortissement correspondant et le montant payé en intérêts seront par ailleurs réduits par la même occasion.
Le sénateur Bolduc: Je ne suis pas actuaire, mais cette façon de faire me paraît suspecte. Si je vous comprends bien, vous avez versé l'année dernière des pensions d'un montant de quelque 5 milliards de dollars.
M. Ianno: C'était environ 4,3 milliards de dollars.
Le sénateur Bolduc: En effet. Le montant versé par les employés est de l'ordre de 2,7 milliards de dollars. Je ne parle pas ici du passé, mais de la situation actuelle. Elle n'est pas aussi bonne qu'elle l'était. C'est bien ça?
M. Ianno: Nous avons dû déposer le projet de loi C-78 parce que selon la façon dont la loi a été rédigée, l'évaluateur de la situation actuarielle ne pouvait pas tenir compte du fait qu'il y avait un excédent. Il devait toujours faire face aux besoins.
Les ratios évoluaient constamment, et l'on est passé d'un rapport de 60 p. 100 pour l'employeur contre 40 p. 100 pour les employés au rapport actuel de 70 p. 100 contre 30 p. 100, qui aurait donné dans quelques années 80 p. 100 contre 20 p. 100 et débouché finalement sur une situation dans laquelle aucune cotisation n'aurait plus été exigée des employés. Il fallait modifier la loi pour ramener à terme ce ratio à 60 p. 100 contre 40 p. 100. Cela ne veut pas dire qu'il va y revenir nécessairement. Cela signifie qu'en l'an 2004, il sera possible de porter ce pourcentage de 30 à 40 p. 100 si cela s'avère nécessaire. Avec le fonds d'investissement, on peut espérer qu'en temps utile on aura encore besoin de moins d'argent.
Le sénateur Bolduc: Ce sera mieux que la somme des obligations du gouvernement.
M. Ianno: Effectivement. L'augmentation maximale n'est que de 0,4 p. 100 par an, au cas où le ministre le jugerait nécessaire.
Le sénateur Bolduc: Cette année, vous créez un véritable fonds.
M. Ianno: Oui.
Le sénateur Bolduc: L'opération est bien différente.
M. Ianno: Jusqu'alors, c'était uniquement comptabilisé sur papier.
Le sénateur Bolduc: Vous savez que 69 p. 100 du budget est, si l'on peut dire, sur pilote automatique, et même si l'on ne fait rien, l'argent est dépensé. C'est l'expérience qui nous l'a enseigné au cours des années 90 lorsque le déficit budgétaire a explosé. La moitié de cette augmentation de 6 milliards de dollars est guidée par le pilote automatique, c'est le cas des soins de santé, de l'assurance-emploi, des paiements de péréquation, des personnes âgées, et cetera. D'un autre côté, les taux d'intérêt se sont bien comportés récemment, ce qui fait que le service de la dette du gouvernement diminue.
Dans un système parlementaire comme le nôtre, pensez-vous qu'il est inévitable qu'un gros pourcentage du budget soit sur pilote automatique?
M. Ianno: On est tout à fait dans les hypothèses.
Le sénateur Bolduc: En tant que sénateurs, nous devons être très prudents à ce sujet. Il n'en reste pas moins que pour les membres de l'autre chambre, il doit être gênant de ne pas pouvoir discuter de 70 p. 100 du budget. C'est la raison d'être de cette chambre.
M. Ianno: C'est le Parlement et la Chambre des communes qui ont institué ces mesures au départ. Lorsqu'on considère les paiements de péréquation, les paiements de transfert, la pension de la vieillesse et toutes les autres mesures qui font partie du budget, les membres des deux chambres sont fiers, en leur qualité de parlementaires, d'avoir doté le Canada d'une infrastructure qui fait que sa population a le sentiment de vivre depuis cinq ans dans le meilleur pays au monde, selon les normes fixées par l'ONU.
Le sénateur Bolduc: Je ne veux pas me lancer dans un grand débat.
J'ai une question à poser sur la défense nationale. La moitié des crédits supplémentaires de 750 millions de dollars va être affectée aux catastrophes civiles telles que la tempête de glace ou les inondations. À quoi vont servir les 350 ou 400 millions de dollars qui restent? Est-ce à l'achat de matériel? Nous entendons dire tous les jours que les forces aériennes ne vont pas trop mal, que la marine ne va pas trop mal, sauf pour ce qui est du remplacement des Sea King, et puis il reste l'armée de terre. Nous avons entendu hier le général à la retraite Lewis Mackenzie, qui nous a dit que nos pauvres soldats n'étaient pas bien équipés pour faire face aux guerres modernes du monde actuel. Est-ce que ces crédits supplémentaires vont permettre avant tout d'augmenter les salaires ou vont-ils être consacrés à l'achat de matériel supplémentaire pour moderniser l'armement du Canada.
M. Ianno: Les frais d'équipement doivent augmenter de 382,7 millions de dollars au cours de l'exercice 1999-2000. C'est un gros morceau.
Le sénateur Bolduc: Ça ne porte pas nécessairement sur l'armement, parce que l'armement ne fait pas nécessairement partie des coûts d'équipement.
M. Ianno: Tout dépend des priorités.
Le sénateur Bolduc: Pourriez-vous être plus précis? Ça pourrait être consacré à l'infrastructure.
M. Ianno: Je ne pense pas que nous puissions apporter des précisions dans le détail. Je pense que pour une bonne part cela correspond aux crédits annoncés par le ministre concernant les salaires.
Le sénateur Bolduc: Est-ce que le Conseil du Trésor pourrait nous fournir ces données?
M. Ianno: Oui, nous vous les communiquerons.
Le sénateur Bolduc: Enfin, nous avons de nouveaux organismes, tels que l'Agence Parcs Canada, la nouvelle agence de Revenu et Douanes Canada et cinq ou six autres encore. Pour la première fois, je vois passer un crédit de programme pour lequel le pouvoir de dépenser va se prolonger pendant deux ans, jusqu'en 2001. En l'espèce, c'est pour l'agence Parcs Canada, qui est la première à recevoir une affectation de crédits sur plusieurs années. Nous entrons dans une nouvelle phase que je qualifie de pilotage automatique.
Nous avions auparavant un pilotage automatique uniquement pour les grands programmes de redistribution au Canada s'adressant à la population de toutes les provinces, et nous avons désormais des organismes gouvernementaux qui seront en partie publics et en partie privés. Ce ne sont pas totalement des sociétés d'État. Ce sont en quelque sorte des sociétés ministérielles. Vous leur accordez un budget pour deux ou trois ans. Nous faisions cela auparavant pour les universités du Québec. Je ne comprends pas qu'on le fasse pour les frais d'équipement.
Il y a un programme d'équipement pour les parcs. Il n'est pas bon qu'on dise à l'autre chambre que les gestionnaires ne viendront pas se présenter chaque année devant le Parlement. Ce n'est pas une bonne chose non plus compte tenu de ce que nous a dit ici le ministre du Revenu. Il nous a indiqué que cet organisme permettra de rendre davantage de comptes. Comment se fait-il alors que l'on prévoit un mécanisme budgétaire sur deux ans, sur trois ans, ou même sur quatre ou cinq ans. Je suis bien surpris. J'aimerais que vous nous en donniez la raison.
M. Ianno: Le Parlement a autorisé cette façon de procéder sur deux ans et cela se traduit dans le budget des dépenses.
Le sénateur Bolduc: Cela porte aussi sur les frais de fonctionnement et pas uniquement sur les frais d'équipement.
M. Ianno: Oui, effectivement.
Le sénateur Bolduc: Il s'ensuit qu'au lieu de nous pencher tous les ans sur les dépenses, nous ne le ferons que tous les trois ou quatre ans.
M. Ianno: Non, vous continuerez à disposer tous les ans de l'information, mais dans certains cas la planification se fera sur deux ans.
Le sénateur Bolduc: Les budgets sont affectés sur deux ans.
M. Ianno: Cela s'applique en partie aux travailleurs saisonniers.
M. Stephen Lane, directeur, Analyse des dépenses, Secrétariat du Conseil du Trésor: Le pouvoir de dépenser porte sur deux ans, mais nous n'avons comptabilisé qu'une année de crédits dans le budget des dépenses. Les crédits que l'agence n'aura pas dépensé lors de la première année s'ajouteront à son pouvoir de dépenser lors de la deuxième année. Elle bénéficie au départ d'un pouvoir de dépenser sur deux ans.
Le sénateur Bolduc: Je vous remercie. Cela résout en partie mes difficultés.
Ce crédit numéro 10 du Conseil du Trésor, est-ce une nouvelle façon de procéder?
M. Ianno: C'est une modernisation du système de contrôle.
Le sénateur Bolduc: Vous nous dites que cela s'applique au ministère.
M. Ianno: Cela s'explique par plusieurs facteurs, telles que l'augmentation de la charge de travail et autres caractéristiques liées à l'informatique. C'est dû par ailleurs aux cinq ministères pilotes. Ils s'efforcent de trouver des moyens de rendre des comptes de manière plus efficace et d'avoir un meilleur taux de réussite. Ils veulent aussi faire en sorte que le système marche pour que l'on puisse effectivement en mesurer les résultats.
Le sénateur Bolduc: Je pose la question parce que chaque fois que nous abandonnons l'examen d'un poste budgétaire s'appliquant à un ministère pour passer à une étude à l'échelle du gouvernement, un nouveau service est mis en place dans l'administration. Au sujet de Travaux publics et Services gouvernementaux, le vérificateur général nous a dit l'année dernière que vous laissiez passer des marchés d'un montant d'environ 1,5 milliards de dollars sans appel d'offres. C'est très grave. C'est embarrassant. Lorsque cela se produit à l'échelle du gouvernement, c'est scandaleux. Si quelqu'un avait fait cela au sein d'un ministère il y a quelques années, il aurait été mis à la porte. On en aurait fait un scandale. Comment pouvez-vous l'expliquer?
M. Ianno: Tout d'abord, c'est limité dans le temps, c'est un montant qu'on ne reverra pas. Vous dites que c'est «scandaleux», mais je ne pense pas que vous trouviez de scandales.
Le sénateur Bolduc: Je préfère ne pas en voir.
M. Ianno: C'est notre cas à tous, et je sais que nous n'en avons pas trouvé, ce qui est une bonne chose. Jusqu'à présent, nous nous débrouillons très bien. Vous savez, à l'échelle du gouvernement, il y a des moments où l'on fait des offres en direct. Parfois, le nombre de soumissionnaires est limité. Il y a des questions de délais. Le vérificateur général continue à vérifier la chose pour s'assurer que tout se fait dans les règles. Bien entendu, on souhaiterait que dans tous les cas il y ait des soumissions et des appels d'offres, mais il arrive que les marchés soient si minimes qu'il ne serait pas rentable de procéder ainsi.
Le sénateur Bolduc: Je vous le dis parce que certains groupes d'entreprises forgent des liens particuliers avec certains organismes. Nous le savons tous. Nous en avons fait l'expérience dans les divers ministères. Certains peuvent s'adresser à des départements comme l'ACDI et il leur est plus facile que d'autres d'obtenir des contrats. J'aimerais que vous vous penchiez soigneusement sur la question.
Je suis d'accord pour dire qu'il nous faut décentraliser l'administration de chacun des ministères pour la rendre plus efficace. Il nous faut toutefois respecter les règles de la concurrence, ce qui est une bonne chose pour la fonction publique elle-même.
M. Ianno: Vous savez aussi que le Conseil du Trésor s'assure que toutes les directives sont respectées. Dans toute la mesure de ses moyens, il veille à ce que rien de ce que vous mentionnez ne puisse se produire. Nous voulons nous assurer que tout soit fait au grand jour en rentabilisant au mieux l'argent des contribuables.
Le sénateur Bolduc: Je vous répète que le vérificateur général s'est penché sur la question et qu'il n'a pas aimé ce qu'il a vu.
Le sénateur Moore: Monsieur Ianno, vous nous dites à la page 4 de votre mémoire, au sujet des augmentations, qu'il y a eu un financement additionnel pour des programmes tel que le Programme d'adaptation et de restructuration des pêches. J'imagine que c'est en quelque sorte le programme qui a succédé à la LSPA. Pouvez-vous nous dire à quoi il sert et quels sont les crédits que l'on y consacre?
M. Ianno: Le Budget principal des dépenses du ministère des Pêches et des Océans est de 1,314 milliard de dollars, soit une augmentation nette de 262,3 millions de dollars. Les principaux changements portent sur une augmentation de 249 millions de dollars au titre du Programme canadien d'adaptation et de restructuration des pêches, y compris en ce qui a trait aux programmes de rachat de permis sur la côte Est et sur la côte Ouest ainsi qu'aux programmes s'appliquant à la remise en état des habitats, à la pêche sélective et à différents objectifs de développement des pêches sur la côte Ouest. Il y a une augmentation de 8,8 millions de dollars correspondant aux besoins d'adaptation de l'informatique à l'an 2000 ainsi qu'une augmentation de 7,8 millions de dollars se rapportant aux accords de négociations collectives signés le 15 septembre 1998. Il y a une augmentation de 5,8 millions de dollars visant à compenser en partie les effets de l'augmentation des coûts et des charges de travail ainsi qu'une augmentation de 5 millions de dollars au titre des crédits s'appliquant au budget 1998 à la suite des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones. Il y a une augmentation de 2 millions de dollars de crédits liée à la mise en place d'un commissaire à l'aquaculture.
Il y a aussi des diminutions. Est-ce que vous voulez les connaître?
