Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 7 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 10 décembre 1997
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 15 h 24, dans le but d'étudier, pour en faire rapport, l'importance de la région Asie-Pacifique pour le Canada.
Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude de l'importance de la région Asie-Pacifique pour le Canada. Nous accueillons aujourd'hui M. John Klassen, directeur général de l'APEC, qui va nous expliquer les progrès réalisés au cours de la conférence qui a eu lieu récemment à Vancouver. Comme nous le savons tous, nous n'avions aucunement prévu les circonstances dans lesquelles la conférence allait se dérouler quand nous avons établi le programme.
La crise économique a eu pour effet, entre autres, de mettre beaucoup d'attention sur la conférence ce qui, dans un sens, a contribué à donner à l'événement plus d'importance qu'il n'en aurait eu autrement si cette situation, aussi malheureuse soit-elle, ne s'était pas produite.
Nous sommes très heureux d'avoir parmi nous M. Klassen, qui aura la tâche très importante d'évaluer les progrès accomplis au cours de la conférence de Vancouver.
Monsieur Klassen, je présume que vous avez une déclaration à faire. La parole est à vous.
M. John Klassen, directeur général, APEC: Merci, monsieur le président. Ce que je propose de faire, c'est de passer en revue les points saillants des réunions qui ont eu lieu, et ensuite de répondre à vos questions.
Je vous ai remis une pochette d'information intitulée APEC Vancouver 1997, qui comprend la déclaration des ministres, la déclaration des dirigeants et un rapport des résultats de l'APEC pour 1997. Il s'agit là d'une initiative canadienne, puisque c'est la première fois que quelqu'un prépare un rapport comme celui-ci. Nous avons en fait essayé de décrire, en termes clairs et simples, les travaux de l'APEC, les réalisations accomplies par le Canada durant l'année où il a assumé la présidence de l'organisation.
L'APEC souffre et continue de souffrir, dans une certaine mesure, d'un manque de compréhension. Elle n'arrive pas à expliquer aux milieux d'affaires et aux habitants de la région les efforts qu'elle déploie pour leur venir en aide, tout ce qu'elle accomplit dans le cadre de ce processus vaste et complexe, qui absorbe une grande quantité de ressources, pour les pays membres et pour la région en général.
Nous sommes plutôt fiers de ce rapport. Il résume bien les progrès réalisés au cours de l'année.
J'aimerais vous parler de trois rencontres qui ont eu lieu à Vancouver. Il y a d'abord la réunion des ministres des Affaires étrangères et du Commerce, qui ont coprésidé la réunion ministérielle. Il y a ensuite la réunion des dirigeants économiques, et enfin, le sommet du peuple, qui n'est pas une activité officielle de l'APEC, mais qui a manifestement suscité l'attention et l'intérêt de nos ministres, ce qui est très important en soi.
Vous avez eu raison de dire, monsieur le président, que cette réunion de fin d'année était exceptionnelle, puisqu'elle a eu lieu à un moment où certains facteurs externes sont venus bouleverser le programme de la conférence. Cette rencontre était très différente des autres réunions de l'APEC, où les dirigeants s'attachent à discuter des activités, des priorités de l'organisation. Cette fois-ci, la crise financière en Asie et ailleurs était à l'avant-plan des préoccupations des participants et aussi des médias. Elle a dominé la discussion des dirigeants. J'y reviendrai plus tard quand je vous parlerai de la réunion des dirigeants économiques.
Une autre question figurait en tête de liste, soit les changements climatiques. Elle n'avait pas la même importance que la crise financière, en partie parce que la conférence de Kyoto, qui se déroule actuellement, devait à ce moment-là avoir lieu dans deux ou trois semaines. Je pense que tous étaient d'accord pour dire que c'était à Kyoto, et non à la réunion de l'APEC, qu'il fallait discuter de cette question.
C'est donc dans ce contexte que se sont déroulées les réunions.
Je me souviens avoir vu, avant la conférence de Vancouver, un certain nombre de reportages où l'on disait craindre que la crise financière prendrait le pas sur toutes les questions prévues au programme de l'APEC. C'était tout à fait faux.
Une autre réalisation majeure a marqué la rencontre et notre année à la présidence de l'APEC: les progrès réalisés au chapitre de l'initiative de libéralisation volontaire et rapide des secteurs. Nous avons fait des progrès énormes en six ou sept mois sous notre présidence. Il s'agit, en soi, de toute une réalisation. En fait, il existe un lien plutôt intéressant entre les progrès accomplis à cette réunion et la crise financière qui existe en Asie.
La rencontre ministérielle a été précédé de quelques journées de réunions au cours desquelles les hauts fonctionnaires ont passé en revue le programme de la conférence, mais surtout la question de la libéralisation sectorielle. C'est à la réunion de Montréal, en mai, que les ministres du commerce nous ont demandé d'établir, en vue de la conférence de novembre, une liste des secteurs qui pourraient se prêter à une libéralisation rapide et volontaire. Les ministres ont bien précisé qu'ils ne voulaient pas une liste déjà toute faite. Nous devions effectuer les travaux préliminaires, mais leur présenter des options à partir desquelles ils prendraient des décisions.
Nous nous sommes attelés à la tâche à la suite de la réunion de mai. À notre grande surprise, nous avons réuni environ 60 propositions de secteurs susceptibles d'une libéralisation volontaire et rapide. Presque tous les membres de l'APEC, sauf un ou deux, ont soumis des propositions. Le Canada en a soumis sept ou huit.
Après une série de rencontres, de contacts bilatéraux, ainsi de suite, les fonctionnaires se sont attachés à réduire le nombre de propositions en se concentrant sur les secteurs qui attiraient le plus d'attention, qui recueillaient le plus d'appui et qui généraient le plus d'activités. Nous avons tenu une série de votes complexes au cours desquelles les secteurs privilégiés ne cessaient de changer.
Lorsque les ministres se sont rencontrés à Vancouver, il ne restait plus que 15 secteurs sur la liste. Les ministres du commerce se sont réunis sans les ministres des affaires étrangères, le vendredi matin, pour discuter de la seule question de la libéralisation sectorielle.
Quand je dis qu'il n'y avait plus que 15 secteurs sur la liste, cela ne veut pas dire que tous les autres ont été écartés, mais que ces 15 secteurs étaient ceux qui attiraient le plus d'attention, qui recueillaient le plus d'appui et qui généraient le plus d'activités de manière générale.
La déclaration des ministres comprend, en annexe, une déclaration sur la libéralisation volontaire et rapide par secteur. Elle recense les 15 secteurs qui recueillent le plus d'appui. Sur les 15, neuf nécessitent une intervention immédiate -- et par immédiate, nous voulons dire dès le début de 1998 -- ur finaliser le champ d'action, un échelonnement souple, les mesures concernées, et le calendrier de mise en oeuvre, y compris le choix de mesures, ainsi de suite.
Il est évident que ce que nous avons convenu de faire à Vancouver, c'est de lancer un nouveau processus. Celui-ci ne ressemble en rien à l'accord sur la technologie de l'information, dont la conclusion a été facilitée par l'APEC, l'année dernière, quand elle est intervenue à un moment critique pour lui donner son appui au cours des réunions de novembre. Nous avons plutôt cherché à recenser neuf grands secteurs, et nous nous attacherons, dès 1998, à développer de façon plus poussée ces propositions, à mieux définir les produits visés.
Il ne s'agit pas ici d'une initiative sectorielle lancée par l'Organisation mondiale du commerce et qui viserait surtout les barrières tarifaires ou non tarifaires. Les propositions englobent ces deux éléments, mais aussi les mesures de coopération économique et technique, d'aide technique et de facilitation des échanges. Elles sont toutes différentes et réunissent divers éléments. Nous devons les définir plus clairement.
Il reste encore beaucoup à faire. Nous nous sommes fixé comme délai la réunion des ministres responsables du commerce, qui doit avoir lieu en Malaisie, en juin. Les fonctionnaires devront à ce moment-là faire rapport des progrès accomplis.
En ce qui concerne les neuf secteurs qui ont été retenus, nous voulons que le processus de mise en oeuvre commence le plus tôt possible en 1999. Il s'agit d'un objectif ambitieux, mais que nous avons décidé de respecter. Le Canada continuera de donner le ton dans ce domaine pour faire avancer le processus.
Sur les neuf grands secteurs recensés, trois constituent depuis le début une priorité pour le Canada: les produits et services environnementaux, le poisson et les produits du poisson et les produits forestiers. Les oléagineux et produits dérivés ont également été proposés par le Canada. Ils ne figurent pas parmi les neuf secteurs qui ont été retenus, mais ils font partie des 15 qui ont été recensés. On s'attachera, en 1998, à leur donner une place plus importante dans la liste des priorités.
Ce processus ne recueille pas l'appui de tous les membres de l'APEC. Certains refusent de souscrire à l'ensemble des éléments des propositions. Le concept est bien défini, tout comme le caractère volontariste du processus. Toutefois, cela n'empêche pas certains pays de poser les questions suivantes: quels progrès prévoit-on réaliser si le processus est volontaire, et comment ce dernier va-t-il contribuer à favoriser la libéralisation des échanges?
Or, nous sommes convaincus que nous parviendrons à bâtir un consensus suffisamment large parmi nos membres en vue de donner suite à ces propositions au fur et à mesure qu'elles seront développées et que de nouveaux membres accepteront de prendre des engagements. Vous acceptez de prendre des engagements sur une base volontaire, mais une fois ces engagements pris, vous faites partie du processus.
Il est une question qui revient souvent: est-ce que ces propositions visent uniquement les pays membres de l'APEC ou également ceux de l'Organisation mondiale du commerce? Seule la proposition touchant les biens et services environnementaux précise que les mesures doivent faire l'objet d'un consensus au sein de l'APEC et aussi de l'OMC, puisqu'il est essentiel que l'OMC -- c'est-à-dire l'Europe -- participe à cette initiative pour qu'elle puisse être un succès.
