Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 16 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 5 mai 1998
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 h 03 pour étudier les conséquences pour le Canada de l'émergence de l'Union monétaire européenne et autres sujets connexes en matière de commerce et d'investissement (information sur les tendances en matière de commerce et d'investissement entre le Canada et l'Europe).
Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, comme vous le savez, nous avons mis l'accent sur le Canada et la région de l'Asie-Pacifique. Nous avons également été chargés d'étudier les conséquences pour le Canada de l'émergence de l'Union monétaire européenne et autres sujets connexes en matière de commerce et d'investissement.
Comme l'Union monétaire européenne connaît un essor important, nous avons pensé qu'il serait utile de nous pencher sur cette question et de nous renseigner sur les tendances qui se dessinent en matière de commerce et d'investissement entre le Canada et l'Europe. Nos témoins nous mettront au courant d'un certain aspect des relations économiques du Canada avec l'Union européenne.
Les témoins utiliseront beaucoup de tableaux et il serait utile pour ceux qui lisent le compte rendu de cette réunion que ces tableaux soient reproduits dans le compte rendu. Est-ce qu'un des membres du comité pourrait présenter une motion pour l'inclusion de ces tableaux?
Le sénateur Di Nino: Je fais une proposition en ce sens.
Le président: Êtes-vous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Nous inclurons ces tableaux dans le compte rendu des délibérations d'aujourd'hui.
Par le passé, nous avons eu de très bonnes présentations de Statistique Canada à propos de nos relations commerciales avec l'Europe, ainsi qu'avec les États-Unis. Je me fais un plaisir d'entendre ce que nos témoins auront à nous dire aujourd'hui.
M. David Dodds, directeur, Division du commerce international, Statistique Canada: Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous parler de cette question. J'espère que nous pourrons mettre en lumière certains aspects et certaines tendances de nos échanges commerciaux avec l'Union européenne.
Mes deux collègues sont Yves Gervais, qui est responsable de la majeure partie de la production de nos chiffres sur le commerce et qui a aussi fait de nombreuses analyses à Statistique Canada, et Marlene Sterparn, qui a commencé cette étude il y a un peu plus d'un an. Elle travaille également à concilier notre idée du commerce entre le Canada et l'Union européenne avec celle de l'OSCE ou l'Office statistique des communautés européennes.
Nous aimerions examiner nos exportations dans le contexte des importations de l'Union européenne et aborder certains domaines où nous avons eu l'occasion de faire mieux et d'autres où nous semblons vulnérables.
Lorsque je parle de commerce, je parle de commerce de marchandises. Dans l'étude, comme vous pourrez le constater, ces relations commerciales ne sauraient se réduire à ce qu'indiquent ces chiffres. Il peut arriver par exemple qu'une entreprise canadienne établisse une filiale dans un pays européen et réussisse à se dérober aux obstacles tarifaires. Également, en ce qui concerne le commerce, il est possible de remplacer les exportations de marchandises par les exportations de services, entre autres sous la forme de conseils sur la façon de fabriquer des produits dans le pays européen, ou de services d'entretien.
Aux fins de la présente analyse, lorsque nous parlons de l'Union européenne, nous parlons des 15 pays qui en font partie à l'heure actuelle. Nous avons exclu le commerce intra-européen de notre analyse car il est d'une telle ampleur par comparaison avec notre commerce avec l'Union européenne que cela risquerait de fausser les données.
C'est la même raison pour laquelle, lorsque nous parlons de nos exportations, j'exclurai nos exportations vers les États-Unis puisque les États-Unis représentent un pourcentage tellement énorme de notre part de marché que toute comparaison incluant ce pays risquerait ici aussi de fausser les données.
Enfin, notre période de référence est la période de 10 ans à partir de 1983-1985 jusqu'à 1993-1995, puisqu'il s'agit des données les plus récentes dont nous disposons. Cela ne veut pas dire que nos données ne sont pas à jour, mais nous devons nous fier aux données d'autres pays que nous obtenons par l'intermédiaire de nos collègues aux Nations Unies.
Permettez-moi de discuter d'une ou deux de nos conclusions. Je passerai ensuite à l'analyse et reviendrai ensuite à nos conclusions.
Le commerce intra-européen a connu un essor incroyable et arrive en deuxième place après les États-Unis. Nos ventes à l'Union européenne sont considérables -- elles s'élèvent à environ 15 milliards de dollars par année. Sur la période de 10 ans que j'ai mentionnée, l'UE est devenue relativement moins importante pour nous aujourd'hui.
Il est également intéressant de constater que, toute proportion gardée, l'UE importe plus de produits manufacturés à la fin de cette période de 10 ans qu'au début. Proportionnellement, nous exportons également plus de produits manufacturés à l'UE à la fin de la période qu'au début. Cela indique jusqu'à un certain point que nous nous sommes adaptés aux changements structurels.
Vous pouvez constater d'après le tableau que nos exportations ont essentiellement doublé au cours de cette période de 10 ans. Nous exportons deux fois plus à la fin de la période qu'au début. Pour ce qui est de notre part du marché, la proportion que nous exportons vers les États-Unis a considérablement augmenté par suite de la diminution partielle de nos échanges avec l'Union européenne. Nous avons toutefois constaté que la diminution de la part des exportations est plus marquée dans les pays autres que ceux de l'Union européenne et que les États-Unis.
De l'autre côté, les importations de l'Union européenne sont deux fois et demie plus élevées qu'au début de la période de 10 ans. Ici encore, cette augmentation est surtout attribuable, en ce qui concerne la part de marché, au commerce intra-UE. Le commerce entre les 15 pays a augmenté de façon considérable, et les États-Unis de même que le Canada ont perdu une petite part de marché. En ce qui concerne les importations, ce sont surtout les pays autres que ceux de l'Amérique du Nord qui ont perdu une part de marchés.
L'Union européenne est-elle un important partenaire commercial pour nous? Oui. Globalement, il s'agit du plus gros importateur au monde. Si nous excluons son commerce avec les États membres, les États-Unis la dépasse à cet égard mais elle se classe en deuxième place au niveau de l'importance des importations.
