Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Pêches
Fascicule 14 - Témoignages du 17 novembre 1998
OTTAWA, le mardi 17 novembre 1998
Le comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 18 h 05 pour étudier les questions de privatisation et d'attribution de permis à quota dans l'industrie des pêches au Canada.
Le sénateur Gérald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Bonsoir à tous. Bienvenue au comité sénatorial permanent des pêches. Bienvenue tout particulièrement aux personnes qui nous regardent à la maison. Ce soir, nous allons poursuivre notre étude des questions de privatisation et d'attribution de permis à quota dans l'industrie des pêches au Canada.
Avant de céder la parole à nos témoins, je vais décrire brièvement le mandat actuel du comité. Depuis quelques mois, le comité mène une enquête sur la privatisation des pêches au Canada et, plus particulièrement, sur l'attribution de quotas individuels.
Au Canada, les pêches subissent des transformations radicales. Sur la côte est, la revitalisation du poisson de fonds se révèle incertaine. Sur la côte ouest, certains stocks de saumon accusent un grave déclin. Ce qu'on sait moins, c'est que les politiques qui régissent les pêches canadiennes depuis des décennies sont essentiellement en voie d'être récrites. Les programmes administrés par le ministère des Pêches et des Océans sont davantage axés sur le client de même que sur la demande. Dans le secteur des pêches, le gouvernement fédéral favorise également la cogestion; dans la Loi sur les pêches, on propose l'inclusion de nouveaux pouvoirs que le ministre des Pêches et des Océans pourra invoquer pour conclure des partenariats à long terme.
Si la privatisation des pêches touche une grande diversité de questions, le débat porte en grande partie sur l'octroi, à des entreprises de pêche, d'une certaine forme de droit de propriété sur les stocks de poisson, lesquels prennent la forme de permis à quota individuels, également connus sous les noms de QI, QIB, QIT et AE. En termes très simples, ces permis donnent à des pêcheurs ou à des entreprises de pêche le droit de récolter chaque année une certaine quantité de poisson, une sorte de stock qui se déplace entre deux eaux.
L'octroi de quotas de pêche privés constitue un écart majeur par rapport à l'approche traditionnelle de la gestion des pêches, à savoir que la ressource est perçue comme un bien commun appartenant aux citoyens du Canada. C'est au début des années 80 qu'on a commencé à privatiser les droits de pêche. Initiative à caractère hautement bureaucratique, le processus a été graduel. Quelques ministres des Pêches appartenant aux gouvernements qui se sont succédé y ont été mêlés.
Dans l'industrie canadienne de la pêche commerciale, on retrouve aujourd'hui un mélange de pêche gérée à l'aide de quotas individuels et de pêche considérée comme faisant partie du bien commun. Des économistes classiques, des théoriciens et des groupes de réflexion néo-conservateurs ainsi que certains éditorialistes et chroniqueurs de journaux approuvent avec enthousiasme le modèle de la privatisation. Dans l'industrie de la pêche, le secteur des entreprises défend avec ardeur l'approche axée sur les quotas privés, et le principe compte parmi les fonctionnaires fédéraux des pêches des partisans de longue date.
Je m'empresse d'ajouter que les quotas individuels suscitent de vives émotions sur les deux côtes du Canada. Ils divisent les pêcheurs et les collectivités qui vivent de la pêche en deux camps aux opinions tranchées -- ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Les points de vue sont polarisés, et la question de savoir s'il convient ou non de généraliser les quotas individuels revêt de multiples facettes.
Au cours des dernières années, le comité a accueilli un large éventail d'opinions auprès de quelques autorités réputées sur les scènes nationale et internationale, au Canada, en Islande et en Nouvelle-Zélande. Nous avons eu abondamment recours aux vidéoconférences. Pour mieux informer les intéressés de nos activités, nous affichons les transcriptions et les documents d'information dans notre site Internet, où ils sont faciles d'accès.
Ce soir, nous allons entendre deux groupes de la Colombie-Britannique qui ont demandé à comparaître devant nous. Nous accueillerons d'abord une délégation du conseil tribal Nuu-chah-nulth (CTN), qui se compose de MM. Roy Alexander, Cliff Atleo et Richard Watts. Le CTN comprend 14 Premières nations distinctes qui résident sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Le conseil tribal a pour principal objectif de soutenir ses tribus membres et de les aider à accéder à l'autonomie gouvernementale. Le CTN fait la promotion du développement économique, social, physique et culturel de ses membres.
Monsieur Alexander, la parole est à vous.
M. Roy Alexander, conseiller des pêcheurs du CTN, conseil tribal Nuu-chah-nulth: Monsieur le président, nous remercions le Sénat d'avoir invité le conseil tribal Nuu-chah-nulth à comparaître.
Nous aimerions d'abord bénir les présentes délibérations au moyen d'une brève prière dans notre langue traditionnelle.
(M. Cliff Atleo prononce une prière dans sa langue autochtone.)
M. Alexander: Nos côtes se meurent. Nous devons adopter une optique nouvelle. L'approche adoptée jusqu'ici ne fonctionne pas. Nous sommes ici aujourd'hui non seulement pour nous opposer aux régimes de privatisation et de permis imposés à nos communautés côtières, mais aussi pour présenter au Sénat une solution de rechange ayant du sens au plan social et au plan économique. Nos dirigeants communautaires, autochtones et non autochtones, ont travaillé très fort pour établir une solution de gestion manoeuvrable qui est pleinement responsable et, croyons-nous, durable, avec la participation de nos communautés et des intéressés. Toutefois, si la tendance actuelle à la privatisation n'est pas renversée, il ne restera rien à gérer.
Nous avons besoin de l'aide du comité pour protéger les générations à venir dans nos communautés côtières. Jusqu'ici, la planification et la politique du ministère des Pêches et des Océans ont dévasté nos communautés et conduit un peuple océanique hors de l'océan même qui le soutenait depuis des siècles. Autrefois, la flotte de pêche des Nuu-chah-nulth comptait quelque 300 navires, dont plus de 200 licenciés et d'autres non admissibles à un permis. Le long de notre côte, nous récoltions toutes les espèces de poisson. Aujourd'hui, le taux de chômage dans les villages les plus touchés va de 70 à 95 p. 100, pour un peuple océanique qui a toujours tiré sa subsistance de l'océan.
C'est en 1969 qu'a débuté le plan mis en place pour nous sauver: le gouvernement fédéral a alors décidé de réduire la taille de la flotte et de la rendre plus efficiente. On a mis au rancart les petits bateaux jugés non admissibles, les petits bateaux de pêche à la cuiller et les petits bateaux de pêche au filet maillant exigeant peu d'efforts ainsi que les bateaux de pêche mixte qui exploitaient deux espèces, tout en laissant la puissante flotte de bateaux senneurs augmenter de 74 p. 100 au milieu des années 70. Nous avons été témoins d'une réduction des ressources humaines nécessaires et d'une augmentation de 75 p. 100 de la capacité de pêche. Avec un peu de chance, nous tirerons des leçons des erreurs du passé.
En 1979, la flotte de Nuu-chah-nulth était réduite à moins d'une centaine de navires. Aujourd'hui, il en reste moins de 50. La plupart des pêcheurs ont dû vendre un permis ou un autre pour survivre. L'accès aux ressources de la totalité d'entre eux a sans cesse diminué. Après la ronde actuelle de rachats, il restera de dix à douze bateaux. Il n'y a pas si longtemps, de 200 à 300 familles travaillaient presque à temps plein, pendant toute l'année, dans des communautés côtières qui n'ont jamais demandé de dédommagements en contrepartie de la restructuration.
Dans un programme concerté, les planificateurs du MPO ont manipulé le système de permis pour éliminer la participation et promouvoir la privatisation. Je suis certain qu'on vous a parlé de la situation qui se vit sur la côte est et sur la côte ouest. Ce faisant, les planificateurs savaient qu'ils allaient détruire les propriétaires-exploitants -- ils en ont parlé dans leurs documents stratégiques -- et défavoriser les communautés dépendantes de la pêche. Pendant que nos pêcheurs et nos communautés disparaissent, il y a une seule industrie en croissance, celle des gestionnaires des ressources du MPO quittant leurs postes pour des emplois plus lucratifs offerts par les intérêts privés de la pêche, puis faisant pression auprès de leurs anciens employeurs pour obtenir un traitement de faveur. Nous avons vu des personnes, toujours visées par le délai de un an, témoigner ici. Il y a là apparence de conflit d'intérêts. Personne ne surveille.
Les politiques canadiennes reposaient sur les principes d'imputabilité établis au début des années 70. C'était là de bons principes, mais qui surveille? Ces principes, qu'on appelle le «système des cinq comptes», ont été mis en place par divers gouvernements. C'était de bons principes qui bénéficiaient de l'appui de tous. Ils portaient sur un certain nombre de facteurs sociaux et économiques ainsi que sur le développement régional. Depuis un certain temps, le MPO ne comprend plus le sens des mots «développement régional». Ils ont été relégués aux oubliettes dans le cadre de la dernière poussée.
L'engagement du Canada envers le développement régional et les communautés dépendantes de la pêche ainsi que son intention avouée d'augmenter la participation des autochtones à la pêche semblent avoir été mis de côté. On doit s'attaquer au problème de l'absence totale d'imputabilité. Il s'agit d'un facteur qui contribue grandement aux difficultés actuelles que nous cause le MPO. Nous espérons tous que le Sénat inclura dans ses recommandations certaines lignes directrices ou recommandations visant à éliminer les incitations offertes aux personnes qui travaillent au ministère. Ce que souhaitent les employés dévoués avec qui nous traitons chaque jour, c'est assurer la protection du poisson. On doit donner à ces personnes le moyen de faire leur travail. Nous avons ici affaire à des ressources dont la valeur se chiffre en milliards de dollars. On ne doit pas les soumettre à la tentation de quitter le ministère après avoir été achetés. Ils doivent faire leur travail de manière responsable.
Si nous voulons sauver notre ressource, les communautés qui en dépendent et les pêcheurs qui ont toujours compté sur elle, nous devons agir de façon décisive pour nous assurer d'éviter la tragédie que constituerait la privatisation de se droit commun et la perte d'une ressource commune. Je demanderai maintenant à Richard Watts de proposer certaines solutions dont le Sénat -- nous l'espérons -- voudra bien tenir compte.
M. Richard Watts, conseil tribal Nuu-chah-nulth: J'aimerais présenter certaines des personnes qui nous accompagnent et je profite de l'occasion pour forger des liens avec des cadres supérieurs des ministères des Pêches et des Océans, des Affaires indiennes et du Développement des ressources humaines. Nous tenons à bien mettre en relief la proposition qui, à notre avis, répond aux préoccupations de plus en plus vives que suscitent la pêche.
Nous avons avec nous aujourd'hui Scott Fraser, maire de Tofino, Bill Irving, maire d'Ucluelet, Rose Davidson, représentante du district régional d'Alberni-Clayoquot, Dan Edwards, de la West Coast Sustainability Association, Eric Tamm, du conseil de direction du Coastal Community Network, John Young, qui travaille pour nous dans ce dossier, et Rick Nookemus$ un des rares pêcheurs qui survivent. Récemment, nous avons retenu les services de M. Roy Alexander pour venir en aide aux pêcheurs commerciaux pris dans la tourmente, qui s'aggrave depuis quelques années. Cliff Atleo, qui a travaillé pendant de nombreuses années pour la Native Brotherhood of British Columbia, s'est depuis associé au mouvement avec ses gens et moi-même.
Notre groupe représente quelque 14 Premières nations de la côte ouest de l'île de Vancouver. Je vais indiquer sur la carte le secteur en question, qui s'étend sur environ le tiers de l'île de Vancouver.
Avant le contact, nos gens ont géré la pêche sur la côte ouest de l'île de Vancouver pendant des milliers d'années. Avant le contact, les ressources qui nous entourent, principalement celles de l'océan et des rivières, ont soutenu l'ensemble des communautés de Nuu-chah-nulth. Nos gens se trouvaient donc dans une position des plus enviables et admirables, à savoir qu'ils bénéficiaient du plein emploi, pour reprendre une terminologie moderne. Les ressources qui nous entouraient faisaient notre richesse.