Pour ce qui est des autres secteurs, nous préférerions que les mesures s'appliquent à l'ensemble des pays membres de l'OMC, mais il se peut que nous décidions, à un moment donné, de les mettre en oeuvre uniquement au sein de l'APEC. Dans ce contexte, cela veut dire que vous accordez des concessions tarifaires aux autres pays aussi. Comme l'APEC n'est pas une zone de libre-échange, nous ne pouvons accorder des concessions tarifaires aux seuls membres de l'organisation. Tous les pays membres de l'OMC bénéficient des concessions, réductions ou suppressions tarifaires qui sont approuvées dans le contexte de l'APEC. Or, dans certains secteurs, cela pourrait constituer pour nous un avantage. Les poissons et produits dérivés en sont un exemple. Si vous détenez une part importante du marché de la région Asie-Pacifique, le fait que d'autres puissent profiter de la situation ne pose aucun problème majeur puisqu'ils ne sont pas de gros joueurs.
Cette évaluation, nous devons la faire au cas par cas. Nous devons évaluer chaque cas individuellement et voir où nous nous situons sur l'échiquier. Manifestement, comme je l'ai déjà dit, nous préférerions que ces mesures s'appliquent à l'ensemble des pays membres de l'OMC. En fait, nous avons déjà communiqué avec le groupe de travail de l'OMC sur l'accès aux marchés pour lui faire part des résultats de la réunion ministérielle qui a eu lieu sur la question. Nous encourageons les pays membres de l'OMC qui ne font pas partie de l'APEC de prendre connaissance de ces résultats, d'envisager la possibilité d'adhérer à l'APEC et de réfléchir au processus.
Des progrès ont été réalisés dans le domaine de la libéralisation sectorielle, mais aussi sur d'autres plans. Mentionnons la facilitation du commerce dont les principaux éléments sont expliqués en détail dans le rapport sur les résultats. Ce rapport fait état des mesures prises par l'APEC au cours de l'année, mesures que nous avons dans une large mesure dirigées. Nous avons encouragé plusieurs groupes de travail et comités à aller de l'avant avec leurs programmes et à mieux définir leurs objectifs en matière de facilitation du commerce.
C'est peut-être dans ce domaine que l'influence de l'APEC peut se faire le plus directement sentir. Le comité sur l'économie de l'APEC a effectué une étude intéressante sur la question, en s'inspirant des engagements pris l'année dernière sous la présidence des Philippines. L'étude a conclu que les mesures de facilitation de l'APEC auraient un impact plus grand sur le PNB de l'ensemble de la région que ses efforts de libéralisation du commerce. C'était avant que nous commencions à nous engager dans la voie de la libéralisation sectorielle. Néanmoins, il s'agit là d'un facteur fort important.
Il y a un autre sujet qu'il convient de mentionner, même s'il suscite peu d'intérêt: les formalités douanières, les normes, les marchés publics. Ces questions ne font pas les gros titres, mais elles revêtent beaucoup d'importance pour les gens d'affaire.
La principale réalisation, pour nous, demeure le schéma directeur pour la modernisation des administrations douanières, dont il est question dans le rapport qui vous a été soumis. Ce schéma fait également l'objet d'un document distinct, en plus de figurer dans l'Internet. Il s'agit d'un programme qui vise à harmoniser et à simplifier les formalités douanières dans la région Asie-Pacifique. Il s'agit d'une initiative unique en son genre. Si les membres respectent les engagements qu'ils ont pris, nous aurons, d'ici l'an 2001, changé radicalement la façon dont les entreprises dirigent leurs activités et dont les biens circulent dans la région. Cette initiative recueille l'appui des pays membres.
À preuve, nous nous sommes retrouvés dans la situation exceptionnelle, mais non désagréable, de répondre aux demandes d'entreprises et de compagnies privées qui se disaient prêtes à investir dans ce projet pour nous aider à atteindre nos objectifs. Il s'agit surtout de fournir une aide technique aux pays en développement qui font partie de l'APEC. Des transitaires, des services de messagerie, des courtiers en douane sont entrés en contact avec nous, et nous avons dû établir des modalités sur la façon d'utiliser les services et une partie des fonds offerts par ces divers intervenants. L'intérêt manifesté par ces entreprises montre que ce programme aura une incidence sur la circulation des biens dans la région.
Les ministres se sont également penchés sur une étude réalisée par l'APEC sur l'impact de la libéralisation du commerce. De plus en plus d'organismes multilatéraux s'intéressent à cette question. Mentionnons l'OCDE, l'OMC, la CNUCED, ainsi de suite. Nous avons soutenu, avec l'appui d'autres pays, que nous devrions non seulement analyser les avantages de la libéralisation du commerce, mais également reconnaître que cette libéralisation a un impact sur les différents éléments de la société. Dans certains cas, elle crée des bouleversements. Si nous comptons partager nos expériences et connaissances sur les bienfaits de la libéralisation du commerce, il y aurait également lieu de partager nos expériences et connaissances sur les mesures prises pour aider nos sociétés à s'adapter à ce phénomène.
C'est ce que les ministres ont convenu de faire. Ils ont demandé à leurs fonctionnaires d'établir un programme de travail, mais un programme qui ne fait pas double emploi avec les efforts déployés par d'autres pays dans ce domaine, étant donné que plusieurs organismes multilatéraux se penchent déjà sur cette question.
L'autre grande sphère d'activité de l'APEC, comme je vous l'ai déjà expliqué dans le passé, concerne la coopération économique et technique. Les travaux de l'APEC dans ce domaine comportent deux volets: il y a d'abord la libéralisation du commerce et des investissements, et ensuite la coopération économique et technique.
Pour ce qui est du volet coopération économique et technique, les ministres ont examiné en détail les résultats des mesures prises à ce chapitre au cours de l'année. L'année dernière, les ministres et les dirigeants ont désigné six domaines prioritaires devant faire l'objet d'une coopération économique et technique au sein de l'APEC. Ces domaines figurent dans la déclaration ministérielle. Le Canada a surtout mis l'accent sur le renforcement de l'infrastructure économique et le développement durable. Des discussions ont eu lieu sur les progrès accomplis dans les six domaines désignés, et sur les efforts déployés par l'APEC dans ces six dossiers transsectoriels pour promouvoir la coopération économique et technique.
Les ministres ont également approuvé la création d'un sous-comité de hauts fonctionnaires sur la coopération économique et technique, en réponse aux préoccupations formulées, notamment, par plusieurs pays en développement membres de l'APEC qui estiment que l'on accorde beaucoup trop d'importance au volet commercial, et pas assez au volet économique et technique.
Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une juste appréciation du travail de l'APEC, des efforts qu'elle a déployés et des mesures qu'elle compte prendre, mais c'est une opinion que partagent un grand nombre de pays. Ils ont dénoncé le fait qu'il y avait un comité sur le commerce et les investissements, mais pas sur la coopération économique et technique. Nous avons donc créé un tel comité dans le but de favoriser les efforts de coopération économique et technique.
Les ministres ont rencontré les membres de l'ABAC, soit le Conseil consultatif des gens d'affaires de l'APEC, qui était également présidé cette année par le Canada. La discussion a porté sur certaines observations formulées par l'ABAC au sujet du programme de travail adopté l'année dernière par l'APEC, et sur les mesures prises par l'organisme pour répondre aux priorités et aux préoccupations du Conseil.
Le samedi matin, nous avons proposé quelque chose de tout à fait novateur au cours d'une réunion de l'APEC, soit l'organisation d'une séance de réflexion pour les ministres. En effet, nous voulions que les ministres se réunissent pour discuter, en particulier, de l'élargissement des engagements de l'APEC, et aussi de la nécessité ou du désir de faire participer un plus grand nombre de secteurs de la société aux activités de l'APEC. Pour de nombreux pays, il s'agit là d'une question délicate. Nous avons pensé organiser une séance de réflexion pour que les ministres puissent discuter plus ouvertement de cette question.
Les ministres ont également analysé la proposition du ministre Axworthy sur la protection civile, et abordé la question de l'adhésion de nouveaux membres.
Pour ce qui est de l'élargissement des engagements de l'APEC, l'échange de vues entre les ministres a été fort intéressant, la discussion ayant été plus longue et plus approfondie que prévu. Les ministres ont convenu que l'APEC doit montrer qu'elle s'intéresse aux préoccupations non seulement des milieux d'affaires, mais aussi des divers secteurs de la société.
Toutefois, les ministres ne s'entendent pas sur la question de savoir si des mesures en ce sens doivent être prises au niveau de l'APEC, comme le font les gens d'affaires, par exemple, par l'entremise du Conseil consultatif des gens d'affaires de l'APEC, ou si cette responsabilité relève des gouvernements nationaux qui défendent les intérêts de leurs sociétés au sein de l'APEC. Nous ne voulions pas les amener à prendre une décision sur la question, mais seulement encourager le débat au sein de l'APEC, le sujet n'ayant jamais été abordé au niveau ministériel. Les fonctionnaires en avaient discuté plus tôt cette année. La discussion a donc été, de ce point de vue, fort utile.
L'initiative du ministre Axworthy sur les mesures de protection civile a recueilli l'appui des participants. Les ministres ont donné instruction aux fonctionnaires de produire, d'ici au 1er juin 1998, un rapport intersessions sur les actions que pourrait prendre l'APEC dans le domaine de la protection civile. Il y a divers groupes de l'APEC qui s'occupent déjà d'examiner les questions comme les conséquences des tremblements de terre, des volcans, des déversements pétroliers et de certains désastres écologiques. Il y a, bien entendu, de nombreux organismes dans la région qui participent à cet effort, qu'il s'agisse de la Banque asiatique de développement, de la Croix Rouge ou des Nations Unies. Les fonctionnaires ont reçu pour mandat de coordonner et de définir le rôle joué par l'APEC dans ce processus. Quelles mesures de protection civile l'APEC peut-elle prendre de manière générale, quelle que soit la nature de l'urgence?
Les ministres ont longuement abordé la question de l'adhésion de nouveaux membres. La discussion a été intéressante, mais il n'y a eu aucun consensus. Ils ne sont arrivés à aucune conclusion, mais les dirigeants, eux, oui. J'y reviendrai plus tard.