J'aimerais apporter une petite précision ici -- l'abréviation PNI désigne les pays nouvellement industrialisés: le groupe de la Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong. C'est le troisième groupe du deuxième tableau.
Pour ce qui est d'un marché potentiel, l'UE arrive en deuxième place après les États-Unis au niveau des importations. Le troisième tableau indique la croissance des importations de l'UE sur cette période de 10 ans.
Pour nous, elle représente un énorme marché. Nous avons défini l'UE comme les 15 pays qui en font partie à l'heure actuelle, et nous comparons le commerce du Canada avec l'Union européenne au commerce du Canada avec le reste du monde.
La plupart de nos exportations sont destinées aux États-Unis, mais l'Europe est notre deuxième marché en importance.
L'analyse qui suit exclut les États-Unis parce qu'en raison de leur importante, cela fausserait toutes les autres données. Nos exportations vers l'Union européenne sont d'un peu plus de 30 p. 100. Nos exportations vers le Japon s'élèvent à un peu plus de 20 p. 100, suivies par le groupe des quatre nouveaux pays industrialisés, où elles sont de 10 p. 100. Quant à nos exportations vers les autres pays, elles sont nettement moins importantes.
En ce qui concerne nos exportations vers d'autres pays que les États-Unis, nous avons trois critères. Tout d'abord, nous examinons les principales exportations -- c'est-à-dire les exportations qui ont le plus de valeur. Deuxièmement, nous examinons la croissance la plus importante sur la période de 10 ans. Troisièmement, nous examinons les produits qui affichent la croissance la plus rapide au niveau des exportations sur cette même période de 10 ans.
Si vous examinez ces produits, vous constaterez qu'il y en a plusieurs dans toutes les trois catégories ou selon les trois critères. Il s'agit des pâtes et papier, du bois, des véhicules automobiles et du matériel de transport, qui figurent parmi nos principales exportations. Les exportations de ces produits affichent également la croissance la plus importante et la plus rapide au cours de la période de 10 ans.
Si nous examinons nos exportations vers l'UE en fonction de ces trois critères, nous constatons que le matériel de transport et les machines électriques figurent dans ces trois tableaux. Ils font partie de nos principales exportations vers l'Union européenne. Ce sont deux de nos plus importants secteurs de croissance, qui affichent également la croissance la plus rapide sur la période de 10 ans en question.
Nous avons pensé qu'il serait intéressant de déterminer, en ce qui concerne ces produits, si nos principales exportations ailleurs qu'aux États-Unis correspondent aux principales importations de l'Union européenne. Autrement dit, nos principales exportations sont-elles les mêmes que les principales importations de l'Union européenne? Si on examine les tableaux, je dirais que les 10 produits qui suivent représentent nos principales exportations.
Sur un tableau, nous avons les principales importations de l'Union européenne. Nous avons quatre groupes qui représentent certaines de nos principales exportations et des principales importations de l'UE. Les métaux non ferreux, les véhicules automobiles, le matériel de transport et le matériel de télécommunication.
Si ces produits font partie de nos principales exportations et des principales importations de l'UE, on s'attendrait à ce qu'ils représentent une part importante de nos échanges commerciaux. Cependant, sur un autre tableau, vous pourrez constater quelles sont les principales exportations vers l'UE et quelles sont les principales importations de l'UE. Vous constaterez quatre groupes de produits qui font partie de nos exportations principales vers l'UE -- les mêmes quatre, les principales importations en provenance du reste du monde.
Lorsque vous comparez ce tableau à celui de la page précédente, vous constatez que les véhicules automobiles ne figurent pas parmi les principales exportations vers l'UE bien qu'ils figurent parmi nos principales exportations et également parmi les principales importations de l'UE. On pourrait partir du principe qu'étant donné qu'il s'agit de l'une de nos principales exportations et l'une de leurs principales importations, le lien serait établi.
Cependant, ce n'est pas le cas. Même s'il s'agit de l'une de nos principales exportations, ce n'est pas l'une de nos principales exportations vers l'UE. Bien que les véhicules automobiles figurent parmi les principales importations de l'UE, le Canada n'est pas la source de ces véhicules.
Si nous examinons notre rendement sur 10 ans en ce qui concerne ces principales exportations pour lesquelles il y a lien de correspondance, vous pouvez constater qu'il y a fluctuation. En ce qui concerne le matériel de transport, notre part de marché a augmenté, comme dans le cas des métaux non ferreux. En ce qui concerne toutefois les ordinateurs et le matériel de communication, notre part de marché a diminué.
Si nous examinons le deuxième critère -- c'est-à-dire les produits qui contribuent le plus à la croissance des exportations -- l'analyse reste la même. Nous avons encore ici quatre groupes communs de marchandises.
Il s'agit des véhicules automobiles, du matériel de transport, du matériel de télécommunication et des ordinateurs. Autrement dit, en ce qui nous concerne, ce sont les produits qui ont contribué le plus à la croissance de nos exportations et, en ce qui concerne l'UE, ce sont les produits qui ont contribué le plus à la croissance des importations sur une période de 10 ans.
Le sénateur De Bané: J'ai une question à propos du matériel de télécommunication. Nos exportations vers l'Europe ont diminué?
M. Dodds: Oui. La part de marché a diminué.
Le sénateur De Bané: Vous avez Nortel, qui est une très grosse entreprise aux États-Unis et qui dessert peut-être aussi l'Europe. Nortel est également présente en Malaysia. Notre diminution des exportations de matériel de télécommunication vers l'Europe peut-elle être attribuable au fait que d'autres usines de Nortel fournissent ces exportations? M. Gervais semble être d'accord.
M. Yves Gervais, chef de la Section de la production et de l'analyse, Division du commerce international, Statistique Canada: Oui.
