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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 20 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 26 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 h 25 afin d'étudier, pour en faire rapport, le projet de loi S-16 mettant en oeuvre un accord conclu entre le Canada et la République socialiste du Vietnam, un accord conclu entre le Canada et la République de Croatie et une convention conclue entre le Canada et la République du Chili, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, cet après-midi nous accueillons deux témoins du ministère des Finances: M. Jean-Marc Déry, chef, Conventions fiscales, Division de la législation de l'impôt, et M. Daniel MacIntosh, directeur, Division de la législation de l'impôt.

J'ai fait savoir à nos témoins qu'il serait bon que le comité entende d'abord les explications qu'ils pourraient lui donner quant à l'objet général du projet de loi S-16 et aux situations particulières qui sont visées par cette mesure législative.

M. Jean-Marc Déry, chef, Conventions fiscales, Division de la législation de l'impôt, ministère des Finances: Le but du projet de loi S-16 est de mettre en oeuvre des conventions fiscales avec trois pays: le Viêtnam, la Croatie et le Chili. Une telle mesure législative est nécessaire parce que les dispositions des accords sont différentes dans certaines situations de celles de la Loi de l'impôt sur le revenu, et il faut établir clairement que, dans ces situations, les dispositions de l'accord l'emportent sur les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Voilà la raison d'être de cette mesure législative.

Le projet de loi lui-même ressemble beaucoup à plusieurs autres conventions fiscales que le Parlement a adoptées au cours des 25 dernières années. Il est divisé en trois parties et il comprend trois annexes. Chaque partie contient six articles dont le libellé est uniforme. Le premier article établit un titre abrégé; le deuxième définit l'accord; le troisième en confirme l'approbation; le quatrième précise qu'en cas d'incompatibilité entre l'accord et une autre loi, les dispositions de l'accord l'emportent, sauf dans le cas de la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu; le cinquième article autorise le ministre du Revenu national à prendre des règlements, si nécessaire, pour mettre les accords en oeuvre; enfin, le sixième article oblige le ministre des Finances à faire publier dans la Gazette du Canada un avis des dates d'entrée en vigueur et de cessation d'effet des différentes conventions.

Le reste du projet de loi est composé de trois annexes où est reproduit chacun des accords signés avec les pays contractants.

Les conventions fiscales sont nécessaires pour éviter la double imposition et pour empêcher l'évasion fiscale. Elles permettent également aux particuliers et aux entreprises faisant des affaires à l'étranger, aux étrangers faisant des affaires au Canada et aux particuliers recevant des revenus du Canada de savoir à quoi s'en tenir du point de vue fiscal. Le Canada n'a pas de convention fiscale en ce moment avec le Vietnam, la Croatie et le Chili. Les trois conventions suivent la convention modèle établie par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, mais comme les politiques et les systèmes fiscaux des pays ne sont pas tous pareils, des adaptations sont nécessaires pour s'assurer que la convention est acceptable aux deux parties.

Voici quelques exemples de ces différences: Le taux des retenues d'impôt sur les dividendes interentreprises a été établi à 5 p. 100 dans les conventions conclues avec le Viêtnam et la Croatie, mais dans le cas du Viêtnam, ce taux ne s'applique que lorsque la société recevant les dividendes contrôle au moins 70 p. 100 de la société qui les paie. Dans le cas de la Croatie, le taux de 5 p. 100 s'applique lorsque la société recevant les dividendes contrôle soit 10 p. 100 du total des voix de la société qui paie les dividendes ou 25 p. 100 du capital de cette société. Le Chili n'était pas en mesure d'accepter un taux de 5 p. 100 pour les dividendes interentreprises mais a accepté un taux de 10 p. 100. Cependant, si le Chili devait conclure un accord semblable avec un autre pays de l'OCDE en fixant un taux moins élevé, ce taux moins élevé s'appliquerait automatiquement aux relations entre le Canada et le Chili, mais ce taux ne pourrait de toute façon être inférieur à 5 p. 100. Des dispositions semblables de la nation la plus favorisée figurent également dans la convention conclue avec le Chili dans le cas du taux des retenues d'impôt sur les intérêts et les redevances et dans la convention conclue avec le Viêtnam dans le cas des redevances sur les logiciels, les brevets et le savoir-faire.

En ce qui concerne les intérêts et les dividendes, le taux des retenues d'impôt a été établi à 10 p. 100 dans le cas du Viêtnam et de la Croatie et à 15 p. 100 dans le cas du Chili.

En ce qui concerne les pensions versées entre les différents pays, le taux des retenues d'impôt a été établi à 15 p. 100 dans le cas du Viêtnam et de la Croatie, mais, dans le cas de la Croatie, le taux de 15 p. 100 vise les paiements dans l'année civile qui excèdent 12 000 $ ou son équivalent en monnaie croate. Dans le cas du Chili, toutes les pensions versées ne sont imposables que dans l'État contractant d'où elles proviennent. Dans le cas du Canada, le taux en vigueur au pays, soit 25 p. 100, est celui qui sera appliqué.

Aux termes de ces conventions fiscales, les paiements de sécurité sociale ne sont imposables que dans le pays d'où ils proviennent et, là encore, selon la législation de cet État.

Afin d'éliminer les doubles impositions, chaque convention prévoit également des règles précises qui, dans le cas du Canada, établissent une exemption visant certains dividendes reçus d'une société étrangère affiliée et visant le crédit dans d'autres cas. Les dispositions ne sont pas les mêmes dans chacune des conventions; en effet, dans le cas de la convention signée avec le Viêtnam, il y a une règle que nous appelons une disposition d'octroi d'un crédit d'impôt fictif. Il s'agit essentiellement d'une disposition empêchant les pays les plus développés de réduire à néant par le biais de l'imposition certains des incitatifs que prévoit la législation des pays moins développés. Les dispositions de cette nature figurant dans la convention conclue avec le Viêtnam sont censées prendre fin après une période de dix ans commençant à la date d'entrée en vigueur de l'accord.

Enfin, chaque convention prévoit l'échange de renseignements entre les autorités fiscales de chaque pays afin de les aider à réprimer la fraude et l'évasion fiscale. Les conventions prévoient également une procédure amiable permettant aux autorités fiscales de régler les problèmes d'application ou d'interprétation de l'accord.

