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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 7 - Témoignages pour la séance du 7 mai 1998


OTTAWA, le jeudi 7 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 8 h 30 pour étudier les questions de privatisation et d'attribution de permis à quota dans l'industrie des pêches au Canada.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Le comité se réunit aujourd'hui afin de poursuivre son étude conformément à l'ordre de renvoi du Sénat, du 19 novembre 1997, et d'examiner les questions de privatisation et d'attribution de permis à quota dans l'industrie des pêches au Canada.

Le premier témoin est M. Jean Saint-Cyr, directeur exécutif de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels. Autrefois appelée l'Association professionnelle des pêcheurs acadiens ou APPA, cette fédération regroupe des capitaines, des équipages et des flottilles semi-hauturières basés sur la côte acadienne du Nouveau-Brunswick.

Les membres du FRAPP participent à des pêches lucratives comme celles de la crevette et du crabe qui, dans le contexte canadien, sont relativement récentes. Le comité vous souhaite la bienvenue.

M. Jean Saint-Cyr, Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels: Monsieur le président, j'aimerais apporter une précision à vos propos. Lorsqu'on parle de la pêche à la crevette, j'ai entendu monsieur le président dire que c'était une pêche lucrative. Il faudrait d'abord examiner les bilans de ces entreprises de pêche à la crevette dans le golfe du Saint-Laurent, spécialement les unités de pêche du Nouveau-Brunswick, qui ont beaucoup de difficultés à atteindre le seuil de rentabilité et même de viabilité.

Comme vous l'avez mentionné, la FRAPP est une organisation de pêcheurs semi-hauturiers. L'organisation existe depuis déjà 30 ans, elle a été fondée en 1967. Elle a évolué avec le temps et a changé de nom à quelques reprises.

Actuellement nos membres sont des pêcheurs qui sont tous sous un régime de contingents individuels ou contingents individuels transférables. Les premiers à être assujettis à ce système de contingence ont été les senneurs de hareng -- ceux qui utilisent des engins mobiles -- ensuite ont suivi la pêche au poisson de fond, la pêche de la crevette et la pêche du crabe.

Nous devons préciser que toutes les entreprises de pêche membres de la fédération sont détenues par des capitaines propriétaires exploitants, qui ont à coeur de maintenir le secteur de la capture du poisson dans les mains de pêcheurs professionnels rattachés à leur communauté côtière.

Cela ne fait qu'une douzaine d'années que nous sommes sous ce système. Pour nous, il est clair que c'est le système que nous préférons. C'est le système que nous encourageons pour les pêches de l'Atlantique, même pour la pêche côtière. En effet, nous avons pu comparer, depuis 12 ans, la différence marquante qui existe entre les deux systèmes de gestion: la pêche compétitive et la pêche non compétitive.

Nous avons constaté, à l'époque où nous faisions de la pêche compétitive, que lorsqu'il y avait un quota de base, les gens devaient se dépêcher à prendre la plus grande quantité de poissons possible avant que le quota ne soit fermé. Cela a créé à l'époque une surcapitalisation de la flottille. Les pêcheurs voulaient avoir les meilleurs équipements possible, ils voulaient avoir le plus de temps possible et essayaient de pêcher leur quantité dans la plus courte période de temps. Cela a amené des conditions de travail inhumaines et des situations qui mettaient en péril la vie des membres d'équipage et des capitaines propriétaires.

D'ailleurs, notre dernier naufrage au sein de notre flottille date de 1987. Le rythme beaucoup plus normal que permet les systèmes de contingents individuels par bateau n'est pas étranger à cette situation. S'il y a un problème avec le bateau, ils prennent le temps de faire réparer ce bateau. Ils ne vont pas se dépêcher et attendre après que la saison de pêche soit terminée.

Il n'y a pas que ces avantages qui font que nous tenons à ce que les contingents individuels par bateau soient maintenus et, dans une autre étape, les systèmes de partenariat avec le ministère des Pêches et des Océans.

D'après notre expérience, depuis que nos pêcheurs sont dans le système de contingents individuels, transférables ou non, suivant les situations, cette formule nous offre beaucoup de possibilités. Elle permet aux pêcheurs de mieux planifier les activités de pêche, d'humaniser, comme je l'ai dit tout à l'heure, le rythme de travail sur le bateau et de prolonger la saison de pêche. Cela crée ainsi des périodes d'emploi en usine plus longues qui préviennent les engorgements.

Nous avions des problèmes d'engorgement pour pratiquement toutes les espèces lorsque nous étions sous le régime de contingents compétitifs. Maintenant que nous sommes sous des contingents individuels, les usines sont en mesure de demander aux pêcheurs de suivre un certain horaire pour les débarquements et la saison de pêche. Nous n'avons plus besoin de suréquiper les bateaux pour faire concurrence au voisin. On peut adapter la capacité du bateau selon le quota du bateau, ou encore on peut négocier l'achat de certains quotas pour rentabiliser une unité de pêche.

Cela se fait dans les deux sens: ou on diminue le type d'investissement qu'on met ou encore on tente d'augmenter un peu la part du bateau. Tout cela se fait par un processus de négociation entre les détenteurs de quotas individuels.

Il est important de souligner qu'auparavant, sous le système compétitif, le contrôle des captures était aléatoire et en tout cas distancé, c'est-à-dire que des contrôles sporadiques visuels étaient faits par les autorités du ministère. On se fiait surtout sur deux outils pour contrôler les captures: les bordereaux d'achats des usines qui achetaient ou la vérification du journal de bord du pêcheur qui indiquait le volume des captures débarquées.

Avec l'instauration du programme de contingents individuels, en même temps que ce programme était mis en place, les pêcheurs, à la demande du ministère des Pêches et des Océans, ont organisé et financé un système de vérification appelé vérifications à quai. Ces vérifications se font sur chacun des bateaux et sont effectuées selon les normes imposées par le ministère des Pêches et des Océan et par des firmes indépendantes.

Je crois que le portrait est beaucoup plus clair pour les flottilles qui sont sous un programme de contingents individuels et des volumes de poissons débarqués. Chaque livre débarquée à quai est pesée et enregistrée.

Pourquoi faisons-nous la promotion des approches de cogestion et de partenariat dans les pêches? Nous croyons que tous les intervenants du domaine des pêches doivent être responsabilisés si on veut arriver à gérer ces pêches. Nous avons exigé pendant de nombreuses années, sans l'obtenir, un minimum de stabilité dans le domaine des pêches. Si vous êtes à l'écoute, comme j'en suis convaincu, des nouvelles, vous vous rendez compte que depuis plusieurs années, il y a toujours des crises. La gestion par crise n'est pas le type de gestion que nous envisageons pour stabiliser l'industrie des pêches de l'Atlantique. Plus la méthode des contingents individuels sera répandue à travers les pêches de l'Atlantique, plus le ministère des Pêches et des Océans signera des ententes de partenariat avec les différentes flottilles et plus nous atteindrons cette stabilité de l'industrie. Chose certaine, nous allons pouvoir mieux planifier les activités et arrêter de gérer les pêches d'une crise à l'autre. Nous sommes réellement fatigués de gérer à chaque année des crises qui pourraient être évitées si on mettait en place des systèmes de gestion rationnels et si on dépolitisait davantage le système des pêches.

Je crois que la politique a tout à fait le droit de regard sur ce qui se passe dans le domaine des pêches. Le domaine politique a une responsabilité quant au bien-être des citoyens et quant à la protection de la ressource. Si on peut avoir des plans établis pour quatre ou cinq ans, nous éliminerions cette bagarre politique qui s'installe entre les recommandations du comité consultatif et la décision du ministre.

Entre ces deux événements, il y a énormément de pression exercée au bureau du ministre. Les suggestions faites au ministre ne sont pas toujours dans le meilleur intérêt de l'industrie des pêches.

Je vous ai donne les grandes lignes des objectifs que nous poursuivons comme fédération au sujet de la gestion des pêches. Si vous voulez plus de précision, je répondrai à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, M. Saint-Cyr, c'est un très bon aperçu de votre industrie.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Je constate que l'Association acadienne du crabe représente les pêcheurs du crabe semi-hauturiers tandis que l'Association du crabe du Golfe représente les senneurs de hareng. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez au juste par semi-hauturiers et hauturiers dans ce domaine?

[Français]

M. Saint-Cyr: Nous employons le terme semi-hauturier pour des bateaux qui ont plus de 45 pieds mais moins de 100 pieds. Il s'agit aussi d'une question de journée en mer, sauf trois senneurs à la traîne, tous nos bateaux sont des bateaux de moins de 100 pieds. La moyenne de la flottille membre de notre fédération est de 64 pieds.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Cela veut-il dire que les pêcheurs semi-hauturiers du crabe peuvent très bien pêcher dans la même zone de pêche que les senneurs hauturiers de hareng?

[Français]

M. Saint-Cyr: À notre connaissance, pas tout à fait, parce que là où se trouve le hareng, nous n'avons pas de terrain favorable pour le crabe. Les terrains de pêche séparent naturellement les flottilles.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Mais s'il y avait du crabe, il n'y aurait aucune distinction entre la zone de pêche semi-hauturière pour les pêcheurs du crabe et la zone de pêche hauturière pour les senneurs de hareng, n'est-ce pas?

[Français]

M. Saint-Cyr: Cela pourrait être possible, oui.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Vous avez présenté de très bons arguments en faveur des contingents individuels transférables. Je constate que la pêche du crabe a débuté avec des contingents individuels transférables en 1990. Lorsque le système de contingents a été instauré la première fois, combien y avait-il de contingents?

[Français]

M. Saint-Cyr: Si la question est de savoir le nombre de quotas à l'époque, en 1986, nous étions vraiment au fond du baril. La pêche du crabe au Nouveau-Brunswick a toujours été une pêche importante surtout à partir des années 80. En 1982, le Nouveau-Brunswick a atteint le maximum de débarquements. Nous avons réalisé des débarquements à l'époque de 20 000 tonnes, seulement pour la province du Nouveau-Brunswick.