M. Dodds: C'est un très bon argument. L'une des choses que j'ai mentionnées au début, c'est qu'il était très difficile d'interpréter les statistiques sur le commerce pour cette raison même. Nortel a établi une filiale dans un autre pays mais nous n'indiquerons que le commerce à partir du Canada même, c'est-à-dire à partir d'ici vers d'autres pays. Comme vous le dites, il peut y avoir en fait un commerce indirect.
Le sénateur De Bané: Nortel a aussi établi une usine en France. Donc, cela pourrait expliquer aussi cette situation.
M. Dodds: Je vous remercie.
Le sénateur Bolduc: Sur le plan statistique, le problème doit être le même si vous analysez les transnationales américaines déjà établies un peu partout en Europe.
M. Dodds: Oui. À cause de cela et de la mondialisation, il est très difficile de bien étudier ces tendances commerciales. Il faut obtenir beaucoup plus de détails et faire beaucoup plus de recherches et d'analyses qu'auparavant.
Le sénateur Carney: C'est un aspect très intéressant. Cela appuie certainement notre étude, qui a été publiée en juin de 1996 et qui indiquait que nous n'exportons pas nécessairement ce que l'Union européenne veut importer. Certaines des catégories que vous avez indiquées sont très générales, comme le matériel de transport ou les métaux non ferreux. Est-il possible d'obtenir une ventilation plus détaillée des produits dans ces principaux secteurs? Le secteur des véhicules automobiles est assez explicite et vous avez indiqué qu'il n'existe aucune correspondance à ce niveau. Pour ce qui est des autres secteurs généraux, il serait intéressant de savoir quels en sont les principaux éléments attrayants. Je doute que ce soit les locomotives.
M. Dodds: Oui, c'est un bon argument. Nous aurions dû mentionner au début qu'il s'agit de chiffres très généraux et qu'il y a beaucoup d'histoires intéressantes qui s'y cachent.
Le sénateur Carney: Nous aimerions connaître ces histoires. La catégorie des métaux non ferreux est énorme. Il me semble que bien des éléments qui en font partie ne sont pas actifs et il serait intéressant de connaître ceux qui le sont. J'aurais la même question en ce qui concerne le matériel de transport et les ordinateurs. Quel est notre point fort en ce qui concerne les ordinateurs -- le logiciel?
M. Dodds: Nous pouvons assurément vous fournir des renseignements plus détaillés. Comme vous l'avez indiqué, certaines de ces choses semblent évidentes et d'autres pas. Par exemple, je savais que nous avions inclus les pièces dans la catégorie des véhicules automobiles, mais ce matin j'ai constaté que nous incluons aussi les fauteuils roulants. Cela ne veut pas dire que les fauteuils roulants représenteront une grande partie du commerce mais c'est un exemple de l'étendue de ces catégories.
Une catégorie comme celle des ordinateurs pourrait aussi inclure certaines machines de bureau, des machines à photocopier et ainsi de suite. Le matériel de transport bien entendu inclurait les navires, les bateaux, les chemins de fer et les avions, et la situation est probablement différente pour chacune de ces sous-catégories.
Le sénateur Grafstein: Vous brossez un tableau intéressant mais cela ne nous aide pas beaucoup à déterminer notre compétitivité. Avez-vous fait une étude parallèle à partir de 1983 jusqu'à 1995 sur l'impact possible de la valeur du dollar canadien sur les exportations? Bien que notre dollar ait diminué depuis 1983, et que notre part de marché ait diminué aussi, nos chiffres absolus ont augmenté. J'aimerais savoir si d'autres études ont été faites pour déterminer l'impact de notre dollar par rapport aux monnaies européennes. La valeur de ces monnaies a diminué mais recommence à grimper et dans une grande mesure cela déterminera probablement notre capacité à pénétrer les marchés, entre autres des marchandises et des métaux ferreux. Une étude parallèle a-t-elle été faite qui indiquerait où se situe notre compétitivité en fonction de la valeur de la monnaie? C'est de toute évidence le prochain sujet dont nous parlerons.
M. Gervais: La dernière fois que nous avons comparu devant ce Comité, nous avions présenté un tableau qui indiquait le lien qui existe entre le taux de change et la part de marché. Nous ne l'avons pas fait cette fois-ci car nous n'avions pas les données de base pour le faire. Nous ne parlons pas uniquement de la part de marché des importations mais aussi de la part réelle de marché où on inclut la production du marché intérieur. Nous avions un accès privilégié aux données américaines et nous nous en étions servis dans nos calculs.
Le sénateur Grafstein: Vous serait-il difficile d'établir un tableau pour nous? Vous avez fait du très bon travail pour nous auparavant et je me demande si vous pouvez établir un tableau qui réunirait ces deux éléments. Je pense qu'il existe un lien direct, surtout au niveau de l'impact sur les produits -- les pâtes et papiers, les céréales, le bois et l'engrais -- et même sur les produits à valeur ajoutée.
M. Gervais: Nous pourrions essayer de le faire.
Le sénateur Bolduc: Vous nous avez donné des prix nominaux plutôt que des prix réels.
M. Gervais: Oui.
Le sénateur Grafstein: Pourriez-vous nous donner des renseignements à ce sujet?
M. Gervais: Dans l'étude que nous avons faite avec les États-Unis, nous avons constaté un décalage assez important entre le moment où intervient le changement au niveau du taux de change et le changement au niveau de la part de marché.
Le sénateur Grafstein: Combien de temps faut-il pour que la part du marché en ressente l'impact?
M. Gervais: J'ai été assez étonné de constater le temps qu'il faut pour que l'impact se fasse sentir -- c'est-à-dire environ deux ans.
Le sénateur Grafstein: Pour que l'impact se fasse sentir?
M. Gervais: En ce qui concerne la part de marché, oui, parce qu'il faut inclure entre autres la production intérieure.
Le sénateur Carney: Est-ce que la situation serait la même dans le cas des matières premières? En ce qui concerne le bois d'oeuvre, par exemple, je sais que l'impact des changements apportés aux taux de change se fait rapidement sentir.
