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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 10 - Témoignages pour la séance du 4 juin 1998


OTTAWA, le jeudi 4 juin 1998

Le comité permanent sénatorial des Pêches s'est réuni en ce jour à 9 h 05 pour examiner la question de la privatisation et de l'attribution de permis à quotas dans le secteur des pêches au Canada.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte. Notre invité, M. Hamish Rennie, est chargé de cours en géographie à l'Université de Waikato, en Nouvelle-Zélande. M. Rennie a obtenu sa maîtrise ès arts à l'Université Memorial de Terre-Neuve. Sa thèse portait sur les pêches dans le Labrador et le rôle de la coopérative de producteurs Torngat Fish. De 1985 à 1995, il a travaillé pour le gouvernement de la Nouvelle-Zélande, principalement au ministère des Affaires étrangères et au département de la Conservation. Dans ce dernier, il a occupé les postes d'agent principal de la conservation, de directeur intérimaire de la section côtière et de directeur de l'unité internationale. En avril dernier, M. Rennie a découvert notre page d'accueil sur l'Internet, ce qui prouve que notre site fonctionne.

M. Rennie est resté en contact régulier avec le comité depuis lors. Il est au Canada cette semaine pour présenter des communications à la conférence de l'Association canadienne des géographes et à la conférence de la International Association of Common Property. Nous sommes heureux de l'accueillir aujourd'hui. Il nous apporte non seulement ses connaissances sur le dossier de la privatisation des pêches en Nouvelle-Zélande, mais aussi une profonde connaissance des pêches canadiennes. Monsieur Rennie, allez-y.

M. Hamish Rennie, Université de Waikato, Nouvelle- Zélande: Je suis venu vous présenter mon point de vue personnel sur les pêches, point de vue qui diffère de celui de certains de mes anciens collègues en Nouvelle-Zélande.

Les pêches canadiennes sont à un tournant important. Il m'a semblé utile d'apporter une perspective différente de celle que l'on vous donne habituellement. On a tendance à parler positivement de l'expérience néo-zélandaise et d'occulter les défauts. Si vous vous engagez sur la même voie, il est bon que vous soyez mis au courant de certains problèmes dans le système néo-zélandais.

J'ai distribué ce matin quelques feuillets que vous n'avez peut-être pas eu le temps de digérer. Le premier indique les principales lignes de démarcation des zones de gestion des pêches en Nouvelle-Zélande. Le ministère des Pêches gérait les pêches de toutes les eaux intérieures jusqu'à la zone économique exclusive de 200 milles. Dans les eaux intérieures, la gestion des pêches porte sur les aspects commerciaux seulement. C'est le Département de la conservation qui gère les aspects non commerciaux.

Le département et le ministre de la Conservation, en collaboration avec les conseils régionaux de Nouvelle-Zélande, sont responsables des zones marines côtières, c'est-à-dire de la zone qui s'étend de la ligne de pleine mer moyenne de vive-eau jusqu'à la ligne des 12 milles nautiques de la mer territoriale. Il y a donc un léger chevauchement. Un aquiculteur doit obtenir un permis du conseil régional pour une exploitation dans un espace donné afin de couvrir les effets environnementaux, tels les effluents d'aliments et autres. L'aquiculteur doit aussi obtenir un permis du ministère des Pêches en raison des effets que pourrait avoir son exploitation sur la pêche ou les prises de la pêche hors aquaculture.

Vous voyez sur la carte des réserves marines. Elles sont administrées par le Département de la conservation en vertu de la Marine Reserves Act. Il y a également une autre loi, sur la protection des mammifères marins, qui permet la division des secteurs. Les réserves de Taiapure et Mataitai sont des zones spéciales dont la gestion est essentiellement confiée aux Maoris, en collaboration avec le ministère des Pêches. Certaines frontières se chevauchent. Les zones de compétence des conseils régionaux se chevauchent avec les zones de gestion des pêches.

Malgré les engagements pris dans le cadre de l'Agenda 21 et de la Convention des Nations Unies sur la biodiversité, que le Canada a également signée, la Nouvelle-Zélande n'a pas de régime intégré de gestion côtière. Le chevauchement entraîne des conflits entre les différents ministères concernés.

En Nouvelle-Zélande, nous avons un département de la Conservation, qui équivaut à un ministère. Il administre cependant directement des terres et il est en fait chargé de la gestion des parcs nationaux et des réserves marines; il donne en outre des conseils en matière de conservation. Il a notamment pour mandat de défendre la conservation des pêches. Il y a donc conflit entre les ministères. Il ne faut pas l'oublier.

Quand on a introduit le système de gestion des quotas en 1986, la flotte de pêche en eaux intérieures comptait environ 4 300 bateaux. Il n'y avait pas véritablement de flotte hauturière. Les opérations sont beaucoup plus modestes en Nouvelle-Zélande qu'au Canada. La plus grosse pêche jamais effectuée a atteint 536 000 tonnes métriques, en 1992-1993, sauf erreur. Ce n'est donc pas une industrie très productive, bien que nous ayons la quatrième plus grande zone économique exclusive au monde.

Je n'ai pas fait la conversion, mais le dollar néo-zélandais vaut à peu près 70 cents canadiens. Votre dollar est relativement avantageux pour nous. Exprimées en revenu d'exportation, les pêches ont rapporté au maximum 1,2 milliard de dollars. Ce n'est pas le même niveau que les pêches canadiennes.

Actuellement, il y a environ 9 000 pêcheurs à temps plein, ou l'équivalent. La moitié environ se consacrent à la transformation. Cela vous donne une idée de la différence avec la situation canadienne.

L'élément critique de la privatisation dans les pêches néo-zélandaises et dans le système de gestion des quotas est le quota individuel transférable, QIT. Il est important de bien comprendre ce que c'est et comment cela fonctionne. J'ai lu beaucoup de choses qui n'étaient pas claires sur les QIT. Essentiellement, ils donnent le droit de pêcher dans une zone. On oublie trop souvent cette restriction. Un conseiller du ministère des Pêches m'a dit une fois qu'il n'y avait pas d'élément spatial dans les QIT. Or ils donnent bien le droit de pêcher n'importe où à l'intérieur d'une zone de gestion par quotas.

Si vous regardez la carte que je vous ai donnée, vous verrez que la zone économique exclusive des 200 milles a été divisée en dix secteurs de gestion. Ceux-ci sont ensuite regroupés de diverses manières pour constituer les secteurs de gestion par quotas pour différentes espèces, et sont définis en fonction des stocks des différentes espèces.

Un secteur de gestion par quota est une zone relativement importante d'environnement maritime. La ligne en fins pointillés représente les limites de la mer territoriale, qui est administrée par le conseil régional et le Département de la conservation. On y voit aussi des réserves marines, Taiapure et d'autres régions protégées.

Je ne vois aucune raison pour laquelle un autre pays devrait suivre notre exemple, mais le fait est qu'en Nouvelle-Zélande, les QIT sont accordés à perpétuité; c'est-à-dire qu'ils confèrent un droit de propriété permanent. Ils correspondent en fait à un titre de propriété ou à une action. Ils représentent des droits de propriété importants dans le contexte néo-zélandais.

Les QIT sont des parcelles du total des prises commerciales admissibles. Celles-ci sont actuellement déterminées par le gouvernement en consultation avec l'industrie et fixées par le ministère des Pêches. Le total des prises commerciales admissibles est fixé à l'intérieur d'une prise totale admissible qui elle, en théorie, couvre également la pêche de loisir, la pêche à des fins scientifiques et les droits ancestraux.

Ce sont les prises admissibles, plutôt que les QIT, qui déterminent la durabilité de l'industrie. Les QIT n'ont rien à voir avec la pérennité de la pêche. Ils constituent simplement un système de distribution des droits d'exploitation dans un secteur donné.

Nous avons recouru au QIT en partie parce que nous voulions accroître l'efficacité et introduire la logique du marché dans les pêches. Beaucoup de gens pensent que les QIT ont effectivement permis d'améliorer l'efficacité des pêches commerciales. Si l'on considère les seuls coûts directs pour l'industrie, c'est probablement vrai. Mais nous n'en sommes pas certains et nous n'avons pas vraiment tenu compte des coûts indirects.

Je vous donnerai sans doute l'impression d'être négatif à l'égard des QIT. J'estime pourtant que ce n'est pas une mauvaise idée. Mais il ne faut pas en attendre trop de choses. Depuis leur introduction, nous avons assisté à une importante concentration de la propriété dans la plupart des pêcheries.

J'aimerais que vous regardiez, dans le troisième feuillet, les colonnes qui ont des X et des Y. Une des colonnes s'intitule: «Total Change». Cela vous donne le nombre de détenteurs de quotas qui a changé de 1986 à 1996. Prenez, par exemple, le vivaneau, en haut à gauche. Durant cette période, 409 entités -- compagnies ou particuliers -- qui détenaient un quota ont quitté l'activité et ont vendu leur permis. Dans la colonne suivante, vous avez le changement en pourcentage; 54 p. 100 enregistraient une baisse du nombre de personnes concernées.

Vous avez ensuite les colonnes des Y, qui vous donnent une idée de la concentration. La première donne le nombre d'entités concernées par le quota potentiel; 81 p. 100 du quota de la pêche du vivaneau sont entre les mains de 22 compagnies. Ça peut ne pas paraître négatif, mais si vous regardez un peu plus bas dans la colonne, sous la lingue, vous voyez que neuf compagnies détiennent 81 p. 100 du quota. Il y a donc une importante concentration de la pêche.

J'ai lu que les trois plus grandes compagnies détenaient 60 p. 100 du quota en Nouvelle-Zélande. Je ne peux pas le confirmer, mais c'est un chiffre officiel. Je travaille encore à vérifier que ces chiffres, qui ont été produits à des fins diverses, correspondent bien. Mais que l'on suive mon tableau ou que l'on accepte le chiffre de 60 p. 100, le fait est que dans la plupart des pêches, l'activité est concentrée en un petit nombre de compagnies.

Jusqu'à récemment, le total des prises admissibles, TPA, était fixé par espèce, sans égard à l'écosystème. En 1996, la Loi sur les pêches a été adoptée après un long débat entre les divers ministères. Le ministère des Pêches et de l'Agriculture a perdu la bataille et depuis il a été obligé d'adopter une approche de gestion basée sur l'écosystème. Il doit, par exemple, tenir compte des effets sur le fond marin des activités de dragage pour le pétoncle, et des effets des prises accidentelles sur les albatros et autres espèces protégées. Le ministère doit établir une démarche fondée sur l'écosystème et voir comment la mettre en pratique. C'est difficile. Il y a actuellement des réunions publiques à travers le pays pour essayer de résoudre le problème. C'est là une nouveauté. La Loi sur les pêches inclut les principes de la Loi sur la gestion des ressources qui, dans le cas des pêches, prévoyait l'utilisation durable.

Le QIT donne au détenteur le droit de pratiquer la pêche dans une zone déterminée proportionnellement au total des prises admissibles pour une espèce donnée. Au début, l'allocation était accordée pour un quota fixe et le gouvernement rachetait des quotas lorsqu'il voulait réduire la pêche. Il réduisait ainsi la pêche du nombre de tonnes souhaité. Seulement, bien que le gouvernement ait vendu beaucoup de quotas au début, il n'a pas mis les recettes de la vente dans un fonds séparé pour permettre de financer les rachats. L'argent a été versé au Trésor, et lorsqu'il aurait fallu racheter des quotas, il n'y avait plus d'argent pour le faire.

Les environnementalistes recommandaient depuis longtemps déjà l'adoption d'un système proportionnel. Selon ce système, le pêcheur a un quota qui représente une proportion du total des prises admissibles. Si le total diminue, il garde le même pourcentage, mais le nombre de tonnes est réduit.

Comme il s'agit d'une gestion basée sur les secteurs, une fois les QIT attribués, si la collectivité souhaite utiliser les zones de gestion des quotas à d'autres fins, les détenteurs ont le droit de réclamer une indemnisation. Par exemple, si l'on crée une réserve marine, les pêcheurs demandent immédiatement des indemnisations parce qu'ils ne peuvent plus pêcher dans ce secteur. Ils ont acheté un droit permanent d'exploiter les ressources halieutiques n'importe où dans la zone de gestion des quotas.

Si le gouvernement souhaitait développer un port, le même argument pourrait, en théorie, être avancé. Mais, en général, les pêcheurs ne demandent une indemnisation que pour le retrait de zones plus importantes, comme pour la création d'une réserve marine, d'un sanctuaire pour mammifères marins ou pour une ferme marine. Les tribunaux néo-zélandais ont entendu des cas importants où des aquiculteurs souhaitaient revendiquer la propriété sur le fond marin pour y cultiver les pétoncles. Les pêcheurs commerciaux ont déjà un système de gestion des quotas dans le secteur et ils ne veulent pas que le fond soit réservé à l'aquaculture. Il y a donc eu des conflits au sein de l'industrie même.

La Nouvelle-Zélande a également introduit un régime de recouvrement des coûts pour financer le système de gestion des quotas. On voulait ainsi éviter que l'on accuse le gouvernement de subventionner la pêche en finançant le coût de la recherche quant à l'incidence de l'effort sur les stocks halieutiques. Nous avons adopté le concept du «coût total évitable». Essentiellement, s'il n'y avait pas de pêche il n'y aurait pas d'incidence sur les espèces, et donc pas de conséquences à craindre.

Comme il y a une industrie de la pêche, ce sont les participants à cette industrie qui sont la cause du problème que connaissent les stocks; par conséquent, c'est à eux de payer. Si une usine pollue une rivière, ce sont les propriétaires de l'usine qui doivent payer le coût de la surveillance et des études d'impact environnemental. Ils devront payer également les mesures de protection. On a fait valoir que l'industrie de la pêche devrait être traitée de la même manière.

Le régime de recouvrement des coûts est beaucoup plus coûteux que ne l'avait estimé l'industrie. Les hypothèses sur les efficiences que réaliserait le secteur privé dans la gestion des pêches étaient tout à fait irréalistes. Jusqu'ici, ils n'ont réussi à recouvrer que 80 p. 100 des coûts. Et l'on estime généralement que les coûts seraient bien plus élevés si l'on traitait toutes les questions qui devraient l'être.

Comme l'industrie de la pêche paie une grande partie des coûts, ses participants veulent participer davantage aux prises de décisions. Ils exercent déjà un contrôle important sur la recherche concernant le système de gestion des quotas, ce qui rend difficile la participation au processus pour les autres intervenants, les autres personnes concernées.

Un autre problème important est celui des droits sur l'espace marin. La pêche nationale néo-zélandaise avait, avant l'introduction du système des quotas, un nombre important de pêcheurs à temps partiel. On a dit parfois que l'introduction du SGQ a entraîné une diminution de 40 p. 100 de la flotte.

J'attire votre attention sur les caractères gras de la page 6 sous le titre «Gérance du patrimoine naturel et droits exercés sur ce patrimoine». C'est la phrase qui commence par «Une des clés du succès...» J'attire votre attention sur ce passage, car il présente un aspect très important.

Au début des années 80, le gouvernement introduisait une réglementation qui redéfinissait le pêcheur commercial. Elle a eu pour effet de retirer le statut commercial à ceux qui avaient tiré annuellement moins de 85 p. 100 de leur revenu ou moins 10 000 $ néo-zélandais de la pêche. Cela a énormément contribué à réduire la flotte de pêche et le nombre de participants, puisque les pêcheurs commerciaux à temps partiel étaient exclus.

Les conséquences ont été importantes, surtout dans les régions à faible activité économique, où les gens pêchaient un peu en saison, font un peu d'exploitation forestière et un peu de travail de construction. Leur participation à la pêche était cyclique, et tout à coup ils s'aperçoivent qu'ils n'ont plus le droit de travailler dans la pêche commerciale parce qu'ils ne sont pas considérés comme des pêcheurs commerciaux. Ils ne travaillaient pas assez longtemps dans le secteur. Cela les a exclus totalement de l'activité et ils sont maintenant chômeurs permanents. Cela me rappelle certaines régions de Terre-Neuve et du nord du Labrador.

Les Maoris, les indigènes, ont été frappés plus durement que le reste de la population. L'effet, sans être racial, a été plus marqué sur les Maoris. Les circonstances font que les Maoris sont concentrés dans les régions où le chômage est plus élevé; ils sont concentrés dans la région du Nord, en particulier. Ils ont été très durement frappés dans cette région, même s'il est difficile de prouver une corrélation directe.

Dans le Nord, il y avait d'autres activités économiques possibles. C'est une région propice à la culture, y compris celle de la marijuana, et il y a là maintenant un important problème de drogue. Dans certaines régions, 50 p. 100 des gens cultivent la marijuana. On ne peut pas établir de lien direct, mais ils devaient bien faire quelque chose pour gagner de l'argent. Je ne crois pas que les gens du nord du Labrador puissent cultiver la marijuana, car le climat est différent. Mais que pourront-ils faire s'ils ne pêchent pas?

Dans les équations sur les avantages ou les coûts que présentait le système de gestion des quotas en Nouvelle-Zélande, on n'a jamais tenu compte des coûts et des incidences sur cette collectivité.

Après que la nouvelle définition du pêcheur commercial ait diminué le nombre de participants à l'activité, il était plus facile d'introduire le système de gestion des quotas, puisqu'il y avait moins de gens entre lesquels répartir les droits de pêche.

Une autre différence essentielle entre la Nouvelle-Zélande et le Canada est le climat. En Nouvelle-Zélande, il y a d'autres activités possibles, sauf peut-être dans la région du Nord et dans les îles Chatham. Beaucoup de gens sont passés de la pêche à l'écotourisme. J'ai entendu dire que cela s'est produit à Terre-Neuve également. Ils se sont aussi consacrés à l'agriculture.

Selon les statistiques, 16 p. 100 environ des néo-zélandais pratiquent la pêche récréative. On compte 9 000 pêcheurs commerciaux à plein temps, tandis que 390 000 Néo-Zélandais pratiquent chaque année la pêche récréative; il y a donc un déséquilibre net entre les deux types de pêche. Ce n'est pas le cas à Terre-Neuve, où la communauté s'estimait tributaire de l'industrie de la pêche, quand elle en avait une. Je ne connais pas les statistiques sur la pêche récréative au Canada.

En Nouvelle-Zélande, la région qui serait le plus tributaire de la pêche serait celle des îles Chatham, qui sont très éloignées. Elles sont beaucoup plus éloignées de la Nouvelle-Zélande que Terre-Neuve ne l'est du Canada. Dans les îles Chatham, plus de 20 p. 100 de la main-d'oeuvre, des travailleurs, travaillent dans le secteur des pêches. C'est la plus forte concentration que l'on trouve en Nouvelle-Zélande. Vient ensuite la région de Challenger, où 5 p. 100 des travailleurs sont dans le secteur de la pêche. Pour le reste du pays, le pourcentage des pêcheurs disparaît dans la marge d'erreur. On peut donc dire que le poids et le pouvoir politique des pêcheurs commerciaux en Nouvelle-Zélande sont minimes, sauf par le système de gestion des quotas ou des QIT.

La pêche contribue un milliard de dollars à l'économie de la Nouvelle-Zélande. Personne n'a calculé la valeur de la pêche récréative. Il est probable que chaque poisson pris par les pêcheurs sportifs représente investissement supérieur au poisson pris par un pêcheur commercial. J'aimerais beaucoup savoir quelle est la valeur de la pêche récréative.

J'ai parlé des réserves marines. La pêche y est interdite, sauf dans l'une, qui est un cas un peu particulier. Personne n'a le droit de pêcher dans une réserve marine, que ce soit à des fins commerciales ou sportives. Les réserves marines sont de plus en plus populaires. Les Néo-Zélandais aiment avoir des zones protégées et les visiter. Vous avez la date de création des réserves marines qui figurent sur la carte. Sur 14, 12 ont été créées depuis 1990. C'est un secteur en pleine expansion.

Chaque fois que l'on propose une réserve marine, les pêcheurs commerciaux soulèvent immédiatement la question de l'indemnisation pour la perte des champs de pêche. Jusqu'ici, aucune indemnisation n'a été payée. On a présumé que le gouvernement avait prévu les réserves marines. La Loi sur les pêches a été mise en oeuvre et les réserves sont donc jugées compatibles; mais la question est de plus en plus souvent soulevée. Les pêcheurs commerciaux, et en particulier les pêcheurs de homard, ont des champs de pêche dans ces secteurs.

En même temps, ce sont eux qui ont le plus bénéficié de la création des réserves marines, puisqu'ils en tirent des stocks de reproducteurs. Dans certaines régions, ils sont devenus les plus ardents défenseurs des réserves marines car ils savant qu'elles améliorent les pêcheries locales. Les réserves marines ne font pas partie de la gestion des pêches mais sont considérées comme tout à fait à part.

L'aquaculture connaît une expansion rapide. Nous avons beaucoup de mal à déterminer comment allouer l'espace aux exploitations aquicoles, sans parler du problème de la compatibilité entre ces exploitations et les autres utilisations. Les exploitations aquicoles demandent de plus en plus d'espace, ce qui les met en conflit direct avec les pêcheurs.

Dans la seule zone de Marlborough Sound, nous avons quelque 70 000 hectares de fonds marins que des gens voudraient transformer en exploitations aquicoles. La Loi sur la gestion des ressources prévoit un système d'attribution des espaces aux aquiculteurs. Il a immédiatement été contesté par les Maoris qui affirment que nous ne détenons pas les droits sur les fonds marins. L'affaire est actuellement devant les tribunaux. Je pense que les Maoris ont d'excellents arguments. Ils ont eu gain de cause au premier palier. L'affaire est maintenant en appel. Toute la question de l'attribution d'espace à l'aquaculture est donc en suspens.

L'aquaculture touche trois espèces principales: les moules, les huîtres et le saumon. Nous avons des enclos à saumon, des lignes suspendues à des supports flottants, principalement pour les moules, et il y a l'ostréiculture en zones intertidales. Certains souhaitent faire la culture des pétoncles sur les lits marins, et l'on mène quelques expériences avec d'autres espèces, mais celles-là sont les trois principales.

Un autre grand problème est celui de l'établissement de la prise totale admissible. Avant la loi de 1996, si le gouvernement réduisait le niveau des prises commerciales totales admissibles, l'industrie s'efforçait généralement de mettre en doute les données scientifiques sur lesquelles se fondait le gouvernement. J'ai assisté à ces réunions et j'ai vu comment on essayait de jeter suffisamment de doute quant à la validité des modèles ou des données utilisées pour retarder l'entrée en vigueur des réductions.

L'industrie propose plutôt un modèle axé sur le contrôle des intrants. Paradoxalement, c'est exactement le système dont elle ne voulait pas lorsqu'on a introduit le SGQ. Les pêcheurs ne veulent pas que le gouvernement réglemente leurs opérations. Ils veulent un système basé sur les extrants, comme le système de gestion des quotas, mais dès que l'on parle de réduire les prises totales admissibles, ils se plaignent. Les pêcheurs disent que si l'on avait introduit des règlements imposant le rejet des poissons au-delà d'une certaine taille, nous n'aurions peut-être pas ce problème. Ils affirment que le gouvernement aurait dû examiner cette possibilité avant de suggérer une réduction de la prise totale admissible.

On comprend que l'industrie s'oppose à la réduction des TPCA puisque le QIT est un droit de propriété dont la valeur diminue si la quantité de poissons à laquelle il donne droit est réduite.

L'industrie n'est pas homogène. Certains ont acheté des bateaux de pêche cette année ou l'an dernier. D'autres les ont déjà amortis. Ces derniers sont tout à fait prêts à accepter une réduction des TPCA, puisqu'ils ont déjà récupéré leur investissement. Ceux qui s'opposent le plus vigoureusement à ces réductions sont ceux qui doivent rembourser des emprunts importants. Ils ne veulent donc pas de réduction. Ils se sont unis contre le gouvernement. Ils règlent leurs propres conflits internes et font front uni face au gouvernement.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas eu de réduction des TPCA. Il y en a eu dans certaines pêcheries qui ont très bien réussi. L'industrie a fait beaucoup d'efforts pour atteindre ces niveaux.

On pensait qu'en donnant aux gens un droit de propriété de longue durée, ils s'intéresseraient davantage à faire durer leur ressource. Pour le moment, l'industrie ne semble pas capable -- certains disent qu'elle n'est pas disposée -- d'absorber le coût total de la recherche nécessaire. Ce coût est important, et l'industrie n'a pas l'argent qu'il faudrait. En conséquence, en 1997, on était arrivé à aucun accord dans l'industrie ou dans le secteur sur l'état de 55 p. 100 des 164 stocks des pêches néo-zélandaises. Nous essayons de les gérer en fonction d'un système de gestion des quotas fondé sur les prises totales admissibles. Il se pourrait qu'ils se portent bien ou que leur situation soit catastrophique. Nous n'en savons rien. Tout le monde a entendu parler des problèmes de l'hoplostète orange dont nous avions mal évalué la longévité; l'espèce a subi un déclin prononcé.

La privatisation ne semble pas avoir encouragé la recherche comme on s'y attendait. Ceux qui ne détiennent pas de quotas veulent des réserves marines et s'inquiètent de la durabilité de certaines espèces dont la situation est mal connue; ils demandent une approche plus prudente pour l'établissement des TPA.

Les pêcheurs sportifs ont un lobby qui n'est pas très bien organisé. Ils ont constaté que depuis l'introduction des QIT, le gouvernement s'intéresse surtout aux clubs de détenteurs. Ceux-ci se rassemblent, dans la plupart des pêcheries; cela a eu pour effet de déplacer le centre de pouvoir.

Dans l'ancien système, les pêcheurs non commerciaux étaient un peu plus égaux. Maintenant, beaucoup de décisions sont prises par les clubs de détenteurs de quotas qui, de fait, sont pratiquement les seuls intervenants reconnus, même si le ministère des Pêches affirme reconnaître tous ceux qui ont un intérêt dans la pêche, que leur activité soit extractive ou non. Dans la pratique, les groupes environnementaux ont de plus en plus de mal à participer au processus. Ils sont mis en minorité et en position d'infériorité dans la plupart des discussions. C'est l'effet qu'a eu pour eux la privatisation.

La privatisation par le système des QIT n'entraînera pas en elle-même une amélioration de la durabilité. Celle-ci dépend de l'établissement des prises totales admissibles, et non pas de la privatisation des pêches. Le QIT ne peut pas remplacer complètement le contrôle des intrants. Il faudra une réglementation. Pour la Nouvelle-Zélande, cela n'a pas été le miracle que l'on espérait. Ce n'est pas le Saint-Graal.

On ne peut pas mettre en place un système de QIT sans envisager d'indemniser les autochtones. Il faut trouver un moyen de négocier avec eux les droits sur la mer. J'ai travaillé au Canada avec les autochtones dans le Nord du Labrador. De retour en Nouvelle-Zélande, j'ai fait savoir au ministère des Pêches que j'avais de l'expérience avec les autochtones. On m'a répondu: «Nous n'avons pas de problèmes avec les autochtones en Nouvelle-Zélande. Nous n'avons pas de problèmes avec les Maoris. Nous avons mis en place le système des QIT. Nous sommes tellement en avance sur le Canada que nous n'avons aucune leçon à apprendre d'eux.»

Trois mois plus tard, nous avions les premières conclusions non exécutoires du tribunal des traités, lesquels affirmaient clairement que les Maoris ont des droits importants sur les pêches et que ces droits ne sont pas éteints. Il y a eu ensuite des injonctions touchant la mise en oeuvre du système des QIT. En 1992, il y a eu un important règlement entre le gouvernement et les Maoris. Le gouvernement s'en est assez bien sorti. Je ne suis pas sûr que les Maoris aient encore bien réalisé. Il faut être prêt à négocier. Vous devez aussi tenir compte des autres utilisateurs.

En 1983, il y avait un système de planification communautaire avec des plans de gestion des pêches. Ce système est resté en place assez longtemps pour permettre l'adoption de la Loi sur les pêches en parallèle de la Loi sur la gestion des ressources. On a fait valoir alors que puisqu'il y avait un système de planification de la gestion des pêches, il n'était pas nécessaire d'avoir le même genre de mécanisme que prévoyait la Loi sur la gestion des ressources. Toutefois, dès que celle-ci a été adoptée séparément de la Loi sur les pêches, les plans de gestion ont disparu. À mon avis, c'était une entourloupe. C'était prévu dès le départ.

Nous nous sommes défaits de la planification communautaire qui aurait réglé tous les problèmes du système des QIT. La planification communautaire n'est pas une mauvaise idée. C'est même une bonne idée pour ce qui est de la répartition des espaces entre les utilisateurs des régions marines, surtout dans les eaux intérieures, lorsqu'il s'agit de certains règlements de contrôle sur les intrants, surtout pour la gestion axée sur l'écosystème. C'est ce que nous avons affirmé à l'époque, mais personne ne nous a écoutés.

Je ne sais pas exactement comment sont structurés les comités sénatoriaux. Je crois savoir que vous avez adopté une approche inclusive. Je vous en félicite. Vous devez continuer à prendre en compte l'intérêt de tous les utilisateurs canadiens. Si vous voulez éviter les conflits institutionnels que nous avons connus en Nouvelle-Zélande, vous devez tenir compte des utilisateurs non commerciaux. Autrement, si vous faites le partage strictement en fonction des besoins du secteur commercial, vous rencontrerez des problèmes plus tard et vous rouvrirez le dossier dans dix ans. Vous êtes engagés sur la bonne voie, mais ne limitez pas votre perspective.

Enfin, toute tentative de privatisation des pêches par l'introduction d'un système fondé sur les quotas doit être gérée en fonction d'une vision de la société que l'on souhaite pour l'avenir. En Nouvelle-Zélande, nous n'avons pas vraiment pris le temps de réfléchir à ce que nous voulions exactement, mais dans les années 80, la tendance poussait très nettement dans le sens d'un système axé sur le marché. Nous avions d'excellentes raisons pour cela. Nous sommes très loin des marchés. Vous êtes beaucoup plus proches. La Nouvelle-Zélande est loin de tout. La seule possibilité pour nous d'être concurrentiels à l'échelle internationale consistait à couper complètement les coûts et à nous battre aussi vigoureusement que possible pour l'élimination des subventions. Nous nous sommes unis au Canada, à l'Australie et à d'autres pays pour demander l'élimination des barrières commerciales dans les secteurs de la pêche et de l'agriculture. En éliminant bon nombre de nos subventions et en passant à ce type de système nous avons pu faire valoir que nous étions passés à une économie axée sur le marché.

