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Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères

Fascicule 22 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 2 juin 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 h 49 pour étudier les conséquences pour le Canada de l'émergence de l'Union monétaire européenne et autres sujets connexes en matière de commerce et d'investissement (information sur l'élargissement de l'Union européenne et sur le commerce et les investissements entre le Canada et l'Europe).

Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, cet après-midi nous passons à notre deuxième ordre de renvoi, concernant les conséquences pour le Canada de l'émergence de l'Union monétaire européenne et autres sujets connexes en matière de commerce et d'investissement. Comme nous arrivons à la fin de cette partie de la session parlementaire actuelle, j'ai pensé que nous devions nous renseigner pour savoir où en est l'élargissement proposé de l'UE et quels sont les derniers développements concernant les relations du Canada avec l'UE en matière de commerce et d'investissement.

Pour nous aider avec cette importante question, nous accueillons cet après-midi notre principal témoin, M. Jean-Marc Duval, qui est accompagné. Je lui demanderais, avant qu'il fasse sa déclaration, de bien vouloir présenter ses collègues.

M. Duval, directeur général, Direction de l'Union européenne, de l'Europe du Nord et de l'Ouest, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Mon collègue, Hugh Moeser, est directeur par intérim de la Division de l'Union européenne du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et s'occupe bien entendu de nos relations bilatérales avec l'Union européenne. Bob Publicover travaille également avec nous à cette importante relation bilatérale.

Monsieur le président, si vous le voulez bien, je vous mettrai brièvement au courant des derniers développements concernant les relations économiques entre le Canada et l'Union européenne. Ensuite, je vous parlerai brièvement des progrès réalisés par l'Union en ce qui concerne son élargissement et je vous ferai un bref résumé de ce que le Canada a tâché d'accomplir dans le cadre de ses relations avec l'Union européenne depuis la signature du plan d'action en décembre 1996 à Ottawa.

L'Union européenne est le plus important marché au monde, un marché de 374 millions de personnes, dont les exportations à l'étranger en 1997 ont représenté 823 milliards de dollars, soit environ 10 p. 100 de son PIB, ce qui confère à l'Union européenne la plus importante part des exportations mondiales, c'est-à-dire 19,7 p. 100. Au cours de la même année, l'Union européenne a été le deuxième importateur en importance de biens, après les États-Unis.

[Français]

En 1996, le commerce au sein de l'Union européenne représentait 63 p. 100 des exportations de l'union européenne et 64 p. 100 de ses importations totales. En 1997, 20 p. 100 du commerce extérieur de l'Union européenne s'est fait avec les États-Unis, 5 p. 100 avec le Japon, et 2 p. 100 avec le Canada.

[Traduction]

En fait, entre 1985 et 1997, 33 p. 100 de la croissance de nos exportations en dehors des États-Unis a été attribuable à la croissance de nos échanges avec l'Union européenne. L'Union demeure le deuxième partenaire commercial en importance du Canada, après les États-Unis, absorbant en moyenne un peu moins de 7 p. 100 des exportations canadiennes.

En 1997, les exportations du Canada vers l'Union européenne se sont élevées à 14,4 milliards de dollars canadiens et les importations ont atteint pratiquement 27 milliards de dollars. Si nous examinons la ventilation de nos exportations à l'Union européenne par secteur de produit, nous constatons que le plus important secteur est celui des produits industriels, qui représentait 31 p. 100 des exportations canadiennes vers l'Union européenne. Viennent ensuite les machines et l'équipement à 24 p. 100, et les produits forestiers à 23 p. 100.

Pour ceux que les chiffres intéressent, nous avons apporté de la documentation avec nous que nous vous laisserons, et vous y trouverez toutes ces données.

[Français]

L'Union européenne est aussi la deuxième source d'investissements étrangers directs au Canada après les États-Unis. En fait, les investissements directs au Canada en provenance de l'Union européenne représentaient 20 p. 100 de tout l'investissement étranger direct fait au Canada en 1997. L'investissement direct canadien dans l'Union européenne représentait un autre 20 p. 100 de tout l'investissement direct canadien à l'étranger.

[Traduction]

J'ai parlé brièvement du commerce des biens et de l'importance des changements structurels. Il est également important d'aborder brièvement le commerce de services. En 1997, les Canadiens ont reçu de l'Union européenne un montant de 6,7 milliards de dollars pour les services de voyage, de transport, les services commerciaux et gouvernementaux. Le Canada, pour sa part, a dépensé pour les mêmes services 1,8 milliard de dollars de plus. Nous avons donc enregistré un déficit en matière de commerce de services de 1,8 milliard de dollars avec l'Union européenne en 1997.

[Français]

Si on regarde les investissements européens au Canada, on constate qu'en 1996, ils s'élevaient à 37,4 milliards de dollars.

[Traduction]

Le Royaume-Uni est, de tous les Etats membres de l'UE, celui qui investit le plus au Canada et représente 41 p. 100 de tout l'investissement direct de l'Union européenne au Canada. Cette proportion est à la baisse. Elle était de 56 p. 100 en 1985, relativement aux autres Etats membres investisseurs de l'Union européenne, comme les Pays-Bas, la France et l'Allemagne.

[Français]

En fait, si l'on regarde parmi les 10 plus grands investisseurs du monde au Canada, le Royaume-Uni se place au deuxième rang, les Pays-Bas au quatrième, la France au cinquième, l'Allemagne au sixième, la Belgique au huitième et la Suède au dixième. Six des plus grands investisseurs mondiaux proviennent de l'Union européenne.

[Traduction]

Les investissements canadiens en Europe ont également augmenté et sont passé à 41 milliards de dollars en 1997, ce qui représente 21 p. 100 de l'ensemble de nos investissements, surtout au Royaume-Uni. En 1997, la totalité de nos investissements là-bas s'est élevée à 21,7 milliards de dollars, et nous avons fait des progrès dans d'autres pays également.