Le sénateur Moore: Est-ce que le Programme d'adaptation et de restructuration des pêches est un programme distinct? Est-ce un poste opérationnel dans votre liste?
M. Ianno: Oui, il englobe tout ce que je viens d'indiquer.
Le sénateur Moore: Je voudrais revenir sur quelque chose qu'a mentionné le sénateur Bolduc. En haut de la page 5, vous traitez des autorisations de crédits pluriannuelles. Vous nous dites que l'on a procédé ainsi aux termes des dispositions du projet de loi C-29, qui précise que les soldes non dépensées des crédits autorisés par le Parlement au titre des dépenses de fonctionnement de l'agence seront annulés à la fin de l'exercice qui suit l'année au cours de laquelle les crédits ont été affectés à l'origine. Lorsque vous dites «suivant l'année», est-ce que vous parlez de l'année civile ou de l'exercice?
M. Ianno: Nous parlons de l'exercice.
Le sénateur Moore: C'est ainsi que vous en arrivez à une période de deux ans?
M. Ianno: Oui.
Le président: À la page 7 de votre exposé, vous nous dites que les mesures spéciales liées à l'emploi figurent depuis le milieu des années 80 au nombre des caractéristiques du Programme d'équité en emploi de la fonction publique. Je suis sûr que tous les budgets prévoient une mesure de cette nature. Je sais que nous l'avons fait et je sais qu'on le refera encore.
Y a-t-il des statistiques qui font état des progrès enregistrés dans ces domaines qui concernent les personnes handicapées, les Autochtones, les autres membres des minorités visibles et les femmes? Je sais qu'il en existe. Je suis sûr que vous pouvez nous les communiquer. Quel genre de progrès avons-nous réalisés? Si nous avons fait d'excellents progrès, nous devrions en parler. Si ce n'est pas le cas, je considère que c'est préoccupant parce que cela fait bien longtemps que c'est sur le tapis.
M. Ianno: Au milieu de l'année dernière, on a annoncé la mise en place d'un programme devant nous permettre de poursuivre, au sein d'un comité, l'analyse des progrès réalisés. Ce comité oeuvre de concert avec le gouvernement et les ministères pour s'assurer que les gens soient davantage conscients du problème et que l'on facilite l'embauche. Je sais que l'on fait des efforts concertés pour poursuivre la réalisation des objectifs fixés par le passé.
Je n'ai pas les chiffres sur moi. Toutefois, nous nous efforcerons de rassembler des données sous forme de graphique pour vous donner une idée des progrès en cours.
Le président: Je vous en serai reconnaissant. Vous avez mentionné à ce sujet le milieu des années 80.
M. Ianno: Nous vous fournirons cette information, monsieur le président. Nous tiendrons compte par ailleurs de la réduction des effectifs.
Le président: Je vous comprends. Vous pourrez le signaler dans vos statistiques. À cette époque-là, on a comprimé les effectifs. Les statistiques n'en sont pas moins valables. La comparaison devrait être intéressante. On peut certainement s'attendre à ce qu'au bout de 20 ans d'immenses progrès aient été enregistrés dans certains domaines. J'ai malheureusement bien peur que non.
Le sénateur Cools et le sénateur Bolduc souhaitent que l'on se penche sur l'ACDI. C'est toujours votre intention?
Le sénateur Cools: Absolument.
Le sénateur Lavoie-Roux: Ça m'intéresse moi aussi.
Le président: Dans le cours de notre examen du Budget principal des dépenses jusqu'à la fin de l'exercice, nous devrions demander aux fonctionnaires de l'ACDI de comparaître. Le sénateur Cools en serait très heureuse, et je suis sûr que d'autres aussi.
Le sénateur Cools: Allez-vous demander au secrétaire parlementaire d'appuyer ce projet?
Le président: Non, je dis que s'il y a un consensus autour de cette table, nous allons demander aux fonctionnaires du Conseil du Trésor d'être prêts lorsque nous examinerons le Budget principal des dépenses.
Le sénateur Cools: Pour être juste envers M. Ianno, je suis d'accord avec notre président. Nous avons pris le pouls des membres du comité à ce sujet. Notre comité s'intéresse depuis longtemps aux dépenses, aux caractéristiques et au fonctionnement de l'ACDI. Je suis sûr que le secrétaire parlementaire n'ignore pas que l'ACDI est une bien étrange créature. Elle n'opère pas aux termes d'une loi, contrairement à ce que font nombre de ministères. Je crois que l'ACDI a été créée par décret il y a un certain temps et que ses budgets successifs ont progressé de manière anarchique au fil des années. Quelles qu'en soient les raisons, elle a attiré sur elle la curiosité, l'intérêt et les regards des différents membres de notre comité. Certains veulent savoir ce que font les juges. D'autres s'intéressent à d'autres programmes. Il y a de nombreux points de vue. Toutefois, tous s'accordent à dire qu'il faut que dans le cadre de l'étude en cours du Budget principal des dépenses, l'ACDI soit sortie des cartons, dépoussiérée et scrutée à la loupe. Je suis sûr, monsieur Ianno, que vous êtes au courant de la chose. Si vous pouvez nous aider, nous en serons très heureux.
Quant aux fonctionnaires, le président les avertit qu'ils pourront toujours être rappelés pour nous fournir des données et, dans certains cas, des conseils. Notre comité se targue d'avoir d'excellentes relations avec ce ministère et se félicite de la franchise et de l'esprit d'ouverture des fonctionnaires qui comparaissent devant lui.
Monsieur le président, est-ce que cela vous convient?
Le président: Oui, merci, sénateur Cools. Je remercie M. Ianno. Nous vous remercions de votre comparution et de votre collaboration, ainsi que de celle de vos fonctionnaires. Vous savez désormais que nous avons suffisamment sérié les problèmes à l'intérieur de ce dossier pour que vous puissiez répondre comme il se doit à nos préoccupations. Cela ne veut pas dire que nous ne nous pencherons pas sur les Budgets supplémentaires des dépenses lorsqu'ils se présenteront. Nous avons un projet de loi de crédits la semaine prochaine.
J'aimerais évoquer un problème de logistique. Nous en sommes à deux ans de notre mandat et nous devons envisager la possibilité d'une prorogation, qui devrait se produire en septembre. Tout d'abord, nous devons protéger les résultats de notre travail antérieur. En dépit du fait que nous avons produit un rapport provisoire concernant les travaux effectués antérieurement par notre comité, est-ce qu'il nous faut déposer un rapport provisoire d'une page sur les travaux effectués touchant le budget principal des dépenses lors de la dernière semaine? En second lieu, si nous devons effectuer des travaux au sein du sous-comité sur les catastrophes, qui ne veut pas ralentir ses activités mais qui souhaite continuer à travailler le plus tard possible, n'oublions pas non plus qu'il nous faire autoriser un rapport provisoire par notre comité et par le Sénat.
Le sénateur Cools: Je suis d'accord pour que des rapports provisoires abordent les deux questions, parce que ces deux rapports portent sur le Budget principal des dépenses. Nous devrions élaborer un rapport provisoire sur le Budget principal des dépenses et le faire figurer dans un rapport concernant le sous-comité sur les catastrophes. Nous allons vers une prorogation. Nous avons besoin d'un rapport complet pour pouvoir protéger et garantir les travaux effectués jusqu'à présent au sein du sous-comité sur les catastrophes.
Le sénateur Bolduc: Mais sans recommandations.
Le sénateur Cools: On ne peut pas faire de recommandations, mais il nous faut pouvoir donner aux membres du futur comité les moyens de relancer les travaux. Je propose que ce rapport ne soit pas simplement rédigé en quelques lignes.
Le président: C'est essentiellement un résumé des travaux effectués jusqu'à présent.
Le sénateur Cools: Parfaitement: il pourrait s'agir d'un résumé des travaux effectués jusqu'à présent. S'il y a effectivement une prorogation, on aura affaire à une nouvelle législature et à une nouvelle session. S'il y a une interruption, il nous faut faire figurer dans le Budget principal des dépenses quelque chose qui témoigne de notre intention d'étudier l'ACDI de façon à obtenir une réponse à nos questions. On pourrait procéder ainsi pour que notre entente soit consignée dans les textes, parce que nous ne savons pas si notre comité continuera à avoir les mêmes membres. Si c'est le cas, il serait bon de faire état d'un certain consensus et de mentionner certains avis. Pouvons-nous nous fixer un échéancier? Quand va-t-on le faire?
Le président: C'est exactement ce dont je veux que nous parlions. Il y a des interventions prévues lors de la dernière semaine pendant laquelle nous allons siéger. Nous allons entendre trois groupes d'intervenants lors de cette semaine, parmi lesquels éventuellement la Croix-Rouge canadienne, le Bureau d'assurance du Canada et d'autres encore. Pour cette raison, nous ne voulons pas exclure la possibilité de travailler au cours de cette dernière semaine.
Le sénateur Cools: C'est très facile. Il suffit d'obtenir le compte rendu de ce qui a été fait jusqu'à présent. Ce rapport pourra être examiné à la chambre du Sénat pendant que le sous-comité poursuit ses travaux jusqu'à l'ajournement.
Le président: Nous pouvons faire état dans ce rapport de l'audition des témoins entendus lors de la dernière semaine.
Le sénateur Cools: Oui, il est tout à fait conforme au règlement de déclarer que notre comité a entendu les témoins A, B et C et se prépare à entendre les témoins X, Y et Z. On peut dire que notre comité se prépare à entendre telle ou telle personne.
Le président: Nous ne devrions pas nous contenter de planifier l'audition de certains témoins.
Le sénateur Cools: Vous pouvez dire que c'est prévu au programme. Vous ne pouvez pas faire comme si c'était déjà réalisé.
Le président: Je comprends bien.
Le sénateur Cools: Nous ne pouvons qu'annoncer notre intention.
Le président: Est-ce que tout le monde est d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Honorables sénateurs, nous allons maintenant passer au deuxième point de notre ordre du jour.
Le témoin suivant est M. Valeri, qui est venu ici nous parler du projet de loi C-71. Vous avez la parole.
M. Tony Valeri, député, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Honorables sénateurs, je suis heureux d'être de retour devant votre comité. Comme vous pouvez le voir, j'ai aussi à mes côtés un certain nombre de fonctionnaires du ministère. Je vais leur demander de se présenter à mesure qu'ils arriveront à la table pour répondre aux questions que vous voudrez leur poser.
Je suis heureux de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-71, la loi d'exécution du budget de 1999. Sénateurs, ce projet de loi découle du budget de février et, à l'instar de ses prédécesseurs, il se compose de nombreuses parties.
Il prévoit un nouveau financement historique pour le système public de soins de santé du Canada et il établit les modalités d'un financement supplémentaire important en vertu de la prestation fiscale canadienne pour enfants.
Il renferme également des mesures portant sur les activités du gouvernement comme tel -- par exemple, la gestion de la dette, l'administration du régime fiscal, le pouvoir de taxation des Premières nations, ainsi que les pensions de la fonction publique et la négociation collective avec celle-ci.
Le projet de loi C-71 a pour effet de modifier la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces pour appliquer une augmentation en espèces de 11,5 milliards de dollars sur cinq ans au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Huit milliards de dollars seront fournis par l'entremise du TCSPS sur une période de quatre ans qui commencera le 1er avril 2000 et, d'autre part, 3,5 milliards de dollars seront versés sous forme de supplément forfaitaire au TCSPS à partir des fonds disponibles au cours du présent exercice. Les provinces établiront elles-mêmes les montants qu'elles veulent retirer annuellement au cours des trois prochaines années.
Quand l'augmentation du financement atteindra 2,5 milliards de dollars en 2001-2002, l'appui direct en espèces, au titre du TCSPS, de la part du gouvernement fédéral, totalisera 15 milliards de dollars par année. La composante des soins de santé TCSPS sera donc aussi élevée qu'avant la période de compression des dépenses au milieu des années 90.
En outre, quand la valeur croissante des transferts d'impôt au titre du TCSPS sera ajoutée au financement en espèce, l'aide totale aux provinces atteindra un nouveau sommet, soit 30 milliards de dollars en 2001-2002.
Les disparités par habitant au chapitre de la répartition de l'actuel TCSPS entre toutes les provinces seront éliminées. D'ici 2001-2002, toutes les provinces recevront des droits identiques par habitant, ce qui assurera un soutien égal aux services de santé et aux autres services sociaux pour tous les Canadiens.
Grâce à cet investissement, le gouvernement accroît les transferts au titre des soins de santé et il procure aux provinces et aux territoires un financement plus stable et plus prévisible.
Deux mesures de ce projet de loi prévoient une aide pour les enfants dans le besoin: la prestation fiscale canadienne pour enfants et le supplément de crédit pour TPS.
La prestation fiscale canadienne pour enfants constitue le principal mécanisme appliqué par le gouvernement fédéral pour offrir une aide financière aux familles à revenu faible et moyen et pour assurer les investissements fédéraux nécessaires pour mettre sur pied le régime national de prestation pour enfants.
Dans le budget de 1997, le gouvernement a annoncé une augmentation de 850 millions de dollars au titre des prestations accordées en vertu de la prestation fiscale canadienne pour enfants, dont le versement a débuté en juillet dernier. Le budget de 1998 prévoyait une tranche additionnelle de 850 millions de dollars. Dans l'ensemble, ces mesures procureront 1,7 milliards de dollars aux enfants de familles à faible revenu.
Le projet de loi C-71 établit les modalités relatives aux 850 millions de dollars prévus dans le budget de 1998 et consacre une tranche additionnelle de 300 millions de dollars à la bonification de la prestation fiscale canadienne pour enfants, pour les familles à revenu faible et moyen.
