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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 12 - Témoignages du 22 octobre 1998


OTTAWA, le jeudi 22 octobre 1998

Le comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 8 h 30 pour examiner les questions de privatisation et d'attribution de permis à quota dans l'industrie des pêches au Canada.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous allons entendre ce matin deux témoins dans le cadre de notre étude de la privatisation des permis à quota. Notre premier témoin sera Ragnar Arnason, professeur d'économie des pêches à l'Université d'Islande. M. Arnason est un universitaire renommé dans le monde entier et un ardent défenseur des quotas individuels. Il a déjà publié un certain nombre d'études sur les pêches en Islande et a effectué d'importants travaux de consultant dans un certain nombre de pays, le Canada y compris. Son dernier ouvrage, The Icelandic Fisheries: Evolution and Management of a Fishing Industry, donne une analyse détaillée de l'évolution et de la structure du secteur de la pêche en Islande. Il a une maîtrise de la London School of Economics et un doctorat de l'Université de la Colombie-Britannique. M. Arnason, soyez le bienvenu devant notre comité.

M. Ragnar Arnason, professeur, Département d'économie, Université d'Islande: Je crois savoir que votre comité se penche sur la privatisation des droits de pêche.

Tout d'abord, je pars du principe que l'objectif de la pêche commerciale est d'optimiser les avantages sociaux que procurent les populations de poissons. En second lieu, les difficultés rencontrées dans le secteur de la pêche proviennent principalement des accords courants qui régissent la propriété de la pêche sur la plupart des océans.

La propriété commune pose partout des problèmes dans les sociétés humaines. Pratiquement toute utilisation des ressources entraîne une diminution de celles-ci, ce qui en laisse moins pour les autres. Nous avons remédié à ce problème en concevant, en définissant, en précisant et en faisant évoluer les droits de propriété. Tous les problèmes n'ont pas disparu pour autant, mais ils sont devenus moins lourds.

On a de nombreux exemples. La terre, le capital, les usines, l'équipement, le matériel et la plupart de nos possessions font l'objet d'une propriété privée. Ce régime des droits de propriété est si bien assimilé que ce sont les exceptions à ce régime qui nous frappent immédiatement. Tout au long de l'histoire humaine, l'institution des droits de propriété privée s'est étendue progressivement à un plus grand nombre de sphères d'activités de l'homme.

Nous pouvons en déduire que chaque nouveau progrès dans la voie de la propriété privée fait l'objet de controverse et entraîne souvent des conflits. Les milieux économiques s'accordent à penser que la croissance économique récente dans le monde -- et l'affluence relative du monde occidental -- s'appuie sur l'institution de la propriété privée. Aujourd'hui, cette démarche historique doit être accomplie dans le secteur de la pêche.

Depuis les années 70 à peu près, on s'est dirigé clairement vers l'adoption de droits de propriété pour gérer le secteur des pêches dans le monde. Le principal droit de propriété de ce type est celui des droits d'utilisation de certains territoires. Le Canada possède certains de ces droits sur la côte Est. Cette évolution s'est faite spontanément, sans l'intervention du gouvernement.

Nous avons des permis d'accès, qui sont en quelque sorte des droits de propriété. Ces droits s'écartent beaucoup de la ressource naturelle sur laquelle ils s'appuient, en l'occurrence les populations de poissons. Le Canada a aussi des permis d'accès pour certaines pêches. Nous disposons par ailleurs de droits d'exploitation individuels qui se présentent sous la forme de quotas, qu'il s'agisse de quotas individuels ou de quotas transférables.

Ce sont là les trois formes que prennent les droits de propriété. Sur les trois, c'est celle des quotas individuels transférables qui a eu le plus de succès. Les quotas individuels, soit les droits d'exploitation non transférables, sont d'ores et déjà très courants. Ils sont largement utilisés en Europe, en Russie, en Afrique du Sud, en Amérique et au Japon. Au bout d'un certain temps, les quotas individuels ont tendance à se transformer en quotas individuels transférables. Cette évolution se produit lorsque les détenteurs de quotas individuels se rendent compte qu'ils possèdent quelque chose qui a de la valeur et lorsqu'ils les négocient à leur profit avec d'autres personnes. Cette évolution a eu lieu, par exemple, en Islande, en Hollande, au Groenland et en Libye.

Les quotas individuels transférables sont probablement plus largement utilisés dans le monde que ne le croient la plupart des gens. Un peu plus de 5 p. 100 du total des prises océaniques se font actuellement en vertu des QIT.

Actuellement, au moins six grands pays pratiquant la pêche font des QIT leur principal outil de gestion des pêches. Il s'agit de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Groenland, de l'Islande, de la Hollande et de la Namibie. Ces pays appartiennent à trois continents au moins. Plusieurs autres pays, y compris le Canada, le Chili, la Norvège et les États-Unis, se servent des QIT pour une partie de leurs pêches. De grands pays de pêche -- notamment le Pérou, l'Argentine et le Maroc -- se préparent activement à faire des QIT leur principal outil de gestion de leurs pêches.

Cette évolution a eu lieu au cours des 20 dernières années. Les premiers QIT ont été mis en place vers 1975-1976. Nous avons déjà une longue expérience du fonctionnement de ces QIT. De plus, cette expérience n'a pas été faite dans une seule région du monde.

Les expériences ont généralement été très positives. Elles se sont traduites habituellement par une diminution des activités et des flottes de pêche, une réapparition des populations de poisson disparues et une amélioration de la qualité des prises débarquées. Enfin et surtout, le rendement économique des activités de pêche s'est amélioré, alors que cela est en fait le principal objectif de ce secteur d'activité. Aucun autre mécanisme de gestion des pêches ne peut se prévaloir d'un tel succès.

En Islande, les QIT ont été mis en place progressivement à partir de 1979, tout d'abord dans notre pêche au hareng, puis dans notre pêche au capelan en 1984, et enfin dans le secteur de la pêche aux poissons de fond. Depuis 1991, toutes nos pêches sont gérées en fonction des QIT. La gestion par QIT est le mécanisme de gestion des pêches retenu en Islande.

Notre expérience du régime de QIT a été excellente. Nous en avons retiré la plupart des avantages. Nos activités de pêche ont diminué; notre flotte de pêche s'est réduite. Il est important de bien comprendre que cette diminution des activités et de la flotte de pêche se produit de l'intérieur. Elle n'est pas dirigée ou contrôlée par le gouvernement. Tout simplement, en vertu du régime des QIT, les pêcheurs s'aperçoivent qu'il est dans leur intérêt de réduire leurs activités de pêche et de se débarrasser de l'équipement de pêche inutilisé.

La qualité des produits de la pêche -- des prises débarquées -- s'est par ailleurs largement améliorée. J'estime que les prix sont supérieurs de 10 à 20 p. 100 en moyenne en raison de l'amélioration de la qualité du poisson. Cette amélioration de la qualité a été rendue possible par le régime des QIT parce qu'une fois en possession de leur quota, les sociétés de pêches peuvent prendre le temps nécessaire pour les remplir. Elles n'ont plus à se précipiter pour prendre le poisson.

Surtout, nous avons enregistré une augmentation substantielle de la valeur des QIT, la valeur annuelle et non pas la valeur des QIT permanents. Cette dernière a elle aussi augmenté, mais la valeur annuelle de l'allocation des QIT a pour sa part augmenté de manière significative, traduisant ainsi l'amélioration de la rentabilité des activités de pêche d'une année sur l'autre.

À l'heure actuelle, la valeur annuelle des QIT représente en Islande près de 40 p. 100 du total des recettes de la flotte de pêche. Nous ne pensons pas qu'il en sera ainsi à long terme. Nous ne pensons pas que ce chiffre soit appelé à augmenter fortement, et nous le voyons même baisser. Si les prix de location des quotas annuels sont si élevés, c'est entre autres parce que notre flotte de pêche est encore trop grosse. Les coûts du capital ou les coûts d'opportunité de cette exploitation sont faibles parce que les bateaux de pêche sont pratiquement disponibles pour rien.

Quels sont les inconvénients? Aucun système n'est parfait. Le régime des QIT présente évidemment certains inconvénients. Le principal d'entre eux, c'est que les QIT ne sont pas des droits de propriété parfaits. Ils ne sont pas comme les droits de propriété qui s'attachent à un terrain ou à une usine. Ce sont des droits de propriété qui correspondent au droit d'exploiter la ressource.

Dans l'idéal, nous aimerions que ces droits de propriété s'attachent aux poissons eux-mêmes pour que les gens possèdent effectivement les poissons comme on possède du bétail, des chevaux ou des moutons. Pour l'instant, nous n'avons pas les moyens techniques d'y parvenir, mais je suis bien confiant qu'au cours du siècle à venir le progrès technique nous permettra d'accorder aux gens des droits de propriété sur les poissons. Lorsque cela se réalisera, les gens vont par ailleurs investir dans l'élevage et l'amélioration génétique des poissons. Ce n'est pas possible aujourd'hui parce que nous n'avons que des droits de propriété limités, en l'occurrence les QIT.

Les QIT ne sont que des droits de propriété limités, ce qui se traduit entre autres par les difficultés liées aux mises au rebut dans le cadre du régime des QIT. Il a été démontré que dans un régime de QIT, on avait davantage tendance à rejeter le poisson. Cela revient à dire que lorsqu'un tas de poissons est déposé sur le pont du bateau, on en rejette une plus grande quantité. Cette tendance est contrecarrée cependant par le fait que les pêcheurs qui opèrent dans un régime de QIT font preuve d'une plus grande sélectivité. En l'occurrence, étant donné qu'ils possèdent des QIT, ils ont le temps et la possibilité de choisir avec un plus grand soin les prises qu'ils montent à bord de leur bateau.

Comment procèdent-ils à cette sélection? Ils utilisent des engins de pêche appropriés, se rendent sur les lieux de pêche qui conviennent et pêchent au moment voulu. Nous avons constaté en Islande -- et dans d'autres secteurs de pêche gérés par QIT -- que les opérateurs utilisent des engins de pêche de plus petit calibre. Ils emploient moins de filets, dont les mailles sont plus larges, pour avoir de meilleures prises.

