Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Pêches
Fascicule 19 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 6 mai 1999
Le comité sénatorial permanent des pêches, auquel a été renvoyé le projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières et la Loi sur la marine marchande du Canada afin de mettre en oeuvre, d'une part, l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs et, d'autre part, d'autres ententes ou traités internationaux en matière de pêche, se réunit ce jour à 8 h 45 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous étudions ce matin le projet de loi C-27. Nos premiers témoins nous viennent du ministère des Pêches et des Océans.
Monsieur Wiseman, la parole est à vous.
M. Earl Wiseman, directeur général, Direction générale des affaires internationales, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans: Je suis accompagné aujourd'hui de M. Howard Strauss et de Mme Nadia Bouffard. Je profite de cette occasion pour vous donner un aperçu du projet de loi C-27. Monsieur le président, dans votre introduction vous avez lu le titre intégral du projet de loi, qui comprend le titre complet de l'accord des Nations Unies. Plutôt que d'utiliser ce long paragraphe, nous avons décidé, au Canada, de l'appeler l'Accord sur le poisson des Nations Unies, ou APNU. Il est plus facile d'utiliser cette expression lors des discussions portant sur le projet de loi et sur l'accord des Nations Unies.
L'APNU est l'aboutissement des efforts déployés par de nombreux Canadiens et Canadiennes qui ont travaillé d'arrache-pied pour atteindre un objectif important pour lequel le Canada a lutté longtemps. C'est une percée dans le droit international et un important moyen de dissuasion contre la surpêche en haute mer. Le projet de loi a pour but de mettre en oeuvre l'accord des Nations Unies dans la perspective du droit national. L'accord est intervenu par suite de problèmes de surexploitation des stocks en haute mer, au large de la côte est du Canada.
Toutefois, il est également intervenu parce que ces problèmes n'existaient pas seulement au large des côtes du Canada, mais aussi au large des côtes de nombreux autres États côtiers. Un consensus clair et net se dégageait à l'effet qu'il fallait faire quelque chose. Il n'a pas été facile d'obtenir ce consensus. Encore une fois, ce fut une initiative canadienne qui a motivé et orienté l'obtention de ce consensus.
Depuis les années 50, les Canadiens ressentent les répercussions des flottes qui se livrent à une pêche extensive au large de nos côtes en haute mer et dans les eaux lointaines. Peu après la Seconde Guerre mondiale, avec l'avènement des nouvelles technologies modernes, nous n'avions plus la flotte blanche du Portugal au large de nos côtes avec ses petits doris pour pêcher le poisson. Nous avions de gros chalutiers-usines capables d'attraper de très grosses quantités de poisson et de les transformer sur place.
Les Grands Bancs ont été essentiellement redécouverts et une armada virtuelle de bateaux arrivant des quatre coins du globe est venue profiter des stocks de poisson présents ici. Au Canada, nous avons pris conscience des incidences de cette importante activité de pêche sur les populations halieutiques. Nous avons effectué de nombreuses recherches et nous avons pris des mesures très fermes pour essayer d'exercer certains contrôles sur ces activités de pêche. Des pourparlers ont eu lieu tout au long de l'élaboration de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dans le cadre de laquelle nous avons, en fait, au moins réussi à créer une zone de 200 milles. Nous avons pu faire reculer les bateaux à 12 milles des côtes du Canada alors que précédemment ils pouvaient pêcher jusqu'à trois milles de nos côtes.
Le processus menant à l'accord des Nations Unies a été long, complexe et très difficile et a impliqué de nombreux compromis de la part de toutes les parties. Malheureusement, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer comportait encore des lacunes lorsqu'il s'est agi de parler des problèmes des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs. Les stocks chevauchants constituaient le véritable problème pour le Canada. Il s'agit de poissons qui vivent sur les Grands Bancs de Terre-Neuve, à l'intérieur des eaux canadiennes et juste au-delà de notre zone de 200 milles. Ils risquent d'être pêchés juste au-delà des 200 milles.
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer comportait une trop grande ambiguïté. Le Canada estimait qu'il était nécessaire de se concentrer sur cette ambiguïté et de voir si l'on ne pourrait pas faire davantage pour combattre le problème de la surpêche en haute mer et pour supprimer certaines des échappatoires.
Nous l'avons fait dans le cadre d'un effort concerté, qui a débuté à la fin des années 80, en développant un consensus chez les experts juridiques internationaux dans le domaine du droit de la mer quant à la présence d'un véritable problème concernant les stocks chevauchants et à la nécessité prendre des mesures. Nous l'avons fait par une approche à trois volets, ce que nous appelons nos initiatives diplomatique, juridique et de relations publiques.
L'initiative de relations publiques a encore des répercussions sur nous aujourd'hui, par le fait que bon nombre des perceptions que les gens, au Canada, avaient des problèmes de surpêche étrangère sont celles qui ont été décrites à la fin des années 80 et au début des années 90. Par suite du succès de notre campagne nationale d'information du public, certaines personnes estiment malheureusement que c'est encore une description appropriée de la situation qui prévaut aujourd'hui. Elle est nettement différente de ce qu'elle était à la fin des années 80.
L'initiative diplomatique consistait à essayer de faire passer ces mêmes messages aux gouvernements dans le monde entier, en particulier à ceux qui auraient de l'influence pour essayer de faire avancer notre cause.
L'initiative juridique était une tentative visant à créer de nouveaux instruments juridiques. L'APNU a été le point culminant de cette initiative juridique. Il a vraiment débuté avec un petit groupe de gens, et je crois savoir que l'un d'entre eux viendra témoigner devant vous la semaine prochaine.
Pour mettre ce sujet à l'ordre du jour des tribunes internationales, le Canada a organisé une conférence d'experts juridiques internationaux à St. John's en 1990. Nous avons réussi à amener la question de la surpêche en haute mer sur la table pour en parler au Sommet de Rio, à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement en 1992. Il en est ressorti une recommandation à l'effet que les Nations Unies devraient convoquer une réunion pour discuter de ce problème. Nous avons réussi à orienter ce processus des Nations Unies jusqu'à obtenir un accord réel. Nous avons fait face à une forte résistance pour obtenir un accord exécutoire. Les intervenants étaient davantage intéressés à formuler une résolution ou une directive générale, quelque chose de beaucoup plus modéré.
Nous savions que cela ne suffirait pas à répondre à nos préoccupations et nous avons réussi à obtenir un consensus en vue d'élaborer un accord international, qui a été conclu en août 1995. Il a été signé le 4 décembre 1995.
Durant tous ces pourparlers, nous ne savions pas dans quelle mesure nous réussirions à obtenir un accord; cela aurait pu donner lieu à une résolution. Nous avons donc poursuivi nos efforts sur d'autres tribunes internationales comme la FAO. Nous avons réussi à obtenir l'Accord sur le respect des mesures de la FAO, qui est un accord garantissant le respect des lois internationales par tout bateau pêchant en haute mer. Un État du pavillon doit exercer un contrôle sur ses bateaux et savoir ce qu'ils font. Nous avons également travaillé d'arrache-pied à la FAO pour élaborer le code de conduite pour une pêche responsable.
J'ai fait circuler plus tôt une pile de documents qui énoncent bon nombre des principes de base et des antécédents de l'Accord des Nations Unies, et je ne passerai pas cette documentation en revue. Je ferai peut-être quelques commentaires généraux sur la signification de l'Accord sur le poisson des Nations Unies pour le Canada.
Comme je l'ai mentionné, il confère un certain contexte à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer pour une collaboration en matière de gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs. Il n'aborde que ces deux types de stocks. Il ne s'occupe pas du saumon et il ne s'occupe pas non plus de l'élargissement des compétences. Il n'aborde que la collaboration en matière de gestion des stocks chevauchants ceux dont le milieu naturel chevauche la zone de 200 milles d'un État côtier, et des stocks de poissons grands migrateurs, qui représentent une modeste catégorie de stocks de poissons qui se déplacent rapidement sur une très grande distance. Il s'agit de poissons comme le thon et l'espadon, par exemple.
Le projet de loi des Nations Unies lui-même est divisé en sept parties. Il commence par des principes généraux, à savoir que les parties signataires à l'accord consentent à adopter des mesures pour garantir la durabilité à long terme des ressources et promouvoir l'utilisation optimale de ces ressources. Les parties doivent utiliser les meilleures preuves et données scientifiques disponibles. Elles doivent appliquer le principe de prudence et l'accord des Nations Unies explique ce qu'est le principe de prudence un peu plus en détail, peut-être, que ce fut le cas dans tout autre instrument international.