Le président: Qu'en est-il des conventions fiscales conclues entre le Canada et l'Australie, l'Allemagne, l'Italie et le Japon, par exemple? Je suppose que des conventions fiscales ont été signées, mais n'est-on pas en train de les renégocier?

M. Déry: Si, monsieur le président, il y a renégociation dans le cas de tous les pays que vous avez mentionnés. Dans le cas de l'Australie et du Japon, nous négocions un protocole visant à modifier la convention existante, mais, dans le cas de l'Allemagne et de l'Italie, nous voulons réviser les conventions existantes de fond en comble.

Le président: Le sénateur Bolduc demande: «Pourquoi?»

M. Déry: Nous préconisons une révision en bonne et due forme dans tous les cas, mais certains pays ne veulent pas rouvrir certaines dispositions qu'ils auront de la difficulté à ne pas modifier. Plusieurs motifs nous incitent à renégocier. Par exemple, il y a les budgets de 1992 et 1993, où le ministre a indiqué que le Canada serait disposé à accepter un taux réciproque de 5 p. 100 sur les dividendes interentreprises et où il a annoncé, dans le budget de 1993, que le Canada était disposé à accepter un taux nul sur les redevances de brevets, de savoir-faire et de logiciels. Ce sont là les principaux motifs. Un autre motif concerne le fait que la plupart de ces conventions sont assez vieilles et que le vocabulaire des conventions fiscales a évolué au fil des ans. Nous avons constaté des problèmes d'application de certaines de ces conventions à cause de cette situation. Un autre motif encore est le fait que certaines autres politiques ont changé. Les raisons de refaire le travail sont nombreuses.

Le président: Peut-on dire que les dispositions de fond des nouveaux accords sont presque toutes identiques?

M. Déry: Elles sont presque identiques sauf que, comme je l'ai mentionné, les taux sont plus élevés dans le cas de certains pays afin de tenir compte des relations bilatérales qui existent avec chaque pays. Toutefois, les dispositions sont à peu près de la même portée et la plupart des politiques ne présentent pas d'écarts considérables. Par exemple, la définition de «établissement stable» préciserait normalement qu'il s'agit d'un lieu censé exister pendant au moins 12 mois. Toutefois, dans certaines autres conventions, la durée a été établie à six mois ou même à trois mois dans le cas de certaines conventions qui ont été signées au début.

Le sénateur Di Nino: Ai-je raison de dire qu'il s'agit d'accords types que le Canada conclut en général avec n'importe quel pays entretenant avec lui des relations par convention fiscale?

M. Déry: Oui. Nous n'avons pas de convention fiscale avec tous les pays.

Le sénateur Di Nino: Il s'agit d'un accord type entre le Canada et tous les pays avec lesquels nous établissons des relations; est-ce exact?

M. Déry: C'est exact.

Le sénateur Di Nino: Les pourcentages constituent la seule différence. Il s'agit de l'établissement d'une relation qui fixe les conditions que chaque pays tient à imposer; est-ce exact?

M. Déry: C'est exact.

Le sénateur Di Nino: Ce sont des accords relativement souples; ils peuvent changer de temps à autre et c'est bel et bien ce qui se produit. Ont-ils une durée fixe?

M. Déry: Non, ils n'ont pas de durée fixe. Dans la plupart des cas, il est possible d'y mettre fin sur préavis de six mois. Certaines conventions ont une durée fixe, par exemple cinq ans, et, après cette période, elles peuvent être dénoncées sur préavis de six mois, mais elles ne disparaissent pas 15 ou 20 ans après leur entrée en vigueur. Elles ne sont pas faciles à renégocier.

Le sénateur Di Nino: J'ai deux questions précises. L'une concerne le fait qu'il y a de nombreuses personnes très habiles qui réussissent à contourner certaines dispositions fiscales. Parfois on crée de nouveaux titres et on trouve de nouveaux moyens de faire des gains qui ne sont pas assujettis à une convention fiscale conclue entre deux pays. Est-ce dans une telle situation par exemple que l'un des pays peut demander que l'accord soit modifié?

M. Déry: C'est une des possibilités, oui. Si nous découvrons un problème important dans le cas d'un pays particulier, nous demanderions certainement qu'il y ait renégociation.

Le sénateur Di Nino: Peut-on renégocier un accord sans trop de difficulté?

M. Déry: Pas vraiment. Selon moi, le problème tient surtout au fait qu'il y a une pénurie de gens qui s'y connaissent dans ces négociations et, dans le cas de certains pays, s'entendre même sur les dates peut prendre un an ou deux. L'accord en soi ne présente pas de grandes difficultés. Ce sont toujours les questions conjoncturelles qui font surtout obstacle.

Le sénateur Di Nino: La principale chose qui me préoccupe dans ces accords est la question que vous avez abordée à la fin de votre exposé lorsque vous avez parlé de l'échange de renseignements. Êtes-vous au courant de situations où ces dispositions ont créé des difficultés pour des citoyens canadiens qui transigent avec ces pays?

M. Déry: D'après ce que je peux voir, Revenu Canada trouve l'échange de renseignements très utile. Je ne suis pas sûr de comprendre exactement ce que vous entendez par «difficultés». Si la difficulté se ramène au fait qu'une personne doit payer des impôts qui lui sont légitimement réclamés, la communication de ces renseignements est quelque chose d'utile.

Le sénateur Di Nino: Le point qui m'a toujours préoccupé à propos de ces conventions est le fait que les pays n'ont pas tous des normes élevées en matière de confidentialité ou encore une norme de responsabilité élevée semblable à celle que nous avons au Canada ou dans certains pays européens. Lorsqu'il est question de convention fiscale et d'échange de renseignements avec le Viêtnam, par exemple, je ne peux m'empêcher de penser à l'usage qui peut être fait dans ce pays des renseignements concernant des citoyens canadiens ou des entreprises canadiennes.

M. Déry: C'est certainement là une préoccupation que partage Revenu Canada. Je crois qu'il y a déjà eu des situations qui ont mal tourné.

Le sénateur Di Nino: J'aimerais en savoir plus là-dessus.