Les rejets sont un inconvénient, mais il est difficile de savoir en fait si la quantité de poissons rejetés augmente ou diminue en vertu des QIT étant donné cette plus grande sélectivité. Nous nous sommes penchés sur cette question en Islande et nous avons constaté que le taux de rejet de nos poissons de fond -- il n'y a pratiquement pas de rejet pour nos espèces pélagiques -- représente environ 4 à 5 p. 100 du total des prises.

Le régime des QIT présente un autre inconvénient, c'est celui du coût de l'application. Dans certains cas, le coût de l'application des QIT est vraiment très élevé; dans d'autres il l'est moins. Tout dépend des ports de débarquement des prises et d'autres facteurs.

Il y a aussi ce que certains considéreront comme un inconvénient et d'autres comme un avantage, soit pour ce qui est de la répartition des coûts et des bénéfices. L'attribution de QIT représente l'octroi de droits de propriété d'une grande valeur pour la plupart des pêches. Cette distribution fait l'objet de disputes dans la société. Les avantages de l'octroi de QIT ne sont pas également répartis au départ. Je m'empresse d'ajouter cependant qu'il est techniquement possible de procéder à une répartition parfaitement égale des QIT à une catégorie de personnes quelconque que l'on juge en droit d'en bénéficier, et éventuellement à l'ensemble de la population du pays. La question de la distribution peut être résolue dans le cadre du régime des QIT, mais c'est souvent un sujet de polémiques lorsque l'on met en place ce régime.

Les coûts du régime de QIT n'ont pas besoin d'être partagés également par tout le monde. Ainsi, si la mise en place d'un régime de QIT entraîne la réduction de la flotte de pêche et la diminution du nombre de pêcheurs, on peut dire que les pêcheurs sont bien trop lésés par le système alors que les détenteurs des quotas en bénéficient beaucoup trop. C'est évidemment une question que l'on doit considérer.

Un autre inconvénient du même type, que d'aucuns ne considéreront peut-être même pas comme un inconvénient, c'est celui de la restructuration sociale qui résulte couramment de la mise en place d'un régime de QIT. Cette mise en place vise à améliorer le rendement de la pêche.

Avant l'apparition du régime de QIT, la pêche aux poissons de fond était inefficace et il nous fallait donc restructurer de manière significative ce secteur. Certaines collectivités peuvent être mises en difficulté par cette opération, les entreprises du secteur allant s'installer ailleurs. Les économistes ont tendance à considérer cela comme un bienfait et déclarent que c'est parce que ce type de collectivité ne se justifiait pas au départ. Si cette situation n'est pas jugée acceptable d'un point de vue sociopolitique, on peut s'opposer à cette tendance en exigeant que les QIT attribués à une collectivité donnée restent à l'intérieur de cette collectivité. Les possibilités de transfert sont limitées à une collectivité donnée. En tant qu'économiste, je ne recommande pas cette solution, mais c'est une façon d'atteindre cet objectif.

D'un point de vue économique, il faut conclure que les QIT et autres droits de propriété privée dans le secteur des pêches sont généralement une bonne chose. La grande question est de savoir s'il est possible de les mettre en place et de les utiliser.

Deux problèmes se posent au départ. Tout d'abord, il faut déterminer si l'on peut faire respecter les droits de propriété. Les droits de propriété ne sont pas faciles à faire respecter par des QIT dans certains secteurs de la pêche. Plus il y a de points de débarquement, plus la valeur unitaire des prises est élevée, plus le poisson vaut cher et plus le marché des consommateurs se trouve près des ports de débarquement, plus il est difficile de faire appliquer le régime des QIT. Les QIT restent toujours applicables, mais dans certains cas le coût de l'application peut devenir prohibitif. C'est le problème fondamental du régime des QIT et, par voie de conséquence, des autres régimes de droit de propriété dans le secteur de la pêche.

Le deuxième problème qui se pose en matière d'application a trait aux politiques sociales. Est-ce qu'il y a ou non un appui suffisant en faveur d'un régime des droits de propriété dans le secteur de la pêche? Le pays ou la société dans son ensemble sont-ils prêts à sauter le pas? Tout dépend des avantages que l'on perdra si l'on n'adopte pas cette mesure.

Dans un pays comme l'Islande, qui dépend de la pêche, il est indéniable qu'il faut absolument trouver le régime de gestion des pêches le plus efficace. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons adopté aussi rapidement le principe des QIT.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Stewart: J'aimerais connaître la nature de votre flotte de pêche avant la mise en place du régime des QIT et quels changements en ont vraisemblablement résulté. Plus précisément, êtes-vous passé de bateaux relativement petits -- soit 36 ou 45 pieds -- à des bâtiments plus gros, éventuellement des chalutiers?

M. Arnason: La composition de la flotte n'a pas vraiment changé. Je ferai cependant une réserve. Au début de l'application du régime des QIT, nous avons exclu les très petits bateaux de pêche. Les bateaux de pêche de moins de 10 tonnes de jauge brute ont été tenus à l'écart. Les bateaux de moins de 10 mètres ou de 12 mètres ont été exemptés des restrictions liées aux QIT.

Les réserves de poisson augmentant, cette partie de la flotte a proliféré. Les restrictions se sont d'abord appliquées au-dessous de 10 tonnes, puis au-dessous de six tonnes. Nous avons enregistré une augmentation du nombre de petits bateaux de pêche en Islande -- une augmentation et non pas une réduction.

Cette augmentation s'explique par le délai d'incorporation des gens au régime. Aujourd'hui, nous enregistrons à nouveau une diminution de cette flotte. Les effets se sont fait sentir sur la partie de la flotte de pêche correspondant aux bateaux de plus de 10 tonnes de jauge brute, car les petits bateaux ont été exonérés pendant une longue période.

Il n'y a pas eu de gros changements dans la composition de la flotte, mais le nombre de bateaux de pêche de dimension moyenne a quelque peu diminué. Les bateaux de dimension moyenne sont ceux qui font environ 100 tonnes de jauge brute. Il y a eu aussi une augmentation du nombre de chalutiers de haute mer. Cette tendance existait déjà avant la mise en place du régime des QIT et on n'est donc pas certains que les QIT en soient la cause.

Le principal facteur qui détermine la composition d'une flotte de pêche dans le cadre d'un régime de QIT est celui de l'ampleur des réserves de poisson. Certains indices montrent que les populations de morue augmentent rapidement. Les petits bateaux de pêche deviendront plus rentables que les plus gros. Par conséquent, la tendance à la diminution de la taille des bateaux de pêche va s'infléchir à mesure qu'un plus grand nombre de morues en âge de frayer se rendront sur les zones de pêche côtière.

Le sénateur Stewart: Vous avez parlé de redistribution sociale. Une récente étude de la société canadienne nous a révélé que les riches devenaient de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. On attribue cette tendance à la restructuration de l'industrie canadienne.

Cela nous ramène à notre propos, parce que nombre de pêcheurs en Nouvelle-Écosse ont peur que les grosses sociétés ne contrôlent la pêche de toutes les espèces rentables -- le homard, par exemple. Les pêcheurs craignent que les anciens propriétaires de bateaux de pêche en soient réduits à devenir des hommes de main sur le pont des bateaux des grandes sociétés.

Il se peut très bien que le tissu social de l'Islande soit très différent de celui de la Nouvelle-Écosse, mais j'aimerais que vous répondiez à ma question d'un point de vue islandais. En quoi l'expérience menée par l'Islande serait-elle différente pour la petite pêche au homard dans une petite localité?

M. Arnason: C'est le régime des QIT -- si les quotas individuels sont parfaitement transférables -- qui va engendrer la structure d'entreprise la plus rentable. Si la pêche se prête davantage à une exploitation à grande échelle, c'est ce qui va se passer finalement. Grâce aux économies d'échelle réalisées dans les secteurs de la transformation et de la commercialisation, il est très vraisemblable que les conglomérats et les grosses sociétés prendront le dessus avec des quotas de pêche librement transférables.

La situation islandaise était très différente de la pêche pratiquée à petite échelle en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve. L'Islande a toujours eu un secteur de la pêche fortement capitalisé et dominé par les grosses entreprises. Nous n'avions pas de nombreuses activités de pêche familiales. Nous avions des sociétés de pêche à propriété familiale constituées au départ par les propriétaires de petits bateaux. Pour l'essentiel, toutefois, notre secteur de la pêche était très capitalisé et, dans une large mesure, nous n'avions pas de bateaux de pêche à propriété individuelle. Ce problème particulier ne s'est donc pas posé en Islande et l'on a enregistré très peu de protestations de cette nature.

Parallèlement, toutefois, même les plus grosses sociétés de pêche islandaise n'avaient pas, disons, une part supérieure à 5 ou 7 p. 100 de l'ensemble du secteur. Par conséquent, ces sociétés n'étaient pas énormes relativement à ce qui se passe dans le secteur de la pêche sur la côte Est de votre pays. Je pense que les préoccupations dont vous faites état son justifiées. C'est une chose qui peut facilement se produire, mais on peut aussi facilement y remédier en limitant les possibilités de transfert des quotas.

N'oubliez pas non plus que cela n'appauvrit pas les petits opérateurs parce que dans le cadre du fonctionnement normal d'un régime de QIT ou d'un autre régime de droits de propriété, ce sont les opérateurs existants qui reçoivent les droits. Il leur appartient donc de décider ou non de vendre à un gros conglomérat. S'ils le font, ils reçoivent automatiquement une indemnisation financière. Ce n'est pas comme si on leur retirait les QIT; ce sont eux qui décident. Toute une catégorie de personnes est impliquée et il peut même y avoir des individus qui vendent, causant des difficultés aux autres.

Le sénateur Stewart: On a envie de vous poser d'autres questions en la matière, mais laissez-moi changer de sujet. En règle générale, lorsque des terres ont été concédées en Amérique du Nord, les concessions ont été accordées sans que des paiements ne soient faits à la Couronne. C'est ce qui se passe à l'heure actuelle dans le secteur des pêches dans le cadre du régime des QIT qui a été adopté, le même modèle étant appliqué, du moins sur la côte Est du Canada. En effet, les quotas sont concédés à des personnes en particulier.

Pourquoi l'État ou le gouvernement concéderait ces quotas à titre gratuit? Si j'obtiens une réponse satisfaisante, je vous poserai alors une deuxième question. Pour quelle raison ces quotas devraient-ils être concédés à perpétuité? On fait comme le faisait jadis le roi d'Angleterre lorsqu'il concédait des baronnies. Il me semble que cette méthode est quelque peu dépassée.