Le projet de loi propose des modifications aux deux composantes de la prestation fiscale canadienne pour enfants, c'est-à-dire la prestation de base et le supplément de la prestation nationale pour enfants. La prestation maximale au titre du supplément sera haussée de 350 $ par enfant, en deux étapes. Il y aurait une augmentation de 180 $ en juillet 1999 et une autre de 170 $ en juillet 2000. Ces modifications signifient par exemple qu'une famille qui compte deux enfants et dont le revenu est de 20 000 $ recevra une prestation accrue de 700 $ soit un total de 3 750 $ par année.
Le revenu net à partir duquel le supplément de la prestation nationale pour enfants est entièrement éliminé passera de 25 921 $ à 27 750 $ en juillet 1999, et de 27 750 $ à 29 590 $ en juillet 2000.
Les prestations versées aux familles à revenu faible et moyen seront haussées de 184 $ par famille -- ou 92 $ par famille qui compte un enfant -- en portant de 25 921 $ à 29 590 $ en juillet 2000 le seuil de revenu net à partir duquel la prestation de base commence à être éliminée. Ainsi, 100 000 familles de plus auront droit à une partie ou à la totalité de la prestation de base.
Le projet de loi C-71 propose également de modifier le supplément de crédit pour TPS. Outre le montant de base de 199 $ par adulte et de 105 $ par enfant, le crédit pour TPS inclut un supplément correspondant à 2 p. 100 du revenu net qui dépasse 6 456 $, jusqu'à concurrence de 105 $ par année, pour les personnes seules, y compris les chefs de famille monoparentale.
Les prestations relatives au supplément de crédit pour TPS pour les chefs de famille monoparentale à faible revenu seraient haussées pour suppléer à la prestation nationale pour enfants, c'est-à-dire qu'elles leur seront versées à leur valeur intégrale, soit un supplément de 105 $. Cette mesure procurera des prestations additionnelle à 300 000 chefs de famille monoparentale à compter du 1er juillet 1999.
Permettez-moi de faire un bref survol de certaines autres mesures du projet de loi. Outre les accords de taxation conclus, comme je l'ai déjà indiqué, avec trois Premières nations de la Colombie-Britannique à la suite d'engagements pris dans les budgets de 1997 et de 1998, trois autres accords seront proposés dans le projet de loi C-71.
Les Premières nations de Sliammon et de Westbank de la Colombie-Britannique seraient autorisées à prélever une taxe à la valeur ajoutée de 7 p. 100 sur toutes les ventes de carburant dans leur réserve, et seraient également autorisées à prélever la taxe sur les produits du tabac.
La Loi sur l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Yukon est modifiée afin de faire entrer en vigueur les dispositions de remboursement de la TPS qui ont été ajoutées l'an dernier à ces accords.
Par ailleurs, des modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu autoriseront une collaboration lors des procédures de vérification ainsi que l'échange de données sur les programmes entre Revenu Canada et la Commission des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse. Les mesures actuelles de protection des renseignements confidentiels au sujet du partage de l'information à l'extérieur de Revenu Canada seront bien évidemment rigoureusement appliquées.
De plus, les modifications apportées à la Loi sur la gestion des finances publiques font en sorte que les titres d'emprunt qui arrivent à échéance ne peuvent être refinancés que dans un exercice donné. Elles précisent également les pouvoirs accordés au ministre au sujet du processus d'adjudication des titres du gouvernement du Canada. Enfin, elles garantissent que le Parlement recevra annuellement de l'information sur les programmes de gestion de la dette du gouvernement et sur ses plans à cet égard.
Il y a aussi des modifications apportés à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui font que la suspension de l'arbitrage exécutoire au titre de la négociation collective dans la fonction publique fédérale sera prolongée jusqu'au 20 juin 2001, ce qui permettra au gouvernement de négocier des salaires, des avantages sociaux et la nouvelle norme générale de classification tout en exerçant une gestion financière responsable.
De plus, les lois sur la pension de retraite de la fonction publique, les forces armées canadiennes et de la GRC sont modifiées pour bonifier les prestations de pension futures.
Les modifications apportées à la Loi sur les brevets permettront d'établir clairement le pouvoir du ministre de la Santé de verser aux provinces les sommes perçues par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés à l'égard des prix excessifs imposés sur les produits par des fabricants de médicaments brevetés.
Le projet de loi C-71 précise par ailleurs l'étendue des garanties d'emprunt fédérales fournies aux institutions financières qui financent des paiements anticipés consentis aux producteurs agricoles aux termes de la Loi sur les programmes de commercialisation agricole.
Enfin, les dispositions de la Loi sur la Banque européenne pour la reconstruction et le développement sont modifiées pour attribuer au ministre des Finances le pouvoir de procéder aux opérations financières nécessaires afin que le Canada s'acquitte de ses engagements envers la banque.
Mesdames et messieurs les sénateurs, ce sont là les points saillants du projet de loi C-71. Ce projet de loi prévoit un investissement historique dans les soins de santé et offre une aide aux enfants dans le besoin tout en proposant des mesures qui tiennent compte de l'engagement permanent en matière de responsabilité financière.
Au nom du ministère des Finances, je vous remercie de nous avoir invité ici aujourd'hui, moi et mes collaborateurs. Nous sommes tout disposés à répondre à vos questions.
Le président: Monsieur Valeri, vous nous parlez, à la dernière page de votre résumé, de la Loi sur la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Vous nous dites que cette loi est modifiée pour attribuer au ministre des Finances le pouvoir de procéder aux opérations financières nécessaires afin que nous puissions nous acquitter de nos engagements envers la BERD.
J'étais à Londres il y a deux ans. On nous avait dit à l'époque qu'il fallait que le Canada injecte un dernier montant au sein de la BERD pour que ses comptes soient équilibrés. Par la suite, elle devait ainsi être autosuffisante. Cela s'est passé avant l'effondrement de l'économie russe.
J'aimerais savoir ce qui se passe aujourd'hui. Où en est-on vis-à-vis de la BERD? Lorsque vous avez parlé d'engagements concernant la BERD, à quoi vous référez-vous?
Mme Suzan Kalinowski, agente des finances internationales, ministère des Finances: Honorables sénateurs, je travaille au sein du ministère des Finances et je suis chargée de la BERD.
Je ne sais pas de quand datent vos contacts avec la banque, mais on s'est entendu en 1997 sur une augmentation de son capital, qui est entrée en vigueur en 1998. Les opérations financières visées dans le projet de loi doivent nous permettre d'effectuer les paiements. Elles doivent nous conférer le pouvoir de payer les montants correspondant à l'augmentation du capital.
La crise russe a certes eu des effets sur la banque, mais cette augmentation de capital n'est pas liée à la crise. Elle résulte en fait du succès relatif de la banque dans ses opérations de prêts aux pays qui relèvent de ses attributions. Les deux choses ne sont pas liées.
Le président: Peut-on demander ce que fait la BERD à la suite de la crise?
Mme Kalinowski: La banque avait des engagements en Russie, mais en grande partie dans le secteur privé et non pas dans le secteur public. Elle n'en a pas moins souffert à la suite de la crise. Elle n'a pas été touchée par le moratoire imposé sur le remboursement de la dette par le gouvernement parce qu'elle possède un statut de créancier privilégié et elle a continué à percevoir tous les versements sur ses créances officielles.
Le marasme économique a entraîné certaines difficultés au sein de son portefeuille. La banque a fait de fortes provisions pour se protéger contre toute perte potentielle en 1998, ce qui l'a amené à essuyer pour la première fois d'importantes pertes depuis qu'elle est en activité. Cela s'est monté à une somme de l'ordre de 468 millions de dollars canadiens. C'est le résultat des provisions effectuées de sorte que l'on pourra éventuellement en récupérer une partie.
Le président: Si ce montant a été de 468 millions de dollars en 1998, est-ce que vous prévoyez des pertes semblables en 1999?
Mme Kalinowski: Dans son budget, la banque envisage d'atteindre le seuil de rentabilité en 1999.
Les provisions qu'elle a effectuées ont été très généreuses en 1998 du fait des pertes enregistrées. Tout dépend de l'évolution de la situation en Russie. C'est dur à dire pour l'instant. Ces provisions pourraient suffire à couvrir les pertes potentielles. Sinon, la banque devra en faire davantage, auquel cas elle n'atteindrait pas le seuil de rentabilité, même en 1999. Il se pourrait qu'il y ait une légère perte.
Nous n'envisageons pas une autre année comme l'année 1998.
Le sénateur Bolduc: J'ai en main un article dans lequel on nous dit pour l'essentiel que le ministre va éventuellement faire d'autres paiements à la banque. Est-ce que le ministre avait auparavant ces pouvoirs? Je relève qu'à la partie 4 du projet de loi C-71, des modifications ont été apportées à la Loi de gestion des finances publiques pour conférer au ministre des pouvoirs qu'il n'avait pas auparavant. Est-ce qu'il y a une raison administrative de conférer au ministre des pouvoirs qu'il ne possédait pas jusque-là?
M. Doug Wyatt, avocat général, Services juridiques généraux, ministère des Finances: Sénateur, laissez-moi vous répondre tout de suite que «non». Ce qu'envisage la Loi sur les accords de Bretton Woods et autres n'est pas prévu à l'heure actuelle dans la Loi sur la gestion des finances publiques. On trouve cette formulation dans tous les projets de loi concernant les institutions financières internationales comme dans ce projet de loi, celui de Bretton Woods et les projets de loi administrés par l'ACDI. Ils traitent précisément de cette institution.
Le sénateur Bolduc: L'article 49 est donc particulier.
M. Wyatt: Il est particulier, oui.
Le sénateur Bolduc: Ma question suivante porte sur les clauses de confidentialité se rapportant à l'impôt sur le revenu en ce qui a trait à la Commission d'indemnisation des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse. Pourquoi avez-vous prévu une disposition légale précise dans ce cas et non pas dans d'autres?
M. Valeri: Dans le cas de la Nouvelle-Écosse et de la Commission d'indemnisation des accidents du travail, on nous a demandé de prévoir un échange d'information pour améliorer les vérifications qui étaient effectuées là-bas. L'explication, c'est qu'on nous a demandé de le faire.
J'imagine que si une autre province ou un autre organisme provincial nous présente la même demande, les ministères du gouvernement fédéral seront prêts à coopérer pour leur donner satisfaction. Ce n'est pas propre à la Nouvelle-Écosse, c'est une demande de sa part.
Le sénateur Bolduc: N'est-il par courant, cependant, que le ministère du Revenu, par exemple, ainsi que les administrations provinciales, s'échangent des renseignements au sujet des revenus des particuliers?
M. Valeri: Nous n'échangeons des renseignements que dans le cadre de la Loi sur la protection de la vie privée et seulement pour s'assurer de la conformité avec la loi. Lorsque quelqu'un présente une demande, tout échange de renseignement est limité par les lois existantes. Le gouvernement ou un ministère en particulier ne peuvent pas échanger tous les renseignements qu'ils veulent. Ils sont liés par une loi du Parlement concernant les renseignements susceptibles d'être échangés.
[Français]
M. Yves Giroux, agent de la politique de l'impôt, division de l'impôt des particuliers, ministère des Finances: Comme M. Valeri l'a dit, les transferts de l'information ne sont pas limités à la Nouvelle-Écosse, mais pour l'instant, c'est la seule province qui l'a demandé. Le libellé du projet de loi va permettre aux provinces qui vont le demander d'avoir accès aux mêmes renseignements.
Le sénateur Bolduc: Sans amendement au projet de loi?
M. Giroux: Selon le libellé du projet de loi, il est écrit que le ministère du Revenu peut effectuer un transfert à une commission des accidents du travail d'une province. On ne spécifie pas quelle province. Cela n'oblige pas le ministre de transférer ces renseignements, il est simplement écrit que le ministre peut les transférer.
Le sénateur Bolduc: Seulement à des commissions des accidents du travail ou à d'autre organismes également?
M. Giroux: Dans le projet de loi C-71, c'est limité aux commissions des accidents du travail.
Le sénateur Bolduc: Je vais maintenant m'adresser au ministre.
[Traduction]
Quelle logique applique-t-on pour ces commissions des accidents du travail et pourquoi ne fait-on pas la même chose avec les autres administrations?
M. Valeri: Je pense que la Commission des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse fait cette demande parce qu'elle croit, grâce aux renseignements de Revenu Canada, pouvoir mieux effectuer ses vérifications et enquêtes relativement aux demandes d'indemnité.
Le sénateur Bolduc: Mais comme je le disais à vos fonctionnaires, à la façon dont ce texte est rédigé, n'importe quelle Commission des accidents de travail, et donc pas uniquement celle de la Nouvelle-Écosse, pourrait obtenir les renseignements qu'elle demande parce que le ministre serait le seul à décider.
Je veux simplement savoir si vous êtes d'accord avec le principe de la communication de renseignements sur le revenu des particuliers. C'est très délicat. Ce qui nous distingue des dictatures, c'est que nous respections la vie privée des gens. Je n'aimerais pas qu'on communique partout des renseignements sur mon revenu.
Alors pourquoi accepte-t-on cela pour cette organisation et pas, par exemple, pour l'assurance-santé ou pour d'autres organismes?
M. Valeri: Je ne peux parler au nom de la Commission des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Bolduc: Je parle ici du fait que le gouvernement fédéral a demandé qu'on lui concède le pouvoir de communiquer certains renseignements. Je ne parle pas de ceux qui sont de l'autre côté de la barrière. Vous êtes d'accord avec ce principe?