En raison des ressources auxquelles nous avions accès, nous avons pendant longtemps commercé avec les nombreuses Premières nations qui vivent le long de la côte. Nos communautés et nos sociétés étaient alors fonctionnelles. Je ne dirai pas que tous nos problèmes sont imputables à la pêche, mais l'inaccessibilité de ces ressources les explique en bonne partie. En mettant dans la balance des problèmes comme les pensionnats, on a tôt fait de comprendre que le dysfonctionnement est presque devenu la norme, en partie en raison de l'inaccessibilité des ressources et en partie en raison d'autres problèmes auxquels nous devons nous attaquer.
Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est d'abord pour parler des pêches et de l'effet qu'elles ont sur nos communautés.
Ces jours-ci, on nous rappelle sans cesse que les communautés de la côte ouest de Vancouver sont très petites. On dit aujourd'hui qu'il s'agit de «réserves». Les «agents des sauvages» qui, à la fin du XIXe siècle, ont participé à l'établissement des réserves, ont déclaré au gouvernement que nos peuples n'avaient pas besoin de territoires étendus puisqu'ils tiraient leur subsistance de l'océan et des rivières et que cet accès leur serait toujours assuré. Ils ont dit à nos chefs de ne pas s'inquiéter, qu'aucun problème n'allait jamais se poser.
Aujourd'hui, cet accès n'existe plus. Les régimes d'attribution de permis et les différents choix stratégiques du gouvernement ont très gravement nui à l'accès aux ressources dont bénéficient nos communautés. Nous pouvons remonter au plan Davis, au plan Mifflin, aux mauvaises saisons et à la surcapitalisation de la pêche, qui se fait désormais à l'aide de bateaux mis à niveau et d'un matériel très coûteux. L'époque où les pêcheurs exerçaient leur métier à partir de leur communauté d'attache est depuis longtemps révolue.
Aujourd'hui, certains enjeux nous préoccupent tout particulièrement. En raison des régimes d'attribution de permis, la pêche à la merluche est presque entièrement monopolisée par les livraisons et les allocations aux pêcheurs hauturiers, en raison d'un accord conclu entre le gouvernement polonais et notre gouvernement. La quasi-totalité des stocks de morue charbonnière sont aujourd'hui assujettis à des quotas individuels. Nos gens n'ont pas les moyens de s'offrir les permis nécessaires, de sorte qu'ils n'ont pas accès à ces ressources.
La pêche au hareng est contrôlée presque à 100 p. 100 de l'extérieur de notre région. Nos communautés n'en tirent aucun avantage, si on excepte trois ou quatre personnes qui y sont effectivement mêlées. À une certaine époque, environ 300 d'entre nous étaient associés d'une façon ou d'une autre à cette pêche.
Dans le secteur de la pêche au flétan, une fois de plus, les quotas individuels ont pour effet d'exclure les personnes qui n'ont pas les moyens de s'en procurer un. Aux termes du programme de retrait, nous disposons de deux ou trois permis, mais notre accès est très limité. Nous en sommes maintenant au point où quelques Premières nations partagent un permis. Un quota se rattache au permis. Par conséquent, chaque Première nation n'a droit qu'à la moitié du quota.
Dans le secteur de la pêche au saumon kéta non loin du lac Nitinat, rares sont nos gens qui peuvent se prévaloir de la ressource, une fois de plus en raison du plan Mifflin aussi bien que l'attribution de permis de zone et de permis pour un engin unique. Dans la plupart des pêches, on doit se limiter au filet maillant ou à la traîne. Notre flotte se composait pour l'essentiel de bateaux mixtes, et nos gens ont opté pour la traîne. Comme la pêche au saumon kéta s'effectue au filet maillant, nous avons été, une fois de plus, laissés sur le carreau. Nos gens n'ont pu s'en prévaloir.
Les travailleurs de l'usine de transformation du poisson d'Ucluelet ont été directement touchés par l'allocation de merluche à des pêcheurs hauturiers, qui font transformer la ressources ailleurs. Environ 60 membres des Premières nations ont perdu leur emploi en raison de cette allocation, même si, dans une entente écrite conclue il y a une dizaine d'années, on affirmait que cela n'allait jamais se produire. Or, cela s'est produit.
L'essentiel du problème est le résultat direct de la privatisation de la pêche, des quotas individuels de bateaux et de ce genre de choses. Nous sommes aujourd'hui confrontés à la privatisation quasi totale des autres permis et des autres espèces
Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous voulons proposer la création d'un conseil régional de gestion aquatique. Dans le cadre du processus visant la conclusion d'un traité, nous avons, pour apporter une aide provisoire à nos communautés, fait la même proposition au gouvernement fédéral. La recommandation 16 du processus de conclusion de traités permet la négociation d'ententes relatives à des mesures provisoires, pendant la négociation du traité général. En cas de problème de nature à nuire aux négociations, on peut, pour remédier au problème, conclure une entente relative à des mesures provisoires.
Nous avons opté pour cette avenue afin de reprendre le contrôle d'éléments comme l'attribution de permis et les décisions relatives à la gestion aussi bien que les allocations et les processus du genre.
Personnellement, je pense que les quotas sont une solution à condition qu'il s'agisse de quotas communautaires ou régionaux dont s'occupent notre région ou nos communautés. L'idée n'est pas aussi tirée par les cheveux qu'il n'y paraît. C'est habituellement ainsi qu'on alloue des poissons aux Premières nations, peu importe les espèces concernées. On accorde, par exemple, 50 000 saumons sockeye à une Première nation donnée. Il s'agit d'une allocation communautaire.
L'argument selon lequel la solution est trop complexe, ne tient pas vraiment le coup. Environ 60 communautés côtières doivent déjà, en tant que Premières nations, s'occuper ainsi de leur allocation. Dans le secteur de la pêche, le ministère des Pêches et des Océans agit ainsi chaque jour de la semaine.
Nous devons aussi mettre en relief le désespoir de nos communautés, particulièrement celui de nos jeunes. Il n'y a pas d'avenir pour eux dans le secteur de la pêche. Nous n'avons rien à leur léguer. Nous encourageons nos enfants à faire autre chose. Comme la pêche n'est plus qu'une affaire de quotas privés et d'allocations individuelles, ils ne sont pas en mesure de poursuivre la tradition qui est la leur depuis des milliers d'années.
L'impact social et économique de cette situation est dévastateur, comme en témoignent les taux d'alcoolisme et de suicide. Nous ne prenons pas la situation à la légère. Dans nos communautés, nous sommes confrontés à ces problèmes presque tous les jours.
Notre conseil tribal comporte des services de santé et de développement social. Comparer les sommes investies dans le développement social à celles qui sont investies dans la santé, c'est comparer la Tour Eiffel à une quelconque cabane d'une dizaine de pieds. M. Atleo décrira l'effet de cette dichotomie sur notre flotte de pêche.
Nous avons décidé de créer un conseil de gestion. Pour définir des appuis, nous avons, en mai 1997, organisé à Port Alberni une conférence à laquelle ont été conviés les intervenants. Une fois cernés les intérêts de l'ensemble des communautés des secteurs principaux de la côte ouest de l'île de Vancouver, nous avons constaté que nous luttions tous pour les mêmes choses. Toutes les communautés Nuu-chah-nulth étaient touchées par les décisions relatives à la gestion des pêches.
Le présent groupe a été formé pour faire avancer le concept de conseil régional de gestion aquatique. Il s'agirait d'un organisme communautaire qui exercerait ses activités selon le principe de la durabilité.
La structure et les responsabilités du conseil sont en voie de négociation. Les parties ont convenu d'appliquer les lignes directrices suivantes: la conservation, les droits autochtones alimentaires, sociaux et cérémonials, la gestion des écosystèmes, la participation d'une vaste gamme d'intérêts, la sélection transparente et équitable des membres, la reconnaissance des obligations internationales du Canada concernant les pêches, l'établissement d'un but et d'objectifs précis, les responsabilités fiduciaires envers les Premières nations, l'exploration de mécanismes d'autofinancement des activités du conseil, une approche progressive quant aux fonctions du conseil et, enfin, la coordination avec les autres processus à l'intérieur et à l'extérieur de la région de la côte ouest.
M. Cliff Atleo, membre, conseil tribal Nuu-chah-nulth: Honorables sénateurs, je vais tenter d'expliquer pourquoi nous avons besoin de conseils de gestion régionaux.
Nous devons d'abord nous demander quelles sortes de pêches nous envisageons pour l'avenir. Les Nuu-chah-nulth des communautés de la côte ouest ont une vision, et nous voulons la partager avec vous. Si la vision des pêches en est une de privatisation et de contrôle accru des ressources halieutiques se retrouvant entre moins de mains, les QIT réussiront. Si l'objectif est d'offrir à quelques personnes et à quelques entreprises des droits de pêche exclusifs à ce qui est une ressource commune, les QIT réussiront. Si l'objectif est d'optimiser les profits et de réduire les avantages pour le public de ces profits et de marginaliser les communautés côtières, les QIT réussiront. Si votre vision du meilleur usage des pêches commerciales en Colombie-Britannique est le profit des entreprises, les QIT réussiront. Si c'est là votre vision des pêches, le moyen le plus rapide d'y arriver est alors de procéder à la conversion rapide des pêches commerciales de la Colombie-Britannique au régime des QIT.
En 1980, le MPO a consacré des millions de dollars à une campagne de promotion des pêches, présentées comme nos pêches et notre ressource. Des années plus tard, il se fait le défenseur d'un système de gestion en vertu duquel il ne s'agit manifestement plus de notre ressource.
Par contre, si votre vision des pêches commerciales en Colombie-Britannique est d'optimiser les avantages locaux à tirer des ressources locales et le partage juste et équitable des ressources halieutiques pour offrir le maximum d'emplois au pays et de stabilité aux communautés côtières, le système de permis à QIT doit alors être rejeté. Si les QIT sont rejetées, par quoi devrait-on les remplacer pour assurer un système de gestion des pêches meilleur et plus équitable? Nous croyons que la réponse réside dans les conseils de gestion régionaux qui détiennent les allocations en fiducie pour l'avantage général des générations à venir. Les conseils de gestion régionaux responsabilisent les communautés pour qu'elles administrent les ressources halieutiques à l'avantage durable de la communauté et de la ressource, et non pour le seul profit des entreprises.
Je tiens à souligner que la notion même de gestion régionale que nous proposons est aussi vieille que les Nuu-chah-nulth. Selon notre tradition, c'est au chef qu'il incombe de s'occuper de tout ce qui fait partie de son domaine. La gestion des communautés côtières épouse cette notion de très près. Les objectifs de gestion peuvent être réalisés avec un modèle de gestion communautaire sans privatisation. Le gouvernement pourra réduire ses coûts en rendant le conseil de gestion responsable de bon nombre des besoins de gestion au jour le jour.
Des prises durables à long terme, un marché de l'emploi significatif et des communautés en santé seraient possibles parce que les avantages des ressources locales seraient contrôlés par les communautés locales. Les communautés côtières ont tout intérêt à maintenir l'emploi local et l'investissement dans leur région. On pourra réaliser tout cela sans privatiser notre ressource à l'avantage de quelques-uns seulement.
En Amérique du Nord, la pêche au saumon en Alaska est gérée par un système de conseils de gestion régionaux. Nous avons examiné certains des systèmes en vigueur au Japon, où des communautés et des pêcheurs locaux gèrent leurs ressources. Ces systèmes fonctionnent. Ils peuvent fonctionner en Colombie-Britannique. Nous pouvons négocier un modèle fonctionnel, efficace et efficient, fait en Colombie-Britannique pour les ressources de la Colombie-Britannique.
Nous encourageons tous ceux qui s'intéressent à l'avenir des pêches sur la côte ouest à examiner sérieusement les solutions de rechange avant d'accepter les solutions axées sur les QIT proposés actuellement par le MPO et une minorité de titulaires de permis individuels et d'entreprises.
En conclusion, nous invitons le Sénat à approuver et encourager le système des conseils de gestion régionaux comme solution de rechange à la privatisation et au contrôle des entreprises. Entre-temps, il sera nécessaire de suspendre les pressions qui s'exercent en faveur des régimes de privatisation et de s'assurer que les employés de la fonction publique sont guidés par des principes d'imputabilité et des lignes directrices concernant les conflits d'intérêts.