Au cours de la dernière séance plénière, les ministres ont discuté du libellé qu'il conviendrait d'ajouter dans la déclaration ministérielle pour faire état de la crise financière, et des actions que devrait prendre l'APEC à cet égard. Les pays se sont entendus pour dire que l'APEC devrait, ce qu'elle a fait, appuyer le plan d'action de Manille élaboré par des fonctionnaires des finances, à Manille, quelques jours avant la rencontre des ministres et des dirigeants à Vancouver. Ils ont envisagé la possibilité de devancer la réunion des ministres des Finances que le Canada doit organiser, cette année, à Kananaskis. Les ministres ont également discuté de l'opportunité de cette démarche. Il en est question dans la déclaration ministérielle.
Pour ce qui est des réunions des dirigeants, qui se sont échelonnées sur plus d'une journée et demie, la principale rencontre a été celle qui a été organisée avec le Conseil consultatif des gens d'affaires de l'APEC, le seul groupe qui tient des réunions formelles avec les dirigeants. La rencontre s'est fort bien déroulée. Je sais que les gens d'affaires en étaient très satisfaits. La rencontre a duré une soixantaine de minutes.
Les membres de l'ABAC ont passé en revue les faits saillants de leur rapport de 1997 -- je peux vous en fournir un exemplaire, si vous le désirez, ou vous pouvez le trouver sur l'Internet -- et discuté des recommandations qu'ils ont formulées sur le commerce et les investissements, la mobilité des gens d'affaires, la coopération économique et technique, et la participation du secteur privé. Ils ont également proposé la mise sur pied d'un programme d'éducation sur les technologies de l'information, de même que des mesures pour faciliter les investissements, et discuté des échanges qu'ils ont eus avec les divers dirigeants.
Le lendemain, les dirigeants se sont réunis en privé, sans les ministres. Nous pensions que la discussion porterait sur l'infrastructure économique, une de nos priorités cette année. Nous avons consacré beaucoup d'énergie à ce dossier, et élaboré un plan d'action, à Vancouver, pour encourager les investissements privés et créer des partenariats entre les secteurs public et privé dans le domaine du renforcement de l'infrastructure. Nous nous attendions à ce que les dirigeants abordent certains aspects de cette question. Or, la discussion a été dominée par la crise financière.
Le débat a été fort intéressant, parce que vous aviez autour de la même table des représentants des économies touchées par la crise, certains ayant déjà vécu des crises identiques ou plus graves. L'échange a donc été fructueux, puisqu'il a porté sur les mesures qu'il convient de prendre pour faire face à ces crises, et sur les principaux éléments dont il faut tenir compte pour gérer ces situations.
Il y a eu consensus sur deux ou trois points: d'abord, pour faire face à une crise de cette ampleur, il faut à tout prix être prêt à entreprendre rapidement une réforme transparente et en profondeur des systèmes bancaire et financier. Deuxièmement, il faut bénéficier d'un soutien financier extérieur, un soutien qui servira à appuyer les réformes internes qui sont entreprises. Troisièmement, plus les mesures adoptées seront dures et sévères, plus vite la crise sera résorbée.
Il y a eu des discussions très intéressantes sur ces points, de même qu'un échange de vues entre ceux qui subissent les contrecoups de la crise et ceux qui ont déjà vécu cette expérience dans le passé.
Au cours du déjeuner, les dirigeants présents à la réunion ont discuté des changements climatiques. D'après ce que j'ai cru comprendre, ils ont plus ou moins discuté de façon générale des principes et priorités de la conférence de Kyoto, sans entrer dans les détails. Ils n'ont absolument pas abordé la question des objectifs qui seraient négociés à Kyoto.
Lorsque les ministres sont revenus après le déjeuner, ils ont de nouveau parlé de la crise financière et se sont ensuite attardés à la question du nombre de membres. Après une discussion très animée sur le sujet, le premier ministre a finalement annoncé que les dirigeants s'étaient entendus pour admettre trois nouvelles économies, à savoir le Vietnam, le Pérou et la Russie qui deviennent en l998 les dix-neuvième, vingtième et vingt et unième membres de l'APEC. Il a ajouté que l'organisme passe maintenant à une période de consolidation de dix ans au cours de laquelle elle n'acceptera pas de nouveaux membres.
Un fort courant d'opinion anime les économies qui estiment que l'APEC devrait limiter sa croissance, ne pas s'étendre trop rapidement et que l'un de ses avantages, surtout pour les dirigeants, réside dans sa petite taille relative et dans sa collégialité, en l'occurrence dans sa capacité de discuter de certaines questions délicates comme la crise financière, ce qu'elle a pu faire cette année. Elles estiment également que ces vingt et un membres devraient donc s'accorder une période de consolidation qui leur permettrait d'améliorer le programme de travail de l'APEC et l'organisation elle-même, tout en absorbant ces nouveaux membres. Les défis ne manqueront pas. La Russie est maintenant le deuxième plus grand pays non membre de l'OMC qui est venu gonfler nos rangs, l'autre étant bien sûr la Chine. Je crois que cela influera sur la dynamique, mais je ne peux vous dire exactement dans quelle mesure.
D'autre part, je crois que la Russie, par exemple, aura là une excellente occasion d'amorcer son apprentissage, de se familiariser davantage avec un certain nombre des concepts de la politique commerciale appliqués par l'APEC et, dans une large mesure, par l'OMC.
Le troisième et dernier point que j'aborderai brièvement, c'est la question du Sommet du peuple qui a eu lieu à Vancouver. Il a consisté en une série de réunions ou d'ateliers qui ont eu lieu approximativement du 19 au 23 novembre et qui ont porté sur diverses questions. Je peux dire, sans craindre que l'on me contredise, que le Canada, et à coup sûr nos ministres et le premier ministre, ont établi des relations plus profondes et plus fréquentes avec les représentants du Sommet du peuple qu'ils n'avaient pu le faire, j'en suis convaincu, au cours des dernières réunions de l'APEC.
Tout a vraiment commencé en octobre dernier lorsque le premier ministre a rencontré une heure et demie environ 35 à 40 personnes de l'Asia-Pacific Labour Union, une branche de l'International Confederation of Trade Unions à Genève, alors que les dirigeants syndicaux ont fait part de leurs préoccupations au premier ministre, en tant que président de l'APEC, y compris leur désir de structurer davantage leur engagement au sein de l'organisme. Ce qu'ils voudraient vraiment, c'est une organisation semblable à l'ABAC, le Conseil consultatif des gens d'affaires de l'APEC, mais sous forme d'un forum du travail. En toute franchise, je ne crois pas que l'APEC est tout à fait prête pour cela. Cependant, ils ont reconnu eux-mêmes que, pendant l'année des Philippines de même que dans la structure et le libellé de la déclaration des dirigeants l'année dernière et, plus particulièrement dans le cadre de la réunion ministérielle sur le développement des ressources humaines à Séoul en septembre, les syndicats, les employeurs et les gouvernements doivent se concerter pour élaborer des politiques des ressources humaines de circonstance.
À la suite de cette réunion ministérielle, les hauts fonctionnaires ont été mandatés de repérer les programmes et les initiatives susceptibles de recourir à cette approche tripartite. À Vancouver, par l'entremise de la réunion officielle des hauts fonctionnaires et de la réunion ministérielle, un responsable canadien nous renseignait tous les jours sur le programme des ONG canadiennes. Les ministres Axworthy et Marchi ont rencontré six représentants du Sommet du peuple qui leur ont fait part des principales conclusions et recommandations de ce dernier. Ils ont aussi rencontré individuellement trois autres groupes du Sommet du peuple de même que des représentants du forum sur le développement durable, du forum sur la liberté de presse et du forum sur le travail.
Je ne peux me faire le porte-parole des ONG, mais je crois que nous avons répondu à leurs besoins et à leurs désirs en ce qui a trait à l'engagement avec les ministres canadiens à Vancouver, en les incitant à nous faire part de leurs doléances, en les écoutant et en les recevant. En fait, cela s'est en partie reflété dans les discussions qui ont lieu dans le cadre des séances de réflexion retraite dont j'ai parlé plus tôt. Les ministres Axworthy et Marchi y avaient alors prononcé des allocutions et amorcé la discussion sur un certain nombre de points que ces ONG leur avaient signalés.
En résumé, où en est l'APEC à la fin de 1997? Nous sommes en train de passer le flambeau à la Malaisie. Je pense que nous avons contribué à renforcer l'APEC et à en améliorer l'administration. Je pense que nous avons contribué à structurer l'évolution de cet organisme. Il ne faut surtout pas oublier que l'APEC a énormément changé par rapport aux deux ou trois années précédentes. C'est un organisme qui évolue constamment et qui acquiert de plus en plus de maturité. Sur le plan commercial en particulier, c'est un organisme qui est désormais de plus en plus reconnu comme un des éléments clés de cette forme de constellation multilatérale d'organisations chargées des questions commerciales et économiques, qu'il s'agisse entre autres de l'OCDE, de l'OMC ou de la CNUCED. On tient désormais compte de ce qui se passe à l'APEC. C'est un signe de la maturité et de l'évolution du processus.
Je pense que nous avons nettement consolidé le volet commercial, surtout grâce à notre travail sur la libéralisation par secteur et à certaines améliorations apportées aux plans d'action individuels. Nous avons considérablement amélioré l'administration du dossier de coopération économique et technique grâce à un certain nombre d'innovations en matière de gestion, en nous appuyant sur le principe que les groupes de travail ne doivent pas se cantonner dans leur propre sphère d'activité mais prendre conscience qu'ils contribuent à la vision d'ensemble définie par les six priorités énoncées.
Nous avons amélioré, au fil des ans, la participation commerciale à l'APEC, non seulement à l'occasion de la réunion de l'ABAC à Vancouver mais lors de chaque réunion ministérielle de secteur que nous avons tenue cette année. Nous avons ainsi obtenu une participation commerciale importante non seulement de l'ABAC mais également des milieux d'affaires en général. D'importants échanges ont eu lieu entre les milieux d'affaires et les participants aux réunions ministérielles sectorielles.