Il souligne la nécessité d'une compatibilité entre les mesures de conservation et de gestion prises pour la haute mer et celles fixées par l'État côtier. C'est un facteur très important pour le Canada par le fait que les activités en haute mer ne peuvent pas saper les activités de conservation des États côtiers. Ce sera une obligation clé pour les parties qui ratifieront l'accord des Nations Unies.
La deuxième partie de l'accord des Nations Unies parle de coopération, de conservation et de gestion directement par le biais d'organisations régionales de gestion des pêches.
La troisième partie, assez novatrice, prévoit que même les pays non membres de ces organisations régionales de gestion, s'ils sont partie à l'APNU, sont liés par les mesures de conservation élaborées par ces organisations régionales de gestion des pêches. Ainsi, par exemple, le Canada n'est pas membre de la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est (CPANE), qui gère les stocks de poisson principalement dans la mer du Nord. Toutefois, si un bateau canadien venait à y pêcher, en tant que partie à l'APNU, le gouvernement du Canada devrait s'assurer que le bateau a pêché en respectant intégralement les règles établies par la CPANE. C'est un outil très important et novateur pour garantir que la pêche en haute mer soit contrôlée et soit conforme aux mesures mises en place par l'organisation régionale responsable de la gestion des pêches.
Le quatrième élément de l'APNU aborde la transparence des activités des organisations régionales de gestion des pêches. Elles doivent être ouvertes et des travaux sont en cours à l'heure actuelle au sein de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest (OPANO) et de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA). Le Canada est membre de ces deux organisations, qui sont toutes les deux importantes pour notre industrie sur la côte est. Des travaux sont en cours au sein de ces deux organisations pour les rendre plus ouvertes et plus transparentes face aux autres organismes gouvernementaux et organisations non gouvernementales. Une plus grande coopération scientifique est demandée.
Une autre clause importante, la clause 5, traite des obligations des États du pavillon. Elle énonce plus clairement leurs responsabilités. Ils doivent exercer un contrôle sur leurs bateaux, ils doivent s'assurer que leurs bateaux respectent les règles de pêche et ne sapent pas les règles de pêche, et ils doivent prendre des mesures pour faire appliquer ces règles.
Les modalités d'observation et d'application sont énoncées dans la sixième partie de l'APNU. C'est la seule qui exige une loi canadienne et le projet de loi C-27 aborde vraiment cet aspect de l'observation et de l'application.
Les autres aspects de l'APNU peuvent être mis en vigueur par le biais d'une politique. Nous avons réexaminé toutes nos politiques étrangères et nationales pour nous assurer qu'elles seront en harmonie avec nos obligations en vertu de l'APNU lorsque nous ratifierons cet accord.
Le dernier élément de l'APNU -- et probablement l'un des plus importants parce qu'il constitue un important moyen de dissuasion à l'égard des activités illégales en haute mer -- est un mécanisme obligatoire et exécutoire de règlement des différends. Si une partie estime qu'une autre partie se comporte d'une façon non conforme à ses obligations, elle peut amener cette dernière devant un jury ou un tribunal indépendant de règlement des différends, et l'autre partie doit y participer.
L'accord compte actuellement 59 signataires. La plupart d'entre eux ont signé vers la fin de 1995-1996. L'accord exige 30 ratifications pour entrer en vigueur. À l'heure actuelle, 21 États l'ont ratifié, dont les États-Unis, la Russie, la Norvège et l'Islande, également membres tous les quatre de l'OPANO. Le Canada espère se joindre bientôt à cette liste. Avec l'adoption du projet de loi C-27 et des règlements y afférents, nous serons en mesure de ratifier l'accord des Nations Unies.
L'Union européenne a fait part de son intention de le ratifier d'ici la fin de l'année. Lorsque l'Union européenne l'aura ratifié, cela signifiera 15 ratifications supplémentaires parce que les États membres le ratifieront. Cela nous fera passer la barre des 30 États nécessaires et signifiera que l'accord des Nations Unies entrera en vigueur dans les 30 jours.
Le projet de loi C-27 a pour but principal de mettre en pratique nos obligations en vertu de l'APNU, surtout en ce qui a trait à l'observation et à l'application. Il ne modifie pas l'actuelle Loi sur la protection des pêches côtières -- il l'élargit dans certains secteurs et y ajoute des éléments -- mais c'est un outil supplémentaire.
Le deuxième but du projet de loi vise à nous permettre d'appliquer d'autres traités internationaux en matière de pêche et à assumer d'autres obligations internationales que nous pourrions accepter à l'avenir à propos de la pêche en haute mer.
Le troisième but du projet de loi consiste à donner des précisions et à accorder des pouvoirs à nos gardes-pêche pour prendre des mesures appropriées concernant les bateaux ne battant pavillon d'aucun État que l'on peut trouver en haute mer.
Bon nombre des fonctions de l'APNU sont nouvelles et novatrices en droit international et nous devons nous assurer qu'elles sont traduites avec précision dans la pratique afin que les gardes-pêche canadiens puissent remplir nos exigences en assumant ces obligations dans le cadre de l'APNU.
Nous discuterons plus en détail des principes du projet de loi lorsque nous arriverons à l'étude article par article. Le projet de loi crée des interdictions applicables pour s'occuper de l'APNU, d'autres accords et des bateaux sans nationalité. Ces interdictions s'appliquent aux régions hauturières gérées par des organisations régionales de gestion du poisson. Elles créent des interdictions concernant les règles de pêche qu'il faut suivre pour la pêche hauturière. Ces règles sont généralement celles de l'organisation régionale de gestion des pêches.
Le projet de loi étend la portée des pouvoirs d'application en vigueur, conférés dans la Loi sur la protection des pêches côtières, à ces nouvelles interdictions, sous réserve de certaines dispositions énoncées dans nos obligations en vertu de l'APNU. Ces dispositions sont l'inspection, la fouille, la saisie, et cetera.
Le projet de loi prévoit un pouvoir de réglementation, qui énumère les États auxquels le régime de l'APNU s'appliquera ou les États auxquels tout autre accord ou initiative international s'appliquera. Il décrira les règles de pêche, les zones d'application de ces règles et les éventuelles modalités concernant la façon dont les gardes-pêche devraient agir pour exécuter leurs fonctions.
Enfin, le projet de loi C-27 contient quelques autres points ayant trait à nos obligations pour la mise en application de l'APNU. Le premier est le paragraphe 7.01 qui est un pouvoir d'arraisonner un bateau étranger repéré en haute mer, pas par suite d'une prise en chasse, mais parce qu'il peut avoir été vu pêchant illégalement dans la zone canadienne. Avec l'adoption du projet de loi, nous aurons le pouvoir, en vertu du paragraphe 7.01, d'arraisonner ce bateau et de prendre les mesures appropriées avec le consentement de l'État.
Les autres questions abordées dans le projet de loi sont destinées à fournir une réciprocité. Non seulement le Canada donne-t-il à ses gardes-pêche des pouvoirs de prendre des mesures pour remplir nos obligations, mais nous autorisons également les autorités étrangères chargées de l'application de la loi à prendre des mesures contre les bateaux canadiens qui ne respectent pas les règles de pêche en dehors des eaux canadiennes.
Nous suivrons les procédures de l'APNU mais, si nous jugeons qu'il est approprié de livrer un bateau à une autorité non canadienne pour un certain acte qui pourrait s'être déroulé, nous aurons le pouvoir de le faire en vertu de l'accord des Nations Unies.
Enfin, un amendement à la Loi sur la marine marchande du Canada, contenu dans le projet de loi C-27, permet la suspension ou l'annulation du certificat de capitaine ou de marin canadien de toute personne qui pourrait pêcher sur un bateau contrevenant aux règles de pêche de l'APNU. Ceci nous donne le pouvoir, non seulement de nous occuper des bateaux battant pavillon canadien, mais également de fournir une orientation claire et un moyen de dissuasion aux nationaux canadiens pour ce qui est de participer à toute activité qui pourrait s'avérer contraire à l'accord des Nations Unies.
Ceci termine mes remarques liminaires, et mes collègues et moi-même seront heureux de répondre à vos éventuelles questions.
Le sénateur Stewart: Nous avons en mains certains documents. Les personnes qui regardent peut-être les délibérations de notre comité n'ont pas ces documents. En conséquence, certaines de nos questions pourraient déclencher des réponses qui sont évidentes d'après les documents que nous possédons, mais qui ne le sont pas pour les téléspectateurs.
Je tiens tout d'abord à féliciter M. Wiseman pour un énoncé des buts du projet de loi que je qualifierais de très concis et succinct. Si seulement tous les exposés des projets de loi étaient aussi bons.