Le sénateur Stewart: M. Alexander a soulevé la possibilité qu'il existe des liens discutables entre des employés de fraîche date du MPO et certains intérêts commerciaux et privés majeurs. Il est possible que vous en ayez la certitude. Il serait très utile au comité d'avoir accès à des preuves tangibles de ce que vous avancez.
M. Alexander: Je pense que les lignes directrices relatives à vos propres audiences constituent la preuve de l'existence d'un conflit d'intérêts. Selon ce que je crois comprendre, vous avez entendu un certain nombre d'employés et d'ex-employés du MPO qui travaillent pour le compte de groupes individuels. Dans les lignes directrices, on précise que les personnes qui occupent des postes de cadre supérieur ont pris leur retraite depuis plus de un an. Le programme porte des noms différents selon la côte sur laquelle on se trouve, mais je crois qu'on l'appelle le Programme Échanges Canada. Sur notre côte, les participants vont et viennent. Y a-t-il conflit d'intérêts ou conflit d'intérêts éventuel? Comme je ne fais pas partie du MPO, je ne suis pas en mesure d'observer tout ce qui se fait. À la suite de demandes de renseignements formulées en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, on nous a fourni des documents dans lesquels seulement une ligne n'a pas été noircie. C'était comme s'il s'agissait de documents émanant des services secrets, tandis qu'ils n'ont trait qu'à la gestion des pêches.
Pour le public, il est très difficile de garder ceux qui nous gardent sans un conseil de surveillance. Pour venir à bout des problèmes que pose le MPO, on devrait créer un ombudsman ou un conseil de surveillance. Il s'agit du moins de l'une des recommandations que je ferais. Les ministres ont un emploi du temps beaucoup trop chargé pour s'occuper de ces questions.
Si nous mettons la main sur des cas flagrants, nous nous ferons un devoir de vous en informer. Vous pouvez vous pencher sur le Programme Échanges Canada, qui s'appelait auparavant Industry Exchange. Vous verrez qu'il ne s'applique qu'à quelques sociétés.
Le sénateur Stewart: C'est un point très important. Il est possible que certaines de ces personnes n'aient pas, du fait de l'expérience acquise au MPO, d'intentions coupables. Ils en sont venus à voir le monde selon ce point de vue, même s'il s'agit d'un point de vue tout à fait faux.
Vous avez indiqué que certains des témoins qui ont comparu devant le comité avaient participé à ce genre d'échanges. Pourriez-vous communiquer au greffier du comité certains de ces noms pour que, le moment venu de passer les témoignages en revue, nous soyons en mesure de déterminer d'où ils proviennent.
M. Alexander: Certainement.
Le sénateur Stewart: Je vis dans un village de pêcheurs de la Nouvelle-Écosse. Cela ne m'aide toutefois pas beaucoup à comprendre votre industrie de la pêche. Quel type de bateau les membres des Premières nations utilisent-ils? Précisez le type de pêches auxquelles vous vous adonnez, indiquez la taille des bateaux et établissez une comparaison avec les bateaux des grandes entreprises commerciales qui sont maintenant en voie de s'emparer de cette pêche ou des ces pêches particulières.
M. Atleo: Sénateur Stewart, il nous reste moins de 50 bateaux. En règle générale, il s'agit de bateaux de pêche à la traîne. Ils mesurent de 32 pieds à environ 40 pieds, ce qui est considérable pour un bateau de pêche à la traîne. Les autres bateaux auxquels vous faites allusion, nommément les bateaux senneurs, ont une longueur de 55 à 70 pieds. Par ailleurs, ils valent de 600 000 $ à 1 000 000 $.
Le sénateur Stewart: Vous avez fait allusion à la surcapitalisation de la flotte. Permettez-moi de faire l'étalage de mon ignorance. L'un des arguments que j'entends évoquer sur la côte est, c'est que le régime fiscal favorise la surcapitalisation. Si vous réinvestissez dans un bateau neuf et que vous y installez une douche, vous le transformez en yacht -- je taquine les pêcheurs en parlant de la sorte. Vous avez évité de payer des impôts et augmenté votre avoir propre. Les autochtones sont-ils assujettis au même régime fiscal que certaines de ces grandes entreprises?
M. Atleo: Le ministère du Revenu du Canada dispose d'une marge de manoeuvre incroyable quant aux personnes à qui il s'attaque. Nous ne voulons pas entrer dans ce débat.
Certains de nos membres sont assujettis à ce régime, même s'il ne s'applique pas à tout le monde. Les membres des Premières nations qui vivent sur leur propre territoire sont plus susceptibles d'être exempts d'impôt. S'ils vivent en milieu urbain, à l'extérieur de leur territoire, ils sont plus susceptibles d'être visés par Revenu Canada.
Le sénateur Stewart: Voilà une précision qui m'intéresse, mais je n'insisterai pas pour le moment.
Nous avons deux types de bateau. Je souhaite maintenant passer à l'étape suivante du processus, nommément la transformation du poisson. Comment peut-on transformer le poisson de façon efficace? J'entends le mot «efficace» dans un sens économique, mais je veux aussi dire que le produit mis en marché est de bonne qualité, de sorte qu'il commande un bon prix. Comment procède-t-on dans les communautés des Premières nations, par rapport à ce qui se fait dans la pêche commerciale faisant appel à des navires de plus grande taille?
M. Atleo: Dans la transformation qui s'effectue en Colombie-Britannique, on note une dynamique intéressante. Les grandes entreprises auxquelles nous avons fait allusion ont fermé leurs usines. Je soupçonne très fortement des sociétés comme B.C. Packers d'utiliser maintenant leurs usines américaines dans l'État de Washington. En Alaska, ces sociétés jouent un rôle de premier plan. Sur ce plan, l'Accord de libre-échange les sert à merveille.
À Steveston, on a fermé une usine majeure, qui employait quelques centaines de personnes. On a maintenant confié les services de transformation à de plus petits exploitants.
Autrefois, une coopérative de pêcheurs autochtones exploitait des usines de transformation à Ucluelet et à Bella Bella. La coopérative n'est plus en activité. Nous acheminons notre produit à l'usine qui nous assure le meilleur prix. Il y a peu de postes d'achat. Ucluelet est une ville de pêcheurs, celle qui compte probablement le plus grand nombre de navires de pêche. Il y a dix ans à peine, le port comptait 17 postes d'achat. L'année dernière, je crois qu'il n'y avait qu'un seul acheteur.
Le sénateur Stewart: Je sais qu'il s'agit d'une question très difficile à aborder en raison des nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte lorsqu'un pêcheur autochtone vend ses prises. Quel effet la fermeture de l'usine de transformation locale a-t-elle sur le prix que ce pêcheur obtient lorsqu'il doit vendre le produit de sa pêche à une usine de l'extérieur de la région?
M. Atleo: Tout dépend de ce qu'il fait avec le poisson après l'avoir capturé. Certaines unités peuvent congeler le produit sur place. Essentiellement, la réduction du nombre d'acheteurs a un effet à la hausse sur les frais de fonctionnement du petit exploitant parce que, habituellement, il doit aller plus loin pour vendre le produit de sa pêche. Le phénomène a également une incidence sur la qualité du produit livré.
Le sénateur Butts: Messieurs, je vous remercie beaucoup. La discussion a été très profitable. Nous avons beaucoup parlé du genre de quotas que vous évoquez à votre tour.
Vous avez indiqué que les conseils de gestion régionaux s'occuperaient de l'attribution des permis et de l'établissement des quotas. Est-ce exact?
M. Watts: Oui.
Le sénateur Butts: Dans ce cas, vous êtes d'accord avec les quotas, mais pas avec les QI ni avec les QIT. Vous voudriez qu'on s'en tienne aux quotas tout court.
M. Watts: Ce que nous disons, c'est que nous nous occuperions des allocations; si nous aboutissions un jour à des quotas, c'est nous qui nous en occuperions. Ne perdez cependant pas de vue qu'il s'agirait d'allocations ou de quotas communautaires ou régionaux. Je ne veux pas qu'on les confonde avec les QIT. Il doit s'agir d'une mesure visant la région ou nos communautés. Le concept que nous évoquons est tout à fait différent. Il serait rattaché à la côte ouest de l'île de Vancouver, et c'est le conseil qui s'en occuperait au nom des communautés.
Le sénateur Butts: Ce dont vous parlez n'est pas assimilable à une privatisation, au contraire des QI. Comment définissez-vous la privatisation? Je pose la question parce que vous avez condamné ce modèle.
M. Atleo: Je vais tenter de répondre à votre question.
Le sénateur Butts: Je ne suis pas certaine de bien comprendre les mots.
M. Atleo: Pour les Premières nations de la Colombie- Britannique, il s'agit d'un enjeu très important parce que nous avons entrepris de négocier des traités modernes. Si nous négocions des ressources privatisées, un facteur de compensation entre immédiatement en jeu, et, dans le cadre des négociations qui entourent les traités, toutes les compensations sont déduites d'emblée. Si nous établissons des compensations, nous en priverons les Premières nations, parce qu'elles seront toutes regroupées dans un même poste et versées d'emblée. Plus le gouvernement s'avance sur la voie de la privatisation, et moins les Premières nations pourront réaliser des gains dans le cadre des négociations.
Le sénateur Butts: Si vos communautés obtiennent des quotas, comment déterminera-t-on qui sera autorisé à pêcher?
M. Atleo: Nous espérons obtenir ce genre de pouvoir.
Le sénateur Butts: Les prises des pêcheurs individuels leur appartiennent-elles ou appartiennent-elles à tous? J'essaie simplement de comprendre la question de la privatisation.
M. Atleo: Il faut bien comprendre ce que nous entendons par «allocations communautaires». À l'heure actuelle, il existe en Colombie-Britannique un programme de rachats en vertu duquel des permis sont rachetés. Ces permis s'assortissent d'une allocation. Les allocations seront mises en commun, et c'est à partir de ce regroupement que nous réaffecterons les ressources.
Le sénateur Butts: Est-ce là la fonction de votre conseil?
M. Atleo: Sur la côte ouest de l'île de Vancouver, on assiste à une réduction importante du nombre de pêcheurs. Il résulte de la diminution du nombre de permis et une diminution du nombre d'allocations. Nous ne voulons pas perdre ce quota. Une fois le modèle ou le mécanisme de gestion conjointe établi, nous voudrons conserver le quota sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Nous voudrons toujours pouvoir y accéder. Nous aimerions qu'il soit privatisé. En d'autres termes, nous voulons être en mesure de délivrer des permis à qui exploitera la ressource. Il importe de comprendre le portrait d'ensemble. Nous pouvons opter pour une privatisation sélective.
Le sénateur Butts: Le MPO aura-t-il son mot à dire ou agirez-vous seul?
M. Watts: Oui, il aura son mot à dire. Nous travaillons en coopération avec le ministère depuis un certain nombre d'années. Permettez-moi de vous donner un exemple de ce que je voulais dire au sujet des allocations communautaires et de qui sera autorisé à pêcher. Les membres de ma Première nation, qui forment une communauté, s'efforcent de mettre au point des plans de pêche ayant pour effet de répartir la ressource le plus équitablement possible dans la communauté. Pour ce faire, nous définissons des zones de pêche, des périodes d'ouverture et de fermeture ainsi que le type d'engin qui peut être utilisé. Voilà comment nous tentons de faire que la situation soit juste et équitable pour tous les membres de la communauté. Dans notre communauté, nous agissons de la sorte depuis pratiquement 20 ans, et les résultats sont pour nous concluants. Toutefois, nous tentons maintenant d'étendre ce principe à l'ensemble de la côte ouest de l'île de Vancouver, peut-être en associant aux plans des communautés n'appartenant pas aux Nuu-chah-nulth. Ce n'est pas une idée tirée par les cheveux. Si nous nous dotons d'un conseil régional de gestion et que nous lui confions cette tâche, nous avons l'assurance que les communautés mettent au point des plans et des systèmes de pêche justes et équitables pour tous.