J'estime que nous avons contribué dans une certaine mesure à élargir la portée de l'engagement de l'APEC. Cette année, nous avons mis l'accent sur les jeunes et les femmes. Toutes les réunions sectorielles qui ont eu lieu au Canada comportaient un volet sur les jeunes, entre autres à notre réunion de Vancouver. Nous avons mis l'accent sur le rôle des femmes et les questions qui les intéressent dans les divers groupes de travail. L'année prochaine à Manille, aux Philippines, se tiendra la première réunion de l'APEC sur les questions qui intéressent les femmes, et ce grâce à une initiative canadienne. Dans le cadre de notre travail avec nos collègues aux Philippines, c'est effectivement sur l'initiative du Canada et grâce au travail du Canada qu'il a été décidé de tenir une réunion sur ce thème. Cette décision a d'ailleurs reçu l'aval des participants à la réunion ministérielle de Vancouver.
Sur le plan national, nous avons redoublé d'efforts pour assurer la participation positive des éléments plus généraux de la société civile à l'administration et l'élaboration du processus de l'APEC. Nous ne contrôlons pas ce dossier dans la même mesure que nous pourrions le faire chez nous, mais nous avons mis la question à l'ordre du jour.
Je crois que l'APEC a acquis une maturité suffisante pour développer sa propre dynamique. Il faut avouer que certains ont effectivement demandé si les prochains présidents accorderont autant d'importance au commerce que nous. Chaque président ou présidente apporte un certain point de vue au processus. Les Malaysiens ont indiqué qu'ils tiennent à mettre l'accent, dans le cadre de la coopération économique et technique, sur le développement des ressources humaines et les nouvelles technologies pour l'avenir. J'estime que le volet commercial a maintenant atteint sa vitesse de croisière, si je puis dire.
Les initiatives que nous avons lancées dans le domaine de la libéralisation sectorielle se poursuivront. Nous avons la réunion des ministres du Commerce prévue en juin, puis celle des ministres et des dirigeants prévue en novembre. Les programmes sont devenus plus complexes tout en reflétant une certaine dynamique et un certain engagement de la part des membres de l'APEC qui témoignent, je crois, de la maturité et de l'évolution du processus.
Je m'arrêterai ici, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie.
Le sénateur Grafstein: Doit-on vous appeler ambassadeur Klassen?
M. Klassen: Non, monsieur, pas encore.
Le sénateur Grafstein: Je tiens à vous féliciter ainsi que vos collègues d'avoir réussi à vous acquitter d'une tâche extrêmement complexe en si peu de temps. Le fait de devoir faire face, avant même la tenue de l'événement, à une crise majeure, n'a pas dû vous rendre la tâche facile là-bas. Nous avons observé et suivi la situation du mieux que nous le pouvions à partir d'ici. Vous avez manifestement réussi un tour de force.
M. Klassen: Je vous remercie.
Le sénateur Grafstein: Notre comité s'intéresse évidemment à l'APEC. Ce qui nous préoccupe, c'est comment mettre l'accent sur une gamme générale de questions, vu les ressources limitées du Canada. Comment mettons-nous l'accent sur les questions que nous jugeons être dans l'intérêt de notre pays plutôt que sur un éventail d'une vingtaine de questions? Comme nous ne pouvons pas en traiter aux Nations Unies, encore moins à l'APEC, quelles devraient être nos priorités? Je suis ravi que vous ayez mentionné certaines priorités sur le plan commercial au moins.
Dans un tel climat d'incertitude, où se trouvent à court terme nos meilleures perspectives commerciales bilatérales? Est-ce que vous-mêmes et vos collaborateurs qui représentez le gouvernement canadien, vu nos ressources limitées sur le plan du commerce bilatéral, avez déterminé les pays vers lesquels nous devrions axer nos efforts? Est-ce que ce devrait être avec Taiwan, avec la Corée, avec le Vietnam?
Comme vous le savez, les Américains ont souvent recours à une procédure accélérée qui nous permet de négocier rapidement des accords bilatéraux par opposition aux accords multilatéraux. Devrions-nous conclure un accord de libre-échange avec le Japon ou au moins un accord sectoriel avec le Japon dans le domaine de l'industrie automobile? C'est ma première question.
Ma deuxième question concerne le FMI. J'ai cru comprendre, selon certains anciens responsables du FMI, que le FMI avait été pris au dépourvu par la rapidité et l'intensité des problèmes en Asie-Pacifique. Il est extrêmement difficile à l'heure actuelle d'obtenir les fonds supplémentaires qui permettraient au FMI de s'occuper de ce qui pourrait fort bien s'avérer le début de certaines perturbations. Nous venons peut-être d'apercevoir les signes avant-coureurs de la crise financière en Asie qui pourrait se répercuter sur nous ici.
Le gouvernement américain, du moins l'exécutif, a accepté en principe de réunir 3,5 milliards de dollars pour une aide supplémentaire au FMI mais le Congrès s'y est opposé. On ne demande pas une aide supplémentaire à moins d'en avoir besoin. Quelle est notre position en ce qui concerne le FMI? Quels sont les principaux problèmes du FMI? Devrions-nous nous préparer en prévision de chocs plus violents à court terme et dans l'affirmative, comment?
Si le témoin a de la difficulté avec la première question, la deuxième, concernant le FMI, est la plus importante.
M. Klassen: Malheureusement, sénateur, je suis mieux en mesure de répondre à la première qu'à la deuxième. Je suis le représentant de l'APEC et le porte-parole de la politique commerciale du ministère. Franchement, je ne crois pas avoir la compétence nécessaire pour répondre à vos questions sur le FMI. Vous pourriez peut-être inviter les représentants du ministère des Finances à venir vous en parler.
Nous sommes en train de présider le processus des ministres des Finances de l'APEC, qui prévoit un programme de travail assez exhaustif. Il vise essentiellement à déterminer comment établir un système financier et bancaire bien structuré et transparent. Il aborde les conditions essentielles, à moyen et à long termes, à la meilleure structuration possible des systèmes économique et financier de façon à éviter ce genre de problèmes.
Quant au fait que le FMI ait été pris au dépourvu, je crois qu'il est préférable que je laisse les responsables des finances vous indiquer où se trouvent les bourses bien garnies et ce que cela signifie pour le Canada.
L'autre question que vous posez est très bonne; vous demandez où nous déployons nos énergies et quelles sont nos priorités dans le domaine commercial. Cette question est plus vaste que celle relative à la région de l'Asie-Pacifique que nous devons régler au sein du ministère. Comme vous le savez, nous participons à l'heure actuelle à plusieurs initiatives. Nous avons l'APEC. Nous avons établi un programme très important pour l'OMC ces quelques prochaines années, programme qui nécessitera d'importantes ressources de négociation. Il est question d'une nouvelle série de négociations au sein de l'OMC, série qui sera probablement lancée d'ici les quelques prochaines années. Il faut également parler de la zone de libre-échange des Amériques, ainsi que de toutes les autres ententes bilatérales. Vous savez peut-être qu'il a été dernièrement question de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'AELE. À cela s'ajoute bien sûr toute une gamme de différends commerciaux que nous devons suivre au quotidien. Il s'agit donc de savoir comment traiter de ces questions et où fixer les priorités.
Pour nous, de toute évidence, c'est le principe multilatéral et notre engagement au sein de l'OMC qui représentent la priorité et le principe prépondérant. En même temps, nous croyons que le mouvement vers des ALE bilatéraux, des accords de libre-échange, ou vers des regroupements régionaux comme l'APEC -- qui n'est pas une zone de libre-échange mais qui vise cependant la libéralisation des échanges -- est positif, puisqu'il se traduit au bout du compte par une libéralisation des échanges. Éventuellement, cela donnera une libéralisation plus poussée au plan multilatéral.
Il a déjà été question d'un ALE avec le Japon. Très franchement, il est possible que le Japon s'y intéresse pour ce qui est du secteur industriel. En ce qui concerne la pêche et l'agriculture, qui sont des secteurs essentiels pour le Canada, il faut dire que le Japon ne tient absolument pas à se lancer dans un débat sur le libre-échange à cet égard. Nous nous intéressons de très près à ces questions ainsi qu'à la façon dont nous nous engageons dans le processus de l'OMC et de l'APEC.
Ce sont des domaines que, même sur une base sectorielle, nous allons continuer d'explorer chaque fois que c'est possible, tout en reconnaissant que nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour nous attarder sur tout à la fois.
Beaucoup de ces questions se posent à plus long terme. L'ouverture du marché ne se traduit pas immédiatement par une multiplication massive des exportations canadiennes. Il est possible de modifier le cadre et d'améliorer la base, mais il faut alors relier ce processus à des programmes de promotion du commerce international de façon à pouvoir signaler ces nouveaux débouchés aux entreprises canadiennes. On les aide, lorsqu'on le peut, et lorsqu'il le faut, on les informe des débouchés et de la façon de percer le marché.
Nous définissons ou ciblons mieux certains marchés en expansion, marchés qui, selon nous, offrent le plus grand potentiel pour les exportations canadiennes en termes de promotion du commerce. Le ministre s'engage à affecter davantage de ressources à la promotion du commerce sur le terrain, à l'extérieur d'Ottawa, de manière à ce que ces ressources se concentrent sur de nouvelles régions ou des régions en expansion comme celle de l'Asie-Pacifique.
Je n'ai pas de réponse précise ou directe à vous donner. C'est pour nous un élément de l'ensemble du travail que nous faisons pour arriver à de tels regroupements bilatéraux, regroupements régionaux plus vastes, dans le contexte de ce que nous essayons de réaliser au sein de l'OMC.