Ma première question aborde un sujet auquel M. Wiseman a fait brièvement allusion, et je la poserai de nouveau pour m'assurer que la réponse figure clairement au procès-verbal.
Ai-je raison de penser que le projet de loi ne s'applique pas dans la zone côtière des 200 milles du Canada et qu'il s'applique au-delà?
M. Wiseman: C'est exact.
Le sénateur Stewart: Y a-t-il des bateaux étrangers qui pêchent dans notre zone côtière de 200 milles? Si oui, sur la base de quel traité ou de quel arrangement?
M. Wiseman: À l'heure actuelle, je crois qu'il pourrait y avoir trois bateaux cubains qui pêchent à l'intérieur de la zone de 200 milles du Canada. Ils pêchent en vertu d'un accord bilatéral signé entre le Canada et Cuba. Ils pêchent également en respectant la Loi sur la protection des pêches côtières et ses règlements.
En fait, les Cubains pêchent pour des entreprises canadiennes. Les Cubains n'ont pas de quota pour le merlu argenté qu'ils prennent au large de la côte de la Nouvelle-Écosse, mais les entreprises canadiennes ont un quota.
Le sénateur Stewart: En conséquence, est-il possible pour un Néo-Écossais, par exemple, de passer un marché avec un bateau étranger en vue de pêcher dans la zone côtière de 200 milles et de livrer les prises à l'entreprise qui est son employeur?
M. Wiseman: Depuis de nombreuses années, nous avons au Canada ce que nous appelons des pêches de développement. C'est uniquement dans ces pêches de développement, des pêches pour lesquelles nous n'avons pas eu beaucoup d'intérêt ou d'expérience de la part du Canada en matière de pêche, qu'il y a une ressource disponible pour exploitation. Dans le but de développer une capacité de prise et de transformation au Canada pour développer ces pêches, nous avons autorisé l'affrètement de bateaux étrangers.
Il ne reste plus qu'une seule pêche de développement sur la côte est du Canada et c'est celle du merlu argenté. Dans le passé, il y avait des pêches de développement au Groenland, pour le flétan et la crevette.
Le sénateur Stewart: La région est-elle connue sous le nom de «zone de chevauchement» définie précisément en termes géographiques plutôt qu'en termes de déplacement des poissons?
M. Wiseman: Sur la carte derrière moi, le ligne rouge indique notre zone de 200 milles. Par définition, tout stock de poisson qui vit en partie dans la zone de 200 milles du Canada et en partie à l'extérieur est un stock chevauchant. Divers stocks ont des habitats différents dans des régions différentes des bancs. La proportion d'un stock qui chevauche peut être plus élevée pour certains stocks que pour d'autres. L'explication la plus simple est que tout stock qui est présent des deux côtés de la ligne est un stock chevauchant.
Le sénateur Stewart: Vous avez dit espérer sérieusement que les pays de l'Union européenne ratifieront cet accord. Cette ratification sera-t-elle effectuée par les États individuellement ou au nom de l'Union européenne dans son ensemble? Tous les États membres de l'Union européenne le ratifieront-ils?
M. Wiseman: Le Traité de Rome confère certains pouvoirs à la Commission de l'Union européenne. L'un de ces pouvoirs est la responsabilité de la gestion des pêches internationales. Un autre est la responsabilité de l'administration de la Politique commune de la pêche, qui gère les stocks halieutiques au sein de l'Union européenne. Elle est unique parmi un certain nombre d'autres instruments juridiques qui existent au sein de l'Union européenne.
Par conséquent, au sein de l'Union européenne, le membre de l'OPANO est la Commission européenne. L'Union européenne ne dispose que d'un seul vote au sein de l'OPANO. Dans le passé, les pays de l'Union européenne étaient membres de ces organismes. Lorsque l'Espagne et le Portugal ont adhéré à l'Union européenne en 1986, par exemple, ils ont dû abandonner leur adhésion comme État individuel car ils sont devenus membres de l'Union européenne. Toutefois, étant donné que l'APNU aborde les pouvoirs des États du pavillon, comme celui de contrôler les bateaux, l'Union européenne n'a pas ce pouvoir. Le pouvoir de l'Union européenne consiste principalement à négocier les ententes d'accès et les conditions de pêche. Elle n'exerce pas un contrôle direct sur les bateaux. Même au sein du réseau de l'Union européenne, cela incombe aux États du pavillon.
En Europe, la compétence est mixte. Par conséquent, la ratification de l'accord des Nations Unies sera faite individuellement par les États membres, assumant les obligations de l'État du pavillon, et par la Commission européenne, assumant son obligation de gestion plus large. Ils vont tous le ratifier et ils ont déjà décidé, en conseil des ministres des Pêches, de le ratifier ensemble. Ce n'est plus qu'une question d'attendre que tous les États membres prennent les mesures administratives ou législatives appropriées afin de pouvoir effectuer la ratification. Nous espérons que cela arrivera plutôt tôt que tard.
Le sénateur Stewart: La deuxième partie de ma question concerne le jury ou le tribunal auquel peuvent être référées les causes controversées.
L'Union européenne participera-t-elle à ce jury comme une seule entité ou bien les États membres de l'Union européenne y participeront-ils individuellement? Je suis certain que vous comprenez mon inquiétude. Si plusieurs membres de l'Union européenne siégeaient à ce jury, il serait futile de renvoyer une question controversée devant ce jury, indépendamment de ce qu'aurait pu dire ou faire l'Union européenne, par son porte parole à Bruxelles. Pourriez-vous clarifier ce problème?
M. Howard Strauss, directeur, Direction du droit économique, des océans et de l'environnement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Honorables sénateurs, lors de la constitution des jurys, les parties s'entendent habituellement sur leur composition. S'il s'agit d'un jury de trois membres, une partie nomme une personne, l'autre partie en nomme une autre et elles s'entendent sur le troisième ou, autrement, les trois personnes pourraient être choisies sur une liste commune. Il y a une pratique établie pour former ces jurys et le tout se déroule de façon équitable.
Le sénateur Stewart: En cas de controverse, entre les pêcheurs canadiens et les pêcheurs espagnols, par exemple, qui serait la partie non canadienne? Serait-ce l'Espagne ou l'Union Européenne?
M. Strauss: Cela dépendrait de l'enjeu. S'il s'agit d'une question d'application de la loi, ce serait vraisemblablement l'Espagne. S'il s'agit d'une question de quota, ce pourrait bien être la Commission européenne. Il existe une compétence fractionnée. Lorsque l'Union européenne et les États membres ratifieront l'accord, ils devront préciser quelles sont les compétences.
[Français]
Le sénateur Robichaud: On a souvent reproché au gouvernement de ne pas avoir proclamé ou mis en place des mesures pour proclamer la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et vous avez soulevé brièvement qu'il y avait ambiguïté. Si je comprends bien, le projet de loi C-27, va éliminer ou éclairer ces ambiguïtés?
[Traduction]
M. Wiseman: C'est exact. L'une des difficultés que nous avons rencontrées avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer c'est qu'elle comportait ces ambiguïtés et ces lacunes dans le secteur d'importance cruciale pour le Canada. Dans le but d'être à l'aise avec la ratification de la Convention sur le droit de la mer, nous voulions que ces lacunes soient comblées, et c'est ce que fait l'APNU. Il n'est pas parfait mais il a réalisé de grands progrès pour ce qui est de s'attaquer à certaines de nos principales inquiétudes concernant la Convention sur le droit de la mer. Par conséquent, nous attendons avec impatience la ratification de l'Accord sur le poisson des Nations Unies pour nous assurer que ces lacunes seront comblées.
Le sénateur Robichaud: Si nous avions eu l'APNU à l'époque de la guerre du flétan noir, qu'est-ce qui aurait été différent?
M. Wiseman: Si l'Union européenne, l'Espagne et le Canada avaient été parties à l'APNU, nous aurions identifié le différend. Il aurait pu être identifié durant le processus. Des flottes de l'Union européenne se livraient à des activités de pêche depuis un certain nombre d'années. Ces activités inquiétaient le Canada. Ces problèmes auraient pu être identifiés comme des différends et résolus dans les années 80. Par ailleurs, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase a été l'objection de l'Union européenne aux quotas de flétan noir fixés par l'OPANO en 1995. Nous aurions pu amener cette question au niveau du règlement des différends, si nous estimions que l'objection allait devenir une menace pour la conservation et allait saper le régime de conservation établi par l'OPANO. À notre avis, cela aurait engendré les deux situations et nous aurions eu un mécanisme exécutoire de résolution des différends pour solutionner ce problème avec l'Espagne avant de donner lieu à d'autres mesures et à d'autres activités de pêche.