M. Gervais: On a étudié la question au niveau global. À plus petite échelle, ça pose un problème parce que les exportations et les importations sont évaluées par produit et tout le reste par industrie. Le lien entre les deux n'est pas évident. On peut voir ce qu'on peut faire compte tenu des données dont nous disposons.
Le sénateur Grafstein: C'est évidemment des chiffres très utiles pour notre étude de la monnaie européenne et de l'impact du taux de change. Selon moi, tout dépend de la nature de cet impact étant donné notre lien avec le dollar américain et notre retard par rapport à lui. Sans certaines statistiques, c'est difficile de déterminer cet impact.
M. Gervais: Pour faire des prévisions, on n'a qu'à se fonder sur le passé.
Le sénateur Grafstein: Pouvez-vous nous donner des prévisions?
M. Gervais: Ça dépend vraiment de la vigueur de la monnaie européenne. Si le dollar canadien est dévalué par rapport à la nouvelle monnaie, on peut vérifier quelle a été, par le passé, l'incidence sur l'économie d'une dévaluation du dollar canadien.
Le sénateur Grafstein: Quelles sont vos prévisions à ce sujet?
M. Gervais: Je suis statisticien, et vraiment mauvais en prévisions.
Le président: On devrait poursuivre l'exposé et garder les questions de ce genre pour plus tard.
M. Dodds: Si je peux me permettre, je prévois que ce sera beaucoup plus facile avec une seule monnaie qu'avec 15.
Notre deuxième critère de comparaison est la croissance. Nous comparons nos exportations, nos groupes de produits qui ont connu la croissance la plus importante sur la période de référence de 10 ans, aux principales importations de l'Union européenne.
Comme je l'ai dit, il y a correspondance entre les deux dans quatre secteurs. Maintenant, si on compare l'accroissement de nos exportations vers l'Union européenne à l'accroissement des importations de l'Union européenne provenant du reste du monde, il y a alors correspondance dans seulement trois secteurs, soit le matériel de transport, les ordinateurs et les véhicules automobiles. On n'y retrouve pas le matériel de télécommunication dans ce cas. Ce groupe de produits fait partie de nos principales exportations et contribue à accroître les importations de l'Union européenne, mais la croissance de nos exportations dans ce secteur n'est pas attribuable à l'Union européenne et la croissance des importations de l'Union européenne n'est pas attribuable à nous.
Examinons maintenant la situation du matériel de transport, des ordinateurs et des véhicules automobiles. Dans le cas du matériel de transport, notre part de marché s'est accrue, dans le cas des ordinateurs, elle a diminué et, dans le cas des véhicules automobiles, elle a connu une augmentation négligeable.
Le troisième critère de comparaison est la croissance la plus rapide durant ces 10 années. Parmi les 10 groupes de produits dont nos exportations augmentent le plus rapidement et parmi ceux dont les importations de l'Union européenne augmentent le plus rapidement, il y en a trois qui correspondent, à savoir les machines électriques, les véhicules automobiles et les ordinateurs. Il y a aussi plusieurs groupes de produits qui correspondent si on compare nos exportations vers l'Union européenne aux exportations de l'Union européenne qui augmentent le plus rapidement.
Dans l'une ou l'autre de ces trois catégories -- nos principales exportations, celles qui ont connu la croissance la plus importante en 10 ans ou celles qui ont connu la croissance la plus rapide -- on retrouve des groupes de produits qui correspondent aux importations de l'Union européenne. Dans le cas des produits dont la croissance a été la plus rapide, même si leur part de marché reste petite, la part de marché des véhicules moteurs s'est accrue, mais elle a baissé dans le cas des machines électriques, des biens métalliques, des biens minéraux non métalliques et des médicaments.
Passons maintenant aux produits manufacturés. Nos produits manufacturés représentaient une plus grande part du marché des exportations canadiennes vers l'Union européenne à la fin de la période de référence qu'au début. Les importations européennes de produits manufacturés ont également augmenté. Toutefois, l'augmentation de notre part est inférieure à la croissance du marché.
La composition de nos exportations a-t-elle changé au cours de ces 10 années? Si on examine la situation de nos 10 principales exportations vers l'Union européenne, il y en a sept qui en faisaient partie au début de la période et à la fin de la période. Sur ces 10 principales exportations, quatre représentaient des produits manufacturés au début de la période et six représentaient des produits manufacturés à la fin de la période.
Le président: Les minerais métalliques ont baissé tandis que les pâtes et papier ont pris la première place. Les céréales et les poissons ont disparu, les métaux non ferreux ont progressé tout comme le papier et le carton. Les engrais bruts ont disparu et le bois a progressé. Les produits chimiques organiques ne sont plus du nombre ainsi que les ordinateurs. Il y a certains nouveaux produits qui font partie de ces exportations, comme les machines de production d'énergie, le matériel de transport et le matériel de télécommunication.
Le sénateur Bolduc: La comparaison entre les produits manufacturés et les autres exportations est intéressante.
Le sénateur Carney: Vous avez dit que ces exportations avaient augmenté, mais elles ne figurent plus sur la liste des dix principales.
Le président: Pourquoi les céréales ne sont-elles plus du nombre? Est-ce parce qu'il y a une plus grande consommation de céréales venant des pays européens?
M. Dodds: Elles ne font pas partie des 10 principales exportations. Ça ne veut pas nécessairement dire que nous exportons moins de céréales. C'est simplement que les autres produits, comme le matériel de transport, ont pris leur place parmi les 10 principales exportations. Nos exportations de céréales vers l'Union européenne n'ont pas nécessairement diminué.
Le sénateur Andreychuk: Cette croissance est-elle attribuable à l'entrée dans l'Union européenne de quatre pays qui n'avaient pratiquement aucun service de télécommunication, et aux services de base que nous leur avons offerts? Autrement dit, une autre baisse est-elle à prévoir?
Mme Marlene Sterparn, analyste principale, Division du commerce international, Statistique Canada: Nous avons toujours tenu compte des 15 pays faisant partie de l'Union en 1995 et nous sommes remontés jusqu'en 1983 et 1985.