Le sénateur Butts: Comment recrutez-vous les membres de votre conseil de gestion régional? Les membres sont-ils tous des pêcheurs?
M. Watts: Non. Le conseil n'existe pas encore. Nous avons constitué une société à titre provisoire. Après avoir tenu notre conférence de mai 1997, nous avons établi un comité de direction. Entre-temps, nous avons constitué une société qui a pour tâche de nous conduire à la création du conseil. Nous avons également conclu une entente avec Fisheries Renewal B.C., programme provincial de la Colombie-Britannique, en vertu de laquelle environ 600 000 $ seront investis dans le réaménagement de cours d'eau ainsi que dans d'autres projets de mise en valeur sur la côte ouest de l'île de Vancouver. C'est là une mesure provisoire que nous devons prendre pour devenir fonctionnels. Nous nous sommes également montrés capables de réunir un éventail d'intérêts divergents sur la côte ouest de l'île de Vancouver et de travailler en coopération à l'élaboration de ce conseil de gestion.
Par le truchement du comité de direction, nous avons constitué la société régionale de gestion aquatique, dont le comité de direction se compose de Rose Davidson, de Dan Edwards et de moi-même. Nous avons demandé aux gouvernements fédéral et provincial de nommer la moitié des membres du conseil. Les Premières nations nommeront l'autre moitié. Il incombera à chacune des communautés de désigner ses représentants, qu'il s'agisse de politiciens locaux, de pêcheurs, de pêcheurs sportifs ou de conseillers issus des communautés des Premières nations.
Le sénateur Butts: Pour y parvenir, aura-t-on en partie recours à des élections?
M. Watts: Oui.
Le sénateur Robichaud: Vous me paraissez bien en voie d'établir ces conseils de gestion régionaux. Vous avez déjà abattu une somme de travail considérable, et on constate à la lecture de votre document que votre concept a obtenu l'appui du ministre fédéral, du premier ministre provincial et de nombreuses autres personnes. Vous nous dites que vous seriez capables de gérer les pêches. Je n'en doute absolument pas. La tâche ne serait pas facile parce que, dans le domaine des pêches, tout est toujours compliqué. Les allocations doivent être réparties équitablement entre les parties intéressées.
Si la gestion des stocks ou des quotas devait vous être confiée, vous auriez besoin de plus de ressources que ce dont vous disposez dans vos communautés, n'est-ce pas? Ou préféreriez-vous partir de ce que vous avez?
M. Atleo: Je pense qu'un mécanisme de mise en valeur du potentiel s'est enclenché. Dans le cadre de la Stratégie sur les pêches autochtones, les Premières nations se sont déjà dotées de techniciens, de gardes et de contrôleurs dûment formés. Pour répondre aux exigences qui, selon nous, se rattachent à un conseil de gestion conjoint, la West Coast Sustainability Association et notre société régionale de gestion aquatique ont également réuni des fonds qui seront utilisés pour mettre en valeur notre potentiel.
Le sénateur Robichaud: Pour que tout fonctionne, vous aurez besoin de plus de ressources -- et je fais allusion non pas aux ressources humaines, mais bien plutôt aux ressources halieutiques. Certaines communautés et, dans ces dernières, certains particuliers continueraient de dépendre de la ressource, n'est-ce pas?
M. Atleo: Oui.
Le sénateur Robichaud: Vous avez fait allusion à la merluche. Envisageriez-vous d'aller dans la même direction?
M. Atleo: Nos objectifs ultimes portent sur l'ensemble des ressources aquatiques, mais nous nous intéresserions aux espèces sous-utilisées. Les espèces sous-utilisées nous intéressent incontestablement. Nous manifestons beaucoup d'intérêt pour l'établissement de mécanismes d'autofinancement qui permettraient aux gouvernements de réduire leurs coûts. Nous pouvons faire preuve de beaucoup de créativité dans ce domaine.
Le sénateur Perrault: Vous êtes des atouts pour la Colombie-Britannique. Dans votre témoignage, vous nous avez présenté des idées constructives aussi bien que des considérations réfléchies.
Vous dites avoir accompli des progrès considérables dans la détermination du meilleur moyen de nommer les membres du conseil régional de gestion aquatique. Avez-vous convenu des détails, nommément le nombre de membres et leurs qualifications? Comment ces derniers seront-ils choisis? Procédera-t-on par référendum, ou aura-t-on recours à un mécanisme de sélection comme dans une élection?
M. Atleo: La société régionale de gestion aquatique compte aujourd'hui des membres actifs, appelés administrateurs. Il s'agit de représentants des communautés, de maires, de représentants du district régional ainsi que de représentants des pêcheurs sportifs.
Le sénateur Perrault: Misez-vous sur des personnes spécialisées dans les pêches aussi bien que sur des scientifiques?
M. Atleo: Dans les communautés et les régions chapeautées par le conseil tribal Nuu-chah-nulth, nous employons maintenant des biologistes. Il y a un administrateur, biologiste de formation. Il supervise trois autres biologistes qui travaillent dans la communauté.
Le sénateur Perrault: J'aimerais savoir combien de membres comptera le conseil et quelle sera la durée de leur mandat. Pour soutenir la concurrence au sein du marché mondial, nous devons gérer cette ressource importante le plus efficacement possible.
M. Atleo: Dans le document de travail que nous avons mis au point à l'intention du ministère des Pêches et des Océans dans le cadre du processus de négociation, nous avons proposé un conseil composé de dix membres.
Le sénateur Perrault: Vous ne voulez pas que l'appareil soit trop lourd.
M. Atleo: Non. Nous avons évoqué la possibilité d'établir une représentation selon les bassins hydrographiques, nommément la baie Nootka, la baie Clayoquot, la baie Barkley, et ainsi de suite.
Le sénateur Perrault: Quel genre de relations entretenez-vous avec le ministère des Pêches et des Océans?
M. Atleo: Nous entretenons avec lui des relations très solides.
Le sénateur Perrault: Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur ce point?
M. Atleo: Des représentants du ministère assistent aux pourparlers que nous tenons avec des négociateurs de traités fédéraux. Le MPO a été présent à toutes les étapes du processus. Ses représentants nous posent toujours la même question: sur le plan du développement, quel rôle serions-nous appeler à jouer? Selon nous, ils pourraient être considérés comme des employés des pêcheries locales et peut-être même faire partie du conseil. C'est précisément la gestion des ressources au niveau local qui fait l'enjeu du débat.
Le sénateur Perrault: La communauté aurait ainsi tout intérêt à ce que la pêche réussisse, n'est-ce pas?
M. Atleo: Oui. Ce qui fait l'originalité de notre proposition, c'est que le conseil serait entièrement imputable.
Le sénateur Perrault: Croyez-vous qu'on revivra un jour l'époque où les voies d'eau étaient encombrées par les poissons et où les océans grouillaient de saumon? Ce qu'on me dit, c'est que la technologie est telle aujourd'hui que tous les bateaux de pêche, grâce à un système de guidage par satellite, savent exactement où les poissons se trouvent en tout temps. Ils peuvent repérer les bancs de poisson et récolter en quelques heures ce qu'on aurait mis quelques jours ou quelques semaines à faire à l'époque où les mers grouillaient de poisson. Pensez-vous que ces périodes d'abondance reviendront un jour?
M. Atleo: Nous avons l'intention de restaurer bon nombre des cours d'eau que nous négligeons depuis trop longtemps, dans notre propre cour. Certains d'entre nous sont suffisamment jeunes pour se rappeler ces journées d'abondance. Nous croyons pouvoir y parvenir -- peut-être pas aux niveaux dont nous avons le souvenir, mais nous nous en rapprocherons. En raison du développement, on doit aussi composer avec des facteurs qui influent sur la capacité de certains de ces cours d'eau.
Le sénateur Perrault: De nos jours, la concurrence est-elle différente de ce qu'elle était par le passé? Il y a maintenant des exploitations piscicoles. Quel est l'avenir de la pisciculture?
M. Atleo: Si cette industrie continue de polluer l'environnement, son avenir est des plus sombres.
Le sénateur Perrault: Vous croyez donc qu'il y a certains inconvénients pour la santé?
M. Atleo: Sans aucun doute.
Le sénateur Perrault: Vous voulez optimiser vos profits en constituant des conseils régionaux. Au sein du conseil, vous assureriez-vous d'avoir un spécialiste du marketing? Étant donné l'état actuel du commerce, nous risquons, dans le cas contraire, d'être envahis par le saumon américain en provenance de Bristol Bay. Est-ce possible?
M. Atleo: Le poisson américain a un impact, simplement en raison du libre-échange. On peut importer des États-Unis 25 p. 100 de la production de la Colombie-Britannique. On le fait fréquemment, en passant surtout par l'Alaska.
Le sénateur Perrault: Au cours des dernières années, la ressource y a été abondante, n'est-ce pas?
M. Atleo: Oui, les poissons étaient nombreux.
Le sénateur Perrault: Pensez-vous que le phénomène El Ni<#00F1>o, dont les effets se sont faits sentir ces derniers temps, est un phénomène ponctuel, ou aura-t-il un effet permanent sur la capacité du poisson de se reproduire?
M. Atleo: El Ni<#00F1>o est toujours une préoccupation pour nous. Le phénomène s'est fait sentir il y a trois ou quatre ans et, cette année, le saumon coho est de retour. Ce retour n'a rien à voir avec les mesures prises par le MPO.
Le sénateur Perrault: Vous n'entendez donc pas renoncer au coho?
M. Atleo: Non.
Le sénateur Adams: Un autre groupe d'autochtones de la Colombie-Britannique a tenu à peu près les mêmes propos que vous. Au début de juin, le ministre a mis un terme à l'essentiel de leur pêche au saumon, et certains pêcheurs recevront une compensation. Votre organisme fonctionne-t-il de la même manière? Que vous a dit le ministre? Vous a-t-il dit que vous ne pouviez plus pêcher? Selon ce qu'on nous a rapporté, il aurait déclaré que vous ne pourrez pas pêcher le saumon avant de cinq ou six ans. Que pense votre organisme de la situation actuelle, à savoir que les pêcheurs ne sont pas autorisés à pêcher?
M. Alexander: Avec la gestion régionale, nous pouvons compter sur des pêches viables dans notre région, à condition qu'elles soient gérées, à petite échelle, au niveau local, sans nuire aux stocks menacés. On ne peut le faire dans le cadre d'une pêche à grande échelle. On ne peut organiser une pêche à grande échelle de ces stocks. On peut interdire la pêche sur toute la côte, mais, à notre avis, ce n'est pas nécessaire. Nos pêcheurs doivent avoir accès à des stocks en santé, lesquels doivent être gérés.
La question soulevée par le sénateur Perrault est fort valable, savoir quelle est la valeur de ces produits? Nous croyons pouvoir faire plus avec moins. Nous pouvons récolter moins de poisson et obtenir une meilleure qualité. Si vous vous êtes adonnés à la pêche sportive sur la côte ouest, vous savez qu'on y retrouve de magnifiques poissons partout, mais nous avons la réputation de produire le poisson de la meilleure qualité qui soit au monde, et le monde est en quête de produits de ce type. On n'a pas besoin de produire beaucoup. S'il le faut, nous pouvons produire moins.
Il y a eu d'autres manifestations du phénomène el Ni<#00F1>o. Selon les dossiers, le phénomène s'est manifesté dans les années 30. Il s'agit d'un phénomène naturel, et nous devons nous attendre à récolter moins lorsqu'il se manifeste. Sur la côte ouest, nous croyons pouvoir faire plus avec moins. C'est la voie dans laquelle on doit s'engager.
Le sénateur Adams: Comment obtenez-vous maintenant les quotas?
M. Alexander: L'argent est à la base de tout. Dans les collectivités éloignées, la situation est très difficile, particulièrement pour les personnes confrontées à de petites réserves et à un gros océan. On ne peut contracter une hypothèque pour acheter des permis et des quotas additionnels. Certains pêcheurs étaient titulaires de permis et de quotas, et ils ont été expropriés. Bon nombre de pêcheurs de notre région, autochtones et non-autochtones, possédaient des quotas et ont perdu leurs privilèges faute d'avoir pratiqué la surpêche.