C'est la raison pour laquelle c'est un moyen de dissuasion si puissant d'avoir ce mécanisme exécutoire de règlement des différends. Si une partie sait que ses actes peuvent être contestés, elle sera prudente avant d'agir d'une façon qui pourrait être jugée non conforme à ses obligations internationales.
Par conséquent, cela réduit la portée des actes extrêmes que peut poser n'importe quelle partie et il y aura une possibilité plus ciblée pour les parties de résoudre les problèmes. En cas d'impossibilité, il y aura une occasion de cerner le problème et de demander une décision d'un tiers quant à la façon de résoudre le problème.
Le sénateur Robichaud: Vous avez parlé des stocks chevauchants. Nous parlons du nez et de la queue des Grands Bancs. Qu'en est-il du Bonnet Flamand?
M. Wiseman: Un stock chevauchant doit être examiné dans sa pleine aire de répartition. Il n'y a qu'un seul stock qui a été identifié comme vivant à l'intérieur des eaux canadiennes et dont la biomasse s'étend au-delà du nez du Grand Banc, dans la zone 3L et dans la zone 3M. La zone 3M est le Bonnet Flamand et le stock est le flétan noir. Le Canada a désigné le flétan noir comme stock chevauchant dans les zones 3LMNO. Il y a aussi des stocks homogènes qui vivent sur le Bonnet Flamand. Il s'agit des stocks de morue, de sébaste et de crevette. Ces stocks sont actuellement gérés par l'OPANO mais ils sont considérés, pour le moment, comme des stocks homogènes. L'Accord sur le poisson des Nations Unies ne s'applique pas à ces stocks.
Le sénateur Robichaud: L'accord s'appliquerait-il parce que ces stocks sont gérés par des organisations régionales?
M. Wiseman: C'est une question que nous aborderons avec l'OPANO. Nous verrons si les membres de l'OPANO sont disposés à appliquer les principes et les pratiques de l'accord des Nations Unies, qu'ils seront tenus d'appliquer aux stocks chevauchants, aux quelques rares stocks homogènes qui sont également gérés par eux. Ce problème n'a pas été résolu, et nous ne sommes pas non plus pressés de le faire maintenant. Ce qui nous intéresse, c'est de ratifier l'accord des Nations Unies et de le faire ratifier par les autres parties à l'OPANO. Nous voulons que l'accord entre en vigueur, ensuite nous travaillerons à sa mise en oeuvre et nous nous appuierons sur lui pour mettre en place des régimes efficaces de gestion du poisson.
Le sénateur Robichaud: Pour que cet accord s'applique, toutes les parties à l'OPANO devront consentir à l'existence d'un plan de gestion de ces stocks, ou bien y en a-t-il déjà un en vigueur?
M. Wiseman: Un accord et des mesures sont déjà en place. L'OPANO a déjà des mécanismes complets de gestion et d'application. La portée de l'accord des Nations Unies concerne seulement les stocks chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs.
Le régime de l'OPANO, qui a été mis en place après 1995, après la crise du flétan noir, se retrouve en grande partie dans l'APNU. Bon nombre des mesures et des modalités contenues dans l'APNU sont en vigueur à l'OPANO depuis 1995. Ce fut le résultat de l'entente entre le Canada et l'Union européenne (UE) pour mettre fin à la crise du flétan noir.
À maints égards, l'OPANO est en avance sur la plupart des organisations régionales de gestion des pêches. L'OPANO a peut-être servi de modèle pour rédiger certaines des dispositions de l'APNU. Tout cela -- la conclusion des négociations des Nations Unies et également l'entente Canada-UE pour mettre fin à la guerre du flétan noir -- s'est passé en 1995. Tout est vraiment arrivé ensemble, même s'il y a un chevauchement important. Par conséquent, les principes destinés à couvrir les stocks homogènes du Bonnet Flamand existaient déjà dans l'OPANO. Il y a simplement quelques autres critères contenus dans l'accord des Nations Unies qui ne se retrouvent pas encore dans le contexte de l'OPANO pour les stocks homogènes.
Le sénateur Robichaud: Vous avez mentionné que nous avions le droit d'arraisonner un bateau en haute mer si nous le soupçonnons d'avoir pêché dans nos eaux. Cependant, nous avons besoin de la permission de l'État. Qu'advient-il si nous n'obtenons pas cette permission?
M. Wiseman: C'est une disposition insignifiante du projet de loi. Il est important de revenir en arrière et de comprendre le contexte des événements. En vertu de la Loi sur la protection des pêches côtières, si un bateau étranger est repéré en train de pêcher illégalement dans les eaux canadiennes, nous avons le droit de l'arraisonner et de le saisir sans le consentement de l'État côtier. Il se trouve dans nos eaux.
En vertu de l'APNU, nous avons le droit d'arraisonner un bateau en haute mer, sans le consentement de l'État côtier, pour l'inspecter et établir s'il pêche conformément à ses obligations internationales ou aux règles de l'organisation régionale de gestion des pêches.
Le sénateur Robichaud: Cela s'applique à un État qui est signataire de l'accord.
M. Wiseman: C'est exact. Toutes ces mesures touchent les parties à l'accord. L'incident auquel vous avez fait référence existe déjà en droit coutumier international. Toutefois, nous n'avons pas, dans notre propre droit canadien, donné le pouvoir à nos agents des pêches de le faire. S'ils n'ont pas le pouvoir d'entreprendre certaines actions, ils peuvent être responsables si un incident fâcheux se produit. Par conséquent, nous devons conférer les pouvoirs aux agents des pêches afin qu'ils puissent assumer leurs fonctions et être protégés personnellement.
C'est pour cette raison que nous avons proposé le paragraphe 7.01. Il traite du concept du droit international. Disons que nous voyons un bateau étranger pêcher dans les eaux canadiennes. Nous le repérons par avion et nous appelons un patrouilleur dans la région. L'avion continue de survoler l'endroit, en gardant un oeil sur ce bateau de pêche. En temps et lieu, le patrouilleur s'approchera du bateau de pêche. Si ce dernier s'enfuit à l'extérieur de la zone de 200 milles, nous avons le droit de le suivre.
Le sénateur Robichaud: N'est-ce pas une prise en chasse?
M. Wiseman: Exactement. Nous avons le droit de le suivre, de l'arrêter, de l'arraisonner et de le saisir sans préavis ou sans le consentement de l'État du pavillon. Nous pouvons le faire. C'est une prise en chasse. L'incident dont nous nous préoccupons survient lorsqu'il n'y a pas de prise en chasse. Disons qu'un avion aperçoit un bateau de pêche à l'intérieur de la zone canadienne, mais il n'y a pas de patrouilleur canadien disponible à proximité. Supposons que l'avion ne puisse pas rester au-dessus, parce qu'il pourrait manquer de carburant. Dans ce cas, le contact n'est pas maintenu, ce qui est nécessaire pour effectuer une prise en chasse. L'avion retourne à sa base, mais il a signalé que le bateau «X» est soupçonné d'avoir pêché illégalement à l'intérieur de la zone canadienne à un jour donné. Disons que, quelques jours plus tard, un patrouilleur voit ce bateau à l'extérieur de la zone de 200 milles. En vertu du paragraphe 7.01 proposé, qui est une nouvelle disposition, il peut arraisonner le bateau, sans le consentement de l'État du pavillon, et prendre certaines mesures.
Dans le passé, nous aurions toujours pu demander à l'État du pavillon, dans de telles circonstances, si nous pouvions arraisonner le bateau parce que nous estimions qu'il pêchait illégalement dans nos eaux deux jours plus tôt. L'État du pavillon n'aurait pas été obligé de nous permettre d'aller de l'avant. Il nous aurait probablement dit tout simplement d'aller au diable et aurait trouvé un moyen quelconque de s'opposer à nos tentatives.
Toutefois, une partie à l'APNU, qui s'est engagée à respecter les règles, à contrôler ses bateaux et à s'assurer que les règles sont respectées, aurait beaucoup plus de difficulté à dire non, et nous espérons obtenir le consentement des États du pavillon pour le faire. S'ils n'y consentent pas, nous ferons beaucoup de tapage à ce sujet et nous continuerons par un autre moyen. Nous travaillons en vertu du droit international, qui exige le consentement de l'État du pavillon avant de pouvoir arraisonner un bateau.
Le sénateur Robichaud: Les 59 États qui ont signé l'accord sont-ils les États qui se livrent le plus à la pêche en haute mer? Est-ce que des États qui ne sont pas partie à l'accord pourraient poser un problème?