Vous nous dites vouloir envisager le système le plus efficace. Étant donné que ces entreprises ont bénéficié gratuitement de quotas à perpétuité que leur a concédés la Couronne -- ou tout autre organisme chargé d'accorder les concessions en l'espèce -- est-ce qu'elles paient davantage d'impôt pour tenir compte du fait qu'elles tirent profit d'une ressource précieuse qui ne leur a rien coûté? Sinon, quelle en est la raison?

M. Arnason: Pour ce qui est de savoir si ces droits doivent être concédés à titre gratuit, je ne pense pas qu'il y ait une bonne réponse d'un point de vue économique. Je pense cependant qu'il peut y avoir une réponse fondée sur des motifs juridiques. Les droits fixés à l'origine -- les droits prévus par la convention -- ne doivent pas faire l'objet d'un paiement s'ils s'adressent aux pêcheurs qui étaient déjà là avant. Cette question a aussi évidemment une dimension morale.

D'un point de vue économique, je peux sans conteste affirmer qu'il n'y a aucune raison pour que ces droits soient concédés gratuitement et aucune raison non plus pour qu'ils ne le soient pas. Cela ne change rien en fait du point de vue de l'efficacité.

En termes d'efficacité, on peut soutenir que ce droit doit être concédé aux personnes les plus efficaces, mais qui peut savoir qui sont les personnes les plus efficaces? De toute façon, si ces droits sont transférables, ils aboutiront finalement entre les mains des personnes les plus efficaces. Il n'y a donc pas d'argument pour ou contre. Les deux sont possibles.

J'en viens maintenant à votre question concernant la concession à perpétuité. Pourquoi concéder ces droits à perpétuité? Il y a une excellente raison d'un point de vue économique. Si ces droits n'étaient pas perpétuels -- s'ils venaient à échéance à un moment donné -- les détenteurs de ces droits en tiendraient compte. C'est le même dilemme que celui de savoir s'il faut que les gens possèdent ou louent leur maison. Ceux qui sont propriétaires de leur maison possèdent un bien précis. Ils en prendront toujours le meilleur soin. Toutefois, ceux dont les droits sont limités dans la durée auront toujours tendance, lorsque la période est sur le point d'arriver à échéance, à se désintéresser un peu plus de leurs biens.

La question de la fiscalité est différente. En tant qu'économiste, je recommande que les bénéfices tirés des QIT, c'est-à-dire des droits de propriété sur la pêche, soient imposés comme tous les autres biens dans la société. Autrement dit, on ne devrait pas faire de distinction entre les biens. D'un autre côté cependant, si l'on estime qu'il est juste de prélever une bonne partie de la rente que l'on peut attendre de l'exploitation de la ressource, on peut le faire au départ lors de l'attribution initiale des quotas, soit en les vendant, soit en faisant payer un droit correspondant, soit même en les mettant aux enchères pour les attribuer à leurs premiers bénéficiaires.

Le sénateur Butts: Professeur, vous nous avez bien fait comprendre ce que vous pensiez de la question. J'accepte votre conception des droits de propriété lorsque je pense à la terre, aux minéraux, et cetera. N'êtes-vous pas d'accord cependant pour dire que ce n'est pas la même chose lorsqu'il s'agit des poissons?

M. Arnason: Non, je ne suis pas d'accord.

Le sénateur Butts: Pourquoi pas?

M. Arnason: C'est une ressource productive, tout comme la terre et les minéraux. On se sert de la terre pour produire de la viande et des céréales. On se sert des réserves de poisson pour faire usage des produits de la pêche. D'un point de vue économique, il n'y a fondamentalement aucune différence; ce sont deux biens de production.

Par une simple coïncidence historique, étant donné que nous habitons sur la terre, nous avons commencé par la terre pour faire valoir nos droits de propriété. Nous sommes ensuite passés aux océans. Si nous habitions dans la mer, nous aurions probablement implanté d'abord nos droits de propriété sur la mer. Nous serions peut-être maintenant en train de discuter des problèmes que pose l'application des droits de propriété sur la terre.

Le sénateur Butts: La mobilité du poisson fait une grosse différence, surtout lorsqu'on est le voisin des États-Unis.

M. Arnason: Effectivement. Le poisson présente certaines difficultés comparativement à la terre et aux minéraux. Il y a d'autres ressources naturelles dont la propriété est privée qui sont elles aussi mobiles, telles que le bétail, les moutons et les chevaux. Elles aussi posent ce genre de difficultés, mais pas dans une aussi large mesure.

Pour l'essentiel, tout régime de droit de propriété sur les activités de pêche dans les océans doit tenir compte de l'éventualité de l'intervention d'autres États souverains concernant ces droits de propriété. Il y a un mécanisme bien connu pour y remédier, c'est de faire en sorte que les pays participants s'entendent sur un quota global de pêche et le répartisse ensuite entre les différents pays.

Cela dit, je reconnais effectivement qu'en l'absence d'un accord de cette nature, on n'atteint pas nécessairement son objectif en matière d'efficacité par le seul fait de mettre en place un régime de QIT imposé à ses propres citoyens.

Le sénateur Butts: J'aimerais revenir sur une chose à laquelle a fait allusion le président. Je conviens que si je m'en tiens uniquement aux facteurs économiques, je vais précisément me préoccuper de l'efficacité. Avez-vous fait des études sur les préoccupations sociales liées aux collectivités de pêche?

M. Arnason: Je n'ai pas fait moi-même d'études de ce type. Je sais que les anthropologues -- notamment certains sociologues -- ont étudié cette question à fond, et il y a de nombreuses publications à ce sujet. J'ai moi-même un diplôme en sociologie et je suis très conscient de ces problèmes.

De manière générale, je vous répondrai toutefois, toujours en pur économiste, que notre société s'appuie sur la croissance et sur le progrès économique. Au nom de la croissance économique, nous avons sacrifié nombre de collectivités de différents types. On peut se demander si c'était une bonne ou une mauvaise chose, mais pensez-vous qu'aujourd'hui les gens seraient prêts à en revenir avant la révolution industrielle et à déclarer: «Nous n'allons pas entourer les terres de clôtures parce que cela risque de porter préjudice aux collectivités agricoles.» Je pense que nous devons faire ce genre de choses pour nos enfants et nos petits-enfants.

Nous avons des collectivités civilisées et nous pouvons donc prendre bien soin des collectivités et des gens déplacés, si tant est qu'ils soient déplacés, du fait de l'apparition de nouveaux droits de propriété.

Le sénateur Butts: Les habitants de ces localités vont-ils bénéficier d'une aide du gouvernement pour se réinstaller ailleurs?

M. Arnason: Pourquoi pas? Pourvu qu'il n'y ait pas d'injustice.

Le sénateur Butts: Reste-t-il des petites localités le long de votre côte?

M. Arnason: Il n'y a que des petites localités sur les côtes d'Islande. L'Islande est un très petit pays, vous le savez. Nous avons constaté que le régime des QIT avait renforcé la stabilité des petites localités. Pourquoi? Lorsque les gens ont des QIT, ils peuvent protéger leurs propres ressources halieutiques contre tout empiétement de la part des grosses sociétés ou d'autres localités. Une petite localité qui se contente de survivre n'a qu'à conserver ses propres QIT, et elle est assez sûre de pouvoir compter sur un approvisionnement permanent en poisson. Dans l'ancien régime de libre accès, il y avait constamment des petites localités en Islande qui disparaissaient pour être remplacées par d'autres. Cela venait du fait que les gens ne pouvaient pas protéger leurs intérêts et que les gros bateaux de pêche venaient leur prendre le poisson.

Le sénateur Butts: Y a-t-il des restrictions portant sur la possibilité de transférer ces quotas dans les petites localités d'Islande?

M. Arnason: Il y a certaines restrictions, mais elles sont assez négligeables. Si un quota est transféré d'une localité dans une autre, il faut que le ministère des Pêches -- ou la Direction générale des pêches -- prenne l'avis des deux municipalités. Parfois, ces dernières s'y opposent, mais l'on ne tient généralement pas compte de leur avis et l'on autorise le transfert.

Lorsqu'un bateau de pêche est transféré d'une localité à une autre, avec le quota qui s'y rattache, la communauté des pêcheurs et les édiles municipaux ont un droit de préemption sur l'achat de ce bateau. Ils peuvent en fait se substituer aux parties contractantes et acheter le bateau de pêche s'ils le désirent.

Le sénateur Butts: Cela s'apparente davantage à des quotas communautaires qu'à des quotas individuels.

M. Arnason: Non, ce sont des quotas individuels. Simplement, la collectivité a son mot à dire concernant la possibilité de transférer les quotas et les bateaux de pêche.

Le sénateur Butts: Est-ce que le «T», dans le sigle «QIT», relève des pouvoirs des municipalités?

M. Arnason: Je ne dirais pas cela. Les QIT sont détenus par des sociétés individuelles. Les municipalités exercent une faible influence sur le pouvoir de transférer ces QIT à d'autres localités, un point c'est tout.

Le sénateur Robichaud: Lorsque vous avez mis en place le régime des QIT, quelle a été la participation des pêcheurs dans la conception du régime? Est-ce que cela a été fait par des responsables extérieurs à la collectivité? Quelle a été la participation des pêcheurs à toute cette opération?

M. Arnason: Le régime de QIT le plus important dans la pêche des poissons de fond a été mis en place après une très large consultation avec tous les membres de l'industrie -- en l'occurrence, toutes les associations de l'industrie. En Islande, nous avons des associations nationales représentant les pêcheurs, les armateurs, les usines de transformation du poisson ainsi que le personnel de ces usines. Toutes ces parties prenantes ont participé aux discussions. Elles se sont prononcées à la majorité -- mais non pas à l'unanimité -- en faveur des QIT.

Elles ont aussi convenu que les QIT seraient conférés aux bateaux de pêches -- essentiellement aux propriétaires des bateaux de pêche -- en fonction des prises réalisées par le passé par ces bateaux de pêche pendant les trois ans ayant précédé la mise en place du système. Voilà plus ou moins la façon dont ça s'est passé.

Le sénateur Butts: Je reviens à notre question du coût du contrôle. Qui est responsable du contrôle? Y a-t-il un autocontrôle pratiqué par les détenteurs de ces QIT?

