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Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 36 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 10 juin 1999

Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 10 h 45, pour examiner le Budget principal des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000, et étudier une ébauche de rapport.

Le sénateur Anne C. Cools (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Sénateurs, nous avons quorum puisque quatre membres du comité sont présents. Nous allons commencer nos délibérations à huis clos.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos)

Le comité poursuit ses travaux en public.

La vice-présidente: Nous allons maintenant passer au prochain point à l'ordre du jour. Nous accueillons le commissaire à la magistrature fédérale. Quand il est venu nous rencontrer le jeudi 10 décembre dernier, il nous a dit être prêt à revenir témoigner pour répondre à nos questions et poursuivre le dialogue. En décembre, il nous avait expliqué en détail son rôle de commissaire.

M. Guy Y. Goulard, commissaire à la magistrature fédérale: Sénateurs, comme je vous ai expliqué mon travail en décembre dernier, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de recommencer, à moins que vous y teniez.

La vice-présidente: Vous pourriez peut-être revenir sur certaines des questions que nous vous avions alors posées pour y apporter plus de précisions. Vous nous aviez dit que vous nous fourniriez plus d'informations, mais il y a des informations que je n'ai pas reçues. C'est important parce que, comme vous l'avez entendu il y a quelques instants, notre comité entreprend l'étude des activités de l'ACDI, et il y a des questions qui se recoupent.

M. Goulard: Je vous ai transmis les renseignements que je m'étais engagé à vous fournir en décembre. J'avais dit au greffier que j'étais tout disposé à communiquer tout autre renseignement jugé nécessaire.

La vice-présidente: Par exemple, aux pages 21 et 29 de votre témoignage de la séance du 10 décembre, j'ai demandé la liste de tous les juges canadiens qui, grâce à des subventions de l'ACDI ou par l'intermédiaire de votre bureau, sont allés en mission à l'étranger, et je n'ai pas reçu cette liste. Je ne sais pas trop si vous avez envoyé un document au greffier mais, si vous l'avez fait, je ne l'ai pas reçu.

M. Goulard: J'ai envoyé cette liste et j'en ai d'ailleurs copie.

La vice-présidente: D'autres membres du comité ont-ils reçu cette liste?

Le sénateur Cook: Le page m'apporte ce document à l'instant. Il vient d'arriver à mon bureau.

M. Goulard: Je peux vous le lire. Je l'ai envoyé.

La vice-présidente: Où est cette liste?

Le sénateur Cook: Mon bureau me dit que je viens de recevoir cette lettre, et on l'a envoyée par messager. Elle fait référence à la séance du Comité des finances nationales sur l'examen du Budget principal des dépenses. Elle est datée du 17 décembre et est adressée au greffier. On y parle des présidents des comités. Elle fournit des explications, d'après le coup d'oeil rapide que j'y ai jeté. Elle répond à des questions qui ont été posées il y a un bon moment.

La vice-présidente: J'ai demandé la liste de tous les juges canadiens financés par l'ACDI. Même les renseignements que vient de recevoir le comité ne fournissent pas l'information que j'ai demandée.

Le sénateur Cook: On parle des présidents des comités.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Monsieur Goulard, dans la lettre adressée à M. Denis Robert, vous avez dit que vous alliez faire parvenir la brochure intitulée «Les régimes de nomination à la magistrature fédérale». Je ne l'ai pas reçue et j'aimerais l'avoir.

M. Goulard: Nous avons par contre envoyé une enveloppe pour chacun des membres du comité avec tout le matériel que nous faisons parvenir aux candidats.

[Traduction]

On m'a demandé d'envoyer la brochure sur le régime de nomination à la magistrature fédérale. J'ai envoyé une enveloppe pour chacun des membres du comité contenant le matériel envoyé aux candidats de leur province. Le formulaire est quelque peu différent pour les avocats et les juges, et j'ai donc inclus les deux versions. Ces documents ont été envoyés dans des enveloppes différentes pour chacun des membres du comité.

La vice-présidente: Il semblerait que les membres du comité n'ont pas reçu ces renseignements. Je suis certaine que nous allons chercher à savoir ce qui s'est passé.

M. Denis Robert, greffier du comité: Si nous avons reçu des enveloppes, on les a fait parvenir à tous les membres du comité en décembre, au moment de leur réception.

M. Goulard: Ce serait très facile pour moi de préparer un nouvel envoi.

La vice-présidente: Nous devrions peut-être discuter de la question avec le greffier. Certaines informations fournies n'ont jamais été traduites. Il y a une lettre ici envoyée par M. Goulard à M. Robert qui n'a jamais été traduite pour les membres du comité.

M. Goulard: C'est intéressant parce que j'ai fait traduire la lettre pour la joindre à ma version française.

La vice-présidente: Je peux vous assurer, monsieur Goulard, et j'assure aussi les membres du comité, que je n'ai jamais reçu copie de votre lettre en anglais. Nous en avons un exemplaire ici maintenant.