M. Déry: Je dirais qu'ils examineraient certainement la situation avant de prendre une telle mesure.

M. Daniel MacIntosh, directeur, Division de la législation de l'impôt, ministère des Finances: Le plus souvent, les renseignements circuleraient dans l'autre sens; c'est-à-dire que si une entreprise canadienne faisait des affaires au Viêtnam, les autorités vietnamiennes communiqueraient à Revenu Canada les renseignements concernant l'entreprise canadienne et ses activités au Viêtnam. Réciproquement, si une entreprise vietnamienne faisait des affaires au Canada, le gouvernement vietnamien voudrait obtenir de Revenu Canada des renseignements concernant ses activités ici. Le plus souvent, les renseignements que reçoit le pays contractant concernent ses propres ressortissants.

Le sénateur Di Nino: Sauf si, bien sûr, ces ressortissants mènent des activités commerciales dans les deux pays.

M. MacIntosh: Si un ressortissant canadien, par exemple, mène des activités commerciales ici et au Viêtnam, nous n'obtiendrions pas du Viêtnam les renseignements concernant les activités au Canada; nous aurions ces renseignements parce que cette personne est un résident du Canada. Les renseignements que nous obtiendrions du gouvernement vietnamien ne concerneraient que les activités du ressortissant canadien là-bas.

Le sénateur Di Nino: On vient de nous dire qu'il y a eu des difficultés dans le passé. D'après ce que je peux voir, il y a eu des pays qui ont utilisé à mauvais escient les renseignements qui leur ont été communiqués non seulement à propos de leurs propres ressortissants mais aussi dans certains cas à propos des entreprises canadiennes et des résidents du Canada qui ont dû payer des impôts dans ce pays. Il en a résulté certains problèmes assez délicats. Je suppose que la même situation peut se produire dans le cas de résidents d'autres pays qui ont conclu eux aussi de telles conventions.

M. MacIntosh: Vous avez raison. Les conventions prévoient simplement que des renseignements peuvent être échangés; la communication de ces renseignements n'est pas obligatoire. À cause des problèmes qui sont survenus dans le passé, Revenu Canada veut être vigilant dans les situations où il y a échange de renseignements.

Le sénateur Andreychuk: Disposons-nous toujours d'un mécanisme permettant de confirmer que le pays avec lequel nous envisageons de conclure un accord possède les processus éprouvés qu'il faut ainsi que les lois et les systèmes d'imposition et de soutien qu'il faut pour justifier que nous concluions un accord avec lui? Je sais que, dans le passé, nos missions diplomatiques nous ont aidés à cet égard; elles ont examiné la situation de près et formulé une recommandation quant à l'état de préparation du pays à un tel engagement. Est-ce une condition préalable qui existe toujours et, dans l'affirmative, a-t-elle été appliquée à ces trois pays?

M. Déry: Je ne connais pas de système officiel qui aurait été établi à Revenu Canada. Normalement, pendant la négociation, l'échange de renseignements fait l'objet d'un seul article sur la trentaine que comportent ces conventions. Pendant la négociation proprement dite, nous ne manquons pas de poser des questions sur le fonctionnement des lois de l'autre pays et leurs modalités d'application. Il y a bel et bien de l'information que nous pouvons mettre à la disposition de Revenu Canada lorsqu'une demande est formulée.

Je crois que Revenu Canada, à cause des quelques cas pénibles qui sont survenus dans le passé, fait preuve de beaucoup de prudence lorsque des demandes lui arrivent de certains pays dont on sait qu'ils ont des difficultés avec d'autres pays. Ces questions sont abordées également au niveau de l'OCDE dans le contexte du groupe de travail sur l'évitement fiscal et l'évasion fiscale. Il y a une excellente collaboration permettant de savoir comment ces dispositions des conventions bilatérales sont appliquées et quels pays créent des difficultés. Par ailleurs, le droit existe toujours de ne pas fournir les renseignements.

Le sénateur De Bané: Dans le même ordre d'idées, lorsque je vois la liste des pays avec lesquels nous avons conclu ce type de convention, sans mentionner des noms, il est évident que certains d'entre eux ne possèdent pas un système impartial de perception fiscale comme celui que nous avons dans notre pays. Par exemple, et c'est un fait bien connu, dans certains de ces pays, le percepteur des impôts gagne officiellement 400 $ par mois mais il se promène en grosse Mercedes, et nous savons pourquoi. Dans notre pays, la loi s'applique également à tous, mais dans certains de ces pays, nous savons qu'il n'en est pas ainsi. Comment le Canada peut-il alors conclure une convention avec ces pays?

Dans le cas de la convention conclue avec le Viêtnam, un pays communiste, il est fort peu probable que des entreprises de ce pays viennent s'installer au Canada. Par contre, il y a de nombreuses sociétés nord-américaines qui poursuivent aujourd'hui des activités dans ce pays, surtout depuis que les États-Unis ont levé leur embargo. Qu'est-ce qui peut inciter le Viêtnam à limiter sa capacité d'imposer les entreprises étrangères installées là-bas?

M. Déry: Il est probablement vrai que, pour un grand nombre de pays visés par règlements, les investissements circulent en sens unique. Il est difficile d'imaginer que ces pays soumettent des demandes de renseignements fiscaux, certainement pas dans un avenir rapproché. Je ne dis pas que, dans 10 ou 15 ans, même le Viêtnam ne soit pas devenu un nouveau dragon ou tigre, mais, pour le moment je dirais que si des renseignements s'avèrent nécessaires, ce seront les Canadiens qui en feront la demande. Je pense que c'est vrai pour un grand nombre de pays.

L'échange de renseignements est important. Cet article met certes la puce à l'oreille de quiconque voudrait finasser avec le régime fiscal sachant qu'il y a un risque supplémentaire que les autorités fiscales puissent obtenir les renseignements. L'article concernant l'échange de renseignements a un aspect pratique mais il a aussi un aspect dissuasif qui, même sans être quantifiable, est assurément utile.

M. MacIntosh: En réponse à votre deuxième question, sénateur, soit de savoir pourquoi un pays comme le Viêtnam, qui a très peu d'investissements au Canada, voudrait signer une convention fiscale avec un pays comme le Canada, qui a beaucoup plus d'investissements dans ce pays-là, c'est je crois parce que c'est dans l'intérêt mutuel des deux pays. C'est dans l'intérêt du Canada parce que nos investisseurs canadiens au Viêtnam seront assujettis à des taux moins élevés de retenues d'impôts par le Viêtnam sur les investissements qui rapportent des dividendes, des intérêts ou des redevances, et c'est dans l'intérêt des Vietnamiens parce que ces taux moins élevés de taxes retenues au Viêtnam encourageront les investissements en provenance d'autres pays. La convention fiscale crée une atmosphère de stabilité et les Canadiens qui souhaitent investir au Viêtnam le savent, même si en réalité ils ne seront pas assujettis aux augmentations fiscales imposées par le gouvernement vietnamien. De toute évidence, les conventions fiscales existent parce que chaque pays contractant estime que c'est dans son intérêt de les conclure.