En 1983, 1984 et 1985, nous avions des débarquements de l'ordre de 18 000 tonnes. À partir de 1986, les débarquements de crabe ont chuté complètement pour arriver, en 1989, aux environs de 5 000 tonnes. C'est à ce moment que nous avons négocié les contingents. En 1985, le MPO demandait à nos pêcheurs de considérer un système de contingents individuels. Les pêcheurs s'y refusaient et, finalement, tout le monde a convenu qu'il valait mieux changer de système de gestion. De toute évidence, le système de contingent global ne fonctionnait pas pour cette pêche. Aujourd'hui, suite aux résistances initiales des pêcheurs de l'époque, si vous demandiez aux pêcheurs ce qu'ils préfèrent comme système de gestion, la très grande majorité des pêcheurs vous diraient qu'ils préfèrent garder le système actuel.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Je ne veux pas savoir le volume des débarquements mais le nombre des contingents individuels. Combien de bateaux ou de pêcheurs avaient des contingents. Je ne veux pas savoir le volume des contingents en livres.

Le sénateur Jessiman: Il y en a 130 à l'heure actuelle. Voulez-vous savoir quel était leur nombre?

Le sénateur Stewart: Oui.

[Français]

M. Saint-Cyr: Il y a 130 semi-hauturiers, 2 en Nouvelle-Écosse, 81 au Nouveau-Brunswick et 47 au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Combien y en a-t-il maintenant au Nouveau-Brunswick?

[Français]

M. Saint-Cyr: C'est le même nombre. Est-ce que vous pouvez répéter la question?

Le président: La question, monsieur Saint-Cyr, était la suivante: il y avait combien de bateaux avant l'instauration du système de quota individuel que nous avons aujourd'hui?

M. Saint-Cyr: Exactement le même nombre que nous avons aujourd'hui. Le nombre de permis n'a pas changé.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: On nous a dit que dans la pêche à la morue charbonnière, il y avait un nombre nominal de bateaux. En d'autres mots, le nombre de contingents n'avait pas changé mais il y avait une consolidation des bateaux, c'est-à-dire que certains bateaux pêcheraient deux ou trois contingents. Il s'agit des contingents individuels transférables, et j'essaie de déterminer le nombre de transferts qui ont eu lieu, le cas échéant.

Le sénateur Jessiman: Ne serait-il pas préférable de demander s'il y avait plus d'un permis par bateau?

Le sénateur Stewart: Je pense que cela présente une complication supplémentaire.

[Français]

M. Saint-Cyr: Sénateur Stewart, la situation à laquelle vous faites référence ne s'applique pas à la pêche du crabe mais bien à la pêche de la crevette. Pour la pêche du crabe, il y a exactement le même nombre de quotas qu'il y a de permis. Il n'y a pas eu de transfert entre les individus parce que pour la pêche du crabe, nous n'avons pas de contingents individuels transférables. Le ministère a décidé que les quotas actuellement en place sont suffisants pour rentabiliser une unité de pêche. Cependant la situation que vous avez décrite est exacte en ce qui a trait au contingent individuel de la pêche de la crevette. Au niveau de la pêche de la crevette, il y a eu consolidation parce qu'il y a, par rapport aux quantités disponibles, une surcapacité d'unités de pêche. Il y a eu un effort privé par les intervenants pour rationaliser autant que possible. Cet effort continue, pour rationaliser la flottille de pêche de la crevette dans le golfe du Saint-Laurent.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Ma remarque s'adresse au président. D'après l'information dont je dispose, les flottilles de la FRAPP étaient assujetties au régime de contingents individuels transférables, et ce régime a été mis en place pour les pêcheurs de crabe en 1990. Le témoin nous dit maintenant qu'ils n'ont pas de système transférable. Ce système existe pour la crevette mais pas pour le crabe. Qu'en est-il exactement?

Le président: J'avais aussi l'impression, sénateur Stewart, que le crabe était assujetti au régime de contingents individuels transférables.

Le sénateur Stewart: C'est important car on reproche entre autres au système de contingents transférables de favoriser la consolidation. Il existe des contingents, mais il n'y a que cinq ou six propriétaires. On pourrait peut-être apporter des éclaircissements par la suite.

Le président: Nous avons maintenant des renseignements plus précis indiquant que le crabe n'est pas assujetti au régime de contingents individuels transférables mais que la crevette l'est. C'est ce que semble dire le témoin. Nous nous baserons donc sur cette nouvelle information.

Le sénateur Stewart: Vous semblez indiquer que la pêche que vous pratiquez, c'est-à-dire la pêche du crabe, n'était pas très rentable il y a 10 ans mais que le nouveau système, quel qu'il soit, est plus avantageux pour ceux qui pêchent le crabe. Est-ce que vous faites simplement un peu d'argent ou faites-vous beaucoup d'argent, en supposant qu'il y a du crabe et que les Japonais veulent en manger.

[Français]

M. Saint-Cyr: Il faut se rappeler que la pêche du crabe de l'Alaska s'est effondrée au début des années 1980. En 1982, leurs débarquements ont chuté de façon dramatique. Pendant plusieurs années, il n'y avait presque pas de débarquements de crabe royal. C'est à ce moment que les japonais se sont tournés vers l'Atlantique pour un approvisionnement de crabe et les prix ont augmenté de façon assez rapide. C'était déjà relativement rentable de pêcher le crabe à cette époque, avant les contingents individuels.

Nous avons connu des chutes très importantes, de 1986 à 1990, du contingent et de la ressource. Lorsque les contingents individuels ont été mis en place, cela a changé toute l'atmosphère de la pêche: cela a changé surtout l'approche à la gestion des stocks de crabe dans le sud du golfe. Si nous avons pu remonter à un niveau quand même assez intéressant l'état de la ressource du crabe, c'est grâce aux mesures que les pêcheurs de crabe semi-hauturiers ont prises à cette époque.

En 1990, c'était le fond du baril. En 1995, nous avons réussi quand même à remettre la ressource en santé et à pouvoir pêcher d'une façon qui nous permettait de dépendre d'un recrutement et d'avoir une certaine stabilité. Actuellement, nous sommes dans un port en déclin mais au moins nous connaissons le cycle. Nous avons travaillé suffisamment avec les scientifiques pour prévenir les cycles et prendre les mesures nécessaires pour éviter une décroissance anormale. Il est normal que le stock augmente et diminue, mais actuellement, c'est prévu et nous nous y préparons.

[Traduction]

Le président: Puis-je vous demander, sénateur Stewart, de garder vos autres questions pour le deuxième tour?

Le sénateur Stewart: Certainement.

Le président: La réponse me pose problème. Nous allons y revenir.

Le sénateur Robertson: Bonjour, monsieur Saint-Cyr. Comme certains de mes collègues, je ne saisis pas très bien cette question de contingents transférables. Permettez-moi de l'aborder différemment. N'est-il pas exact que différents pêcheurs ont différents contingents?

[Français]

M. Saint-Cyr: Oui, c'est exact.

[Traduction]

Le sénateur Robertson: D'après ce que je crois comprendre, cela s'explique de bien des façons. D'après mes renseignements, je crois que l'une des explications inclut les contingents transférables. Est-ce l'une des raisons pour lesquelles nous avons des contingents différents?

[Français]

M. Saint-Cyr: Pas tout à fait, sénateur Robertson. Au moment où les contingents individuels ont été instaurés, une partie du contingent était distribuée également, et l'autre partie du contingent individuel était fondée sur l'historique des débarquements de chaque détenteur de permis.

Il y avait d'abord le quota: on divisait le quota également de façon à ce que tout le monde ait au moins le minimum pour pouvoir opérer. Et l'autre partie permettait aux bateaux plus importants et plus dispendieux d'opérer. Les gens qui étaient équipés pour chercher du crabe plus loin avaient investi davantage que ceux qui avaient des plus petits bateaux et qui restaient plus près de leur port d'attache. Pour permettre à tout le monde d'être rentable, on a fait, d'une part, cette distinction en constituant le contingent individuel à part égale pour tout le monde et, d'autre part, la répartition des prises historiques de chacun des bateaux.

[Traduction]

Le sénateur Robertson: Vous représentez, je crois, environ 32 pêcheurs, n'est-ce pas?

[Français]

M. Saint-Cyr: L'an dernier, nous avions 44 pêcheurs de crabe, cette année nous en avons 32. Nous espérons que nous en aurons 50 l'an prochain. C'est un peu la politique locale qui joue.

[Traduction]

Le sénateur Robertson: Tous ces pêcheurs ont-ils leurs propres navires?

[Français]

M. Saint-Cyr: Oui, sauf ceux qui sont décédés, à ce moment le bateau appartient à la succession. Tous nos bateaux, sauf un qui appartient aux Pêcheries Belle Baie, sont la propriété de pêcheurs indépendants.

[Traduction]

Le sénateur Robertson: Je vais faire attention à la façon dont je formule ma question parce que je ne saisis pas encore très bien cette histoire de transférabilité. Que pensez-vous, monsieur, d'un système de contingent individuel qui fait en sorte que tous les pêcheurs ou titulaires de licence ont le même contingent, peut-être un contingent moyen; cela permettrait-il une répartition plus équitable des ressources?

[Français]

M. Saint-Cyr: Dans certains cas, cela existe, par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, mais habituellement, les quotas sont égaux pour tous. Lorsque de nouveaux détenteurs arrivent dans une pêche, on a réservé pour eux une partie du contingent. Ils ont accès à cette pêche mais tout le monde se partage la même quantité.

Dans la pêche du crabe, vous avez affaire à un noyau de 130 bateaux, qui a commencé à pêcher à la fin des années 1970. Il y avait plus de pêcheurs au début, il y a 30 ans, de 1966 à 1970. Le MPO a exigé qu'il y ait un gel sur les permis, c'est-à-dire un accès limité à la pêche. On a éliminé ceux qui avaient abandonné cette pêche.

On a donné des permis à ceux qui avaient toujours maintenu une activité dans la pêche. Avec cette activité continuelle, il y a eu différents historiques de pêche. Il y a eu également des investissements qui n'ont pas été égaux pour tout le monde. Certains ont investi un peu et d'autres beaucoup pour aller explorer le golfe du Saint-Laurent et trouver des terrains de pêche du crabe.

Cet écart entre les bateaux existe parce qu'à ce moment, on laissait complètement à l'initiative des pêcheurs les terrains de pêche à découvrir et les investissements qu'ils pouvaient faire. Au Nouveau-Brunswick, les pêcheurs et le gouvernement ont investi énormément dans la flottille de la pêche du crabe. Alors vouloir les mettre à égalité avec ceux qui n'ont pas investi dans cette flottille ne serait pas une solution équitable.

[Traduction]

Le sénateur Butts: Dans votre documentation, on indique que des hommes de pont professionnels font partie de votre organisation. Qu'entendez-vous au juste par le terme «professionnels»?

[Français]

M. Saint-Cyr: Nous définissons le terme «professionnel» pour des pêcheurs qui ont une expérience et qui ont reçu une formation adéquate pour être des travailleurs en mer. Sur le plan de la formation, au Nouveau-Brunswick, nous sommes choyés parce que nous avons une excellente école des pêches. La très grande majorité de nos membres ont suivi les cours offerts par l'École des pêches du Nouveau-Brunswick, à Caraquet.

[Traduction]

Le sénateur Butts: Cette école est-elle administrée par le MPO?

[Français]

M. Saint-Cyr: Non, elle est administrée par le ministère des Pêches et de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick. C'est une institution provinciale.

[Traduction]

Le sénateur Butts: Votre organisation compte des pêcheurs semi-hauturiers et hauturiers. Est-ce qu'elle comprend des pêcheurs côtiers?

[Français]

M. Saint-Cyr: Notre association, en 1967, lorsque la première association de pêcheurs professionnels a été formée, elle comprenait les deux groupes: le groupe côtier et le groupe semi-hauturier. À cause du type de pêche pratiqué, qui était de plus en plus différent, à cause du type de gestion mise en <#0139>uvre par le ministères des Pêches et des Océans, qui était différente pour l'une et l'autre des flottilles, ont a décidé dix ans plus tard de se séparer. Les côtiers ont rejoint les rangs de l'Union des pêcheurs des Maritimes, et les semi-hauturiers ont formés une nouvelle association qui ne comprenait que les semi-hauturiers.

[Traduction]

Le sénateur Butts: Lorsque vous dites dans votre présentation que votre système permet de partager les profits, voulez-vous dire uniquement parmi vos propres membres?

[Français]

M. Saint-Cyr: Je ne sais pas à quoi vous faites référence.

[Traduction]

Le sénateur Butts: Vous déclarez que l'avantage de votre système, c'est qu'il permet de partager les profits. Ce partage se fait uniquement parmi vos propres membres, n'est-ce pas?

[Français]

M. Saint-Cyr: Non, je ne sais pas s'il y a un problème de traduction. L'avantage d'un système de contingents individuels permet à chaque propriétaire de bateau, qui est un entrepreneur, de mieux gérer le contingent de poissons qui lui est attribué. Il peut mieux définir ses objectifs et la façon dont il va gérer son contingent de poissons. Habituellement, à cause de ce système, il arrive à pêcher avec des frais moins élevés que s'il était dans un système de contingent global.

[Traduction]

Le sénateur Butts: Vous dites également que ce système prévoit des ententes de partenariat avec le MPO. Qui sont les partenaires?

[Français]

M. Saint-Cyr: Les deux partenaires sont un regroupement de pêcheurs, qui ont le même genre d'activité, et du ministère des Pêches et des Océans. Les pêcheurs sont représentés par l'association. Ils doivent être incorporés et ce contrat est entre le ministère des Pêches et le regroupement de pêcheurs. Dans le cas du crabe, par exemple, ce n'est pas une entente de partenariat mais un projet d'entente conjoint. La nouvelle loi n'étant pas encore adoptée, nous ne pouvons pas avoir des ententes de partenariat. Pour le crabe, cinq associations de pêcheurs sont signataires de l'entente avec le ministère des Pêche et des Océans.

[Traduction]

Le sénateur Butts: Il n'y a pas de place pour les non-membres. Comment fait-on pour devenir membre?

[Français]

M. Saint-Cyr: Les partenariats sont identifiés par des groupes d'exploitants. C'est vrai que cela serait difficile pour un pêcheur qui serait entièrement indépendant et qui ne serait pas affilié à aucun autre groupe. Cela est de plus en plus rare. Je ne connais pas personnellement de pêcheurs qui ne sont pas affiliés à un groupe, étant donné la complexité de la gestion des pêches aujourd'hui. Je crois que cela ne serait pas dans son intérêt et dans l'intérêt du ministère des Pêche et des Océans étant donné le nombre important d'intervenants qu'il peut y avoir. Je ne vois pas comment le ministère des Pêches et des Océans arriverait à gérer les pêches en tenant compte du point de vue de chaque individu.

[Traduction]

Le sénateur Butts: Quelles sont les cotisations versées par les membres de votre organisation?

[Français]

M. Saint-Cyr: Nous sommes une fédération comprenant quatre associations, et chaque association fixe les cotisations selon ses besoins. Par exemple, l'association des senneurs, qui ne comprend que cinq membres, investissent beaucoup dans leur association, et cela leur coûte environ 5 000 $ à 6 000 $ pour chaque bateau. Les membres d'équipage -- ce sont les travailleurs -- doivent cotiser 300 $ par année pour être membre de leur association. En ce qui a trait aux crabiers, par exemple, ils paient 1 500 $ à notre fédération, et 1 500 $ à leur association. Les cotisations pour les crevettiers sont 1 500 dollars à la fédération et 1 000 $ à leur association.

[Traduction]

Le sénateur Jessiman: Je suppose qu'il n'y a pas de différence entre une licence et un permis et que la licence prévoit un contingent, n'est-ce pas?

[Français]

M. Saint-Cyr:La licence ou le permis de pêche vous donne le droit d'aller à la pêche. Le ministère a décidé que le nombre de permis qui existait à une certaine époque n'allait pas augmenter. Je crois que c'est une décision sage.

En ce qui a trait au contingent individuel, c'est un programme de gestion qui donne à chacun des pêcheurs un pourcentage du contingent. Il ne donne pas une quantité de poisson fixe, mais un pourcentage du contingent global. C'est ce pourcentage que le pêcheur garde. Si le quota descend, le quota individuel du pêcheur descendra, si le quota augmente, le quota individuel du pêcheur augmentera, c'est ainsi que c'est géré.

[Traduction]

Le sénateur Jessiman: La licence est-elle émise à une personne ou à un groupe et, si oui, est-elle aussi rattachée à un bateau ou simplement à un pêcheur, qu'il s'agisse d'un pêcheur individuel ou d'une société?

[Français]

M. Saint-Cyr: Dans la très grande majorité des cas du golfe du Saint-Laurent, la plupart des permis de pêche semi-hauturière, que ce soit le crabe, la crevette ou le poisson de fond, sont détenus par des pêcheurs indépendants. Certains de ces pêcheurs ont formé des compagnies pour pouvoir gérer leur entreprise de pêche. Habituellement, le permis de pêche est toujours donné au nom de l'individu. Dans certains cas, il est donné au nom de la société formée par le pêcheur individuel, société dont il est l'actionnaire principal.

[Traduction]

Le sénateur Jessiman: La personne qui détient la licence est-elle obligée d'exploiter un bateau en particulier ou peut-elle exploiter un, deux ou cinq bateaux? Est-elle limitée de quelque façon que ce soit? Je sais qu'en vertu de ce nouveau système, elle peut transférer la licence. Est-ce que plus d'une licence peut être détenue par plus d'une personne et un bateau peut-il être représenté par plus d'une licence? Est-ce que chaque bateau doit avoir sa propre licence?

[Français]

M. Saint-Cyr: Vous allez trouver cette information dans la politique d'émission de licence du ministère des Pêches et des Océans. C'est une politique qui guide ce genre de situation à laquelle vous faites allusion. Comme je l'ai dit tout à l'heure, par exemple, dans le crabe, la plupart des bateaux sont de moins de 65 pieds, donc ils sont régis par la politique d'émission des licences qui vise ce type de bateau. Si le détenteur de licence n'a pas de bateau, il a une certaine période de temps durant laquelle il doit remplacer son bateau. Sinon, il doit se départir de sa licence de pêche. Dans d'autres espèces, ce n'est pas nécessairement le cas. En ce qui a trait au détenteur d'un contingent individuel, il arrive que certains bateaux ont deux contingents individuels sur le même bateau, mais cette situation habituellement est temporaire. La licence doit être liée à un bateau, elle ne peut pas être séparée sur plusieurs bateaux. Elle doit être liée à un bateau spécifique. Si le détenteur du permis n'acquière pas de bateau dans les deux ans, il doit se départir de sa licence.

Le président: Je vais poser une question qui répondra à une confusion.

Souvent nous utilisons l'expression des contingents individuels transférables.

[Traduction]

Nous en sommes venus à considérer que les contingents sont transférables d'un bateau ou d'un pêcheur à l'autre de façon permanente.

Je crois comprendre qu'en ce qui concerne la pêche du crabe du golfe, on peut transférer uniquement les contingents pendant la saison.

[Français]

Est-ce exact de dire que la transférabilité des contingents est valide seulement pour la saison? Vous pouvez seulement transférer les contingents pendant la saison. Vous ne pouvez pas les transférer d'une façon permanente, n'est-ce pas?

M. Saint-Cyr: Si vous vous référez au crabe, il y a un transfert permanent dans le cas où quelqu'un doit vendre son quota. Ce n'est pas le cas dans d'autres espèces de pêche comme la crevette, par exemple, où on peut transférer durant une saison une partie de son quota. Si un pêcheur prévoit qu'il aura des problèmes mécaniques, il ne pourra pas compléter sa saison de pêche, il peut prendre une partie de son contingent et le transférer temporairement à un autre. Ces transferts permanents sont faits d'un bloc. Il peut y avoir dans certaines flottilles, des parties de contingent et le ministère ajuste le pourcentage à ce moment. Dans le crabe, ce ne sont pas des contingents transférables.

Le président: Ce sont des contingents individuels. Il n'y a pas de transférabilité.

M. Saint-Cyr: Pas dans le crabe, seulement pour répondre à des situations très temporaires de bris mécaniques, des situations comme celles-là.

Le président: Cela répond à ma question. Il y avait un peu de confusion. Un de vos écrits indiquait que les flottilles représentées par la FRAPP sont toutes sous un régime de contingent individuel transférable. Cela n'est pas exact?

M. Saint-Cyr: Elles sont toutes sous contingent individuel. La crevette et le poisson de fond ont des contingents individuels transférables.

Le président: Cela répond à notre question.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Cela va tellement mal que je n'arrive pas à penser à une question utile. Je regarde un document préparé par Pêches et Océans. À l'annexe VI, le titre est «Liste des CIT», «Flottille semi-hauturière traditionnelle», et le premier nom est celui de Jules Blanchard, et son numéro de contingent individuel y est indiqué. Le nom suivant est celui de Serge Blanchard. Chacun de ces hommes a droit à un pourcentage du TPA, c'est-à-dire du total des prises admissibles. Est-ce que M. Jules Blanchard pourrait vendre ou louer sa portion du TPA, de façon temporaire ou permanente, à M. Serge Blanchard?

[Français]

M. Saint-Cyr: Actuellement, non.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Donc, dans ce sens, elle n'est pas transférable.

[Français]

M. Saint-Cyr: Dans le cas de la pêche du crabe, ce n'est pas transférable. Dans le cas de la pêche de la crevette, c'est transférable.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Le problème, c'est que le document du MPO, à l'annexe VI, qui indique son contingent individuel transférable, semble incorrect. Il n'est pas transférable, comme le témoin l'a indiqué.

Le sénateur Jessiman: Deux personnes utilisent le même bateau.

[Français]

M. Saint-Cyr: J'aimerais simplement apporter une précision au sénateur Stewart, j'ai vu le document qu'il exhibait. C'est le plan intégré de gestion du crabe du sud du golfe et la liste à laquelle il se référait, c'est la liste administrative des contingents individuels, mais ils ne sont pas transférables.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: Quoiqu'il en soit, il y a le mot «transférable» dans le titre.

Où se fait la transformation du crabe? Existe-t-il des usines de transformation dans la région de Shediac, au Nouveau-Brunswick?

[Français]

M. Saint-Cyr: Vous allez discuter, sans doute, avec des gens du secteur de la transformation qui pourraient vous donner un portrait beaucoup plus clair. Chez nous, en ce qui a trait à la flottille du Nouveau-Brunswick, la transformation se fait principalement dans la péninsule acadienne, le nord-est du Nouveau-Brunswick. Il y a quelques usines dans le sud-est de la province qui s'approvisionnent de bateaux qui ont leur port d'attache dans le nord de la province.

[Traduction]

Le sénateur Stewart: L'un des arguments invoqués pour appuyer le système de contingent individuel, c'est qu'il favorise la conservation des stocks. Un homme du Nouveau-Brunswick a dit qu'on pratique le tri éliminatoire dans la pêche du crabe. Comme il l'a dit: «Les Japonais mangent avec leurs yeux. S'il manque une patte à un crabe, on le rejette à l'eau». Même avec le système de contingent, le tri éliminatoire est possible. Le tri est l'un des aspects critiqués du régime plus concurrentiel, mais est-ce qu'il se pratique lorsqu'il y a des contingents individuels?

[Français]

M. Saint-Cyr: Nous avons institué un système qui tente d'évaluer justement s'il y a un certain facteur de tri qui s'effectue en mer. Nous ne favorisons pas le tri en mer parce qu'à moyen et à long terme, vous vous retrouvez avec des problèmes au niveau de la ressource. Il faut que la capture se fasse de façon à ne pas cibler, par exemple, les crabes mutilés en raison du cannibalisme entre les crabes ou de la mauvaise manutention. Après quelques générations, on risquerait d'avoir des problèmes.

La qualité du produit qui est rapporté à terre influence un peu le prix. À long terme et à moyen terme, en moyenne, cela devrait s'équivaloir. Nous ne favorisons pas le tri en mer et nous mettons en oeuvre des mesures qui permettent d'évaluer si quelqu'un fait du tri en mer. S'il le fait, il pourrait y avoir des sanctions.

Le président: M. Saint-Cyr, nous vous remercions beaucoup pour votre présentation. Nous avons eu des difficultés techniques, la qualité du son nous a causé des difficultés et c'est en grande partie à cause de la salle et des micros que nous avons utilisés. Nous regrettons que la qualité n'ait pas été aussi bonne que nous l'aurions voulue. Nous apprécions votre patience et votre compréhension. C'est la première fois que nous éprouvons ce genre de difficulté avec cette technologie depuis le début de nos délibérations. J'aimerais aussi remercier les interprètes qui nous ont aidés tout au long de la discussion.

M. Saint-Cyr, nous apprécions votre bonne contribution à l'étude que nous effectuons présentement. Bonne chance à votre flottille.

M. Saint-Cyr: J'espère que vous n'hésiterez pas à nous contacter de nouveau pour des éclaircissements. Je préfère mettre du temps pour éclaircir les choses plutôt que de vous laisser sous de fausses perceptions.

Le président: Voilà la difficulté que nous avons eue au tout début. Nous avions reçu des documents qui indiquaient que les contingents étaient transférables. Nous nous étions basés sur ces documents. Ce sont des documents du ministère des Pêches et des Océans qui indiquaient que c'étaient des ITQ. Cela nous a causé des difficultés, mais ce n'était pas votre faute, M. Saint-Cyr.

[Traduction]

Notre deuxième témoin est M. David Coon, directeur de la politique du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, fondé en 1969. Le conseil est une organisation environnementale à but non lucratif et à caractère charitable.

Le financement de base du conseil est assuré grâce aux dons de ses membres et de ses partisans et à des recettes provenant d'événements spéciaux. Un conseil d'administration se composant de 24 bénévoles recrutés un peu partout dans la province surveille les travaux de l'organisation.

En 1990, le conseil a été nommé au Palmarès mondial de l'écologie du Club global 500 des Nations Unies en reconnaissance de sa contribution à l'amélioration et à la protection de l'environnement.

Le conseil a également été l'un des fondateurs de l'organisation Amis de la terre Canada et du Réseau canadien de l'environnement. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité, monsieur Coon. Nous tenons à vous remercier d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant nous. Comme je l'ai indiqué au témoin précédent, vous avez une demi-heure pour faire votre présentation. Si votre présentation est plus courte, cela nous donnera plus de temps pour poser des questions.

Je vous souhaite donc la bienvenue au comité, monsieur Coon. Je vous cède la parole.

M. David Coon, directeur de la politique, Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick: Comme le décrit votre document, le conseil de conservation est une organisation de citoyens. Nos activités consistent entre autres à promouvoir des politiques qui favoriseront la gestion des ressources naturelles pour qu'elles assurent une richesse perpétuelle à nos collectivités.

Voici le contexte dans lequel le conseil de conservation a procédé à l'élaboration et à la promotion d'une autre façon d'aborder la gestion des pêches, afin de privilégier un recours accru aux contingents individuels transférables au lieu de la tendance actuelle axée sur les permis à quota.

Nous prônons un régime mieux adapté à l'écosystème marin, aux pêches, aux processus écologiques, un régime qui privilégie l'accès aux ressources marines des collectivités dont elles ont toujours été le gagne-pain.

Notre travail repose sur trois hypothèses de départ. Premier point, il faut respecter les contraintes imposées par la nature au moment de décider de la saison, du lieu et des engins de pêche de même que des stocks exploités. Deuxième hypothèse, les efforts de pêche à petite échelle, comme ceux qui sont déployés pour la pêche côtière dans toute sa diversité, sont les mieux adaptés à ces contraintes naturelles. Dernière hypothèse, il faudrait que les collectivités -- et par là il faut entendre les petites villes et les petits villages dont la pêche a toujours été le gagne-pain -- aient accès à la ressource locale vue comme un bien public collectif. Cela ne veut pas dire qu'il faut leur céder des droits de propriété privée sur la ressource, par exemple des quotas individuels transférables, mais plutôt des droits collectifs, des droits publics.

Ce que nous appelons «la gestion des pêches collective et écologique» a pour objet explicite la conservation des pêches et la survie des collectivités côtières qui en dépendent. Il est pour nous essentiel, quand on parle de gestion des pêches, que les objectifs du régime de gestion soient très clairement énoncés, parce qu'ils représentent le contexte au sein duquel on évolue. Ces objectifs ne sont pas toujours explicites.

Dans le contexte des permis à quotas et des quotas individuels transférables, soit l'objet de votre étude, j'aimerais passer en revue avec vous les principales composantes de la gestion collective et écologique, par opposition peut-être à la gestion par quota individuel transférable et par permis à quota.

J'aimerais vous parler aussi de quelques initiatives prises dans le secteur de la baie de Fundy, plus particulièrement de celles prises par les pêcheurs favorables à une gestion collective et écologique. Je mentionnerai également certaines difficultés que leur cause ce virage.

Une bonne partie de ce qui a été proposé comme mesures de gestion des pêches, comme changements envisagés à la gestion, revient en un certain sens à faire du rapiéçage. L'approche suppose au départ que l'actuelle gestion des pêches ne pose pas de problèmes fondamentaux. Toutefois, comme nous l'avons vu, ces problèmes existent bel et bien. Tous le reconnaissent. Il y a eu effondrement et déclin des stocks non seulement dans l'Est du Canada, mais dans de nombreux autres lieux de pêche importants du monde. De toute évidence, quelque chose cloche.

Au Canada, nous attribuons l'échec de la gestion des pêches à toutes sortes de facteurs, allant de la classe politique aux pêcheurs, des phoques à la température de l'eau, mais aucune de ces raisons n'explique à elle seule le phénomène. À notre avis, le coeur du problème est de supposer qu'il suffit de compter les stocks pour les gérer.

Quelles que soient les réserves et les conditions dont on assortit le total des prises admissibles, celles-ci sont interprétées comme étant des nombres absolus. Quand les gestionnaires s'en servent, ils gèrent des nombres, non pas la pêche. Fait encore plus remarquable, ces nombres ne tiennent pas compte des impératifs écologiques et biologiques du poisson et des populations de poisson. Voilà ce qui explique selon nous l'état désastreux des pêches au Canada.

En fait, quand nous avons commencé à examiner l'état de la gestion des pêches et l'approche adoptée à cette fin, nous avons été marqués par l'absence de facteurs biologiques et écologiques dans le processus décisionnel.

Pour en revenir à la gestion des nombres, elle a pour résultat les permis à quota, les permis ainsi que le total des prises admissibles. Elle suppose certaines choses au départ, y compris que les poissons se déplacent au hasard dans l'eau et que le poisson et les populations de poisson vivent dans une espèce d'isolement des autres espèces et de leur milieu naturel.

Elle suppose que tout ce que nous avons à faire ou, du moins, que la principale chose à faire pour soutenir les stocks de poisson est d'essayer de limiter la mortalité à un certain pourcentage des ressources globales que l'on croit exister et à un secteur particulier de gestion qui n'est pas forcément défini en fonction d'une réalité écologique, qui représente plutôt une unité d'administration ou de gestion fixée par l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest.

La dernière hypothèse que l'on fait, c'est qu'il est possible d'évaluer les populations de poisson avec un certain degré d'exactitude, ce qui s'est avéré faux. Toutes ces hypothèses ont peu de rapport avec le monde sous-marin dans lequel vivent, se reproduisent, grossissent et meurent les poissons.

Les écosystèmes marins sont des organisations écologiques complexes dont font partie intégrante le poisson et les populations de poisson. Si la gestion n'en tient pas compte, elle continuera d'être un échec. Les processus biologiques, chimiques et physiques qui assurent le maintien et le renouvellement de ces écosystèmes sont aussi essentiels à la santé des populations de poisson.

Quand cette santé est compromise, les populations de poisson ne se développent pas, ce que ne prévoit pas non plus la gestion. En fait, certains croient que l'une des raisons pour lesquelles certains stocks de poisson ne se rétablissent pas comme ils le devraient est que les processus écologiques fondamentaux ou d'importants éléments écologiques du système ont été compromis.

Autre exemple des situations dont ne tiennent pas compte les permis à quota, de nombreuses espèces de poissons que nous exploitons se composent de stocks distincts susceptibles d'inclure de nombreuses populations locales. Beaucoup de ces stocks, comme le hareng, ont une zone de frai qui leur est propre, et il semble que la morue ait ses propres habitudes de migration, des préférences quant aux zones de reproduction et ainsi de suite.

Les permis à quota partent du principe que le lieu, la saison et l'engin de pêche ou le poisson pêché sont vraiment sans rapport. Toutefois, il est clair, dans la façon dont sont structurés les stocks, que si votre effort de pêche dans une région se concentre sur un petit stock local, il risque de disparaître. Un important déplacement de l'effort de pêche de poisson de fond, du plateau Scotian vers l'embouchure de la baie de Fundy, où l'on pense qu'il y a des stocks de produits locaux, à tout le moins, qui sont distincts, et où l'on risque d'éliminer les zones de frai ou de pêche spécifiques en est un exemple manifeste. C'est l'un des enjeux importants.

Un autre enjeu vient de la gestion au moyen de permis à quota qui ne tient presque pas compte des étapes critiques de la vie du poisson. On autorise la pêche des oeufs de hareng. Bien sûr, pour récolter les oeufs, il faut prendre des génitrices mûres. Cela a d'importantes répercussions, naturellement, sur la santé des stocks. Il ne suffit pas de dire que nous ne prendrons qu'un certain pourcentage, comme si tous les poissons étaient égaux. Parallèlement, les gros géniteurs mûrs, les poissons plus vieux, contrairement à nous tous, se reproduisent beaucoup mieux que les plus jeunes. Ils sont beaucoup plus féconds, en ce sens que leurs oeufs survivent plus facilement. Donc, en règle générale, ces importants «géniteurs» se reproduisent beaucoup plus facilement. Notre système de gestion n'en tient pas compte. Le poisson à maturité est traité comme tout autre poisson.

Lorsque nous avons commencé à examiner cette question, nous avons été étonnés de constater que les gestionnaires des pêches sont pour la plupart très mal informés de l'emplacement des zones de frai et d'avelinage. En fait, même la biologie de reproduction de la morue leur était relativement peu connue. Ce n'est que récemment, depuis la grande crise, qu'ils en tiennent compte.

Ce sont là d'autres exemples de la façon dont on essaie de gérer par nombres, en l'absence des données de base essentielles à une bonne gestion.

Les permis à quota ignorent aussi la nécessité d'offrir les meilleures conditions de vie possible au poisson, aux larves, aux juvéniles et à ceux qui sont en âge de se reproduire.

Différentes espèces ont besoin d'habitats différents à différentes étapes de leur cycle de vie et à différents moments de l'année. Je vous en donne quelques exemples. La santé de la pêche du pétoncle n'est pas très bonne dans la baie de Fundy, particulièrement dans la partie de Digby County qui se trouve à proximité de la Nouvelle-Écosse. Les stocks ne semblent pas se rétablir. J'ai récemment assisté à une réunion scientifique du ministère des Pêches et Océans durant laquelle on essayait d'évaluer l'état des stocks. Les scientifiques présents ont fourni, comme explication possible du phénomène qui persiste en dépit d'une réduction de pression de la pêche, que les petits hydroïdes, entre autres, qui vivent au fond de l'eau et dont ont besoin les pétoncles, avaient été éliminés par le dragage répété et intensif, détruisant ainsi l'habitat du pétoncle.

La gestion des pêches n'en tient pas compte, pas plus, en fait, que les études sur lesquelles se basent les décisions des gestionnaires. On se fonde presque uniquement sur des nombres.

Il existe d'autres exemples, comme la récolte de goémon, cette algue de mer qui pousse le long du littoral de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Le goémon est un habitat important de la goberge, un poisson commercial. Pourtant, la gestion du goémon se fonde simplement sur des quotas, sur des nombres. Combien de goémon peut-on récolter sans en compromettre la biomasse? On ne tient pas compte de ce genre d'information lors de la délivrance de permis à quota. Ceux-ci ne protègent pas les zones de frai contre les altérations ou les perturbations causées par toutes les activités de pêche et autres, ce qui est important.

On ne tient pas compte, non plus, des interactions interspécifiques qui sont essentielles à la santé des stocks. Nous avons mené une série complète d'entrevues auprès de pêcheurs afin d'obtenir l'histoire orale de la baie de Fundy dont nous avions besoin pour exécuter un projet plus récent visant à repérer le frai local dans la zone d'avelinage.

Lors de ces entrevues, nous avons été frappés par la fréquence avec laquelle les pêcheurs parlaient de l'interaction interspécifique. La plupart des pêcheurs de la baie de Fundy exploitent plusieurs espèces, selon la saison.

Ils nous ont aussi dit que le hareng ne vient plus dans les eaux intérieures, dans les parcs de pêche, dans les gros pièges à poisson si courants dans la partie sud-ouest du Nouveau-Brunswick et dans Digby County, en Nouvelle-Écosse. D'après les pêcheurs, les prédateurs qui avaient l'habitude de faire fuir le hareng vers les eaux intérieures ont disparu. C'est là un renseignement important. Pourtant, on n'en tient pas compte lorsqu'on émet les permis à quota. De la même façon, lorsqu'il s'aventure dans les eaux intérieures, le saumon est mis dans un parc à de nombreux endroits dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick. Or, le saumon est un prédateur du hareng. Le saumon élevé dans les parcs est nourri de hareng. De la sorte, on décourage le hareng de s'approcher des zones où il y a du saumon.

Ceux qui pêchent la morue à la palangre au printemps, au large de Saint John, sont très inquiets du fait que le nombre de gaspareaux a chuté. En fait, c'est le gaspareau qui attire la morue dans les zones de pêche au large de Saint John parce que la morue s'en nourrit. Ce gaspareau remonte la rivière Saint-Jean pour frayer.

La gestion par quotas ne tient pas compte de ce genre d'interaction et elle ignore des espèces qui se situent plus bas dans la chaîne alimentaire, des espèces dont on commence tout juste à envisager l'exploitation éventuelle, par exemple le krill. Lorsqu'ils discutent entre eux d'une éventuelle pêche du krill dans la région de Scotia-Fundy, les gestionnaires se demandent combien de krill peut être récolté, plutôt que de s'interroger sur son rôle dans l'écosystème. En fait, le krill, qui est une petite crevette comme le plancton, est un maillon névralgique de la chaîne alimentaire marine. Il se situe entre le plancton et à peu près tout le reste. C'est important. La gestion à coup de quotas ne tient compte de rien de tout cela.

Enfin, la gestion par quotas ne reflète de toute évidence pas la réalité du commerce de la pêche. Elle ne reflète pas non seulement ce qui se passe dans la mer, ce qui déjà est important, mais aussi la réalité du commerce de la pêche, la façon dont se pratique la pêche.

Il y a beaucoup de déclarations erronées, de rejets en mer, on joue le jeu, on contourne le système, parce que la logique d'un grand nombre des règles échappe aux pêcheurs. Ce que nous proposons en fait -- nos propositions se trouvent dans un rapport que nous avons produit, intitulé: «Beyond Crisis in a Fishery», dont je pourrais certes fournir un exemplaire au comité, de même qu'un exemplaire du mémoire --, c'est un régime de gestion des pêches dicté par la biologie du poisson et par l'écologie du système dans lequel il vit, auquel s'ajouterait une évaluation pertinente des stocks. Cette évaluation ne serait toutefois pas déterminante.

Cela signifie qu'il faut nommer des responsables qui ne sont pas des disciples de la gestion par nombres et qui peuvent tenir compte de ce genre de questions.

Concrètement, cela signifie trois choses. Il faut des règles par écrit concernant les engins, le lieu et la saison de pêche ainsi que le poisson pêché, en fonction de la biologie du poisson et de l'écologie du système dans lequel il évolue. Ce serait le principal moyen d'arrêter la quantité de prises autorisées, et c'est exactement ce que le milieu favorable à la gestion du poisson de fond de la baie de Fundy essaie de faire, de s'éloigner des quotas et de faire adopter des règles par écrit concernant la pêche, énoncées en fonction de la biologie et de l'écologie. Toutefois, il se heurte à un mur de briques. Le ministère lui dit que ce n'est pas ce qu'il veut. Ses efforts sont donc vains. Ces pêcheurs sont bien organisés. Ils sont regroupés en organismes communautaires, ceux-là mêmes qui ont formé des conseils communautaires pour administrer les quotas collectifs qui leur avaient été autorisés par le ministère des Pêches et des Océans.

Il faut aussi intégrer dans la gestion des pêches la protection des habitats essentiels du poisson, ce qui n'est pas actuellement le cas. Bien sûr, cela signifie qu'il faut rédiger des règles différentes selon la zone parce que les systèmes écologiques varient et qu'ils comportent de véritables différences au niveau local. Cela crée un régime autolimitatif, déterminé par les contraintes et les impératifs de l'écosystème. Cela peut peut-être sembler très abstrait, mais nous en avons un exemple concret dans la pêche du homard. La pêche du homard en comporte en effet certains éléments. Elle présenterait des lacunes importantes si elle était gérée uniquement de cette façon, mais elle peut servir de modèle.

Quant à la façon de pratiquer la pêche, il faudrait exiger par règlement une technologie des engins de pêche efficace et la perfectionner de manière à éliminer les prises ou les débarquements d'espèces ou de poisson aux dimensions non désirées, à éviter de perturber l'écologie des zones de pêche, et ainsi de suite.

Dans le cas du homard, nous ne pêchons qu'au moyen d'engins fixes au Canada. En fait, nous utilisons des pièges, et le nombre de pièges est limité. La façon dont nous pêchons, c'est-à-dire la technologie utilisée, est dictée par des règles. Les pièges sont conçus de façon à laisser s'échapper les juvéniles. La manière de pêcher le homard est réglementée.

Par contre, nous ne réglementons pas d'une manière cohérente et fiable les lieux de pêche en vue de protéger les zones de frai, les zones d'avelinage et d'autres sources importantes d'éléments nutritifs essentielles à la pêche commerciale.

L'interdiction de certaines pêches telle que nous la pratiquons actuellement se fait au petit bonheur, sans cohérence, et elle rate souvent le but. Il y a moyen de planifier ce genre de choses.

Dans la pêche au homard, le lieu de pêche n'a pas une grande importance puisque tous pêchent dans des zones de pêche du homard, mais on pourrait s'en servir pour éviter que ne soient pêchés les stocks efficaces de reproduction. On pourrait interdire la pêche dans les zones où se trouvent les stocks de gros homards reproducteurs. Elle n'est pas interdite, mais elle pourrait l'être.

La saison de pêche est une autre source de préoccupation. Ainsi, la saison de pêche du homard ne coïncide pas forcément avec celle d'autres poissons. Quand on décide des saisons de pêche d'autres poissons, elles ne sont pas forcément conçues en fonction du cycle de vie particulier au poisson exploité. Parfois, les saisons servent simplement à contrôler l'effort de pêche, comme la saison décrétée dans la zone de conservation du pétoncle de deux milles au large du Nouveau-Brunswick, dans la baie de Fundy.

La saison de pêche est également définie par la nature de la pêche. Dans la baie de Fundy, on pêche plusieurs espèces. Ainsi, on commence par pêcher le homard, ensuite le poisson de fond suivi du hareng, puis on revient à la pêche du homard et du pétoncle, et ainsi de suite. Il s'agit d'un phénomène qui s'étend sur toute l'année. Il vise par définition à conserver la ressource et il aide à niveler le revenu familial en le protégeant contre les cycles de la nature.

J'ai parlé de ce que l'on pêche. En ce qui concerne la pêche du homard, on rejette les femelles oeuvées ou ovifères, mais il faudrait faire plus d'efforts en matière de marquage. Pour ce qui est d'autres pêches, comme celle du hareng, la pêche du hareng rogué est autorisée; la pêche de géniteurs effectifs est autorisée. Il s'agit de pêches autorisées d'espèces en bas de la chaîne alimentaire qui sont essentielles pour la santé et le bien-être d'un grand nombre d'autres espèces.

On suppose tout naturellement que des mesures écologiques devraient être prises en fonction des impératifs de l'écosystème marin et du cycle biologique des espèces pêchées; une telle approche est essentiellement autolimitative. Si un stock diminue, tous les éléments de l'écosystème et la structure du stock restent en place, assurant ainsi le rétablissement du stock en question.

Comme je l'ai dit plus tôt, ce sont certaines des approches que des organisations de pêcheurs de la baie de Fundy essayent d'adopter sans toutefois obtenir la coopération du MPO.

Cela nous amène à parler des QIT. Une gestion centralisée des pêches ne marchera pas si elle est se fait du point de vue écologique. Elle ne peut tenir compte de la masse de détails écologiques à une échelle relativement plus petite d'événements qui seraient davantage pris en compte dans ce genre de système.

Une gestion centralisée ne favorise pas non plus la gérance parmi les pêcheurs, elle a l'effet inverse. Les intervenants n'acceptent pas les règlements -- car ils ne sont pas logiques du point de vue de la conservation -- et trouvent le moyen de les contourner. Le système que nous proposons exigerait que les pêcheurs participent activement à l'élaboration des règlements au plan de la définition et de la structure.

La gestion écologique, par opposition aux permis de pêche à quota, exige de nouvelles ententes institutionnelles permettant d'accorder aux pêcheurs un véritable contrôle dans le contexte de leur collectivité et non dans celui de l'industrie. Le plus gros problème du MPO, c'est qu'il ne veut pas accorder aux pêcheurs de contrôles importants dans le contexte de leur collectivité et de leurs organisations locales.

Quel est l'objectif des QIT par rapport à celui d'une approche plus axée sur la collectivité? Si la gestion des pêches vise à assurer la survie des collectivités de pêcheurs, en plus d'assurer la conservation des pêches, comme le proposent ces politiques et approches, les QIT ont l'effet inverse et en sont l'antithèse.

Si notre objectif est d'assurer la survie des collectivités de pêcheurs, et je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas un bon objectif -- la pêche étant le fondement de la culture locale dans de très nombreuses collectivités. En fait, c'est le fondement de la structure sociale bâtie d'une génération à l'autre. Lorsque vous imposez quelque chose comme les QIT au sein d'une collectivité, vous en perturbez la structure sociale. Il va sans dire que la pêche est l'âme de l'économie pour tous ceux qui vivent dans les collectivités de pêcheurs -- les concessionnaires de voitures, les pharmaciens -- tout le monde.

Pour que les collectivités côtières continuent d'exister et de se suffire à elles-mêmes -- ou en deviennent capables -- grâce à la pêche, nous prétendons qu'elles doivent bénéficier d'un accès exclusif aux ressources halieutiques qui se trouvent dans leurs zones traditionnelles de pêche. Nous savons que cette ressource appartient à tous et, à l'heure actuelle, l'administration fiduciaire relève du gouvernement fédéral; d'après nous, une telle administration devrait être en majorité confiée à de nouvelles institutions communautaires, au niveau local ou régional.

Je vais dans les détails et vous aurez certainement beaucoup de questions à poser. Ce que je dis va à l'opposé de ce qui est prévu. Le système QIT est fondé sur la maximisation de l'efficacité économique et du profit, plutôt que sur la capacité des collectivités à se suffire à elles-mêmes. Les pêcheurs doivent gagner leur pain, ou leur vie, comme certains aiment à le dire; il ne s'agit pas pour eux de s'enrichir ou de réaliser des profits. Le système proposé n'est pas conçu pour que les gens gagnent leur vie -- ou pour faciliter l'autosuffisance des collectivités.

Le MPO poursuit plusieurs objectifs en ce qui concerne les QIT, l'un d'eux visant à diminuer le nombre d'entreprises stables de pêche. Nous sommes fascinés de voir jusqu'à quel point le MPO s'inquiète et décide des entreprises qui vont être financièrement stables et des autres. Il y a quelques années, lorsque nous avons examiné la gestion des pêches, nous avons été choqués par le degré de microgestion d'un point de vue socio-économique, de conservation et de gestion.

En ce qui concerne les QIT, je dirais également qu'il nous est difficile de comprendre comment les gouvernements peuvent avoir le droit de céder une ressource publique à des intérêts privés. Comment le gouvernement peut-il céder les ressources halieutiques à quelques-uns seulement, transformant ainsi une ressource publique en richesse privée?

Pour sauvegarder les collectivités de pêcheurs, nous disons qu'il faut stopper, voire même renverser ce mouvement vers les QIT. La gestion gouvernementale a très certainement précipité la crise et faire marche arrière n'est pas une option. D'après nous, il doit bien y avoir une nouvelle façon de procéder et la gestion communautaire pourrait offrir une solution.

Il existe deux principes à cet égard. En ce qui concerne la gestion communautaire, les droits exclusifs aux ressources halieutiques communes devraient être cédés aux collectivités qui dépendent de ces ressources. Par ailleurs, la gestion de la pêche devrait être confiée aux collectivités. C'est un point important à souligner; il ne s'agit pas de privatiser la gestion au bénéfice de l'industrie au niveau local, mais de confier la gestion au public au niveau local.

Le président: Plusieurs sénateurs ont des questions à poser et nous ne voudrions pas passer toute l'heure à vous écouter. Je sais que vous avez beaucoup de renseignements fort intéressants à nous communiquer, mais nous aimerions poser quelques questions, si possible.

M. Coon: Donnez-moi cinq minutes pour décrire les mesures institutionnelles qui, d'après nous, s'imposent et qui, en fait, commencent à être prises.

Quels genres de mesures institutionnelles faudrait-il prendre pour un tel système? Certainement, il faudrait un conseil communautaire des pêches. Ces conseils seraient essentiellement des fiduciaires chargés de la gestion des ressources halieutiques dans une zone géographique déterminée. Nous ne parlons pas nécessairement de limites à imposer, et il n'est pas question de dire que telle ou telle personne ne peut pas pêcher dans cette zone. Il s'agit de délimiter les lieux de pêche qui, traditionnellement, sont les vôtres; vous devez alors en être les gérants. C'est à vous de rédiger les règles relatives à ces lieux de pêche et quiconque vient y pêcher doit respecter ces règles.

Bien sûr, nous pourrions parler de l'étape finale, mais je ne crois pas que cela marche dans les Maritimes. L'étape finale consiste à délimiter des zones où seuls les pêcheurs de ces collectivités peuvent pêcher, tandis que les pêcheurs, venant de l'extérieur, auraient besoin d'un permis. On en débat de façon intéressante et il se peut que des questions de conservation et de développement de la collectivité méritent d'être débattues, mais à notre avis, cette approche ne prendra probablement pas.

Les conseils communautaires des pêches agiraient à titre de fiduciaires et ne seraient pas strictement composés d'organisations de pêcheurs. Sous les auspices des conseils communautaires, ce serait des conseils d'organisations de pêcheurs qui en fait rédigeraient les règles relatives à la pêche -- où, quand et comment.

Bien sûr, ce n'est pas tout. Nous proposons que ces conseils communautaires s'occupent de l'attribution des permis et récupèrent bien des fonctions actuellement remplies par le MPO. Nous ne parlons pas seulement de la gestion à un tel niveau local. Il est évident que lorsque la gestion se fait d'un point de vue plus écologique, il faut avoir une plus grande vue d'ensemble. On a besoin d'un système imbriqué de gestion. Des conseils biorégionaux seraient donc nécessaires pour la région de la baie de Fundy, le golfe du Saint-Laurent, le plateau néo-écossais ou d'autres zones écologiquement définies. Les conseils biorégionaux seraient composés de représentants du conseil communautaire et les responsabilités de ces deux genres de conseil seraient compatibles. Pour la pêche hauturière, il y aurait un conseil de pêche hauturière composé de représentants des autres conseils.

Je n'ai pas le temps d'aller dans les détails, mais je crois qu'il est important de souligner que de telles mesures institutionnelles sont déjà en train d'être prises. Dans la baie de Fundy, dans le comté Digby comme dans la partie sud-ouest du Nouveau-Brunswick, des conseils communautaires qui, apparemment, sont des organisations de pêcheurs communautaires, commencent à se former. Des conseils consultatifs communautaires sont rattachés à certains d'entre eux. Pour l'instant, ils s'occupent de la gestion de la pêche de poisson de fond par engin fixe, mais beaucoup cherchent à gérer la pêche des pétoncles et du homard. En effet, ils pêchent non seulement le poisson de fond, mais aussi le homard, les pétoncles et le hareng.

Nous avons également un Conseil des pêches de la baie de Fundy qui est en fait un genre de conseil biorégional. C'est fascinant: Toutes les organisations de pêcheurs des collectivités de la baie de Fundy en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick se sont réunies pour créer ce conseil biorégional. Ce que veulent les pêcheurs, c'est concevoir un système de gestion des pêches pour l'ensemble de la baie de Fundy, afin de régler les questions qui ne peuvent être réglées au niveau local. Bien sûr, ce conseil n'a pas encore compétence en la matière, mais cherche à l'obtenir. Pour intégrer toute la collectivité dans son ensemble, ils ont créé un comité consultatif des pêches qui travaille main dans la main avec le conseil des pêcheurs, lequel fait partie de ce plus grand conseil. Il y a donc le conseil, le conseil des pêcheurs, le conseil des organisations de pêcheurs et enfin, le comité consultatif.

Je suis membre du comité consultatif du Conseil des pêches de la baie de Fundy ainsi que de l'un des conseils communautaires. J'ai participé la semaine dernière à une réunion et nous avons parlé de pétoncles pour essayer de voir comment l'on pourrait intégrer les pétoncles dans le système de gestion communautaire. Ces groupes commencent à se développer; il se passe donc des choses à la base, mais les intervenants se retrouvent dans une impasse vu qu'ils ne peuvent obtenir la compétence et le contrôle dont ils ont besoin pour progresser.

Nous demandons à votre comité non seulement d'examiner les idées présentées dans notre mémoire, mais aussi de comprendre que certaines de ces mesures sont déjà en train d'être prises et qu'il faudrait les appuyer au lieu de faire marche arrière et de les supprimer.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Coon. Votre exposé nous a certainement donné à réfléchir au concept de gestion communautaire, sujet extrêmement complexe. Ce que vous nous avez dit contribuera beaucoup à notre étude.

Avant de passer aux questions, j'aimerais souligner que le greffier va obtenir le document Beyond the Crisis in the Fishery ,qui nous sera également utile.

Le sénateur Stewart: Le système de quota se révèle très positif pour certaines pêches. Par exemple, nous avons appris que sur la côte Ouest, ce système a ramené la pêche de la morue charbonnière sur des bases saines, qu'il s'agisse de conservation, du financement des pêcheurs ou même de la qualité du poisson vendu sur les marchés internationaux. Nous avons appris, pas plus tard que ce matin, que pour ce qui est de la pêche du crabe des neiges dans le golfe du Saint-Laurent, le système de quota a très bien fonctionné et qu'il faudrait peut-être l'adopter pour d'autres espèces.

Je demande à ce témoin du Nouveau-Brunswick d'évaluer le système de quota adopté pour la pêche du crabe des neiges dans le golfe du Saint-Laurent.

M. Coon: La plupart de notre travail se fait en fonction des pêches de la région de la baie de Fundy, puisque c'est notre emplacement géographique. Il est important de dire qu'il s'agit de la gestion d'une seule espèce et qu'elle ne répond pas à beaucoup des questions que j'ai soulevées. La population du crabe des neiges a ses hauts et ses bas. Ce n'est pas une pêche ancienne comme celles du homard, du poisson de fond, du hareng, mais plutôt une pêche relativement nouvelle, très spécialisée. Elle s'est déjà trouvée dans une situation désespérée et elle semble de nouveau décliner.

Pour ce qui est de la gestion des quotas, si ce système fonctionne pour certains types de pêches, j'aimerais moi aussi savoir pourquoi. Est-ce le fruit du hasard?

Le sénateur Stewart: Il s'agit sans aucun doute ici d'une pêche communautaire. On nous a dit ce matin qu'elle est surtout concentrée, au Nouveau-Brunswick, dans la péninsule acadienne. Est-ce que les conditions socio-économiques de cette collectivité se sont améliorées au cours de la période durant laquelle le système de quotas était en vigueur?

M. Coon: Sauf votre respect, je ne veux pas trop m'éterniser sur le sujet. La pêche du crabe n'est pas une pêche communautaire. Elle a permis, dans un sens, à un petit noyau de personnes de devenir des millionnaires, et cela a créé des conflits forts dramatiques et chargés d'émotion. Encore une fois, c'est parce que l'accès à la ressource était très limité. Pendant quelques années, nous avons pu la partager avec d'autres pêcheurs, mais l'accès y était très limité.

Le sénateur Butts: Monsieur Coon, vous avez dit que vous ne pouvez pas compter le nombre de poissons. Est-ce que cela veut dire que le MPO, les associations de pêcheurs, les conseils communautaires et les environnementalistes ne peuvent pas, eux non plus, les compter?

M. Coon: C'est exact. On ne peut pas obtenir des données fiables sur le nombre de poissons qu'il y a, et on ne peut pas non plus s'appuyer sur ces données pour gérer adéquatement la ressource.

Le sénateur Butts: Vous avez dit que les collectivités le long des côtes ont des droits de propriété. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par «droits de propriété», et si cela comprend l'octroi d'un quota à la collectivité? Pouvez-vous également nous dire ce que vous entendez par «collectivité»?

M. Coon: D'abord, les collectivités n'ont pas de droits de propriété. Or, elles devraient, à notre avis, en avoir pour pouvoir avoir accès aux ressources. Cela n'enlèverait rien aux Autochtones, puisque nous savons qu'ils passent en premier.

Ces collectivités devraient avoir des droits de propriété. Elles devraient posséder le droit de pêcher et d'avoir accès aux ressources. Nous devons définir le sens du mot «collectivité». Il est question ici d'un droit collectif qui devrait être octroyé aux collectivités et aux institutions qui s'avèrent nécessaires pour exploiter la ressource.

Comment définir le terme «collectivité»? Bien entendu, nous parlons ici d'une entité géographique, non pas d'un village particulier, mais d'une région où les villages ou les collectivités insulaires partagent depuis toujours un lieu de pêche. Ce sont les pêcheurs eux-mêmes qui doivent définir ce terme.

Prenons l'exemple de la pêche du poisson de fond avec engins fixes. La région du sud-ouest du Nouveau-Brunswick est définie comme une «collectivité» qui s'étend essentiellement de Saint John à l'île Campobello. Du côté de la Nouvelle-Écosse, le comté de Digby est considéré comme une collectivité où l'on pratique la pêche du poisson de fond avec engins fixes.

On ne peut pas simplement définir la «collectivité» comme une région géographique, quoiqu'il soit possible de le faire dans certains cas, comme dans celui du comté Shelburne. C'est possible. C'est une communauté géographique.

Le sénateur Butts: Est-ce que le fait de posséder des droits de propriété signifie qu'une collectivité a droit à un quota?

M. Coon: Le système que nous proposons ne prévoit pas de quotas, mais une série de règles. Les stocks continueraient de faire l'objet d'évaluations, et d'autres mesures de contrôle seraient mises en place. Le conseil communautaire pourrait limiter le nombre de permis de pêche qui seraient octroyés, par exemple, selon les besoins.

En attendant, les quotas pourraient être considérés comme une solution de rechange. Pour l'instant, ils servent tout simplement à attribuer des droits de pêche. Or, ces droits sont, depuis toujours, attribués de façon très injuste.

Le sénateur Butts: Pour certains groupes, le terme «collectivité» s'entend des pêcheurs qui utilisent le même quai. Êtes-vous d'accord avec sa définition?

M. Coon: Notre définition ne se limite pas uniquement aux pêcheurs et à leurs associations. Elle englobe tout le monde. Non, le quai lui-même est trop délimité. Pour nous, la collectivité désigne les lieux de pêche communs. Il y a toujours une exception ici et là, mais de manière générale, l'industrie de la pêche côtière utilise une définition assez simple qui englobe les lieux de pêche communs et qui, par conséquent, fixe les limites de la collectivité. Il ne faudrait pas imposer une définition. Il faudrait laisser aux intervenants le soin de définir ce terme.

Le sénateur Robertson: Monsieur Coon, la santé de nos collectivités côtières nous préoccupe tous beaucoup. Vous avez dit que certaines collectivités dans la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick, ont opté pour une formule qui leur permet de gérer elles-mêmes les ressources. Le MPO n'est pas d'accord. Pouvez-nous dire pourquoi?

M. Coon: En toute honnêteté, j'ai assisté à de nombreuses réunions auxquelles prenaient part des pêcheurs et des fonctionnaires du MPO. En fait, les gestionnaires du ministère ne veulent pas céder une partie du contrôle qu'ils exercent sur le processus décisionnel. Les pêcheurs du comté de Digby ont soumis récemment un projet-pilote qui devait leur permettre d'assurer la gestion du poisson de fond et peut-être d'autres espèces. Ce projet a été rejeté par le ministère. Le MPO n'a pas voulu non plus que les pêcheurs de la région du sud-ouest du Nouveau-Brunswick donnent suite à leur projet d'établir une série de règlements sur la pêche dans le cadre du plan de conservation et d'exploitation qu'ils sont tenus de soumettre au ministère.

Le sénateur Robertson: Comment pourrions-nous nous assurer que le conseil communautaire s'attaquerait aux questions liées à l'environnement en vertu du modèle de gestion que vous proposez? Est-ce que ce sont les groupes de conservation et les groupes écologiques, comme le vôtre, qui détermineraient quels sont les facteurs qui agissent sur l'écosystème? Qui déterminerait cela? Je suis certaine que les pêcheurs, dans un premier temps, n'auraient pas ce genre de données. Est-ce qu'ils seraient obligés de s'adresser aux groupes écologiques pour obtenir ces renseignements?

M. Coon: Non. D'abord, les conseils communautaires seraient tenus, de par la loi, de veiller à ce que certaines conditions soient respectées, et cela serait précisé dans leurs règlements. Comme le gouvernement fédéral aura toujours une responsabilité fiduciaire à l'égard des pêches, il faudrait qu'une entente soit conclue avec lui.

Pour ce qui est des modalités de celle-ci, elles seraient établies au niveau de la collectivité, soit par les pêcheurs. Il faudrait qu'ils puissent compter sur la collaboration des scientifiques du MPO, et qu'ils aient aussi leur mot à dire sur les recherches qu'effectue le ministère et l'orientation qu'il convient de leur donner. On effectue aujourd'hui beaucoup de recherches sur l'aquaculture. Il faudrait que tous ces facteurs soient pris en compte.

Lorsque vous déléguez ces responsabilités aux collectivités, vous leur confiez également une responsabilité de gérance. Il faudrait, manifestement, que les communautaires s'engagent à assurer la gestion à perpétuité des ressources. Le conseil serait composé de gens qui ne participent pas directement aux activités de pêche. Cette façon de procéder favoriserait l'application des principes de gérance, ce que ne fait pas notre système actuel.

Le sénateur Robertson: Vous dites que les pêcheurs auraient leur mot à dire sur les recherches effectuées par le MPO. Les recherches effectuées jusqu'ici à l'échelle nationale n'ont pas donné beaucoup de résultats. Croyez-vous que cet effort de recherche pourrait être utile?

M. Coon: Le système de gestion des pêches est fonction des niveaux des stocks qui, eux, sont établis par les recherches scientifiques. Dans un autre système, les choses fonctionneraient différemment. Nous avons déjà des preuves de cela. Je vais vous donner un exemple concret.

En ce qui concerne les comités de gestion du poisson de fond que l'on trouve dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick et à Digby, en Nouvelle-Écosse, il y a un scientifique du MPO, un spécialiste de la pêche de la morue, qui travaille avec ces conseils et qui siège au comité consultatif. Ce n'est pas le MPO qui lui a confié cette tâche, c'est lui qui a demandé à le faire. Les pêcheurs le respectent beaucoup. Toutefois, il ne peut trouver les ressources dont il a besoin pour effectuer ses travaux de recherche, même si les pêcheurs ont déjà établi un programme de recherche assez imposant.

Les associations de pêcheurs trouvent des moyens d'effectuer leurs propres recherches. Les scientifiques du MPO ont un rôle à jouer dans ce domaine et devraient disposer des ressources nécessaires pour pouvoir le remplir.

Le sénateur Robertson: Ce ne sont pas les niveaux de stock qui déterminent la nature des recherches scientifiques qui devraient être faites, mais plutôt l'inverse. Mais nous discuterons de cette question un autre jour.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que ce modèle de gestion communautaire a été appliqué ailleurs au Canada ou dans le monde? Si oui, où, et est-ce que l'expérience a été un succès?

M. Coon: Des composantes du modèle sont en train d'être mises à l'essai dans la région de Scotia-Fundy par les pêcheurs de poisson de fond qui utilisent des engins fixes.

Pour ce qui est des endroits où l'on utilise ce modèle, il y a des exemples, le meilleur étant celui de l'industrie de la pêche côtière au Japon, qui applique ce système depuis une centaine d'années. Nous pouvons tirer des leçons de cette expérience, mais nous ne pouvons pas faire des comparaisons directes.

Nous avons jugé bon d'analyser ce modèle, tout comme nous avons jugé bon d'examiner le système utilisé par les autochtones, qui perçoivent davantage la pêche comme un effort communautaire plutôt qu'individuel. On commence à observer des changements au Canada dans le secteur plus traditionnel de la pêche commerciale.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que les détracteurs de cette formule voient dans celle-ci une forme de socialisme?

M. Coon: Je n'ai entendu aucun commentaire de ce genre. Évidemment, si votre unité de développement est la collectivité plutôt que l'entreprise, c'est le genre de système qui sera adopté. Il convient en tous points aux gens qui s'intéressent au développement communautaire et économique.

Ce ne sont pas les pêcheurs communautaires qui s'opposent à ce modèle, mais plutôt les travailleurs des entreprises qui préfèrent s'enrichir plutôt que de favoriser la prospérité économique de la collectivité.

Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous développer ce système sous forme de coopérative?

M. Coon: Le Japon, par exemple, a établi un système de coopératives. Parmi les régions au Canada qui vont opter pour cette formule, certaines vont créer des coopératives. Pour d'autres, les coopératives sont un concept relativement nouveau. L'idée de créer des coopératives au Nouveau-Brunswick est encore nouvelle. La situation est différente dans la péninsule acadienne ou au Cap-Breton. Cela dépend de l'endroit où vous vous trouvez.

Le président: Je me suis rendu compte, en vous écoutant décrire le système de gestion communautaire, à quel point le modèle que vous proposez est complexe. Il est beaucoup plus complexe que le modèle axé sur la propriété que d'autres proposent. Vous proposez un modèle qualitatif, tandis que d'autres proposent un modèle quantitatif.

On trouve beaucoup de documentation sur les avantages de la privatisation. Toutefois, les renseignements sur le modèle communautaire que vous proposez sont plutôt rares, n'est-ce pas?

M. Coon: Je n'ai pas consulté un grand nombre de documents sur la privatisation. Il y a beaucoup de renseignements sur les systèmes de gestion communautaire, et la plupart de ces documents ont été produits au Canada. Nous avons ici beaucoup de spécialistes en la matière. Ce qui n'est pas trop étonnant, puisque c'est le genre de modèle que préconise le Canada. Les Américains, eux, préfèrent le système des QIT.

Le président: Merci de votre exposé. Nous espérons vous revoir bientôt.

La séance est levée.


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