M. Wiseman: La plupart des principaux pays de pêche ont signé l'accord. La signature de l'accord n'implique que l'acceptation de principe de l'accord et signifie une intention de le ratifier. Toutefois, comme je l'ai mentionné, seulement 21 de ces 59 États l'ont ratifié jusqu'à présent. Parmi les États qui l'ont ratifié, quelques-uns des plus importants pays de pêche ne l'ont pas encore fait. Par exemple, la Chine ne l'a pas ratifié, pas plus que le Japon. Toutefois, comme je l'ai dit, les États-Unis et la Russie l'ont ratifié, et ce sont de grandes nations de pêche.
Le sénateur Stewart: Nous parlons de ratification. Si je comprends bien, la ratification est ce que l'on appelle en droit un acte de gouvernement. Toutefois, elle ne signifie pas, dans le cas du Canada par exemple, que le Canada a accepté d'apporter les changements à ses lois nationales qui peuvent être exigés pour donner effet à la ratification. Est-ce exact?
Dans le cas des États que vous avez cités comme ayant ratifié l'accord, ont-ils obtenu le soutien législatif approprié pour faire entrer leur ratification en vigueur, à l'heure actuelle?
M. Strauss: L'acte de ratification est un acte international qui, en droit international, oblige un État à honorer ses obligations vis-à-vis des autres États en vertu du traité. Dans le cas de l'APNU, il existe un mécanisme que les autres parties à cet accord particulier peuvent utiliser. Il existe une clause d'arbitrage obligatoire et exécutoire.
Peu nous importe en réalité ce que l'État qui ratifie doit faire chez lui pour honorer ses obligations internationales. S'il ne le fait pas, nous le traînons devant le tribunal.
Pour de nombreux États civils, par exemple, lorsqu'ils ratifient l'accord, ce dernier devient souvent un élément de leur droit national.
Le sénateur Stewart: C'est le cas automatiquement.
M. Strauss: Oui. Pour d'autres États, il faut un autre processus. Dans notre cas, lorsque nous souhaitons ratifier, si une nouvelle loi est nécessaire, elle doit être adoptée par le Parlement.
En fin de compte, ce qui nous importe c'est que les États ont signé et ratifié l'accord. Ils ont pris un engagement international. Le traité est en vigueur et nous nous tournons ensuite vers le gouvernement pour faire ce qu'il doit a à faire en vue d'honorer ses obligations.
Le sénateur Stewart: Toutefois, vous admettrez que la ratification peut être simplement une déclaration juridique exécutoire qui reflète la bonne intention d'un État, mais que le gouvernement au pouvoir dans un pays donné peut ne pas être en position de respecter sa promesse parce que l'assemblée législative dit non.
M. Strauss: Notre pratique est de ne pas ratifier à moins d'avoir adopté la loi.
Le sénateur Stewart: Je comprends la situation canadienne.
M. Strauss: Il se peut que d'autres États, pour une raison ou une autre, ne puissent pas se conformer à leurs obligations internationales. Le recours normal est d'aller devant les tribunaux.
Dans ce cas, en ce qui concerne l'APNU, il y a également une autre dimension très importante et unique. Chaque État qui est partie à l'APNU peut, en effet, s'assurer que le traité est mis en oeuvre. Par exemple, nous aurions le droit d'arraisonner et d'inspecter un bateau de pêche étranger sans la permission de l'État étranger. S'il n'y a pas de mise en application -- et s'il est clair qu'il n'y aura pas de mise en application de l'accord par l'État étranger -- nous avons le droit de poursuivre nous-mêmes les mesures de mise en application. Nous pouvons amener le bateau en cour. Nous pouvons continuer à enquêter. Il s'agit là de sanctions très efficaces et elles permettent de garantir la conformité avec l'APNU, même si un État étranger ne peut pas le faire.
Le sénateur Robichaud: Vous dites que 21 États ont ratifié l'accord. Ont-ils pris les mesures nécessaires dans leurs lois nationales, comme nous le faisons maintenant?
M. Wiseman: Dans bon nombre de ces États, l'appareil judiciaire se contente de subsumer dans leur droit national les conventions internationales qui sont ratifiées. En conséquence, ils n'ont rien à faire. C'est ce qui se passe dans la plupart des États de l'Union européenne.
L'engagement de signer fait de l'accord international un élément de leur droit national, et il peut même supplanter d'autres aspects du droit national dans certains pays.
Les États-Unis ont décidé que leur loi en vigueur est suffisante et qu'ils n'ont pas besoin de mettre en place des mesures supplémentaires. D'autres États ont fait voter des lois devant leur Parlement et, dans d'autres cas, ce sont simplement des modifications administratives à la loi qui sont mises en vigueur.
Je ne pense pas que nous ayons effectué une étude exhaustive de ce qui a été fait dans les divers pays, mais M. Strauss a peut-être quelques renseignements supplémentaires.
M. Strauss: Nous n'avons pas effectué d'étude exhaustive. M. Wiseman a parlé des États-Unis. Lorsque les États-Unis ratifient un traité, il fait partie intégrante de leur droit national. Je sais que la Russie a adopté une loi. En ce qui concerne un certain nombre des autres pays que nous suivons de près, nous savons que les traités qu'ils ratifient deviennent automatiquement un élément de leur droit national, ou nous savons qu'ils ont adopté une loi.
Le sénateur Stewart: Vous dites que lorsque les États-Unis signent un traité, il devient partie intégrante de leur droit national. Ai-je tort de penser que l'approbation de ce traité par le Sénat est nécessaire avant qu'ils puissent le ratifier?
M. Strauss: Cela a été fait.
Le sénateur Mahovlich: Vous avez mentionné que le Japon n'était pas consentant à reconnaître l'APNU. Ne l'a-t-il pas signé?
M. Wiseman: Il l'a signé, mais il ne l'a pas ratifié.
Le sénateur Mahovlich: En conséquence, nous ne pouvons pas arraisonner leurs bateaux, même si l'un deux est repéré au large de la côte ouest.
M. Wiseman: S'il se trouve à l'intérieur des 200 milles, oui, nous pourrions.
Il existe un autre accord international sur la côte ouest, appelé Commission des poissons anadromes du Pacifique Nord.
Le sénateur Mahovlich: Est-ce qu'il annulerait l'autre accord?
M. Wiseman: Non. C'est un accord d'une organisation régionale de gestion des pêches entre le Japon, le Canada, les États-Unis et la Russie stipulant qu'aucun de ces pays ne pêchera le saumon en haute mer. Nous nous sommes donné mutuellement le pouvoir d'arraisonner nos bateaux respectifs en vertu de cet accord.
Par conséquent, nous avions le pouvoir d'arraisonner le bateau japonais. Même si cet accord est en vigueur depuis de nombreuses années, nous n'avons pas eu le pouvoir au Canada, par voie législative, de donner à nos agents des pêches les droits d'arraisonner en haute mer jusqu'à l'adoption de l'APNU. Le projet de loi C-27 nous donnera non seulement le pouvoir de mettre en oeuvre l'APNU mais aussi de mettre en oeuvre certains de ces autres accords qui existent déjà afin que nos agents des pêches soient pleinement protégés pour assumer ces fonctions en haute mer.
Cet exemple est une pure coïncidence parce que vous avez mentionné un bateau japonais sur la côte ouest.
Le sénateur Mahovlich: Certains de mes amis sur la côte ouest m'ont dit avoir repéré quelques bateaux japonais. J'entends le même son de cloche de mes amis à Terre-Neuve. Ils disent avoir repéré quelques bateaux portugais de temps à autre. Le Portugal est-il impliqué dans l'OPANO?
M. Wiseman: Il y a des bateaux portugais qui pêchent sur le nez et dans la queue des Grands Bancs et sur le Bonnet Flamand. Le Portugal est membre de l'Union européenne et il a le droit de pêcher là. Lorsque l'Union européenne et le Portugal ratifieront l'accord, ils seront liés par l'APNU.
Nous avons déjà le droit d'arraisonner un bateau en vertu du régime de l'OPANO. Toutefois, nous ne repartons pas sur une bonne base à partir de rien du tout. Il existe dans le monde un certain nombre d'organisations régionales de gestion des pêches. Certaines d'entre elles ont de vastes régimes bien développés de contrôle, d'application et de gestion. Certaines d'entre elles ont des régimes très vagues.