Le sénateur De Bané: Pourquoi les Vietnamiens limiteraient-ils leur capacité d'imposer les entreprises canadiennes installées dans leur pays étant donné qu'ils ne retirent pas le même avantage parce qu'il n'y a pas d'entreprises vietnamiennes implantées au Canada? Ne limitent-t-ils pas en quelque sorte les recettes de leur pays sans rien obtenir en échange?

M. Déry: L'avantage qu'ils en retirent ce sont les investissements canadiens.

Le sénateur De Bané: Dans ce cas, le Canada devrait peut-être conclure une convention avec les Vietnamiens qui garantisse les investissements étrangers.

M. Déry: Je ne suis pas certain que nous ayons avec le Viêtnam un accord de protection des investissements étrangers mais, si nous n'en avons pas, je suis certain que c'est un sujet qui se trouve sur la table de négociations. Les investisseurs canadiens, qui ont le choix d'investir dans divers pays, investiraient normalement dans un pays avec lequel il existe une convention fiscale.

Le sénateur De Bané: Même avant qu'il y ait un accord en vue d'une convention fiscale pour la protection des investissements étrangers?

M. Déry: Dans certains cas, mes collègues des Affaires étrangères agissent avec plus de célérité que moi pour conclure un accord sur la protection des investissements étrangers. Dans d'autres cas, ils concluent l'APIE avant même que j'ai amorcé un accord de double imposition. Les deux sont extrêmement importants. Je pourrais me renseigner sur l'état des négociations concernant l'APIE.

Le sénateur De Bané: Je n'ai pas compris votre réponse à ma question au sujet de la raison pour laquelle vous concluez un accord avec un pays où les contribuables peuvent graisser la patte des fonctionnaires afin de ne pas payer d'impôts. Comment pouvez-vous conclure un accord avec un tel pays?

M. MacIntosh: Il est avantageux pour le Canada de ne pas avoir de compagnies ou de résidents canadiens assujettis à cette sorte de régime fiscal. Nos conventions fiscales réduiront, ou même dans certains cas élimineront, le droit du pays étranger à imposer certains types de versements outre frontière.

Le sénateur De Bané: Disons qu'un homme d'affaires canadien a une entreprise dans un pays étranger. Il a deux registres de comptabilité, un authentique et l'autre bidon, et les livres comptables bidons sont acceptés par cet autre pays. Il rentre au Canada et il prouve que son entreprise dans le pays en question ne lui rapporte malheureusement rien. Ces livres comptables ont été approuvés par l'autre pays. Vous n'avez aucun moyen de savoir exactement de quoi il retourne.

M. MacIntosh: Dans la plupart des cas, cela pourrait nuire aux contribuables parce que très souvent ils exploiteront une entreprise dans l'autre pays sous forme de société. Les Canadiens font affaire outre-mer sous forme d'exploitation en succursales de compagnies canadiennes et sous forme de sociétés de capitaux étrangères. Les conventions fiscales procurent des avantages dans les deux cas. Si une compagnie canadienne constitue en société une succursale étrangère dans l'autre pays et qu'elle sous-évalue les bénéfices réalisés par cette société étrangère, lorsque ces bénéfices sont rapatriés au Canada, en raison même de l'existence de la convention fiscale, nombre d'entre eux peuvent être rapatriés au Canada et exempts d'imposition dans notre pays. Le principe à la base de cette pratique, c'est que ces bénéfices avaient été assujettis à l'impôt étranger. Cependant, si des contribuables sous-évaluent les bénéfices qu'ils ont réalisés dans le pays étranger si bien qu'ils ne sont pas assujettis à l'impôt étranger, dans ce cas, seul un petit montant pourra être rapatrié au Canada exempt d'impôt. Par conséquent, cela serait contraire à leurs intérêts à l'égard du régime fiscal canadien.

Le sénateur De Bané: Vous ne croyez pas que bien des compagnies envoient les trois quarts de leurs revenus au Liechtenstein ou dans d'autres mini-États où ils sont exonérés d'impôt, et ne déclarent au Canada qu'un quart de leurs revenus?

M. MacIntosh: Je crois que la grande majorité des compagnies canadienne n'exercent pas leurs activités dans des paradis fiscaux mais au contraire qu'elles exercent des activités légitimes dans des pays dotés de régimes fiscaux légitimes.

Le sénateur De Bané: Je viens de rencontrer un fiscaliste à Chypre, qui est une île toute petite. Deloitte & Touche occupe 400 personnes dans leur bureau à Chypre, plus qu'à Toronto. L'été dernier, je suis allée au Luxembourg qui a une population de 80 000 personnes. Chacune des cinq grandes maisons comptables avait des bureaux au Luxembourg et ces bureaux étaient plus grands qu'aucun de ceux qu'ils avaient à Toronto. Savez-vous que 25 000 compagnies étrangères se sont immatriculées à Chypre ces deux dernières années. Croyez-vous qu'il n'y a pas de compagnies canadiennes parmi elles?

M. MacIntosh: Non, mais je crois qu'il y a des Canadiens parmi elles.

Le président: La question qu'il faudrait poser, afin que la réponse puisse figurer au compte rendu, est la suivante: ces compagnies sont-elles immatriculées dans ces endroits-là de façon à camoufler les bénéfices qu'elles réalisent, ou y sont-elles immatriculées pour d'autres raisons?

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, je suis extrêmement curieux d'apprendre que chacune des cinq grandes sociétés comptables emploie plus de personnel dans une petite ville que dans notre plus grand centre financier. Nous sommes l'un des pays du G-7.

Le sénateur Bolduc: C'est à cause de l'imposition locale et du marché financier.

Le sénateur De Bané: Le secret l'explique aussi.

Le sénateur Bolduc: C'est surtout à cause de l'imposition.