Comme vous le savez, l'Union envisage maintenant son cinquième élargissement. Le premier a eu lieu en 1973 lorsque le Royaume-Uni, le Danemark et l'Irlande ont adhéré à l'Union. Le Royaume-Uni était et demeure notre plus important partenaire commercial. En fait, en 1997, nos exportations s'élevaient à près de 4 milliards de dollars et nos importations dépassaient 6 milliards de dollars.

[Français]

L'adhésion de la Grèce, en 1981, et de l'Espagne et du Portugal, en 1986, a eu de faibles retombées parce que nous exportions vers ces pays beaucoup moins que vers les pays qui se sont joints à l'Union lors de la vague de 1973.

[Traduction]

L'Autriche, la Finlande et la Suède ont adhéré à l'Union en 1995. Le volume de nos échanges commerciaux était considérable: 820 millions de dollars. Les droits à l'exportation ont augmenté en ce qui concerne d'importantes exportations canadiennes lorsque ces pays ont adopté le tarif externe commun de l'Union européenne, et nous avons eu beaucoup de difficulté à obtenir une indemnisation, tel que prévu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

On a soutenu que le Canada devait accepter aussi bien les avantages que les inconvénients -- que des droits plus faibles dans certains cas compensaient pour des droits plus élevés dans d'autres. Nous avons dû menacer de retirer des concessions qui avaient abaissé les droits canadiens sur les produits de l'Union européenne avant de pouvoir obtenir un règlement sous la forme de droits réduits de la Communauté européenne sur certaines exportations canadiennes.

[Français]

Des discussions sur le prochain élargissement viennent d'être lancées. L'Union européenne est sur le point d'accueillir de nouveaux membres, cette fois-ci, la République Tchèque, la Pologne, la Hongrie, l'Estonie, la Slovénie et Chypre. L'arrivée de ces six pays exigera d'importantes réformes institutionnelles au sein de l'Union européenne. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres au sujet de la situation économique de ces pays. Si l'on regarde actuellement le produit intérieur brut per capita de la majorité de l'ensemble des 15 pays membres de l'Union européenne, vous avez le Portugal à environ 10 000 dollars par habitant et le Luxembourg à l'autre extrême, à 40 000 dollars américains, celui du Portugal étant en dollars canadiens.

[Traduction]

Parmi les six pays qui souhaitent adhérer à l'Union européenne, Chypre est celui qui affiche le PIB le plus élevé par habitant, soit 13 000 $ U.S., tandis que la Pologne affiche le PIB le plus faible, soit 3 800 $ U.S. On peut ainsi constater l'écart qui existe sur le plan du développement économique entre les six prochains pays qui veulent y adhérer d'une part et les 15 pays membres actuels d'autre part.

[Français]

Les exportations canadiennes aux six pays se sont chiffrées à 356 millions de dollars en 1997. Cela représente 0,2 p. 100 de nos exportations mondiales.

[Traduction]

Comme je l'ai mentionné plus tôt, en 1997, la valeur totale de nos exportations à la Communauté économique s'élevait à 14,4 milliards de dollars.

[Français]

Les grands pays de l'Europe orientale sont dotés de structures tarifaires plus élevées par rapport à celles de l'Union européenne. Par conséquent, les exportations canadiennes vers ces pays profiteront dans la plupart du temps de droits de douane moindres que l'Union européenne.

[Traduction]

Dans quelques cas, toutefois, il y aura des hausses de droits; par exemple sur les exportations de porc, de hareng, de jus de fruits et d'aluminium vers la République tchèque. En ce qui concerne le poulet, le porc, la viande de dinde, le blé dur canadiens et d'autres produits canadiens, l'accès au marché de la Pologne connaîtra une nette amélioration.

Nous devrons alors déterminer les mesures à prendre avec la communauté, une fois que leurs négociations avec les membres actuels auront progressé davantage. Il semble toutefois que le Canada aura de la difficulté à se faire indemniser, compte tenu des tarifs plus élevés des six candidats actuels, lorsqu'ils deviendront membres de l'Union européenne.

Je passerai maintenant au troisième sujet, c'est-à-dire où en est notre plan d'action avec l'Union européenne.

[Français]

Ce document -- nous en avons aussi apporté d'autres provenant d'une déclaration politique commune sur les relations entre l'Union européenne et le Canada et du plan d'action commun entre l'Union européenne et le Canada -- fut signé en décembre 1996, par le premier ministre Chrétien, par le président de la Communauté européenne et par sir Leon Brittan, le commissaire aux affaires étrangères de la communauté.

Nous retrouvons dans ce document quatre chapitres: un sur les relations économiques et commerciales; un deuxième sur les questions de politique étrangère et de sécurité; le troisième sur les questions transnationales et le dernier, sur la promotion des liens.

[Traduction]

Permettez-moi de dire quelques mots sur chacun de ces quatre chapitres. Le chapitre sur les relations économiques et commerciales traite principalement de l'étude conjointe canado-américaine sur le commerce et la conclusion de diverses ententes bilatérales entre le Canada et l'Union européenne.

Nous avons signé des accords sur la fourrure et les procédures douanières. L'accord le plus récent, signé à l'occasion du Sommet de l'Union européenne en mai dernier à Londres, portait sur l'évaluation de la conformité.

[Français]

Nous avons aussi mis de l'avant et nous travaillons actuellement à une étude commerciale conjointe dont le but est de nous permettre d'identifier les barrières nuisant à l'amélioration de nos relations commerciales.

[Traduction]

Nous devons également trouver des moyens d'accroître nos échanges bilatéraux. Nous avons convenu, au début de septembre, d'échanger avec la Commission nos listes de barrières commerciales, listes qui ont été établies après consultation avec les intervenants canadiens, le secteur privé et les provinces.

À l'instar de la Commission européenne, nous avons demandé à un expert-conseil de travailler sur un projet de rapport qui a été présenté lors du sommet, en mai dernier. Il reste encore beaucoup de travail à faire avant que le rapport final ne soit prêt. Une fois le rapport terminé, les représentants du Canada et de la Commission se réuniront en vue de régler certaines questions, et ensuite d'intensifier nos échanges.

[Français]

Les questions de politique étrangère, le deuxième pilier de notre plan d'action, nous permettent d'engager des consultations régulières dans ce domaine pour pouvoir ainsi plus facilement régler des divergences entre nos positions respectives et mieux coordonner nos interventions sur la scène internationale. Le Secrétaire d'état britannique, M. Cook, M. Brittan de la commission et le ministre Axworthy, ont tenu des consultations sur la politique étrangère en janvier 1998, à Ottawa. Les directeurs politiques de l'Union européenne et de ce que nous appelons la troïka à ce stade, l'Autriche, la Grande-Bretagne et le Luxembourg, se sont réunis à Londres le 8 mai. À l'ordre du jour, on retrouvait des dossiers d'actualité comme l'élargissement de l'Union européenne, le Sommet des Amériques, Cuba, l'initiative anti-drogue de l'Union européenne pour les Caraïbes et le programme nucléaire de l'Inde.

[Traduction]

Le troisième chapitre de notre plan d'action est consacré aux questions transnationales comme l'immigration et les réfugiés, le terrorisme, le crime organisé, le trafic des stupéfiants et l'application des mesures douanières.

Afin d'intensifier nos efforts dans ces domaines, nous avons détaché un autre fonctionnaire auprès de notre mission de l'UE en septembre dernier. Il est en poste depuis neuf mois et, jusqu'ici, les résultats obtenus sont excellents, de sorte que nous sommes satisfaits de la décision que nous avons prise.

Le troisième chapitre traite également des liens entre personnes, ou de la promotion des liens entre les Canadiens et les Européens. Il comporte deux sous-éléments: les contacts inter-entreprises et les liens entre personnes. Pour ce qui est des contacts interentreprises, le CCCE, un organisme canadien, a assisté, en novembre dernier, à Rome, à la séance du dialogue transatlantique, où de grandes entreprises américaines et européennes s'étaient réunies pour discuter des moyens d'améliorer les échanges entre les divers partenaires.

[Français]

Les gens d'affaires du conseil et M. D'Aquino tentent d'organiser une rencontre au Canada, probablement à l'automne ou au printemps prochain, des décideurs économiques européens et canadiens, pendant une journée, pour poursuivre ces discussions.

[Traduction]

Nous travaillons également avec nos PME, des intervenants du privé, en vue d'encourager les entreprises canadiennes à s'installer en Europe, et vice versa. En fait, jeudi de cette semaine, Ottawa accueillera la première réunion à laquelle participeront des PME européennes et canadiennes. Parallèlement à cette initiative, nous poursuivons nos efforts auprès de l'ACTP, une association canadienne.

Nous prévoyons collaborer avec des entreprises spécialisées dans l'information, la technologie et la production d'appareils médicaux en vue de favoriser non seulement les échanges, mais également les investissements. Pour ce qui est des liens entre personnes, nous avons mis sur pied des programmes de bourses ainsi que des programmes d'échange d'étudiants et de travailleurs entre le Canada et l'UE, afin que nous puissions apprendre à mieux nous connaître. Quand nous nous sommes rendus à Londres, en mai dernier, les ministres Axworthy et Marchi ont annoncé l'octroi de 55 nouvelles bourses à des jeunes Canadiens désireux d'effectuer des `stages' dans les pays de l'UE au cours des mois à venir.

Monsieur le président, voilà qui termine mon allocution. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président: J'aimerais d'abord vous poser une question au sujet de l'impact que pourrait avoir sur nos exportations l'adhésion de la Pologne, de l'Estonie, de Chypre, ainsi de suite. D'après ce que vous avez dit, à l'encontre des autres rondes d'adhésion à l'UE, nos exportations vers les nouveaux pays ne souffriront pas -- autrement dit, à cause de tarifs plus élevés -- de manière générale, sauf peut-être dans certains cas, comme dans celui du porc, du hareng et des jus de fruits.

Ai-je bien compris?

M. Duval: Oui, monsieur le président. Dans le cas des nouveaux pays, leurs tarifs, en moyenne -- il y a des exceptions, et j'en ai mentionné quelques-unes -- sont plus élevés que les tarifs de l'UE. Quand ils joindront l'UE, ils devront abaisser leurs tarifs afin de les rendre conformes à ceux des 15 pays membres de l'Union. Il sera difficile de chercher à obtenir une compensation auprès de l'OMC -- mais il y aura des exceptions.

Le président: Vous avez parlé d'une étude qui porte sur les entraves au commerce transatlantique entre le Canada et l'UE -- une étude conjointe. Est-il prématuré de demander si cette étude pourrait mener à la conclusion d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne?

M. Duval: Je ne parlerais pas d'un «accord de libre-échange», mais l'objectif de cette étude est de cerner les barrières et de trouver des moyens de les éliminer, que ce soit par la voie bilatérale ou multilatérale.

Si nous pouvons le faire par la voie bilatérale, nous en sortirons tous gagnants -- et alors, oui, dans ce cas-là, nous pourrions libéraliser les échanges. Je ne veux pas préjuger des résultats de l'étude, monsieur le président, parce qu'elle en est encore à l'étape préliminaire et qu'il reste du travail à faire. Nous rencontrerons nos collègues de l'UE pour discuter des mesures à prendre.

Il sera difficile, par suite de cette étude, de parvenir à un accord de libre-échange. Il y aura libéralisation des échanges commerciaux, mais pas d'accord de libre-échange.

Le président: Pouvez-vous nous donner un bref bilan de nos échanges et de nos investissements avec l'UE, et des échanges et des investissements entre les États-Unis et l'UE? Où nous situons-nous par rapport aux États-Unis?

M. Duval: Je n'ai pas les chiffres avec moi, monsieur le président, mais je pense que leurs investissements sont plus élevés et importants que les nôtres.

Le président: Je faisais allusion au niveau des investissements et des échanges commerciaux, si je peux m'exprimer ainsi.

M. Duval: Nous avons signé notre plan d'action en 1996. Les États-Unis l'ont fait en 1995. Certains se sont demandé pourquoi nous ne l'avions pas fait plus tôt. En fait, le plan aurait pu être signé beaucoup plus tôt, mais nous avions un différend avec un des 15 États-membres concernant un produit que certains d'entre nous mangent toujours le vendredi. C'est pour cette raison que la signature a été retardée.

Notre bilan est assez positif. Permettez-moi de vous donner un exemple. L'accord sur les évaluations de conformité, une fois mis en place -- et il reste encore du travail à faire -- permettra aux entreprises canadiennes en sol canadien, et aux entreprises européennes en sol européen, de faire évaluer leurs produits avant qu'ils ne quittent leur territoire afin de s'assurer qu'ils respectent certaines normes.

Les entreprises canadiennes souhaitaient qu'on s'occupe activement de ce dossier parce qu'elles avaient entendu dire que certains concurrents américains étaient sur le point d'obtenir des privilèges en vertu d'un accord signé par les États-Unis, le 18. Eh bien, nous avons signé l'accord le 14, de sorte que nous obtiendrons les mêmes avantages que les États-Unis.

Le président: Pouvez-vous nous donner plus de précisions au sujet de cet accord?

M. Duval: Il s'agit d'un accord bilatéral qui permettra à des organismes européens désignés -- ou canadiens, dans notre cas -- de certifier que les produits européens destinés à l'exportation sont conformes aux exigences réglementaires du pays de destination.

La conclusion d'un accord Canada-UE sur l'évaluation de la conformité permettra de réduire les coûts et de faciliter l'accès au marché européen des producteurs canadiens dans les domaines suivants: matériel de télécommunication, sécurité électrique et compatibilité électromagnétique, appareils médicaux, procédés de fabrication de produits pharmaceutiques et bateaux de plaisance. Ces ententes constituent des outils fantastiques en ce qu'elles contribueront à faciliter les échanges des entreprises deux côtés de l'Atlantique. Voilà un exemple d'un accord bilatéral.

En ce qui concerne l'étude conjointe -- qui n'est pas encore parachevée -- si les fonctionnaires parviennent à la mener à terme et à négocier des accords en vue d'éliminer les barrières commerciales, nous allons surpasser les États-Unis, dont l'étude conjointe, même si elle est terminée, tarde à être mise en oeuvre en raison de divergences d'opinions entre les deux parties. Nous espérons éviter ce genre de situation. Nous n'en sommes pas encore là.

Le sénateur Bolduc: Pourquoi les Européens semblent-ils préférer négocier avec le Mexique plutôt qu'avec le Canada? J'ai lu des articles à ce sujet dernièrement dans le Globe and Mail.

M. Duval: Depuis que le Mexique a adhéré à l'ALENA, la part du marché mexicain détenue par l'UE est passée de 11 à 6 p. 100. L'UE veut faire quelque chose pour récupérer cette part de marché.

Les produits pétroliers comptent pour un peu plus de 20 p. 100 des exportations mexicaines vers l'UE. Après, les pourcentages diminuent beaucoup. Par exemple, les produits agricoles représentent 9 p. 100 des exportations du Mexique vers l'UE. Toutefois, 45 p. 100 des produits, sur les 9 p. 100, figurent sur la liste des produits sensibles. Donc, si vous faites le calcul, vous arrivez à moins de 5 p. 100 ce qui veut dire que, conformément à l'accord de l'OMC, vous pouvez soustraire ces produits aux discussions sur le libre-échange.

Donc, les produits agricoles sensibles, suivant l'issue des discussions, seront sans doute exclus de l'entente. Si les produits agricoles ne font pas partie des discussions sur le libre-échange avec l'UE, il sera beaucoup plus facile de tenir compte des susceptibilités de l'Union.

Est-ce que cela aura un impact sur les échanges entre le Canada et le Mexique? Je ne suis pas un expert en la matière, mais si je devais vous donner une réponse ce soir, je dirais oui. Est-ce que l'impact sera majeur? J'aurais tendance à dire non, mais je peux me tromper.

Le sénateur Bolduc: Pour revenir aux produits agricoles, la Pologne compte un grand nombre d'agriculteurs -- 24 p. 100 de la population active -- ce qui signifie que la politique agricole commune devra être modifiée. Or, est-ce que cette démarche aura pour effet de nous avantager à la longue, ou de nous nuire?

M. Duval: J'aimerais bien connaître la réponse à cette question. La Commission européenne, dans le cadre des discussions sur son élargissement, a proposé un plan connu sous le nom d'Agenda 2000 -- un programme de réforme qui vise à aider les 15 États-membres à s'adapter à l'arrivée de six nouveaux pays, même s'ils n'adhèrent pas tous en même temps, au début de l'an 2000.

Le sénateur Bolduc: Mais la Pologne est celle qui pose le plus de problèmes.

M. Duval: Sur le plan agricole, oui, la Pologne pose de sérieux problèmes à la Communauté européenne, qui sera obligée de modifier sa politique agricole commune. D'ici la fin de septembre, tout le monde va vous dire que personne n'osera toucher à ce dossier, en raison des élections qui doivent avoir lieu en Allemagne et de l'importance qu'attache le pays à cette politique.

Les subventions à l'exportation accordées par l'UE dérangent beaucoup de personnes. Les journaux ont fait état, dernièrement, des problèmes que soulève l'exportation d'orge finnoise en Californie. Le programme de subventions à l'exportation de l'UE ne nous plaît pas du tout. Si elle réduisait ou modifiait -- en raison de pressions financières dans le cas de la Pologne -- ses subventions, l'UE deviendrait moins compétitive sur les marchés mondiaux, ce qui serait à notre avantage.

Le sénateur Bolduc: Je me trompe peut-être, mais si j'ai bien compris, on ne peut pas entreprendre de discussions avec la Pologne, les États-Unis ou le Canada sur les changements à apporter à la politique agricole -- et je me mets à la place de l'UE -- en raison des élections qui doivent avoir lieu en Allemagne, du régime protectionniste français, de sorte que la Pologne ne fera pas partie de la Communauté avant encore cinq ans.

M. Duval: C'est à peu près cela.

Le sénateur Bolduc: C'est très possible.

M. Duval: Oui. À l'heure actuelle, 1,27 p. 100 de la taxe sur la valeur ajoutée est transférée des États-membres à la Commission. On a beaucoup parlé de la possibilité d'accroître ce plafond parce que certains pays du Sud -- par exemple, le revenu moyen par habitant au Portugal est, grosso modo, de 10 000 $ par année.

Le Portugal, comme d'autres pays méditerranéens, bénéficie du fonds d'aide régional. Si l'on réduit cette aide -- j'étais à Lisbonne, en janvier, et ce n'est pas quelque chose qu'ils envisagent avec beaucoup d'enthousiasme. Les pays comme l'Allemagne et les Pays-Bas, qui cotisent à ce fonds, ne veulent pas que le plafond soit relevé. Ils veulent que des réformes soient apportées avant que le budget ne soit majoré.

Le sénateur Bolduc: Le Canada a eu des démêlés avec l'UE à cause de la façon dont il a réglé le conflit de la pêche avec l'Espagne. Je crois comprendre que nous allons intenter des poursuites contre la France dans le dossier de l'amiante. Croyez-vous qu'il serait utile de discuter de cette question avec l'UE?

M. Duval: Vous voulez dire que nous allons intenter des poursuites contre l'Espagne?

Le sénateur Bolduc: Non, contre la France.

M. Duval: Oh.

Le sénateur Bolduc: Dans le dossier de l'amiante.

M. Duval: Nous avons eu de longues discussions avec les Français à ce sujet. Si vous jetez un coup d'oeil sur le communiqué qui a été émis au début de la semaine dernière -- nous en avons une copie -- il y a une chronologie, à la fin, des diverses mesures qui ont été prises pour régler ce problème, non seulement avec la France, mais également avec les autres États-membres, y compris la Commission. Nous collaborons sur ce dossier avec la France depuis janvier 1997.

Le gouvernement du Canada subit des pressions de la part de l'industrie, depuis un certain temps déjà, qui souhaite qu'on conteste cette décision devant l'OMC. Nous espérons que le rapport de M. Got, qui devrait nous être remis bientôt, aidera les autorités françaises à comprendre que, d'un point de vue strictement scientifique, les arguments que nous avançons depuis le début sont solides.

À défaut d'entente, nous devrons nous adresser au groupe spécial. Ces irritants -- si je peux les appeler ainsi -- n'ont rien d'exceptionnel quand il est question d'échanges bilatéraux qui atteignent les 40 milliards de dollars. Le fait de saisir l'OMC de cette affaire n'a rien d'extraordinaire. L'Union européenne a porté plainte contre le Canada auprès de l'OMC au sujet des produits pharmaceutiques. Nous pouvons porter plainte contre elle au sujet d'une autre question. Ces mécanismes existent et nous pouvons les utiliser quand il nous est impossible de parvenir à une entente.

Le sénateur Bolduc: Cette démarche n'aura pas, à votre avis, le même impact politique que le fiasco avec l'Espagne.

M. Duval: Pas du tout.

[Français]

Le sénateur De Bané: Sur la question de l'amiante, quand vous dites que cela n'aura pas les mêmes impacts, nous sommes les demandeurs; nous sommes les victimes.

Le sénateur Bolduc: On a défait les murs du Parlement parce qu'on nous a dit que l'amiante n'était pas bon pour la santé et, en Europe, on leur dit que c'est bon.

Le sénateur De Bané: Non, ce n'est pas l'argument de nos scientifiques. À tout événement, je remarque que dans les deux dossiers qui intéressent le Québec, à savoir le domaine du livre, le domaine de l'interprétation des films, le domaine de l'amiante, la France n'est pas très sensible lorsqu'il s'agit de dossiers concrets.

Monsieur Duval, j'ai regardé les cercles concentriques très intéressants. Quelle est la différence entre l'UEO, l'Union de l'Europe occidentale et l'EEE, l'Espace économique Européen. Il semble que ces deux cercles regroupent exactement les mêmes pays.

M. Duval: L'espace économique est une organisation économique versus l'Union européenne de l'Ouest qui est une organisation de sécurité. L'UEO est davantage dans le domaine de la politique étrangère. Vous avez raison, ce sont les mêmes pays.

Le sénateur De Bané: En politique étrangère, par exemple, est-ce qu'un des pays membres peut reconnaître un autre pays ou s'ils doivent le faire collectivement? Pensez-y bien, parce que cela intéresse nos amis du Québec.

M. Duval: J'ai compris le sens de votre question. N'étant pas juriste et spécialiste de la reconnaissance des États, je pense que la réponse serait qu'il n'y aurait pas de position, que ce soit le Québec ou pour d'autres. Je pense qu'il n'y aurait pas de position communautaire requise. La politique étrangère commune n'est pas aussi avancée dans son cheminement que la politique commerciale. Par exemple, je pense à la politique communautaire commune au sein de l'ONU. La France et le Royaume-Uni sont au Conseil de sécurité; ce n'est pas nécessairement une politique communautaire qu'ils représentent mais plutôt une politique nationale.

Le sénateur De Bané. Je suis d'accord avec vous que la politique étrangère n'est pas aussi unifiée que la politique économique mais je pense que dans le domaine de la reconnaissance des pays étrangers -- l'exemple de la Yougoslavie est là pour nous le montrer -- ils le font ensemble.

M. Duval: Je suis très heureux d'entendre votre réponse, sénateur De Bané.

Le sénateur De Bané: Je peux même ajouter davantage, pour vous faire plaisir, que M. Juppé a dit qu'à voir ce qui est arrivé après cette affaire, on regrette énormément d'avoir fait une reconnaissance beaucoup trop hâtive de la Croatie.

Est-ce vrai que l'une des raisons de la difficulté de notre négociation avec l'Europe, c'est que l'Europe pense que le Canada est le cheval de Troie des États-Unis. Ils ne sont pas convaincus que nous sommes suffisamment autonomes pour faire des choses avec eux comme partenaire, mais qu'à la fin du jour, si on est pris entre les États-Unis et eux, on favorisera les États-Unis? C'est, paraît-il, l'une des raisons pour laquelle ils nous rendent la vie difficile.

M. Duval: Je suis en poste depuis septembre et je vais répondre non à votre question. Dans son ensemble, il y a des dossiers sur la scène internationale de politique étrangère et de politique commerciale où nous allons prendre une position qui se rapproche plus de l'un ou de l'autre, ce qui parfois rend l'autre assez malheureux.

Si vous allez à Washington et que vous leur demandez -- je ne veux pas lancer de débat parce que je ne suis pas spécialiste -- s'ils apprécient notre position dans le domaine culturel, parfois ils trouvent qu'elle est trop près de certains membres de l'Union européenne.

Par contre, si vous allez à Washington ou à Bruxelles et que vous leur parlez d'autres dossiers, on va se faire dire que notre politique est trop près de celle de Washington. Je ne pense pas que l'on puisse généraliser. Il y a des dossiers où l'on est plus près de la position européenne, peut importe le secteur et vice versa. Je n'ai jamais eu l'impression, pour reprendre votre expression, que nous étions perçus comme le cheval de Troie de Washington à Bruxelles.

Le sénateur De Bané: En parlant avec des diplomates, des hommes politiques européens, selon leur perspective, lorsqu'ils regardent l'Amérique du Nord, ils se disent: bon, ils sont ensemble et le Canada va appuyer les États-Unis en général. J'ai l'impression que cela jouait dans leurs pensées.

M. Duval: Il y a cette perception parfois erronée de ce que l'on appelle une forteresse nord-américaine et une forteresse européenne. Ces deux entités se déplacent et travaillent de façon très étroite. Ces partenaires parfois ont des différents qui risquent d'être sérieux.

C'est inévitable et dans le fond, normal: l'Union européenne fait 65 p. 100 de son commerce à l'intérieur. Notre commerce bilatéral avec les États-Unis s'élève à un milliard par jour; 82 p. 100 de notre commerce d'exportation se fait vers les États-Unis. On ne serait pas sage de risquer de mettre ce 82 p. 100 en péril pour aller chercher 7 p. 100 du côté européen. On est bien prêt à négocier et à faire des efforts mais si le prix pour gagner le 7 p. 100 et qu'on est pénalisé sur le 82 p. 100, on ne voudra pas le faire, et vice versa.

Cela vaut en politique étrangère. Regardez en ce moment comment se présente la discussion au sein de l'Union européenne sur la question des prochains membres du Conseil de sécurité. Certains nous disent que la coopération européenne joue, d'autres nous disent rien, d'autres nous disent autre chose. Donc parfois la solidarité joue, mais vraiment cela dépend des dossiers. Ce que vous me dites est vrai: que certains interlocuteurs européens prennent pour acquis, avant que l'on commence les négociations, que notre position serait peut-être plus nord-américaine qu'européenne, oui et je trouve que c'est normal.

[Traduction]

Le sénateur De Bané: Croyez-vous que, dans 20 ou 25 ans, nos échanges avec l'Europe vont augmenter au même rythme que nos échanges avec la région Asie-Pacifique?

M. Duval: Pourriez-vous me donner une boule de cristal?

Le sénateur De Bané: Voici ce que je pense. Ce n'est qu'une hypothèse. Je pense que nos échanges avec l'Europe seront très négligeables. À mon avis, ces quelque 45 pays -- il y en a plus de 45 sur votre carte -- chercheront à établir des liens commerciaux entre eux. Une fois la crise asiatique réglée, le Canada va intensifier ces échanges avec la région Asie-Pacifique.

Le président: Tout cela n'est que spéculation. Je ne sais pas si les experts en fonds mutuels ont bien analysé la situation.

Le sénateur Di Nino: Si vous aviez des ressources limitées et que vous deviez faire un choix, dans les cinq ou dix années à venir, quant aux pays qui offrent des débouchés commerciaux au Canada -- en Europe ou en Asie -- où concentreriez-vous le gros de vos efforts?

Le président: Je me demande si cette question est juste.

M. Duval: C'est très difficile à dire. Si vous voulez une opinion personnelle, je peux vous la donner. Si vous voulez l'opinion d'un expert, je n'ai pas de boule de cristal. Je peux vous dire ce qui s'est produit dans le passé. Pour ce qui est de l'avenir, c'est très difficile à dire. Depuis le début des années 90, ou à partir de 1985, nous nous sommes surtout concentrés sur l'Amérique latine et l'Asie. Nous avons consacré plus de ressources à cette région qu'à n'importe quelle autre région du globe.

Mais cela, c'est le passé. Personne ne sait ce qui va se produire au cours des 25 années à venir. Qui aurait pu prédire le lundi noir d'octobre 1989? Qui aurait pu prédire la crise que connaît actuellement l'Asie? Qui aurait pu savoir, il y a 10 ans, que l'Amérique latine en serait là aujourd'hui?

Le sénateur Di Nino: Il existe un organisme qui porte le nom d'Association Canada-Europe. Est-ce que vous collaborez de près avec cette association, ou s'agit-il d'un organisme indépendant avec lequel vous entretenez peu de liens?

M. Duval: Voulez-vous parler des associations parlementaires?

Le sénateur Di Nino: Oui.

M. Duval: Effectivement, nous travaillons avec les associations parlementaires Canada-Europe, ainsi qu'avec les diverses associations bilatérales du Canada. Chaque fois que nous pouvons travailler avec les parlementaires dans le cadre de négociations multilatérales ou bilatérales, nous le faisons avec plaisir. Là encore, c'est une question de plus grande sensibilisation; il s'agit d'utiliser les bons offices des députés ou des sénateurs, au Canada ou à l'étranger, afin de poursuivre nos objectifs bilatéraux. Oui, nous travaillons avec cette association.

Le sénateur Di Nino: Avez-vous contacté l'Association parlementaire Canada-Europe au sujet de la conférence sur des questions économiques bilatérales qui, comme vous semblez l'indiquer, pourrait avoir lieu au cours des 12 prochains mois?

M. Duval: La réponse est non. Les mécanismes relatifs à nos relations bilatérales avec l'UE prévoient une rencontre entre le premier ministre et le président de l'UE deux fois par an. M. Axworthy participe à des rencontres avec ses homologues étrangers. Des réunions sont également prévues pour les directeurs politiques ainsi que pour les fonctionnaires.

Le sénateur Stollery: Pouvez-vous m'indiquer quel serait le volume de nos exportations à destination des États-Unis si le Pacte de l'automobile disparaissait?

Le président: Pendant que M. Duval réfléchit, peut-être pourriez-vous poser votre autre question en premier lieu.

Le sénateur Stollery: M. Delors a indiqué à notre comité, il y a un ou deux ans, je crois que c'était avant la ronde de Turin, que la Communauté européenne du Traité de Maastricht n'avait pas été en mesure de régler les questions de sécurité, de justice, et de politique étrangère communes et il a été très sévère à propos du célèbre article paru dans Le Monde, que vous avez sans doute lu.

À l'heure actuelle, plusieurs questions se posent sur la scène européenne, comme la campagne électorale en Allemagne qui ne semble pas très bien s'annoncer pour les Chrétiens-Démocrates, la question controversée de l'euro, le problème de la présidence de la Banque centrale européenne et le fait que de toute évidence, l'Allemagne et la France ne s'entendent pas au plan politique.

Ma question est la suivante: ne sera-t-il pas encore plus difficile pour le conseil des ministres et la commission de prendre des décisions? Le processus de prise de décisions peut-il être efficace malgré une mauvaise ambiance, causée, d'après moi, par toutes ces impasses politiques?

M. Duval: Je vais commencer par répondre à la question la plus facile, celle relative aux automobiles. J'ai quelques chiffres ici. En 1997, le total de nos exportations automobiles a atteint les 302 milliards de dollars; il s'agit de nos exportations dans le monde entier. Les États-Unis sont le premier importateur de ces produits automobiles, pour un total de 23,2 p. 100. Par conséquent, les importations américaines représentent à peu près 75 milliards de dollars de nos produits automobiles, le reste représentant les importations d'autres pays et équivalant à 230 milliards de dollars.

Le processus de prise de décisions à la commission est une question qu'il va falloir régler. On peut imaginer ce que pourra être le processus lorsque 21 pays seront représentés. Déjà avec 15 pays, comme c'est le cas actuellement, les choses ne sont pas faciles, certains votes obéissant à la règle de l'unanimité, d'autres à celle de la majorité relative -- je sais que tout cela figure dans le rapport.

La réforme des institutions est un élément clé de l'Agenda 2000, plan de réforme de la gestion économique de l'UE et de son élargissement à l'aube du prochain siècle. Des décisions devront être prises sur les règles relatives aux votes consensuels, aux votes à la majorité relative ou aux votes à l'unanimité.

Je n'ai pas de solution, mais l'UE devra régler la question de la réforme des institutions. Va-t-elle y parvenir? Je l'espère car, dans le cas contraire, traiter avec l'UE sera encore plus compliqué.

Pour l'instant, lorsque vous demandez à la commission de prendre une décision, vous devez consulter 14 autres personnes avant que tout changement que vous proposez n'intervienne. On passe énormément de temps sur les petits détails. Par conséquent, lorsqu'une question importante se pose, le processus est extrêmement lent et prend beaucoup de temps.

Le sénateur Stollery: Ce sera bien plus que lent. Pour ce qui est de savoir où déployer nos énergies -- en Extrême-Orient ou en Europe -- la réponse à cette question est très claire, en ce qui me concerne: vous les déployez dans ces deux endroits, car ils sont tous les deux très importants. Le premier représente des pays riches situés en Europe et qui ont de l'argent; le deuxième se compose de pays du Tiers monde, qui n'ont pas d'argent, mis à part le Japon qui représente 17 p. 100 de l'économie mondiale. Il faut donc déployer nos efforts dans les deux endroits. Pour le Canada, c'est à mon avis évident.

Ce qui m'inquiète au sujet de l'Europe, c'est que -- j'essaye de penser à une expression signifiant le pouvoir de prise de décisions. Tout est mis en suspens à cause des prochaines élections en Allemagne, à cause d'un éventuel changement de gouvernement. La distance se creuse de plus en plus entre la communauté européenne et la population européenne, distance qui se manifeste à chaque élection, à chaque référendum, à chaque vote; il est donc intéressant de s'interroger sur ce que tout cela va donner.

M. Duval: Comme vous le savez, sénateur, il s'agit de l'un des points qui est ressorti à Amsterdam et que l'on appelle le déficit démocratique. La question est de savoir comment régler ce problème, puisque la population a indiqué aux politiciens -- au niveau national et à celui l'UE -- qu'un changement s'impose.

J'aimerais faire une brève observation, si vous permettez, au sujet de la banque. Mis à part cette question litigieuse, on peut dire que l'Europe a connu beaucoup de succès ces 20 dernières années -- j'ai eu la chance de passer quelque temps au Collège d'Europe. Au milieu des années 70, alors qu'il était question d'un passeport commun, je pensais que cela n'arriverait jamais. C'est chose faite aujourd'hui. Lorsque le rapport Werner a été publié au début des années 70, il était question d'une monnaie commune et tout le monde disait que cela n'arriverait jamais. C'est pratiquement chose faite, puisque le premier janvier, la monnaie commune va être adoptée et que, en 2002, toutes les monnaies nationales vont disparaître.

Effectivement, les négociations ont été assez difficiles -- pour utiliser un langage diplomatique -- à propos de la présidence de la banque. D'après mes observations personnelles, il s'agit d'une divergence d'opinion entre un État membre et le reste du club, en ce qui concerne l'approche des deux personnes en lice en matière de politique monétaire.

D'après ce que l'on me dit, ces deux personnes -- et je répète que je ne suis pas spécialiste en matière de politique monétaire -- ont pratiquement la même approche en ce qui concerne la politique monétaire. Par conséquent, il ne s'agit pas de savoir si la banque adoptera une politique donnée, laquelle, d'après l'Allemagne, devrait se rapprocher le plus possible de celle de la Bundesbank, mais plutôt de savoir quel pays sera représenté à la présidence de la banque, laquelle se trouve à Francfort, ainsi que la durée du mandat en question.

Le président: J'examine le rapport de Statistique Canada sur les échanges entre le Canada et l'UE. D'après le tableau, il semble que les importations canadiennes soient supérieures à nos exportations à destination de l'union. Examinons la période postérieure à 1993. Il semblerait que les importations du Canada aient considérablement augmenté. Puis, en 1995, nos exportations, alors élevées, ont commencé à diminuer. Comment expliquer cette divergence qui est apparue, disons, en 1995, et qui se maintient en 1996 et en 1997?

M. Duval: Votre interprétation du tableau est bonne, monsieur le président, mais je ne peux pas vous expliquer pourquoi telle ou telle exportation particulière aurait augmenté ou diminué. Je n'ai pas de ventilation ici pour ces trois années visant les 15 États membres. Le Conference Board of Canada a fait une étude -- qu'un de mes collègues a examinée dans le but d'expliquer la nature de nos exportations et de nos importations -- en ce qui concerne l'UE, nos importations ont toujours été supérieures à nos exportations.

L'importance toujours plus grande des États-Unis représente l'un des principaux facteurs. Deuxièmement, l'Europe a connu un ralentissement économique au début des années 90. Troisièmement -- je ne peux quantifier l'importance de chacun de ces facteurs. Si vous le désirez, je me ferais un plaisir de transmettre ces renseignements par écrit pour la gouverne des membres du comité. Le troisième facteur, c'est la fluctuation du taux de change entre le dollar canadien et les monnaies européennes.

Le sénateur Bolduc: Le cours des produits, j'imagine, a été également un facteur.

Le président: Cette observation me permet de faire la transition, car j'aimerais poser maintenant une question importante. Pense-t-on que l'arrivée de l'Euro aura un effet sur les monnaies, la valeur relative des monnaies? Si oui, comment cela se répercutera-t-il sur nos échanges commerciaux?

M. Duval: Je crois, monsieur le président, que vous avez rencontré John Murray, qui est beaucoup plus qualifié que moi pour expliquer les avantages et les inconvénients d'une monnaie unique. Nous nous ferions un plaisir de vous envoyer une étude effectuée à ce sujet.

Pour ce qui est des avantages et des inconvénients de l'Euro, comme je ne suis pas économiste, je vais vous donner rapidement sa conclusion qui se lit à peu près comme suit:

Tout bien considéré, l'arrivée de l'Euro ne devrait pas avoir de gros impact sur les exportations du Canada à destination de l'Europe. Les avantages de l'Euro, comme vous l'a expliqué M. Murray, c'est d'abord la baisse du coût de la conversion de la monnaie, etc. Nous espérons que l'économie de l'UE tirera profit de la monnaie unique et que sa croissance sera plus rapide, puisqu'elle sera plus concurrentielle. En étant plus concurrentielle, elle sera plus agressive face à nos exportations, non seulement à destination de l'UE, mais aussi dans d'autres marchés.

Grâce à une économie dont la prospérité sera plus rapide en raison de l'arrivée de l'Euro, les importations de l'UE devraient augmenter et nous devrions en tirer profit. Même si nos échanges ne représentent que 2 p. 100 des achats européens à l'étranger, nous devrions tirer profit d'une économie européenne prospère.

Le président: Je crois que nous pouvons tous dire que cette séance a été très productive. M. Duval a été très éloquent et nous le remercions.

M. Duval: Monsieur le président, nous serons heureux de vous rencontrer une autre fois.

La séance est levée.


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