Le sénateur Andreychuk: Vous auriez utilisé les chiffres du Portugal, de la Grèce et de l'Irlande avant leur entrée dans l'Union. Grâce aux fonds de cohésion qu'ils ont reçus, ces pays ont mis en oeuvre de grands projets de développement, ce qu'ils n'auraient pas pu faire avant. Cet essor sera de courte durée et nous pourrions perdre des débouchés dans ce secteur.
Le président: Le premier tableau indique que seulement quatre des 10 principales exportations canadiennes étaient des produits manufacturés en 1983-1985 et qu'elles représentaient 25 p. 100 de la valeur des 10 exportations principales. Dix ans plus tard, six de ces 10 principales exportations étaient des produits manufacturés et leur valeur avait monté à 48 p. 100 de la valeur des 10 exportations principales.
M. Dodds: Oui. Six de ces 10 exportations principales sont des produits manufacturés. Le marché de nos exportations a donc connu des changements structurels puisqu'on exporte plus de produits manufacturés. Nous avons réussi à modifier la proportion relative des biens manufacturés destinés aux pays de l'Union européenne.
Le président: Pourtant, les pâtes et papier occupent toujours une place très élevée.
M. Dodds: Oui. En fait, ces exportations ont augmenté en quantité.
Le sénateur Carney: Je me demande si ce secteur n'a pas aussi connu des changements parce que l'industrie canadienne a énormément évolué dans ce domaine. Dans bien des cas, la valeur ajoutée des produits est plus forte. Nous aimerions savoir ce qui se passe dans ce secteur.
M. Dodds: Comme vous l'avez dit plus tôt, la situation est différente pour chacune de ces exportations. Même si les pâtes et papier occupent toujours une place élevée, il se peut que la composition de ce groupe de produits ait changé.
Le président: Je remarque qu'il y a la catégorie «pâtes et papier» et aussi la catégorie «papier et carton». J'imagine qu'il y a une différence technique entre les deux.
Le sénateur Carney: Les «pâtes et papier» désignent habituellement le bois, le papier kraft et les matières premières. Par «papier et carton», on désigne habituellement les produits à forte valeur ajoutée.
M. Dodds: Ici, les pâtes et papier désignent les produits non manufacturés et la catégorie papier et carton les produits manufacturés.
Dans les secteurs où il y a correspondance entre nos exportations et les principales exportations de l'Union européenne, notre part de marché est relativement petite dans le cas des métaux non ferreux et du matériel de transport. Dans le cas des véhicules moteurs et des divers produits manufacturés, elle a augmenté tandis que, dans le cas des ordinateurs, du matériel de télécommunication et des machines électriques, notre part de marché a diminué par rapport à celle des importations de l'Union européenne.
Comme je l'ai déjà dit, c'est un énorme marché qui a incroyablement grandi en 10 ans. C'est le deuxième marché au monde après les États-Unis si on exclut les échanges commerciaux entre les pays de l'Union européenne. C'est aussi notre second marché en importance puisque nos ventes à l'Union européenne s'élèvent à environ 15 milliards de dollars. Ce marché a relativement moins d'importance pour nous aujourd'hui qu'il y a 10 ans, principalement en raison de la part croissante que prennent nos exportations vers les États-Unis. Toute proportion gardée, l'Union européenne importe plus de produits manufacturés et nous y exportons aussi plus de produits manufacturés, près de la moitié de nos exportations principales, alors que cette part était de seulement un quart il y a 10 ans. Nous nous sommes adaptés aux changements structurels.
Un certain nombre des produits que nous exportons ont une importance simultanée en Union européenne et au Canada: quatre des dix premiers produits d'exportation, trois des dix produits contribuant le plus fortement à la croissance absolue et cinq des dix produits qui ont affiché le progrès le plus rapide figurent à la fois sur la liste du Canada et sur celle de l'Union européenne.
C'est la conclusion de notre étude. Il y a quelques autres aspects intéressants dont nous pourrions parler en matière d'investissement. L'analyse des échanges de produits manufacturés ne traite pas de nos investissements dans les pays de l'Union européenne. Durant la période de référence de dix ans, nos investissements ont augmenté de façon assez considérable, passant d'environ 12 ou 13 p. 100 à un peu plus de 20 p. 100.
Le sénateur Grafstein: Est-ce le pourcentage de nos investissements ou le pourcentage des investissements canadiens dans les pays de l'Union européenne?
M. Dodds: C'est le pourcentage de nos investissements à l'étranger. La part de l'investissement canadien à l'étranger représentée par l'Union européenne n'a pas tout à fait doublé, mais la part de marché a augmenté d'environ 50 p. 100.
Le sénateur Grafstein: Durant la même période, le pourcentage de nos investissements en Europe aurait baissé en chiffres absolus?
Le président: Ses investissements importés?
Le sénateur Grafstein: Si nos investissements avaient doublé en dix ans, la part de nos investissements étrangers dans les pays de l'Union européenne aurait baissé en chiffres absolus.
Pour ce qui est de la croissance absolue des investissements, le marché a plus que doublé. Par conséquent, je présume que nous sommes un partenaire moins important qu'il y a dix ans en chiffres absolus même si, dans les faits, nos investissements ont doublé.
M. Gervais: J'ai quelques chiffres qui peuvent vous éclairer là-dessus. Pour toute l'Union européenne, en 1997, les investissements directs étaient sept fois plus importants qu'en 1983, ce qui explique l'augmentation importante des pourcentages. Pour les États-Unis, les chiffres ont plus que triplé. On parle donc d'investissements sept fois plus importants pour l'Europe et d'un plus de trois fois plus importants pour les États-Unis.
Mme Sterparn: Tout à l'heure, on parlait d'exportations et d'importations de produits. Maintenant, il est question d'investissement, ce qui comprend les investissements en biens, en installations et en outillage et les investissements dans de nombreuses industries de service, ce qui est différent.
Le sénateur Grafstein: Je comprends la situation.