Voilà le paradoxe. Lorsque, dans le courant d'une saison, la ressource était suffisante pour leur permettre de subvenir à leurs besoins dans une petite communauté côtière, ils sont restés à la maison. Plus tard, on a informé ces pêcheurs qu'ils avaient perdu leur permis faute d'avoir récolté du poisson en quantité suffisante, sans qu'on ait tenu les consultations qui devaient avoir lieu. Ces pêcheurs n'ont pas pêché fébrilement, et c'est précisément la pêche débridée que nous voulons maintenant éviter. Ils ont été pénalisés. Tout le long de la côte, des pêcheurs ont ainsi perdu leur permis.
Deux ou trois de nos pêcheurs qui avaient perdu leur permis sont en voie de les récupérer, mais ils s'assortissent d'une limite élevée. À l'heure actuelle, des pêcheurs sont dans l'obligation de vendre ces permis pour pouvoir garder leur permis de pêche au saumon. On leur dit maintenant que leurs permis de pêche au saumon ne seront plus que des permis de pêche de zone et qu'ils ne sont pas autorisés à pêcher au filet maillant le poisson qui a grandi dans la région. Or, ce poisson est le résultat des programmes de mise en valeur du saumon, qui avait pour but de favoriser le développement régional.
La situation de l'emploi chez les autochtones, soit l'un des cinq comptes que j'ai évoqués plus tôt, a été mise de côté. Le moment venu de répartir les permis, on n'a tenu aucune consultation.
Les pêcheurs de notre région sont désavantagés. On a fait des pêcheries un système capitaliste. Il ne s'agit plus désormais d'entretenir un bateau, de se doter d'un navire efficient, de s'occuper de son engin ni d'acheter des appâts. Ces éléments ne comptent plus.
De nos jours, l'achat d'un morceau de papier auprès d'un propriétaire de taudis est la principale dépense des pêcheurs. Nous ne voulons plus être les serfs d'un système féodal.
Le sénateur Adams: Le conseil devrait-il être habilité à délimiter des frontières et à interdire la pêche commerciale dans certains secteurs? Est-ce là ce qui vous préoccupe? Quelles seraient les modalités de fonctionnement? Des quotas s'appliqueraient-ils?
Il y a environ 14 communautés qui se préoccupent du sort des pêcheurs. Si tout le monde était gentil, on pourrait diviser le quota, et chacun pourrait, chaque été, capturer une petite quantité de poisson.
Dans quelle zone les quotas de pêche au saumon s'appliqueraient-ils?
M. Atleo: Nous savons qu'il importe de favoriser la compréhension entre les peuples autochtones locaux. Des protocoles d'entente sont en vigueur.
On fait actuellement valoir ces protocoles auprès de certaines de nos tribus qui aiment s'adonner à la pêche au saumon sockeye. Dans un certain territoire, la ressource est abondante.
Sachant qu'un surplus existe, nous demandons officiellement la permission de venir pêcher. Avec leur accord, nous nous exécutons. Ces tribus nous rendent la politesse. Si elles souhaitent pêcher le hareng, elles nous en font officiellement la demande.
Même si elles sont titulaires d'un permis et que le MPO exerce un contrôle, la pratique veut que l'on se conforme aux modalités du protocole. Nous envisageons un système de protocole et d'entente non seulement entre Premières nations, mais aussi avec d'autres communautés.
Le sénateur Adams: On nous a dit que le saumon était cette année beaucoup plus abondant que par les années passées. Avez-vous entendu dire la même chose? Il paraît que le saumon remonte le fleuve et redescend, tandis que le gouvernement prétend que la ressource a disparu. Je me demandais si vous faites le même constat dans votre pêcherie?
M. Alexander: Oui, les remontes sont bonnes cette année, particulièrement dans les rivières à saumon kéta.
Dès que le poisson a fait son apparition, les grandes sociétés ont décidé de ne pas l'acheter. Elles s'en sont détournées. Il est très frustrant pour nous de perdre le contrôle de ces pêcheries pour ensuite entendre les grandes sociétés nous dire qu'elles ne vont pas se donner la peine d'acheter le poisson que nous avons récolté.
Les sociétés nous disent d'aller vendre notre poisson ailleurs. Ce mouvement de va-et-vient contrôlé par les sociétés, dans leur seul intérêt, suscite des préoccupations bien réelles le long de la côte.
Nous craignons de perdre notre infrastructure. Si cela arrive, il n'y aura pas que les pêcheurs commerciaux, dont nous parlons ce soir, qui seront touchés. Si un touriste américain parcourt toute la côte, mais en vain, à la recherche d'un quai pour refaire le plein ou encore un restaurant, à Masset, par exemple, ce sont toutes les industries qui seront touchées.
Nous avons besoin de toutes les parties de l'économie, et c'est ce que reflète le conseil. Il est question ici de la pêche sportive de commerce, du pêcheur à la ligne moyen et de tous les aspects d'une collectivité, particulièrement l'emploi.
Ce qu'il importe de faire, c'est de regarder les principes. Peu importe le système qui est en place. Si nous voulons appeler cela un système de quota, nous pouvons le faire, mais il n'est encore question que d'un paquet de poissons. On peut avoir une pêcherie ouverte que l'on arrête à l'occasion pour dire aux pêcheurs de n'en prendre, disons, cinq chacun seulement. C'est un système de gestion qui est simple.
Un système de gestion n'a rien de mal. La grande différence, c'est lorsqu'il y a une propriété sans principe de la ressource que les générations futures ne pourront contrôler.
Si nous perdons ce droit de contrôler la ressource et d'astreindre les gens aux principes, nous nous trouvons en difficulté.
Le président: Ma question porte sur les dispositions de partenariat qui sont proposées dans le texte de la Loi sur les pêches, l'ancien projet de loi C-62 mort au Feuilleton durant la dernière législature. Êtes-vous au courant des dispositions exposées dans ces propositions? Votre groupe a-t-il une position sur ces propositions?
M. Alexander: Nous en avons peur. On nous a accusés de paranoïa, mais cela a trait à des craintes injustifiées. Nous voyons toujours ces craintes se matérialiser, et nous espérons pouvoir transformer nos craintes en un projet vraiment positif ici. Le projet de loi C-62 nous préoccupait vraiment. Le ministre du moment sera peut-être quelqu'un de très gentil, peut-être un bienveillant dictateur. Nous pourrions avoir droit à une très bonne situation ou encore à une situation où l'intéressé décide d'abuser des pouvoirs qui lui sont conférés.
Je ne crois pas que le Canada veuille prendre ce chemin et confier les pouvoirs en question à quiconque se trouve être l'élu du moment. Ces mesures législatives nous préoccupent grandement, et j'espère qu'elles ne verront jamais le jour.
Le président: Pour être très précis, je faisais allusion aux articles 17 à 22 de l'ancien projet de loi C-62.
Essentiellement, il s'agissait de conférer au ministre le droit de conclure des ententes de partenariat avec quiconque. Aucune condition n'était rattachée à ce droit. Essentiellement, cela permettait au ministre d'y aller à fond. C'est la partie à laquelle je faisais allusion.
M. Atleo: Pour être bref, ces dispositions vont tout à fait à l'encontre de nos intérêts pour ce qui est de la gestion communautaire.
Le sénateur Robichaud: Ces articles permettraient-ils au ministre de conclure des ententes avec ce que vous laissez entendre?
M. Atleo: Nous ne voyons pas la nécessité de légiférer pour autoriser des négociations qui ont déjà lieu pour ce qui est de conclure des traités.
Le sénateur Robichaud: Je ne parlais pas de la conclusion de traités.
M. Atleo: C'est lié. Nous jetons les fondements de ce qui doit être fonctionnel et efficace dans le traité. Nos partenaires comprennent cela, et nous nous engageons dans cette voie parce qu'il est possible de conclure un traité. C'est tout à fait lié.
Pour ce qui est des pouvoirs demandés dans ces articles du projet de loi, notre question est la suivante: est-ce que cela a préséance sur toutes ententes conclues dans le cadre du processus de conclusion de traités? Si la réponse est «non», nous aurions encore des craintes.
Le président: Je tiens à remercier nos témoins de la précieuse contribution qu'ils ont apportée à l'étude de notre comité. Ils ont permis d'envisager un autre point de vue.
M. Watts: Nous tenons à vous remercier de nous avoir invités et de nous avoir permis de nous exprimer et de faire valoir nos préoccupations.
Le président: Notre prochain témoin est M. Fred Fortier, de la Commission des pêches autochtones de la Colombie-Britannique. La Commission se compose de Premières nations provenant de toutes les régions de la Colombie-Britannique, aussi bien que de diverses organisations autochtones du secteur des pêches. La Commission tient en quelque sorte lieu de centre des communications et donne aux Premières nations une tribune où discuter des orientations gouvernementales. M. Fortier appartient à la nation Shuswap.
Monsieur Fortier, vous avez la parole.
M. Fred Fortier, président, Commission des pêches autochtones de la Colombie-Britannique: J'aimerais remercier le conseil tribal Nuu-chah-nulth de l'excellent exposé auquel nous avons eu droit. Je tiens aussi à remercier le comité sénatorial de nous permettre de venir ici pour situer les questions dans la perspective globale des Premières nations de la Colombie-Britannique.
J'espère que vous saisissez le dilemme auquel nous sommes confrontés en Colombie-Britannique aussi bien que les dossiers dans lesquels nous luttons depuis bien des années. Il nous faut envisager la situation à long terme et concevoir des solutions durables pour la gestion de toutes les espèces aquatiques dans la région du Pacifique. Nous vous remercions de l'occasion qui nous est offerte de présenter un exposé et de témoigner devant vous à propos de cette question difficile que représente la privatisation et les permis avec quota dans le contexte des pêches au Canada.
Jusqu'à maintenant, vous avez entendu les arguments de nombreuses parties intéressées -- pour et contre, grandes sociétés et collectivités -- et vous avez eu droit à de nombreuses perspectives, de l'analyse savante à l'exposé le plus pratique. Je suis heureux de constater que vous recherchez maintenant la perspective des Premières nations de la Colombie-Britannique. Tout de même, je n'ai pas à vous rappeler qu'il est de votre devoir de solliciter notre perspective. Les questions comme celles-ci auront un impact considérable sur les Premières nations et il est tout à fait possible que la privatisation des ressources de la pêche empiète sur les droits autochtones et le titre ancestral.
La Commission des pêches autochtones de la Colombie-Britannique n'est ni une Première nation, ni le gouvernement d'une Première nation. Notre organisation cherche à faciliter la discussion sur les questions liées à la pêche entre les Premières nations, le gouvernement du Canada, le ministère des Pêches et Océans, le gouvernement de la Colombie-Britannique aussi bien que les particuliers et organisations qui se préoccupent des pêcheries et des ressources de la pêche en Colombie-Britannique.
Pour s'acquitter des obligations fiduciaires que lui reconnaît la Cour suprême du Canada, le gouvernement du Canada doit pressentir et consulter véritablement toutes les Premières nations à propos des questions susceptibles de les toucher, par exemple la privatisation des ressources de la pêche.
Cela étant dit, monsieur le président, la Commission des pêches autochtones de la Colombie-Britannique peut faire un survol des préoccupations que les Premières nations peuvent nourrir à propos des questions en jeu.
Les Premières nations de la Colombie-Britannique estiment avoir un droit inhérent aux ressources de la pêche, droit auquel elles n'ont jamais renoncé. C'est aujourd'hui une convention aussi bien qu'un fait en droit canadien, les Premières nations ont un profond intérêt propriétal à l'égard des pêcheries. La Cour suprême du Canada a reconnu ce droit autochtone dans le bien-fonds. En décembre 1997, elle a affirmé que, dans certains cas, la Couronne pourrait même devoir obtenir le consentement des Premières nations dans les dossiers intéressant des ressources susceptibles d'influer sur les droits autochtones et le titre ancestral. Dans le cas de la privatisation des pêcheries, où les Premières nations de la Colombie-Britannique peuvent démontrer une longue et importante priorité quant à l'accès à la pêcherie, nous faisons valoir que cela s'applique.