Le sénateur Grafstein: Ce qui me frappe, c'est que nous avons tous intérêt à ce qu'il y ait une certaine stabilité au Japon. Ce pays représente un débouché absolument unique -- et les Américains le traitent en priorité -- cela devait nous inciter à être beaucoup plus agressifs et à parvenir rapidement à une entente bilatérale avec le Japon. Tout en reconnaissant le souci du sénateur Whelan à propos des produits agricoles, je m'intéresse également aux produits industriels, notamment au Pacte de l'automobile. Selon moi, c'est un domaine qui devrait retenir notre attention et susciter de notre part des engagements à court terme, car nous pourrions alors devancer les Américains sur ce terrain.
Le président: En supposant que le Japon ne soit pas prêt à ouvrir ses ports aux produits agricoles et halieutiques, quel avantage avons-nous d'ouvrir nos ports aux automobiles et autres produits industriels lourds japonais? C'est probablement la question sur laquelle le ministère devrait s'attarder. Nous aimerions peut-être une analyse sur la façon dont cela pourrait s'équilibrer.
Le sénateur Bolduc: Je suis d'accord avec mon collègue, nos ressources sont limitées et nous sommes engagés envers l'APEC en général. Toutefois, l'économie japonaise est tellement énorme que nous devrions nous y attarder. Nous avons conclu des ententes avec le Chili et Israël. Au lieu de chercher des débouchés commerciaux avec l'Indonésie et d'autres pays de l'Asie, je crois que nous devrions nous concentrer sur le Japon vu l'immensité du marché qu'il représente. On pourrait dire la même chose au sujet de l'Inde, mais je crois qu'il faudrait se concentrer sur la Chine et sur le Japon.
M. Klassen: Nous n'avons pas entamé de discussions approfondies à ce sujet avec le Japon. Je ne crois pas que le Japon soit prêt pour l'instant.
Le sénateur Bolduc: Les entreprises canadiennes exercent-elles des pressions pour que le gouvernement tente d'ouvrir des portes au Japon, ou laissez-vous une société comme Nortel faire ce qu'elle peut?
M. Klassen: Non, nous apportons notre aide de toutes les façons possibles. Malheureusement, les principaux irritants ou problèmes commerciaux que nous avons avec le Japon se posent particulièrement dans les secteurs de la pêche, des forêts et de l'agriculture. En général, le tarif douanier industriel japonais n'est pas très élevé. Les quotas et les mesures restrictives qu'il impose visent beaucoup plus les secteurs des ressources primaires.
Les normes et les processus de réglementation du Japon présentent certaines difficultés, mais tout cela est en train de changer. Nous faisons des progrès à ce sujet tant au plan bilatéral qu'au plan multilatéral. Je le répète, les problèmes se posent dans ces trois secteurs principaux: la pêche, les forêts et l'agriculture.
Le sénateur Bolduc: Croyez-vous que la situation relative au matériel industriel, et cetera, va évoluer lentement?
M. Klassen: Nous continuons d'exercer des pressions lorsque cela est possible. Nous avons aidé plusieurs sociétés de haute technologie à régler les questions de normes et de réglementation en vigueur au Japon et nous avons incité le Japon à être plus transparent et plus ouvert dans ces domaines. La liste des difficultés commerciales avec le Japon englobe ces secteurs très sensibles où le Japon n'est pas prêt à bouger pour l'instant.
Le sénateur Bolduc: Je présume que le Japon a la même attitude que l'Europe au sujet des ressources -- il ne veut tout simplement pas faire de concessions.
M. Klassen: C'est un pays assez restrictif.
Le sénateur Whelan: Le Japon est membre de l'OMC, n'est-ce pas?
M. Klassen: Oui.
Le sénateur Whelan: Comment alors peut-il être si restrictif? Au Canada, on dit qu'il est possible d'interjeter appel à l'OMC si on interdit l'entrée des produits laitiers. Comment ces pays peuvent-ils être si différents et en même temps être partenaires égaux au sein de l'OMC?
M. Klassen: Plusieurs des mesures restrictives japonaises sont légales sous le régime de l'OMC. Certains pourraient dire que le Canada impose des mesures assez restrictives, comme le tarif de 350 p. 100 imposé à certains produits laitiers, mais c'est parfaitement légal sous le régime de l'OMC. Vous ne pouvez pas le contester et dire qu'il s'agit d'une mesure illégale.
Plusieurs systèmes de contingents ou de tarifs japonais que l'on aimerait modifier ne sont pas nécessairement illégaux sous le régime de l'OMC. On ne peut pas les contester à cet égard. Il faut toutefois continuer d'exercer des pressions sur le Japon pour qu'il libéralise, ouvre, modifie ses systèmes internes.
Le sénateur Whelan: Nous avons établi nos programmes laitiers en vertu des règles internationales du GATT. Au Canada, aucun parti politique et aucune organisation d'agriculteurs n'a demandé qu'elles soient modifiées. Toutefois, quelqu'un a demandé que l'on modifie l'Article XI au GATT, mais cette demande n'a certainement pas été faite par un parti politique. Par conséquent, ce sont les grandes entreprises et les bureaucrates qui ont demandé des modifications à l'Article XI.
M. Klassen: Nous parlons maintenant des négociations de l'Uruguay Round. Nos partenaires commerciaux ont exercé des pressions considérables pour modifier l'Article XI et pour se débarrasser du principe de la régulation de l'offre. Nous le justifions en invoquant l'Article XI du GATT. Comme vous le savez, au cours de l'Uruguay Round, nous avons fixé des tarifs douaniers à nos contingents si bien que nous avons maintenant des barrières tarifaires.
Le sénateur Whelan: Avez-vous participé à l'Uruguay Round?
M. Klassen: Oui, à un moment donné, je faisais partie de l'équipe de négociation.
Le sénateur Whelan: Vous êtes donc un de ceux qui, lorsque M. Mazankowski était ministre, ont sacrifié nos produits laitiers, car que c'est en Uruguay que le processus s'est amorcé.
M. Klassen: Nous nous écartons un peu du sujet, mais je ne crois pas que nous ayons sacrifié ces produits, sénateur. Quand les barrières tarifaires atteignent 350 p. 100, le sacrifice n'est pas bien grand.
Le sénateur Stollery: C'est toujours ainsi que cela commence. Ensuite, on abaissera le tarif.
M. Klassen: Le réduire de 350 p. 100 ne se fera pas du jour au lendemain.
Le sénateur Stollery: Monsieur le président, j'avoue ne pas voir comment les Japonais, étant donné la crise qui secoue actuellement leur système financier, pourront accepter quoi que ce soit dans un avenir prévisible.
L'APEC est essentiellement un groupe hétéroclite de gens d'affaires et de commerçants. Pouvez-vous nous décrire les activités hors programme qui ont entouré la conférence et qui ont semblé donner lieu à toutes sortes de manchettes et d'articles dans les journaux?
Les dirigeants ont-ils tant limité la liste des sujets qu'ils étaient prêts à aborder qu'on a eu l'impression d'être exclu?
M. Klassen: Le sommet parallèle, inauguré par Ramos Horta le 19 novembre, a pris la forme d'une série d'ateliers échelonnés sur quatre ou cinq jours et portant sur toutes sortes de sujets allant des droits des travailleurs et de la liberté de la presse à des questions écologiques et au développement durable.
Le sommet parallèle réunit un groupe très important d'associations diverses.
Le sénateur Stollery: En cela, il ressemble à l'APEC.
M. Klassen: Il est encore plus diversifié et hétéroclite. Il comprend de tout, allant de ceux qui aimeraient amorcer un dialogue sincère avec l'APEC à ceux qui s'en servent simplement comme tribune pour faire valoir des intérêts spéciaux et attirer les feux des caméras. De très nombreux représentants des médias se trouvaient à Vancouver, à ce moment-là.
Depuis un an et demi, j'ai rencontré périodiquement des groupes d'ONG au Canada et j'ai essayé d'amorcer avec eux, tout comme nous l'avons fait avec le milieu des affaires, un dialogue sur ce que fait l'APEC. Vous avez tout à fait raison de dire que l'APEC est avant tout une tribune de commerce et d'investissement. Cependant, si l'on se fie à toute la gamme des activités qu'elle englobe, elle représente beaucoup plus.
J'ignore combien de porte-parole ces groupes d'ONG avaient délégués aux divers fora tenus à Vancouver, mais il n'y a pas eu d'accroc. Une marche plutôt paisible jusqu'au Vancouver Trade and Convention Centre a été organisée dans le centre-ville de Vancouver, et il y a eu des manifestations à l'Université de la Colombie-Britannique où étaient réunis les dirigeants.
Nul, ministres compris, n'avait accès à ce lieu de rencontre. Quelques personnes étaient présentes pour prendre des notes. C'est tout. Cette formule a l'avantage de donner des coudées plus franches aux dirigeants, qui peuvent échanger et discuter entre eux loin des caméras.
Les ministres ont rencontré quatre ou cinq fois différents groupes du sommet parallèle afin de les entendre et de connaître leurs préoccupations. Les ministres Axworthy et Marchi ont rencontré six représentants du sommet parallèle, dont un seul était canadien. Ensuite, ils ont rencontré, chacun de leur côté, le groupe du forum sur le développement durable, celui du travail et celui de la liberté de la presse.
Durant ces trois ou quatre jours d'effervescence à Vancouver, les ministres ont réaménagé leur horaire pour rencontrer ces gens. Les rencontres ont même débordé sur la période de réflexion qu'ils s'étaient ménagée en vue d'amorcer une discussion plus générale.
Je sais que nous avons poussé beaucoup plus que tous les autres l'idée d'une plus grande participation de la société civile. Les ministres Axworthy et Marchi y tiennent beaucoup et s'y sont engagés. Je suis sûr que ce serait là l'un des faits saillants cités par certains membres de l'APEC pour caractériser la réunion de Vancouver et cette année internationale.
Le sénateur Stollery: Je suis conscient qu'il y a parfois dans ces groupes des extrémistes, mais il y a aussi au sein de l'APEC toutes sortes de gens qui ont des vues légitimes.
M. Klassen: Justement.
Le sénateur Stollery: Quelques-uns de nos propres ministres ont fait de leur mieux pour vendre cette approche. J'ai l'impression que certains autres pays sont incapables de l'accepter.