L'APNU est un traité mondial et il essaie de rehausser la norme de tous ces accords. L'OPANO est le chef de file mondial. Elle dispose de certaines des meilleures mesures de gestion et des régimes les plus sévères de contrôle et d'application partout dans le monde. En conséquence, dans le cadre de cette organisation, il existe déjà, en particulier depuis 1995, un régime très strict de gestion et de contrôle dans l'Atlantique nord-ouest qui nous permet d'arraisonner des bateaux de membres de l'OPANO et de faire enquête. Toutefois, cela oblige les membres de l'OPANO à prendre certaines mesures si des infractions graves sont découvertes.
L'APNU lui-même est un accord cadre. C'est une vaste entente qui fixe une orientation pour les organisations régionales de gestion des pêches.
Le sénateur Mahovlich: J'ai une question concernant le projet de loi C-27. Nous donnons aux États étrangers le pouvoir de faire enquête sur nos bateaux de pêche à l'extérieur des eaux canadiennes, est-ce exact?
M. Wiseman: C'est exact.
Le sénateur Mahovlich: Qu'arrive-t-il s'ils décident que nous commettons un acte criminel? Prennent-ils le contrôle de nos bateaux pour les amener dans leurs bassins? Sommes-nous des prisonniers?
M. Wiseman: J'oserais espérer que non. En vertu de l'accord des Nations Unies, si l'on constate une infraction grave, il faut en avertir l'État du pavillon. Ce dernier dispose au maximum de trois jours pour répondre et pour remplir ses obligations en vertu de l'article 19 de l'accord visant à faire une enquête approfondie, à établir si une infraction a été commise et à prendre les mesures nécessaires pour faire appliquer les moyens administratifs ou judiciaires en vue de sanctionner le bateau.
Ce sont là les obligations d'un État du pavillon, si l'un de ses bateaux devait être trouvé coupable d'avoir pêché en contravention des règles de l'organisation régionale de gestion des pêches. Si nous arraisonnions un bateau étranger et si nous constations qu'il a pêché en contravention de ses obligations, après avoir averti l'État du pavillon, nous nous attendrions à ce qu'il envoie un inspecteur ou accepte notre preuve sur parole. Il rappellerait le bateau au pays pour y effectuer une inspection complète à son retour. Si les données sont là pour justifier une mise en accusation, l'État du pavillon poursuivrait le bateau qui subirait la sanction appropriée. C'est l'obligation d'un État du pavillon.
Si nous arraisonnions un bateau et si nous constations qu'un État du pavillon est disposé à assumer ses obligations en ramenant ce bateau au pays, ses obligations seraient remplies. Si un État arraisonne notre bateau et nous avertit que ce dernier a commis une infraction grave, nous assumerons nos obligations en tant qu'État du pavillon. Nous inspecterons ce bateau pour établir s'il a commis une infraction et nous le sanctionnerons au besoin. En autant que nous ferons cela, le bateau ne sera pas saisi.
Le sénateur Mahovlich: Autrement dit, nous punissons notre bateau.
M. Wiseman: Nous faisons cela parce que, en vertu du droit international, les États du pavillon sont responsables des activités de leurs bateaux. C'est encore plus sévère et plus clair en vertu de l'APNU. L'État du pavillon a la responsabilité de contrôler ses bateaux, de savoir ce qu'ils font et de s'assurer que leurs actes sont conformes aux règles de gestion et de conservation des pêches en vigueur.
J'aimerais toutefois ajouter simplement un autre point. Si l'État du pavillon ne répond pas dans les trois jours, nous avons le droit, en vertu de l'accord des Nations Unies, de ramener ce bateau au port pour effectuer une enquête exhaustive. De la même façon, si un autre État du pavillon arraisonnait un bateau canadien, en cas de non-réponse de notre part, il pourrait amener ce bateau au port.
Je n'utiliserai pas l'expression garder en captivité. Toutefois, en fait, ils saisissent le bateau. Ils détiennent le bateau jusqu'au moment où nous sommes disposés à remplir nos obligations. Ou bien nous pouvons adopter la position de dire qu'ils l'ont pris; il est loin là-bas; il n'a jamais été autorisé à être là-bas, alors allez-y et mettez-le en accusation.
Le sénateur Robichaud: Il y a un préavis de trois jours et ensuite une mesure que doit prendre l'État du pavillon. Durant cette période, le bateau cesse-t-il toute activité ou peut-il continuer à pêcher, si c'est en respectant les pratiques courantes?
M. Wiseman: Ce bateau peut continuer à pêcher. Toutefois, l'inspecteur qui est monté à bord, qui a établi qu'il y avait une infraction, peut rester à bord du bateau, continuer à enquêter, saisir et mettre de côté des preuves. Avec un inspecteur à bord du bateau, il est peu probable que des activités illégales de pêche se poursuivront. Il peut continuer à pêcher en autant qu'il respecte les règles.
Le président: Je voudrais revenir à deux ou trois points qui ont été soulevés pendant les questions du sénateur Mahovlich. L'une concernait le poisson anadrome sur la côte ouest, qui désigne, si je comprends bien, les espèces qui fraient en eau douce et vivent en haute mer. Vous donnez l'impression que le projet de loi C-27 offrirait, d'une certaine façon, une plus grande protection ou une plus grande capacité à ces stocks. Je crois comprendre que le saumon n'est pas concerné par le projet de loi C-27.
M. Wiseman: Vous avez raison, monsieur le président, et je suis désolé d'avoir pu laisser cette impression.
Le projet de loi C-27 s'applique à l'APNU, pour les stocks chevauchants, pour les espèces de poissons grands migrateurs. Il s'adresse également aux bateaux sans nationalité et aux traités ou accords internationaux que le Canada a signés ou signera à l'avenir. Cette dernière catégorie est très importante.
Nous avons un accord qui englobe les espèces anadromes. Avec cet accord et ce projet de loi, nous aurons donné le plein pouvoir d'agir à nos agents des pêches. Toutefois, cela ne fait pas vraiment partie du tout de l'APNU.
Le président: Vous avez fait mention d'un préavis de trois jours. Il ne figure pas dans le projet de loi proposé. Si je comprends bien, l'APNU parle de trois jours. Il ne mentionne pas trois jours ouvrables. Que se passe-t-il si cela arrive pendant les fêtes de Noël? Le délai sera-t-il prolongé à une semaine ou deux? Pourquoi la loi ne préciserait-elle pas tout simplement 48 heures ou 72 heures ou quelque chose de plus descriptif?
M. Wiseman: Monsieur le président, il y a une très bonne explication à cela. Tout d'abord, le paragraphe 21(6) de l'APNU précise trois jours ouvrables. Si cela arrive pendant les congés de Noël, nous avons un garde-pêche qui reste sur le bateau un peu plus de trois jours. L'État du pavillon a jusqu'à trois jours pour répondre. S'il veut répondre en 10 minutes, c'est très bien ainsi.
La raison pour laquelle cela ne figure pas dans le projet de loi est une bonne question.
Un examen de l'APNU sera effectué dans le cadre du processus. Certaines de ses composantes pourraient subir des modifications. Il pourrait y avoir une modification pour clarifier «trois jours ouvrables». Il pourrait y avoir une entente pour augmenter ou réduire le nombre de jours.
Si cela se produisait, nous devrions revenir devant le Parlement pour modifier notre loi. Par conséquent, nous avons décidé qu'il vaut mieux mettre la durée dans le règlement. Le règlement précisera «trois jours». Il ne mentionnera pas «deux jours», «48 heures» ou «72 heures»; il dira trois jours.
Le président: L'an dernier, le Canada a plaidé l'affaire Estai devant la Cour de justice internationale à La Haye. Le Canada a arraisonné le bateau espagnol Estai en 1995. Le Canada affirmait ne pas reconnaître la compétence de la Cour internationale de justice. Historiquement et traditionnellement, le Canada a-t-il prétendu que nous ne reconnaissons pas la compétence de la Cour internationale de justice? Cela pourrait avoir des ramifications importantes si nous continuons à avoir des problèmes avec les États-Unis à propos des stocks de saumon sur la côte ouest. Un jour, nous pourrions souhaiter nous présenter devant la Cour internationale de justice et affirmer que nous voulons amener ce dossier à l'arbitrage international.
De tout temps, le Canada a dépendu du bon vouloir international et du droit international. Toutefois, l'an dernier, nous avons prétendu ne pas reconnaître ce système international de justice.
Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet et nous dire en quoi cela pourrait avoir un rapport avec le présent projet de loi?