Les Premières nations estiment qu'outre le fait d'exercer le droit autochtone à la pêche, les Premières nations jouissent aussi d'un titre ancestral sur le poisson, en raison de la connexion intégrale du poisson à l'eau, et de l'eau, à la terre. Privatiser la pêcherie revient à céder la ressource, un peu comme c'est le cas pour le titre en fief simple.
Étant donné le titre ancestral sous-jacent, les gouvernements doivent obtenir le consentement des Premières nations pour céder la ressources sous la forme de quotas attribués à des particuliers. Le règlement par les Premières nations et le Canada de questions liées aux traités exigera soit un rachat coûteux des quotas particuliers, soit un dédommagement important des Premières nations. Or, ces difficultés pourraient se révéler des obstacles insurmontables pour qui veut trouver une solution auprès de nombreuses Premières nations.
Enfin, l'existence de quotas privés rendra moins souples les régimes de pêche nécessaires pour répondre aux besoins et aux aspirations des Premières nations, et fera obstacle aux options qu'il faut dégager à l'avenir pour régler les questions liées aux pêches avec les Premières nations en Colombie-Britannique.
Les droits autochtones et le titre ancestral appartiennent collectivement à nos communautés. La privatisation de la ressource va à l'encontre de ce fait.
La Cour suprême a affirmé que nous ne pouvons nous dessaisir des droits et du titre, si ce n'est à l'avantage de la Couronne. Nous devons consentir à cela. Par conséquent, toute la notion de quotas transférables et vendables n'a aucun sens si la chose n'est pas conciliée avec l'ensemble des droits autochtones et des titres ancestraux.
Le monde scientifique commence à reconnaître la valeur et la légitimité des connaissances écologiques traditionnelles. Le système basé sur la connaissance qui existe au sein des Premières nations du Canada et du monde entier permet d'atteindre le juste équilibre des choses dans les bassins hydrographiques et les écosystèmes depuis des milliers d'années. À l'inverse, cela nous a pris 100 ans pour détruire nos pêcheries, et nous n'avons qu'à nous regarder nous-mêmes pour savoir ce qui s'est passé en ce qui concerne la morue, le saumon coho et le saumon du Pacifique.
Pour bien conserver et gérer les ressources de la pêche, il faudra conjuguer le meilleur de ce qu'offrent la science moderne et les connaissances traditionnelles en vue de soutenir et de maintenir l'abondance de stocks de poissons sauvages -- et j'insiste sur le fait qu'il s'agit là de stocks à l'état sauvage.
Les connaissances et pratiques traditionnelles font partie intégrante de la gestion et de l'utilisation de ces ressources. Ces connaissances sont indissociables des droits et titres autochtones, et constituent les fondements de l'utilisation et de la gestion continues de la pêcherie pour les Premières nations. Ce savoir traditionnel n'est pas un bien qu'on saurait vendre ou transférer pour accompagner un quota. Il pourrait être perdu à tout jamais, ce qui mettrait les ressources encore plus en péril.
Le respect des connaissances, des innovations et des pratiques traditionnelles aussi bien que l'accès aux pêches pour les peuples autochtones sont inscrits dans la Convention sur la biodiversité, que l'on tient pour le modèle mondial à suivre du point de vue de la conservation et du développement durable des ressources naturelles.
Le Canada s'est fait le grand défenseur de ces principes à l'occasion du Sommet de la Terre tenu en 1992 à Rio de Janeiro. Le temps est venu de mettre cette convention en application au Canada. L'adoption d'une loi représente un cas où le Canada est obligé de respecter les engagements ainsi pris.
Nous demandons respectueusement au Sénat de se reporter au paragraphe VIII J, qui porte sur les connaissances et pratiques traditionnelles ainsi que sur les avantages en commun, et au paragraphe X C, où il est question de la protection de l'accès aux ressources pour les collectivités locales et indigènes; et à plusieurs autres articles qui ont une certaine pertinence ici.
La folie que représente la privatisation des pêches a été essayée ailleurs, par l'instauration de quotas transférables, et a été débattue amplement sur la scène mondiale ces dix dernières années. L'impact de la privatisation sur les pêches pour les collectivités indigènes et locales est bien établi pour ce qui touche les endroits comme la Nouvelle-Zélande. Il faudrait consulter les représentants que le Canada a délégués lui-même aux discussions internationales en question, et le Canada devrait profiter des leçons d'autrui.
Il faut faciliter et encourager la conclusion d'autres ententes entre la Couronne, par l'entremise du ministre des Pêches. Il existe de nombreux exemples d'accords existants et éventuels qui doivent bénéficier d'instruments législatifs appropriés. Il faut faire de la Stratégie sur les pêches autochtones une politique en bonne et due forme.
Les ententes conclues entre le Canada et les Premières nations doivent être mises à l'abri des manipulations politiques attribuables aux intérêts divergents des grandes sociétés et des parties qui s'adressent aux tribunaux dans le dossier. Nous avons constaté que les intérêts des grandes sociétés à cet égard vont souvent à l'encontre de la Stratégie sur les pêches autochtones. Nombre d'entre elles font valoir des modèles de protection locale et de gestion coopérative un peu partout en Colombie-Britannique. Il en existe de nombreux exemples dans toute la province.
L'entente sur les pêches conclue avec la bande de Nishga comporte un quota qui ne figure pas dans le traité et qui fait l'affaire des parties en jeu. Certaines Premières nations, par exemple celles des Nuu-chah-nulth, explorent l'idée de commissions régionales de gestion. Avec les intérêts non autochtones, elles cherchent à garantir l'accès aux ressources de la pêche et le contrôle de la gestion dans la région.
La privatisation des pêches, par l'entremise des dispositions de la Loi sur les pêches, accorde sans condition au ministre des Pêches le pouvoir de peut-être faire fi de la loi et des conventions. Or, ni le gouvernement actuel ni tout autre gouvernement ne peut excuser cela.
La privatisation des pêches finit par couper les collectivités locales et indigènes du droit qui leur revient de protéger les ressources de la pêche, en y substituant les contrôles et les intérêts des sociétés commerciales. Des stocks de poissons sauvages seront mis en péril, et seulement à l'avantage à court terme des sociétés commerciales du pays.
En somme, la privatisation de la ressource par l'entremise de quotas va à l'encontre du rôle que jouent de droit les Premières nations dans la gestion de ces stocks de poissons et devrait, tout au moins, être reportée jusqu'à ce que les Premières nations et la Couronne aient parfaitement concilié leurs droits et titres respectifs à l'égard de ce poisson.
La protection locale des ressources est la pierre angulaire du maintien de la biodiversité et, en particulier, de la diversité des stocks de poissons qui se trouvent à l'état sauvage en Colombie-Britannique. Les programmes de protection des ruisseaux l'ont démontré, et il s'agit là du fondement du rétablissement de la pêcherie du saumon sur la côte ouest aujourd'hui. Il faut encourager l'adoption de tels programmes par la voie de modifications législatives et par l'élaboration de politiques. En même temps, il faut encourager et soutenir, par la voie de lois et de politiques, les projets d'entente qui visent à concilier les intérêts des autochtones et ceux de la Couronne.
Le sénateur Stewart: Monsieur le président, j'ai trouvé l'exposé assez compliqué. Il y a toute la question des droits autochtones au sens général du terme, toute la question de la cession, ainsi que tous les problèmes courants qui touchent les quotas individuels transférables.
Vous en avez peut-être parlé au début, mais je vais poser la question juste au cas. Ou est située votre organisation en Colombie-Britannique?
M. Fortier: Notre siège social est à Vancouver-Nord. Nous avons là un bureau. Il y a aussi un autre bureau sur le continent que je visite assez souvent.
Le sénateur Stewart: Comment l'organisation est-elle financée?
M. Fortier: L'argent provient des fonds associés à la Stratégie sur les pêches autochtones. Nous avons conclu une entente avec le ministère des Pêches et Océans. Nous avons exposé les services que nous fournirons, et l'entente énonce les objectifs que nous nous donnons en rapport avec certaines questions.
Le sénateur Stewart: Ai-je raison de penser que l'un de vos messages, c'est que la question des quotas individuels transférables ne devrait pas être soulevée tant et aussi longtemps qu'on n'a pas trouvé une réponse à des questions plus fondamentales en ce qui concerne les droits des peuples autochtones à l'égard de certains stocks de poissons?
M. Fortier: Oui.
Le sénateur Stewart: Quand croyez-vous que cette question de droits sera éclaircie?
M. Fortier: Les gens devraient comprendre que, dans la situation qui existe en Colombie-Britannique, les tribus parties aux traités Douglas ont inclus dans leurs traités d'amitié l'accès à ce poisson et les droits à son égard. Il y a aussi des peuples parties à des traités dans le nord de la Colombie-Britannique. Certains peuples sont en train de négocier un traité en ce moment même. Et puis il y a ceux qui ne sont pas d'accord avec ce genre de processus de conclusion de traité.
Le dilemme que pose la gestion des pêches dans la province est tout à fait unique par rapport à toutes les situations que j'ai vues dans le monde. Avant de commencer à céder les ressources en question à une société du secteur privé, nous, les Premières nations, devons d'abord trouver une formule pour gérer ces stocks de façon conjointe. Les stocks en question ne connaissent pas les frontières. Ils traversent un très grand nombre de zones de pêche tribales en retournant vers le réseau hydrographique.
C'est très compliqué. Il nous faut parler du droit des autochtones à ces stocks individuels qui retournent dans les territoires des Premières nations. Le droit à ces stocks veut dire quoi au juste? Comment diviser les nombreuses espèces de poissons qui se trouvent dans toute une série de rivières et de fleuves et qui reviennent à la côte?
C'est un problème difficile à résoudre. Toutefois, une fois que les QIT seront en place, il y aura toutes sortes de contestations devant les tribunaux et de bouleversements dans les pêcheries. Quelque part, il y a quelqu'un qui met sa ligne à l'eau avant vous, et le poisson revient dans un réseau hydrographique. Les Premières nations ont accès à tous les cours d'eau de la Colombie-Britannique. Les Premières nations pêcheront. La plus grande question qu'il nous faut résoudre, c'est celle qui consiste à définir la conservation. C'est cela qui est utilisé contre les Premières nations dans tout le Canada.
Le sénateur Stewart: La nature de la Commission m'intéresse toujours. Par exemple, le conseil tribal Nuu-chah-nulth appuie-t-il les travaux de la Commission? Y délègue-t-il un membre? Y apporte-t-il une contribution financière?
M. Fortier: En Colombie-Britannique, nous avons une structure organisationnelle qui s'attache à l'ensemble de la province. Cette organisation structurée à l'échelle de la province facilite et coordonne les dossiers entre les Premières nations de la Colombie-Britannique. Un des principes de la Commission, c'est que nous soutenons les comités de bassins hydrographiques, les commissions régionales de gestion et les secteurs où il est possible de développer une capacité dans les régions. Cette capacité ne devrait pas être développée dans le contexte d'un processus à l'échelle de la Colombie-Britannique. Si elle est développée de cette façon, il y aura une structure inspirée par les sociétés qui ne répondra pas aux besoins des bassins hydrographiques ou des collectivités. Parmi les gens qui ont pris part depuis quelques années aux travaux de la Commission des pêches autochtones de la Colombie-Britannique, bon nombre sont en faveur de la convergence dans le dossier. Le gouvernement fédéral n'a pas fait du très bon travail.
Il y a de nombreuses Premières nations qui sont tout à fait favorables à une organisation globale qui fera des choses pour elles sans parler toutefois en leur nom, mais qui aidera à faciliter les questions et à coordonner les mesures.
Le sénateur Stewart: Vous avez peut-être répondu indirectement à ma question. J'y reviendrai.
Le conseil tribal que nous avons entendu plus tôt aujourd'hui provenait de la côte ouest de l'île de Vancouver. Est-ce un organisme qui participe à votre commission, que ce soit en étant membre ou en fournissant une aide financière, ou les deux?
M. Fortier: Il n'apporte pas de contribution financière. La plupart des fonds versés dans la SPA sont très limités. Quand je dis qu'ils sont «limités», je veux dire qu'ils tournent peut-être autour de 300 000 $ par année. Toute somme supplémentaire concerne des projets spéciaux et des Premières nations.