M. Klassen: Cela varie, sénateur. Il faudrait reconnaître la contribution des Philippines, qui sont très actives dans ce domaine. Elles l'étaient déjà l'an dernier, et je crois que ces premières démarches nous servent aujourd'hui de tremplin.
Quant aux autres membres, certains sont disposés à s'y engager, d'autres pas.
Chaque président doit décider, lorsque la réunion a lieu chez lui, comment aborder la question. En un certain sens, c'est nous qui l'avons proposée, cette question.
Le sénateur Stollery: C'est bien!
M. Klassen: Même si nul autre que nous ne veut prendre l'initiative et ne s'y intéresse, nous n'avons assurément pas l'intention de renoncer. À titre d'exemple, je souligne ce que nous avons accompli en matière de développement des ressources humaines, car nous présidions le groupe de travail à ce sujet. On a reconnu la participation des travailleurs, et ainsi de suite.
Le sénateur Stollery: Où aura lieu la prochaine conférence de l'APEC?
M. Klassen: En Malaysia.
Le sénateur Stollery: Sans vouloir exagérer, voilà qui met la Malaysia dans l'embarras, jusqu'à un certain point, parce qu'il lui faudra donner suite à ce qui a été amorcé par les Philippines et à l'approche adoptée par les ministres canadiens. Il lui sera difficile d'ignorer cela.
M. Klassen: C'est vrai. De bien des façons, le progrès est lent dans ce genre de dossier. La rencontre du premier ministre avec le groupe des travailleurs est devenue un événement annuel. C'était la troisième à avoir lieu.
Le même groupe de représentants des travailleurs a rencontré le premier ministre du Japon et le président des Philippines, en tant que deux derniers hôtes de la conférence. Nous avons peut-être établi un précédent.
Le sénateur Andreychuk: Juste avant la conférence de l'APEC, certains de nos partenaires au sein de cet organisme nous ont reproché de vouloir leur imposer notre culture et nos valeurs. Ils laissaient presque entendre que c'était à nous de renoncer aux nôtres. Vous affirmez maintenant que nous avons commencé à leur faire accepter nos façons de faire.
Avez-vous reçu des instructions de vos maîtres politiques vous fixant cela comme programme de travail?
M. Klassen: Cela demeurera au programme en ce sens, comme je le disais au sénateur Stollery, que nous ne renoncerons pas à mettre en relief, par exemple, la situation des femmes au sein de l'APEC ou à faire participer les travailleurs, grâce au développement des ressources humaines.
Le sénateur Andreychuk: Je parlais de la participation de la société civile.
M. Klassen: Ce sont tous des éléments de la société civile. La société civile, dans son sens large, comprend ceux qui s'intéressent aux questions écologiques, au développement durable, à l'éducation, et ainsi de suite. Il est question de tout cela au sein de l'APEC. C'est là-dessus que j'ai essayé de faire accepter la participation des éléments de la société civile canadienne compétents dans ces domaines. Je souhaite obtenir cette acceptation. J'aimerais que nous participions à l'élaboration du programme de travail de l'APEC, de ses priorités, et ainsi de suite.
Il est beaucoup question au sein de l'APEC de dialoguer avec les milieux d'affaires, et nous le faisons effectivement. L'organisme a pour principe de base que, si sa vocation première est de nature commerciale et économique, il lui faut travailler en harmonie avec les gens d'affaires et respecter leurs priorités.
Nous ne respectons pas toujours leurs priorités. Nous n'allons ni aussi vite ni aussi loin qu'ils pourraient le souhaiter. En toute franchise, nous ne mettrons pas en oeuvre certaines de leurs propositions parce qu'elles ne nous semblent pas bonnes. Nous avons pris le même genre d'engagement concernant la société civile dans plusieurs de ces autres dossiers, y compris dans celui du commerce. Certains éléments de la société civile (dans son sens large) sont préoccupés par l'incidence du commerce mais, de toute évidence, nous souhaitons travailler avec ceux qui collaborent.
Nous partons du fait que le processus est bon et que tous ont intérêt à ce que l'objectif visé soit atteint.
Le sénateur Corbin: Monsieur le président, j'aimerais éclaircir un point. Je me rappelle que le témoin a affirmé, plus tôt, qu'il ne se prenait pas de notes à la rencontre des dirigeants. Par la suite, il a dit au sénateur Stollery que quelques personnes avaient été admises pour prendre des notes.
M. Klassen: Si j'ai dit qu'on ne prenait pas de notes, je me suis mal exprimé.
Les dirigeants se rencontrent dans une salle, et chaque pays membre a, dans une autre salle, un fonctionnaire qui suit la rencontre à un écran de télévision et qui prend des notes au sujet de ce qui se dit. Ainsi, il existe un compte rendu.
Le sénateur Corbin: Je l'espère bien.
Le président: Des notes ont-elles été prises durant la période de réflexion des ministres?
M. Klassen: Oui. Des fonctionnaires étaient présents dans la salle. Chaque délégation était composée de ministres et de deux fonctionnaires. Les Canadiens étaient un peu plus nombreux parce que c'était eux qui étaient en charge de la conférence. Nous avons effectivement pris quelques notes.
Le sénateur Andreychuk: Le déjeuner a-t-il eu lieu en privé?
M. Klassen: Les dirigeants étaient seuls au déjeuner. Je parlais peut-être du déjeuner quand j'ai dit qu'il n'y avait personne pour prendre des notes. C'était un déjeuner privé.
Le sénateur Corbin: C'est au sujet du déjeuner que vous l'avez dit. Je vous remercie de m'avoir rafraîchi la mémoire.
On a mentionné les préoccupations des groupes de la société qui n'appartiennent pas au milieu des affaires. Si j'examine la documentation, je constate que nous ne disposons pas de grand-chose à cet égard. Y a-t-il des éléments d'information que vous pouvez nous fournir au sujet de ce que vous appelez «les préoccupations des groupes de la société», en plus de ce que nous possédons déjà et de ce que vous avez déjà dit?
À quel point vous préoccupez-vous de ces questions? Allez-vous plus loin que les questions relatives à la norme du travail? Vous n'avez pas mentionné du tout les droits de la personne aujourd'hui. Mettrez-vous cette question de côté? Les valeurs patrimoniales et les préoccupations d'ordre culturel sont-elles incluses dans les préoccupations de la société que vous avez mentionnées?
M. Klassen: Je n'ai pas parlé des droits de la personne.
Le sénateur Corbin: Était-ce délibéré?
M. Klassen: C'était effectivement délibéré, parce que la question ne figure pas au programme de l'APEC et qu'elle n'a pas été soulevée durant les réunions de l'APEC comme telles. Des ministres ont soulevé des points précis durant les rencontres bilatérales, dans le cadre desquelles on faisait valoir des préoccupations. Ainsi, il a été question de Pak Pahan, ce chef syndicaliste emprisonné en Indonésie. Le ministre Axworthy en a parlé durant ses rencontres bilatérales.
À ce stade-ci de son développement et vu ses principes de fonctionnement, l'APEC n'est tout simplement pas prête à s'attaquer à ce genre de questions. Toutefois, les réunions nous donnent l'occasion de rencontrer les autres membres et d'en parler. Nous avons pu en quelque sorte montrer les valeurs qui nous sont chères dans la façon dont nous avons mené la réunion et dans la façon dont nos ministres se sont mis à la disposition des représentants du sommet parallèle, puis ont abordé ces questions durant la période de réflexion qui leur était réservée. Nous avons en quelque sorte répondu aux attentes. Par ce genre d'ouverture, nous avons essayé de montrer à nos collègues de l'APEC comment nous faisons les choses au Canada et l'importance que revêtent ces valeurs à nos yeux.
Nous estimons aussi qu'en abordant des questions plus générales, on commence à toucher à l'art de gouverner dans la mesure où, grâce à une coopération économique et technique, on peut améliorer le niveau de développement économique, le mode de vie. On commence à parler de pauvreté et, de façon détournée, de la façon de gouverner. C'est ainsi que, dès que s'allonge la liste des sujets abordés, ces sociétés se libéralisent. J'estime que l'APEC peut faire et fait effectivement une contribution importante à cet égard.
Vous m'avez demandé dans quels dossiers en particulier nous avions noté des progrès. Si vous lisez la déclaration des ministres, voire celle des dirigeants, vous y trouverez mentionnée la contribution du monde patronal et syndical à l'atteinte des objectifs de l'APEC, soit à la promotion de la croissance durable. Vous y trouverez aussi mentionnées la question des liens entre intervenants, l'importance de faire participer tous les secteurs de la société à la croissance durable et au développement équitable, ainsi que la participation de ces mêmes intervenants aux réunions de l'APEC.
Le sénateur Corbin: Ces déclarations sont plutôt vagues. Est-ce encore voulu?
M. Klassen: C'est voulu en ce sens, sénateur, que ce genre de dossier n'avance pas rapidement. Si nous remontons aux déclarations faites à l'issue des rencontres ministérielles d'il y a deux ou trois ans, vous constaterez qu'il en était encore moins question. J'ai été très frappé, lorsque le groupe de représentants des travailleurs a rencontré le premier ministre en octobre, par l'importance qu'il accordait au libellé de la déclaration de Manille lorsqu'il y a manifestement eu une ouverture. On y admettait beaucoup plus facilement que l'APEC a une incidence sur toute la société, pas seulement sur le milieu des affaires. Le groupe voyait cela comme un élément positif, comme une évolution importante. Cette année, je crois que nous avons réussi à élargir la brèche.
Il appartient à ceux d'entre nous qui croyons en ce processus de continuer de mettre l'épaule à la roue, de continuer d'insister sur cette idée et d'y accorder la priorité dans notre manière d'aborder les programmes et les priorités au sein de l'APEC. Il y a une évolution, et je crois que nous sommes dans la bonne voie.
Le sénateur Corbin: Quand vous dites «nous», vous parlez du Canada?
M. Klassen: C'est cela.
Le sénateur Corbin: Que faites-vous de nos amis? Exercent-ils les mêmes pressions?