Nous avions d'excellentes raisons pour agir ainsi en Nouvelle-Zélande. Je ne suis pas sûr que ces arguments soient aussi valables au Canada. Vous devez vous faire une idée du type de société que vous souhaitez, et de l'équilibre à obtenir entre la participation du gouvernement et du secteur privé à la gestion des pêches. Il ne m'appartient certainement pas de vous dire comment cette participation doit être répartie au Canada, mais je voulais simplement attirer votre attention sur ce point.

Le président: Vous avez dit sur la fin de votre présentation que nous devons tenir compte de bien d'autres choses que la distribution du poisson. De fait, nous avons adopté l'an dernier la Loi sur les océans, qui prépare le terrain pour la création de zones marines protégées.

Beaucoup de défenseurs à tous crins de la privatisation citent la Nouvelle-Zélande comme le modèle idéal dont doit s'inspirer le Canada. Beaucoup de fonctionnaires du ministère des Pêches canadien ont en fait participé à l'élaboration du modèle néo-zélandais. Il est donc évident qu'ils ont intérêt à mettre celui-ci en valeur. Vous rappelez que les deux pays sont très différents.

Le tableau que vous nous avez brossé est moins rose que celui que nous ont fait d'autres témoins. Vous êtes de là-bas. Vous connaissez beaucoup mieux la situation que certains qui sont venus nous en parler.

Le sénateur Stewart: J'imagine qu'en introduisant les quotas individuels transférables, la Nouvelle-Zélande cherchait tout d'abord à régler ce que les économistes ont appelé «la tragédie des biens communs»?

M. Rennie: Oui.

Le sénateur Stewart: Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie?

M. Rennie: Lorsqu'un bien appartient à la collectivité, et que tout le monde y a accès et peut se servir, comme dans le cas du poisson, ce que prennent les uns ne peut plus être pris par les autres. Il y a donc une incitation inhérente à surinvestir dans l'exploitation la plus rapide possible de la ressource. Il n'y a aucune incitation à la préserver pour le long terme.

L'hypothèse actuelle est celle du libre accès à la pêche. Beaucoup de recherches ont été effectuées sur les systèmes de rechange, principalement par des Canadiens comme Evelyn Pinkerton, de l'UBC, qui montre que le libre accès est chose rare et qu'il existe en général une certaine forme de gestion communautaire. Celle-ci peut être de facto ou légiférée, mais avec le temps les communautés établissent un système de gestion des ressources afin d'en assurer la durabilité.

Le sénateur Stewart: Dois-je en conclure qu'un système de permis comme celui que nous avons pour la pêche au homard sur la côte Est représente une solution à la tragédie des biens communs?

M. Rennie: Un système de permis ou de QIT est une solution. C'est une façon de limiter par voie législative le nombre de participants à l'effort de pêche.

Le sénateur Stewart: Dans ma région de Nouvelle-Écosse, les QIT suscitent bien des doutes. Cela m'amène à vous interroger sur la nature des pêches en Nouvelle-Zélande avant l'adoption du système de QIT. Dans ma région, les pêcheurs utilisent des bateaux de 45 pieds. Actuellement ils pêchent le homard. La pêche est bonne cette année. Ils prennent des poissons de fond, des pétoncles et d'autres espèces. La pêche soutient une collectivité florissante.

On craint qu'avec un système de quotas individuels transférables, pour une raison ou pour une autre -- parce que le détenteur vieillit ou s'endette -- il n'y ait une concentration croissante des quotas et que les entrepreneurs actuels ne deviennent que de simples manoeuvres au service de six ou huit grandes compagnies. On raconte en Nouvelle-Écosse que certains propriétaires de ces compagnies ont besoin de six ou sept villas pour leur usage personnel. Cela ne rend pas l'idée d'un système de QIT très populaire.

Quelle était la situation avant la mise en place des QIT? J'aimerais savoir comment le système a transformé la vie des pêcheurs.

M. Rennie: C'est un sujet qui me préoccupe d'autant plus qu'il n'y a pas eu beaucoup de recherche sur la question en Nouvelle-Zélande. C'est l'un des domaines dans lesquels j'essaie de mettre en place un programme de recherche. J'ai une étudiante qui est en train de faire une comparaison avec une région pour laquelle nous avons de bonnes données datant d'avant la mise en oeuvre du système.

Auparavant, nous avions une pêcherie où il y avait beaucoup de participants. On encourageait beaucoup les gens à se lancer dans la pêche, surtout avec la création de la zone économique exclusive de 200 milles. Tout à coup, on avait découvert une mine d'or, et tout le monde voulait pêcher. Le gouvernement a encouragé ce mouvement en subventionnant la construction de bateaux et divers autres éléments pour permettre aux gens de participer à la pêche.

Le système de gestion par quota a en fait été introduit parce qu'un petit groupe de représentants des pêcheurs ont estimé qu'il fallait limiter le nombre de nouveaux participants. Le système de gestion par quota les a enthousiasmés et ils se sont mis à l'oeuvre. Ils étaient pêcheurs de leur métier et ils voulaient sauver la pêche dans les petites communautés. C'était là une des motivations. Nous avons des données sur la concentration, mais nous commençons maintenant à examiner les conséquences sociales.

Il y a des pêcheurs qui préféreraient faire autre chose. C'est un mode de vie dangereux et dur. Certains ont profité de l'occasion pour vendre leur quota et se tourner vers une nouvelle occupation sur la terre ferme qui leur laisse plus de temps avec leur famille et leurs enfants. Le système des QIT a permis à certaines personnes de quitter le secteur de la pêche, où ils se sentaient prisonniers, et de trouver du travail dans les communautés.

Mais nous ne sommes pas sûrs du résultat global. Nous commençons seulement maintenant à regarder combien de personnes sont parties pour la ville et ce qu'elles y font. Le Canada est très en avance sur la Nouvelle-Zélande dans le domaine de la recherche sociale sur les collectivités en général et celles de pêcheurs en particulier.

D'autres ont obtenu des quotas ou les ont augmentés et ont très bien réussi. Certains ont de grandes maisons, un niveau de vie agréable et ils se consacrent entièrement à la pêche.

De grandes compagnies se sont créées et dissoutes, ont acheté et vendu des quotas. Elles semblent principalement intéressées à spéculer, à acheter des quotas en période d'expansion et à les revendre à temps pour réaliser des bénéfices assez intéressants. Elles tendent à pratiquer une pêche intensive, à tirer le maximum de leurs quotas. Certaines compagnies ont obtenu de bons résultats, des bénéfices croissants, et ont revendu en laissant à l'acheteur le problème de l'état des stocks.

Les réactions sont partagées. Il serait faux de penser que le secteur des pêches est homogène. Je donnerais comme exemple les îles Chatham. La Loi de 1996 accordait au fonds de fiducie communautaire des îles Chatham un statut spécial: il pouvait dépasser les limites imposées pour la concentration et obtenir de nouveaux quotas. On a voulu essayer d'encourager les habitants des îles à devenir propriétaires des quotas, car ils ont été les premiers à vendre et à quitter les îles pour aller profiter de tous les agréments de la vie sur l'île principale. Certains étaient très inquiets de cette situation.

La concentration des quotas est limitée à 35 p. 100, chose qu'on mentionne peu souvent. Si l'Accord multilatéral sur les investissements avait été adopté, nous aurions probablement éliminé progressivement cette limite.

Le sénateur Stewart: Vous donnez une longue liste d'espèces. Avez-vous des localités connues comme centres de conditionnement? Je songe à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, qui est connu comme centre de transformation.

À l'époque où il y avait encore beaucoup de poissons de fond, les gens se plaignaient souvent du fait que les transformateurs, par souci d'accroître sans cesse leur efficacité, construisaient des usines de plus en plus grandes et modernes, mais elles étaient bien sûr de moins en moins nombreuses. Je songe en particulier à Canso qui, pendant des siècles, a dépendu de la pêche. C'est à Canso que les Européens ont levé les premières taxes en Amérique du Nord dans le secteur de la pêche. Il n'en reste plus rien. Le poisson qui autrefois aurait été transformé à Canso est maintenant envoyé ailleurs -- quand poisson il y a, car beaucoup d'espèces ont pratiquement disparu.

Quelle est la situation en Nouvelle-Zélande? Avez-vous aussi ce problème où des localités qui vivaient autrefois de la transformation du poisson ont été abandonnées suite à la concentration de l'industrie?

M. Rennie: Je l'ignore. Je viens juste de recevoir une liste à jour des transformateurs. Nous essayons maintenant de voir quels changements sont intervenus dans ce secteur, mais nous n'avons pas de données qui nous permettent de nous prononcer clairement. Je ne m'attends pas à les obtenir avant l'an prochain.

Le sénateur Stewart: Avez-vous déjà entendu cette plainte?

M. Rennie: Je ne l'ai pas entendue, mais cela ne signifie pas qu'elle n'existe pas.

Il y a des activités de transformation dans la région de Nelson, à Auckland, ainsi que dans le Southland et dans la région de Bluff. Nelson, Bluff et Auckland sont les principaux centres dans le système actuel. Je n'ai pas entendu parler d'autres régions, mais c'est peut-être simplement parce que personne n'en parle.

Le sénateur Jessiman: À l'introduction des QIT en 1986, était-il clair que ceux qui auraient la chance d'en obtenir les auraient à perpétuité?

M. Rennie: Oui.

Le sénateur Jessiman: Cela faisait-il partie de la loi?

M. Rennie: Oui, absolument. Cela a entraîné une très forte activité de pêche dans les années qui ont précédé.

Le sénateur Jessiman: Y avait-il des restrictions quelconques à la transférabilité? Pourrait-on transférer un quota à n'importe qui dans le monde?

M. Rennie: L'intention a toujours été d'avoir des quotas totalement transférables. C'était l'un des principes de base des QIT.

Le sénateur Jessiman: Y a-t-il plus de gens actifs dans les pêches actuellement qu'avant l'introduction des QIT, il y a 12 ans? Ce n'est peut-être pas le résultat direct du nouveau système, mais répondez d'abord à ma question.

M. Rennie: Il y en a certainement moins.

Le sénateur Jessiman: Beaucoup moins de propriétaires?

M. Rennie: Beaucoup moins de propriétaires et je crois pouvoir dire également qu'il y a moins de gens qui travaillent dans le secteur.

Le président: Le sénateur Jessiman a demandé si les quotas pouvaient être transférés partout au monde ou en Nouvelle-Zélande seulement.

M. Rennie: Il y a certaines restrictions sur la propriété étrangère.

Le sénateur Jessiman: Les quotas sont donc réservés aux Néo-zélandais. Certains appartiennent-ils à des sociétés?

M. Rennie: Oui.

Le sénateur Jessiman: Regarde-t-on au-delà pour voir si la société est contrôlée par des intérêts étrangers?

M. Rennie: Je n'en suis pas sûr. Il faudrait que je vérifie pour voir si les quotas sont réservés aux Néo-zélandais. Je n'ai pas pensé à cela. Je sais qu'il y a des limites sur la propriété étrangère, mais elle est possible.

Le sénateur Jessiman: Vous avez dit que moins de gens travaillent maintenant dans le secteur des pêches. Pensez-vous que cela soit attribuable en partie aux QIT, ou plutôt à l'équipement introduit depuis, ou à la méthode de pêche?

M. Rennie: Je l'ignore. Les QIT ont certainement eu un rôle dans la réglementation qui a entraîné une réduction du nombre de pêcheurs commerciaux. Ensuite, la concentration des quotas a permis à certains de se retirer des pêches, ce qui a augmenté le niveau d'efficacité de l'industrie, en ce qui concerne le nombre de participants. Il y a aussi un rapport avec les améliorations technologiques grâce auxquelles le même effort demande moins de gens.

Le sénateur Jessiman: Y a-t-il eu des changements de gouvernement en Nouvelle-Zélande dans les 12 ans d'existence des QIT?

M. Rennie: Il y a eu des changements considérables. Nous avions un gouvernement travailliste, supposément de gauche, mais qui a introduit les réformes les plus marquées et les plus à droite que la Nouvelle-Zélande ait jamais connues. Ce gouvernement est arrivé au pouvoir en 1984, alors que j'étais au Canada. Il a surpris tout le monde en se faisant réélire pour un deuxième mandat et en poursuivant les réformes, bien qu'à un rythme ralenti vers la fin.

Le sénateur Jessiman: A-t-il introduit les QIT?

M. Rennie: Oui.

Le sénateur Jessiman: Puis le gouvernement a changé?

M. Rennie: Oui. Le gouvernement de droite a continué les réformes qu'avait entreprises l'administration travailliste. C'est lui qui a négocié le règlement du traité avec les Maoris.

Le sénateur Jessiman: Les QIT sont en place en Nouvelle-Zélande depuis 12 ans. Ils n'ont pas répondu aux attentes. Y a-t-il un mouvement en vue de remplacer le système?

M. Rennie: Non, je ne le pense pas. Mon sentiment est que le système n'est pas mauvais, mais il n'a pas répondu à toutes les attentes. Le principal problème est celui de l'incidence sur les Maoris. Ils sont parvenus à une entente avec le gouvernement et ils jouent maintenant un rôle important dans le secteur des pêches. Ils sont propriétaires de la plus grande entreprise de pêche en Nouvelle-Zélande. Ils ont droit à 20 p. 100 des quotas pour toutes les nouvelles espèces introduites dans le système. Ils ont 10 p. 100 des pêcheries existantes dans le système et peuvent acheter autant de quotas qu'ils souhaitent. Les Maoris sont donc revenus en force dans la pêche.

Le sénateur Jessiman: Quand les pêcheurs ont reçu leurs QIT du gouvernement en 1986 ou par la suite, les ont-ils payés?

M. Rennie: Il y a deux catégories. Pour ceux qui étaient déjà actifs, les quotas étaient calculés en fonction des prises antérieures. Les gens s'y attendaient. Ils ont tout à coup considérablement augmenté leur effort de pêche pour obtenir le plus gros quota possible.

Le sénateur Jessiman: Ils l'ont obtenu à un prix symbolique, n'est-ce pas?

M. Rennie: Je ne peux pas dire s'ils ont payé très cher. Le gouvernement s'est réservé une part importante de la prise totale admissible et l'a revendue aux pêcheurs qui voulaient augmenter leurs quotas.

Le sénateur Jessiman: Le gouvernement est propriétaire terrien, et il vend parfois ses terres, mais au prix du marché. Est-ce qu'il vend les quotas au prix du marché?

M. Rennie: Il y a beaucoup de discussions là-dessus pour savoir si les quotas ont été vendus au prix du marché ou non. Le gouvernement en a tiré une somme raisonnable, bien des millions de dollars.

Le sénateur Jessiman: Y a-t-il des droits annuels?

M. Rennie: Les pêcheurs payaient autrefois un loyer sur les ressources. Malgré tous les bons arguments en faveur du système, il a été abandonné au début des années 90 en échange de la prise en charge totale des coûts par les pêcheurs. Le loyer qu'ils payaient sur les ressources était loin de couvrir le coût de l'administration du système de gestion par quota. Le recouvrement des coûts représentait plus d'argent que le loyer sur les ressources et nous rapprochait davantage du coût d'exploitation de la pêche. Par conséquent, le gouvernement était prêt à renoncer au loyer sur les ressources.

Le sénateur Meighen: C'est bien le ministère, n'est-ce pas, qui fixe les TPA pour chaque espèce? Quelle est l'impression générale quant à l'exactitude de ces chiffres? Est-elle aussi enthousiaste qu'au Canada?

M. Rennie: Aucune des espèces en Nouvelle-Zélande n'en est encore au point qu'a atteint la morue au Canada.

Selon moi, le ministère de l'Agriculture et des Pêches s'est vraiment efforcé de faire une évaluation rigoureuse de l'état des pêches et de rester raisonnablement indépendant de toute influence, jusqu'à l'introduction du recouvrement des coûts. Il s'est alors davantage laissé influencer par les priorités de l'industrie en matière de recherche. La procédure mise en place n'était pas légiférée, mais elle permettait à quiconque le souhaitait de participer à l'établissement des TPCA. C'est grâce à cette ouverture de la part du ministère que certaines choses ont pu se faire.

L'établissement des TPA présentait plusieurs problèmes importants. Une commission parlementaire sur l'environnement a produit un rapport sur l'établissement des TPA pour l'hoplostète orange; on s'est énormément trompé sur cette pêcherie. Le public était inquiet quant au niveau des TPA. Mais il y a aussi un problème en raison de la pression croissante de la pêche récréative. Dans la région d'Auckland, la pêche récréative représente environ un tiers du TPA pour le vivaneau.

Les pêcheurs récréatifs n'ont pas besoin d'acheter un quota, mais plus ils prennent de poissons, plus il faut réduire la part attribuée à la pêche commerciale. Ils épuisent petit à petit le droit de propriété qu'ont acheté les pêcheurs commerciaux dans la région. Il y a donc un conflit. La collectivité est généralement inquiète du TPA fixé pour le vivaneau, mais chaque fois que le ministre a essayé de le réduire en invoquant des arguments scientifiques, sa décision était contestée devant les tribunaux. Il a jusqu'ici été incapable de réduire le TPCA pour le vivaneau, à cause de ces contestations. Le vivaneau est très recherché.

La collectivité est certainement inquiète quant à l'établissement des TPCA pour certaines espèces importantes, y compris l'hoplostète, le vivaneau et quelques autres. Mais les gens sont surtout très préoccupés par les prises accidentelles de pingouins aux yeux jaunes, d'albatros et de lions de mer. Le calmar et les lions de mer sont deux cas particuliers. Dès qu'il y a un certain nombre de prises de calmar, la pêche doit fermer immédiatement. Les lions de mer sont en difficulté à cause de l'incidence des prises accidentelles sur leur reproduction. Cela préoccupe bien plus le public que les niveaux de TPA. Ce sont les environnementalistes qui s'intéressent aux TPA.

Le sénateur Meighen: Dans le monde entier il y a traditionnellement conflit entre les pêcheurs récréatifs et commerciaux, conflit qui s'accentue probablement avec la popularité croissante de la pêche récréative. À votre avis, le système des QIT a-t-il une incidence là-dessus? Vient-il exacerber ou atténuer le problème?

M. Rennie: Je n'ai pas suffisamment examiné la situation dans d'autres pays pour savoir si cela a eu un effet.

Le sénateur Meighen: Y a-t-il un effet en Nouvelle-Zélande?

M. Rennie: Le conflit demeure, même avec les QIT. Mais le système donne aux pêcheurs commerciaux un titre de propriété qu'ils ont payé et sur lequel empiètent, à leurs yeux, les pêcheurs récréatifs. Ceux-ci considèrent le droit de pêcher leur repas comme un droit naturel.

Notre propre équipe d'examen des pêches a envisagé la possibilité d'un quota pour la pêche récréative, et ses membres se sont presque fait lyncher. À chacune des réunions venaient 400 à 500 personnes très agressives et les membres de l'équipe ont très vite cédé. La question resurgit à l'occasion. Juste avant mon départ de Nouvelle-Zélande, la plus grande entreprise commerciale affirmait qu'il fallait imposer un quota à la pêche récréative et que tout le monde devrait obtenir un permis. Un tel système serait-il applicable? Ce serait difficile. C'est avant tout un conflit sur la nature du droit. C'est ce qu'a provoqué le QIT. Il a transposé le conflit sur un autre terrain.

Le sénateur Meighen: Comment le système a-t-il été introduit en Nouvelle-Zélande? Cela s'est-il fait soudainement: aujourd'hui il n'y a pas de QIT, demain ils sont partout? Ou a-t-on procédé graduellement?

M. Rennie: Cela s'est passé comme ceci: «À partir de telle date, nous adopterons un système de QIT, et nous prendrons pour point de référence telle période. Nous tiendrons compte des efforts antérieurs.» Pour beaucoup d'espèces, la mise en oeuvre a été considérablement ralentie à cause des contestations des Maoris.

Le sénateur Meighen: Selon vous, certains types de pêche se sont-ils mieux prêtés que d'autres au système des QIT en Nouvelle-Zélande?

M. Rennie: La pêche hauturière s'y prête très certainement, notamment parce qu'elle concerne moins de participants. Nous disons que le système est entré en vigueur en 1986. C'est juste pour l'application générale. Mais il avait déjà été mis à l'essai trois ans plus tôt avec un certain nombre d'entreprises qui détenaient des droits de pêche hauturière. Je crois qu'il s'agissait de la pêche à l'hoplostète. Je pense qu'il est encore très important dans la pêche hauturière. Je n'ai pas réfléchi à toutes les ramifications que cela peut avoir pour la pêche côtière.

Le sénateur Meighen: Le système semble-t-il particulièrement bien fonctionner dans le secteur hauturier?

M. Rennie: Il semble très bien fonctionner comme système de distribution des droits de pêche.

Le président: L'un de nos membres, le sénateur Jessiman, fête son anniversaire demain, le 5 juin. Bien que nous souhaitions lui présenter nos voeux, nous devons aussi constater que cet anniversaire l'oblige à prendre sa retraite.

Le sénateur Jessiman est membre du comité des pêches depuis 1994. Depuis, il applique les compétences qu'il a aiguisées par l'étude et la pratique du droit à l'étude des pêches au Canada. Le comité a beaucoup profité de votre contribution et vous nous manquerez beaucoup.

Notre comité a la chance de compter des membres de la côte Est, de la côte Ouest et des Territoires du Nord-Ouest. Le sénateur Jessiman vient du centre du Canada, de l'intérieur du pays. Il est venu à nous l'esprit ouvert, mais curieux. Vous nous manquerez énormément, Duncan, votre contribution nous manquera et notre comité sera diminué par votre absence.

Sénateur Jessiman, au nom de tous les membres du comité, permettez-moi de vous remettre un petit symbole de notre appréciation pour votre travail avec nous. Nos meilleurs voeux vous accompagnent dans votre retraite et nous espérons que vous maintiendrez pendant de nombreuses années votre intérêt pour les pêches, maintenant que vous l'avez découvert. Veuillez accepter ce petit symbole de notre appréciation pour votre travail au cours des années.

Permettez-moi de vous lire l'inscription, qui a été faite dans les deux langues officielles, bien entendu: «Présenté par le Sénat du Canada à l'honorable Duncan J. Jessiman, c.r., à l'occasion de sa retraite du Sénat et en reconnaissance de son importante contribution aux travaux du comité sénatorial permanent des pêches. Ottawa, le 5 juin 1998.»

Le sénateur Jessiman: Merci beaucoup. Si j'ai été si curieux, c'est que j'avais tout à apprendre. Je savais très peu de choses sur les pêches.

Le président: Sénateur, racontez-nous vos débuts.

Le sénateur Jessiman: Je viens de Winnipeg. Quand je suis arrivé à ce comité, je ne connaissais de la pêche que le peu que j'avais pratiqué dans les lacs du Manitoba où l'on pêche la perche et le doré. J'ai fait un peu de pêche en haute mer en Floride, mais je ne connaissais pas grand-chose. J'ai énormément appris et j'y ai pris beaucoup de plaisir. Je vous remercie.

Le président: J'espère que vous ne nous oublierez pas lorsque vous retournerez à Winnipeg pratiquer le droit et la pêche.

Le sénateur Stewart: Je regarde un grand nombre d'espèces que vous donnez sur votre liste. Comme les quotas individuels transférables sont accordés pour chaque espèce, il doit y avoir un sérieux problème de prises accidentelles. Comme réglez-vous ce problème-là? L'introduction du système des quotas individuels transférables a-t-il eu un effet sur ce que nous appelons l'écrémage?

M. Rennie: Nous n'avons pas réglé le problème de l'écrémage. Nous n'avons aucun moyen de le mesurer, mais les gens qui étudient la situation sont convaincus qu'il se pratique. L'industrie le reconnaît. Le système des QIT n'est pas conçu pour régler le problème, et il en est incapable.

Les prises accidentelles demeurent un problème. On a essayé toutes sortes de modifications et d'aménagement, y compris la pêche sur un autre quota, pour s'assurer que le quota couvre aussi les prises accidentelles. Le système est devenu extrêmement compliqué et son administration posait des problèmes aux systèmes informatiques.

Dans les années 90, dans l'espoir de simplifier le système, on est passé des droits de prises annuelles aux quotas séparés. Le ministère constate que les DPA ne sont pas aussi efficaces pour régler les problèmes informatiques qu'on l'avait espéré.

Si les pêcheurs prennent accidentellement d'autres espèces, ils doivent les débarquer sur le quota d'un autre pêcheur. Ils ne peuvent pas les rejeter, même si cela se produit certainement. La plupart sont assez responsables et essaient de débarquer les prises accidentelles sur le quota d'un autre pêcheur. À l'occasion, elles sont débarquées sur le quota de l'État.

Le sénateur Cook: J'ai lu qu'un certain montant était mis de côté pour la pêche récréative et pour la pêche des Maoris. Pouvez-vous nous expliquer comment cela se passe?

M. Rennie: C'est une méthode très approximative. Le TPA est établi essentiellement en fonction des prises commerciales, ce qui est problématique dans les régions où il y a une importante activité de pêche récréative ou de pêche traditionnelle par les Maoris. On prend le total de la prise commerciale admissible ainsi que les données sur le rendement de la pêche commerciale; à partir de là, on évalue l'état des stocks et l'on estime le rendement équilibré maximum pour un stock donné. On calcule ensuite une part théorique pour la pêche traditionnelle et la pêche récréative.

Les prises des Maoris pour les grandes espèces sont si minimes qu'elles ne méritent pas une allocation spéciale. Mais l'on reconnaît que la pêche récréative devient un problème. Chaque fois que l'on essaie de réduire la pêche commerciale pour laisser une plus grande marge à la pêche récréative entre le TPCA et le TPA, l'industrie proteste et l'affaire finit devant les tribunaux.

La loi donne priorité aux Maoris, à la pêche scientifique et à la pêche récréative. Il y a donc un ordre de priorité bien établi pour les tribunaux. Par conséquent, si l'on peut démontrer que la pêche par les Maoris souffre des prises commerciales, les Maoris ou les pêcheurs récréatifs ont de bons arguments. Quel effet cela aura-t-il sur les droits et la loi, plutôt que sur les allocations réelles? On essaie désespérément de mieux saisir la pêche récréative.

Le sénateur Cook: C'est donc arbitraire?

M. Rennie: Tout à fait, sauf pour le vivaneau. On estime qu'environ un tiers des prises sont attribuables aux pêcheurs sportifs.

Le président: Vous avez indiqué que vous allez essayer de calculer les effets de la privatisation en Nouvelle-Zélande. Ce sera extrêmement difficile. Pourrez-vous réellement mesurer l'incidence ou le succès de la privatisation, autrement qu'en déterminant si les collectivités ont survécu ou non.

M. Rennie: C'est ce que nous allons faire. Nous avons d'assez bonnes données dans certaines régions, surtout le Northland et Stewart Island. Des anthropologistes y avaient effectué des recherches avant l'entrée en vigueur du système des QIT. Ce que j'ai remarqué, c'est que l'introduction des systèmes des permis a en elle-même donné à la collectivité le sentiment d'être exclue du processus décisionnel.

La pêche n'occupe une place suffisamment importante dans la conscience néo-zélandaise pour intéresser les universitaires à faire des recherches. Je n'arrive pas à penser à un autre universitaire qui examine sérieusement les incidences sociales du système des QIT. Un de mes amis à Dunedin a rédigé quelques études, mais sans approfondir.

J'essaie actuellement de former un groupe d'étudiants du premier cycle afin qu'ils comprennent suffisamment le système pour entreprendre des recherches au deuxième cycle. J'examine également la possibilité de préparer une proposition de recherche en collaboration avec des organisations reconnues afin d'obtenir le financement nécessaire à un projet détaillé.

Un de nos problèmes vient du fait qu'avec le système de recouvrement général des coûts il est extrêmement coûteux d'obtenir des données brutes de notre organisme de statistique. Nous n'avons pas les fonds nécessaires. Personne n'est intéressé à produire ce type de données et il est donc difficile d'obtenir les données de départ. J'essaie d'enrichir ma base de données chaque été.

Dans ma communication à la conférence de l'Association canadienne des géographes je conclus qu'il n'est pas réellement possible en Nouvelle-Zélande de définir les régions tributaires de la pêche, qui est le premier niveau de données que nous ayons pu obtenir.

L'étudiante qui travaille pour moi dans le Northland examine ce qui s'est passé dans deux communautés qui étaient nettement tributaires de la pêche avant l'introduction du système. Elle va interroger les gens de la communauté pour savoir pourquoi les gens sont partis, où ils sont allés et ce qui est arrivé à la communauté. J'aimerais que l'on fasse beaucoup plus de recherches en ce sens en Nouvelle-Zélande.

Mais ce n'est pas le cas actuellement. Les étudiants commencent à peine à comprendre au deuxième cycle comment fonctionne le système. Ils le maîtrisent enfin lorsque leur recherche est à moitié terminée et ils préparent une étude de cas superficielle, par la force des choses.

Le président: Si cela peut vous consoler, je crois savoir que cela n'a pas été fait au Canada non plus. Comme vous êtes beaucoup plus avancés que nous sur la voie de la privatisation des pêches, si nous continuons dans la même voie au Canada, nous pouvons nous attendre à reproduire les mêmes effets. Puisque vous êtes l'un des seuls à examiner l'impact de la privatisation, nous espérons que vous continuerez vos recherches. Cela intéresse le Canada. Vous serez en mesure de nous indiquer ce que nous réserve l'avenir, et nous suivrons de près vos recherches.

Je souhaite maintenir le contact que nous avons eu au cours de la dernière année. Merci beaucoup d'être venu ce matin.

La séance est levée.


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