M. Valeri: Oui, parce qu'une disposition du projet de loi nous autorise à communiquer des renseignements à tout organisme provincial en faisant la demande, dans les limites fixées par la Loi sur la protection des renseignements personnels. S'agissant de cette demande en particulier, je prétends qu'elle pourrait aider la Commission des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse à effectuer son enquête.
Le sénateur Bolduc: Je comprends très bien, parce que pour les destinataires de ces renseignements, c'est une question d'efficacité. Toutefois, devrions-nous céder à cet argument et ne devrions-nous pas plutôt refuser? Ce raisonnement pourrait nous entraîner dans bien des dédales. Il serait peut-être plus efficace de faire des choses autrement, mais le droit public a pour objet de protéger le droit des particuliers.
M. Valeri: Je vois ce que vous voulez dire. Nous stopperions certainement le flux d'information si un organisme ou un autre ordre de gouvernement demandeur n'utilisait pas ces renseignements aux fins prévues. S'il est effectivement question d'améliorer l'efficacité administrative, nous devons tout de même, dans tous les cas de figure, respecter les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements privés qui régissent la façon dont ces renseignements doivent être utilisés et par qui ils doivent l'être. Cette loi est là pour protéger les Canadiennes et les Canadiens relativement à l'utilisation de tous renseignements pouvant être échangés entre ministères ou ordres de gouvernement.
Le sénateur Bolduc: Mais aujourd'hui, avec les ordinateurs, bien des choses peuvent arriver. Je suis peut-être un petit peu trop vieux et je vis peut-être dans un autre monde, mais je n'aurais pas pu imaginer une chose pareille il y a 20 ans. C'est extraordinaire.
[Français]
M. Giroux: On doit amender le projet de loi parce que la province a suggéré que les entreprises puissent remettre leurs cotisations aux commissions des accidents du travail en même temps que leurs autres déductions à la source auprès de Revenu Canada. Si Revenu Canada voit le montant des déductions à la source payé aux commissions des accidents du travail, cette information ne fait pas partie, à proprement parler, dans son mandat. Cela devient donc une information confidentielle. C'est la principale raison pour laquelle on doit amender le projet de loi: Revenu Canada doit voir ces renseignements et accepter les déductions à la source pour les cotisations aux commissions des accidents du travail.
[Traduction]
Le sénateur Bolduc: Je veux poser quelques autres questions. D'abord, je m'interroge au sujet des nouveaux pouvoirs donnés au ministre. J'en ai parlé plus tôt. Il s'agit de la Partie IV. J'ai remarqué qu'on a changé les dispositions de la Loi sur l'administration financière afin de conférer de nombreux pouvoirs au ministre en matière de gestion de la dette, pouvoirs qui incombaient traditionnellement au gouverneur en conseil.
Si je comprends bien les changements en question, il s'agit de pouvoirs transférés du gouverneur en conseil au ministre. Le gouverneur en conseil prend des décisions et des décrets; maintenant, le ministre pourra faire la même chose dans bien des cas. Par exemple, à l'article 44, on peut lire que sous réserve des conditions appropriées, le ministre peut conclure des contrats ou des accords, émettre des titres et prendre toutes autres mesures relatives aux emprunts qu'il estime indiquées. C'est là un pouvoir très étendu. Je sais que le ministre en place est un homme très raisonnable et ce n'est pas de lui dont il est question. Cependant, je crains toujours qu'on accorde trop de pouvoirs aux ministres.
Quand des tels pouvoirs incombent au gouverneur en conseil, il y a des freins sous la forme des débats qui ont lieu et il existe un processus constitutionnel interne au gouvernement. En revanche, c'est tout à fait autre chose quand ces pouvoirs sont confiés à un ministère. Le ministre des Finances jouit déjà d'un pouvoir discrétionnaire énorme et nous allons lui en donner d'autres avec ce texte.
Par exemple, à l'article 45, on constate que si le ministre contracte des emprunts par voie d'adjudication, il peut fixer les règles destinées à régir la conduite de l'adjudication. Autrement dit, on lui donne un pouvoir de réglementation, mais il est précisé plus loin que les règles régissant la conduite de l'adjudication ne sont pas des textes réglementaires. Cela revient à dire que ces pouvoirs échappent au mécanisme d'examen fixé par la procédure parlementaire, qu'exerce le Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes sur l'examen de la réglementation. Encore une fois, c'est peut-être une question d'âge, mais j'éprouve des difficultés avec cela. Puis, à la fin de tout cela, le projet de loi stipule que le ministre peut être autorisé à conclure, aux conditions qu'il estime indiquées, des contrats d'option, des contrats dérivés, des contrats de swap et des contrats à terme.
Je comprenne peut-être mal le projet de loi, mais de la façon dont je vois les choses, nous sommes en train de donner des pouvoirs très étendus au ministre des Finances en matière de gestion de la dette. Nous ajoutons des pouvoirs qui, jusque là, étaient seulement réservés au gouverneur en conseil. Il est possible que je me trompe. D'ailleurs, j'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
M. Valeri: Sénateur, il me semble qu'un certain nombre de vos préoccupations ont été réglées par les amendements apportés par le comité de la Chambre, amendements qui se trouvent à donner ces pouvoirs au gouverneur en conseil. Peut-être n'avez-vous pas vu le projet de loi modifié et que vous regardez l'ancien.
Le sénateur Bolduc: Celui que j'ai sous les yeux a été adopté par la Chambre des communes le 10 mai 1999.
M. Valeri: Eh bien, à la suite de certaines modifications apportées en comité, aucun nouveau pouvoir n'est confié au ministre. Ces pouvoirs demeurent ceux du gouverneur en conseil.
Le sénateur Bolduc: C'est vrai dans le cas de l'article 44, mais les pouvoirs dont il est question aux articles 45 et 46 sont bien de nouveaux pouvoirs. Quoi qu'il en soit, je ne veux pas critiquer inutilement ce projet de loi, parce que j'avoue être entièrement d'accord avec vous en ce qui concerne l'article 49. Nous aurons un rapport spécial sur la gestion de la dette publique ce qui, je crois, est une bonne chose.
M. Wyatt: Sénateur, si vous me le permettez, comparez donc les mesures de ce projet de loi avec les dispositions de la loi actuelle et vous constaterez qu'il n'y a pas beaucoup de nouveaux pouvoirs qui sont transférés du gouverneur en conseil au ministre. Vous avez souligné que certaines dispositions donnent au ministre des pouvoirs qu'on ne trouve pas dans la loi. Par exemple, il y a celles concernant les règles de l'adjudication.
En principe, tous les pouvoirs conférés au ministre par la Partie IV sont de nature très technique. Le ministre soumet son budget à la Chambre, celle-ci vote et approuve la politique budgétaire. Pour lancer un nouvel emprunt, il faut qu'un projet de loi portant pouvoir d'emprunt soit soumis au Parlement. À ce stade, le ministre emprunte simplement l'argent aux meilleures conditions possibles. Sur le marché d'aujourd'hui, le gouvernement n'a pas une grande influence à cet égard. Donc, son rôle est essentiellement technique.
L'objet de ce projet de loi est de donner au gouvernement la possibilité d'agir rapidement quand le marché lui est favorable et d'emprunter aux meilleures conditions possibles. Il n'a aucun autre pouvoir à cet égard. Disons qu'il aurait peut-être un peu plus de latitude qu'avant pour conclure les meilleurs contrats possibles en vertu des conditions du marché.
Le sénateur Bolduc: Mais les règles prévues à l'article 45 ne sont pas des textes réglementaires. Vous êtes bien d'accord avec cela.
M. Wyatt: Tout à fait, sénateur. Vous savez, c'est un petit club. Vous avez ici quelqu'un de la gestion de la dette publique qui pourrait vous en parler beaucoup mieux que moi. Il n'y a qu'environ une vingtaine d'autres personnes qui participent à ces autres adjudications. Celles-ci ont obéi à des règles jusqu'à présent. Nous avons simplement formalisé le processus. Il doit y avoir des règles établissant qui peut participer et comment. Ces dispositions ne font qu'officialiser le processus existant.
Le sénateur Bolduc: Et la façon la plus efficace, pour vous, consiste à donner au ministre le pouvoir de contracter des emprunts par voie d'adjudication, aux conditions qu'il fixe. C'est cela?
M. Wyatt: En un sens, le ministre se trouve à vendre les propriétés du gouvernement. Il peut toujours dire: «Je les vends à telle ou telle condition et si vous n'aimez pas ces conditions, eh bien vous n'avez qu'à pas vous présenter à la vente». Soit vous vous conformez aux règles des soumissions sur les propriétés, soit vous ne soumissionnez pas. Le ministère vend une partie de notre dette. Il le fait par le biais d'un processus de soumission auquel personne n'est tenu de participer.
Le sénateur Bolduc: Pour ce qui est de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, il est de moins en moins question d'arbitrage exécutoire. Est-ce parce que le gouvernement ne veut pas ses budgets soient influencés par l'arbitrage?
M. Valeri: Je dois dire que cela tient à plusieurs raisons. D'abord, nous voulons pouvoir maintenir le cap sur le plan financier et ne pas courir de risques à cause d'une décision exécutoire rendue par une tierce partie. Il y a aussi la question de la mise en oeuvre de la norme de classification universelle, qui est une initiative globale découlant de la réforme de la fonction publique.
Nous voulons, comme nous le disons, pouvoir atterrir en douceur après avoir traversé une période très difficile du point de vue financier, et nous voulons aussi avoir la possibilité de poursuivre les négociations. Les syndicats peuvent toujours se prévaloir d'autres mesures.
Le sénateur Bolduc: Ainsi, selon vous, cela tient plus à la conjoncture.
M. Valeri: Cela tient aux circonstances du moment. C'est une phase que nous devons traverser pour nous assurer d'atteindre les objectifs fixés afin que les contribuables puissent recevoir les avantages que nous leur avons promis.
Le président: Honorable sénateurs, deux lettres ont été déposées auprès du comité, dont l'une de l'Alliance de la fonction publique du Canada, que je vous lis:
Le projet de loi C-71 marque la deuxième fois où la procédure de règlement des différends par arbitrage est annulée pour les travailleurs de la fonction publique. Cela étant, si ce projet de loi devait être adopté, les employés de la fonction publique fédérale n'auraient plus la possibilité de régler leurs différends avec leur employeur par le biais de l'arbitrage pendant cinq ans, ce qui représente deux séries de négociations complètes dans la plupart des cas.
La deuxième lettre nous vient de l'Association des employé(e)s en sciences sociales. Voici ce qu'on peut lire au premier paragraphe:
L'Association des employé(e)s en sciences sociales (AESS) est l'agent de négociation qui représente plus de 5 800 employés spécialisés de la fonction publique fédérale. Cela fait plus de 10 ans que L'Association et ses membres n'ont pas le droit de recourir à l'arbitrage dans le cadre des négociations avec leur employeur. On peut effectivement établir que le gouvernement, par le biais des lois qu'il adopte, a considérablement sapé le processus de négociation collective et que, dans le projet de loi C-71, il continue de refuser un droit fondamental à ses employés.
Les représentants de l'AFPC n'ont pu se rendre à l'invitation du comité de la Chambre des communes à cause du peu de temps accordé pour l'examen de ce projet de loi. Autrement dit, le gouvernement essaie de le faire adopter à toute vitesse.
Pendant combien de temps encore va-t-on continuer de refuser ce type de recours aux employés de la fonction publique? Comme le disent les représentants de l'AESS, ils n'ont pas le droit de se prévaloir de l'arbitrage depuis 10 ans. Notre économie est florissante depuis un certain temps déjà. L'avenir semble prometteur sur le plan des rentrées de fonds publics, puisque les revenus d'impôt ont considérablement augmenté. Vous l'avez vous-mêmes admis: on parle de 41 millions de dollars annuellement.
Quand allez-vous déclarer à ces gens-là que vous leur redonnez ce droit? Ou alors, avez-vous l'intention d'éterniser cette situation? Si c'est le cas, soyez honnêtes avec eux et dites-le-leur.
M. Valeri: Le comité doit comprendre que lors de la dernière série de négociations collectives, en 1997-1998, quand le recours à l'arbitrage a été suspendu, l'employeur a pu conclure des ententes collectives avec plus de 97 p. 100 de ses employés syndiqués.
En l'absence d'arbitrage exécutoire, comme c'est actuellement le cas -- et nous avons l'intention d'étendre cette mesure jusqu'en 2001 en vertu du projet de loi C-71 -- l'employeur est disposé à examiner d'autres mécanismes de règlement des différends, selon les circonstances. À l'évidence, cela dépendra de l'entente entre les parties.
Pour en revenir à votre question, monsieur le président, nous ne sommes pas en mesure d'y répondre pour l'instant. Il est clair que le projet de loi C-71 a pour objet de suspendre et non de retirer à tout jamais l'arbitrage exécutoire. Voilà pourquoi nous disons que cela prendra fin en 2001.
En 2001, le gouvernement en place devra prendre une décision en fonction des circonstances du moment. Cependant, je vous répète que notre intention est de ne pas éterniser cette situation. Comme vous le disiez, l'économie se porte bien dans certains secteurs. Nous sommes en train par ailleurs de mettre en place un nouveau système de classification universelle. Avec tout cela, nous envisageons de conclure des règlements négociés avec les employés de la fonction publique.
Je vais inviter un des fonctionnaires du Conseil du Trésor à vous en dire plus à ce sujet, monsieur le président.