M. Goulard: Je peux vous la laisser, si vous voulez.

La vice-présidente: Nous avons quelques documents entre les mains. Il y a une lettre envoyée par le commissaire à la magistrature fédérale à M. Denis Robert. Dans cette lettre, le commissaire indique essentiellement qu'il envoie la brochure sur le régime de nomination à la magistrature fédérale, la liste des présidents des comités, copie de l'arrêté en conseil concernant la nomination du juge Strayer, et il ajoute, et je cite: «En réponse à la demande d'information supplémentaire du sénateur Cool concernant le coût du projet de coopération judiciaire entre le Canada et l'Ukraine, il me fait plaisir de vous informer que la contribution de l'ACDI est de 1 848 300 $ et que celle de l'Ukraine fut établie à 909 750 $.» Les chiffres sont là. Puis il y a une autre lettre envoyée par M. Goulard à Denis Robert, qui est en français, et qui n'a pas été traduite.

Le sénateur Bolduc: C'est la même lettre en anglais et en français.

La vice-présidente: C'est la même?

M. Goulard: C'est la traduction.

La vice-présidente: Je la vois pour la première fois, monsieur Goulard. Puis il y a la liste des présidents des comités. J'imagine qu'il s'agit des présidents des comités de nomination des juges de chaque province?

M. Goulard: Oui.

La vice-présidente: Si on me le permet, je vais peut-être déposer ce document pour qu'il fasse partie du compte rendu. On verra ainsi clairement que ces renseignements ont été reçus. Pourriez-vous répondre à d'autres questions soulevées lors de votre dernier témoignage et qui sont restées sans réponse?

M. Goulard: J'aimerais répondre à vos questions à moins que l'un d'entre vous préfère que j'explique mes fonctions. Je l'ai déjà fait et j'ai laissé copie de ma déclaration. Essentiellement, notre rôle consiste à faire appliquer la partie I de la Loi sur les juges.

La vice-présidente: Nous avons une assez bonne idée du rôle de votre bureau et nous pourrions peut-être passer tout de suite aux questions que le comité va étudier bientôt. Une question qui revient constamment est le lien qui existe vraiment entre l'ACDI et le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale. Nous aimerions savoir comment cela fonctionne, quels sont les pouvoirs conférés par la loi et nous aimerions avoir plus d'informations sur ces juges. Qui sont-ils? Comment sont-ils choisis? Quelles sont les indemnités qui leur sont versées?

Je veux avoir la liste de tous les juges canadiens qui ont été subventionnés par l'ACDI pour aller en mission à l'étranger. Qu'est-ce qui autorise ce lien entre l'ACDI et le commissaire à la magistrature fédérale?

M. Goulard: Je vais parler du texte de loi habilitant. L'article 74 de la Loi sur les juges, qui créé mon bureau, indique que mon mandat consiste principalement à faire appliquer la partie I de la Loi sur les juges, en s'occupant essentiellement de toutes les questions financières des juges: le paiement de leurs salaires, les indemnités, les avantages, la pension et les rentes versées aux juges à la retraite et à leurs personnes à charge survivantes. Le commissaire a aussi pour mandat de produire des présentations budgétaires et de fournir les ressources nécessaires à la Cour fédérale du Canada, à la Cour canadienne de l'impôt et au Conseil canadien de la magistrature. Nous fournissons ces ressources directement au Conseil canadien de la magistrature. Les deux autres tribunaux ont des administrateurs pour gérer leurs activités. La Loi sur les juges prévoit qu'ils doivent le faire sous ma direction, mais ils fonctionnent seuls.

En troisième lieu, selon la disposition de la loi, le commissaire «accomplit les missions que le ministre lui confie, dans le cadre de sa compétence...»

La vice-présidente: Quelle est cette disposition de la loi?

M. Goulard: L'alinéa 74.1d).

La vice-présidente: Tous les sénateurs ne connaissent pas la Loi sur les juges aussi bien que vous. Vous pourriez peut-être nous en faire la lecture, je vous prie?

M. Goulard: Je viens d'en résumer les trois quarts.

74(1) Le commissaire, sous l'autorité du ministre:

exerce, à titre de délégué du ministre, les attributions dévolues de droit à celui-ci pour l'application de la partie I;

établit le budget de la Cour fédérale, de la Cour canadienne de l'impôt et du Conseil;

prend les mesures d'ordre administratif qui s'imposent pour doter en personnel, services, locaux et matériel, conformément à la loi, la Cour fédérale, la Cour canadienne de l'impôt et le Conseil;

d) accomplit les missions que le ministre lui confie, dans le cadre de sa compétence, pour la bonne administration de la justice au Canada.

La vice-présidente: La disposition habilitante est donc l'alinéa 74.1d).

Les membres du comité aimeraient savoir exactement comment l'alinéa 74.1d) de la Loi sur les juges autorise l'ACDI à envoyer des juges en mission à l'étranger. Autant que je sache, il n'y a pas de pouvoir extra-territorial rattaché à votre mandat et à celui de la ministre de la Justice à l'égard des juges. C'est de toute évidence injustifié.

M. Goulard: Le très honorable Antonio Lamer, juge en chef du Canada, m'a demandé de coordonner la participation de juges canadiens à des programmes de coopération internationale. Au cours des dix dernières années, et plus particulièrement depuis 1992, le Canada est de plus en plus sollicité pour contribuer aux efforts de démocratisation de certains pays ainsi que pour aider des pays en développement qui veulent améliorer leur appareil judiciaire. Ces requêtes sont souvent adressées au juge Lamer par ses homologues de pays étrangers. Le juge me demande, à moi et à mon bureau, de coordonner ces initiatives, notamment parce que les fonds engagés doivent passer par mon bureau. Je dois surtout m'assurer que les juges reçoivent les fonds auxquels ils ont droit et que ces sommes sont justifiées.