Mme Sterparn: Je ne crois pas que nous ayons avec nous de chiffres sur tous les investissements en Europe.
Le sénateur Stollery: Le tableau comprend les États-Unis, n'est-ce pas?
Mme Sterparn: Oui, ce sont tous nos investissements à l'étranger, y compris aux États-Unis. Il indique le pourcentage de nos investissements en Europe.
Le sénateur Stollery: Il y a 21 p. 100 de tous nos investissements qui sont faits dans les pays de l'Union européenne. Compte tenu du fait que nos échanges avec l'Union européenne sont beaucoup moins importants que nos échanges avec les États-Unis, ce chiffre m'apparaît très élevé.
Mme Sterparn: C'est juste.
Le sénateur Stollery: Il doit y avoir une grande entreprise canadienne qui prend de l'expansion en Europe pour justifier ce pourcentage de 21 p. 100. Il ne s'agit pas d'obligations mais d'investissements directs.
Mme Sterparn: Ça ne comprend pas nécessairement que la production de marchandises.
Le sénateur Stollery: Qu'est-ce que ça peut inclure d'autre?
Mme Sterparn: Des éléments comme l'activité bancaire, les assurances et des industries de service. On ne peut pas faire de comparaison directe avec les chiffres produits durant la première partie de l'exposé.
Le président: Il faut tenir compte du fait que l'augmentation est surtout survenue entre 1985 et à peu près 1991. Les chiffres ont baissé par rapport à 1991.
Le sénateur Stollery: Ces chiffres tiennent-ils compte de la récession?
M. Gervais: En 1991, on a atteint un palier comme vous pouvez le voir.
Le président: Oui, et les investissements ont encore baissé à la fin du graphique.
Cela m'amène à me demander pourquoi il y a eu tant d'investissements étrangers en Europe dans les quatre ou cinq ans à partir de 1985? Quelles perspectives particulières nous ont attirés?
M. Dodds: Nous pourrions demander à un de mes collègues qui s'occupe des investissements et des échanges de services de vous fournir plus de renseignements. Comme nous l'avons déjà fait observer, dans le cas des produits, la situation est différente dans chaque secteur. Je suis sûr que c'est la même chose dans le domaine des investissements. Si ces renseignements vous seraient utiles, nous pouvons voir à ce qu'ils vous soient fournis.
Le sénateur Di Nino: Il serait aussi bon de savoir comment ils se répartissent dans les différents pays. Cela rejoint ce qu'on a dit au sujet de la réduction des exportations. Il est possible que des entreprises canadiennes qui exportaient en Europe avant 1983 aient décidé d'investir sur ce marché, transformant ainsi des exportations en investissements directs. Cette activité rapporterait toujours aux entreprises, mais les produits seraient fabriqués en Europe et non plus exportés à partir du Canada. Est-ce possible?
M. Dodds: Oui.
Le sénateur Di Nino: Les années 1985 à 1991 ont été très prospères, surtout en Ontario. Il y avait plus de capitaux à investir à l'étranger. En 1992, nous avons connu une récession. Cela peut aussi expliquer ce qui s'est passé en 1991.
Le sénateur Stollery: C'est un chiffre assez surprenant. Il est vrai que ça a baissé. C'est peut-être dû à la récession et à la disponibilité des capitaux de placement, mais il est certain que ça remonte. C'est très intéressant. Si notre commerce à l'exportation était si limité, il n'y aurait pas autant de gens d'affaires dans les avions à destination de Heathrow.
J'ai des amis qui travaillent dans le domaine des investissements en Europe, des Canadiens établis à Toronto, dans le secteur banquier notamment. Ce chiffre en dit long. Ce serait intéressant d'en savoir un peu plus parce que c'est beaucoup d'argent.
Le sénateur Grafstein: Quand vous parlez d'investissements, parlez-vous aussi de dettes et de capitaux propres?
M. Gervais: Je parle d'investissements directs, et pas d'opérations monétaires. Il s'agit d'investissements, de ce qui sert à acheter ou à construire.
Le sénateur Grafstein: Peut-on aussi savoir quelle est la valeur du dollar dans ces investissements, pour établir si la dévaluation de notre dollar a une incidence sur eux? Nous ne savons pas si elle a une incidence, mais est-il possible d'établir un parallèle entre les deux?
M. Gervais: C'est une question très intéressante. Il y a un autre tableau qui soulève encore plus de questions. Il compare les États-Unis et l'Europe. Le niveau d'investissement est de 70 p. 100, ce qui est inférieur aux produits, et le pourcentage à destination des États-Unis chute beaucoup. En fait, ces investissements vont en Europe et, plus récemment, en Asie. Quand vous voyagez, vous devez rencontrer beaucoup de gens d'affaires qui transigent en Asie.
Mon hypothèse est très simple. Il est probablement plus facile de construire une usine à l'étranger que d'y exporter le produit. Les États-Unis sont tellement proches qu'il suffit de fabriquer le produit et de l'expédier là-bas. Ça explique peut-être les niveaux et les fluctuations.
Le président: Je ne comprends pas très bien. Vous dites qu'il est plus facile pour les Américains de construire une usine au Canada et d'expédier le produit aux États-Unis. Mais, En Europe et en Asie, il vaut mieux construire l'usine là-bas et y fabriquer aussi le produit.
M. Gervais: C'est une hypothèse.
Le président: Je crois comprendre que le Conference Board a publié un rapport sur les investissements dans lequel il émet la possibilité que les investissements canadiens en Europe entraînent peut-être le déplacement des échanges et non leur accroissement. Les entreprises canadiennes s'installent-elles en Europe pour effectuer surtout des échanges en Europe? Autrement dit, s'installent-elles là-bas pour éviter les barrières douanières?
M. Gervais: Bonne question, mais malheureusement je ne peux vous répondre.
Le président: Savez-vous où se fait cet investissement direct en Europe? Vise-t-il des usines? La construction d'avions à Belfast, par exemple?
M. Gervais: Je n'ai pas les détails au plan de l'industrie, mais je les ai en ce qui concerne les pays. La moitié de l'investissement direct en Europe se fait au RU. En termes d'investissement, nos liens avec le RU restent très étroits.
Le sénateur Grafstein: Dans ces conditions, nous devrions également examiner les rendements du capital et les mouvements de dividendes. Il ne sert à rien d'examiner un chiffre et l'éventail des investissements sans en connaître le rendement au Canada. Il faudrait une ligne représentant les mouvements de dividendes et le rendement du capital pour commencer à avoir une meilleure image de la situation.
Le sénateur Stollery: Quel est le pourcentage des échanges commerciaux avec l'Union européenne? S'agit-il de 6 ou de 7 p. 100?
M. Gervais: C'est cela.
Le sénateur Stollery: Pour ce qui est du mouvement des produits, cela se compare aux 80 p. 100 des échanges à destination des É.-U. Pour ce qui est de l'investissement, cela signifie que l'investissement direct du Canada aux États-Unis diminue rapidement -- en arrondissant, il s'agit de près de 50 p. 100 de notre investissement. Ce pourcentage diminue. En même temps, notre investissement direct en Europe augmente et atteint 21 p. 100. La situation est complètement différente de celle que nous avons avec les É.-U. et l'ALENA.
C'est tout à fait différent, c'est fort intéressant et c'est pour cela que j'aimerais en savoir un peu plus.
Le président: Nous avons conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis, mais nous n'avons pas d'accord de ce genre avec l'Union européenne. Cela nous ramène à l'observation que vous avez faite plus tôt. Une entreprise qui fabrique des produits d'exportation pour les États-Unis, peut avoir son usine au Canada; il n'y a pas de barrière tarifaire. Si cette même entreprise souhaite faire des affaires en Europe, il se peut fort bien qu'elle ait à construire une usine là-bas afin de se trouver à l'intérieur de la barrière tarifaire. Est-ce logique?
M. Gervais: Certainement. Ce serait une bonne hypothèse à examiner, qui pourrait également expliquer la raison de ces mouvements. En fait, ces mouvements suggèrent l'hypothèse, mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'elles en donnent la preuve.
Le sénateur Stollery: Cette hypothèse viserait-elle un mouvement d'investissements aussi énorme que 25 ou 22 p. 100? C'est un énorme montant d'argent.
Le président: Nous pourrions être un peu plus précis quant à la destination de cet investissement. On me dit qu'au sein de l'Union européenne, c'est le Royaume-Uni qui en bénéficie le plus largement.
M. Gervais: Oui.
Le président: Il absorbe presque la moitié de notre investissement étranger direct; 48 p. 100.
M. Gervais: Oui.
Le président: L'Irlande bénéficie de 17 p. 100 de cet investissement qui, par conséquent, n'est pas axé sur l'Europe continentale, mais sur le RU et l'Irlande.
Le sénateur Grafstein: Pour bien comprendre ce chiffre américain -- s'agit-il d'un investissement initial ou d'un réinvestissement? Les sociétés canadiennes qui se sont implantées avec succès aux États-Unis ont fait leur investissement initial. Elles investissent dans une usine, un édifice, et cetera. C'est lorsqu'elles redéployent les produits qu'elles commencent à obtenir un taux de rendement. Dans le pire des cas, cela se produit au bout de six ou sept ans et, dans le meilleur des cas, au bout de trois ans.
Ce tableau indique-t-il le réinvestissement ou uniquement l'investissement initial sous forme de pourcentage? Par exemple, disons que la Banque de Montréal achète aux États-Unis la Harris Bank, laquelle devient un centre de profit. Tous les dividendes ne reviennent pas au Canada. Ils apparaissent sur le bilan, mais le réinvestissement pour l'expansion se fait à partir du flux de trésorerie aux États-Unis.
Ce tableau l'indique-t-il? Dans la négative, il nous pénalise. Autrement dit, il met l'accent sur l'investissement, mais pas sur l'investissement réussi, comme il le devrait.
Est-ce que je me trompe?
M. Dodds: Nous voulions, par ce tableau, vous donner quelques renseignements intéressants sur les produits manufacturés. L'investissement est également intéressant et indique des tendances opposées. Nos échanges de produits avec les É.-U. augmentent, tandis que l'investissement diminue; la situation avec l'UE est semblable.
Le sénateur Grafstein: J'essaie de comprendre ce phénomène.
M. Dodds: Je vois. Nous pourrions demander à nos collègues, spécialistes dans le domaine de l'investissement, de faire des tableaux semblables à ceux que nous avons faits pour les produits manufacturés. Cela serait plus intéressant pour vous que les hypothèses que nous pourrions faire.
Le sénateur Di Nino: Pour cette période, a-t-on tenu compte de l'ALÉ? L'investissement américain pourrait-il être rapatrié, influant ainsi sur les chiffres? Il s'agit d'un changement considérable. Cette diminution pourrait-elle s'expliquer en partie par un changement de la philosophie américaine en matière d'investissement, à savoir que les É.-U. investiraient moins au Canada et rapatrieraient certains des investissements qui existaient au Canada avant l'ALÉ?
Le président: Peut-être voudrez-vous laisser à vos collègues spécialistes du domaine le soin de répondre à cette question à laquelle ils pourraient réfléchir avant de nous présenter ici leurs conclusions.
Cela vous convient-il, sénateur?
Le sénateur Di Nino: Oui, tout à fait.
Le sénateur Stollery: Pas plus tard que cet après-midi, je parlais de l'investissement aux É.-U. Il est intéressant de noter que ces statistiques vont à l'encontre de l'information générale que l'on peut avoir sur l'investissement aux États-Unis. Tout le monde parle de l'investissement considérable effectué aux États-Unis par tous les pays à l'exception du Canada. Le marché est supérieur à 9 000 et l'argent ne cesse d'arriver aux É.-U., ce qui surévalue le dollar américain. Par contre, l'investissement réel du Canada aux É.-U. diminue considérablement. Cela va à l'encontre de toute sagesse en matière d'investissement.