Mme Linda Gobeil, secrétaire adjointe, Division des relations de travail, Direction des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor: Je tenais à préciser à votre honorable assemblée que nous avons conclu des accords avec 97 p. 100 des employés représentés par les deux agents de négociation dont vous venez de parler. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que les parties peuvent recourir à d'autres outils pour parvenir à des ententes entre elles. Il y a les conciliateurs, les médiateurs, les enquêtes factuelles et ainsi de suite. Ces outils ont donné des résultats lors de la dernière série de négociations et les parties pourront continuer de s'en prévaloir à l'occasion de la série que nous venons d'entamer. Nous avons d'ailleurs remporté déjà quelques succès et cela même si l'arbitrage obligatoire est toujours suspendu. Nous sommes même parvenus, dans le cadre de ce nouveau régime, à signer des conventions collectives avec différents syndicats.
Le président: Ces ententes ont-elles été négociés ou imposées? En l'absence d'arbitrage, il est possible que les gens se soient sentis obligés d'accepter une augmentation de 2 p. 100, parce qu'ils pouvaient avoir l'impression de ne pas avoir le choix. Il y a tout de même eu un mouvement de grève. Récemment, notre comité a étudié ce qui se passe dans la fonction publique. N'oubliez pas que, dans notre rapport, nous indiquons que les employés de la fonction publique ne sont pas contents de leur sort.
Par ailleurs, que voulez-vous dire exactement par «cette phrase»? Combien de temps celle-ci va-t-elle durer? Il est évident que vous pouvez toujours leur offrir quelque chose. Grâce à la restructuration en cours, les employés de la fonction publique obtiendront davantage par le biais d'un déblocage des échelles salariales.
Ce qui m'inquiète, c'est que vous leur offrez effectivement 2 p. 100 mais que, du même coup, vous augmentez leur contribution au RPC et au régime de retraite. Cela étant, quelle est leur augmentation nette? Ils ne reçoivent rien. En fait, ils reçoivent même moins. Si vous les acculez au pied du mur relativement à leur retraite et avec ce que vous appelez la «phase actuelle», quel espoir leur reste-t-il?
Et voilà vous venez nous dire que vous avez «réussi» à négocier des ententes. Pour moi, ce n'était pas de la négociation: vous leur avez imposé des règlements. Ils n'avaient pas le choix. J'estime que vous devez nous dire quand vous avez l'intention de mettre un terme à cette phase. Avez-vous fixé une échéance?
M. Valeri: Oui, 2001, la date qui est prévue dans le projet de loi C-71. Je ne peux pas m'engager pour ce qui viendra après relativement aux dispositions du projet de loi. Le moment venu, nous reverrons la loi et, si les circonstances nous le permettent, nous changerons les choses. Cependant, pour l'instant, le recours à l'arbitrage obligatoire est suspendu pour deux autres années.
Le président: Je comprends fort bien. Toutefois, qu'entendez-vous par «cette phase»? Comment pouvez-vous parler d'une «phase» quand vous nagez dans l'argent et que vous recevez énormément de fonds additionnels? Alors, s'il vous plaît, qu'entendez-vous par ce terme?
M. Valeri: La phase à laquelle je faisais allusion dans mon exposé, sénateur, est liée à la période très difficile que nous venons de traverser sur le plan des finances gouvernementales, et une partie de ce programme avait pour objet de nous permettre de répondre à nos engagements sans devoir nous plier à un arbitrage exécutoire imposé par une tierce partie, arbitrage qui aurait provoqué un déraillement financier du gouvernement. En outre, la classification fait partie de ce que j'ai baptisé «phase».
Quant à vous dire de façon absolue quand cette phase prendra fin, je ne peux que vous répéter que nous avons fixé la date à 2001. Pour ce qui viendra après, je ne peux pas me prononcer.
Le président: Je comprends. Quoi qu'il en soit, vous n'offrez que peu d'espoir à ce sujet. Ce qui m'inquiète, ce qui m'inquiète vraiment, c'est que le moral de la fonction publique est au plus bas. C'est du moins la conclusion que nous avons tirée dans notre rapport. Les choses ne se sont pas améliorées sur ce plan et je ne vois rien qui puisse permettre une amélioration. Ainsi donc, comment pouvez-vous vous présenter ici, devant nous, proposer une prolongation de la suspension de l'arbitrage obligatoire et limiter les augmentations des employés de la fonction publique à 2 p. 100 -- alors que ces même employés viennent de connaître six années de blocage salarial -- et vous attendre à ce que ces gens-là soient heureux? Ce n'est pas une question, c'est une simple remarque.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: Ma question a trait à la prestation fiscale pour les enfants. Il y aura augmentation de cette prestation aux enfants dans le besoin. Au moment du discours du budget, tout le monde s'est réjoui de savoir que les enfants auraient une prestation fiscale plus élevée cette année.
On sait qu'un enfant sur cinq vit dans la pauvreté au Canada. Ces statistiques n'ont jamais été contredites, en tout cas, pas à connaissance. Est-ce qu'on a fait certaines projections pour savoir si cette augmentation de la prestation fiscale aux enfants va permettre de diminuer le nombre d'enfants qui vivent dans la pauvreté ou si on ajoute simplement de l'argent? Est-ce qu'on s'attaque au vrai problème?
[Traduction]
M. Valeri: Bonne question! La prestation fiscale pour enfants est surtout destinée aux travailleurs pauvres. Mais votre question va au-delà, parce que vous parlez des enfants pauvres élevés dans des familles éventuellement sans travail.
Le programme de prestation fiscale pour enfants a pour objet d'aider les Canadiennes et les Canadiens qui, même s'ils ont un travail, sont pauvres. L'objectif est de permettre à ces personnes de demeurer dans la population active tout en bénéficiant d'une aide financière de l'État. J'ai dit, dans mon exposé, qu'une personne gagnant 20 000 $ recevrait environ 3 750 $ en prestation du genre. Celle-ci est ciblée sur les pauvres qui ont un emploi. Je vais demander aux fonctionnaires de répondre directement à votre question pour vous expliquer les répercussions de cette prestation sur les enfants pauvres du Canada et pour vous dire si, grâce à ce programme, nous avons ainsi réduit le nombre d'enfants pauvres.
Le sénateur Lavoie-Roux: Quand cette mesure a été mise en oeuvre, il y a quelques années, tout le monde espérait qu'elle permettrait d'aider les enfants pauvres. Il est tout à fait honorable de quasiment doubler les sommes qu'on leur verse, mais avant d'appliquer cette mesure, a-t-on effectuer une étude à ce sujet? A-t-on fait des projections? La prestation n'a aidé en rien, parce que le nombre d'enfants pauvres a en fait augmenté. Si nous doublons ce que nous versons aux familles, peut-on s'attendre à ce que cela ait un effet positif sur les enfants pauvres? Ou alors, allons-nous nous rendre compte dans un an ou deux qu'un enfant sur quatre est pauvre? Aujourd'hui, si je ne m'abuse, il y en a un sur cinq qui est pauvre.
[Français]
Mme Sylvie Rocheleau, Direction de la politique de l'impôt principal, ministère des Finances: Pour répondre à votre question concernant la prestation nationale pour enfants, il s'agit d'une initiative fédérale-provinciale. Une partie importante de ce processus est d'évaluer l'impact de cette mesure sur nos objectifs qui sont d'accroître les incitatifs au travail pour les parents qui bénéficient de l'aide sociale.
Les ministres des services sociaux du Canada on publié récemment un rapport qui établit la situation à l'an zéro. Chaque année, ils vont publier un rapport qui fera état de la situation. On espère démontrer que grâce à nos programmes, on réussit à réduire la pauvreté chez les enfants.
Le sénateur Lavoie-Roux: La première prestation accordée ne semble pas avoir eu d'effets très positifs puisque la pauvreté a augmenté chez les enfants.
Mme Rocheleau: Il n'y a pas vraiment d'indicateurs reconnus de pauvreté au Canada. Plusieurs mesures sont utilisées. Celle qui est la plus utilisée est publiée par Statistique Canada. Cela ne donne pas nécessairement un bon aperçu du nombre d'enfants qui vivent dans la pauvreté.
Il y a un consensus général que trop d'enfants vivent dans des familles pauvres. Il faut faire quelque chose pour améliorer cette situation. Le choix des gouvernements est d'encourager les parents à demeurer sur le marché du travail ou à accéder au marché du travail en pensant que l'on pourra ainsi réduire la pauvreté.
Il y a différentes mesures du niveau de pauvreté dont le degré de pauvreté par rapport aux autres. La première tranche mise en oeuvre il y a moins d'un an a eu pour effet d'accroître le revenu disponible des familles à faible revenu et donc à réduire dans une certaine mesure la pauvreté chez les enfants. Est-ce que cette augmentation a permis à ces enfants de ne plus être pauvres? Ils sont probablement moins pauvres qu'avant mais ils sont probablement toujours un peu pauvres.
Le sénateur Lavoie-Roux: Par rapport à la statistique d'un enfant sur cinq, depuis que la prestation est là, la pauvreté n'a pas diminué, elle a augmenté. On surveillera cela l'an prochain.
Tout le monde est content que l'on donne de l'argent pour aider les enfants pauvres. Ce n'est pas le gouvernement actuel, c'est le gouvernement précédent qui avait dit qu'en l'an 2000, il faudrait diminuer la pauvreté chez les enfants. On n'est pas loin de l'an 2000. Il semble y en avoir plus que lorsque l'engagement a été pris. Quelque chose ne fonctionne pas en quelque part. Il faut y réfléchir. Est-ce qu'on a de meilleurs moyens? Cette question m'inquiète toujours.
Le sénateur Fraser: Le Québec ne participe pas à ce programme?
Mme Rocheleau: Le Québec ne participe pas comme tel au programme.
Le sénateur Fraser: Les chiffres sont par province. Si 20 p. 100 des enfants canadiens vivent dans la pauvreté, une partie de ces 20 p. 100 au Québec ne seront pas touchés. Vous allez nous fournir des renseignements par province.
Mme Rocheleau: Je vous invite à consulter le rapport publié il y a moins d'un mois par les ministres des services sociaux lors de la rencontre à Québec.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il d'autres questions des membres du comité?
Monsieur, vous aurez pu trouver que j'ai tempêté quelques fois, mais je tiens à vous remercier d'avoir comparu devant notre comité cet après-midi.
Chers collègues, nos prochains témoins sont les représentants de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.
Vous avez la parole.
M. Steve Hindle, président, Institut profession de la fonction publique du Canada: En février 1999, le comité sénatorial permanent des finances nationales a déposé un rapport devant le trente-sixième Parlement sur les questions de maintien et de rémunération à la fonction publique. Dans une lettre du 3 mars 1999 adressée au Président du comité, le sénateur Stratton, j'ai félicité le comité pour avoir conçu un rapport exceptionnel. À mon point de vue, celui-ci donne l'heure juste sur le moral des fonctionnaires fédéraux et les conditions de travail de nos membres. Les recommandations du rapport forment un plan détaillé qui vise à nous donner les moyens de régler cette situation.
Malheureusement, le rapport venait tout juste de sortir des presses que le gouvernement retirait à coup de loi des droits à ses employés en imposant des pratiques en matière de ressources humaines. Cette tendance, sur laquelle nous allons nous pencher aujourd'hui, est l'une des principales causes de la détérioration du milieu de travail des fonctionnaires fédéraux.
En ma qualité de président de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, je suis ici pour représenter 29 000 de nos membres dont la vie professionnelle est déterminée par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. En faisant appel au projet de loi C-71, la Loi d'exécution du budget de 1999, le gouvernement en place vous demande d'amender la loi de manière à priver les fonctionnaires fédéraux de l'arbitrage exécutoire comme mode de règlement des différends.
De prime abord, cet amendement semble plutôt sans importance comparativement à des initiatives législatives plus osées comme la Loi sur la réforme de la fonction publique en 1992. Toutefois, je peux vous assurer qu'il ne s'agit pas d'un amendement anodin. Il nous lance en plein visage l'hypocrisie d'un gouvernement qui, d'une part, prétend promouvoir une démocratie participative et la suprématie du droit pour ses citoyens mais, d'autre part, va à l'encontre de ses déclarations publiques par ses gestes comme employeur.
Je vous demande de bien analyser les faits et commentaires avancés dans notre mémoire, sans oublier les conséquences à court et à long terme de l'intervention législative proposée.
La partie III, paragraphe 19(1) de la Loi d'exécution du budget de 1999 suspend l'application des articles 64 à 75.1 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique jusqu'au 20 juin 2001. En vertu de la LRTFP, il existe deux modes de règlement des différends: la conciliation/grève et l'arbitrage exécutoire obligatoire.
Lorsque la LRTFP est entrée en vigueur en 1967, on disait qu'elle mettait en place un système de relations du travail innovateur dans la fonction publique parce qu'on avait accordé une grande importance à un juste équilibre entre les besoins des citoyens pour des services publics et le droit des fonctionnaires fédéraux à être traités équitablement tant individuellement que collectivement, dans leurs rapports avec leur employeur, le gouvernement fédéral.
La négociation collective existait dans le secteur privé canadien depuis le début des années 1900, mais ce n'est qu'au milieu des années 60 qu'elle est apparue dans le secteur public. À partir de la déclaration catégorique que «la Couronne ne négocie pas avec ses sujets», on en est venu à garantir que l'intérêt public était protégé en limitant les droits à la négociation collective des employés du secteur public. La LRTFP, contrairement aux lois qui s'appliquent aux employeurs et employés du secteur privé, a mis une grande variété de moyens à la disposition du gouvernement fédéral, dans son rôle d'employeur, dans le but de limiter les droits à la négociation collective.