Pour m'assurer que cette responsabilité faisait partie de mon mandat, j'ai écrit au ministre de l'époque, Allan Rock, pour l'informer de ce qu'on me demandait et savoir si cela faisait partie de mon mandat aux termes de l'alinéa 74.1d). Il a confirmé par écrit que cette responsabilité s'ajoutait à mon mandat et que je pouvais agir.

La vice-présidente: Vous dites que le ministre a ajouté cette responsabilité à votre mandat. Comment le ministre peut-il étendre le mandat prévu à l'alinéa 74.1d) de la Loi sur les juges sans passer par le Parlement? Il ne peut pas simplement ajouter une série de responsabilités à la disposition de la Loi sur les juges qui crée votre bureau. Le commissaire à la magistrature fédérale ne peut pas assumer des responsabilités supplémentaires sans l'approbation expresse du Parlement. Comment M. Rock a-t-il pu étendre votre mandat sans faire adopter une loi?

M. Goulard: La disposition dit bien: «accomplit les missions que le ministre lui confie», et le ministre ajoute cette responsabilité. Il y a aussi d'autres missions.

La vice-présidente: Cette disposition de la Loi sur les juges semble s'appliquer à des questions de nature plus interne, concernant le traitement, l'indemnisation des juges et d'autres questions. J'essaie de comprendre comment le mot «missions» de cette disposition peut permettre de confier des responsabilités extra-territoriales.

M. Goulard: Que ces activités soient extraterritoriales est une question de définition. Je suis fermement convaincu que le Canada a l'obligation morale de contribuer à la démocratisation de ces pays. J'ai la conviction que nous avons le meilleur appareil judiciaire au monde, et nous avons l'obligation d'aider, dans toute la mesure du possible, les pays qui veulent consolider une de leurs institutions démocratiques.

Maintenant, il reste à savoir à qui incombe cette responsabilité. Ces demandes d'aide dans les domaines légal et judiciaire sont adressées au ministre des Affaires étrangères, au ministre de la Justice et au juge en chef du Canada. Maintenant, s'agit-il d'initiatives internationales? Évidemment, ce sont des programmes de coopération internationale, mais ils font appel aux magistrats canadiens. Mon rôle consiste à assurer la coordination de la participation des magistrats canadiens.

La vice-présidente: Vous présumez beaucoup de choses. J'aimerais revenir sur certains de vos propos pour faire des mises au point. Personne ne conteste l'obligation morale du Canada dans le monde. Cependant, j'aurais tendance à croire que cette obligation morale est de nature politique, et qu'il vaut mieux que les obligations politiques soient discutées entre gouvernements et ministres, étant donné que bien des affaires internationales dans le monde sont en fait régies par ce qu'on appelle la prérogative royale. Il me manque encore un élément, et nous en avons déjà discuté, monsieur Goulard. Comment se fait-il que ces responsabilités incombent au juge en chef du Canada? Vous venez de nous dire que le juge en chef Antonio Lamer vous a demandé de coordonner ces activités. C'est donc dire que le processus était déjà en branle. On vous a demandé de coordonner quelque chose déjà en plan. Comme vous nous avez dit que votre rôle avait été étendu aux termes de l'alinéa 74.1d) de la Loi sur les juges, quelle est la disposition de la Loi sur les juges qui confère ce pouvoir au juge en chef du Canada?

M. Goulard: Je ne pense pas que ce soit à moi de même deviner d'où le juge en chef Lamer tient ce pouvoir. Vous pouvez le lui demander, mais je ne vais pas remettre en doute sa décision de donner suite ou non aux demandes d'aide que lui formulent ses homologues d'ailleurs dans le monde.

La vice-présidente: Je ne vous demande pas de répondre pour le juge en chef du Canada. Vous dites qu'on vous a demandé de coordonner ces activités et il me semble qu'avant d'accepter vous auriez dû vérifier si cette demande était conforme aux règles et aux lois du Canada sur la responsabilité ministérielle. Comment vous êtes-vous assuré que la demande du juge en chef Lamer était conforme aux lois du Canada?

M. Goulard: J'agis à titre de délégué du ministre. J'ai donc demandé des directives claires au ministre de l'époque, l'honorable Allan Rock, qui me les a données. Ayant reçu son accord, j'ai considéré qu'il était de mon ressort de remplir ces fonctions.

La vice-présidente: Le juge Lamer a-t-il discuté de la question avec M. Rock?

M. Goulard: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je n'en ai pas la moindre idée.

La vice-présidente: Quand vous avez témoigné en décembre, je vous ai cité un article de la revue Lawyer's Weekly. J'ai le compte rendu de cette réunion où on dit clairement -- et vous l'avez confirmé parce que c'est écrit dans cet article -- que tout le projet avait été imaginé par le juge en chef du Canada.

M. Goulard: De quel projet parlez-vous?

La vice-présidente: Tout le projet appelé «Juges sans frontières», qui est, je crois, l'expression que vous avez utilisée pour décrire le projet.