M. Arnason: Vous vous référez précisément à l'Islande?

Le sénateur Butts: Oui.

M. Arnason: C'est un bureau du gouvernement spécialement nommé à cet effet qui se charge du contrôle. Il s'agit de la Direction générale des pêches. Il n'y a pratiquement pas d'autocontrôle, du moins pas d'autocontrôle institutionnalisé, même si l'on a pu voir des personnes ou des sociétés signaler à la Direction générale des pêches les infractions commises par d'autres.

Cela étant, je dois dire que l'on parle beaucoup aujourd'hui en Islande de confier une plus grande part du contrôle à l'industrie elle-même. La Nouvelle-Zélande a déjà pris une décision semblable.

Il semble que l'on ait de plus en plus le sentiment qu'il convient que l'industrie défraie le coût du contrôle. L'industrie en paie déjà une bonne partie mais ce que l'on veut, c'est qu'elle en paie la totalité. Si l'industrie est tenue de payer le coût du contrôle elle estime que puisqu'il lui faut payer de toute façon, autant en prendre le contrôle.

Le sénateur Stewart: J'ai l'impression qu'il y a une différence considérable entre, disons, la pêche qui se pratique en Nouvelle-Écosse d'un côté, et celle qui a cours en Islande de l'autre. Vous avez peut-être constaté que j'ai parlé de la pêche au homard. Ma question générale est la suivante: Quels sont en pourcentage les différents engins de pêche que vous utilisez? Quel est en pourcentage l'importance des casiers de homards et de crabes?

Quelle est la part des casiers de homards et de crabes? Quelle est la part des chalutiers de fond? Quelle est la part, disons, des chalutiers qui opèrent à profondeur moyenne? La majeure partie des objections que l'on fait au QIT dans la région où j'habite -- qui n'est peut-être pas bien représentative -- ont trait à la pêche au homard et au crabe.

M. Arnason: Je peux vous répondre assez rapidement. Nous n'avons pas de casiers à homard. Nous avons une pêche au homard, une espèce de homard norvégienne, que l'on pourrait probablement qualifier de langoustine, nos prises de cette espèce s'élevant à 2 000 tonnes par an. Cela se fait exclusivement avec des chalutiers de fond. Nous n'avons pas de casiers. Nous n'avons pratiquement pas de pêche au crabe. De ce point de vue, la composition des engins de pêche est probablement très différente en Islande de celle de la Nouvelle-Écosse.

Notre engin le plus important dans le secteur de la pêche de fond est le chalut de fond, mais les chaluts en eau moyenne, les filets maillants et les palangres, ont tous une très grande importance. Les chaluts de fond représentent entre 40 et 50 p. 100 du total, les filets maillants entre 20 et 30 p. 100, et les palangres le reste. Nous avons aussi de petits engins de pêche dont l'importance est négligeable. Les chaluts en eau moyenne ne dépassent pas 5 p. 100.

Je tiens ici à donner une précision. Je ne pense pas que l'on ait des raisons de penser que les QIT vont donner des résultats différents selon les engins de pêche. Je suis persuadé au contraire que le régime des QIT donnera d'aussi bons résultats pour la pêche au homard.

Le sénateur Stewart: Je suis convaincu que vous avez tort sur ce point, mais je ne pense pas qu'on va résoudre ce problème ce matin. Vous êtes au courant du projet qui semble dernièrement avoir fait long feu, concernant l'adoption de l'accord multilatéral sur les investissements. Votre pays est-il prêt à adopter un tel accord et va-t-il autoriser des propriétaires étrangers à acheter des QIT ou allez-vous établir des distinctions en fonction de la nationalité?

M. Arnason: Je ne pense pas qu'il puisse y avoir de doute sur ce que nous allons faire. En vertu de la loi, seuls les ressortissants islandais peuvent détenir des quotas de pêche en Islande. Les étrangers ne sont d'ailleurs même pas autorisés à investir dans le secteur de la pêche en Islande. La question ne se pose donc pas vraiment dans ce cadre. Il n'est actuellement aucunement envisagé de laisser entrer les étrangers dans le secteur de la pêche en Islande, et personne n'appuie cette thèse.

Dans un certain sens -- je viens juste d'y penser -- cela s'apparente à un régime de quotas communautaires. L'Islande est une petite communauté de 260 000 personnes qui s'échangent entre elles des QIT mais qui ne laissent pas entrer les gens de l'extérieur.

Le sénateur Stewart: Je vous soumets un scénario que craignent certaines personnes que je représente. Si l'on adoptait un accord international sur les investissements qui englobe les investissements dans les usines de transformation du poisson, les étrangers -- éventuellement des Espagnols ou même des ressortissants des États-Unis -- achèteraient une part considérable des actions. Étant donné que certaines de ces usines de transformation du poisson ont une intégration verticale -- ce qui veut dire que cette même entreprise possède les chalutiers -- il y aurait là une appropriation indirecte. Ma question est la suivante: est-ce que vous empêcheriez les étrangers de posséder des actions dans vos usines de transformation du poisson?

M. Arnason: Le témoin qui va suivre est probablement mieux qualifié que moi pour vous répondre sur ce point, mais je pense que nous limitons à 25 p. 100 les investissements étrangers dans nos usines de transformation et dans nos sociétés de commercialisation du poisson.

Le sénateur Adams: J'habite dans une région avec laquelle les Islandais sont probablement familiarisés. Est-ce que vos pêcheurs tirent un revenu d'activités autres que la pêche en Islande? Les habitants de Terre-Neuve peuvent chasser 280 000 phoques par an. J'ai pensé que vous autorisiez peut-être vos pêcheurs à prendre d'autres espèces, telles que les baleines ou les phoques.

Dans notre nouveau territoire, le Nunavut, un règlement autorise les pêcheurs à tuer une baleine tous les deux ans. Quel est le système pratiqué en Islande au sujet des baleines et des phoques?

M. Arnason: Je vous parlerai tout d'abord des phoques. Traditionnellement, nous chassons le phoque en Islande, pour sa peau et pour sa viande. Il n'y a aucune restriction s'appliquant à cette activité en Islande, et cela depuis des dizaines d'années. Il semble qu'en soi cette activité ne menace aucunement les réserves. On estime d'ailleurs actuellement que les populations de phoques augmentent trop rapidement parce qu'en raison de la chute du prix des peaux de phoque, la pression exercée par la chasse a diminué. Nous ne restreignons aucunement la chasse aux phoques en Islande. Je ne pense même pas qu'on ait besoin d'un permis spécial pour chasser le phoque; il suffit d'avoir un permis d'utilisation d'une arme à feu.

Pour les baleines, la situation est tout à fait différente. Nous chassons depuis toujours les baleines en Islande. Au cours de ce siècle, il y a eu toutes sortes de chasse à la baleine. Il y a eu une chasse à petite échelle des petits rorquals, une chasse locale effectuée à l'aide de bateaux relativement petits. Il y a eu aussi la grande chasse à la baleine -- essentiellement le rorqual commun et le cachalot -- et cette chasse a quant à elle été fermée sous le coup des pressions internationales.

Dans la pratique, la chasse au petit rorqual, la chasse à la grande baleine, et la chasse au cachalot ont toutes été fermées en 1988 en raison des pressions internationales qui ont été exercées, et elles n'ont pas rouvert depuis. Des pressions de plus en plus fortes s'exercent actuellement pour qu'on rouvre la chasse au petit rorqual -- la petite chasse locale à la baleine -- suivant en cela la voie adoptée par la Norvège, qui a rétabli la chasse aux petits rorquals il y a deux ou trois ans. Je prévois une réouverture de cette chasse l'année prochaine.

Quant à la chasse à la grande baleine et au cachalot, nous aimerions la reprendre étant donné que les populations de baleines ont fortement augmenté et qu'elles nous causent bien des difficultés sur les lieux de pêche.

Le sénateur Adams: Avez-vous dit que les gens avaient besoin d'un permis pour chasser les phoques? Si c'est le cas, est-ce qu'il faut faire partie de l'association des pêcheurs pour pouvoir obtenir un permis ou est-ce que ce sont uniquement les résidents locaux qui sont autorisés à chasser le phoque?

M. Arnason: Non. Je crois savoir que n'importe qui peut tuer un phoque où qu'il se trouve, à condition que ce soit à plus de 50 mètres de la berge, ou quelque chose comme ça. S'il se trouve plus près de la berge, c'est le propriétaire du terrain qui a le droit de le tuer.

Le président: J'aimerais vous poser une question, professeur. Elle renvoie à certaines des questions que vous a posées le sénateur Stewart, notamment en ce qui a trait aux droits de propriété se rapportant à la propriété des QIT. Vous nous avez indiqué que l'Islande avait placé des restrictions sur les QIT et qu'ils ne pouvaient pas être vendus à des personnes étrangères au pays. Vous nous avez dit qu'on ne pouvait pas être propriétaire à moitié. Si quelqu'un possède une chose, ne doit-on pas l'autoriser à la vendre à qui il veut? L'Islande fait-elle bien en n'autorisant pas que l'on puisse vendre ces droits de propriété aux étrangers?

M. Arnason: Il y a tout un éventail de droits de propriété. Il y a ce qu'on appelle un droit de propriété parfait; soit un droit de propriété dont on peut disposer à sa guise, à condition de ne porter préjudice à personne. Il y a aussi un droit de propriété limité, qui ne vous permet que de vendre à certaines personnes. La possibilité de transfert n'est que limitée, par exemple. Cela reste un droit de propriété, mais il n'est pas parfait.

Je ne peux pas me prononcer sur la question de savoir si tous les droits de propriété doivent être parfaits ou non. Il s'agit là d'une question économique, mais aussi politique, sociale et morale. Il est vraisemblable que les limites imposées en matière de transfert d'une propriété quelconque vont réduire l'ensemble de la richesse dans le monde. Il est possible, par contre, que ces limitations augmentent en fait la richesse d'une petite partie du monde. De ce point de vue, si l'on se préoccupe du sort de cette partie du monde, ce genre de restrictions peut se justifier.

En Islande, par exemple, on justifie l'interdiction faite aux étrangers d'acheter nos QIT par le fait que si des étrangers possédaient nos QIT, ils pourraient vouloir réinstaller en Europe -- ou même en Amérique -- les usines de transformation du poisson qui se trouvent en Islande, auquel cas notre population diminuerait. Il est bien possible que la majorité des gens en profiteraient. Ils pourraient encaisser le gain en capital résultant de la vente des quotas et déménager à l'étranger. Notre vision d'une Islande dans laquelle vivent un maximum d'Islandais en serait radicalement changée. Il n'en reste pas moins que ce projet présente un intérêt économique. C'est là le dilemme et je ne peux pas dire qui a tort et qui a raison.

Le président: En tant qu'économiste, vous allez probablement nous dire que toute autre chose qu'un droit de propriété qui n'est pas parfait n'est pas vraiment efficace. Toutefois, en tant que spécialiste des sciences sociales, vous allez nous dire que les pays et les nations doivent s'en tenir à un idéal bien plus élevé et essayer de faire ce qui est bon pour leurs ressortissants. Nous avons besoin d'instaurer un débat public ou un débat social au sein de la collectivité pour savoir s'il convient d'adopter un idéal parfait d'efficacité économique néoclassique ou s'il nous faut agir dans le mieux des intérêts de notre population. C'est ce que je veux faire comprendre. En tant qu'économiste, vous avez certainement un faible pour les droits de propriété parfaits, mais le rôle du législateur est d'aller plus loin et d'instaurer un débat.

M. Arnason: Effectivement. Vous venez de toucher du doigt l'essentiel. En tant qu'économiste, toutefois, je peux vous dire aussi que si votre objectif est d'optimiser le bien-être d'une collectivité donnée -- qu'il s'agisse d'un petit village de Nouvelle-Écosse ou de tout un pays comme l'Islande ou le Canada -- on peut très bien penser y parvenir en limitant les possibilités de transfert à l'extérieur de cette collectivité. D'un point de vue mondial, oui, il est préférable de disposer d'une possibilité de transfert total et de droits de propriété parfaits.

Le président: Votre témoignage, ce matin, nous a été très utile. Lorsque nous étudions la façon dont tel ou tel pays règle un problème précis, il est toujours intéressant de parler avec l'un de ses ressortissants. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de comparaître devant nous pour nous aider à réaliser cette importante étude.

Le témoin suivant est M. Ari Edwald, conseiller spécial du ministre des Pêches de l'Islande. La Direction générale des pêches est le service gouvernemental chargé de gérer les pêches de l'Islande, de mettre en application les lois sur les pêches et d'adopter des règlements. Le ministre est responsable de l'administration générale, de la planification à long terme et du maintien des relations avec les autres instances s'occupant de la pêche au niveau international. Je suis sûr que M. Edwald nous en dira davantage à ce sujet.

Monsieur Edwald, si vous avez un exposé à présenter aux membres du comité avant que nous passions aux questions, c'est à vous.

M. Ari Edwald, conseiller spécial du ministre des Pêches, Direction générale des pêches, Islande: Il est bon que je fasse tout d'abord rapidement quelques commentaires. Je m'en tiendrai à la situation générale des pêches. Nous pourrons alors échanger nos idées et je m'efforcerai de donner les éclaircissements dont ont besoin les membres du comité.

Je dois tout d'abord signaler que notre politique est dictée avant tout par l'importance du secteur des pêches dans l'économie de l'Islande. Les produits de la pêche représentent entre 75 et 80 p. 100 de nos exportations et environ 55 p. 100 de nos rentrées de devises. Douze pour cent environ de notre main-d'oeuvre travaille directement dans le secteur des pêches, et environ 16 p. 100 de notre PNB est tiré directement de la pêche.

On estime que l'incidence directe de la pêche est bien plus élevée que cela. Elle représente quelque 40 p. 100 de notre PNB, qui baisserait d'autant s'il n'y avait pas le secteur des pêches. Voilà qui illustre le fait que nous n'avons pas les moyens de subventionner le secteur des pêches ou de ne pas le gérer comme une véritable entreprise, en optimisant les avantages économiques tirés par notre pays de ce secteur.

Pendant la plus grande partie de ce siècle, nous avons fondé notre croissance économique sur le développement du secteur des pêches. Ce n'est qu'en 1976 que nous avons acquis une compétence territoriale exclusive sur la zone de 200 milles qui nous entoure.

Nous étions en concurrence avec les flottes d'autres pays. Nous assistions à une montée des investissements effectués par les groupes islandais dans le secteur des pêches. Il n'a pas été possible d'envisager une structure de gestion productive tant que nous n'avons pas acquis la compétence territoriale sur la zone des 200 milles.

En 1977, nous avons essayé différentes méthodes de gestion du secteur des pêches -- principalement pour essayer d'imposer des restrictions concernant la morue, notre espèce la plus importante. Les résultats n'ont pas été très bons. Nous avons éprouvé les difficultés habituelles: une augmentation des investissements et un faible rendement économique au niveau des entreprises, et une baisse des populations de poisson.

La morue a toujours été notre espèce la plus importante. Même lorsqu'elle ne représentait que 11 p. 100 des prises, elle constituait en valeur 25 p. 100 de nos exportations de produits tirés de la pêche. En pourcentage de nos exportations de produits de la pêche, la morue n'est jamais tombée au-dessous de ce chiffre. Je répète que les exportations de produits de la pêche représentent entre 75 et 80 p. 100 du total de nos exportations.

En 1984, nous avons institué le régime des QIT dans le secteur de la pêche aux poissons de fond en partant des prises effectuées par chacun des bateaux en 1981, 1982 et 1983. Depuis lors, ce régime s'est largement développé. Au départ, les QIT s'appliquaient à des espèces relativement peu nombreuses, et uniquement pour une année, puis pour deux ans, et enfin pour trois ans.

Une loi-cadre touchant la gestion de l'ensemble du secteur de la pêche a été adoptée en 1990. Aujourd'hui, 15 espèces sont visées par le régime des QIT et nous avons une organisation de la pêche relativement simple en Islande. Il y a relativement peu d'espèces présentant un intérêt économique comparativement à la Nouvelle-Zélande, où il y en a plus de 100.

Les 15 espèces que nous pêchons dans le cadre du régime des QIT représentent plus de 95 p. 100 de l'ensemble de nos prises dans notre zone économique. Six ou sept d'entre elles représentent d'ailleurs le plus gros de nos prises. À l'heure actuelle, tous les bateaux de pêche doivent posséder un permis.

L'élément clé de la gestion de nos pêches est la décision sur le TAC qui est prise une fois par an au niveau national par le ministre des Pêches. Ce dernier doit s'acquitter de cette tâche importante en prenant une décision sur les conseils de l'Institut des ressources maritimes.

Nous avons aussi des quotas permanents, que le gouvernement ne change pas d'une année sur l'autre. Pour la plupart des espèces, ces quotas ont été intégralement alloués il y a quelques années. Si toutefois, une nouvelle espèce est prise en charge par le régime des QIT, les QIT sont déterminés à partir des prises des trois dernières années et s'appliquent pendant les trois années suivantes.

Nous avons aussi un quota annuel. C'est un quota en tonnes, alors que le quota permanent est en pourcentage. Le quota annuel est le résultat d'une simple multiplication du TAC national correspondant à cette espèce et le quota permanent de l'armateur.

Le quota permanent comme le quota annuel sont ensuite divisibles et transférables à volonté. Pour ce qui est du quota annuel, cependant, nous avons mis en place récemment certaines restrictions. Chacun des navires ne peut transférer ou vendre que 50 p. 100 du quota qui lui est alloué chaque année. Ces transactions se font sur le marché et il n'y a donc pas de relation directe entre le vendeur et l'acheteur.

Cette nouvelle réglementation a été introduite dans le cadre d'un programme visant à résoudre les conflits entre les pêcheurs et les armateurs. Auparavant, la loi interdisait de faire d'un côté des opérations sur les quotas annuels et de l'autre de vendre les prises. Les pêcheurs soutenaient qu'une double relation de ce type entre les transformateurs de poissons et les armateurs amenait les armateurs à acheter des quotas auprès des propriétaires d'usines de transformation, même si ces quotas se rapportaient toujours à un navire pour que le prix soit plus bas. Ils étaient convaincus que les armateurs vendaient ensuite le poisson à un prix moindre à ces mêmes usines de transformation. Cela revenait en partie à prendre l'argent dans la poche des pêcheurs étant donné que leur salaire est un pourcentage du total des recettes de ce navire.

Pour éliminer ce lien entre les quotas, d'une part, et la matière première, d'autre part, nous avons dû mettre en place cette structure. Cependant, ce qu je viens de décrire est la modèle qui s'applique à toutes nos pêches à l'heure actuelle.

Nous avons d'autres moyens de gestion que le régime des QIT. Nous avons une réglementation de substitution, même si son importance a diminué. Je pourrais vous l'expliquer si ça vous intéresse. Nous avons plusieurs règlements sur les engins de pêche -- des grilles de tri pour éviter que les tacons soient tués dans l'industrie de la crevette, par exemple. Je crois savoir que nos normes concernant les mailles des filets de chalutier imposent les plus grandes mailles au monde. Ainsi, pour la pêche à la morue, le minimum imposé pour le maillage est de 155 millimètres.

Nous gérons aussi par secteur. Nous avons à la fois des fermetures permanentes et à court terme de la pêche. Ces fermetures à court terme sont généralement prévues sur une longue période. Ainsi, un même secteur est fermé à la pêche pendant une certaine période chaque année, et cela en fonction des secteurs et des périodes de frai. Par conséquent, une part substantielle de notre zone économique est en fait pleinement exploitée.

La principale exception à l'application de notre régime de quota concerne les petits bateaux. Les petits bateaux sont définis comme étant ceux qui font moins de six tonnes. Tous ensemble, ces bateaux font 13,75 p. 100 des prises annuelles de morue. La morue est l'espèce la plus importante pour ces pêcheurs. Ils prennent moins de 10 000 tonnes d'autres espèces -- entre 2 500 et 3 000 tonnes d'aiglefin, environ 2 000 tonnes de merlan et 3 000 tonnes barbues, mais ils pêchent avant tout la morue.

Voici quelle est la réglementation qui s'applique précisément à la répartition des prises de morue entre ces pêcheurs. Pendant un certain temps, on les a autorisés à choisir entre un régime collectif de limitation volontaire et l'incorporation individuelle à un régime de quotas transférables, comparable au régime des QIT.

Les petits bateaux ayant effectué 91,5 p. 100 des prises pendant la période de référence -- soit 1992, 1993 et 1994 -- ont opté à l'intérieur de ce groupe pour un régime semblable à celui des QIT.

Nous estimons que les résultats de notre système de gestion des pêches sont très positifs, aussi bien sur le plan biologique que sur le plan économique. Les prises ont été tout à fait conformes aux limites fixées à l'avance. Il a été bien plus facile, en imposant une limitation des quantités individuelles, d'éviter une surexploitation du poisson. Nous avons enregistré d'excellents signes de rétablissement des populations de morue, qui étaient très mal en point. D'autres espèces se portent bien elles aussi, si l'on considère la situation dans son ensemble.

En 1991, nous avons enregistré des prises annuelles de 330 000 tonnes de morue. Nous avons dû ramener ce quota à 155 000 tonnes pendant deux années de pêche consécutives, en 1994-1995 et 1995-1996. L'année, dans le secteur de la pêche, va du 1er septembre au 31 août. À cette époque, en 1995, on estimait à 580 000 tonnes la quantité de poisson pouvant être pêchée et, toujours à cette époque, on a fixé à 25 p. 100, dans le secteur de la morue, la quantité des prises annuelles par rapport au maximum pouvant être pêché. Cette règle a été longuement pensée. Nos biologistes et nos économistes ont mis deux ans, en se fondant sur ce que l'on connaissait des interactions entre les espèces et les facteurs économiques, pour définir la quantité de prises souhaitable dans le secteur de la morue. Notre objectif à long terme est aujourd'hui de porter la quantité de poisson en mesure d'être pêché à 1,5 million de tonnes et de pouvoir fixer alors un TAC annuel de 300 000 à 350 000 tonnes.

Ce n'est pas la plus grosse population de morue que nous ayons jamais eue. On estime qu'en 1955 elle était de quelque 2,5 millions de tonnes. Toutefois, une telle population n'est pas optimale d'un point de vue économique. À titre d'exemple, nous avons pris l'année dernière quelque 70 000 tonnes de crevettes. On estime qu'une telle augmentation de la population de morue entraînerait une diminution de nos prises de crevettes de quelque 40 000 tonnes par an. Cette année déjà nous constatons que nos prises de crevettes diminuent. Il fallait s'y attendre, mais c'est parce que nous avons choisi d'augmenter nos prises de morue de 200 000 tonnes par an en contrepartie d'une diminution de 40 000 tonnes de nos prises de crevettes.

Ces décisions ont été prises dans le cadre de cette planification à long terme.

Sur le plan commercial, nous avons une industrie dont le rendement est fortement amélioré et un cadre d'exploitation stable. Tous les indicateurs dont nous disposons nous montrent qu'au lieu de se concurrencer entre elles pour prendre de plus en plus de poissons, les entreprises cherchent désormais à se surpasser elles-mêmes en faisant diminuer leurs coûts. Nous le constatons au niveau de la structure de la flotte. Mais, de manière générale, nous le voyons aussi par le niveau de vie et l'influence positive que toutes ces mesures ont exercée sur les paramètres de notre économie. Depuis 1994, nous avons enregistré une augmentation de 20 p. 100 de notre pouvoir d'achat avec une inflation qui reste basse, soit moins de 2 p. 100 l'année dernière. Je vous ai parlé de l'importance du secteur de la pêche et l'ensemble de notre économie ne pourrait pas se développer dans d'aussi bonnes conditions sans la participation du secteur de la pêche.

Je tiens à signaler aussi pour terminer qu'à mon avis ce rétablissement des populations de morue n'aurait pas pu se produire en l'absence de quotas. Jusqu'alors, nous ne pouvions pas compter sur l'appui résolu du secteur de la pêche lorsque nous voulions suivre les conseils scientifiques donnés au sujet du TAC. Il nous a été accordé lorsque les gens du secteur se sont mis à croire à la permanence des quotas exprimés en pourcentage, lorsque les armateurs et les grosses entreprises ont commencé à être convaincus que ce même quota, qui leur conférait un kilo aujourd'hui, pourrait leur en donner deux dans cinq ans si nous adoptions des mesures de gestion responsables. Je pense que c'est là le facteur le plus important.

Par ailleurs, tout au long de la période pendant laquelle nous avons dû réduire tellement les prises, la possibilité de transférer les quotas pour différentes espèces a donné une marge de manoeuvre suffisante à l'industrie pour qu'elle puisse réagir et se spécialiser dans certaines espèces, se regrouper, et cetera.

Laissez-moi vous préciser certaines données que j'ai relevées dans une brochure intitulée: Environmental Principles, qui a été publiée par une société de pêche islandaise. Vous y trouverez d'excellentes statistiques sur la plupart de ces questions. Un site Internet va aussi être ouvert au début novembre à l'adresse suivante Islandeic@Islandic.is.

Ainsi, pour ce qui est de la morue, on nous indique que la quantité de poisson pouvant être pêchée et que le TAC national ont pu passer de 155 000 tonnes en 1995-1996 à 250 000 tonnes cette année en conservant le même pourcentage de la population en mesure d'être pêchée. Voilà pourquoi le taux de prises par unité a changé pour tous les engins de pêche. Pour les chaluts, il est passé de 100 en 1991 à plus de 140 en 1997, et pour les filets maillants et les palangres à plus de 170 en 1997, soit une augmentation de plus de 70 p. 100 des prises enregistrées pour chaque unité au cours de ces cinq années. Les activités de pêche ont été ramenées de 100 en 1991 à 45 pour les filets maillants, à un peu plus de 30 pour les chaluts et à 40 environ pour les palangres. Ce sont là les véritables chiffres qui témoignent de l'amélioration du rendement économique du secteur de la pêche.

Avec l'augmentation de la taille des poissons, nous enregistrons une progression encore plus forte des prises pour chaque unité. Au lieu d'une montée supplémentaire des investissements, comme nous en avons fait l'expérience lors des périodes précédentes, par exemple de 1977 à 1984, et aussi de 1985 à 1990, lorsque nous avons réintroduit certaines restrictions dans le secteur de la pêche aux poissons de fond, nous enregistrons une reconduction des mesures de réduction des coûts prises par les entreprises à l'échelle du pays, tant en ce qui a trait à la structure de la flotte que pour ce qui est des autres composantes. Je pense que c'est là une motivation inhérente au système.

Je pense en avoir dit suffisamment.

Le président: Vous avez certainement abordé un grand nombre de sujets. Cela nous sera très utile car nous disposerons ainsi d'informations de première main et non pas de troisième ou de quatrième main. Nous verserons cette information dans nos dossiers et elle nous sera extrêmement précieuse.

Lorsque le dernier témoin nous a quittés, le sénateur Stewart m'a indiqué que la situation du Canada était très différente de celle de l'Islande. Plus nous entendons de témoignages, plus cela devient évident. Cela dit, il y a des domaines qui restent intéressants pour nous et sur lesquels nous voulons avoir davantage de renseignements. Sur cette observation, je vais demander au sénateur Stewart de poser les premières questions.

Le sénateur Stewart: Merci, monsieur le président, d'avoir pris acte du fait que j'avais fait cette observation. J'allais commencer par dire que je concluais du témoignage de M. Arnason que la situation de l'Islande était très différente de celle du Canada. Tout d'abord, l'Islande dépend fortement du secteur de la pêche au niveau national. Deuxièmement, les espèces ne sont pas les mêmes. Troisièmement, il semble que nous ayons de très grosses entreprises comme National Sea Products ou Fisheries Products International alors qu'il n'y a probablement pas de grosses sociétés de ce genre en Islande. Les opérateurs s'apparentent davantage là-bas à ce que l'on peut appeler des petites entreprises. Quoi qu'il en soit, il semble que ce soit très différent.

M. Arnason nous a indiqué qu'il y avait un domaine réservé pour ce que l'on appelait les petits bateaux, et vous venez vous-même de le mentionner. Y a-t-il des limites ou des restrictions qui s'appliquent aux gros bateaux? Autrement dit, y a-t-il des zones ou des domaines réservés aux petits bateaux par opposition aux gros?

M. Edwald: Pour ce qui est de la taille des entreprises, la plus grosse représente environ 7 p. 100 du total. Si nous transformons tous les quotas en équivalents de tonnes de morue, la plus grosse entreprise représente au total environ 7 p. 100 de l'ensemble des QIT correspondant à toutes les espèces. Deux autres entreprises représentent environ 6 p. 100. Mises ensemble, les cinq plus grosses entreprises représentent entre 20 et 25 p. 100 du total. Les 10 plus grosses devraient au total représenter plus de 40 p. 100.

En dehors de cela, il y a un grand nombre de petits opérateurs. En tout, il y a quelque 1 000 bateaux disposant d'un permis dans le cadre du régime des QIT.

Pour ce qui est des zones, je ne dirais pas de manière générale qu'il y a des zones précisément réservées. La zone EEZ (zone d'exploitation économique exclusive) est l'un des secteurs que nous gérons. Il n'y a pas de quota, de permis de pêche ou de plafond correspondant à une section du pays ou à une partie de la zone économique. Il y a quelques petites exceptions pour certains crustacés, la pêche côtière aux crevettes et aux pétoncles, mais ça reste des exceptions mineures. De manière générale, cependant, la zone EEZ forme un tout et les QIT sont établis pour l'ensemble de la zone.

Le régime des QIT n'établit aucune distinction selon la taille des bateaux. C'est le même quota, transférable entre tous les bateaux qui possèdent un QIT. Il peut y avoir des bateaux de moins de six tonnes de jauge brute qui bénéficient de ce régime, mais leur nombre reste limité dans ce secteur particulier depuis 1990.

Après avoir dit que la zone EEZ formait un tout, je dois signaler cependant que nous avons fermé certains secteurs aux bateaux dépassant une certaine taille ou une certaine puissance. De manière générale, nous n'autorisons pas le chalutage de fond dans la zone des 12 milles. Même s'il y a des exceptions, selon la nature des fonds, on ne peut de manière générale pratiquer le chalutage de fond à moins de 12 milles des côtes. Toutes les activités de pêche à la morue ont lieu dans la zone des 50 milles. La zone des 12 milles est plus ou moins réservée aux petits bateaux de pêche; non seulement à ceux qui font moins de six tonnes de jauge brute, mais aussi aux plus gros bateaux ayant un matériel de pêche plus léger. Le chalutage de fond que l'on peut qualifier de classique ne se pratique pas dans la zone des 12 milles. Bien entendu, il y a ici et là d'autres secteurs, comme je viens de l'indiquer, dans lesquels le chalutage n'est pas autorisé.

Le sénateur Stewart: Pourquoi a-t-on cherché à réduire le nombre de petits bateaux?

M. Edwald: Je dirais que tout vient de la mise en place du régime des QIT. On avait ménagé des échappatoires pour favoriser une augmentation des investissements et du nombre des petits bateaux. Nous ne nous préoccupons pas particulièrement des activités d'un nombre limité de petits bateaux qui pêchent à la ligne. Toutefois, lorsque nous avons imposé de manière générale de fortes restrictions au secteur des pêches, nous ne pouvions plus conserver pendant plus longtemps ces échappatoires. Car même si cela n'était pas rentable pour l'ensemble du pays, nous assistions à un regroupement des investissements dans cette partie de la flotte. Je considère que cela revenait à déshabiller Pierre pour habiller Paul.

De 1984 à 1990, les restrictions imposées par les quotas ne s'appliquaient qu'aux bateaux de plus de 10 tonnes de jauge brute. Il était possible d'acheter un bateau de moins de 10 tonnes de jauge brute et d'obtenir un permis correspondant. Entre 1984 et 1990, 2 000 bateaux de ce type ont été importés, des bateaux de 9,9 tonnes de jauge brute qui étaient en mesure de prendre beaucoup de poisson. À l'heure actuelle, le maximum que peut prendre un bateau de moins de six tonnes de jauge brute est de 300 tonnes de morue. Avec 2 000 bateaux de 300 tonnes chacun, cela fait 600 000 tonnes.

En 1990, nous avons décidé de faire relever du régime des QIT les bateaux de six à 10 tonnes de jauge brute. Les bateaux de moins de six tonnes de jauge brute auraient le choix de relever du régime des QIT ou de rester dans le groupe des petits bateaux.

Laissez-moi vous faire l'historique de cette catégorie des petits bateaux. Entre 1990 et 1991, il y en avait 1 200 environ. Lorsque je suis entré au ministère, en 1995, il y en avait à peu près autant, soit 1 156. En 1991, il a été décidé qu'ils seraient libres de prendre ce qu'ils voulaient. On leur a interdit de pêcher certains jours, mais ils disposaient de 200 jours de pêche qu'ils pouvaient utiliser à leur gré. Autrement dit, ils étaient interdits de pêche pendant 150 jours, mais c'était la même chose pour l'ensemble du groupe.

Il a été décidé que si les prises augmentaient de plus de 15 p. 100 par an entre 1991 et 1994, ces bateaux seraient incorporés au régime des QIT. On leur attribuerait un quota de prises de 3 p. 100 au total. Les augmentations enregistrées entre 1991 et 1994 ont été significatives.

Ils sont passés de 3 000 tonnes à 25 000 tonnes de morue. En 1994, on a jugé qu'on ne pouvait pas les ramener à 3 000 tonnes. Le ministre des Pêches a proposé le chiffre de 12 000 tonnes. Le Parlement a décidé que la limite serait fixée au niveau de la moyenne des prises enregistrées au cours des trois années antérieures à 1994, soit 21 500 tonnes.

Il ne devait pas y avoir de diminution même si les prises de la flotte soumise au QIT avaient baissé, passant de 330 000 tonnes à 155 000 tonnes. Ces bateaux devaient bénéficier d'un tonnage fixe. Si le TAC remontait, ils resteraient à 21 500 tonnes.

Le nombre de bateaux de pêche commerciale ayant augmenté, de nouveaux petits bateaux de pêche sont apparus. En 1994-1995, le total des prises est passé à 36 000 tonnes de morue et à 12 000 tonnes d'autres espèces.

Nous les avons alors autorisés à disposer d'une nouvelle période de référence. Il devait y avoir une nouvelle période de référence individuelle pour toutes ces années -- 1992, 1993 et 1994. Ils pouvaient faire 17 p. 100 des prises enregistrées au cours des trois années précédentes.

En 1996, il a été décidé de lier ces 21 500 tonnes au TAC. À ce moment-là, le TAC était au plus bas, à 155 000 tonnes. Le régime des QIT nous a causé de graves désagréments. Ils s'attendaient à obtenir 100 p. 100 de l'augementation, mais 13,75 p. 100 seulement sont allés aux petits bateaux. Ils ont reçu une augmentation de plus de 60 p. 100 depuis 1991. Depuis le printemps 1996, les prises admissibles ont augmenté, passant de 21 500 tonnes à plus de 34 000 tonnes.

Le nombre d'entreprises a été ramené de 1 156 à 800. Cette baisse s'explique avant tout par le regroupement des quotas entre les différents armateurs.

Nous avons enregistré une très forte augmentation des activités des petits bateaux. Ce n'était pas un facteur très important jusque-là, tant que le secteur de la pêche en Islande a été une industrie plus grande.

Même si nous avons pris l'année dernière 2 millions de tonnes de poissons, toutes espèces confondues, il n'y a qu'environ 5 000 pêcheurs.

Le sénateur Stewart: M. Arnason nous a dit tout à l'heure que lorsqu'un quota individuel transférable est susceptible de passer d'une collectivité ou d'une municipalité à une autre, cette collectivité ou cette municipalité, qui risque de perdre ce quota dans son secteur, peut faire opposition. Dans ce cas-là, qui décide? Se peut-il que vous fassiez une recommandation au ministre, qui prend alors la décision? Il semble que vous ayez une industrie très structurée qui vise à maintenir des collectivités viables.

M. Edwald: Il n'est pas pratique de se mêler des affaires de la collectivité. Il n'y a aucune restriction qui s'applique au transfert des quotas permanents.

La collectivité a des droits de préemption, mais il n'est pas pratique de les utiliser. Si l'acheteur et le vendeur appartiennent à deux localités différentes, il est difficile de déterminer le seuil parce que les prises ont été faites dans une autre localité.

La seule restriction pratique quant au transfert des quotas annuels revient à ne permettre le transfert que de 50 p. 100 du quota attribué à l'origine au début de l'année de pêche. Cette limite est imposée par le nouveau règlement sur le marché des quotas.

Ni le régime des quotas, ni notre mécanisme de gestion ne protègent les collectivités. Ils ne leur portent pas préjudice non plus. Depuis la mise ne place du régime des quotas, nous avons vu de nombreux quotas se déplacer d'une collectivité à l'autre. Il n'y a pas de tendance nette d'une localité à l'autre ou à l'intérieur d'une même localité.

Les transferts se font principalement à l'intérieur d'une même localité. L'évolution des prises débarquées d'une année sur l'autre n'est pas plus prononcée après la mise en place des régimes de quotas qu'auparavant.

Les entreprises continuent à passer par des hauts et des bas. Il arrivait que des entreprises vendent des bateaux avant l'apparition des quotas en raison d'une baisse de leurs activités. Il y avait tout autant de gens qui perdaient leur emploi avant que les navires soient vendus en même temps que leur quota.

Le président: Selon un de nos témoins, les 11 plus grandes sociétés de pêche d'Islande possèdent désormais 33 p. 100 des quotas. C'est une augmentation d'environ 20 p. 100 sur les cinq dernières années. Il semble qu'il y ait une tendance à la concentration. J'ai eu l'impression, en écoutant votre témoignage, qu'il n'y avait pas de concentration. Y a-t-il une tendance à la concentration?

M. Edwald: Il y a eu une certaine concentration. J'aurais pensé en fait que les 11 plus grosses sociétés avaient plus de 33 p. 100 des quotas. Je vous ai dit tout à l'heure que les cinq plus grosses sociétés avaient entre 20 et 25 p. 100 des quotas. Les 10 plus grosses ont probablement plus de 40 p. 100.

Je considère qu'il n'y a aucune évolution dans un sens ou dans l'autre. Nous avons ici une industrie diverse et bien des facteurs peuvent devenir économiquement sensibles compte tenu de l'ensemble de la situation. Pas plus tard que l'année dernière, nous avons adopté une loi interdisant que l'on pousse davantage au regroupement. Elle ne remet pas en cause ce qui a déjà été fait. Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, la plus grosse société possède environ 7 p. 100 du total. La loi dispose désormais qu'aucune société ne peut disposer à elle seule de plus de 8 p. 100 en règle générale. Si cette société répond à certains critères concernant le nombre des actionnaires et est cotée en bourse, cela peut aller jusqu'à 12 p. 100.

Le président: Je ne veux pas faire du mauvais esprit, mais j'espère que vous aurez davantage de chances dans l'application de votre règle en Islande que nous n'en avons eu au Canada, où le seuil est de 3 p. 100. Pour ce qui est des poissons de fond, le QIT correspond à une concentration maximale d'environ 3 p. 100. Cette limite a déjà été dépassée à maintes reprises.

Le sénateur Butts: Lorsque vous parlez de «collectivité» dans votre exposé, est-ce que vous vous référez aux localités côtières?

M. Edwald: Non. C'est plus large que ça. C'est davantage une circonscription électorale. Lorsque nous avons des élections au Parlement, cela renvoie à un secteur géographique. Il y a huit circonscriptions en Islande. Cela renvoie plutôt à une région du pays.

Le sénateur Butts: C'est un comté ayant un député.

M. Edwald: Oui. C'est une circonscription représentée par un certain nombre de députés.

Le sénateur Butts: Lorsque par voie de règlement vous imposez un moratoire ou certaines restrictions, est-ce que votre gouvernement a un programme d'aide sociale s'adressant aux habitants de ces collectivités?

M. Edwald: Non, pas de manière générale. Nous n'avons jamais imposé de moratoire. La restriction la plus sévère a été la réduction de 50 p. 100 du TAC pour la morue. C'est la région des fjords à l'ouest du pays, la région nord-ouest de l'Islande, qui a été la plus touchée. Au début de cette période, la morue représentait quelque 70 p. 100 de son TAC. Étant donné que les quotas ne portent pas sur toutes les espèces réunies, mais sur chaque espèce individuelle, c'est cette région qui a le plus souffert. À un moment donné, le gouvernement a lancé des programmes dans cette région. Le gouvernement a apporté une certaine aide financière en faveur de la restructuration des entreprises et dans le cadre d'autres programmes destinés à cette région, mais je ne parlerai pas ici d'une politique globale. Elle n'était pas directement liée à la réduction des quotas. Il n'y avait pas de lien direct entre les deux.

Même si cette région a été la plus touchée, le taux de chômage n'a jamais augmenté pendant cette période. Nous avons plutôt assisté à des déplacements de gens qui ont quitté cette région. La population a simplement diminué. Bien des observateurs vont soutenir que les perspectives de la région en ont été modifiées. Aujourd'hui, la morue est de retour et l'on manque de main-d'oeuvre dans cette région. On importe de la main-d'oeuvre étrangère temporaire, et à long terme dans certains cas. Et maintenant, on voit que la population a diminué dans cette région. Ce n'est absolument pas le seul facteur. C'est une des régions la plus rurale d'Islande.

Les régions qui dépendent le plus du secteur de la pêche sont la côte Est et la côte Ouest, avec 40 p. 100 de participation directe, même si ce n'est que 12 p. 100 pour l'ensemble du pays. Ce n'est que de 2 à 3 p. 100, à Reykjavik.

Le sénateur Butts: En ce qui a trait à ce moratoire sur la morue entre 1994 et 1996, est-ce que vos scientifiques ont donné des raisons précises pour expliquer la diminution de la population de morue, ou est-ce que vous avez fait des études à ce sujet? Par exemple, est-ce que cela s'est répercuté parallèlement sur les prises de capelan?

M. Edwald: Il n'y a pas eu de moratoire. Le TAC a été réduit de moitié. Les scientifiques ont estimé de manière générale que cela était dû à une surexploitation du poisson. Ils ont relevé d'autres facteurs sur lesquels nous n'avons aucune prise. Ce sont des facteurs annexes. Il peut y avoir des circonstances malheureuses qui empêchent la reconstitution des stocks. Même après la mise en place du régime des QIT, les décisions prises par le ministre des Pêches au sujet du TAC ont entériné des chiffres supérieurs à ceux qui étaient conseillés. Le total combiné des prises entre 1984 et 1991 s'est monté à quelque 1 million de tonnes de morue. Ce chiffre est supérieur à celui que conseillait l'Institut des ressources maritimes, qui était de 100 000 tonnes certaines années et moins pour d'autres.

Les scientifiques affirment que la recrudescence de la population de morue ces deux dernières années s'explique avant tout par la diminution des activités de pêche et par la baisse du taux de mortalité. Les nouvelles générations étaient très peu nombreuses. Je ne sais pas si vous pouvez le voir, mais j'ai ici un transparent sur lequel figure un tableau de référence. C'est un tableau des nouvelles générations de morue par rapport à l'année zéro. Depuis 1984, les nouvelles générations n'ont pas été très nombreuses. On nous a dit que même si nous nous en tenions à la règle des 25 p. 100 de prises, notre taux de succès ne serait pas très grand tant que nous n'aurions pas davantage d'individus dans les nouvelles générations. Toutefois, lorsque la population de morue est parvenue à maturité et que l'on a un plus grand pourcentage de poissons âgés, les conditions de frai sont plus favorables. L'année dernière, les nouvelles générations n'avaient jamais été aussi nombreuses depuis 1984. En 1998, la catégorie d'âge correspondant à l'année zéro a dépassé cette barre. C'est le plus haut niveau depuis qu'on a commencé ces études en 1970. Nous espérons qu'en 2001-2002, lorsque cette nouvelle génération sera en âge d'être pêchée -- lorsque ces poissons auront plus de trois ans -- nous aurons effectivement une population en âge d'être pêchée correspondant à 1,5 million de tonnes de poissons.

Le sénateur Butts: Vous avez adopté en 1990 votre loi-cadre sur les QIT. Est-ce que le public a été consulté et a-t-on engagé le débat sur ces questions? Les différentes parties prenantes ont-elles participé ou se sont-elles entendues sur cette législation?

M. Edwald: Il y a eu de très longues consultations avec toutes les parties en cause, dans tous les secteurs de l'industrie et en provenance de toutes les régions. Certains comités ayant travaillé sur cette question comptaient plus de 20 membres. Par la suite, nombre de ces comités ont oeuvré sur la législation.

Cependant les délibérations se déroulaient au départ essentiellement au sein de l'industrie. À l'intérieur de l'industrie, c'est la question du secteur de la pêche qu'il convenait de régler. Les armateurs étaient de manière générale très sceptiques au sujet des QIT parce que lors de leur mise en place, ces quotas avaient pour but de diminuer ce qui était alloué auparavant. Ils ne voyaient pas l'intérêt de ne recevoir qu'un quota de 70 p. 100 de ce qu'ils pêchaient l'année précédente. Au départ, on y voyait une rationalisation de la pêche.

Aujourd'hui, après avoir enregistré au fil des années une tendance à la consolidation et à un meilleur rendement de l'industrie, les conflits au sujet des politiques de pêche se sont élargis. On peut faire une distinction très claire entre les régions les plus peuplées, telles que Reykjavik, et les zones rurales dans lesquelles nombre de personnes travaillent directement dans le secteur.

Hors de Reykjavik, on conteste les regroupements et la puissance du capital, qui crée une situation incertaine pour la population, et l'on enregistre là des critiques et des conflits. La situation est mieux acceptée à l'heure actuelle étant donné que les populations de morue ont recommencé à augmenter, que les entreprises se portent mieux et qu'elles investissent dans de nouveaux produits de transformation de leur matière première.

Je pense que l'on voit moins cela aujourd'hui. Toutefois, nos critiques, en dehors de Reykjavik, soutiennent que l'on confère trop de pouvoirs à ces détenteurs de quotas et que cela crée une situation incertaine. À Reykjavik et dans les régions similaires, ce modèle biologique et économique est largement accepté. On affirme toutefois que le secteur de la pêche devrait payer des redevances plus élevées en contrepartie de l'utilisation de ce qui était considéré, du moins auparavant, comme une ressource commune. En dehors de Reykjavik, on s'oppose fermement, du moins en général, à toute imposition supplémentaire de la ressource, car on estime qu'il s'agirait là d'une pression économique venant peser sur les entreprises dans le secteur où elles travaillent, et qui serait contraire à leurs intérêts.

Voilà où en est le débat sur la politique des pêches. Les critiques à l'extérieur de Reykjavik aimeraient que l'on adopte une nouvelle politique conférant des droits de pêche aux gens qui à l'heure actuelle n'appartiennent pas au secteur de la pêche et qui aimeraient se lancer dans cette activité comme tout le monde. À Reykjavik, les critiques sont avant tout en faveur d'une augmentation de la fiscalité.

Le président: Je veux être absolument sûr d'avoir bien compris ce que vous venez de nous dire. Je crois vous avoir entendu dire, en fait, qu'il y a eu un débat public sur toute cette question de l'adoption des QIT, de la privatisation, et cetera, avant leur mise en place. C'est bien différent de la façon dont le Canada met en place le régime à l'heure actuelle, sans aucun débat public ou parlementaire sur la question.

Ai-je bien compris que vous nous dites qu'il y a eu un débat public sur la question?

M. Edwald: Oui. Je pense toutefois qu'il y a davantage un débat public aujourd'hui qu'il n'y en avait un en 1984. C'est devenu de plus en plus public. Aujourd'hui, alors que nous avons résolu les problèmes de la surexploitation et des surcapacités, nous sommes surtout débordés par notre succès. Certains se demandent avant tout si l'on n'a pas trop donné, si les droits conférés aux armateurs ne sont pas injustes et si ces derniers ne paient pas assez en contrepartie. C'est l'une des grandes questions politiques à l'heure actuelle et ça le restera pour les prochaines élections au Parlement en 1999.

Le sénateur Stewart: J'ai une question subsidiaire qui découle de ce qu'a déclaré M. Edwald. Certaines espèces migrent. À la suite de la diminution que l'on a commencé à enregistrer en 1984, quelle est l'incidence à votre avis de la surexploitation dont sont responsables les étrangers qui pêchent au-delà des limites de votre zone territoriale?

M. Edwald: Vous voulez dire en 1976 et en 1977, ou aujourd'hui?

Le sénateur Stewart: Je me réfère à la date à laquelle la diminution est devenue importante.

M. Edwald: Elle n'a pas été très importante parce que la plupart de nos espèces, qui sont pêchées dans la zone des 50 milles, ne se déplacent pas et sont plus ou moins locales. Les populations de morue ont fait l'objet d'une surexploitation de la part des étrangers et de nous-mêmes avant 1976 -- plus précisément depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ces dernières années, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y ait d'autres responsables que nous.

À l'extérieur de la zone des 50 milles, nous ne pêchons que le lieu noir, le sébaste et le flétan du Groenland, qui à l'heure actuelle fait l'objet d'une surexploitation. Le halibut est surexploité par les pêcheurs du Groenland, d'Islande et de l'île de F<#00E5>ro. D'autres étrangers mêmes, comme les Norvégiens, le pêchent dans les eaux internationales. Nous n'avons pas réussi à exercer un contrôle. Ce sont là des exemples de surexploitation à l'heure actuelle de ces espèces migratrices.

Le sénateur Stewart: À titre de précision, quelle a été l'importance de l'année 1976?

M. Edwald: C'est cette année-là que les navires étrangers ont cessé leurs activités et qu'ils ont accepté notre zone des 200 milles.

Le président: Je vous souhaite la meilleure des chances dans le cadre de vos discussions permanentes avec vos collectivités de pêcheurs. J'espère que vous parviendrez à résoudre certains des conflits qui peuvent se produire entre les différents intérêts qui s'opposent.

M. Edwald: Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir reçu. Je suis prêt à recommencer si le comité veut bien entendre encore une fois mes longues explications.

C'est la première fois que je prends part à un entretien bilatéral télévisé. C'était très intéressant et je vous en remercie.

Le président: Si nous réussissons à définir les problèmes, nous aurons fait la moitié du chemin.

J'ai une dernière chose à vous demander en passant. Nous aimerions que vous transmettiez à votre ministre des Finances les meilleures salutations de ses vieux amis, le sénateur Comeau et Barbara Reynolds.

N'oubliez pas de prendre connaissance des résultats de notre étude dans le document qui sera publié autour du 10 décembre.

Le comité lève la séance.


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