Voici quels sont les principaux moyens en question: premièrement, un processus destiné à désigner des employés dans certains lieux de travail pour les empêcher de faire la grève lorsque leur travail est vu comme ayant des conséquences sur la santé et la sécurité des Canadiens; deuxièmement, l'exigence pour les commissions d'arbitrage de rendre des décisions basées sur quatre facteurs précis en matière de rémunération et des autres conditions d'emploi; troisièmement, la permission pour l'employeur de conserver plein contrôle des règles de dotation et de cessation d'emploi, de l'organisation et de l'évaluation du travail; quatrièmement, ce qui est plus récent, depuis 1992, le gouvernement fédéral peut demander au Cabinet qu'un ministre ordonne un vote sur sa dernière offre à l'agent négociateur.
La Loi d'exécution du budget qui est proposée soulève certaines questions. Pourquoi alors l'arbitrage exécutoire doit-il être refusé aux fonctionnaires fédéraux? L'employeur préfère-t-il les grèves? Existe-t-il d'autres motivations ou explications?
Je ne vous commenterai pas les tableaux contenus dans le mémoire, mais je vais vous décrire brièvement ce dont il y est question. Nous aimerions revenir à la table de négociations après six ans d'absence et nous voulons savoir pourquoi l'arbitrage a été suspendu.
Voici les questions que nous notons: de quoi l'employeur a-t-il peur? À la fin des années 80, alors qu'il comptait parmi ses rangs plus de 200 000 employés, seulement quelques unités de négociation ont eu recours à une tierce partie pour régler leurs différends en matière de négociation. On a dit que le budget de 1999 était un budget de la santé. Ironiquement, pour les professionnels des soins de santé dans la fonction publique fédérale, le budget 1999 signifie qu'on leur refuse toute chance de résoudre leurs différends si le processus de négociation ne fonctionne plus.
Comment est-ce possible? L'employeur a demandé la désignation de 85 à 130 p. 100 des employés actuels du nouveau groupe Services de santé. Ce groupe se compose de professionnels qui oeuvrent dans les domaines suivants: sciences infirmières, art dentaire, médecine, nutrition et diététique, psychologie, travail social, pharmacie, ergothérapie et physiothérapie, de même que médecine vétérinaire.
Les différences dans les pourcentages s'expliquent par le fait que divers pourcentages ont été appliqués aux différents emplois. Par conséquent, la conciliation/grève n'a plus aucune signification pour ce groupe. L'Institut professionnel est d'accord avec l'un des auteurs de la LRTFP, Jacob Finkleman, qui disait en 1983 que la décision de 1982 des tribunaux au sujet des désignations en vigueur déclarait que le droit à la grève en vertu de la LRTFP n'était pas nécessairement un droit en pratique. Si un grand nombre d'employés sont désignés, la capacité d'un agent négociateur est détruite car il n'aura plus accès à une méthode efficace, devant les tribunaux, pour résoudre une impasse. L'accès à l'arbitrage exécutoire revêt donc une importance primordiale. Le groupe Services de santé est également le seul groupe de l'Institut à prédominance féminine au service du Conseil du Trésor.
Voyons les choses en face en suspendant l'arbitrage jusqu'en 2001, le Parlement fait fi des droits des professionnels des soins de santé à un traitement équitable. Comment une telle intervention législative peut-elle protéger l'intérêt public des Canadiens?
Le sujet suivant concerne le respect du cadre de la négociation collective établi par la LRTFP pour les employés et l'employeur de la fonction publique. Dans ce tableau, nous avons énuméré les différentes lois qui, depuis 1975, ont empiété sur les droits prévus dans la LRTFP depuis la fin des années 60.
Inutile d'entrer dans les détails, la performance est très claire. Entre 1982 et 2001, le gouvernement fédéral a modifié les règles de la négociation collective à sept reprises. Aucun établissement économique de renom au Canada n'a affirmé que les gestes du gouvernement fédéral lui permettaient d'atteindre ses objectifs économiques en limitant les droits de ses employés à la négociation collective.
De plus, les Nations Unies, par l'intermédiaire de l'Organisation internationale du travail, a réprimandé les gouvernements canadiens à 33 reprises, entre 1980 et 1998. Dans le cas du gouvernement fédéral, il a été réprimandé cinq fois au sujet de ses restrictions à la négociation collective parce qu'il ne pouvait prouver qu'il y allait de l'intérêt public. Ces 33 réprimandes faisaient suite à 40 plaintes de l'OIT.
Terre-Neuve (1984), le Québec (1990) et l'Ontario (1996) se sont vu conseiller d'amender la loi afin de permettre un arbitrage indépendant pour les employés qui avaient été désignés.
Où est donc le véritable intérêt public? Comment peut-on s'attendre à ce que les fonctionnaires fédéraux respectent la suprématie du droit alors que l'employeur s'empresse de se coiffer de son chapeau de législateur et de changer les règles du jeu à son avantage? Avec une telle performance, je crois qu'il est tout à fait juste de conclure que cet employeur, contrairement à la vaste majorité au pays n'est nullement enclin à se comporter de manière sérieuse en matière de relations du travail. Avec le temps, le gouvernement fédéral a tenté de recourir à des moyens plus brutaux et plus punitifs envers ses employés, tout en les incitant à travailler de manière plus productive et à être plus à l'écoute des besoins des citoyens canadiens.
Dernièrement, l'employeur a démontré son intolérance envers des employés qui recouraient à leur droit légal à la grève en vertu de la LRTFP. Parce que les agents du Service correctionnel allaient se retrouver en situation de grève légale le 26 mars 1999, le gouvernement a proposé une loi sur le retour au travail, le projet de loi C-76, le 22 mars. On leur a ordonné de retourner au travail le 30 mars 1999.
Les grèves dans le secteur public fédéral sont rares. Toutefois, même avec le droit de l'employeur de déterminer quels services ne peuvent être retirés, les retours au travail avec intervention du législateur demeurent monnaie courante. La tradition canadienne dans de telles situations est de transmettre les points en litige à un tribunal exécutoire. Dans le cas des agents du Service correctionnel, l'employeur avait préparé un projet de loi qui non seulement ordonnait le retour au travail des employés CX, mais qui réglait unilatéralement les questions en suspens relatives aux salaires et avantages sociaux. On a eu recours à la même loi pour menacer les 14 000 cols bleus: signez la convention collective ou nous vous imposerons des salaires et des conditions de travail.
La ronde de négociations de 1999 s'annonce houleuse, sans la possibilité de recourir à l'arbitrage exécutoire ni à la grève légale. Peut-on encore parler de négociation collective?
Je vais vous lire un extrait du cinquième rapport annuel au premier ministre sur la fonction publique du Canada, celui de 1998, signé par Mme Jocelyne Bourgeon, alors greffière du Conseil privé:
Avec tout le pouvoir et toute l'autorité du monde, on ne peut commander la créativité ni forcer l'innovation. On ne peut ordonner l'émergence de nouveaux résultats. Une nouvelle approche à la gestion s'impose. Une approche qui crée un climat de confiance, encourage la collaboration et crée un sentiment d'appartenance. Une approche qui reconnaît l'importance de partager l'expérience du pouvoir pour atteindre une plus grande responsabilisation collective.
L'ère de la commande et du contrôle tire à sa fin depuis un certain temps déjà. En 1992, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a été revue et amendée par l'intermédiaire de la Loi sur la réforme de la fonction publique. Personne n'a sonné l'alarme au sujet de l'inefficacité de la LRTFP à protéger l'intérêt public. L'arbitrage et la conciliation/grève ont tous deux été confirmés comme faisant partie des «règles d'engagement» de la négociation collective. Il est temps de respecter ces règles -- si l'on veut que la suprématie du droit conserve toute sa signification pour les fonctionnaires fédéraux.
Nous avons une recommandation à vous faire, monsieur le président; elle est simple et directe: il faut supprimer le paragraphe 19(1) de la Loi d'exécution du budget. Il faut cesser de pénaliser les fonctionnaires fédéraux pour lesquels l'arbitrage demeure le seul recours efficace. La suspension de l'arbitrage ne peut qu'accroître la dissension au sein de la fonction publique et amener la confrontation; les récents événements à Terre-Neuve et en Saskatchewan en sont la preuve. À une époque où la collaboration et le partenariat sont essentiels, cet amendement ne contribuera pas à des relations du travail constructives dans le secteur public fédéral.
Le projet de loi C-71 prouve, sans l'ombre d'un doute, que le gouvernement ne comprend toujours pas, ni n'accepte d'ailleurs, la nécessité de se pencher sur les besoins urgents de la fonction publique, comme l'indique le rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Tant ce projet de loi que son jumeau, le projet de loi C-78, font une gestion à coup de loi. Le projet de loi C-78 s'il est adopté sans être amendé, légiférera une augmentation des cotisations au régime de pensions accompagnée d'une réduction du salaire net, tout en s'accaparant du surplus accumulé auquel ont contribué les employés.
Ces projets de loi enveniment les problèmes cernés par le Comité sénatorial dans son rapport en mettant la hache dans le moral d'employés, qui en ont assez.
La fonction publique du Canada a atteint un point critique dans son histoire en tant qu'institution professionnelle sans allégeance politique apte à servir les Canadiennes et Canadiens. La décennie qui prend fin a épuisé toute l'équité que l'on pouvait encore trouver au sein de l'organisme. Il est grand temps qu'il réinvestisse dans ses employés s'il ne veut pas perdre sa réputation d'institution de calibre mondial.
Nos membres ont choisi de faire carrière au sein de la fonction publique, car ils croient pouvoir contribuer au bien-être économique et social des Canadiennes et Canadiens. Une décennie de gestion boiteuse aura ébranlé cette culture organisationnelle.
Le gouvernement abuse effrontément de son pouvoir en s'en remettant toujours plus aux lois pour imposer les conditions de travail de ses employés. La révision législative du projet de loi C-71 nous fournit la rare occasion de prendre les moyens d'agir conformément à votre rapport. Je ne saurais vous inciter plus fortement à vous prévaloir de votre prérogative et d'abolir le paragraphe 19(1) de la Loi d'exécution du budget.
Monsieur le président, nous sommes à présent prêts à répondre à vos questions.
Le président: Avant vous, monsieur Hindle, nous avons entendu M. Tony Valeri, secrétaire parlementaire pour le ministre des Finances qui nous a expliqué que cette mesure serait maintenue jusqu'en 2001. Quand je m'en suis enquis, il m'a répondu -- et nous pourrions vérifier le procès-verbal par souci d'exactitude -- que le ministère essaie encore de respecter le principe des budgets équilibrés, même si les recettes ont considérablement augmenté et que l'on enregistre maintenant un surplus de quelque 10 milliards de dollars qui, toutes choses étant égales par ailleurs sur un plan économique, pourrait passer à 15 milliards de dollars au cours des deux ou trois prochaines années.
Vous êtes-vous entretenu avec des gens du ministère des Finances sur l'intention globale en matière de restructuration de la fonction publique? Ces gens-là sont-ils venus vous voir pour vous dire: «il s'agit là d'une phase nécessaire par laquelle nous devons passer mais, après cela, nous croyons que nous aurons atteint un certain équilibre. Nous reconnaissons que vous avez été mis à contribution et, à l'occasion de cette restructuration de la fonction publique, nous allons vous donner la possibilité de vous rattraper.» Le ministère a-t-il fait cela?
M. Hindle: Les fonctionnaires du ministère des Finances n'ont pas ouvert la porte pour essayer de nous expliquer ce dont il retourne. S'il s'agit d'une phase que traverse le gouvernement, force est de constater qu'elle est plutôt longue et qu'on devrait peut-être parler d'«ère». Appelons un chat un chat, puisqu'elle correspond à une décennie, c'est-à-dire de 1991 à 2001. On aura enregistré sept interventions pendant ces 20 années, couvrant 16 années sur 20. C'est plutôt long comme phase. Certes, elle a débuté sous les gouvernements précédents qui parlaient de la nécessité d'en arriver à un budget équilibré. Le gouvernement de l'époque en parlait déjà beaucoup en 1991 quand il nous a imposé un gel des salaires et a limité notre augmentation à 3 p. 100 l'année suivante. Mais ça n'a pas suffi, puisqu'on nous a imposé quatre autres gels salariaux par la suite.
J'ai l'impression que ce gouvernement a maintenant peur qu'un arbitre examine ce qui s'est passé et détermine que tout cela fut fort regrettable et qu'il faut à présent remédier à la situation. Je ne pense pas que le remède serait extrême et je continue à penser que la négociation collective pourrait encore fonctionner. D'ailleurs, nous avons prouvé qu'elle peut fonctionner sans la grève.
J'ai donc l'impression que le gouvernement a peur que ses politiques et pratiques en matière salariale au sein de la fonction publique fassent l'objet d'un examen par une tierce partie indépendante. J'emploie ici délibérément le qualificatif «indépendante», parce que le gouvernement peut tout de même décider de qui peut ou ne peut pas être arbitre.
Ce faisant, on suppose a priori que les arguments que le gouvernement fournirait à l'arbitre ne seraient pas suffisants pour parvenir à des ententes négociées semblables à celles qu'il nous a extirpées dans le cadre de l'actuel processus de négociation collective plutôt coercitif. Autrement dit, le gouvernement ne veut pas qu'on examine ses positions.
Les agents de négociation et surtout l'Institut professionnel estime que l'approche du gouvernement et ses offres ne résisteraient pas à l'examen d'une personne indépendante, et c'est pour cela qu'il ne veut pas risquer de s'y soumettre.
Nous craignons que ce prolongement de deux ans ne soit que le début de la fin de l'arbitrage, ni plus ni moins.
Si quelques employés n'ont pas le droit de priver le gouvernement de leurs services et qu'ils ne peuvent recourir à aucune autre méthode de règlement des différends, et si le gouvernement utilise des leviers économiques dans les négociations, celles-ci s'éterniseront et les employés en sortiront amers et très désillusionnés. À vous dire très franchement, c'est l'un des facteurs qui nous incite à trouver d'autres mécanismes de prestations de service à nos membres, surtout pour leur donner la possibilité de trouver un emploi à l'extérieur de la fonction publique fédérale.
Le président: Il n'y a donc pas eu de tentative de rapprochement. Vous affirmez qu'en proposant ce prolongement jusqu'en 2001, le gouvernement ne fait que remettre à plus tard un problème très grave.
M. Hindle: Tout à fait.
Le président: Et s'il prolonge cette mesure jusqu'en 2001, il est fort probable qu'il veuille continuer par la suite. J'ai voulu savoir pendant combien de temps on continuerait ainsi et M. Valeri m'a dit qu'il ne pouvait s'engager que jusqu'en 2001. Voilà un discours qui ne m'est pas étranger.
En 1991, nous traversions une grave récession et nous avions d'importants déficits budgétaires. Or, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Je crains que, bien que nous ne soyons plus dans la même situation, le gouvernement insiste pour demeurer dans cette voie sans nous laisser entrevoir la lumière au bout du tunnel.
Le gouvernement a-t-il indiqué son intention de restructurer la fonction publique ou de prendre des mesures particulières?
M. Hindle: Nous n'avons rien entendu à cet égard. Le gouvernement n'a absolument pas essayé de nous expliquer la situation. En fait, même le ministre des Finances m'a dit que c'était la dernière fois qu'on prolongeait cette mesure et qu'en 2001 nous aurions de nouveau droit à l'arbitrage, mais je ne sais pas si nous pouvons le croire. Lors de la campagne pour les élections fédérales de 1993, le parti au pouvoir avait très clairement déclaré qu'il reviendrait à la négociation collective pleine et entière. En revanche, il ne nous a pas dit qu'avant de revenir à cette négociation collective pleine et entière, nous aurions encore à subir deux autres années de gel salarial, plus deux années sans augmentation d'échelon de salaire. Après cela, il est revenu à la table des négociations, mais après que les salaires des employés de la fonction publique eurent été gelés pendant deux autres années. C'est à ce moment-là qu'il a voulu restreindre l'arbitrage. Et c'est à ce moment-là que nous avons perdu ce droit une première fois pour trois ans.
Le moment est maintenant venu pour le gouvernement de se plier aux dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et aux règles que le Parlement a fixées quand il a adopté cette loi puis qu'il l'a réexaminée en 1992 pour confirmer l'arbitrage en tant que méthode de règlement des différends. Quant à nous, il faudrait suivre ces règles pour la prochaine série de négociations collectives. Il est temps que le gouvernement respecte l'engagement qu'il a pris dans cette loi du Parlement.
Le sénateur Bolduc: J'ai cru comprendre que le gouvernement fédéral veut maintenir cette mesure pendant deux ou trois autres années, comme le propose le projet de loi, à cause de la mise en oeuvre de son nouveau plan de classification. La fonction publique va passer de 72 groupes à 29. C'est le genre de chose que nous avons commencé en 1966. En fin de compte, on se retrouvera avec les ingénieurs professionnels, les comptables, les avocats, et cetera.
Sur un plan technique, le gouvernement soutient que nous devons adopter cette nouvelle norme de classification, faute de quoi nous ne saurons pas exactement ce qui se passera avec les salaires, étant donné qu'il doit se conformer aux dispositions des droits sur la personne en matière de parité salariale. C'est là la raison technique. Par ailleurs, il argue que si cette mesure n'est pas maintenue, il ne sera plus à même de maîtriser les coûts; or, le budget ne peut être préparé à l'extérieur du bureau du ministre des Finances ou de celui du président du Conseil du Trésor.
À l'époque où nous avons fait cela au Québec, j'étais de l'autre côté de la barrière. Nous aussi avons révisé les normes de classification, mais nous l'avons fait en trois ou quatre mois. Bien sûr, nous nous sommes fondés sur des études antérieures réalisées sur une période de deux ou trois ans, mais comme nous n'avions pas le choix, nous avons appliqué cette refonte. Soit dit en passant, les choses fonctionnent encore.
Quoi qu'il en soit, à l'époque, l'argument était très valable: le gouvernement n'avait pas d'autre choix que d'agir ainsi, parce sinon il lui aurait été impossible de négocier et de connaître d'avance ce qui lui en aurait coûté.
Ne pensez-vous pas que cette mesure s'impose? On entend parler de ce plan de reclassification depuis bien des années à ce comité. Nous avons réalisé deux études sur la fonction publique, la dernière sous la présidence de l'éminent sénateur Stratton. Avant cela, nous avions aussi effectué une étude en 1988 ou en 1989.
J'ai l'impression que toutes ces questions ne sont pas très compliquées, mais on a pris du temps avant de prendre la décision d'agir. Nous savons bien ce à quoi correspondent les professions dans notre société. Ce que je veux dire par-là, c'est que nous savons ce qu'est un biologiste, ce qu'est un médecin, ce qu'est un avocat. Certes, il y a différents types d'ingénieur, mais dans l'ensemble ce ne sont pas des questions très difficiles à résoudre. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui ne va pas avec ce processus.
M. Robert McIntosh, conseiller des politiques, Institut professionnel de la fonction publique du Canada: L'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique donne la possibilité à l'employeur de déterminer la classification. Ainsi, il n'est pas nécessaire de suspendre l'arbitrage pour introduire un nouveau système de classification.
Le sénateur Bolduc: Il semble que ce processus ne soit pas terminé. Pourquoi faut-il cinq ans pour cela?
M. McIntosh: L'employeur est en train de mettre au point un nouveau système de classification pour la fonction publique et cela n'a aucune répercussion sur la négociation collective. L'employeur le fait unilatéralement en vertu de l'article 7. En fait, quand le gouvernement dit qu'il doit suspendre l'arbitrage parce qu'il met en place un nouveau système de classification, il cherche à faire diversion, à brouiller les pistes. Il n'y a pas de rapport entre les deux, parce que le gouvernement a toute l'autorité voulue pour le faire en vertu de l'article 7.
Le sénateur Bolduc: Je vois ce que vous voulez dire, mais pour les gestionnaires, il semble raisonnable de mettre d'abord la classification en place et de négocier ensuite. Si le gouvernement négociait avant, il devrait le faire avec 72 groupes, ce qui serait très difficile.
Vous êtes-vous entretenus avec l'employeur pour savoir pourquoi il faut cinq ans pour cela? Ce travail n'aurait-il pas pu être réalisé en six mois ou en un an?
M. Hindle: Plus de cinq ans se seront écoulés au moment où le nouveau système sera en place. Tout cela a débuté à la suite des plaintes déposées au titre des droits de la personne à la fin des années 80. Cela fait donc déjà plus de cinq ans et le gouvernement veut continuer d'utiliser l'excuse de la mise en oeuvre d'une norme de classification universelle pour nous priver de l'arbitrage.
Or, dans toute cette argumentation, on oublie une chose: si le gouvernement n'aime pas une décision arbitrale ou s'il estime ne pas avoir les moyens de la respecter, il dispose d'un recours que n'a aucun autre employeur dans ce pays, parce qu'il est aussi un organisme législatif. En effet, le gouvernement, par l'intermédiaire du Parlement, peut faire adopter une loi pour renverser ou modifier la décision arbitrale, ce qui n'est pas une décision très heureuse.
Le sénateur Bolduc: J'ai vécu cela une fois et il est vrai que ce n'est pas ce qu'il y a de mieux.
M. Hindle: Nous aussi, nous l'avons vécu. C'était après la grève de la fonction publique de septembre 1991. En plus des membres de l'Alliance de la fonction publique, les vérificateurs et les informaticiens ont fait la grève. Le gouvernement a imposé un règlement et a renversé la décision arbitrale qui avait été favorable à notre groupe du droit. Il ne s'était pas plié à la décision de l'arbitre.
Le gouvernement a d'ailleurs déclaré publiquement qu'il n'était pas sorti, à cette occasion, des cadres établis; par ailleurs, il ne veut pas reconnaître qu'il dispose du pouvoir ultime de recourir au Parlement. En ce qui nous concerne, nous estimons qu'il ne devrait pas appliquer ce pouvoir, sauf dans des cas extrêmes, mais lui, il ne l'admettra jamais. Il préfère entraver le processus de négociation et nous priver de l'arbitrage qui permettrait de régler ou de négocier des différends sans qu'il soit nécessaire d'aller jusqu'à la grève parce que, dans bien des cas, les gens que nous représentons n'ont effectivement pas le droit de faire légalement la grève.
Le sénateur Cools: Je veux revenir sur une ou deux choses soulevées par les témoins. Il est évident qu'ils ont des préoccupations, mais j'ai l'impression qu'il existe d'autres tribunes où ils pourraient les faire connaître et je ne suis pas certain que la nôtre soit particulièrement appropriée. Nous sommes saisis de l'étude du projet de loi C-71 dont l'objet est de mettre en oeuvre certaines dispositions du budget déposé devant le Parlement le 16 février dernier. Or, voilà que les témoins nous demandent d'en supprimer un article relativement important.
D'où ma question: Êtes-vous sérieux?
M. Hindle: Tout à fait. Si vous estimez que ce n'est pas la tribune appropriée pour vous faire part de nos préoccupations, alors madame le sénateur, j'aimerais que vous nous disiez dans quel contexte nous devrions le faire, à l'heure où le gouvernement s'apprête à faire adopter une loi.
Le sénateur Cools: C'est moi qui pose les questions.
M. Hindle: Je suis confus. Personnellement j'estime que vous êtes la tribune appropriée.
Le sénateur Cools: Je vais reformuler ma question. Il s'agit bien d'un projet de loi pour mettre en oeuvre certaines dispositions du budget?
M. Hindle: Oui.
Le sénateur Cools: Bien! En quoi devez-vous appuyer le gouvernement, en tant que fonctionnaire, dans ce genre de question?
M. Hindle: Ma loyauté va au plus de 30 000 membres qui m'ont choisi pour être leur président. Pour assumer cette tâche, j'ai pris un congé sans solde de la fonction publique. Je me dois donc de représenter ces gens-là devant les décisionnaires, qu'il s'agisse de hauts fonctionnaires des ministères ou du Conseil du Trésor, ou encore de sénateurs ou de députés membres de comités qui sont chargés de décider des lois qui auront une incidence directe sur mes membres.
Cette disposition a une incidence sur eux parce que les relations de travail avec le Conseil du Trésor sont modifiées. J'estime que cette disposition a un effet négatif sur les relations du travail entre les employés de la fonction publique et le Conseil du Trésor, parce qu'il n'est plus possible de régler d'éventuels différends de manière pacifique dans le cadre de la négociation collective.
Le sénateur Cools: Monsieur le président, il faut dire que si ce projet de loi n'est pas accepté, les conséquences pour la fonction publique seront beaucoup plus graves que tout ce que le témoin semble suggérer.
Cela dit, je propose, et je suis appuyé par le sénateur Fraser, que nous passions tout de suite à l'étude article par article du projet de loi C-71.
Le sénateur Lavoie-Roux: Pas ce soir.
Le président: Nous devons entendre un autre témoin demain matin.
Le sénateur Cools: Peu importe, je propose que nous le fassions ce soir.
Le président: Mais nous avons un autre témoin à entendre.
Le sénateur Cools: Monsieur le président, personne n'a été consulté dans l'établissement du programme d'accueil des témoins d'aujourd'hui. Je n'ai absolument pas été consultée à ce propos.
Le président: Mais c'est la façon normale de procéder. Il n'y avait que trois témoins.
Le sénateur Cools: Je ne sais même pas de qui il s'agit. Vous n'avez pas demandé l'accord du comité pour accueillir...
Le président: Il se trouve que...
Le sénateur Cools: Laissez-moi finir, président!
Le président: Il n'y a pas eu de problème à entendre M. Valeri, qui n'a soulevé aucune réserve. Nous sommes passés au travers des questions.
Le sénateur Cools: Nous sommes censés nous appuyer sur une procédure pour décider des réunions de comité et des témoins à appeler.
Le président: Je pensais que vous aviez reçu les avis concernant les témoins et si ce n'est pas le cas, eh bien je vous présente mes excuses.
Le sénateur Cools: Je ne parle pas de ces avis, monsieur le président. Je dis que de ce côté-ci de la table nous n'avons pas été consultés ni à propos du calendrier des réunions ni au sujet des témoins à convoquer. Je soutiens que cela est pourtant très important. Peut-être devrions-nous excuser ces témoins pendant que nous débattons de ces choses-là.
Le président: Nous sommes saisis de demandes de participation par des témoins potentiels.
Le sénateur Cools: Eh bien, je serais heureux de recevoir ces demandes et de pouvoir les analyser de façon démocratique. Pourrions-nous excuser les témoins?
Le président: Je me serais attendu à ce que vous collaboriez, parce que de notre côté, nous essayons de nous montrer coopératif, pour faire adopter ce projet de loi le plus vite possible afin de le transmettre au Sénat dans les plus brefs délais. C'était l'intention poursuivie. Certes, il faut un peu de temps pour entendre trois témoins, mais je ne vois pas où est le problème. Nous n'avons pas prévu une vingtaine de témoins. Ces gens-là ont demandé à comparaître devant nous. Étions-nous censés leur dire non?
Le sénateur Cools: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le président: Mais c'est ce que vous laissez entendre dans vos remarques.
Le sénateur Cools: Je ne sous-entend rien du tout et je trouve tout à fait déplacé que vous remettiez mes motifs en question.
Le président: Mais c'est bien ce que vous faites dans mon cas.
Le sénateur Cools: Non! Je dis que nous étions censés suivre une certaine procédure pour prendre des décisions.
Le président: Excusez-moi, je pensais que vous aviez reçu l'avis.
Le sénateur Cools: Je ne parle pas de cet avis. Je parle du calendrier des réunions, de la durée des réunions et des témoins que nous sommes censés accueillir. D'un autre côté, nous n'avons absolument pas été consultés quant au nombre de décisions à tenir ni aux témoins à entendre. Vous m'avez dit ce que vous faites, monsieur le président.
Le président: D'abord, vous n'étiez pas là.
Le sénateur Cools: Je suis toujours là. Et si je n'y suis pas, je suis toujours à côté d'un téléphone.
Le président: Deuxièmement, nous n'avions prévu que trois témoins en deux jours. Nous pourrons toujours faire rapport sur le projet de loi demain.
Le sénateur Cools: Qui sont les témoins de demain?
Le président: Il n'y en a qu'un.
Le sénateur Cools: Est-ce qu'ils se sont invités ou est-ce que nous les avons invités?
Le président: C'est eux qui ont demandé à comparaître. Mais, bonté divine, il ne s'agit après tout que d'un témoin.
Le sénateur Cools: Dites-moi donc, monsieur le président, c'est vous qui les avez invités?
Le président: Écoutez, je ne vais pas recommencer avec tout cela. Nous avons reçu des demandes de comparution de diverses associations, mais si nous devons continuer à nous disputer à ce sujet-là, alors je vais remercier les témoins.
Le sénateur Cools: Bon, alors discutons de cela maintenant.
Le président: Il est prévu que l'Association des employé(e)s en sciences sociales comparaisse demain à 10 h 45. Nous pourrions passer à l'étude article par article dès 13 h 30. C'est ce que je suggère. Nous essayons de collaborer et de faire en sorte que les choses progressent. N'était-ce pas ce que vous vouliez? C'est ce que vous vouliez me faire comprendre à ce propos. N'avez-vous pas déclaré qu'il fallait avancer parce que nous avions du pain sur la planche? Eh bien, c'est ce que j'essaie de faire.
Le sénateur Cools: Certes, j'aimerais que nous procédions comme il se doit et de façon ordonnée.
Le président: Je crois savoir qu'on vous a remis une ébauche de la liste des témoins.
Le sénateur Cools: Je ne me suis pas bien fait comprendre. Il n'y a pas à m'expliquer ce qui se passe. Nous aurions dû, de notre côté, participer à la prise de décision. Il y a un comité directeur pour cela.
Le président: Vous avez tout à fait raison. Je ne suis pas en désaccord avec vous. Ce que je veux savoir c'est si vous voulez vraiment que nous nous enfoncions dans ce débat à propos de trois témoins, dont deux ont demandé à comparaître? Vous allez me prendre en otage pour cela?
Le sénateur Cools: Sans aucun doute, parce qu'en fait c'est vous qui m'avez pris en otage.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je propose que nous levions la séance et que nous reprenions demain.
Le sénateur Cools: Refusé! Qui sont les témoins de demain?
Le sénateur Bolduc: Vous savez tout comme moi que demain nous allons entendre deux témoins.
Le sénateur Cools: Je pensais que nous nous étions entendus sur la procédure à suivre pour prendre des décisions. Qui a pris ces décisions?
Le sénateur Bolduc: Je ne veux plus parler de cela. Vous n'êtes pas très raisonnable.
Le sénateur Cools: Ah mais si, je suis très raisonnable au contraire.
Le sénateur Bolduc: Calmez-vous!
Le sénateur Fraser: A-t-on convoqué une réunion du comité directeur à ce sujet?
Le président: Nous voulions traiter ce projet de loi et nous n'avions pas le temps pour une réunion du comité directeur. Personnellement, je n'avais pas le temps. Vous auriez eu le temps de participer à une telle réunion, sénateur Fraser?
Le sénateur Fraser: Je ne siège pas au comité directeur.
Le président: Quand aurions-nous eu le temps de nous réunir? Dites-le moi.
Le sénateur Fraser: N'importe quand depuis notre retour lundi.
Le président: Nous n'avions prévu que trois témoins pour ce projet de loi.
Le sénateur Fraser: Bien sûr, mais on aurait tout de même eu le temps de tenir une réunion du comité directeur par téléphone.
Le sénateur Lavoie-Roux: Il m'est souvent arrivé de me faire remettre la liste des témoins juste avant la tenue d'un comité, si ce n'est pendant la réunion.
Le sénateur Cools: Certes, mais je pourrais vous donner des exemples du contraire. Je n'ai jamais siégé à aucun comité où le président et le greffier estimaient être les seuls à devoir prendre des décisions relativement aux dates de réunion et aux témoins à convoquer. Si c'est une première pour vous, cela en également une pour moi.
D'après ce que je crois savoir, il existe une procédure commune pour décider des témoins à convoquer et de la date de la tenue des réunions.
Je suis très sérieuse. Si l'on s'attend à ce que nous remplissions nos fonctions et fassions fonctionner nos institutions, le moins que nous puissions exiger c'est de savoir combien de temps nous devons siéger et où.
Le sénateur Lavoie-Roux: Eh bien, nous siégerons demain ici à 10 h 45 pour entendre les derniers témoins.
Le président: Et pour en finir avec ce projet de loi.
Le sénateur Cools: Monsieur le président, vous ne pouvez pas simplement rejeter une motion. Une motion a été présentée.
Le président: Je ne rejette pas la motion. Tout ce que je dis et tout ce que je demande, c'est que nous accueillions les derniers témoins demain matin et que nous passions ensuite à une l'étude article par article pour en terminer. C'est déraisonnable?
Le sénateur Cools: Bon, eh bien dans ces conditions je suis prête à retirer ma motion.
Pourrions-nous maintenant suivre la procédure? Êtes-vous d'accord pour que je retire la motion?
Le sénateur Moore: D'accord.
Le sénateur Cools: Alors, nous pourrons entendre ces témoins demain.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je propose que nous levions la séance.
Le sénateur Cools: Nous avons encore une motion et il faut commencer par traiter de celle-là.
Le sénateur Fraser: En tant que comotionnaire, je tiens à dire une chose. Il n'y a que quelques semaines que nous avons décidé, après moult débats et tourments, de mettre sur pied un comité directeur. Le problème que nous venons de rencontrer ne se serait pas posé si nous avions suivi la procédure.
Je ne veux pas faire obstruction au travail du Sénat ni de ce comité. Nous ne sommes pas ici pour cela. Ce n'est pas pour cela que nous sommes payés. Cependant, il est essentiel que nous respections à partir de maintenant la procédure du comité directeur.
Le président: Je vous présente mes excuses à ce propos. Je croyais que vous auriez reçu notre avis indiquant les noms des témoins.
Le sénateur Fraser: C'est au comité directeur à prendre cette décision avant que l'avis soit envoyé.
Le président: Je le comprends bien.
En fait, je propose plutôt qu'on vous envoie la liste des témoins pour solliciter votre accord, plutôt que de tenir une réunion.
Le sénateur Cools: Non, monsieur le président, nous ne fonctionnons pas ainsi. Nous avons un sous-comité du programme et de la procédure. Je ne pense pas devoir expliquer à qui que ce soit ici ce qu'un comité directeur est censé faire.
Je ne veux pas qu'on dise de moi que je suis déraisonnable. J'aurais été tout à fait disposée à entendre 12 témoins, à condition qu'on me dise d'avance qui voulait comparaître.
Peut-être devrions-nous adopter une motion pour demander au greffier qu'en ce qui nous concerne, de ce côté-ci, nous voulons être informés en permanence.
Le président: Effectivement, sénateur Cools, voilà une bien meilleure motion. Je suis tout à fait d'accord.
Le sénateur Cools: Je ne participerai plus à aucune réunion à propos de laquelle on ne m'aura pas informée ni consultée.
Le président: Vous avez tout à fait raison et je ne vous blâme pas.
J'ai ici un document de l'ACDI intitulé «Rapport de performance» qui décrit le travail de l'Agence. En voulez-vous des copies pour la prochaine réunion?
Le sénateur Cools: Bien sûr.
Le sénateur Moore: Aucun autre comité ne tient autant de réunions que celui des Affaires juridiques et constitutionnelles auquel je siège. Je suis également membre du comité directeur qui se réunit régulièrement.
Le président: Comme nous n'avions que trois témoins, j'ai pensé que nous pourrions vous envoyer un avis et recueillir vos réactions. C'est tout. Je ne veux pas que nous tenions ce genre de réunions si elles ne sont pas nécessaires. Pour ce qui est de la suite des événements, le greffier vient de recevoir des consignes strictes.
Le sénateur Fraser: Je tiens à ce que nous nous entendions bien sur la procédure à suivre. Je ne veux recevoir aucune information dont il n'aura pas été question au comité directeur.
Le président: A-t-on une motion d'ajournement?
Le sénateur Lavoie-Roux: Je l'ai soumise plus tôt, monsieur le président.
Le sénateur Cools: Permettez-moi de faire une autre précision. Nous nous attendons à ce que ce comité fonctionne d'une certaine façon. Il est notamment question que nous soyons consultés sur le calendrier des réunions et sur les listes de témoins. Nous ne voulons pas être simplement informés. Il ne suffit pas de nous dire que le greffier nous envoie des avis.
Je m'adresse tout particulièrement à vous, monsieur le greffier. Nous voulons être partie aux décisions sur les modalités, sur les lieux et sur les dates de réunions du comité ainsi que sur les listes de témoins. Je suis tout à fait disposée à entendre 12 témoins.
Encore une fois, pour mémoire, puisque tout est consigné au procès-verbal, je ne veux pas qu'on dise que je suis déraisonnable et je ne veux pas me faire accuser d'être déraisonnable quand je ne fais que soulever des questions fondamentales, courantes et ordinaires touchant à la prise de décision. Nous faisons partie d'un Parlement et il s'agit d'un comité du Parlement. Cela étant, nous sommes censés fonctionner d'une certaine façon.
Ce projet de loi est d'autant plus intéressant et plus important qu'il concerne le budget principal des dépenses. Je ne trouve pas convenable que, pour un projet de loi de cet ordre, on n'entende que des témoins d'un côté du débat et pas de l'autre.
Le président: Un instant, le représentant du ministre était ici.
Le sénateur Cools: Je n'assisterai à plus aucune réunion de ce comité si je ne suis pas consultée d'abord et si je ne connais pas d'avance les témoins.
Le président: C'est enregistré.
Je tiens à ce que nous parlions du côté pratique des choses avant de lever la séance.
Nous recevons sans cesse des demandes de comparution de la part de témoins potentiels et parfois très tard. En sous-comité, nous nous entendons sur le genre de témoins que nous voulons accueillir et nous fixons l'orientation des travaux du comité sans nécessairement devoir nous réunir de nouveau. Nous avons décrit de façon tout à fait raisonnable ce que serait notre orientation. Les membres du sous-comité chargé d'étudier l'état de préparation aux situations d'urgence et aux catastrophes naturelles sont généralement tombés d'accord sur cette procédure.
Pour ce qui est de notre comité, le comité principal, nous ferons parvenir aux membres une liste des témoins suggérés.
Le sénateur Cools: J'y compte bien.
Le président: Et nous indiquerons lesquels ont demandé à comparaître.
Le sénateur Cools: Qui c'est ce «nous» qui va envoyer les listes?
Le président: Le greffier vous enverra la liste des témoins enregistrés ayant demandé à comparaître.
Le sénateur Cools: J'espère que la décision de tenir une quelconque réunion ou d'entendre des témoins sera prise par le comité directeur, c'est-à-dire par le président, moi-même et un autre membre.
Le président: Pouvons-nous faire cela par téléphone?
Le sénateur Mahovlich: Qui décide en premier lieu des témoins que nous allons entendre?
Le sénateur Cools: C'est cela le fond du problème. Ce travail incombe au comité directeur.
Le président: Habituellement, nous accueillons d'abord les représentants du gouvernement.
Le sénateur Cools: Il y a une procédure. Le secrétaire parlementaire comparaît d'abord, puis nous entendons les autres témoins. En revanche, nous devons être consultés sur l'ordre de comparution de ces autres témoins.
Le président: Pour éviter de tenir des réunions, nous vous enverrons une liste de noms suggérés où nous indiquerons très clairement qui a demandé à comparaître. Nous tiendrons ensuite une conférence téléphonique pour déterminer qui seront les témoins. Voilà la procédure que nous allons suivre. Si nous devons en parler davantage, eh bien, nous tiendrons une réunion.
Le sénateur Cools: Monsieur le président, nous pourrions très facilement résoudre cela en grande partie si vous me contactez par téléphone. Par exemple, vous pourriez me proposer les dates de réunion et m'indiquer que des témoins ont demandé à comparaître. Je pourrais alors vous suggérer éventuellement des noms d'autres témoins. Cette façon de procéder n'est pas nouvelle et elle ne pose aucune difficulté.
Le président: Eh bien, nous nous plierons à cette procédure. Soit dit en passant, cela ne nous empêche pas de convoquer d'autres témoins. Nous avons encore le temps.
La séance est levée.