Le sénateur Stollery: Il me semble que, même s'il y a des gens qui camouflent leur argent dans divers endroits, pour faire des affaires il faut que l'argent circule, les bénéfices doivent être réinvestis. Je crois comprendre que leur situation est préférable avec une convention fiscale s'ils veulent rapatrier leurs bénéfices, ce qui leur permet de participer pleinement à l'activité de la compagnie. Il est plus avantageux pour eux que les renseignements découlant du pays partie à la convention, soient transférés à Ottawa, afin qu'on en tienne compte dans le calcul de leurs impôts. Ils peuvent alors exercer leurs activités de la façon normale. Dès l'instant qu'ils commencent à agir en secret, il leur est bien entendu difficile d'exercer leurs activités et ils seraient à la merci de tout agent fiscal corrompu du monde.

M. MacIntosh: Tout d'abord, à l'égard des conventions fiscales, je crois que les gens, et c'est une minorité, qui pratiquent la fraude fiscale en camouflant des fonds à l'étranger, n'ont pas besoin d'une convention fiscale pour le faire, et ils ne s'en serviraient pas parce que les conventions fiscales servent dans les cas où l'on déclare du revenu.

Deuxièmement, en ce qui concerne le problème de certains Canadiens qui cherchent à frauder le fisc en camouflant du revenu sous forme d'investissements dans des pays, d'ordinaire des paradis fiscaux, le gouvernement a récemment mis en place des règles concernant la déclaration d'avoirs étrangers, afin de s'assurer que les gens déclarent leurs revenus en plus grand nombre, dans ces genres de cas.

Finalement, en ce qui concerne les bureaux à l'étranger des grandes sociétés comptables canadiennes, ce que je sais sur leur compte c'est que ces sociétés comptables ne s'adonnent pas à la fraude fiscale. Elles peuvent faire une grande quantité d'affaires en aidant les gens dans leur planification fiscale tout en s'acquittant de leurs obligations légales envers le fisc. Personnellement, je connais beaucoup de monde dans ces professions et pas un seul ne pratique la fraude fiscale.

Le sénateur Grafstein: Simplement pour mémoire, le Luxembourg et Chypre ont tous les deux des conventions fiscales avec le Canada, de telle sorte que les renseignements circulent entre les deux pays. Cela ne répond pas entièrement à la question du sénateur De Bané, mais il existe une convention fiscale et donc il a accès aux renseignements.

Je voudrais aborder la question des renseignements, pas en ce qui concerne le Luxembourg, qui est un pays qui respecte la primauté du droit, mais à l'égard du Viêtnam et de la question concernant l'échange de renseignements pour savoir si oui ou non l'article 26 du projet d'accord Canada-Viêtnam, pourrait enfreindre la Charte ou du moins les droits à la vie privée. Je prends le Viêtnam en exemple parce que je crois que le sénateur De Bané a bien présenté la chose: nous traitons en effet avec un régime marxiste qui respecte des systèmes de valeurs différents des nôtres, en matière de législation interne. Et nous devons l'accepter comme un fait. Les renseignements personnels et leur divulgation dans un tel régime seraient très différents de ce qu'ils sont dans le nôtre. Cependant, cette disposition n'est pas limitative en ce sens que l'article déclare que les renseignements peuvent être utilisés par les fonctionnaires du fisc de l'autre État contractant conformément à la législation interne de cet État. Cela me semble suspect.

Il en va peut-être de même avec les autres accords mais je ne suis pas au courant de la législation croate pour le moment. La Croatie sort d'un régime marxiste et j'ignore si la législation interne a été entièrement libéralisée ou pas. Je ne connais pas leur régime interne ni leurs lois concernant les renseignements personnels. Bien franchement, je ne sais même pas en quoi consiste la législation dans ce domaine au Chili. Je suppose que leur système serait supérieur à la plupart des autres mais il serait également différent.

Si je soulève ces questions de renseignements personnels et de leur divulgation, monsieur le président, c'est parce qu'il s'agit d'une grave question pour les Canadiens qui font des affaires dans ces pays et qui ne voudraient pas que leurs droits soient menacés. Voudriez-vous bien vous attacher au Viêtnam pour le moment, puisque je crois que c'est l'exemple le plus extrême?

Le président: N'êtes vous pas en train de nous induire en erreur peut-être à propos de l'article 26?

Le sénateur Grafstein: Cela peut s'appliquer au Chili. Je vais voir.

Le sénateur Di Nino: L'article 25.

Le sénateur Grafstein: Le témoin a dit monsieur le président que toutes les dispositions étaient analogues. J'ai donc supposé que l'article était le même. Il semble analogue, au premier coup d'oeil.

Le président: Veuillez répéter votre question maintenant que nous savons de quel article on parle?

Le sénateur Grafstein: Au Canada, en vertu de notre législation fiscale, les renseignements personnels sont très protégés. Ce que nous faisons maintenant ce n'est pas de respecter les normes de notre propre législation mais celle des parties contractantes en ce qui concerne la divulgation de renseignements à des fins fiscales. Cela veut-il dire que, si le sénateur Di Nino fait affaire au Viêtnam, ses dossiers fiscaux pourraient être mis à la disposition des autorités vietnamiennes?

M. Déry: Les renseignements que l'on fournit à un État contractant ne sont que ceux qui se rapportent aux impôts visés par la convention. Il s'agit aussi de renseignements que les signataires de la convention exigent invoquant qu'ils leur sont nécessaires parce qu'ils soupçonnent que certaines transactions louches se passent et qu'ils doivent savoir de quoi ils retournent.

Je ne puis répondre à votre question au sujet de la déclaration d'impôt du sénateur qui aboutira au Viêtnam. Je ne crois pas que cela se produira.

Le sénateur Grafstein: Je ne m'en suis servi qu'à titre d'exemple, je ne disais pas que cela se produirait.

M. Déry: Pour fournir des renseignements, on doit nous présenter une demande très précise. Si nous fournissons des renseignements à un signataire de la convention fiscale, celui-ci les gardera secrets tout comme il le fait à l'égard de ses propres renseignements fiscaux. Certains des pays dont vous avez parlé, ont je crois plus de secrets que nous. Si les renseignements pouvaient servir le cas échéant à poursuivre un contribuable, alors bien entendu le signataire de la convention pourrait s'en servir au tribunal.

Ces questions sont toutes hypothétiques. Outre quelques modifications d'importance secondaire, l'article en question dans les trois conventions est le même que celui qui figure dans 62 autres conventions fiscales. Il ne figure pas dans certaines des anciennes conventions.

Le président: Je remarque que c'est l'accord avec le Viêtnam qui a soulevé ces questions, et pourtant nous appliquons déjà une convention fiscale avec la République populaire de Chine et aussi avec l'URSS.

Le sénateur Bolduc: Ce qu'on veut savoir c'est si les principes moraux de l'administration d'un État policier sont inférieurs aux nôtres et s'il est prudent de notre part de conclure ce genre d'accord.

Le président: Voilà ce qu'il en est: si la compagnie canadienne qui veut faire affaire dans l'un de ces autres pays, décide d'aller s'y implanter et de courir le risque d'exercer son activité dans ce régime spécial, cela ne nuit certes pas à sa situation qui s'en trouve probablement améliorée par le fait qu'il existe une convention fiscale entre ce pays et le Canada. Est-ce une façon de répondre?

M. Déry: C'est un très bon résumé. Assurément, les conventions fiscales l'emportent sur la législation interne et elles ne peuvent pas donner lieu à des frais fiscaux plus élevés que ce ne serait le cas en vertu de la législation interne, donc on n'a rien à perdre si l'on s'acquitte normalement de ces affaires. Mais si l'on tergiverse, il est possible que les renseignements soient révélés et transmis.

Le président: Puisque nous parlons de la République populaire de Chine et du Viêtnam, avons-nous un accord avec Cuba?

M. Déry: Non.

Le président: Avons-nous envisagé à un moment quelconque de négocier avec Cuba?

M. Déry: Nous n'avons pas négocié, même si nous avons agi à titre de conseiller auprès du ministère des Finances de Cuba à ce sujet. Ces fonctionnaires veulent se renseigner davantage au sujet des conventions en matière de double imposition. Je ne pense pas que Cuba en ait conclu avec d'autres pays.

Le sénateur Grafstein: J'ai une autre brève question. L'article 11 dans ces trois conventions, qui traite des intérêts, est le même je crois dans toutes les conventions fiscales. Dans votre témoignage, vous nous avez dit qu'il y avait un seuil à votre avis de moins de 15 p. 100. Les trois accords demandent d'imposer un plafond sur les frais d'intérêts de 10 p. 100, 10 p. 100 et 15 p. 100 pour le Viêtnam; 10 p. 100 pour la Croatie et 10 p. 100 et ensuite 15 p. 100 pour le Chili. Vous avez dit également qu'il y avait un minimum à respecter mais il n'en est pas fait mention dans les articles. Me diriez-vous où cela se trouve. Est-ce un article facultatif?

M. Déry: Oui dans le traité avec le Chili. C'est à la toute fin, au paragraphe 1 du protocole. Dans ma version du projet de loi cela se trouve à la page 71 mais je ne suis pas sûr que nous ayons tous la même version.

Le sénateur Grafstein: On établit une différence dans cette disposition entre les pays de l'OCDE et les autres. Pourquoi?

M. Déry: Je ne sais pas. Il semble que depuis 10 ou 15 ans, on ait eu l'habitude d'inclure dans les conventions fiscales, ces dispositions concernant la nation la plus favorisée. La pratique a été de parler des pays de l'OCDE. Je crois que ce serait notamment pour permettre aux membres signataires de la convention dans un regroupement régional particulier, d'accepter un traitement différent parmi les membres de ce groupe en particulier. Dans la plupart des cas, lorsque figure cette disposition, il s'agit d'autres pays de l'OCDE.

M. MacIntosh: Cette disposition y figure probablement parce que l'OCDE est un groupe de pays riches qui exportent des capitaux dans d'autres pays du monde, et ce que la disposition dit essentiellement c'est que si l'on traite l'un de ces autres pays qui exporte des capitaux dans votre pays, d'une façon plus favorable, on veut être traité de la même façon parce que l'on exporte aussi des capitaux chez vous.

Le sénateur Grafstein: Les États-Unis et certains autres pays ont des obligations et des intérêts non imposables. Si le Canada décidait d'avoir des obligations non imposables par exemple, en suivant la pratique américaine, cette convention imposerait une fiscalité qui en fait ne s'appliquerait pas intérieurement à cause des dispositions qui stipulent que l'on doit percevoir des intérêts même sur les titres avalisés par le gouvernement.

N'y a-t-il pas d'exemptions si un gouvernement, disons le gouvernement chilien ou le gouvernement canadien, décide d'émettre des obligations ne portant pas intérêts, par exemple, ou des obligations forfaitaires? De la façon dont il est rédigé, ce texte me semble viser les intérêts sans viser l'exemption fiscale.

M. Déry: Comme je l'ai dit plus tôt, la convention fiscale ne peut pas être plus exigeante que la loi canadienne. Si nous devions avoir ici des obligations non imposables, cela voudrait dire qu'il n'y aurait aucune retenue d'impôt pour les paiements versés aux non-résidents. Par conséquent, même si les conventions prévoient dans la plupart des cas un taux de 10 p. 100, nous ne serions pas capables selon la loi de le percevoir.

Je crois que dans le cas du Viêtnam il y a déjà une exemption pour l'intérêt sur les obligations gouvernementales, ou la dette du gouvernement.

Le sénateur Grafstein: Où cela se trouve-t-il?

M. Déry: À l'article 11, alinéa 3a).

Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, le comité a-t-il l'intention de convoquer d'autres témoins au sujet de ce projet de loi?

Le président: Personne n'a demandé à comparaître.

Le sénateur Grafstein: Avons-nous demandé à d'autres groupes s'ils voulaient comparaître?

Le président: Non.

Le sénateur Di Nino: En clair, ce dont nous parlons ici, messieurs, c'est le traitement des dividendes, des intérêts et des profits des non-résidents entre les deux États. Nous parlons de l'élimination de la double imposition. Si vous payez des impôts à un État, et si vous avez un accord avec lui, vous pouvez évidemment invoquer cela quand vous payez des impôts dans votre propre pays.

Nous parlons aussi, je présume, de la capacité du gouvernement canadien, selon notre point de vue -- et ce serait la même chose pour le gouvernement de l'autre partie -- de s'assurer que les Canadiens paient leur juste part de taxes et ne se soustraient pas à l'impôt en se cachant d'une façon ou d'une autre dans un autre pays. C'est bien là le principe du projet de loi, n'est-ce pas?

M. MacIntosh: Oui, vous avez raison, sénateur.

Le sénateur Di Nino: Quelqu'un a-t-il déjà contesté l'échange d'information dont nous parlons ici aujourd'hui? A-t-on déjà soulevé cette question?

M. Déry: Si je me souviens bien, les études qu'on a faites sur ces accords ces dernières années n'en ont pas parlé, mais je n'ai pas assisté à toutes les séances du comité. Le problème existe, et la façon pour le Canada de le régler, c'est de voir à ce que les autorités fiscales transmettent l'information au bon endroit dans le pays étranger pour qu'elle y soit utilisée à bon escient. Nous sommes conscients de cela.

Le sénateur Di Nino: Monsieur le président, je ne crois pas que ce soit là la responsabilité de M. Déry ou de M. MacIntosh, mais c'est là un problème qui, selon moi, est très important. Je ne vais pas demander à M. Déry de préciser quel genre de problèmes ont causés par le passé les échanges d'information. Toutefois, notre comité devrait trouver le moyen d'étudier cette question. Je crois que le sénateur Grafstein a raison: peut-être devrions-nous entendre d'autres témoins qui pourraient aborder ce problème, parce que j'ai eu à y faire face lors de mes transactions dans le secteur des services financiers. L'échange d'information avec certains pays a toujours été très suspect. Je ne crois pas que ce soit le cas pour tous les pays, et nous ne devrions pas parler uniquement du Viêtnam. Il y a beaucoup d'autres pays, et on en a mentionné quelques-uns, qui ne respectent pas la règle de droit tout à fait comme nous.

Pendant qu'il examine les conventions et accords conclus entre le Canada et d'autres États, notre comité devrait en profiter pour étudier cette question; non seulement les conventions fiscales, mais aussi les autres traités qui exigent certains échanges d'information, pour s'assurer que les intérêts canadiens sont bien protégés.

Le président: Vous n'acceptez donc pas la proposition que j'ai formulée plus tôt, à savoir que l'existence de la convention fiscale n'affaiblit pas la position des investisseurs canadiens éventuels, mais en fait peut l'améliorer grandement?

Le sénateur Di Nino: Je l'accepte, monsieur le président, en ce sens que l'investisseur canadien qui paie des impôts en Italie peut déclarer ces impôts à titre de dépenses, pour qu'il n'y ait pas double imposition. J'accepte aussi que, si un résident canadien déménage au Mexique et qu'il y a un traité qui couvre le revenu tiré d'une pension, ou les dividendes d'investissements ou les intérêts de dépôts, cela protège le Canada, en ce sens que, en échangeant de l'information, les actifs et le revenu ne peuvent pas être dissimulés, de sorte que l'impôt est payé conformément aux lois du pays.

Je ne suis pas sûr, toutefois, que l'échange d'information, notamment avec ces pays qui ne respectent pas comme nous la règle de droit, soit approprié. Je ne suis même pas sûr que cela crée un problème, mais j'aimerais savoir que cela n'en crée pas.

Le sénateur Grafstein: Le témoin a en quelque sorte abordé cette question. Je crois qu'il nous a dit que le gouvernement canadien est capable de comprendre la situation des pays avec lesquels il traite, et, par conséquent, le ministère serait quelque peu réticent à traiter de ces questions fiscales, parce qu'il s'agit là de questions d'abus et de renseignements personnels. C'est ce qu'il a dit, je crois. Je n'essaie pas de lui faire dire ce qu'il n'a pas dit, mais je veux tout simplement savoir si c'est le cas ou non.

Nous sommes dans une situation difficile. D'une part, nous ne savons pas si, en fait, des contribuables canadiens abusent du système en se réfugiant dans des pays étrangers -- l'un de ces trois pays -- et profitent indûment des écarts fiscaux qui existent entre les deux pays. D'autre part, il y a cette question de divulgation au sujet de quelqu'un qui abuse du système. Même dans ces cas, le gouvernement serait quelque peu réticent à échanger de l'information à cause de ses obligations.

Cet accord, et reprenez-moi si j'ai tort, ne peut pas empêcher telle ou telle personne dans l'administration de violer les lois canadiennes en matière de protection des renseignements personnels, même si le Parlement a approuvé cet accord. Il ne permet pas de soustraire telle ou telle personne à l'application des lois locales. Cela n'est pas clair dans mon esprit, mais tel pourrait être le cas, me semble-t-il. C'est une question délicate, monsieur le président.

Le sénateur Bolduc: Je présume qu'aucun échange d'information ne peut garantir que les gens dans ces pays vont se comporter comme nous.

Le sénateur Andreychuk: C'était là l'essence de ma question. Si je comprends bien, on fait un genre d'analyse politique initiale pour déterminer si tel ou tel pays est un pays avec lequel nous voulons conclure un accord fiscal avant de commencer à négocier cet accord. Ce que le témoin a dit contredit certainement ce que je comprends. Il dit tout simplement que, si un pays fait une demande, nous entamons des négociations.

Je crois savoir qu'une analyse politique a permis de déterminer qu'il y avait un bon système de réglementation, raisonnable, souple, et qu'on nous a donné suffisamment de garanties, même si l'accord n'en faisait pas autant. C'était le seul préalable de la signature d'un accord. Puis, après la signature de l'accord, l'autre condition, c'est que nos autorités fiscales aient l'autorisation, mais non pas l'obligation, de transmettre l'information et scrutent à la loupe ces demandes pour s'assurer qu'elles sont bien traitées. Après avoir conclu un accord, nous examinons ce qui se passe et, si nous ne sommes pas satisfaits, nous n'échangeons pas l'information aussi facilement. Le ministère du Revenu a un certain pouvoir discrétionnaire.

Ce que j'entends dire maintenant, c'est qu'aucune analyse politique n'a évalué s'il y a un certain «empressement», pour utiliser le jargon diplomatique, à conclure ces accords avec, par exemple, le Viêtnam. Je ne sais pas si d'autres témoins pourraient nous confirmer cela.

Le président: M. Déry et M. MacIntosh ont entendu ce que vous venez de dire. Ils voudront peut-être préciser ce qu'ils ont dit plus tôt.

M. Déry: Je peux vous assurer que le ministère des Affaires étrangères appuyait totalement le fait qu'on entame des négociations avec le Viêtnam. Peut-être me suis-je trompé en disant qu'il ne suit pas une procédure pour faire l'étude. Il ne me donne pas l'information. Il n'y a eu aucune négociation sans l'appui du ministère des Affaires étrangères, et je suis sûr qu'il rassemble ce genre d'information à d'autres fins, pas nécessairement à des fins fiscales. Il pose certaines questions à tous les pays avec lesquels nous avons des relations. Une fois que le ministère m'a informé qu'il appuie tout à fait la convention et qu'il la considère comme extrêmement importante dans le contexte des relations entre deux pays, y compris les demandes d'entreprises canadiennes qui veulent commercer dans ces pays, c'est suffisant pour les fins fiscales.

Le sénateur Andreychuk: Cela aboutit au fait que le ministère des Affaires étrangères a été impliqué, et cela me donne une certaine assurance sans qu'on ait à entrer dans les détails. Comme je l'ai dit, toute analyse politique du pays qui veut conclure ce genre d'accord doit évaluer si les lois de ce pays sont respectées et si nous pouvons compter sur un système suffisamment solide.

Le sénateur De Bané: Il n'y a aucune contradiction entre ce qu'a dit le sénateur Andreychuk et ce qu'a dit le témoin. M. Déry a précisé qu'il n'a pas eu accès à cette analyse faite par le ministère, mais il nous a donné l'assurance qu'il n'entame pas de négociations sans avoir l'appui du ministère des Affaires étrangères. Le sénateur Andreychuk sait par expérience que cette analyse se fait avant toute approbation. Il n'y a aucune contradiction entre les deux.

Le sénateur Andreychuk: C'était l'usage.

Le président: Oui, et je crois que M. Déry laisse entendre que cela se fait toujours.

Le sénateur Andreychuk: Nous pouvons conclure des propos de M. Déry, et il peut me reprendre si je me trompe, que le ministère des Affaires étrangères a indiqué qu'il pense que dans ces trois cas nous devrions poursuivre les négociations en vue de la signature d'une convention fiscale. Du moins il ne s'y oppose pas.

M. Déry: Il a appuyé tout à fait les négociations, mais, encore une fois, il n'a jamais dit qu'il avait de l'information sur les droits légaux dans ce pays, et cetera. Il appuie en général le fait qu'on entame des négociations.

Le sénateur Andreychuk: Il serait intéressant de demander au ministère des Affaires étrangères quel genre d'analyse il fait et quel genre d'assurance lui garantit que les systèmes sont capables de protéger les Canadiens, non pas grâce à une garantie quelconque, mais grâce à une assurance raisonnable.

Le sénateur Bolduc: Nous connaissons par exemple, pour en avoir discuté récemment avec le sénateur Grafstein et nos homologues américains, tous les problèmes qui frappent le bois d'oeuvre dans l'Ouest canadien. Les constructeurs d'habitations américains aiment beaucoup notre produit, mais les producteurs américains ne veulent pas concurrencer les produits canadiens. Cette question a deux volets. De même, des hommes d'affaires veulent peut-être commercer avec le Viêtnam, mais certaines personnes n'aimeraient peut-être pas cela. C'est le genre de questions que se posent mes deux collègues.

Il serait intéressant de demander un jour aux représentants du ministère des Affaires étrangères comment ils réussissent à équilibrer les intérêts des uns et les droits des autres.

Le sénateur Grafstein: L'évaluation du risque-pays.

Le président: Permettez-moi de poser une question purement technique. Pourquoi parle-t-on d'«accord» Canada-Viêtnam et Canada-Croatie, et de «convention» Canada-Chili? Qu'est-ce que cela cache d'important?

M. Déry: Il n'y a aucune différence. Le modèle canadien que nous expédions aux autres pays utilise le mot «convention». Certains pays préfèrent signer un accord plutôt qu'une convention, mais pour nous il n'y a aucune différence.

Le président: Je ne sais pas trop comment vous voulez procéder. Il ne semble y avoir aucune objection pour ce qui est de ces accords ou conventions, mais deux questions ont été soulevées: premièrement, qu'est-ce que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a fait en prévision des négociations et, deuxièmement, quelle assurance avons-nous que l'information fournie par suite de ces accords, le cas échéant, est bien traitée?

Voulez-vous réserver le projet de loi ou en poursuivre l'étude?

Le sénateur Di Nino: Monsieur le président, je ne crois pas que nous devrions réserver le projet de loi. Nous avons signé une soixantaine d'accords de ce genre avec beaucoup de pays dans le monde. C'est un genre d'accord très courant.

Toutefois, ce qui m'inquiète vraiment, c'est que la question de l'échange d'information n'a pas été examinée, du moins par un comité parlementaire, aussi bien qu'elle aurait dû l'être. Je propose que nous poursuivions l'examen du projet de loi, mais nous devrions à un moment donné interroger, en quelque sorte, le ministère des Affaires étrangères, de même que d'autres personnes susceptibles de répondre à ces questions en suspens.

Le sénateur Andreychuk: Comme nous l'avons fait déjà pour d'autres projets de loi, que diriez-vous d'adopter le projet de loi, mais de signaler dans le rapport cette question à l'attention du gouvernement?

Le président: Je crois que ce serait possible, en effet.

Nous allons faire rapport du projet de loi sans amendement, mais lui joindre un deuxième rapport où nous allons demander, premièrement, quelle procédure a suivie le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international avant la négociation du traité ou de la convention, selon le cas; et, deuxièmement, quelles preuves démontrent que l'information fournie en vertu de lois comparables a été utilisée à mauvais escient.

Le sénateur Di Nino: Nous pouvons utiliser un libellé semblable. En effet, ce que je veux, c'est que, à un moment donné, préférablement cette année, nous invitions des témoins pour discuter de ces deux questions.

Le sénateur Bolduc: Cela devrait se faire avant que nous approuvions un autre projet de loi de ce genre, parce que nous en examinons un tous les trois mois.

Le sénateur Grafstein: Je suis d'accord avec le sénateur Bolduc.

Le président: Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'un projet de loi contenant 19 articles et trois annexes.

Les articles 2 à 7 sont-ils adoptés?

Des voix: Adoptés.

Le président: Les articles 8 à 13 sont-ils adoptés?

Des voix: Adoptés.

Le président: Les articles 14 à 19 sont-ils adoptés?

Des voix: Adoptés.

Le président: Les annexes 1 à 3 sont-elles adoptées?

Des voix: Adoptées.

Le président: Le titre abrégé est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi sans amendement?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Di Nino: Avec des observations.

Le président: Avec des observations?

Des voix: D'accord.

La séance est levée.


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