Ce sont les communautés des Premières nations qui servent de balises à la commission. On encourage la représentation, pour ce qui touche les conseils tribaux ou les comités des bassins hydrographiques, par l'entremise de groupes de travail. Les communautés des Premières nations appuient fortement ce processus. Parmi les membres de la commission, il y a des Premières nations qui habitent un bassin hydrographique sur le continent, et il y a celles qui se trouvent du côté de l'océan.
Le sénateur Butts: Monsieur Fortier, vous avez parlé de quotas privés durant votre exposé. Est-ce la même chose que les quotas individuels?
M. Fortier: Oui.
Le sénateur Butts: Au haut de la troisième page, vous parlez du règlement du traité, ce dont le sénateur Stewart parlait il y a quelques minutes. Vous dites qu'en raison des quotas privés, les Premières nations au Canada auront besoin d'un rachat coûteux des quotas privés. Croyez-vous que le gouvernement fédéral devra racheter les quotas qu'il a accordés?
M. Fortier: Disons que vous appartenez à une nation installée au 600e mille d'un réseau hydrographique, où il se trouve six espèces de poissons. Si vous allez donner à une grande société l'accès à un régime de quotas et que ce régime de quotas que vous établissez en tant que gouvernement est tel qu'il ne restera plus de poissons -- il y a des Premières nations qui disent qu'elles n'ont pas besoin d'un traité avec le Canada pour tirer des avantages des pêches, et notamment de la pêche commerciale.
Si vous optez pour un régime de quotas qui accorde le contrôle aux grandes sociétés, ces gens ne signeront peut-être pas un traité. J'ai entendu les gens du gouvernement fédéral dire: «Venez signer un traité...», ou encore «Nous attendrons que le traité soit signé pour résoudre les questions liées à vos droits et à vos titres.» Je serai vieux avant que cela ne se fasse. Tout de même, une fois que vous remettez le contrôle à une grande société, les droits et les titres à l'égard de ce poisson devront être rachetés ou faire l'objet d'une indemnisation. Comment dédommager ces communautés pour des pêches qui dureront éternellement?
Le sénateur Butts: Tout de même, vous dites que c'est cela ou un dédommagement substantiel, de sorte que vous le prévoyez, ou, présumément, vous recevez une somme forfaitaire, puis il n'y aura pas encore de quotas. Le deuxième paragraphe de cette page me semble déroutant.
M. Fortier: Si une Première nation ou une communauté autochtone accepte qu'il y ait des QIT, puis qu'il y a dédommagement, il vous faudra parler à ces communautés qui s'engagent dans le régime. En ce moment, je ne crois pas qu'un très grand nombre de communautés des Premières nations s'engageraient dans un régime de quotas.
Le sénateur Butts: Les témoins que nous avons entendus avant vous ont parlé de quotas. J'ai discuté de la question avec eux, et ils ont dit que tant qu'il s'agit d'un quota communautaire, c'est acceptable.
Au troisième paragraphe avant la fin, vous parlez d'une privatisation de la ressource au moyen de quotas. Il vous faut parler là de quotas privés ou de quotas individuels, sinon vous contredites ce que vous avez dit au départ.
M. Fortier: Les quotas individuels transférables ne fonctionnent pas dans une communauté des Premières nations, parce que les droits y sont communaux, collectifs et sui generis.
Le sénateur Butts: Vous devriez mentionner ça avant de parler des quotas, plutôt que de seulement mentionner les quotas.
M. Fortier: Merci de votre aide.
Le sénateur Butts: En parlant seulement de quotas, vous contredites ce que votre ami a dit avant vous.
Le sénateur Robichaud: Nous avons déjà entendu le témoignage d'autochtones qui s'adonnent à la pêche commerciale. Ils sont venus faire valoir qu'ils se trouvent dans une situation qui est très triste. Il y a tout ce poisson qui leur passe sous les yeux, mais qu'ils ne peuvent pêcher parce que celui-ci est réservé à d'autres fins.
Quand je parle de la Stratégie sur les pêches autochtones, la SPA, ils semblent croire qu'on leur enlève quelque chose, plutôt que leur en donner. J'ai signalé que les communautés qui se trouvent à l'intérieur des terres, loin de la côte, ont encore des droits de pêche. Ils n'ont pas semblé très convaincus.
M. Fortier: En Colombie-Britannique, les membres des Premières nations estiment que leur droit de commercialisation est un droit collectif sui generis. C'est un fait qui est exprimé au sein de cette nation, au sein de cette communauté, par des gens qui, dans certains cas, louent leur bateau commercial pour aller pêcher et exercer le droit de société de cette communauté. Ils ont tout à fait le droit de le faire.
D'autres n'auront peut-être pas le même point de vue. Ça dépend du côté où on se trouve sur le réseau hydrographique ou sur le système océanique. Ce droit, que nous assimilons à un droit économique, un droit commercial, s'inscrit dans les besoins d'une société et est affirmé par les bandes Sparrow et Delgamuukw. La pêche de subsistance est ce qui nous permet de manger; la pêche cérémoniale sert aux rites d'une communauté, quel que soit l'événement qui le motive, qu'il s'agisse d'un décès, d'un mariage, d'une occasion de se réjouir, d'un événement triste. Le droit de société, c'est le droit économique. Les Premières nations exprimeront cela à l'avenir, et elles le feront de plus en plus.
Vous avez mentionné le fait que les pêcheurs commerciaux autochtones étaient ici pour faire valoir cette idée. Ils ont prévu cela, à l'avantage des autres Premières nations en amont. Dans nos discussions, ils parlent du poisson destiné au fleuve Fraser. Sur le Fraser cette année, nous avons eu de la difficulté à atteindre les objectifs liés à certains stocks pour ce qui est de l'échappement. Les conditions de l'eau et de l'environnement ont eu un impact là-dessus. De façon sélective, certaines questions se sont présentées tout le long de la côte. Nous avons eu des problèmes dès le début de l'année, parce que le ministère n'a pas exposé ses objectifs de gestion et ne s'est pas entendu avec les Premières nations avant que le plan de pêche ne soit effectivement mis en application. Je crois qu'il a fallu attendre jusqu'au mois de juin ou juillet avant que cela ne se fasse.
Le sénateur Adams: Si je ne m'abuse, vous dites que vous voulez exercer le contrôle sur les quotas et sur l'utilisation communautaire. Vous pouvez faire les choses vous-mêmes et même permettre qu'il y ait de la pêche à tout instant sans raison précise. De ce fait, vous pouvez décider d'en prendre une certaine quantité et vous pouvez attribuer des quotas aux pêcheurs commerciaux. C'est bien cela?
M. Fortier: Ce que je constate -- et il y a probablement beaucoup d'autres gens qui le constatent dans la province -- c'est que je travaille dans un réseau hydrographique et que j'appartiens à ce réseau, où mon groupe fait partie de neuf groupes tribaux qui se trouvent dans ce bassin hydrographique. Chacun des groupes parle une langue distincte. Il n'est question ici que du fleuve Fraser. Ensuite, on peut commencer à remonter la région côtière. L'instauration de quotas individuels transférables aurait une incidence sur toutes les Premières nations en aval qui ont eu un accès, et sur toutes les Premières nations qui se trouvent dans le réseau. Il est question ici aussi de l'accès pour les Premières nations ou les autochtones du côté américain, qui sont aussi des parents des Nuu-chah-nulth.
Cela me semble être un gros problème, car je ne vois pas comment vous allez trouver la nourriture nécessaire pour répondre aux besoins cérémonials et sociaux des groupes tribaux de la Colombie-Britannique et mettre en place en même temps les QIT. Cela dépasse complètement l'entendement: pourquoi faire cela à une ressource et à son avenir? Il nous faut essayer de préserver le stock et non pas chercher à préserver l'exploitation économique des stocks.
Le sénateur Adams: Ceux parmi nous qui vivent dans le Nord peuvent mettre leurs filets à l'eau sous la glace et dans les lacs. Je sais que le gel n'est pas très fréquent en Colombie-Britannique, même l'hiver. Nous n'avons aucun genre de quotas dans la communauté ni aucune saison de pêche: nous pêchons 12 mois par année. Nous n'avons pas le droit de prendre de l'omble pour le commerce. Nous vivons dans un climat qui est très froid, et l'omble chevalier gagne un pouce par année. Je ne connais pas le rythme de croissance du saumon, le nombre de livres qu'il prend par année en Colombie-Britannique. La population grandit et, pendant ce temps-là, les gens s'en servent pour la communauté.
L'usage commercial et l'usage communautaire vous posent-ils des difficultés? Avez-vous le contrôle de la situation?
M. Fortier: Si vous regardez la Colombie-Britannique et l'ouest du Pacifique, et la façon dont les pêches sont gérées, vous vous demandez où sont les pêcheries commerciales. Elles se trouvent à des endroits comme l'île de Vancouver, en tous points. À certains endroits, les voies se chevauchent. À un moment donné en 1994, nous étions à moins de 12 heures près de détruire une grande montaison dans la région de Shuswap, sur le lac Adams. Je crois que nous regardons ici l'accès aux stocks locaux. Certaines Premières nations, même cette année, n'ont même pas pu pêcher dans leur propre communauté, et pourtant il y avait des millions de poissons.
Nous devons trouver une façon d'étudier l'économie des pêches. Que tirons-nous de tout ce poisson qui passe? Cela attire la pêche sportive et la pêche commerciale, pour les communautés qui en veulent. C'est M. Atleo qui, je crois, a parlé des protocoles de pêche applicables aux territoires des autres.
Nous avons les mêmes protocoles dans l'intérieur du continent -- si une pêche ne peut se faire ou être soutenue, nous adoptons un protocole interne entre nations ou nous adoptons un protocole externe avec d'autres groupes tribaux, puisqu'il y a des zones que nous occupons en commun. Nous essayons de respecter le régime des permis et, à certains endroits, on limite même le nombre de poissons qui peut être pris. Les communautés sont en train de prendre en main leur pêcherie, même du côté commercial, car lorsque certaines personnes étudient les pêches commerciales, il y a une tribu qui peut décider que le pêcheur commercial se conduira de telle façon, alors qu'une autre tout juste à côté adoptera une solution différente.
Les Premières nations n'ont pas toutes les mêmes aspirations. Comme il y a 28 groupes tribaux, je ne sais pas de combien de façons on organiserait une zone de pêche commerciale.
Le sénateur Adams: Dans l'intervalle, y a-t-il des quotas sur le fleuve ou la rivière même, ou encore des quotas qui ne s'appliquent qu'ailleurs? Comment le régime fonctionne-t-il?
M. Fortier: La Stratégie sur les pêches autochtones comporte trois projets pilotes qui ont lieu en Colombie-Britannique. Un d'entre eux se déroule dans la partie inférieure du fleuve Fraser. Ils sont permis. Chacune des ententes de vente pilotes en question permet que le poisson soit vendu. On s'entend avec le gouvernement sur un quota. Les gens peuvent pêcher le poisson, puis le vendent.
Ailleurs dans le réseau hydrographique et partout en Colombie-Britannique, les Premières nations n'ont pas le droit, comme le dit le gouvernement, de vendre leur poisson dans le commerce. C'est pourquoi j'ai dit qu'il importe que le droit collectif des Premières nations de vendre le poisson soit situé à l'intérieur d'une communauté ou d'une nation. Certaines nations chevauchent peut-être trois ou quatre bassins hydrographiques. D'autres ne connaissent encore qu'une grande rivière qui passe sur leur zone. Toutefois, certaines Premières nations se sont adonnées à la pêche des stocks qui passent.
Je crois que c'est un cas où les Premières nations devront décrire leurs besoins en trois points, c'est-à-dire la subsistance, la cérémonie et la société, aussi bien que d'avoir les protocoles qu'elles établissent au chapitre de ces pêcheries.
Le sénateur Perrault: Monsieur le président, M. Fortier vient de nous présenter un exposé à la fois important et intéressant. Nous sommes tous impressionnés de constater l'inquiétude réelle qu'il exprime à propos de la conservation de cette espèce merveilleuse -- le saumon -- et sa détermination à la protéger. Je ne sais pas si mes propos susciteront la controverse, mais je veux commencer par dire qu'il y a deux grands poissons au Canada -- le saumon de l'Atlantique et le saumon du Pacifique. On amène le saumon de l'Atlantique en Colombie-Britannique pour essayer d'accroître les efforts ou la productivité. En tant que protecteur de l'environnement, croyez-vous que le fait de mélanger les espèces poserait un problème?
M. Fortier: La capacité de prendre ses responsabilités et l'habilitation de ces communautés est ce qui permettra de protéger les stocks locaux.
Si vous parlez du fait d'introduire dans l'environnement une espèce «étrangère», il me semble que, quelles que soient les mesures que nous choisissons d'adopter -- et je ferai attention ici à ce que je dis -- nous ne voulons pas nous prendre pour le Tout-Puissant. Toutefois, il arrive que nous soyons obligés de trancher. Pensez aux Grands Lacs et à l'introduction du saumon de l'Atlantique. Des arguments semblables ont été avancés en Norvège et en Finlande.
Le sénateur Perrault: Il y a du saumon du Pacifique dans le lac Ontario, comme vous le savez.
M. Fortier: Je le sais. J'ai assisté à un excellent exposé sur le fait que nous devrions les réserver dans les Grands Lacs aux possibilités économiques des pêcheurs sportifs.
Ce qu'il nous faut souligner ici, c'est que le Canada n'a pas de politique touchant les espèces sauvages de poissons. S'il y avait au Canada une politique du poisson sauvage qui a l'assentiment des Premières nations, du Canada et des intéressés de l'autre côté, nous ne verrions peut-être pas ce saumon de l'Atlantique qui arrive en Colombie-Britannique. Je dis cela parce que nous allons, à un moment donné, en subir les conséquences. Si nous nous mettons à la place du Tout-Puissant, nous allons en subir les conséquences à l'avenir.
Le sénateur Perrault: Vous avez dit, durant votre exposé, que votre organisation vise à faciliter la discussion sur les pêches entre les Premières nations, le gouvernement du Canada, le gouvernement de la Colombie-Britannique aussi bien que les personnes et organisations qui se préoccupent des pêches et des ressources de la pêche en Colombie-Britannique. Voilà une activité tout à fait louable.
Cette dernière année, avez-vous tenu des conférences pour réunir certaines de ces personnes?
M. Fortier: C'est la deuxième année que je préside la Commission des pêches autochtones de la Colombie-Britannique. Nous nous sommes donné une structure tout à fait unique. Je dois féliciter les Premières nations de la Colombie-Britannique. Il y a dix ans environ, en raison de la différence qui existe entre les communautés côtières et les communautés des terres intérieures, d'où je viens moi-même, nous nous sommes brouillés en raison de ce que le gouvernement nous faisait. Il a fallu dix ans pour reconstruire nos rapports de manière à nous parler comme frères et soeurs le long de la côte.
Nos ressources déclinaient. Nous voyions l'impact sur nos droits et notre titre à l'égard de la pêche. Il nous a fallu faire cause commune. Ce n'est pas le gouvernement qui nous a forcé la main. Nous avons été contraints de protéger nos propres stocks parce que nous avons un droit collectif.
Nous avons créé une organisation à ce moment-là, et nous poursuivons son travail. Il y a une assemblée après la saison de pêche, une assemblée avant la saison de pêche et une assemblée générale annuelle. Certes, j'y inviterais le président et le coprésident du comité ici présents.
Le sénateur Perrault: Pouvons-nous être sur votre liste?
M. Fortier: Certainement. Vous verrez à ces réunions certaines des choses qui se passent dans la région ouest du Pacifique. Je vais vous donner un exemple d'une des choses les plus importantes qui arrive.
Se tournant vers l'avenir, la Commission des pêches autochtones de la Colombie-Britannique voit tout un dilemme qui se présentera dans la province. Le gouvernement provincial le voit, tout comme le gouvernement fédéral. Comment gérer une pêcherie en Colombie-Britannique, sur la côte ouest, où il y a 28 groupes tribaux différents, et je ne sais combien de centaines de stocks de poissons qui envahissent tous les grands réseaux, sur l'île et dans la partie centrale de la côte? Nous n'avons pas de mécanismes qui permettent aux Premières nations de décider ensemble des principes de gestion applicables. Ce n'est pas une démarche qui nous permet de nous réunir d'abord pour parler de la façon dont la pêcherie sera gérée, avant d'aborder le secteur commercial et le gouvernement fédéral. Quant à la province, je ne le sais pas encore. Nous essayons encore de déterminer comment nous allons traiter avec elle.
Le sénateur Perrault: Dans votre exposé, vous dites que le respect des connaissances, des innovations et des pratiques traditionnelles, aussi bien que l'accès à la pêcherie pour les peuples autochtones sont inscrits dans la Convention sur la biodiversité, qui est considérée comme le modèle mondial à suivre en la matière. Je m'interroge sur le terme «modèle» et sur la notion qu'il suppose. Est-il possible d'en arriver à un modèle qui convient à tous les genres de pêcheries? Est-il concevable que certaines pêcheries ou certaines activités marines se prêtent bien à l'existence de quotas individuels, alors que d'autres iraient mieux avec des quotas communautaires? Est-il possible d'avoir un modèle proprement universel?
M. Fortier: Une des choses que l'on voit sur la scène internationale, c'est que nous arrivons à des principes que nous entendons respecter dans le champ international. S'il est question de savoir comment on fait cela, il faut regarder les connaissances traditionnelles. Qu'est-ce que cela veut dire pour vous et pour moi? Nous croyons que, pour protéger, préserver et conserver le savoir, il faut avoir accès à la ressource. C'est très simple. Si on n'y a pas accès, la pratique et l'innovation que l'on met à profit depuis des milliers d'années éliminent la connaissance découlant de la gestion de ces espèces.
Le sénateur Perrault: Concédez-vous qu'il existe peut-être des façons différentes de gérer des secteurs différents dans l'industrie de la pêche? Par exemple, l'industrie du homard sur la côte est se prête à l'existence de quotas privés, alors que la situation en Colombie-Britannique tient à des faits différents et justifie mieux des quotas communautaires? Vous n'avez peut-être pas les renseignements techniques. C'est une idée qui traverse l'esprit.
M. Fortier: Un des principes fondamentaux concerne la durabilité de la ressource locale et de la communauté associée à cette ressource. Vous avez entendu de nombreux exemples de la part des Nuu-chah-nulth, où chacune des communautés a accès à cette ressource. Si vous éliminez cet accès, vous enlevez les structures économiques et sociales et ainsi de suite.
Le sénateur Perrault: J'ai une dernière question. Vous avez dit que l'entente sur les pêches conclue avec la bande de Nishga se situe hors du champ du traité et qu'elle fonctionne pour les parties intéressées. Vous ne voulez donc pas que le modèle des Nishgas s'applique à d'autres pêcheries en Colombie-Britannique? Les Nishgas sont arrivés à quelque chose d'assez différent.
M. Fortier: Je vais vous donner la réponse d'usage que formulent nombre de Premières nations à propos de l'entente des Nishgas. Je félicite les Nishgas de ce qu'ils ont négocié. C'est une entente Nishgas qui a été conclue entre les Nishgas et la Couronne, et je crois qu'il faut les féliciter d'avoir négocié, sur une longue période, une entente qui satisfait les deux parties. Toutefois, en Colombie-Britannique, il existe des Premières nations ou des groupes qui ne voient peut-être pas du même oeil la façon qu'il faut établir un traité avec le Canada, ou encore qui se demandent même s'il est nécessaire d'avoir un traité après l'expérience de Delgamuukw.
Le président: J'ai quelques questions très courtes à poser. La Commission traite régulièrement avec la Couronne, et vous venez de mentionner la Couronne il y a quelques minutes. J'aimerais savoir ce que vous pensez d'un article paru dans un journal en janvier dernier, où il était question des propos du mari de la Reine durant un discours. Le prince Phillip a laissé entendre qu'il faudrait privatiser les stocks de poissons. Selon lui, cette façon de procéder a empêché qu'il y ait pêche excessive en Nouvelle-Zélande. En lançant l'année internationale des océans à l'ONU au nom du Worldwide Fund for Nature International, dont il est le président émérite, le prince a affirmé que la plupart des politiques des pêches étaient proprement anarchiques.
Que pensez-vous des propos du prince Phillip concernant la privatisation?
Je sais qu'il n'est pas juste de poser cette question, de sorte que je vais en poser une autre sur un sujet quelque peu différent. À propos du programme pilote de vente, pouvez-vous nous dire d'où proviennent les permis? Est-ce que ce sont des permis qui ont été achetés à des pêcheurs ou encore des nouveaux permis délivrés par le ministre?
M. Moore: Dans le cadre de la Stratégie sur les pêches autochtones, c'est le ministre qui délivre des permis communaux aux parties à l'entente en application de la Loi sur les pêches. Les quotas ou permis prévus dans les ententes en question sont parfois une combinaison d'achats fait auprès de la flottille commerciale, parfois d'une combinaison de ces achats et des pêcheries historiques. Ce sont souvent de tels mélanges. Cela s'inscrit dans les négociations, et c'est différent pour chacune des pêcheries.
Le président: Qui décide qui obtiendra les divers permis?
M. Fortier: Je sais que, dans le cas du bas Fraser, pour les ententes conclues à propos de pêcheries pilotes, certains éléments comme le moment où on peut pêcher et les stocks qu'on peut pêcher sont toujours négociés au préalable. Les gens dans la partie inférieure avancent donc à ce moment-là qui peut pêcher dans quelle pêcherie, et quelle espèce. C'est une démarche qui fait appel aux gens qui adhèrent à une entente pilote sur les ventes, et ceux-ci doivent s'entendre non pas sur le nombre de poissons qu'ils pêcheront, mais plutôt sur la période durant laquelle ils pourront aller à la pêche. Cela est comparé aux quotas attribués, puis on essaie d'atteindre le quota à certains endroits, et c'est peut-être un demi-million de saumons sockeye, disons, selon ce qui a été négocié.
Le président: Est-ce que ce serait le directeur régional du MPO pour la Colombie-Britannique qui prendrait cette décision, ou encore un directeur régional local, ou un responsable encore plus «local» du MPO qui viendrait dire: «Négocions»? Quels mécanismes s'appliquent? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Fortier: Dans le cadre de la Stratégie sur les pêches autochtones, il y a des ententes de gestion qui portent sur des secteurs particuliers, par exemple une commission régionale de gestion pour une zone côtière ou un bassin hydrographique en particulier. Dans le cas des bassins hydrographiques, il y a des ententes qui exposent la façon dont une pêcherie est gérée et la composition d'une commission de gestion. C'est ce que nous appelons une entente bilatérale, entente qui précise qui doit se trouver à la table, quelles questions doivent être abordées et comment les comités seront structurés dans le cadre d'une commission régionale de gestion ou en ce qui concerne un bassin hydrographique. Le fonctionnement de l'organisation ou au sein de la région est alors associé à une valeur en argent. Ensuite, on négocie séparément avec les groupes tribaux. Même s'il peut y avoir jusqu'à six groupes tribaux à l'intérieur d'un bassin ou d'une région, il faut encore composer avec l'allocation établie pour des communautés individuelles aussi bien que pour les communautés tribales collectives.
Le président: Monsieur Fortier et monsieur Moore, au nom du comité, je vous remercie d'avoir contribué à la progression de nos travaux. Votre exposé a été des plus intéressants.
Avez-vous une dernière chose à dire avant que nous terminions?
M. Fortier: Oui. Pour que nous ayons de meilleurs rapports avec les sénateurs qui font partie du comité, j'inviterais le président et le coprésident à venir nous voir et à participer à certains aspects de notre assemblée générale annuelle, qui aura lieu du 16 au 18 février 1999, à Kelowna. Sénateurs, si vous voulez accompagner les coprésidents et voir ce qui se passe en Colombie-Britannique afin de mieux comprendre les pêcheries, vous êtes les bienvenus. Ce sont trois journées de discussions amicales et animées à propos de la gestion des pêches dans la province.
Le président: Voilà une invitation faite avec bonne grâce et qui, si je me fie aux sourires qui s'affichent autour de la table, est d'ores et déjà envisagée avec sérieux.
Merci beaucoup.
La séance est levée.