M. Goulard: Cette expression ne décrit pas notre projet, mais c'est ainsi que le juge en chef Lamer l'a qualifié.

La vice-présidente: Savez-vous de quoi je parle?

M. Goulard: J'ai repris très souvent cette expression.

La vice-présidente: Dans l'article paru dans la revue Lawyer's Weekly, on citait vos propos, ainsi que ceux du juge Lamer. Je pense que vous disiez aussi que ce projet était son idée. L'article dont je parle est du domaine public et a été souvent cité.

M. Goulard: Il est vrai que le juge en chef Lamer a utilisé l'expression «Juges sans frontières» pour qualifier le projet, mais la coopération internationale entre les juges du Canada et ceux de pays étrangers existait bien longtemps avant l'arrivée du juge en chef Lamer.

La vice-présidente: Nous parlons de ce projet en particulier. C'est au sujet de ce projet, dont vous avez parlé dans votre lettre, que je veux en savoir davantage, ainsi qu'au sujet des projets qui sont subventionnés par l'ACDI et que vous coordonnez, et non sur autre chose. Nous parlons des fonds que vous recevez de l'ACDI et de ce projet particulier que vous coordonnez, et non pas de toutes nos relations internationales dans le monde. Nous discutons précisément de votre participation, du financement de l'ACDI et des juges canadiens, et maintenant que nous avons bien cerné le sujet de la discussion, les choses seront peut-être un peu plus claires. J'ai lu beaucoup de documents et d'articles là-dessus. Ce devrait être assez facile d'en discuter parce que c'est une question qui est très bien connue. Il y a beaucoup d'entrevues sur le sujet, d'après ce que je peux voir. Vous pouvez peut-être examiner la question d'une façon plus objective.

Pourriez-vous nous dire quelles sont les sommes d'argent en cause, comment elles sont versées par l'ACDI et quels sont les juges qui participent?

M. Goulard: En décembre dernier, à la suite de ma comparution devant vous, j'ai dressé la liste des juges que mon bureau avait financés. Il existe une multitude de projets de coopération internationale dont je n'ai jamais entendu parler et auxquels participent des magistrats canadiens, nommés soit par le gouvernement fédéral soit par les provinces. Je ne peux pas parler de ces projets. Pour ce qui est du projet de coopération judiciaire entre le Canada et l'Ukraine, qui est le seul dont la participation des juges a été financée par mon bureau, sept juges canadiens y avaient joué un rôle en décembre dernier.

La vice-présidente: Nous sommes maintenant en juin. Pouvez-vous me dire combien d'autres juges ont participé au projet depuis décembre dernier?

M. Goulard: Je ne pense pas que des juges canadiens soient partis en mission dans le cadre de ce projet depuis décembre. Il faudrait que je vérifie pour vous le confirmer.

La vice-présidente: Pouvez-vous nous donner le nom de ces juges et des tribunaux où ils siègent?

M. Goulard: Il s'agit du défunt juge Sopinka de la Cour suprême, du juge en chef Hewak du Banc de la reine du Manitoba, du juge Bracco de la Cour supérieure de l'Alberta, du juge Lysyk de la Colombie-Britannique, du juge en chef Scott de la Cour d'appel du Manitoba et du juge Seniuk de la Cour provinciale de la Saskatchewan.

La vice-présidente: Vous en avez nommé six.

M. Goulard: J'ai dit sept parce que le juge Bracco y est allé deux fois.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ils sont tous allés en Ukraine, n'est-ce pas?

M. Goulard: Oui. Ce sont des juges de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Ils ont été choisis surtout parce qu'ils parlent ukrainien.

La vice-présidente: Qui les a choisis?

M. Goulard: J'ai choisi le juge Hewak au départ parce qu'il parle couramment l'ukrainien; les juges ont été pressentis par le directeur de la Coopération internationale en raison de leurs compétences sur le plan judiciaire et de leurs connaissances de l'ukrainien. Le juge en chef Scott était président, pour le Conseil canadien de la magistrature, du comité qui a élaboré le Code d'éthique des juges. Il a participé à des conférences sur la déontologie judiciaire. C'est la raison pour laquelle il a été choisi.

Pour ce qui est du juge Sopinka, nous cherchions un représentant de la Cour suprême pour une conférence sur l'indépendance judiciaire, et il est d'origine ukrainienne.

Le juge Bracco parle couramment l'ukrainien, mais je ne sais pas si c'est le cas du juge Lysyk. Le juge Scott ne parle pas la langue, mais c'est notre expert canadien. Le juge Seniuk parle la langue.

La vice-présidente: On les a choisis surtout parce qu'ils parlent ukrainien.

M. Goulard: Sauf dans le cas du juge Scott, qui a été choisi pour son domaine de spécialisation.

La vice-présidente: Pouvez-vous nous dire exactement ce que les juges ont fait en Ukraine, quelles sont les sommes d'argent qui ont été versées et comment l'argent a été payé.

M. Goulard: Quand le ministre Rock a approuvé ma participation, c'était à la condition que je n'utilise pas mon budget de fonctionnement pour ces projets. Tout le financement devait provenir d'autres sources, de l'ACDI, de la Banque mondiale ou d'ailleurs, mais pas de mon budget de fonctionnement.