M. Dodds: Oui, mais il s'agit en partie de la question de la part du marché, comme l'a dit M. Gervais. Dans le premier cas, l'investissement s'est multiplié par sept; dans l'autre, par trois, seulement. Le fait qu'il se soit multiplié par trois signifie qu'il a considérablement augmenté au cours de cette période de dix ans; par rapport à un autre marché où il s'est multiplié par sept, il ne fait pas bonne figure. Il s'agit en partie d'une question de part de marché.
Le sénateur De Bané: Pour avoir accès à l'Union européenne, une société canadienne voudrait sans doute y investir, afin d'être de l'autre côté de la barrière tarifaire. Peut-on dire raisonnablement toutefois qu'une société canadienne construit une usine aux É.-U. uniquement parce que le coût de la main-d'oeuvre, le fardeau fiscal, et cetera, sont beaucoup plus attrayants aux États-Unis qu'au Canada?
Comme vous le savez, de nombreuses sociétés canadiennes sont courtisées par des groupes d'affaires américains qui les invitent dans leur État et qui en soulignent les avantages. Lorsqu'elles s'implantent là-bas, ce n'est pas tant pour l'accès au marché que pour le régime fiscal, le taux d'imposition et le coût de la main-d'oeuvre qui sont plus intéressants aux États-Unis qu'au Canada.
Le président: Êtes-vous en train de sous-entendre que le gouvernement d'un État ou d'une municipalité subventionne l'investissement pour l'attirer?
Le sénateur De Bané: Non, mais certains gens d'affaires canadiens m'ont remis des lettres qu'ils ont reçues des États-Unis, dans lesquelles on leur explique pourquoi ils devraient s'implanter aux É.-U. et où on leur indique les divers incitatifs dont ils pourraient bénéficier.
Je peux vous les apporter demain, monsieur le président.
M. Gervais: J'ai ici quelques statistiques qui pourraient expliquer certaines façons de voir. Une personne a dit qu'il y a beaucoup d'investissements aux États-Unis. C'est exact, mais si l'on examine la croissance, il faut également examiner les niveaux. En termes de croissance absolue, entre 1983 et 1997, les investissements aux États-Unis ont augmenté de 70 milliards de dollars, soit une augmentation légèrement supérieure à celle multipliée par trois dont je parlais plus tôt. Pour ce qui est de l'Europe, l'augmentation n'est que de 35 milliards de dollars, mais c'est une augmentation multipliée par sept.
Nous comparons ici une augmentation de 70 milliards de dollars à une augmentation de 35 milliards de dollars. Proportionnellement parlant, si la croissance est plus lente, elle diminue. C'est ce qu'il faut le comprendre.
Le sénateur Stollery: Comme l'a dit le président, l'investissement direct aux É.-U. équivaut à près de 50 p. 100, tandis que l'autre est légèrement inférieur à 25 p. 100. Je suis sûr que les membres du comité se rendent compte de cette énorme différence.
Le président: J'aimerais faire une observation suite aux propos du sénateur De Bané.
L'automne dernier, KPMG a publié une étude intitulée The Competitive Alternative: A Comparison of Business Costs in Canada, Europe and the United States. D'après cette étude, c'est au Canada qu'il en coûte le moins cher aux entreprises de faire des affaires, par rapport aux États-Unis et aux cinq principaux pays d'Europe. En règle générale, il en coûte 5,4 p. 100 moins cher au Canada qu'aux États-Unis. D'après le résumé des conclusions du rapport, les auteurs de cette étude ont fait une évaluation rigoureuse de 42 villes situées au Canada, en France, en Allemagne, en Italie, en Suède, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Divers facteurs ont été envisagés dans le cas de huit secteurs industriels -- l'électronique, la transformation des aliments, et cetera. L'étude en conclut que le Canada est le pays le moins cher pour chacune des industries manufacturières clés examinées.
Sénateur De Bané, il doit y avoir autre chose que le coût; ce doit être le climat.
Le sénateur De Bané: Je ne serais pas surpris que KPMG souhaite faire plaisir au ministre des Finances en publiant cette étude.
Le président: Vous êtes très cynique.
Le sénateur Andreychuk: D'après mon expérience, c'est à cause de beaucoup de règles assorties de délais que nous ne pouvions investir en Europe ou y faire des échanges. Nous avons maintenant une Équipe Asie, bien sûr, mais entre 1985 et 1990, le gouvernement canadien mettait l'accent sur l'investissement en Europe afin de renverser les barrières tarifaires et ainsi y faire des échanges. Il fallait être bien conseillé si on voulait trouver un partenaire en Europe et s'intégrer au processus. Peut-être qu'un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pourrait nous indiquer les règles qui ont été adoptées par suite des pratiques de l'UE, ainsi que les raisons à l'origine de cet investissement à ce moment-là.
Le président: Nous allons demander à M. Dodds et à ses collègues d'informer les fonctionnaires de Statistique Canada que nous avons des questions sur l'investissement ainsi que sur les facteurs qui semblent avoir considérablement influé sur l'orientation de l'investissement direct du Canada à l'étranger. Pourriez-vous le faire?
Le sénateur Grafstein: Peut-être pourrions-nous poser les mêmes questions, non seulement au sujet de l'investissement, mais aussi au sujet des échanges de services. Je remarque que le Canada affiche un grave déficit en matière d'échanges de services. Je ne sais pas si nous pourrons passer quelques minutes sur ce point, mais comme l'indique notre documentation, nous avons un grave problème à ce niveau.
Le président: Voulez-vous dire quelque chose au sujet des échanges de services?
M. Dodds: Je ne peux que dire que nous avons des spécialistes dans ce domaine qui peuvent répondre à cette question.
Le président: Nous avons passé tellement de temps sur la région de l'Asie-Pacifique, qu'il est très salutaire de se faire rappeler l'importance de l'UE pour nos exportations. Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, j'aimerais poursuivre la séance à huis clos pour débattre d'une question relative au budget du comité.
La séance se poursuit à huis clos.