M. Klassen: Certains ont la même approche que nous. J'ai mentionné plus tôt les Philippines. Ce pays est très ouvert à l'idée de faire participer davantage les organisations non gouvernementales. Plusieurs membres de l'ANASE y sont plus ouverts que l'on pourrait le croire. Bien sûr, d'autres pays développés de l'APEC sont beaucoup plus habitués à ce genre de situation et sont disposés à en traiter.
Le sénateur Corbin: Nous en avons profité, je suppose, et, en fait, il était impossible d'y échapper puisque la conférence avait lieu au Canada. Cela a certainement joué comme facteur pour vous permettre d'aborder ces questions, que ce soit lors des rencontres bilatérales ou autrement. Estimez-vous que ce sera aussi facile lorsque la conférence aura lieu en Malaysia? Croyez-vous que vous continuerez d'élargir la brèche la prochaine fois?
M. Klassen: Je ne pourrais vraiment pas vous dire comment les Malaisiens piloteront ce dossier à Kuala Lumpur, mais j'aurais tendance à croire que les ministres canadiens se sont désormais fixé une ligne de conduite. À Kuala Lumpur, ils seront tout à fait libres de rencontrer qui ils veulent, y compris les représentants du sommet parallèle. Ils ont réaménagé leur horaire pour le faire ici. Je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas le faire à Kuala Lumpur, en supposant que les mêmes personnes iront là-bas. Loin de moi l'idée d'émettre des conjectures! Leur engagement à cet égard est aussi intense que le nôtre.
J'aimerais commenter ce que vous avez dit, que la conférence avait lieu à Vancouver et que, de ce fait, nous étions obligés d'agir ainsi. En fait, Vancouver a été le point culminant d'un programme qui s'est étalé sur toute une année. Les efforts que nous avons déployés au sujet de la problématique homme-femme et de la situation de la femme et en vue de faire accepter l'idée d'une rencontre ministérielle de l'APEC portant sur la condition de la femme, l'an prochain, n'ont pas été faits qu'à Vancouver. Il a fallu de nombreux mois de travail auprès de nos amis de l'APEC.
Toute cette question d'accroître la participation a été débattue par de hauts fonctionnaires lors d'une réunion à St. John's, à Terre-Neuve. En fait, le ministère a commandé une étude pour savoir comment d'autres institutions multilatérales règlent ce genre de problème. À nouveau, sans exiger une décision, sans vouloir obtenir un résultat ferme, nous avons dit: «Écoutez, c'est une question qu'il faudrait débattre. D'autres le font sans que le ciel leur tombe sur la tête».
Nous l'avons fait à nos propres réunions, cette année. Lors de la rencontre des ministres de l'environnement à Toronto, nous avons invité les représentants de deux ONG à faire partie de la délégation canadienne pour toute la durée du mandat. Un autre groupe d'ONG en relation avec Genève, mais dont les bureaux sont situés à Winnipeg, s'y trouvait en tant que rapporteur, soit l'Institut international du développement durable. Chaque jour, il faisait circuler sur le Web un résumé du débat tenu dans le cadre de la réunion ministérielle. À la fin de la conférence, il a aussi publié sur le Web une excellente analyse des points forts de la rencontre, de ses réalisations et ainsi de suite.
Nous nous sommes servis de cet exemple pour dire à nos collègues de l'APEC: «Regardez, c'est possible. Ces gens ont agi de façon très responsable. Ils ont présenté de très bons rapports.» Les ONG ont vraiment apprécié la transparence et l'ouverture du processus, car on a surtout reproché au processus d'être trop fermé. Nous avons fait de notre mieux pour tâcher de mettre cela en lumière.
Le sénateur Di Nino: J'aimerais poursuivre un instant sur le même sujet. Je suis ravi que les intervenants précédents, c'est-à-dire le sénateur Andreychuk et le sénateur Corbin, aient abordé cette question de façon éloquente. J'aimerais que vous nous précisiez ce que vous entendez par participation élargie.
Parallèlement, j'aimerais vous poser une question précise. Cette année marque le 50e anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies. Je me demandais si cette question a fait l'objet de discussions au niveau ministériel ou à d'autres paliers.
M. Klassen: Non, sénateur, cette question n'a pas été abordée. Il faut reconnaître que le mandat de l'APEC est en train de s'élargir, vu toute la gamme des activités dont elle s'occupe, mais ce n'est pas forcément l'endroit pour discuter de tout.
Par exemple, en ce qui concerne les normes du travail, qui est une question d'une grande importance pour le gouvernement, nous sommes convaincus que le BIT à Genève est l'organisme tout indiqué pour s'en occuper. C'est là où nous travaillons à élaborer ce que nous appelons des normes de travail de base ainsi qu'une convention visant à interdire ou éliminer la main-d'oeuvre enfantine.
Nous élaborons des normes de travail de base. C'est un aspect que nous serons appelés à approfondir lorsque nous aborderons la question des normes commerciales et des normes du travail, qui est un dossier très délicat pour un grand nombre de membres de l'OMC. Nous n'avons pas traité de ces questions en particulier au sein de l'APEC.
Pour ce qui est de la participation ou de l'ouverture, il y a en fait deux aspects. L'un, c'est déterminer jusqu'où il est possible d'élargir ou d'ouvrir le système de l'APEC. L'autre, c'est déterminer ce qu'il est possible de faire à l'échelle nationale. Nous avons beaucoup plus de contrôle sur ce que nous pouvons faire à l'échelle nationale; comme dans les exemples que je viens de donner au sénateur Corbin à propos des initiatives que nous avons prises lors de la réunion sur l'environnement, entre autres l'étude que nous avons commandée sur ce que font les autres institutions multilatérales.
Une coalition de l'APEC et des ONG a été constituée pour organiser le sommet parallèle. L'année dernière, J'ai rencontré ses membres toutes les six ou huit semaines. Nous leur avons commandé une étude sur les liens qu'elles souhaitent entretenir avec l'APEC. Il faut dire que les ONG ne semblent pas vraiment savoir en quoi consiste le rôle de l'APEC. Nous leur avons dit: «Afin de vous permettre de mieux comprendre notre rôle, nous vous paierons pour que vous engagiez un conseiller chargé d'examiner le processus de l'APEC et de proposer les formes que pourrait prendre votre participation au processus.»
Nous avons ce rapport et nous devons y donner suite. Pour l'instant, nous ne sommes pas disposés à aller aussi loin qu'elles le proposent bien que certaines de leurs propositions soient très valables. Je considère que cela fait partie du dialogue et de l'ouverture. Nous avons été très ouverts avec nos collègues des ONG pour ce qui est de leur fournir la documentation, leur expliquer le processus de l'APEC et les encourager à participer au processus, à nous donner leur avis sur les priorités et les programmes et les voies dans lesquelles nous devrions nous engager et celles que nous devrions éviter.
Nous ne sommes pas toujours d'accord avec les milieux d'affaires car ils ont à certains égards critiqué l'APEC. Ils nous ont reproché dans la presse de ne pas avoir donné suite assez vite à leurs recommandations et de n'être pas allés assez loin. Comme je l'ai dit, nous ne donnerons aucune suite à certaines de leurs recommandations. Nous ne pouvons pas satisfaire tout le monde mais nous pouvons solliciter la participation des éléments de la société civile en général, ce que nous faisons d'ailleurs, c'est-à-dire de ceux qui sont prêts à contribuer de façon positive au processus.
Le sénateur Di Nino: À votre avis, la délégation canadienne qui nous représentera en 1998 et par la suite continuera-t-elle à faire preuve du même esprit d'ouverture? Croyez-vous que cela continuera?
M. Klassen: Absolument. Ce n'est pas une initiative que nous avons prise cette année simplement parce que nous présidons la conférence. Nous l'avons prise parce que nous y croyons et parce que cela suscite une grande préoccupation. On s'intéresse beaucoup aux travaux de l'APEC et à son rôle et à la façon dont les ONG peuvent accroître leur participation. Il ne s'agit pas pour nous d'une expérience isolée. Nous continuerons à rencontrer les représentants des ONG. Nous poursuivrons le dialogue. Nous continuerons à encourager leur participation.
Lorsque nous sommes allés à la réunion des hauts fonctionnaires à St. John's, nous avons invité deux membres à y participer à titre d'observateurs de la délégation canadienne. Nous sommes tout à fait prêts à poursuivre ce genre de processus.
Nous avons invité des représentants syndicaux à participer à la réunion ministérielle du ministère du Développement des ressources humaines à Séoul l'année dernière. Comme ils avaient d'autres engagements, ils n'ont pas pu y assister, mais ils ont été invités. Nous les avons invités à faire partie de la délégation canadienne à Vancouver. Là encore, ils n'ont pas profité de l'occasion. Oui, nous avons l'intention de poursuivre dans cette voie.
Le sénateur Di Nino: J'aimerais aborder une autre question. De toute évidence, la crise financière que traverse l'Asie doit avoir considérablement perturbé l'ordre du jour des réunions. C'est du moins l'impression que nous en avons eue à la lecture des rapports, c'est-à-dire ceux d'entre nous qui n'y étaient pas.
Je crains que certains des coupables, sinon tous, ne soient pas prêts à assumer la responsabilité des gestes qu'ils ont posés dans leur propre pays. En refusant de reconnaître leur responsabilité, ils imposent un énorme fardeau au reste du monde, qui est obligé de subir les conséquences de leurs erreurs.
Est-ce un aspect dont on a discuté librement lors des réunions des dirigeants ou du moins lors des réunions des ministres, c'est-à-dire que certains de ces pays devaient assumer une certaine responsabilité à cet égard?
M. Klassen: Je ne crois pas que la crise financière ait perturbé l'ordre du jour. En fait, je serais porté à dire qu'elle a eu un effet positif.
Le sénateur Di Nino: Vous devriez être politicien.