M. Wiseman: La réserve émise par le Canada devant la Cour internationale de justice était très spécifique. Elle ne s'appliquait qu'aux actes posés par le Canada dans la zone sous réglementation de l'OPANO. Elle concernait le projet de loi C-29 et ses conditions. Elle n'enlevait à la Cour aucune compétence pour traiter les questions de pêche. Il s'agissait d'une réserve très spécifique qui avait été mise en vigueur au moment du dépôt du projet de loi C-29, c'est-à-dire de la loi qui donnait au Canada l'autorité de prendre des mesures dans le cas d'une situation d'urgence, comme une menace à un stock de poisson sur le nez et dans la queue des Grands Bancs. Nous estimions que nous devions agir rapidement. Nous voulions nous assurer qu'il n'y aurait aucune possibilité de retard pour prendre les mesures que nous jugions appropriées et nécessaires. En conséquence, nous avons inséré une réserve très spécifique. Ce fut la confirmation de cette réserve par la Cour, par suite de la présentation de ce dossier par les Espagnols devant la Cour internationale, de justice qui a abouti au règlement de cette affaire.
Toutefois, nous ne renions en aucune façon les règles du droit international ou la compétence de la Cour internationale de justice.
M. Strauss peut donner des précisions à ce sujet.
M. Strauss: Tel que mentionné, le Canada a toujours été un fervent partisan du tribunal. Notre reconnaissance de la compétence du tribunal figure parmi les plus étendues de tous les États. Comme l'a mentionné M. Wiseman, nous avons fait cette exception très spécifique. Nous avons fait cela auparavant. Nous l'avions fait il y a environ 30 ans dans le cas de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, et ensuite nous avons levé cette réserve afin que les mesures prises conformément à cette loi puissent être amenées devant le tribunal.
Vous avez parlé du saumon du Pacifique. Nous avons envisagé de soumettre ce différend à l'arbitrage. Toutefois, les Américains n'ont pas voulu.
Le président: Ils utilisent peut-être les mêmes arguments que nous avons avancés à propos du projet de loi C-29.
M. Strauss: La reconnaissance américaine de la compétence de la Cour internationale de justice est très spécifique. Essentiellement, s'ils acceptent, on peut les traîner devant la cour.
Le président: L'article 5 de l'APNU exige que les États prennent en considération l'intérêt des pêcheurs se livrant à la pêche artisanale et de subsistance. A-t-on envisagé de faire appliquer cette disposition très importante?
M. Wiseman: Au Canada, notre politique prioritaire en matière de gestion des pêches a toujours été les pêches artisanales. Les pêches côtières et les pêches autochtones...
Le président: Cela pourrait constituer un point à débattre, mais veuillez continuer.
M. Wiseman: Le Canada a eu une politique ne permettant pas une expansion massive des chalutiers-usines, même s'il y avait une forte demande en ce sens à la fin des années 80, dans le but de protéger la poursuite de la pêche avec les petits bateaux. Notre industrie de la pêche a reposé énormément sur la fourniture de possibilités aux collectivités côtières et aux pêcheurs ayant de petits bateaux.
Je reconnais aujourd'hui les questions délicates. Je reconnais également que, lorsqu'il y a peu de poisson, de nombreuses personnes en souffrent. Toutefois, si vous regardez ce qui est arrivé dans le passé, ces pêches se sont poursuivies en dépit de ceux qui pensaient qu'il existait des façons plus efficaces de pêcher que d'avoir des pêches artisanales.
Le président: Parmi les téléspectateurs, les personnes qui voudraient avoir une opinion différente sur ce sujet pourraient lire notre plus récent rapport, publié en décembre, sur la privatisation et les permis à quotas dans les pêches canadiennes. Il s'agit une annonce payée au nom du comité.
M. Wiseman: Je vous rappelle que ma responsabilité se limite aux pêches internationales. Je n'ai aucune responsabilité ou compétence en matière de pêches canadiennes. Toutefois, l'article auquel vous vous êtes référé est un article que nous examinons à la lumière de toutes nos politiques et pratiques pour nous assurer que nos actes seront conformes à nos obligations en vertu de l'accord des Nations Unies.
Le sénateur Adams: Combien d'autres pays auront des bateaux chargés de l'application des règlements, comme la Garde côtière que nous avons dans notre limite de 200 milles entre le Canada et les États-Unis? Combien d'autres États amèneront leurs propres bateaux chargés de l'application des règlements lorsqu'ils se trouvent à l'extérieur de la limite de 200 milles?
M. Wiseman: Pendant au moins 10 mois par an, l'Union européenne a habituellement un patrouilleur dans la zone réglementée par l'OPANO. De temps à autre, les Japonais ont eu des patrouilleurs et de temps à autre les Russes ont eu des bateaux d'inspection. C'était dans le passé. Ils n'en ont pas eu récemment parce que leur activité a diminué considérablement. Ils sont tous les bienvenus pour le faire.
En vertu de l'APNU, ils ont l'obligation d'inspecter et de prendre en charge leur bateau rapidement si une infraction grave est constatée. Il leur incombe de déterminer la façon de le faire. Ils peuvent le faire à l'aide d'un bateau d'inspection sur place en arraisonnant le bateau très rapidement pour l'inspecter eux-mêmes et établir s'il y a une infraction. L'Union européenne le fait et elle s'est dit d'accord avec les inspecteurs canadiens qui ont relevé des infractions. Certains bateaux ont été rappelés au pays et des mesures ont été prises.
Toutefois, s'ils ne veulent pas envoyer un patrouilleur, ce qui est très coûteux, ils peuvent accepter la parole du Canada ou des États-Unis, qui peuvent également arraisonner des bateaux en tant que partie à l'APNU et membre de l'OPANO. Si une infraction est constatée sur un bateau islandais, par exemple, l'Islande peut accepter la parole de l'inspecteur. Elle peut rappeler le bateau au pays, examiner le rapport de l'inspecteur et inspecter le bateau elle-même. Si le bateau a enfreint les règles, elle appliquera les sanctions appropriées.
Le sénateur Adams: Si les Japonais accusent un bateau canadien, ne doivent-ils pas le faire remorquer jusqu'au Japon? Est-ce que le bateau reste sur place jusqu'à ce que tous les renseignements soient recueillis pour prendre une décision?
M. Wiseman: La situation peut se compliquer. Nous anticipons que les États du pavillon, lorsqu'ils seront avertis d'une infraction grave, agiront de façon responsable en rappelant le bateau au port et en prenant les mesures appropriées. Votre exemple est intéressant, mais il est hypothétique. Toutefois, si le Japon avait arraisonné un bateau dans la zone de l'OPANO, et que l'État du pavillon ne rappelle pas son bateau, et si le Japon souhaitait poursuivre l'inspection, j'imagine que le Canada pourrait collaborer avec lui pour permettre à ce bateau d'entrer au Canada en vue d'approfondir l'inspection. Nous pourrions fournir un port.
Le sénateur Adams: Toutes les nations accepteront-elles d'avoir des quotas avec les autres pays? Comment arriveront-elles à démêler cela en dehors de la limite de 200 milles? D'autres pays pourraient faire venir des bateaux et des chalutiers.
M. Wiseman: C'est là que l'APNU est le plus efficace. Les organisations régionales de gestion des pêches sont responsables de la mise sur pied du régime de gestion, de la manière qu'elles le souhaitent, pour gérer le stock. Dans l'Atlantique du nord-ouest, l'OPANO fixe des quotas pour environ 13 stocks. Pour la majorité de ces stocks, le quota est nul. C'est un moratoire, mais elle gère quand même les stocks. Le moratoire est également important. Cela signifie que toute partie à l'APNU, membre ou non de l'OPANO, ne peut pas pêcher ces stocks, à moins de se conformer aux règles de l'OPANO. L'une de ces règles stipule que si vous n'avez pas de quota, vous ne pouvez pas pêcher. Il y a d'autres stocks qui ne sont pas gérés par un quota. Ils n'apparaissent pas en grandes quantités, si bien que n'importe quel pays pourrait les pêcher. Toutefois, s'il pratiquait la pêche, il devrait le faire en respectant les règles de l'OPANO. Cela signifie utiliser des tailles minimales de mailles, avoir des observateurs à bord de leurs bateaux, avoir des dispositifs de repérage par satellite et héler en entrant dans la zone ou en la quittant. Il y a toute une gamme de règles à suivre pour se conformer à l'OPANO.
En vertu de cet accord cadre, si une partie n'obéit pas aux règles, qu'elle soit membre ou non, l'APNU peut l'amener à un règlement obligatoire des différends, où l'on pourrait constater qu'elle n'a pas rempli ses obligations internationales. Le tribunal peut imposer une amende considérable.
Le sénateur Adams: À l'heure actuelle, la pêche à la crevette rose est effectuée par les autochtones dans les eaux au large de la côte du Labrador. Maintenant, vous voulez réduire les quotas, ou quelque chose du genre. Cela affecte-t-il les quotas à l'intérieur de la limite de 200 milles?