La vice-présidente: Je crois comprendre que c'est le contraire. Vous avez eu l'approbation de l'ACDI d'abord, puis ça s'est passé dans l'autre sens.

M. Goulard: C'est possible.

La vice-présidente: Je peux me tromper, vous devriez le savoir. Je crois comprendre que c'est une idée qui a été lancée. Avec le projet de loi C-42, le Parlement a amorcé des changements importants, pour limiter ce que les juges pouvaient faire sur le plan international, que ce soit limité explicitement à Mme Louise Arbour. D'après ce que j'ai lu, l'idée a été proposée par le juge en chef du Canada et par vous à Mme Labelle de l'ACDI, et des fonds ont été obtenus.

M. Goulard: Le mandat que m'a confié le juge en chef Lamer, ou le ministre à la demande du juge en chef Lamer, consistait à coordonner la participation des magistrats du Canada à divers projets. Auparavant, avant même ma nomination au poste que j'ai actuellement, je m'occupais de coopération internationale au ministère de la Justice. Des discussions avaient été engagées entre le Canada et l'Ukraine sur la possibilité de mettre sur pied un projet de coopération entre le Canada et l'Ukraine, de nature légale et judiciaire.

Après avoir commencé à exercer mes fonctions de commissaire à la magistrature fédérale, j'ai été pressenti par un responsable de l'ACDI qui voulait savoir si je continuerais à aider à la mise sur pied du projet.

La vice-présidente: Qui était ce responsable?

M. Goulard: Ça s'est passé il y a presque cinq ans. Il a changé d'emploi et se trouve maintenant à l'extérieur du pays.

La vice-présidente: Était-ce un cadre supérieur? Était-ce le président ou le vice-président de l'ACDI?

M. Goulard: C'était un responsable de secteur pour ce projet en particulier, la mise sur pied du projet de coopération judiciaire entre le Canada et l'Ukraine. Il m'a pressenti en raison de ce que j'avais fait auparavant. Je m'étais aussi occupé, pendant que je travaillais au ministère de la Justice, d'un projet de coopération judiciaire entre le Canada et la République tchèque et slovaque; comme le projet s'était bien déroulé, on a pensé à moi pour ce projet. Au début, j'ai dit que je n'aurais probablement pas le temps en raison de mes nouvelles fonctions. On m'a convaincu d'apporter mon aide, ce que j'ai fait.

La vice-présidente: Le responsable de l'ACDI vous a convaincu, mais vous ne pouvez pas vous rappeler de son nom?

M. Goulard: Son nom pourrait me revenir, parce qu'à l'époque nous avons travaillé en étroite collaboration. Si je m'en rappelle plus tard ce matin, je vous donnerai son nom. Le projet a ensuite pris la forme d'un programme pluriannuel de 2 millions de dollars, comme vous le savez.

La vice-présidente: Nous sommes tous impatients d'en apprendre davantage.

M. Goulard: Le bureau devait signer un contrat avec l'ACDI, qui se chargeait du projet. C'était complètement différent de la demande faite plus tard par le juge en chef Lamer. Avant que j'entre en fonctions, le bureau recevait la visite de magistrats et d'administrateurs de tribunaux d'autres pays. Il y a des registres à ce sujet. On reçoit toujours des visiteurs, ce qui explique nos rapports avec l'ACDI ou la demande du juge en chef Lamer. Les seuls fonds que j'ai reçus jusqu'ici pour le financement de juges en mission à l'étranger sont ceux qui étaient destinés au projet avec l'Ukraine.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Vous avez dit que les juges sont choisis selon leur connaissance de la langue ukrainienne, mais ces juges ont-ils une expertise en droit international? S'ils ne sont choisis que pour la langue ukrainienne, je ne comprends pas quel apport ils pourront apporter à la nation ukrainienne. Aussi, combien de temps vont-ils rester en Ukraine et que vont-ils y faire? L'Ukraine vous demande des experts en droit international pour leur apprendre toute la technologie que nous avons ici au Canada. Pouvez-vous nous dire quelle est la problématique de ce territoire?

M. Goulard: Les juges sont choisis d'abord pour leur expertise dans leur champ d'activités. Le juge Hewak est juge depuis une trentaine d'années, il été juge de première instance. Il est maintenant juge en chef depuis plusieurs années et est reconnu comme un administrateur judiciaire exceptionnel. En plus de connaître la langue, il apportait toute son expertise comme juge.

Le juge Sopinka, je crois qu'on n'a pas à vendre ses qualités exceptionnelles de juge et de juriste.

Le juge Lysyk, au moment où il a été invité, était le directeur-adjoint de l'Institut canadien de la magistrature qui est responsable de la formation des juges au Canada. Un des éléments de notre projet avec l'Ukraine est la formation judiciaire, alors le juge Lysyk, en plus de ses expertises comme juge senior en Colombie-Britannique, apportait toute sa compétence de formateur judiciaire.

Le juge Scott, comme je le mentionnais, est un expert en déontologie judiciaire.

L'expertise du juge Seniuk se situe au niveau de l'indépendance de la magistrature. Il a dirigé des projets au sein de l'Association canadienne des juges de cours provinciales. Il a écrit beaucoup sur le sujet et il a participé à la préparation d'une vidéo sur l'indépendance de la magistrature.

Enfin, le juge Bracco est un juge qui a au moins 20 ans, sinon 30 ans d'expérience dans cette fonction.

Ce sont tous des juges seniors avec une longue expérience judiciaire. S'ils connaissaient la langue en plus, c'était un atout.

Le sénateur Ferretti Barth: Combien de temps sont-ils restés là-bas?

M. Goulard: Le temps d'une conférence. Le juge Hewak nous avait accompagnés lors de la mission de développement. Nous sommes restés là-bas deux semaines. C'est le juge qui est resté le plus longtemps. Alors c'est surtout pour participer à des conférences que ces juges sont allés en Ukraine, aucun juge dans notre projet n'est allé à l'extérieur.

Le sénateur Ferretti Barth: Pour cette durée de deux semaines ou une semaine, le cachet payé à ces juges était de combien?

M. Goulard: Aucun cachet ne leur a été payé, seulement les dépenses car les juges ne peuvent pas recevoir de cachets.

Le sénateur Ferretti Barth: L'Ukraine allait-elle à la rencontre de ces juges pour mettre à leur disposition toute l'hospitalité nécessaire pour recevoir des juges de grande renommée? L'Ukraine, en recevant ces grands sages, dépensait-elle quelque chose?

M. Goulard: Ils dépensent très peu parce qu'ils ont très peu. Les juges en Ukraine, très souvent, vont être des mois sans même recevoir leur salaire. Alors on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils paient beaucoup, mais ils ont mis, à la Cour suprême de Kiev, un bureau à la disposition de la magistrature et ils couvraient tous les frais de déplacement de leurs juges pour venir à la conférence. Ils apportaient donc une contribution, mais pas pour les juges canadiens.

Le sénateur Ferretti Barth: Maintenant, de cette conférence à laquelle ces juges ont participé là-bas, avez-vous eu des commentaires à savoir quels bénéfices a reçu l'Ukraine par l'intervention de ces juges? Nous avons organisé tous ces programmes et nous avons envoyé des juges qui ont donné des conférences qui répondaient à des questions bien précises de l'Ukraine. Est-ce qu'on a un résultat positif de cette intervention?

M. Goulard: Oui, l'objectif du projet, qui s'échelonne sur quatre ans, a trois volets. Premièrement, la création de trois cours modèles: une dans le centre du pays près de Kiev, une dans l'est et une dans l'ouest où on a ouvert un greffe, lequel est équipé avec ordinateurs, logiciels de traitement de texte, de gestion d'affaires. On a aussi formé leur personnel.

Deuxièmement, il y a un code de déontologie que les Ukrainiens ont développé en consultation avec des juges canadiens tels que le juge Scott.

Troisièmement, il y a l'amélioration de leur indépendance. La conférence portait sur l'indépendance de la magistrature. Les documents distribués lors de la conférence ont été publiés récemment et vont être remis à plusieurs des juges. C'est donc une contribution tangible.

Le vrai défi dans ces projets <#0107> probablement ce qui est le plus difficile -- est de changer la mentalité, non seulement des juges, mais des gouvernements, donc au niveau national.

Le juge Bracco me disait la semaine dernière qu'il a une correspondance avec un homologue de l'Ukraine où on parle justement de l'importance de l'indépendance et des difficultés concernant cette indépendance là-bas. Alors ce que nous essayons de créer, ce sont des liens entre homologues pour pouvoir leur apporter un support moral. C'est très difficile à quantifier, mais les juges qui viennent ici, à leur départ, nous disent très souvent que ce qui les impressionne le plus, c'est l'ouverture de la magistrature canadienne à dialoguer et à se considérer des égaux. C'est pour cela que je déteste l'expression «assistance project». On ne leur apporte pas de l'argent, mais plutôt de l'amitié et du support.

Le sénateur Ferretti Barth: Une ouverture plus humaine et plus démocratique?

M. Goulard: Oui, exactement.

Le sénateur Ferretti Barth: Là-bas, vous avez mis sur pied un bureau équipé d'ordinateurs, de logiciels, et cetera. Est-ce que ces dépenses sont effectuées par le Canada?

M. Goulard: Oui, par l'ACDI.

Le sénateur Ferretti Barth: Vous avez aussi des employés là-bas?

M. Goulard: Nous avons un employé ukrainien payé par nous, à temps partiel. Il travaille à la journée lorsqu'on en a besoin.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous nous avez expliqué comment vous aviez procédé pour le projet ukrainien, mais la Chine ne vous a-t-elle pas fait des demandes d'assistance ou de soutien pour la formation de ses juges? Et dans ce cas, comment procédez-vous et par qui les coûts sont-ils assumés?

M. Goulard: Je crois qu'il y a en effet eu une demande faite par la Chine lors d'une rencontre du premier ministre avec son homologue. Cela fait un certain temps. Un projet a été accordé par l'ACDI à l'Université de Montréal et l'Université McGill, conjointement. Il y a un projet sous la direction de l'Université de Montréal auquel des juges canadiens ont participé, mais mon bureau n'est pas du tout impliqué.

Le sénateur Bolduc: Trouvez-vous que cela a du bon sens pour l'ensemble de la magistrature? Je comprends que vous avez une responsabilité sur leur traitement et que vous êtes un peu comme le directeur du personnel de l'ensemble des juges fédéraux. Combien sont-ils?

M. Goulard: Mille.

Le sénateur Bolduc: Mille dont un nombre très limité à la Cour suprême, un nombre plus élevé à la cour fédérale, un nombre assez imposant à la cour de l'impôt, au tribunal des droits, plus l'ensemble des juges de la cour supérieure. Est-ce que cela a du bon sens qu'il y ait de tels projets faits par l'ACDI et d'autres faits par votre organisme ou par les universités?

On a mille personne qui sont déjà désignées. Elles doivent s'occuper de la cour supérieure et les gens attendent après elles. Il y a souvent des délais et c'est frustrant. Ne devrait-on pas imposer une certaine discipline qui ne doit pas venir du juge Lamer, mais du ministre de la Justice, à l'effet que nos juges vont faire de la coopération internationale? Cependant, il faut une politique claire pour cela, et non pas faire du cas par cas. Une fois cela vient du juge Lamer, une autre fois cela vient d'un autre. Cela a un effet sur l'effectif. Quand les juges ne sont pas ici, cela prend d'autres juges pour les remplacer. Il y en a plusieurs qui sont à la semi-retraite et qui continuent à recevoir leur plein salaire. C'est ce qui se produit. J'en connais plusieurs qui sont sur leur terrain de golf toute la journée. N'y aurait-il pas lieu d'intervenir comme haut fonctionnaire?

J'ai souvent fait cela dans mon temps. Quand je trouvais qu'une affaire n'avait pas de bon sens, j'allais voir mon ministre et je lui disais qu'il fallait faire quelque chose. Ne devriez-vous pas aller voir le ministre de la Justice pour lui dire qu'on n'a rien contre la question des affectations de juges à travers l'univers -- on veut bien aider le monde en Ukraine et ailleurs -- mais qu'on a des ressources limitées? Il faudrait une politique générale. Cela devrait être votre initiative d'aller voir le ministre, de vous entendre avec lui là-dessus et de faire en sorte qu'il y ait une certaine discipline dans le système. Autrement, chaque professeur d'université, durant l'été, va avoir l'idée soudaine qu'il peut aller aider l'Iran par exemple, un autre ce serait le Zimbabwe, et cetera. Il faut voir dans quelle limite les choses vont se passer.

Le gouvernement a coupé partout. On coupe des lits d'hôpitaux et on continue à faire toutes sortes d'interventions à travers l'univers. À tous les jours, je reçois des projets de ministre. Cela ne finit plus! Moi qui suis dans ce milieu depuis des années, qui examine cela à l'année longue, je me dis que ce qui se passe est illogique. Il faudrait que le bon sens revienne de temps en temps. Vous ne trouvez pas?

M. Goulard: Je suis tout à fait d'accord. Les juges en chef de la cour supérieure du Québec sont également d'accord. J'ai une entente avec les juges en chef. Je ne dois approcher aucun des membres de leur cour sans leur approbation.

Le sénateur Bolduc: Je ne parle pas d'un séjour d'une semaine ou d'une conférence d'une journée. Que quelqu'un aille à Cambridge en Angleterre pour une session de quelques jours, cela est acceptable. Je fais plutôt allusion au fait qu'il y a des affectations de mille personnes, des personnes importantes, qui gagnent 150 000 dollars par année et même plus que cela. Je n'ai rien contre cela, elles sont compétentes, elles ont été bien choisies. Il est important qu'elles donnent le service aux Canadiens pour lequel elles sont payées. Qu'on ait à l'occasion une mission internationale spéciale et qu'on envoie quelqu'un pour six mois parce qu'on a une situation mondiale exceptionnelle, je peux comprendre cela. Cependant, il faudrait qu'il y ait une politique précise là-dessus venant du ministre de la Justice.

M. Goulard: Je doute que la ministre veuille s'impliquer dans la micro-gestion du temps des juges. Elle est plus prudente que cela. Par contre, les juges en chef ont la responsabilité de voir à la gestion du temps de leurs juges et ils le font. Dans tous les projets où mon bureau est impliqué, il s'agit seulement de participation à des conférences ou de recevoir des juges. Il ne s'agit pas de prendre un juge et de l'envoyer en quelque part pour deux mois. Je ne dis pas que cela ne s'est pas fait à d'autres moments sous d'autres projets, mais pas dans le cadre de mes projets. Si je commençais à abuser du temps d'un juge, les chefs s'organiseraient pour me remplacer.

[Traduction]

La vice-présidente: Je pense que le juge en chef n'a pas grand-chose à voir avec votre remplacement. Vous venez de dire que le juge en chef verrait à ce que vous soyez rapidement remplacé.

M. Goulard: On a de bons rapports avec le juge en chef Lamer et le ministre. Je suis nommé par décret. On pourrait me remplacer. Tout ce qu'il faut, c'est consulter le Conseil canadien de la magistrature. Jusqu'ici tout va bien et j'aime mon travail.

La vice-présidente: Votre nomination est à la discrétion du ministre. C'est ce que je voulais dire. Je suis sûre que le ministre prend des nominations comme la vôtre très au sérieux.

M. Goulard: Je blaguais.

La vice-présidente: L'article du Lawyer's Weekly dont j'ai parlé, qui cite les propos du juge en chef Lamer au sujet de «Juges sans frontières», est daté du 29 août 1997. J'attends toujours de connaître les renseignements sur les fonds et la façon dont les juges sont payés. Vous pourriez peut-être m'envoyer ces renseignements.

En 1996, le projet de loi C-42 a été déposé au Sénat. Je n'ai pas besoin de vous dire que c'est une mesure législative importante pour la Loi sur les juges, surtout les articles 54 à 57. Ces dispositions visaient à assurer que les juges reçoivent seulement des fonds publics du Canada. De plus, les juges devaient mener des activités relevant uniquement du Parlement du Canada. C'était très important parce que, pendant longtemps, il y a eu des juges commissaires du baseball ou autre chose du genre. Toutes ces mesures ont été prises dans l'intérêt de l'indépendance de la magistrature.

Quand le Sénat a été saisi du projet de loi C-42, les sénateurs étaient presque tous d'accord pour dire que les juges ne devraient pas participer à des activités internationales partout dans le monde. Quand nous avons étudié le projet de loi C-42, la plupart des sénateurs ont accepté, pour diverses raisons, et avec hésitation, d'accorder une seule exception à la juge Arbour. Je pense que, dans la Loi sur les juges, son nom est cité, ce qui est assez particulier et inhabituel.

Étant donné que le Parlement avait clairement énoncé son point de vue sur les activités des juges à l'étranger, vous auriez dû savoir quelles étaient les limites de votre rôle. J'aurais pensé qu'on aurait été moins enclin à envoyer des juges à l'étranger avec une loi bien formulée, énonçant clairement la volonté du Parlement. À votre avis, quel est l'impact de l'amendement du Sénat au projet de loi C-42 sur votre rôle dans la coordination des activités des juges à l'étranger?

M. Goulard: Je ne vois aucun lien entre le projet de loi ou les amendements et ce que je fais. Nous ne faisons que faciliter la tâche des juges canadiens pour les aider à assister à des conférences, à rédiger des documents ou à accueillir des juges étrangers à leurs tribunaux et dans leurs foyers. Ils ne touchent pas d'argent pour ces activités, et ils consacrent beaucoup de temps et d'énergie à des activités qui s'ajoutent à leurs fonctions de juge. Ils ne quittent pas leurs fonctions. Il n'y a pas de rapport entre cela et ce que prévoit l'amendement.

La vice-présidente: Le Parlement a examiné clairement la question des fonctions extrajudiciaires des juges. Je ne suis pas du tout intéressée de savoir, pas plus que les autres membres du comité, si des juges reçoivent dans leurs foyers des juges d'autres pays du monde. Personne ne s'intéresse à cela. Personne ne s'intéresse à ce dont le sénateur Bolduc parlait, de conférences à Cambridge. Le Sénat et le Parlement s'intéressent aux activités que vous coordonnez sous l'égide de l'ACDI. Le Parlement a voulu indiquer à l'époque que les activités des juges doivent être liées à la magistrature et ne pas être de nature politique.

Tout est consigné, comme vous le savez. Le projet de loi C-42 visait à permettre aux juges de s'adonner aux activités que vous avez décrites. En fait, on peut dire que ces projets étaient en bonne voie de réalisation quand nous avons été saisis du projet de loi C-42, et que le projet de loi C-42 visait à faciliter la réalisation de ces projets.

Le Parlement a changé d'idée. Il ne pensait pas que ces activités représentaient une utilisation raisonnable des fonds publics. Le juge Lamer aurait dit que, dans l'opinion publique, «quand on veut, on peut». Il a aussi laissé entendre que les sénateurs n'avaient pas compris l'intention des amendements. Selon vous, quelle est la volonté du Parlement, telle qu'elle a été exprimée dans le projet de loi C-42, par rapport à votre rôle de commissaire à la magistrature fédérale dans la coordination des activités internationales des juges?

M. Goulard: Je pense qu'une demande de congé a été présentée pour permettre à un juge de cesser d'exercer ses fonctions de juge pour une période de temps prolongée avec ou sans traitement. Un congé de ce genre a été accordé seulement à la juge Arbour. Ce que nous faisons n'a pas pour conséquence d'accorder un congé à un juge. Ces activités n'ont pas d'incidence sur leurs fonctions de magistrat. C'est pourquoi j'ai du mal à comprendre que ce que le Parlement, et surtout le Sénat, a dit à l'époque ait quelque chose à voir avec notre participation à ces activités judiciaires de très courte durée.

La vice-présidente: Pourquoi alors le juge Lamer dirait qu'il a trouvé une façon de le faire? Il a dit: «Quand on veut, on peut», et qu'il s'adresserait à Mme Labelle de l'ACDI.

M. Goulard: Je ne peux vous répondre.

La vice-présidente: Je vous remercie monsieur Goulard. Vous avez été très généreux de votre temps. Je crois que nous allons nous réunir mardi à 17 h 30, ce qui est inhabituel. Je dois présenter les deux rapports cet après-midi.

La séance est levée.


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