M. Klassen: Je suis persuadé que cette crise a permis de constater la pertinence de l'APEC, en ce sens qu'elle a pu s'occuper, avec les moyens limités dont elle dispose, de toute cette question. Il était extrêmement utile d'avoir huit chefs de gouvernement réunis pour discuter pendant plusieurs heures des incidences de la crise financière. Bien sûr, il a fallu modifier l'ordre du jour mais c'était très bien puisque les dirigeants ont ainsi eu l'occasion de mettre l'accent sur la nature de la crise à l'échelle mondiale. Ces discussions ont rendu la réunion très intéressante. C'est pourquoi, je ne craignais absolument pas que cette crise détourne l'APEC de ses objectifs.
Le sénateur Di Nino: Mais vous avez dit qu'elle a modifié l'ordre du jour.
M. Klassen: Elle a modifié l'ordre du jour. Il ne fait aucun doute qu'elle a modifié l'orientation de la discussion.
En ce qui concerne votre autre question, il est un peu plus difficile d'y répondre. Comme je l'ai dit plus tôt, l'un des messages clairs qui s'est dégagé de la discussion, particulièrement chez ceux qui ont traversé ce genre de crise, c'est que pour y faire face, il est impossible de procéder en douceur. C'est une situation qui appelle souvent l'adoption de réformes financières et bancaires draconiennes mais nécessaires. Il faut faire preuve d'une extrême transparence. Ce genre de transition ne se fait jamais sans douleur et il faut être prêt à l'accepter. Mais plus vous prendrez des mesures fermes et rapides, plus le redressement sera solide. C'est le message très clair qui s'est dégagé de ces discussions.
Reste à savoir comment vont réagir ceux qui sont confrontés à cette crise; que va faire l'Indonésie, que vont faire les Coréens. Autant que je sache -- et je ne suis absolument pas spécialiste dans ce domaine -- ils sont en train d'avaler la pilule qui leur est imposée par le FMI.
Le président: Sénateur, le comité va tenir deux ou trois séances sur le sujet. Il faut tenir compte de la situation au Mexique, de ce qui a fonctionné dans ce pays, et examiner ce qui s'est produit dans certains pays d'Asie.
Le sénateur Di Nino: Je m'inquiète de ce qu'il est possible que cette question ne soit plus considérée comme prioritaire à l'avenir, puisqu'elle a déjà fait l'objet de débat. En pareil cas, il est évident que nous nous retrouverons face à une situation semblable à un moment donné. J'espère que le Canada ou ses représentants vont faire en sorte que cette discussion se poursuive afin de nous donner la possibilité d'examiner les résultats des mesures prises par ces pays.
Le sénateur Corbin: Le rapport du consultant sur les ONG est-il disponible?
M. Klassen: Voulez-vous parler de l'expérience dans d'autres institutions multilatérales? Il y a eu en effet deux rapports; celui que mon bureau a commandé au sujet de notre expérience dans d'autres institutions multilatérales par rapport aux pressions exercées par les ONG; c'est le premier qui a servi de point de départ à une discussion parmi les hauts fonctionnaires à St. John's.
Le deuxième rapport que nous avons commandé à cette coalition ONG portait sur la façon dont elles envisagent de s'engager dans l'APEC.
Le sénateur Corbin: Ce rapport peut-il être rendu public?
M. Klassen: C'est un rapport interne tant que nous n'aurons pas donné de réponse officielle, réponse que nous sommes en train de rédiger.
Le sénateur Corbin: Nous pourrions recevoir alors ces deux documents.
M. Klassen: Effectivement, je peux vous envoyer celui portant sur l'institution multilatérale sans plus tarder.
Le sénateur De Bané: Monsieur le président, j'ai bien compris ce qui a été dit au sujet des questions à traiter en priorité au cours des prochaines séances, mais j'aimerais reprendre la question posée par le sénateur Di Nino ainsi que la réponse que M. Klassen lui a donnée.
D'après M. Klassen, ces pays devront serrer les dents et accepter certaines réformes difficiles et draconiennes. Le Japon, qui se classe au deuxième rang des économies du monde, n'a pas encore affronté d'obstacles. S'il est vrai que de 10 à 15 p. 100 des prêts bancaires sont non productifs, il est facile d'imaginer l'importance de cette crise et le caractère difficile des réformes qui devront s'imposer.
Le Canada, grand pays exportateur, a compris que ce risque en Asie a déjà fait baisser sa monnaie; de toute évidence un tel effet est relié dans une grande mesure à ces problèmes. Par ailleurs, il est vrai que l'économie japonaise est beaucoup plus solide que celle des pays d'Amérique latine.
En effet, le Japon est une société de consensus où les divers groupes en présence tendent à travailler ensemble; de toute évidence, les Japonais se rendent compte que s'ils se lancent dans de telles réformes très pénibles, il est possible qu'un des partenaires ne soit pas en mesure de respecter ses engagements; c'est peut-être la raison pour laquelle ils font traîner les choses, si bien que le reste du monde est dans l'expectative de ce qui va se produire.
Peut-être que rien ne lui a été imposé, mais il est évident que cela a un effet non négligeable sur nos relations commerciales avec ces pays, car si jamais ils entrent en récession, ils n'achèteront plus nos produits; s'ils dévaluent leur monnaie, nous allons être inondés par leurs produits.
Que pensez-vous de l'importance de ce problème et de ses répercussions éventuelles si ces politiciens n'ont pas le courage, comme vous l'avez dit, de se lancer dans des réformes draconiennes et difficiles?
M. Klassen: Je ne pense pas avoir accusé quiconque de manquer de courage.
Le sénateur De Bané: Tout le monde l'a pourtant compris: ils manquent de courage.
M. Klassen: Je pense effectivement que ce serait un point de discussion fort intéressant pour le suivi proposé par le président; je le répète, je ne suis pas spécialiste dans ce domaine. Il est évident que la crise financière en Asie aura un impact sur les exportations canadiennes et ce, pour les excellentes raisons que vous avez si clairement mentionnées. Dans une certaine mesure, ces économies vont se retrancher et cela aura nécessairement un impact sur le Canada.
J'aimerais maintenant ramener la discussion sur l'APEC; point fort intéressant à mon avis, dans le contexte de cet exercice de libéralisation sectorielle volontaire, on aurait pu s'attendre à ce que les membres de l'ANASE qui souffrent le plus seraient les premiers à dire qu'on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils s'engagent sur la voie de la libéralisation sectorielle à cause des coups de boutoir qu'ils subissent chez eux. Or, cela ne s'est pas produit, puisque ce ne sont pas eux qui ont essayé de ralentir le processus, ce ne sont pas eux qui ont déclaré qu'ils devaient reprendre leur souffle.
Certains de leurs dirigeants ont dit publiquement que la situation était difficile, mais que la meilleure façon de réagir à ce genre de crise ne consistait pas à fermer les frontières, à se replier sur soi-même. Au contraire, ils ont déclaré qu'il fallait continuer à s'ouvrir, à libéraliser les échanges, à devenir plus transparent en matière de processus et d'accès au marché, et cetera. En fait, nos partenaires asiatiques, dont certains connaissent actuellement des problèmes financiers, sont très engagés sur la voie de la libéralisation sectorielle, démontrant par là leur volonté de continuer à explorer et développer les propositions et à s'orienter sur cette voie, ce qui est à mon avis très positif.
Ceci étant dit, je suis sûr que beaucoup d'experts sur le Japon peuvent vous dire ce qui se produit dans ce pays, puisque je me fonde sur des connaissances personnelles uniquement; en effet, j'ai été affecté au Japon il y a quelques années au moment où l'économie de ce pays était en plein essor, juste avant son effondrement. À ce moment-là, on disait à la blague que la façon la plus rapide de devenir millionnaire au Japon consistait, si on pouvait se le permettre, à acheter un mètre carré de terrain à Ginza, d'en rester propriétaire pendant 24 heures et ensuite de le vendre; en effet, le marché de l'immobilier était complètement débridé.
On s'inquiète actuellement beaucoup au sujet du Japon; dans la presse financière, il est question de l'économie japonaise et de ce que certains assimilent à un manque de décision de la part des intéressés, qui n'arrivent pas à régler directement certains de leurs problèmes; il faut dire, bien sûr, que rien ne vaut une crise pour stimuler les esprits.
Le président: C'est d'ailleurs ce qu'a dit M. Johnson.
M. Klassen: Effectivement, même s'il l'a dit dans un contexte légèrement différent. Il se peut en effet que les Japonais n'aient pas encore été complètement confrontés à cette crise, puisqu'il n'y a pas eu le genre de désagrégation que l'on a retrouvé ailleurs; le Japon n'a pas eu à demander l'intervention du FMI; cela s'explique par l'énorme capacité de récupération de l'économie et du peuple japonais.
C'est un fait, le Japon change, s'ouvre davantage. Je suis retourné au Japon il y a quelques années après mon départ en 1989, et j'ai été surpris par le nombre de magasins d'importation qui n'existaient tout simplement pas lorsque je vivais dans ce pays. Nous assistons à l'effet inverse: beaucoup de produits de bas de gamme sont maintenant fabriqués dans d'autres pays asiatiques et importés par le Japon, où l'on trouve des magasins de rabais, ce qui était impensable à l'époque où je vivais au Japon, de 1985 à 1989. Le Japon s'ouvre, évolue, même s'il connaît encore des difficultés et des problèmes fondamentaux qu'il va devoir régler.
Je le répète, il est clair, à la lecture de la presse financière, que beaucoup s'inquiètent à propos d'une économie de cette importance qui se trouve confrontée à ces genres de problèmes. C'est la raison pour laquelle je proposerais, comme vous l'avez fait, monsieur le président, une discussion de suivi à laquelle il serait bon que certains experts de l'économie japonaise participent.
Le président: Monsieur Klassen, je vous remercie de nous avoir présenté votre rapport sur l'APEC et de nous avoir également incités à examiner la façon dont nos institutions internationales tentent de venir à bout de crises financières, comme celle du Mexique, ainsi que celles qui surgissent maintenant en Asie-Pacifique. Nous allons d'ailleurs faire un suivi au sujet de cette dernière région du globe.
La séance est levée.