M. Wiseman: La pêche à la crevette au large du Labrador se déroule uniquement à l'intérieur de la limite de 200 milles.
Le sénateur Adams: Je veux dire si vous aviez de la crevette à l'extérieur de la limite de 200 milles?
M. Wiseman: Si vous avez un stock chevauchant, comme c'est le cas avec des stocks plus au sud, oui. La pêche non contrôlée d'un stock chevauchant à l'extérieur de la limite de 200 milles peut avoir un impact négatif important sur les stocks à l'intérieur de cette limite. Nous avons vu cela. Le Canada s'est battu farouchement pour que l'APNU mette fin à cette anomalie.
Les pays qui ont des quotas au sein de l'OPANO les ont sur la base de droits de pêche traditionnels et historiques de longue date. Ils ont une part légitime des stocks qui se trouvent en haute mer.
Au cours des quatre dernières années, ils ont pêché conformément à leurs obligations et droits internationaux. Ils suivent les règles.
Oui, il y a des bateaux étrangers là-bas. Toutefois, les bateaux qui pêchent au-delà des 200 milles le font légalement en respectant leurs droits. Tant qu'ils respecteront leurs obligations, nous ne devrions rien avoir à craindre. Ils n'ont pas une incidence négative sur le stock. Nous partageons les stocks et ils contribuent à la conservation des stocks en agissant de façon responsable.
Le sénateur Perrault: Monsieur le président, de nombreuses questions surgissent. Il me semble que certaines nations sont davantage intéressées que d'autres par le concept de la conservation. Il y a quelques années, je me trouvais à Bruxelles et l'un des principaux porte-parole m'a dit, au cours d'une conversation informelle, que le pays «Y» n'avait aucun mot dans son langage pour la conservation. Cela n'existe tout simplement pas.
Il y a des allégations à l'effet que divers gouvernements encourageaient, au moyen de subventions, la construction de fausses cales sur les bateaux de pêche. Je sais que nous avons de grandes attentes concernant le succès de cette mesure particulière. Toutefois, certaines nations peuvent ne pas être disposées à souscrire à ces grands principes comme d'autres le font. En outre, dans la phase: «Le garde-pêche qui a des motifs raisonnables de croire», comment interprétons-nous l'expression «des motifs raisonnables»? Ensuite, l'article 21 parle de «sérieuses raisons». Avons-nous une liste des règlements et des définitions? Il me semble que le libellé prévoit une grande latitude au niveau des possibilités.
Quelle est la portée des pouvoirs d'inspection des gens qui arraisonnent les bateaux? Peuvent-ils examiner les registres? Sont-ils autorisés à prendre des preuves photographiques? Sont-ils autorisés à inspecter les bateaux sous enquête pour voir si oui ou non de fausses cales ont été construites? De la façon dont cela a été rédigé, il me semble que le langage est vague. Peut-être faut-il qu'il en soit ainsi pour en arriver à un accord international. À ce jour, combien de nations l'ont signé et ratifié?
M. Wiseman: Sénateur, vous nous avez donné un certain nombre de questions que nous allons essayer de résoudre. J'ai passé trois ans à Bruxelles et je connais bon nombre des attitudes présentes en Europe.
Le sénateur Perrault: Il y a un certain cynisme.
M. Wiseman: Toutefois, on a constaté un changement considérable au cours des deux ou trois dernières années. Tout d'abord, la scène internationale a évolué rapidement, avec fermeté et de façon décisive pour définir les droits et les obligations des États. Cela s'est fait non seulement dans le cadre de l'APNU, mais aussi à la FAO, grâce au Code de conduite pour une pêche responsable, et avec un accord sur le respect des mesures qui garantit que les États se conforment aux règles des organisations régionales de gestion des pêches.
En outre, au sein de l'Union européenne, les pays ont reconnu que le mépris cavalier des preuves scientifiques et des mesures de conservation leur cause maintenant du tort. Leurs flottes ont été exclues de nombreux pays où elles pêchaient dans le passé parce que ces pays ont peut-être développé leurs propres capacités de pêche et se méfient de l'éthique de conservation de certaines de ces flottes.
Élément plus important, ils ont constaté que les stocks sont menacés dans leurs propres eaux nationales. Politiquement, ils ont fixé des quotas supérieurs à ceux conseillés par les scientifiques. À court terme, ces mesures ont peut-être procuré un certain avantage mais, à long terme, elles se sont révélées désastreuses. Pour leurs propres besoins nationaux, ils sont en train de faire adopter des lois plus sévères que jamais auparavant. Certains des pays qui nous ont donné des inquiétudes dans le passé, principalement l'Espagne et le Portugal, ont maintenant tous les deux de nouvelles lois qui ont du mordant.
Le sénateur Perrault: Cela n'a pas toujours été le cas avec ces pays.
M. Wiseman: Cependant, ils ont adopté des lois pour commencer à contrôler leurs flottes au cours des dernières années, et ils l'ont fait. Lorsque nous avons constaté des infractions graves sur des bateaux espagnols, le gouvernement espagnol a pris ces incidents au sérieux et a sanctionné ces bateaux. Non seulement cela, mais ils ont constaté des infractions par eux-mêmes, par le biais de leurs propres inspections.
Le sénateur Perrault: C'est un changement.
M. Wiseman: Absolument. Nous devons reconnaître que certains des exemples que vous avez mentionnés auparavant, comme ces fausses cales, étaient assez courants à la fin des années 80 et au début des années 90. Ils sont extrêmement rares de nos jours. Il est certain que les fausses cales ne sont plus construites avec des subventions gouvernementales. Ce sont des problèmes du passé. Les pêcheurs, qui ont eu l'habitude de pêcher d'une certaine façon durant toute leur vie, trouvent le changement difficile, mais les sanctions et les moyens de dissuasion sont là. Les pêcheurs commencent à changer.
Entre autres choses, l'APNU offre les possibilités non seulement de faire confiance, mais également de vérifier. Nous croyons que les parties respecteront leurs obligations en vertu de l'APNU, mais nous pouvons le confirmer par des inspections.
Cela m'amène à votre question concernant la portée des pouvoirs d'inspection. Oui, un garde-pêche peut examiner les registres, utiliser un appareil-photo et inspecter les cales, les zones de transformation du poisson et les engins de pêche. Les pouvoirs sont vastes.
Quelques cales dissimulées, ou endroits cachés, ont été trouvés. On continuera d'en trouver, s'ils existent.
Vous avez posé une autre question qui est plus technique, sur l'assise du droit national concernant les «motifs raisonnables» et les «sérieuses raisons». Je demanderai à Mme Bouffard d'y répondre.
Mme Nadia Bouffard, conseillère principale, Questions juridiques et Canada-France, Direction générale des affaires internationales, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans: Il existe une distinction entre inspecter et fouiller. Une fois que vous avez des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise, vous changez de chapeau et vous passez à la fouille et d'autres mesures peuvent être prises.
Il pourrait s'avérer difficile de trouver une cale dissimulée en mer. Cela se ferait très vraisemblablement au port.
En ce qui concerne les motifs raisonnables, l'APNU utilise l'expression «sérieuses raisons» tandis que ce projet de loi utilise «motifs raisonnables». Il était important d'utiliser une expression canadienne bien connue qui a été testée devant les tribunaux et qui, à notre avis, équivaut à l'expression utilisée dans l'APNU.
Les tribunaux ont une norme qui est fournie par la Charte des droits et libertés. Elle a été testée devant les tribunaux. Elle exige davantage qu'un simple soupçon. Il y a un niveau de probabilité des faits et les preuves que vous détenez. C'est une norme bien éprouvée à laquelle nos agents des pêches sont très sensibilisés et avec laquelle ils sont familiers. Elle est utilisée dans toutes les lois canadiennes en ce qui concerne l'utilisation des pouvoirs d'application.
[Français]
Le président: Malheureusement, nous n'avons pas posé toutes les questions qui nous intéressaient. Un autre comité occupera la salle dans quelques minutes. Nous devons terminer maintenant. Je me demande si M. Wiseman et son collègue seraient prêts à revenir témoigner jeudi prochain.
[Traduction]
Nous étudierons le projet de loi, article par article, jeudi prochain à 8 heures 30. Lors de la même séance, nous pourrions finir de poser les questions que nous n'avons pas pu poser aujourd'hui.
Je tiens à rappeler aux membres que nous aurons trois témoins le mardi 11 mai 1999 en soirée.
M. Wiseman: J'ai beaucoup apprécié vos questions. Nous nous ferons un plaisir de répondre à d'autres questions lors de l'examen article par article, jeudi prochain en matinée.
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée.