Délibérations du comité sénatorial permanent
des affaires étrangères
Fascicule 28 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 17 février 1999
Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères auquel est renvoyé le projet de loi S-22, Loi autorisant les États-Unis à effectuer au Canada le précontrôle en matière de douane, d'immigration, de santé publique, d'inspection des aliments et de santé des plantes et des animaux à l'égard des voyageurs et des marchandises à destination des États-Unis, se réunit aujourd'hui à 15 h 30 pour en faire l'examen.
Le sénateur John B. Stewart (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier le projet de loi S-22 que nous renvoit le Sénat.
Je demanderais au témoin principal de nous présenter ses collègues et de faire une déclaration introductive s'il le désire.
M. David Preston, directeur, Direction des relations transfrontalières avec les États-Unis, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: Monsieur le président, en tant que négociateur en chef, j'ai participé à l'étude d'une variété de questions relatives au précontrôle avec les États-Unis, y compris aux négociations qui ont mené à ce projet de loi dans le cadre d'une plus vaste initiative à laquelle je reviendrai dans un moment. J'ai, à ma gauche, Susan Gardiner, ma directrice adjointe, qui a participé directement aux négociations et qui en a d'ailleurs dirigé une partie elle-même. Je suis également accompagné de deux de nos conseillers juridiques. Il y a, si je ne m'abuse, jusqu'à 20 avocats qui contribuent à nos travaux, soit en préparant les négociations avec les États-Unis soit en rédigeant le projet de loi. J'ai donc Jacqueline Caron à ma droite et David Harris à ma gauche. Je suis également accompagné de Neil MacIntosh, membre de mon personnel qui a collaboré aux travaux sur le précontrôle.
J'aimerais, si vous le permettez, prendre quelques instants pour vous expliquer pourquoi cette mesure législative a été présentée au Sénat. Le précontrôle existe au Canada depuis les années 1950, les premières opérations de précontrôle ont été effectuées à Toronto. Un accord de précontrôle avec les États-Unis est en vigueur depuis 1974. Nous avons désormais sept zones de précontrôle au Canada: à Vancouver, à Edmonton, à Calgary, à Winnipeg, à Toronto, à Ottawa et à Montréal. En 1985, à l'occasion de l'entrée en vigueur de l'accord «Ciels ouverts», nous avons amorcé des discussions avec les États-Unis pour déterminer les répercussions de cette entente sur les opérations de précontrôle au Canada. Ces discussions ont mené à la création du projet de précontrôle en transit, que je décrirai dans un instant. Nous avons entrepris les négociations en 1985. En 1986, nous avons ouvert la zone de précontrôle à Ottawa, la septième de son genre.
En 1997, à l'issue des négociations avec les Américains, nous avons lancé à Vancouver un projet innovateur permettant aux voyageurs transitant par l'aéroport de Vancouver de se diriger directement vers les douaniers américains. Auparavant, ils devaient passer d'abord aux douanes du Canada, ce qui était en quelque sorte redondant puisqu'ils ne voulaient pas entrer au Canada, ils voulaient se rendre aux États-Unis. L'objectif était de créer une seule zone de précontrôle pour ces voyageurs.
Tout cela nous a amenés à tenir avec les Américains des discussions et des négociations plus générales sur la nature des fonctions des inspecteurs américains en poste aux zones de précontrôle du Canada. Les Américains tenaient à ce que ces pouvoirs soient clairement définis, car, en étant les seuls inspecteurs à traiter avec les voyageurs qui transitent par le Canada à destination des États-Unis, ils voulaient bien comprendre en quoi consistaient les pouvoirs qu'ils détenaient au Canada, aux zones de précontrôle.
Depuis 1995, le nombre de voyageurs qui utilisent les zones de précontrôle a augmenté de 37 p. 100. Il y a en tout 8,5 millions de voyageurs qui ont recours à ce service chaque année. Il fallait donc mettre sur pied un système de précontrôle rapide et clair à l'égard de ces voyageurs.
En rédigeant ce projet de loi, nous avons tenu compte du fait que les accords de précontrôle des années 1950 et 1970 ont été conclus avant l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés qui, évidemment, accorde des droits précis aux Canadiens et leur impose des obligations précises. Nous voulions étudier les dispositions de précontrôle aux États-Unis en prenant en considération ces droits et ces obligations.
Nous étions aussi conscients du fait que ce projet nous donnerait l'occasion d'établir le précontrôle en transit dans d'autres aéroports canadiens outre l'aéroport de Vancouver. L'adoption de ce projet de loi pourrait nous permettre de lancer des projets similaires de précontrôle à d'autres sites. Nous pourrions envisager des projets à l'intention des voyageurs qui utilisent le service de traversier à Détroit River, par exemple, ou le transport ferroviaire au Canada. Il y a aussi le fret aérien. Encore là, nous devons définir les pouvoirs conférés aux inspecteurs américains appelés à contrôler les voyageurs à destination des États-Unis.
On peut prévoir d'autres applications du régime, notamment à nos points frontaliers le long de nos routes. L'idée consisterait à installer un point frontalier d'un côté ou de l'autre de la frontière et à adopter une loi définissant les pouvoirs des inspecteurs qui ne travaillent pas dans leur pays, mais dans l'autre.
Nous voulions également que les mesures que nous songions à prendre soient réciproques, c'est-à-dire que les mesures que nous prendrions au Canada s'appliquent aussi aux États-Unis.
[Français]
Des changements se sont produits au niveau du droit canadien et dans les opérations frontalières depuis 1974. La Charte des droits et libertés de 1982 accorde aux Canadiens de nouveaux droits individuels. Les opérations de contrôle à la frontière des personnes et des marchandises ont évolué par suite du rapide accroissement des déplacements transfrontaliers et de l'adoption de nouvelles technologies.
[Traduction]
Notre objectif consistait à faire adopter une loi pour clarifier les pouvoirs des inspecteurs américains, comme je l'ai déjà mentionné. Dans le cadre de cette ronde de négociations, ces pouvoirs se limitent à l'admission des voyageurs et à l'importation de marchandises aux États-Unis. Les lois touchées ont trait aux douanes, à l'immigration, à la santé publique et à la santé des plantes et des animaux. Nous voulons permettre aux inspecteurs américains d'appliquer ces lois à l'admissibilité des marchandises et des voyageurs aux États-Unis.
En général, nous voulions veiller non seulement à ce que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique, mais également à ce que la législation canadienne outre cette mesure législative visant l'admissibilité des personnes et des marchandises s'applique également au régime.
Incidemment, le régime négocié avec les Américains comportait deux autres volets. Selon le premier, Montréal et Toronto, en plus de Vancouver, seraient dotés d'opérations de transit permanentes et deviendraient des centres de précontrôle en transit cette année ou dès l'adoption du projet de loi. Calgary le deviendrait en 2001, et Edmonton, Ottawa et Winnipeg pourraient le devenir après l'an 2001.
Selon le deuxième volet que nous avons négocié avec les États-Unis, nous maintiendrons des agents de police canadiens en poste dans les zones de précontrôle de ces aéroports. La présence de policiers canadiens symbolise la souveraineté du Canada et le principe sous-jacent de ce projet -- c'est-à-dire l'application de la loi canadienne -- et naturellement les agents de police du Canada seraient sur place pour faire respecter la loi canadienne, en particulier le code criminel, s'il y a lieu. J'ajouterais qu'ils veilleront aussi à ce que les opérations se déroulent selon le cadre que nous avons élaboré, y compris cette mesure législative sur le précontrôle.
Les Américains ont convenu que les dispositions seraient réciproques.
Le projet de loi, sous sa forme actuelle, est une mesure législative innovatrice qui intègre des éléments du droit canadien et du droit américain dans le contexte du droit canadien. Il est établi sur le modèle de programmes de précontrôle existant en Europe et se rapproche le plus du modèle franco-suisse qui décrit l'application des lois relatives aux douanes et à l'immigration en pays étranger.
Le projet de loi s'inspire largement de notre Loi sur les douanes, et les dispositions du projet de loi tiennent compte de la jurisprudence canadienne et sont tout particulièrement conformes à la décision de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Simmons sur le contrôle à la frontière. Nous avons tenu compte de ces éléments lorsque nous avons rédigé ce projet de loi.
Par conséquent, le projet de loi comporte diverses dispositions conçues pour assurer la primauté du droit canadien, en garantissant que le droit canadien l'emportera sur le droit américain en cas de conflit de droit. Il précise clairement, je le répète, que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique, notamment en ce qui a trait au droit à un avocat.
Vous n'êtes peut-être pas sans savoir que, aux termes de la loi américaine, les droits des voyageurs dans un aéroport américain ne sont pas identiques aux droits que nous demandons aux inspecteurs américains de respecter dans les aéroports canadiens. Les inspecteurs américains peuvent détenir les voyageurs pendant plus longtemps et ne sont pas tenus, selon la loi américaine, de leur obtenir les services d'un avocat. Dans le cadre du nouveau régime, nous avons insisté sur le fait qu'une personne qui est détenue doit avoir droit à l'assistance d'un avocat. Je vous donne cet exemple pour illustrer comment nous avons veillé à l'application de la loi canadienne.
Le projet de loi vise à interdire l'application du droit criminel américain. Lors des négociations, nous avons dit aux Américains que la législation pénale appliquée dans le processus de traitement des personnes et des marchandises à l'entrée aux États-Unis sera nécessairement le droit pénal du Canada.
Ces lois ne s'appliqueront que dans les zones de précontrôle. En d'autres termes, elles ne s'appliqueront généralement pas dans un aéroport. Elles sont restreintes à certaines zones définies, appelées «zones de précontrôle», lesquelles seront désignées par le ministre des Transports en consultation avec le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, des policiers canadiens seront postés dans les aéroports pour maintenir le droit canadien.
Les principales obligations d'un voyageur se trouvant en zone de précontrôle sont...
[Français]
... de se présenter devant le contrôleur américain et déclarer les marchandises en sa possession; présenter ces marchandises et répondre véridiquement à toutes les questions qui leur sont posées.
[Traduction]
Le voyageur n'est pas obligé de répondre aux questions que lui posent les contrôleurs américains, mais il va de soi qu'il risque alors de ne pas être autorisé à entrer aux États-Unis. Les États-Unis ont, comme nous dans le cadre du traitement des marchandises et des personnes effectué par les Douanes et l'Immigration, le droit de refuser l'autorisation d'entrer sur leur territoire. C'est l'ultime sanction qu'ils peuvent imposer à toute personne dont ils ne souhaitent pas la présence chez eux.
Une disposition importante fera en sorte qu'un voyageur canadien, particulièrement un voyageur en provenance du Canada, aura le droit de sortir de la zone de précontrôle même après avoir satisfait à ce qu'on appelle les «exigences de déclaration», c'est-à-dire avoir remis ses documents pour entrer aux États-Unis. Il aura encore le droit de faire demi-tour, de sortir de la zone et de décider de ne pas se diriger vers les États-Unis. Bien entendu, cela ne s'appliquera que si, entre-temps, il n'a enfreint aucune disposition du projet de loi et, le plus important, n'a pas fait de fausses déclarations au contrôleur. Je vais en expliquer les conséquences dans un instant.
Les contrôleurs américains se verront conférer le pouvoir d'effectuer des fouilles par palpation, surtout dans les situations qui constituent une menace à la sécurité. Ils seront autorisés à soumettre une personne à une fouille par palpation pour voir si elle n'est pas en possession d'une arme par exemple. Ils ne seront pas habiletés à effectuer des fouilles à nu en territoire canadien. Tous les cas nécessitant des fouilles à nu seraient soumis à des agents canadiens; de même, les cas où il y a lieu de croire qu'un délit criminel a été commis seraient signalés aux autorités canadiennes. Cela s'applique à la possession de drogues. Lorsqu'il est possible de prouver qu'une personne transportant des drogues par exemple, elle sera remise à un agent canadien qui décidera alors s'il y a lieu d'intenter une poursuite contre elle.
Les pouvoirs du contrôleur s'étendront aux douanes, à l'immigration, à la santé publique, à l'inspection des aliments et à la santé des plantes et des animaux. Il pourra ordonner aux voyageurs se trouvant en zone de précontrôle de se présenter devant lui ou de quitter la zone. Cette disposition répond à un souhait des Américains qui n'aiment pas voir les gens flâner dans la zone. C'est une façon de dire aux gens: ou bien vous déclarez que vous allez aux États-Unis ou bien vous quittez les lieux.
Jusqu'à présent les agents étaient habilités bien sûr à inspecter les aliments mais, aux termes du projet de loi, ils ont maintenant le pouvoir d'examiner, détenir et saisir des marchandises, qui pourront faire l'objet d'une confiscation. Ils peuvent fixer des sanctions pécuniaires, une amende au civil dans notre jargon, lorsqu'il y a eu infraction à la législation américaine sur les douanes et l'immigration.
De plus, le projet de loi exige des transporteurs aériens qu'ils fournissent certains renseignements concernant les voyageurs à destination des États-Unis transitant par le Canada. Cela vaut dans le cas où le voyageur souhaite se prévaloir des services en transit. Ils doivent fournir ces renseignements d'avance. Cette mesure s'applique aux voyageurs en transit, et non pas aux voyageurs en provenance du Canada.
Ce projet de loi, comme je l'ai déjà mentionné, comporte une clause de réciprocité. Certaines immunités sont conférées aux contrôleurs américains pour autant qu'ils agissent conformément à leurs attributions, dans les limites du mandat que la loi leur confie. Les mêmes immunités s'appliqueront aux contrôleurs canadiens quand nous effectuerons des opérations de précontrôle aux États-Unis.
Voilà ce qu'on propose ici. Cette mesure bonifiera les avantages qui découle du précontrôle. Quand vous faites l'objet d'un précontrôle aux États-Unis, vous pouvez ensuite vous diriger immédiatement vers une aérogare intérieure des États-Unis. Cela veut dire, tous les honorables sénateurs le savent pour l'avoir expérimenté, des liaisons beaucoup plus étroites. Vous n'avez pas à passer par un bureau d'immigration à l'arrivée puis à vous diriger vers une autre aérogare pour attraper un vol de correspondance. Cela veut dire que vous pouvez arriver à une aérogare intérieure, traverser le hall et attraper un autre vol. Cela veut dire des délais de correspondance beaucoup plus courts. Vous pouvez ainsi vous présenter à un aéroport américain qui n'a pas de bureau d'immigration, parce que les formalités ont déjà été remplies. Voilà qui élargit la portée et, à coup sûr, l'esprit de l'accord Ciels ouverts.
Le précontrôle en transit, une formalité que l'on ne remplit qu'une fois, est profitable à l'industrie aérienne canadienne en ce sens qu'elle met le Canada sur un pied d'égalité avec les États-Unis. Par exemple, si vous prenez un vol qui vous amène de l'Asie aux États-Unis et que vous vous présentez à un aéroport canadien avant de vous rendre quelque part aux États-Unis, il vous suffit maintenant de remplir les formalités douanières et d'immigration une seule fois. Sous l'ancien régime, si vous alliez au même endroit aux États-Unis mais via le Canada, vous deviez vous présenter aux bureaux de douanes et d'immigration canadiens et faire de même une fois en territoire américain.
Vancouver, où nous avons lancé le projet pilote, est le premier aéroport à avoir profité de cette mesure. On a réussi à convaincre pas mal de gens à transiter par là. Quand la formule sera étendue à d'autres aéroports, on pourra alors parler véritablement de «guichet unique» et ces aéroports canadiens seront, comme je l'ai dit, sur un pied d'égalité avec les aéroports américains.
C'est en gros ce que décrit le projet de loi. J'espère que ma présentation aura été utile.
Le président: Je vous remercie. J'ai une question préliminaire qui n'a rien à voir avec les dispositions de la loi proposée. Quel est grosso modo le nombre de voyageurs en transit enregistré chaque année?
M. Preston: La question est très pertinente. Quelque 8,5 millions de personnes sont passés par le précontrôle. Dans le cadre du projet de Vancouver, si ma mémoire est fidèle, il est passé 70 000 voyageurs en transit au cours des 12 premiers mois.
Le président: Ai-je raison de penser qu'à partir, disons, du nord de l'Europe, il y aurait un avantage à se rendre à Montréal ou à Toronto, question de distance?
M. Preston: Oui.
Le président: De ce point de vue, nous miserions sur un avantage naturel.
M. Preston: Tout à fait. Si j'ai bonne mémoire, un vol via Vancouver dure quatre heures et demie de moins que via Los Angeles, en raison de la route passant par le Pôle que l'on emprunte en provenance de l'Asie.
Le sénateur De Bané: Je dois avouer que, bien que je saisisse les avantages d'une telle mesure législative, je trouve certaines dispositions inquiétantes. Avez-vous songé à installer des panneaux pour indiquer en quelques mots quels sont les droits des citoyens en présence du contrôleur?
M. Preston: C'est une observation très pertinente. Je réponds à cela par un oui inconditionnel. On a l'intention d'installer un panneau à l'entrée de la zone de précontrôle. Le panneau précisera les droits et les obligations du voyageur qui entre dans la zone.
Le sénateur De Bané: Est-ce absolument nécessaire de préciser dans la loi que le contrôleur peut demander à la personne de se déshabiller? L'article dit que la personne devant faire l'objet d'une fouille sera fouillée par une personne du même sexe, même si cette personne n'est pas un agent. Est-ce acceptable selon nos normes?
M. Preston: C'est la pratique au Canada. Les douanes et l'immigration canadiennes sont habilitées à demander à une personne du même sexe de procéder à une fouille, que cette personne soit un agent de douane ou non.
Le sénateur De Bané: Mais est-ce suffisant?
M. Preston: Le problème se pose dans de petits aéroports. On parle ici de l'autre côté de la frontière, pas nécessairement du cas d'une opération de précontrôle en transit où l'on trouverait vraisemblablement une femme parmi les nombreux agents. Dans un gros aéroport, on trouverait un agent du sexe féminin pour fouiller une voyageuse.
Je me dois d'insister sur le fait que toute fouille à nu sera effectuée par des agents canadiens. En d'autres termes, si un agent américain soupçonnait quelqu'un de dissimuler quelque chose sur lui, il serait tenu de le remettre aux autorités canadiennes. Les autorités canadiennes détermineraient alors s'il y a lieu, oui ou non, de procéder à une fouille à nu. Les autorités canadiennes devraient avoir des motifs raisonnables pour effectuer une fouille à nu.
Le sénateur De Bané: Je puis vous dire, monsieur, que je connais un médecin canadien qui a été fouillé de la sorte. Il m'a dit que c'était l'expérience la plus humiliante qu'il ait jamais connue.
M. Preston: A-t-il été fouillé par un agent canadien?
Le sénateur De Bané: Oui. Par ailleurs, on dit que le voyageur potentiel peut toujours refuser d'aller aux États-Unis et de répondre aux questions, et ainsi de suite. Or, on peut lire ceci à l'article 34:
Quiconque entrave volontairement un contrôleur ou un agent canadien dans l'exercice de ses fonctions [...] est coupable d'un acte criminel.
Que signifie l'article 34?
M. Preston: Je répondrais tout simplement que le refus de répondre à une question ne constitue pas de l'obstruction. Ce n'est pas de l'obstruction s'il ne répond pas à une question.
Le sénateur De Bané: L'article 33 dit que, s'il fait une fausse déclaration, il est coupable d'un acte criminel.
M. Preston: C'est exact.
Le sénateur De Bané: Certes, je vois tous les avantages du précontrôle. Mais, pour les Canadiens qui autrement seraient interrogés par des agents canadiens, la situation serait-elle pire, la même ou meilleure? Comment un interrogatoire mené par des contrôleurs américains se comparerait-il à un interrogatoire mené par des agents canadiens? Je comprends que les gens qui veulent entrer aux États-Unis puissent être interrogés par des agents américains en territoire américain, ou pour des raisons pratiques, en territoire canadien.
M. Preston: Dans le premier cas, ces voyageurs sont interrogés ou questionnés par un contrôleur américain. Si le contrôleur américain soupçonne qu'un acte criminel pourrait avoir été commis, il est tenu de le signaler à un agent canadien pour les fins de l'interrogatoire.
Vous avez demandé s'il valait mieux être interrogé par un contrôleur américain ou par un contrôleur canadien. En un sens, cela dépend essentiellement du contrôleur en question, mais le fait est que les contrôleurs américains sont assujettis à des codes de conduite.
Nous avons également obtenu des assurances de la part de l'ambassadeur concernant un cas qui est survenu l'an dernier à l'aéroport de Calgary et qui a eu quelques échos dans les médias. L'ambassadeur américain est intervenu personnellement dans des cas qui avaient été portés à son attention concernant la conduite excessive d'un contrôleur américain. Je suppose que, si un contrôleur américain viole les droits que la Charte confère à quelqu'un, on peut toujours contester l'affaire.
Notre entente avec les États-Unis prévoit un examen du fonctionnement des zones de précontrôle. Cet examen nous permettrait de discuter avec les Américains de tous les problèmes rencontrés. Dans le passé, quand nous éprouvions des problèmes relativement à la conduite de contrôleurs américains, nous en faisions part aux autorités américaines compétentes, et les Américains tenaient des audiences.
Il est également important de souligner que le nombre de plaintes que nous avons concernant la conduite des contrôleurs américains est très faible par rapport au nombre total de voyageurs qui traversent la frontière.
Le sénateur De Bané: Sur ce point, comme vous pouvez vous en douter, les gens ne se donneraient pas la peine de signaler au gouvernement canadien les problèmes auxquels ils ont dû faire face. Vous ne pouvez pas conclure du faible nombre de plaintes reçues que des gens n'ont pas vécu des expériences dramatiques. Une femme m'a raconté qu'au moment où elle s'apprêtait à rejoindre son mari en Floride, elle a été soumise à un interrogatoire très serré parce qu'elle avait un billet aller simple et non un billet aller-retour. Naturellement, elle ne s'est pas plainte au gouvernement du Canada, mais elle s'est plainte à moi, un parlementaire.
Enfin, voudriez-vous expliquer la portée de l'article 32? Il dit que le contrôleur doit détruire les renseignements dans les 24 heures de leur obtention et prendre les mesures voulues pour empêcher la divulgation des renseignements qu'il a obtenus lors de l'interrogatoire.
M. Preston: Premièrement, nous avons l'intention d'assurer la réciprocité avec les Américains. Les processus sont semblables au Canada et aux États-Unis. Vous avez raison quand vous dites que tous les gens qui ont des ennuis au moment de traverser la frontière n'en font pas état. Ils ne le font peut-être pas, mais nous en entendons parler. Je reconnais qu'une surveillance du processus s'impose.
Deuxièmement, les contrôleurs américains recevront une formation sur la Charte des droits et libertés et sur le processus en vigueur au Canada afin qu'ils se conforment à notre droit. Qui plus est, des policiers canadiens seront présents dans la zone de précontrôle, un peu comme s'ils étaient la conscience du système. C'était d'ailleurs le souhait des Américains. Ils ont indiqué que, pour leur propre protection, ils aimeraient qu'un agent canadien soit sur place au cas où les choses se corsent. Ils estimaient qu'il est toujours utile d'avoir sur les lieux un policier qui puisse ramener le calme. Je pense que ce sont là des propos assez flatteurs sur la conduite de la police canadienne.
Troisièmement, les contrôleurs auront des pouvoirs très limités. La notion en jeu ici est que l'ensemble des pouvoirs qui s'appliquent aux personnes se dirigeant vers les États-Unis sont les mêmes que ceux que détiendrait un contrôleur américain en poste aux États-Unis. Quoi qu'il en soit, le contrôleur américain travaillant au Canada a des attributions et des pouvoirs limités. Les autres pouvoirs, y compris ceux énoncés dans le droit canadien, relèvent des lois et des agents canadiens. Cette combinaison du droit américain et du droit canadien est telle que les voyageurs sont traités selon les lois américaines en matière de douanes et d'immigration, alors que les autorités canadiennes s'occupent des questions de droit criminel. Je le répète, les pouvoirs du contrôleur américain sont de portée très limitée et, pour le reste, c'est le Canada qui s'en occupe.
Le sénateur De Bané: Qu'en est-il de la destruction des preuves?
M. Preston: Vous faites allusion à l'article 32. Il s'agit là d'une disposition que l'on trouve de plus en plus ailleurs dans le monde et elle est inscrite dans cette entente. Les Américains cherchent des renseignements élémentaires sur les personnes entrant aux États-Unis. Cette mesure ne concerne pas les voyageurs en provenance du Canada mais plutôt les personnes en provenance de l'Asie ou à destination de l'Asie via les États-Unis. Nous avons discuté passablement avec les Américains pour savoir quelle sorte de renseignements ils voulaient obtenir. Nous leur avons dit que nous nous conformions à la Charte canadienne des droits et libertés. Nous leur avons parlé des restrictions qui, selon nous, devaient s'appliquer aux renseignements devant être recueillis. Par exemple, les préférences personnelles ne doivent pas faire l'objet de l'interrogatoire. Les contrôleurs américains n'ont pas à savoir que telle personne est végétarienne. Pas plus qu'où et avec qui elle est assise à bord de l'avion.
Le nombre de renseignements qui leur sont fournis est limité. La destruction des renseignements dans les 24 heures de leur obtention vise à empêcher leur utilisation non autorisée, car ils n'ont pas d'autres fins que l'entrée aux États-Unis. Ils ne doivent pas être conservés à d'autres fins. Voilà pourquoi nous avons agi de la sorte.
Le président: J'ai deux questions ayant trait aux réponses que vous avez fournies au sénateur De Bané. Ai-je raison de penser que la situation d'un voyageur en transit face à un agent des douanes et de l'immigration des États-Unis n'est pas pire à Vancouver qu'à San Francisco?
M. Preston: Qu'entendez-vous par pire?
Le président: Les questions seraient les mêmes qu'elles soient posées à San Francisco ou à Vancouver. Le sénateur De Bané a évoqué des fouilles humiliantes par exemple. À Vancouver, les fouilles seraient effectuées par un agent canadien, mais elles pourraient être moins gênantes que si elles étaient effectuées par un homologue américain à San Francisco.
M. Preston: Le contrôleur américain en territoire américain est assujetti au droit américain et n'a pas à se préoccuper du droit à la présence d'un avocat. Il peut traiter les voyageurs bien différemment. Loin de moi l'idée de dénigrer les contrôleurs américains travaillant aux États-Unis. Toutefois, étant donné les restrictions morales et juridiques auxquelles est soumis le contrôleur américain travaillant au Canada, il se pourrait bien que les voyageurs soient mieux traités au Canada qu'aux États-Unis. C'est difficile à juger.
Le président: Penchons-nous maintenant sur le cas des voyageurs canadiens désirant entrer aux États-Unis. De toute façon, qu'ils entrent aux États-Unis en passant par une zone de précontrôle ou en empruntant un port d'entrée, ils devront se soumettre aux fouilles effectuées par des agents américains. Par conséquent, en ce que concerne l'interrogatoire d'admissibilité, le précontrôle ne présente pas d'inconvénients.
M. Preston: Non. En fait, s'ils ont des ennuis dans la zone de précontrôle, ils seront assujettis au droit canadien, et non au droit américain, comme ce serait le cas s'ils étaient en territoire américain. Selon moi, la question de savoir où il se trouve dans une situation pire est affaire d'appréciation.
Le sénateur Carney: Je sais que les enjeux du précontrôle sont très importants. L'industrie du transport aérien y voit un instrument indispensable pour faire du Canada la porte d'entrée du marché nord-américain. C'était un dossier difficile à traiter pour vous, les gens qui ont participé aux négociations, et je tiens à vous féliciter des résultats.
Comment est-ce que cela fonctionnerait? On emploie le mot «précontrôle» comme s'il s'agissait d'un code, mais qu'est-ce que c'est au juste? Les gens disent que ça fonctionnera à condition qu'on établisse d'abord le précontrôle, mai j'ignore de quoi il s'agit. Nos notes d'information mentionnent que le projet de loi comporte une clause de réciprocité. Les immunités conférées aux contrôleurs américains par la loi canadienne sur le précontrôle constitueront la base du traitement réservé aux agents canadiens dans des zones de précontrôle semblables aux États-Unis. Comment ces dispositions vont-t-elles être inscrites dans la loi? Comment la réciprocité va-t-elle fonctionner?
M. Preston: Pour ce qui est des immunités, je vais demander à mon collègue d'y répondre. La loi américaine comporte une clause de réciprocité. Ainsi, la loi américaine sur les douanes confère des pouvoirs aux agents dans la mesure où l'autre pays partenaire en fait autant. Cette disposition inscrite dans la Loi sur les douanes permettra aux États-Unis de conférer des pouvoirs semblables à ceux que nous conférons à leurs contrôleurs -- c'est donnant-donnant.
Le sénateur Carney: Cette mesure entrera-t-elle en vigueur en même temps? Y aura-t-il précontrôle à l'entrée aux États-Unis, mais pas au retour? Comment est-ce que cela fonctionne?
M. Preston: En gros, nous conclurions avec eux une entente qui assurerait cette réciprocité.
Le sénateur Carney: Vous n'avez pas abordé le sujet du moment. Une fois que nous aurons adopté cette mesure législative, les gens allant du Japon aux États-Unis en passant par Vancouver seront soumis à un précontrôle. Mais qu'en est-il des gens qui font le voyage en sens contraire? Qu'en est-il du précontrôle dans l'autre sens? Cela entrera-t-il en vigueur aux États-Unis en même temps que ce projet de loi?
M. Preston: Le problème c'est qu'il n'y a pas encore de zones de précontrôle canadiennes aux États-Unis. Nous pourrions en avoir en ce moment, mais certainement pas comme conséquence de ce projet de loi.
Les Américains ont mentionné qu'il y avait des voyageurs en transit à San Francisco et à Anchorage, en Alaska, en ce qui concerne le transport aérien. Nous avons discuté avec eux de diverses propositions concernant les transports terrestre et maritime, comme je l'ai mentionné il y a quelques instants. On nous a dit que tant que le dossier du transport aérien ne serait pas réglé, il ne saurait être question d'aborder les autres modes de transport.
Le sénateur Carney: Je ne parle pas des autres modes de transport.
On a dit que le grand avantage du précontrôle, c'est que nous pourrons accueillir des voyageurs allant du Japon en Amérique du Nord via Vancouver, ou allant de l'Europe aux États-Unis en passant par Montréal ou Toronto. Nous serons compétitifs, nous serons sur un pied d'égalité avec les transporteurs canadiens grâce au précontrôle unique. Certes, ça semble fonctionner à l'entrée aux États-Unis, mais vous vous me dites que ça ne fonctionne pas au retour. N'y a-t-il pas une lacune dans la loi?
M. Preston: Pour ce qui est de la réciprocité au retour, le traitement ne s'applique que s'il n'y a pas de zone de précontrôle aux États-Unis.
Le sénateur Carney: Supposons que vous vous envolez de Denver à destination de Vancouver, puis du Japon. Est-ce que ça fonctionne dans l'autre sens?
M. Preston: La réponse est la suivante: comme vous passez dans une zone neutre, vous n'entrez jamais au Canada. Vous prenez un avion, vous vous rendez dans l'autre pays, et vous y remplissez les formalités.
Le sénateur Carney: Nous n'avons pas d'agents canadiens en territoire américain à titre de contrôleurs.
M. Preston: Non.
Le sénateur Carney: Ce n'est pas de lacune, et vous croyez que ça fonctionnera.
M. Preston: Oui.
Le sénateur Carney: Les Américains reçoivent une formation afin qu'ils puissent travailler au Canada tout en se conformant au droit canadien. Cela soulève quantité de questions, entre autres, l'usage du français et le fait que nos codes diffèrent, notamment pour ce qui est du droit de faire entrer au pays ou en sortir des armes à feu. Certaines lois concernant les homosexuels en transit aux États-Unis ne s'appliquent pas au Canada. Vous avez également fait allusion au fait que les dispositions de la Charte n'ont pas été mises à l'épreuve.
Comment qualifieriez-vous l'expérience de la formation donnée à Vancouver aux agents américains devant travailler en conformité avec le droit canadien? Quel rapport cela a-t-il avec le principe qui veut que les lois doivent s'adapter aux cas en présence, le transport des armes par exemple?
M. Preston: Le projet pilote concernant les voyageurs en transit était quelque peu différent bien sûr, parce qu'à ce moment-là les Américains n'avaient pas ce pouvoir. Ils n'avaient pas le pouvoir qui est prévu dans la Loi sur le précontrôle qui est actuellement à l'étude au Sénat. Il s'agit d'une opération conjointe menée à Vancouver. Les Américains traitent les voyageurs se dirigeant aux États-Unis, mais les Douanes canadiennes servent de garant vu que les pouvoirs des contrôleurs américains ne sont pas clairement définis dans la loi.
Il y a eu des séances de formation à l'intention des contrôleurs américains. Cette formation a été très efficace, mais elle différait de celle que nous offrirons une fois que la Loi sur le précontrôle aura été adoptée et que ces opérations auront acquis un caractère permanent.
Vous avez parlé des lois sur les armes à feu.
Le sénateur Carney: Je parle des services en français et du droit de la population à être servi en français. Et puis il y a les lois sur les armes à feu qui diffèrent. Comment abordez-vous tous ces dossiers?
Je ne me dispute pas avec vous. Je demande simplement comment ça fonctionne.
M. Preston: Il y a plusieurs dimensions, dont l'une est que les lignes aériennes disposent de services de traduction qui sont prêts à intervenir en cas de besoin. Nous avons découvert qu'à l'aéroport de Dorval les agents parlaient couramment français. Il s'agit probablement d'un critère d'embauche.
En ce qui concerne les lois sur les armes à feu, le problème est moins préoccupant dans les aéroports parce qu'avant de monter à bord d'un avion, il faut franchir les détecteurs de métal. Les armes à feu ne présentent pas le même problème dans un aéroport qu'à une frontière terrestre.
Le sénateur Carney: À la lumière du projet pilote de Vancouver, vous dites que le fait que des agents américains aient travaillé au Canada en conformité avec le droit canadien et la Charte des droits et liberté n'a pas suscité de problème particulier qui aurait entravé la circulation des personnes et des marchandises.
M. Preston: Ça a raisonnablement bien fonctionné. À un moment donné, il a eu ce qu'on a appelé l'affaire du bureau de renseignements, mais la loi n'était pas en cause. Les problèmes étaient plutôt liés à la structure de l'installation. Les Américains voulaient que nous installions un comptoir de renseignements parce qu'il y avait quantité de gens qui leur demandaient où ils devaient prendre leurs vols. Cela créait un peu de confusion. C'est la principale plainte qui a été formulée au cours du projet pilote.
Le sénateur Bolduc: Une note dit que la loi est établie sur le modèle d'un accord existant sur les services d'aéroport. Depuis combien de temps cet accord franco-suisse est-il en vigueur?
M. Preston: Nous ne le savons pas. Depuis plusieurs années assurément, mais nous ne saurions en dire davantage.
Le sénateur Bolduc: Disposez-vous d'une évaluation de l'efficacité de cet accord?
M. Preston: Nous n'avons pas tenté nous-mêmes d'étudier l'efficacité de l'opération, mais nous croyons savoir qu'elle fonctionne bien.
Le sénateur Grafstein: J'ai quelques petites questions d'ordre technique. La définition d'«agent canadien», c'est tout agent de la paix.
M. Preston: Oui.
Le sénateur Grafstein: Autrefois, le contrôle d'application des lois fédérales était assuré par la GRC dans tout le Canada. Ce n'est plus le cas. Il peut être assuré par un policier local.
M. Preston: C'est exact, un membre de la police local.
Le sénateur Grafstein: Êtes-vous préoccupé par le fait que les normes d'application de cette loi varieront d'une région à l'autre du pays? Par exemple, vous aurez des agents de la GRC dans certains aéroports et la Sûreté du Québec ailleurs. À Toronto, ce sera le corps de police de Mississauga. Le gouvernement fédéral est en train d'établir une norme fédérale des plus efficaces, mais il n'est question d'une norme fédérale applicable aux agents de la paix dans cette mesure législative, il suffit que ce soit un agent de la paix.
M. Preston: C'est un commentaire intéressant. La réponse est double.
Premièrement, en ce qui concerne le maintien de l'ordre dans les aéroports, les dispositions voulues sont prises avec les autorités aéroportuaires. Étant donné qu'un détachement spécial est prévu, une formation sera donnée aux policiers en prévision de ces opérations.
Le sénateur Grafstein: Qui assurera cette formation?
M. Preston: Le programme de formation s'inscrit dans le processus des douanes et de l'immigration.
Le sénateur Grafstein: Je voudrais m'assurer que, du point de vue canadien, la même norme s'applique dans tout le pays, de Vancouver à Halifax. Nous avons découvert dans d'autres comités sénatoriaux que le maintien de l'ordre est loin d'être le même partout. Je me pose simplement la question. Il y a bien sûr des entités sous réglementation fédérale qui sont dépourvues d'une norme fédérale. Je tiens à ce que les normes fédérales s'appliquent aux organismes sous réglementation fédérale.
Une question plutôt complémentaire: qui paie la note?
M. Preston: Le fait qu'il n'y ait pas une autorité policière unifiée pour tout le pays a effectivement posé un problème. Nous avons pensé y remédier en instaurant une formation pour le détachement de policiers qui seront chargés de cette opération. Comme je l'ai dit plus tôt, nous nous conformons aux principes énoncés dans l'affaire Simmons sur le contrôle à la frontière.
Le sénateur Grafstein: La question du sénateur Carney est la suivante: Qui paie la note?
M. Preston: L'autorité aéroportuaire paie les frais relatifs au maintien de la paix, mais elle récupère sa mise puisque les dépenses sont répercutées sur les voyageurs.
Le sénateur Grafstein: Le sous-aliéna 31(1)a) contient un mot curieux, «comportements», s'agissant de certains renseignements sur les voyageurs. Le mot sonne bizarre, du moins en anglais. S'agit-il d'une coquille?
M. Preston: Non. «Comportements» a trait, si j'ai bien compris, au mode de paiement du billet, par exemple. Ainsi, un douanier américain s'intéressera au cas d'un voyageur qui a retenu un siège dans un avion à Bangkok et a payé comptant dans les 24 heures précédant le départ. C'est un comportement inhabituel. Si cette personne présente un type de comportement laissant croire qu'il pourrait s'agir d'un moyen détourné pour se rendre à Vancouver, le douanier soupçonnera qu'il y a matière à pousser plus avant l'interrogatoire.
Le sénateur Grafstein: Ce mot m'embêtait. On ne sait pas, tant qu'on n'a pas vu les règlements, quelles seront les autres questions.
M. Preston: Serait-il utile que je précise jusqu'où ils peuvent aller lors d'un interrogatoire?
Le sénateur Grafstein: Tout à fait.
M. Preston: Ils voudront savoir le nom du passager et sa date de naissance. Jusque-là, c'est tout à fait élémentaire. Ils peuvent puiser ces renseignements dans le passeport. D'autres renseignements portent sur la citoyenneté et la nationalité du passager, son sexe, le numéro de passeport, la date de réservation et, comme on dit dans notre jargon, un «go show». Ce document indique que le passager n'a pas fait de réservation et qu'il s'est présenté au comptoir et a payé le billet. Il y a également le nom de l'agent de voyage. Les Américains veulent savoir si l'agent de voyage est thaïlandais, par exemple.
Ils veulent également connaître la date d'émission du billet, qui peut révéler dans quelle mesure il y a urgence à faire enquête. Il s'agit de savoir si le billet sera échangé, s'il s'agit d'une manoeuvre pour brouiller les pistes. Ils veulent également connaître l'heure de délivrance du billet, l'heure de prédépart et le numéro du billet. Tout cela fait partie du bloc d'éléments d'information dont j'ai déjà parlé.
Ils s'intéresseront à la ville d'origine, pour des motifs évidents, et aux villes de l'itinéraire au cas où le passager aurait pris une voie détournée.
Ils veulent connaître le nom du transporteur du dernier segment ainsi que celui du transporteur de tous les segments; le numéro de vol et la destination, qui figurent dans les données de la billetterie; la date du voyage; le numéro de siège; le nombre de bagages vérifiés; le numéro d'étiquetage des bagages; la classe de service, qui est déjà indiqué sur le talon du billet; la place désirée; le numéro du dossier; les numéros de téléphone que le passager a donnés au moment de faire la réservation; l'adresse domiciliaire; le mode de paiement, ce qui revient à la question de savoir si le passager a payé comptant au comptoir; si le billet a été payé par quelque d'autre, un grand motif de préoccupation chez les Américains à l'égard des drogues; les «trous» dans l'itinéraire, ce qui peut susciter des soupçons; les informations d'adresse; et les informations électroniques concernant les billets. Voilà la liste.
Le sénateur Grafstein: Tout cela sera inscrit dans un règlement.
M. Preston: Cela figure dans une annexe de l'entente. Nous leur avons envoyé une note diplomatique l'an dernier.
Le sénateur Grafstein: J'essaie de voir comme cela se passe. Vous obtenez les renseignements voulus et ils soulèvent des soupçons. Les soupçons s'avèrent soudainement non fondés et les renseignements disparaîtront de l'ordinateur dans les 24 heures.
M. Preston: C'est exact.
Le sénateur Grafstein: Je me rappelle maintenant que chaque fois que je traverse la frontière, mon passeport est introduit dans un ordinateur. Ces renseignements sont-ils effacés? Ce sont les mêmes renseignements.
M. Preston: Oui, c'est vrai.
Le sénateur Grafstein Une fois, l'agent a jeté un coup d'oeil à mon passeport. Maintenant au lieu de le regarder, il le passe sous le lecteur, puis il le remet. Je ne puis pas croire que ces renseignements disparaissent dans les 24 heures.
M. Preston: Quelque chose clignote sur son ordinateur.
Le sénateur Grafstein: Je ne peux pas croire que cela disparaît.
M. Preston: En vertu du droit américain, les renseignements doivent être détruits dans les 24 heures.
Le sénateur Prud'homme: À moins qu'ils aient des soupçons.
M. Preston: Tout à fait. Les renseignements doivent être lus. Le principe en jeu ici, c'est que s'ils détiennent la personne, les renseignements la concernant pourront ainsi être conservés.
Le sénateur Andreychuk: Je voudrais revenir à la question de la réciprocité. Avez-vous dit que cela n'était pas inscrit dans une loi américaine à l'heure actuelle? En fait, nous accordons la réciprocité aux Américains, sans qu'ils nous rendent la pareille.
M. Preston: La loi américaine sur les douanes comporte une clause de réciprocité avec tous les pays qui offrent ces pouvoirs au Canada. La clause est là.
Ils ne veulent pas savoir de quelle réciprocité il s'agira tant que ce projet de loi n'aura pas été adopté. La Loi sur les douanes dit que ce sera réciproque. Par une entente, nous confirmerons aux Américains que, s'ils créent une zone aux États-Unis, les pouvoirs que nous conférons à leurs agents seront conférés aux nôtres.
Le sénateur Andreychuk: À propos des articles 4 et 5 du projet de loi, il semble que nous autoriserons l'application, dans une zone désignée, du droit de précontrôle des États-Unis. Or, dans le même temps, nous imposerons dans la même zone -- je veux dire physiquement, dans le même lieu -- la Charte des droits et libertés et les lois canadiens relevant du droit pénal.
M. Preston: C'est exact.
Le sénateur Andreychuk: Ce sera assez déroutant. En cas de doute, quelle loi prévaudra?
M. Preston: Le droit canadien aura toujours préséance.
Le sénateur Andreychuk: C'est énoncé très clairement dans la Charte des droits et libertés, mais ailleurs?
M. Preston: La plus grande masse de lois qu'on puisse imaginer ici, c'est le droit criminel. Tous les cas de droit criminel seront traités conformément aux lois canadiennes.
Le sénateur Andreychuk: Où est-ce dit dans le projet de loi? Il dit qu'un agent canadien traitera les cas relevant du droit criminel. Est-ce bien dans cette direction que vous allez?
M. Preston: L'agent canadien traitera les cas relevant du droit criminel. C'est bien cela.
Le sénateur Andreychuk: Vous irez dans toutes sortes d'autres domaines. Nous sommes en territoire canadien. Je m'inquiète moins de Canadiens faisant l'objet d'un précontrôle, car ils connaissent les lois canadiennes, le droit canadien. Mais il faut tenir compte ici de l'immigration. Comment les immigrants seront-ils traités? Qu'advient-il d'un Thaïlandais qui arrive à Vancouver et veut immigrer aux États-Unis? Il a tous les documents nécessaires. Vous avez énuméré toute une série de questions, mais il y aura aussi les questions sur l'immigration et les documents à montrer.
M. Preston: Tout à fait.
Le sénateur Andreychuk: La liste est plus longue que celle que vous avez mentionnée au sénateur Grafstein.
M. Preston: L'immigration figure sur la liste, à moins que je ne l'aie omise.
Le sénateur Andreychuk: Peut-être l'ai-je manquée. Il n'y a pas de problème si les Américains le laissent entrer. Si non, qu'arrive-t-il? Atterrit-il dans un centre de détention au Canada?
M. Preston: Il a le choix. Il peut retourner d'où il vient. Dans un premier temps, il sera remis aux autorités des douanes et de l'immigration canadiennes. Comme il n'a pas été admis aux États-Unis, il se trouve en territoire canadien et, par conséquent, il doit être admis. On décidera ensuite de son sort, et tout dépendra des circonstances.
Le sénateur Andreychuk: Est-ce que la personne est détenue au Canada en vertu du droit canadien?
M. Preston: Il peut ne pas être détenu, car s'il est établi qu'il est admissible au Canada, il pourrait être autorisé à s'y installer.
Le sénateur Andreychuk: Restons-en au pire scénario. Les autorités américaines refusent l'entrée aux États-Unis. L'avion s'en ira ailleurs. Reste-t-il dans la zone désignée? Comme il n'y pas de centre de détention sur les lieux, il sera emmené dans un lieu où s'applique exclusivement le droit canadien, en territoire canadien, je veux dire.
M. Preston: C'est exact.
Le sénateur Andreychuk: La personne pourrait dire: «Je suis un réfugié; ne me renvoyez pas, ma vie est menacée».
M. Preston: En théorie, oui, c'est possible. L'individu n'est pas encore détenu. Le simple fait qu'on ait refusé de l'admettre aux États-Unis ne signifie pas qu'il est détenu. Cela signifie simplement qu'il doit décider où il veut aller, dans son pays ou au Canada.
Le sénateur Andreychuk: Il veut aller aux États-Unis. Les États-Unis disent non. Qui lui dira alors quelles options s'offrent à lui, quels sont ses droits? Il faut que ce soit le gouvernement canadien.
M. Preston: C'est vrai.
Le sénateur Andreychuk: Toutes les lois canadiennes interviennent. Il se présente à l'Immigration canadienne, et nous voilà devant un immigrant ou une demande du statut de réfugié.
M. Preston: C'est exact.
Le sénateur Di Nino: À moins qu'il s'agisse d'un visiteur.
Le président: N'est-ce pas ce qui se produit souvent de nos jours?
M. Preston: Tout à fait.
Le président: Il arrive à Vancouver dans l'intention d'aller aux États-Unis. Les Américains refusent de le laisser entrer. Survient alors le phénomène des personnes déplacées. C'est une situation parallèle sauf que...
Le sénateur Andreychuk: Non, ce n'est pas le cas. Quand il prend l'avion pour le Canada avec l'intention de se rendre aux États-Unis via le Canada, les autorités canadiennes, avant qu'il monte dans l'avion, ont pris la décision d'examiner les passagers. Est-ce le même examen qui se répète encore?
Le président: À quel moment, sénateur Andreychuk?
Le sénateur Andreychuk: A-t-il fallu qu'il montre son passeport en Allemagne?
Le président: Voulez-vous dire qu'il doit montrer son passeport avant de traverser l'océan?
Le sénateur Andreychuk: Nos lois sur l'immigration en tiennent compte. Nous ne tenons pas compte du fait qu'il pourrait être simplement en transit. Cela fait-il augmenter nos risques?
Le sénateur Stollery: Sommes-nous pris avec lui?
Le sénateur Bolduc: C'est plus que ça. Il a des droits.
M. Preston: Essentiellement, il n'y a pas de véritable changement par rapport à la situation actuelle. Il n'y a pas eu de problème majeur du fait que des gens se verraient refuser l'entrée aux États-Unis. Actuellement, quand une personne passe les douanes canadiennes et qu'elle s'en va aux États-Unis, on la laisse passer sans poser de questions. On l'envoie dans la zone de précontrôle. Ainsi, elle peut continuer jusqu'aux États-Unis, parce qu'elle doit passer et revenir. Elle ne peut toujours pas entrer. Elle passe les douanes canadiennes, arrive au Canada et doit immédiatement passer le précontrôle des États-Unis. Avant l'établissement du projet pilote, si elle ne pouvait entrer à ce moment-là, elle avait le même problème. Elle devait se rapporter à quelqu'un. Elle n'entrait pas aux États-Unis. Elle était donc admise au Canada à ce moment-là.
Le sénateur Andreychuk: Maintiendrons-nous le même niveau de surveillance et de vigilance au moment de l'embarquement, par rapport à la situation actuelle?
M. Preston: C'est le transporteur qui s'en occupe au moment où les passagers montent dans l'avion. L'employé de la compagnie aérienne qui travaille au comptoir a l'obligation de s'assurer que les passagers ont les bons documents. Ils ne veulent pas laisser des gens monter dans l'avion s'ils risquent d'être renvoyés d'où ils viennent. Bien sûr, il arrive que des gens prennent l'avion jusqu'aux États-Unis ou à un aéroport canadien pour découvrir ensuite qu'ils ne sont pas admis.
Le nombre de cas ne devrait pas augmenter, parce que l'agent de la billetterie devra prendre le même genre de décisions en première instance. On pourrait même dire que l'identité des gens qui arrivent à destination des États-Unis pourrait être vérifiée de plus près encore en raison des exigences très strictes des États-Unis en matière d'immigration.
Le sénateur Andreychuk: Je suppose que si nous réduisons notre vigilance au moment de l'embarquement, cela entraînera de la confusion.
Nous répandrons probablement la nouvelle qu'il est maintenant possible d'avoir un précontrôle et que c'est une procédure avantageuse. Les agents de voyage diront à leurs clients qu'ils n'auront pas besoin de passer deux douanes puisqu'ils ne sont qu'en transit vers les États-Unis. Toutefois, le fait est que, si un passager n'est pas admis aux États-Unis, il pourrait être soumis aux formalités d'admission du Canada. La brochure le précisera-t-elle? L'agent de voyage le dira-t-il? Les voyageurs auront des attentes.
Pour moi, c'est une question de souveraineté. Ce sera très difficile si un douanier américain dit ou fait quelque chose qui n'est pas conforme à notre façon de faire. Ce sera très difficile de le faire comprendre au voyageur moyen qui se retrouve aux douanes canadiennes. Ce qui s'est passé est une décision américaine en sol canadien, et cela nous retombe dessus. Je pense qu'il y a confusion dans le partage des compétences. Nous devons faire attention.
M. Preston: À la fin, c'est toujours la souveraineté du Canada qui s'applique. Quand une personne se présente et dit qu'elle s'en va aux États-Unis, puis qu'elle nous est renvoyée ou que son cas n'est pas traité comme il le devrait pour une raison ou une autre, un processus est prévu pour que nous puissions appliquer la loi ou le processus en vigueur au Canada. Le cas de cette personne doit alors être traité par les autorités canadiennes. Si une personne est soupçonnée d'avoir commis une infraction criminelle, les autorités canadiennes seront saisies de son cas. Les agents des douanes et de l'immigration du Canada s'occuperont des personnes qui n'ont pas été admises aux États-Unis. En fin de compte, ces affaires sont toujours traitées conformément au droit canadien et selon la procédure en vigueur au Canada.
Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit que ce serait le douanier canadien qui ferait les fouilles à nu. Cela se ferait si l'on soupçonnait une infraction criminelle. Toutefois, si j'ai bien compris, vous avez dit qu'un douanier américain pourrait faire une palpation. Pourriez-vous expliquer ce qu'est une palpation?
M. Preston: Une palpation, c'est une fouille d'une personne habillée. Nous avons discuté à savoir s'il serait permis dans ce cas de demander à la personne d'enlever son manteau, par exemple. Toutefois, littéralement, cela signifie que la personne n'a pas à enlever ses vêtements. La palpation est faite par-dessus les vêtements à des fins sécuritaires.
Le sénateur Andreychuk: Il y a une autre expression étonnante au paragraphe 16(2):
Il [le voyageur] est tenu de répondre véridiquement à toutes les questions que lui pose le contrôleur aux fins du précontrôle.
Un refus est-il une infraction criminelle, si le voyageur ne dit pas la vérité?
M. Preston: Oui, s'il ne dit pas la vérité. S'il ne veut pas répondre ou s'il n'aime pas la question, il peut s'en aller sans répondre, mais s'il ne dit pas la vérité, il est alors remis entre les mains d'un douanier canadien.
Le sénateur Andreychuk: Ça devient subjectif. Je peux penser que je dis la vérité. En général, on utilise des mots comme «propre à induire en erreur», «trompeur» ou quelque chose du genre. Dans ce cas, on dit «véridiquement». Je peux penser que je dis la vérité au meilleur de ma connaissance.
M. Preston: Ce vocabulaire est conforme à notre Loi sur les douanes. En cas de poursuites, ce sont les tribunaux qui détermineront éventuellement ce qu'est exactement la vérité. Ils trancheront à savoir s'il s'agissait d'un mensonge ou non.
Le sénateur Andreychuk: La personne sera-t-elle détenue jusqu'à la tenue d'une enquête plus poussée? Si un douanier a des motifs raisonnables et fondés de croire qu'on ne lui a pas dit la vérité, arrêtera-t-il le passager fautif?
M. Preston: Cela dépend des circonstances. L'idée d'inscrire dans la loi une disposition concernant les fausses déclarations est de permettre qu'on prenne des mesures judiciaires. Par exemple, si le douanier demande «Rapportez-vous de la drogue?», que la personne répond non, et que le douanier découvre ensuite de la drogue dans ses bagages, le voyageur a menti et commis un acte criminel. Il avait de la drogue dans ses bagages. L'idée, c'est d'offrir un moyen de garder les gens pour un interrogatoire plus poussé. La plupart du temps, on considérerait qu'il y a infraction criminelle.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Actuellement, nous n'avons pas de zone de pré-contrôle aux États-Unis, n'est-ce pas?
Mr. Preston: Oui, c'est exact.
Le sénateur Robichaud: Mais lorsque nous allons avoir une telle loi, c'est la même loi qui va prévaloir, n'est-ce pas?
M. Preston: Aux États-Unis?
Le sénateur Robichaud: Lorsqu'on parle de réciprocité, nous allons accorder aux Américains ou les Américains vont nous accorder les mêmes droits.
M. Preston: Les mêmes pouvoirs, oui.
Le sénateur Robichaud: Les mêmes pouvoirs qu'on leur accorde ici?
M. Preston: Oui.
Le sénateur Robichaud: Vous dites qu'au Canada nous avons une protection additionnelle, qui n'est pas disponible aux États-unis, soit la Charte des droits et libertés?
M. Preston: Oui.
Le sénateur Robichaud: Alors, lorsqu'il y aura réciprocité aux États-Unis, la fouille au Canada sera faite par un agent canadien. Le citoyen a droit à la protection de la Charte. Mais pour un citoyen canadien aux États-Unis, est-ce que la fouille sera faite par un agent américain? Et dans ces circonstances, le citoyen canadien n'aura pas droit à la protection de la Charte. Est-ce que celui-ci pourra refuser cette fouille afin qu'elle soit faite au Canada et ainsi il poura bénéficier de la protection de la Charte?
M. Preston: Ce sont des questions intéressantes. La réponse simple est, non.
Le sénateur Prud'homme: Non, quoi?
M. Preston: Cette demande d'être fouillé au Canada. Aux États-Unis, présentement si on quitte les États-Unis dans un aéroport américain, on est sur le territoire américain à ce moment, et puis on doit subir les lois américaines. C'est simple, mais nous ne pouvons pas imposer nos lois aux États-Unis.
Le sénateur Robichaud: Je suis d'accord avec cela, mais comme Canadien, accepter une telle situation diminue mes droits. J'ai le droit d'exiger du gouvernement ou des autorités que l'on me permette ces privilèges en arrivant au Canada, et non pas de m'assujettir aux lois américaines avant de m'en venir ici, est-ce que vous comprenez?
M. Preston: Oui, je comprends bien. C'est toujours la question de la loi fondamentale, et puis le concept d'avoir au Canada des lois de base. C'est notre souveraineté.
Le sénateur Robichaud: J'en conviens.
M. Preston: Et dans le cas des États-Unis, c'est toujours la souveraineté américaine et les droits fondamentaux américains.
Le sénateur Robichaud: J'en conviens, mais d'accepter cette situation de pré-contrôle aux États-Unis, par un agent américain, diminue mes droits que j'aurais au Canada lorsque j'arrive sur le sol canadien.
M. Preston: C'est un Canadien aux États-Unis, qui est l'agent contrôleur.
Le sénateur Robichaud: Vous nous dites qu'il est l'agent pré-contrôleur?
M. Preston: C'est un Canadien aux États-Unis.
Le sénateur Robichaud: Mais s'il y a fouille au Canada?
M. Preston: C'est un Canadien.
Le sénateur Robichaud: Même si l'agent de pré-contrôle est un Américain, la fouille va être faite par un Canadien?
M. Preston: C'est exact.
Le sénateur Robichaud: Est-ce que la même chose s'applique là-bas: le pré-contrôleur serait Canadien mais la fouille serait faite par un Américain?
M. Preston: C'est exact.
Le sénateur Robichaud: Alors, je perds les droits qui me sont donnés par la Charte si la fouille se faisait au Canada.
[Traduction]
Le président: Ce serait peut-être bon que le comité entende directement la spécialiste de ces questions juridiques.
[Français]
Mme Jacqueline Caron, Section du droit criminel, des privilèges et immunités, Bureau juridique des Affaires étrangères: La question que vous soulevez est intéressante. La réciprocité vaut complètement: ce que l'on a dit plus tôt est que l'agent canadien aux États-Unis aura les mêmes pouvoirs que l'agent américain au Canada. Mais prenez l'exemple où il n'y a pas de régime de pré-contrôle: vous avez un citoyen canadien qui est aux États-Unis et qui veut venir au Canada, il est complètement soumis au régime américain. Si pour une raison ou une autre, il se présente à l'aéroport et qu'il doive, parce que les autorités américaines suspectent qu'il a de la drogue, par exemple, il aura non seulement la fouille à nu faite par un Américain, mais il aura la fouille par palpation ce qu'on appelle «frisk search» dont on parlait tantôt, le «pat down». Le Canadien qui est aux États-Unis qui a un régime de pré-contrôle, a même plus de droits qu'autrement. L'individu pourra subir une fouille par palpation par un agent canadien avant d'être remis aux autorités américaines. Cela, à tout le moins, sera fait par un agent canadien. Par la suite, comme on est aux États-Unis, on ne peut pas exporter notre Charte aux États-Unis et l'imposer aux agents américains. Ils devront répondre de leurs droits.
Le sénateur Robichaud: J'en conviens, madame Caron. En établissant cette zone de pré-contrôle, vous me soustrayez à la protection de la Charte, si je n'ai pas le droit de refuser ce pré-contrôle, si on a des suspicions lorsque je subis ce pré-contrôle. Je n'ai pas à subir ce pré-contrôle, je le subis au Canada en arrivant. J'ai la protection de la Charte à ce moment-là, n'est-ce pas?
Mme Caron: Je vais répondre par oui et non. Quand vous arrivez au Canada, à l'heure actuelle, mais vous n'êtes pas obligé de l'utiliser. On n'a pas de régime de pré-contrôle aux États-Unis. À supposer que l'on en établisse un, vous n'êtes pas obligé de l'utiliser. Vous pouvez passer par un port d'entrée qui vous amène directement au Canada. Le service de pré-contrôle est un service volontaire offert aux gens, quels qu'ils soient, du côté canadien ou américain pour simplement accélérer le processus. Mais si vous préférez, comme voyageur, venir directement à un aéroport canadien sans passer par un contrôleur aux États-Unis, quand on en aura un, vous êtes libre de le faire.
Le sénateur Robichaud: Alors, sur un même avion qui entre au Canada, vous auriez des gens qui auraient subi le pré-contrôle et des gens qui ne l'auraient pas subi en fait?
Mme Caron: Je ne pense pas. Je pense que quand l'avion arrivera, à bord il n'y aura qu'une catégorie d'individus: ceux qui auront été pré-contrôlés -- si je peux employer le terme -- et ceux qui ne l'auront pas été seront dans un autre avion.
M. Preston: Il faut choisir un autre avion.
Le sénateur Robichaud: Alors, vous allez établir ces centres dans les plus grands aéroports américains où le plus grand nombre de voyageurs canadiens se trouvent. Si je ne veux pas me soumettre, il faut que je choisisse un autre aéroport.
M. Preston: On a toujours le choix.
Le sénateur Robichaud: Oui, mais ce n'est quand même pas accommodant.
Mme Caron: C'est toujours une question de choix du voyageur. On peut choisir de voyager ou pas. On peut choisir l'avion à bord duquel voyager et si on ne veut pas prendre avantage du système de pré-contrôle, on peut le faire.
Le sénateur Robichaud: Et si j'ai un billet avec la compagnie aérienne Canadien et à leur point de départ il y a un système de pré-contrôle, et que je veux que ce contrôle se fasse au Canada, je suis obligé de changer de compagnie et aller à un autre aéroport.
Mme Caron: Oui, vous pouvez voyager ou partir d'un aéroport aux États-Unis où il n'y a pas de système de pré-contrôle.
Le sénateur Robichaud: Mais je trouve quand même que les Canadiens sont perdants.
Mme Caron: Oui, mais la situation est qu'on est aux États-Unis et qu'on ne peut pas imposer notre loi aux États-Unis. C'est une question de l'extra-territorialité. Nous insistons auprès des Américains qu'au Canada les lois canadiennes sont en vigueur. On ne peut pas imposer nos lois aux Américains dans les zones pré-contrôlées aux États-Unis. C'est simple.
Le sénateur Robichaud: Mais au point de vue de réciprocité, nous accordons ce droit aux Américains qui sont dans les zones de pré-contrôle. Ils ont la protection de la Charte.
M. Preston: Au Canada.
Le sénateur Robichaud: Oui, alors il n'y a pas vraiment de réciprocité.
M. Preston: Aux États-Unis ils ont la protection de la Constitution américaine qui est différente de la nôtre.
Le sénateur Robichaud: J'espère que personne n'aura à vivre cette situation.
M. Preston: Il y a aussi le Bill of Rights américain.
Le sénateur Robichaud: Ce n'est pas la même chose.
[Traduction]
Le sénateur Whelan: Dernièrement, j'ai participé à une réunion à Windsor où des fonctionnaires de bureaux de sénateurs américains représentant des régions limitrophes dans différents États -- Texas, Nouveau-Mexique et Californie, Michigan, Ohio et New York -- nous ont aidés à comprendre comment les choses fonctionnent là-bas.
Y en a-t-il parmi vous qui auraient traversé la frontière dans les dernières semaines?
M. Preston: Dans les deux derniers mois, je suis allé probablement six fois aux États-Unis, notamment à Windsor. J'ai traversé aux postes Windsor-Detroit et Fort Huron-Sarnia, parce que je voulais parler aux gens et voir comment cela fonctionnait.
Le sénateur Whelan: Vous savez que, en moyenne, 55 000 voyageurs traversent quotidiennement le pont Ambassador. Pour le tunnel, il y en a aussi autour de 55 000. J'ai beaucoup voyagé entre les États-Unis et le Canada et dans d'autres régions du monde. Je sais donc assez bien comment ça se passe.
Vous avez parlé du côté pratique du précontrôle. J'ai dû traverser la frontière à cause d'un décès dans notre famille, en Arizona. Nous avons pris l'avion jusqu'à Toronto et, même si nous avons manqué l'avion pour Phoenix, nous avons franchi très rapidement les douanes américaines à Toronto. C'était un précontrôle, non?
M. Preston: Oui.
Le sénateur Whelan: On ne nous a pas posé une seule question. Il suffisait de remettre la carte remplie où l'on indique sa date de naissance, son âge et ces détails-là. À mon âge, j'ai probablement l'air inoffensif.
Le sénateur Di Nino: C'est une question d'opinion.
Le sénateur Whelan: C'est la nouvelle loi aux États-Unis qui m'inquiète. Elle n'a pas encore été promulguée, mais on nous a dit à cette réunion, à Windsor, qu'il faudrait six heures pour qu'un camion soit autorisé à passer.
M. Preston: Je crois que vous parlez de l'article 110 de la loi américaine sur l'immigration. Vous le savez peut-être déjà, le gouvernement exerce actuellement des pressions sur les États-Unis pour que cette disposition soit abolie. La difficulté, du côté américain, c'est que la mesure n'est pas encore appliquée.
Nous avons, grâce à la collaboration d'un grand nombre de politiciens du sud de la frontière et d'intéressés du secteur privé des deux côtés de la frontière, réussi à obtenir que l'application soit retardée jusqu'en mars 2001. Entre-temps, on essaiera d'obtenir l'abolition de cette disposition. Nous avons certainement des amis à la Chambre des représentants et au Sénat des États-Unis qui pourront nous aider à la faire supprimer.
Si les Américains vérifient les papiers des voyageurs à l'entrée et à la sortie du pays, votre calcul du temps d'attente à la frontière sera exact. C'est pourquoi nous tentons de faire supprimer cette disposition de leur loi sur l'immigration.
Le sénateur Whelan: On a parlé un peu plus tôt du libre-échange. Ce serait l'une des pires barrières au libre-échange qu'on puisse avoir. Si l'on s'en tient aux camions, il y a annuellement 260 000 camions qui traversent le tunnel et 2,8 millions qui empruntent le pont. Sur le pont Ambassador, dans les deux sens, on en compte en moyenne 7 700 par jour. De toute évidence, cette loi est totalement inapplicable.
Je vous admire d'avoir appris aux Américains ce qui se passait à ces postes frontière. Les participants à la réunion dont j'ai parlé sont allés de Detroit à Buffalo pour traverser à Niagara Falls le jour suivant, afin de constater par eux-mêmes. Ce fut un excellent exercice que votre équipe a organisé à Detroit.
Permettez-moi de revenir sur la question des fouilles corporelles, dont vous avez parlé tout à l'heure. Y aura-t-il vérification des cavités corporelles, où l'on peut parfois cacher de la drogue? Si oui, est-ce qu'un employé de bureau devra s'en charger quand un douanier ne sera pas disponible?
M. Preston: Il s'agit là d'une procédure médicale qui ne peut se faire qu'à l'hôpital. Ces personnes seraient transportées sous surveillance canadienne.
Le sénateur Whelan: Vous avez parlé des services de police. Notre ville ne constitue pas une très grande région métropolitaine, mais nous ne sommes qu'à 20 minutes du centre-ville de Detroit. Notre nouvelle communauté urbaine compte 20 000 habitants, depuis que le premier ministre de l'Ontario a décidé que nous devions nous réunir. Je puis vous dire que ce genre d'inspection se fait sur place, dans un petit bureau de la police municipale. Je connais une des personnes chargées de ces examens. Si le suspect est une femme, c'est une femme qui l'examinera. Si c'est un homme, un homme l'examinera. Ce ne sont pas des médecins, mais ils font ces examens.
Le sénateur Grafstein a mentionné que nos services de police n'appliquent pas les mêmes règles d'une province à l'autre, à moins qu'il s'agisse de la GRC.
M. Preston: Oui. La même chose s'appliquerait aux services frontaliers des douanes canadiennes. Pour toute personne qui entre au Canada et qui passe par nos douanes, le processus serait exactement le même. Je n'ai pas à juger de la compétence de la police, mais il y a des normes à respecter pour ces examens. Ce n'est pas une question de précontrôle. Le problème se pose quand ces personnes essaient d'entrer au Canada, qu'il y ait eu précontrôle ou non. Ce seront toujours les autorités canadiennes qui s'en occuperont.
Le sénateur Whelan: Beaucoup de choses sont à la discrétion des agents des douanes, qu'ils soient Canadiens ou Américains. On dirait que tout dépend de la façon dont ils se sentent ce jour-là. S'ils sont de mauvaise humeur, ils ne devraient peut-être pas rentrer au travail.
Ma femme est née en Yougoslavie. Elle est d'origine allemande. Son passeport précise son lieu de naissance. Une fois, un douanier lui a dit: «Dites-moi quelque chose». Il voulait savoir si elle avait un accent. Elle vit au Canada depuis l'âge de neuf ans. Ma belle-soeur finlandaise était assise à côté d'elle, mais il ne lui a pas demandé de dire quelque chose pour voir si elle avait un accent finlandais.
Le sénateur Stewart: Il m'est arrivé la même chose, et le mot test était le nom d'une petite ville dans l'est de la Nouvelle-Écosse, Antigonish. Les douaniers demandaient: «Connaissez-vous cette ville?» Si quelqu'un répondait «Anti-GO-nish», d'autres questions suivaient.
Le sénateur Whelan: On compte sur les compagnies aériennes, qui demandent si l'on a un passeport ou un visa ou autre chose.
M. Preston: Le problème, c'est au moment où une personne monte dans un avion pour une destination nord-américaine. Pour responsabiliser les compagnies aériennes, on leur impose d'assumer le coût du renvoi des indésirables. Supposons qu'une personne prenne l'avion pour le Canada et qu'elle y soit refusée pour une raison ou une autre. Supposons que la personne n'ait pas eu les documents officiels nécessaires. La compagnie aérienne est alors obligée de ramener cette personne d'où elle vient. La responsabilité relève de l'agent qui laisse passer la personne.
Le sénateur Prud'homme: Ça, c'est après cinq ans d'audiences d'un tribunal des réfugiés.
M. Preston: Non.
Le sénateur Whelan: Y a-t-il un représentant américain dans la salle ou quelqu'un de l'ambassade des États-Unis?
Le président: Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
Le sénateur Stollery: Monsieur le président, quand nous avons abrogé la règle qui permettait à un résident du Canada de présenter une demande de statut d'immigrant reçu, le 1er décembre 1972, j'étais député à la Chambre des communes. L'affaire a fait beaucoup de bruit. J'étais député de la circonscription la plus multiculturelle du pays, au centre-ville de Toronto.
Je m'intéresse depuis bien des années à ce phénomène qui fait que les déplacements de voyage sont de plus en plus rapides. Pour une raison que je ne connais pas, beaucoup d'Américains de Chicago préfèrent passer par Toronto pour aller à Londres. Ainsi, à leur retour, ils repassent par Toronto et sont contrôlés par les agents des douanes canadiens. Il arrive souvent qu'ils manquent leur avion parce qu'ils doivent ensuite se présenter à des agents des douanes américains. Si ce sont des citoyens américains qui rentrent après un voyage outremer, on leur posera probablement plus de questions à savoir s'ils ont acheté des choses, et ainsi de suite.
Il ne me semble pas nécessaire que des gens de Chicago doivent franchir deux postes de douanes pour rentrer chez eux simplement parce qu'ils prennent un avion d'Air Canada à Heathrow. Je m'interroge là-dessus.
Je crois qu'on a modifié le système d'immigration le 1er décembre 1972 à cause du peu de scrupules de certains, comme des agents de voyage. Il n'y avait pas grand-chose qu'on puisse faire à part dire: «Vous ne pouvez pas monter à bord de l'avion sans montrer les papiers nécessaires». Il faut montrer son passeport, mais les gens qui sont suspects font l'objet de vérifications beaucoup plus attentives que, par exemple, une personne qui a l'air d'être ce qu'elle dit être. Il n'y a pas de doute que les gens qui n'ont pas de scrupules utiliseront tous les trucs existants.
Je me souviens que, au moment du débat sur le livre vert sur l'immigration, on disait que les Américains avaient 6 millions d'immigrants illégaux. Si j'ai bien compris, ils en ont encore des millions, personne ne sait exactement combien.
Envisage-t-on de faire des précontrôles dans l'autre sens? Pourquoi serait-ce une procédure à sens unique?
M. Preston: C'est une bonne question. Il y a plusieurs raisons pour que ce soit une procédure à sens unique. Il y a beaucoup d'aéroports aux États-Unis. Par contre, nous avons des installations de douanes et d'immigration à tous nos grands aéroports, ce que les Américains n'ont pas. Les aéroports américains sont un peu plus gros, exception faite de celui de Toronto. L'avantage du précontrôle vient du fait que nous avons peu d'aéroports, ce qui crée un effet d'entonnoir, les voyageurs partant vers un beaucoup plus large éventail d'endroits aux États-Unis. Dans le sens contraire, on se trouve à avoir une circulation en «Y», un grand nombre d'aéroports américains amenant les gens dans un beaucoup plus petit nombre d'aéroports ici, tous dotés d'installations de douanes et d'immigration.
Il ne serait pas très logique de faire la même chose en sens contraire, parce qu'il faudrait étendre ces services sur un très grand nombre d'emplacements aux États-Unis. Il faudrait poster un très grand nombre d'agents canadiens aux États-Unis pour qu'ils puissent en faire autant que quelques agents postés dans sept aéroports du Canada à des fins de précontrôle.
Le sénateur Stollery: Je ne vais pas si souvent aux États-Unis, mais d'où qu'on vienne, il faut toujours faire la file en arrivant à Toronto. C'est en train de devenir énorme. Si plusieurs 747 arrivent d'Europe en même temps à une époque où des voyageurs reviennent de voyage en Floride ou dans les Antilles, cela devient une terrible épreuve pour un homme d'affaires. Il doit attendre son tour avec 1 000 autres personnes.
Je comprends qu'on ne peut pas instaurer ce service à Pittsburgh, mais il me semble que ce ne serait pas difficile de trouver trois ou quatre aéroports par où transite un bon pourcentage de ces voyageurs.
M. Preston: Les Américains ont suggéré Anchorage, un objet de curiosité pour nous. Il serait peut-être plus réaliste de penser à San Francisco en tant que premier site de précontrôle aux États-Unis.
Des critères avaient été établis dans l'entente de 1974 sur le précontrôle pour l'établissement de tels services, mais nous ne voulons certainement pas placer des agents de précontrôle aux États-Unis si l'achalandage ne le justifie pas. C'est l'un des facteurs. On nous a demandé d'envisager d'installer des services de précontrôle aux États-Unis.
J'ajoute un autre point concernant les aéroports américains. Il n'y a pas seulement l'effet d'entonnoir. À la suite de la déréglementation, nous avons plus de vols directs vers un grand nombre d'aéroports américains, ce qui a facilité les choses. Par le passé, il fallait transiter par ces centres névralgiques aux États-Unis. Il aurait été logique à ce moment-là d'avoir des services de précontrôle aux États-Unis en raison de ces centres. Maintenant, il faudrait passer par ces centres avant d'entrer au Canada pour profiter de ces services. Je pense que c'est aussi un peu pour cela qu'il n'y a pas plus de précontrôle aux États-Unis. Plus nous avons de vols à destination des États-Unis, plus nous avons de vols directs, et moins cela pose de problèmes d'effectuer les contrôles au Canada.
Le sénateur Stollery: J'aurais cru que La Guardia s'imposerait naturellement comme site de précontrôle aux États-Unis. Un très grand nombre de Canadiens transitent par cet aéroport tous les jours.
Le sénateur Di Nino: Il existe une mesure législative qui vise essentiellement à offrir la possibilité d'installer des services de contrôle, si l'on veut, pour les passagers en transit.
M. Preston: Non. Cette disposition a trait à toute forme de précontrôle.
Le sénateur Di Nino: Je comprends cela, mais on dirait qu'on ne va pas plus loin que la question des passagers en transit et des problèmes que cela pourrait créer.
M. Preston: C'est le sens des questions des membres du comité, oui.
Le sénateur Di Nino: Disons que vous voyagez de Hong Kong à Vancouver, à destination des États-Unis, ou encore que vous allez de Heathrow à Toronto à destination des États-Unis. Pouvez-vous nous dire quelle serait la différence, ou quels problèmes cela pourrait créer, le cas échéant, si l'on changeait le système du précontrôle au Canada suivi d'un contrôle dans les grands centres américains, là où nous avons actuellement des services de précontrôle? Quelles différences cela ferait-il par rapport au système actuel? Où se situeraient ces différences?
M. Preston: Prenons le cas de quelqu'un qui prend l'avion de Hong Kong à Vancouver à destination de Los Angeles ou Chicago. L'une des différences serait que cela prendrait moins de temps à l'aéroport de Vancouver. Avec le système actuel, les voyageurs arrivent, descendent de l'avion, passent les douanes et l'immigration et subissent les contrôles. Alors ils sont au Canada. Ils suivent le corridor, entrent dans un autre pays et recommencent tout le processus. Le précontrôle permet de court-circuiter le processus. Cela prend beaucoup moins de temps. Les voyageurs peuvent se rendre directement à un site de précontrôle aux États-Unis. Ainsi, ils n'ont pas besoin d'autant de temps pour faire la correspondance au Canada.
Le sénateur Di Nino: Mis à part cette facette de la chose, quelles sont les conséquences légales ou pratiques pour les Canadiens?
M. Preston: Je ne comprends pas la question.
Le sénateur Di Nino: Certaines questions ont porté sur l'application du droit canadien, puis sur l'application du droit américain. Selon moi, cela ne fait aucune différence. On respecte les exigences du droit canadien, puis il faut faire de même pour le droit américain. Si l'on évite une partie de la procédure, on économise du temps. Comme le disait mon collègue, et d'autres de mes collègues en ont parlé aussi, l'application du droit américain peut créer un problème pour un passager particulier en transit vers les États-Unis, ce qui peut ensuite créer un problème pour nous. C'est ce que je ne comprends pas.
M. Preston: En faisant toute la procédure en une fois, les deux contrôles se font en même temps, au moment du précontrôle. Les Américains ont des pouvoirs limités. Le point à retenir, c'est qu'ils ne peuvent administrer que leurs douanes et leurs services d'immigration. Tout ce qu'ils peuvent demander, c'est si les biens que vous rapportez peuvent entrer légalement aux États-Unis. Ils peuvent demander si les plantes que vous rapportez -- même si vous n'êtes pas censé rapporter de plantes du tout -- ont des parasites indésirables aux États-Unis. Voilà ce que peuvent faire les Américains.
Pour les autres questions de droit, c'est le droit canadien qui s'applique. Cela se passe en sol canadien. La personne doit être traitée conformément à la Charte canadienne des droits et libertés. Si cette personne commet une infraction criminelle en sol canadien, l'infraction doit être traitée selon le droit canadien. En fait, on télescope toutes les procédures en un même lieu. Autrefois, si l'on constatait une infraction aux douanes canadiennes, on appliquait le processus pénal du Canada.
Le sénateur Di Nino: À part l'économie de temps, quels autres avantages y a-t-il?
M. Preston: J'hésite à ce sujet. J'essaie de voir s'il y en a d'autres. Le principal avantage, c'est l'économie de temps.
Le sénateur Di Nino: D'accord. Je poserai la question autrement. Pourquoi faisons-nous cela? Quelle est l'origine de cette mesure?
M. Preston: Divers facteurs entrent en cause, notamment l'achalandage très dense. En raison de la Charte canadienne des droits et libertés, et comme c'est le droit criminel canadien qui s'appliquerait aux agents américains travaillant au Canada, la situation est plus claire avec ce processus. On définit ainsi les paramètres de ce que les Américains peuvent faire ou non au Canada. Les médias ont rapporté un certain nombre d'incidents relatifs à la conduite des agents américains. Cette mesure définira ce que ces agents peuvent faire et ne peuvent pas faire. Cela établit l'application de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela fournit les motifs nécessaires à la formation des Américains afin de nous assurer qu'ils comprennent notre situation et qu'ils n'enfreignent pas notre Charte des droits et libertés. Je dirais que le principal avantage de cette mesure, c'est qu'elle assure un certain degré de certitude ou de clarté concernant ce que les Américains peuvent faire et ne peuvent pas faire en sol canadien.
Le sénateur Di Nino: Cette mesure précise ce qu'ils peuvent faire au Canada en tant qu'agents d'immigration et des douanes des États-Unis.
M. Preston: Aux fins du contrôle des voyageurs à destination des États-Unis.
Le sénateur Di Nino: Du contrôle ou du précontrôle?
M. Preston: Du précontrôle, vous avez raison. Ces agents font un précontrôle des voyageurs avant qu'ils entrent aux États-Unis. On pourrait dire que, comme c'est aux États-Unis que les voyageurs s'en vont, les Américains sont parfaitement logiques dans leurs demandes voulant que leurs agents des douanes soient habilités à appliquer un certain nombre de lois -- au moins en ce qui concerne les conditions d'entrée aux États-Unis.
Le sénateur Di Nino: C'est donc pour des raisons pratiques, et pas seulement pour économiser du temps. On économise aussi l'argent du Canada.
M. Preston: Absolument. Évidemment, les services canadiens de douanes ne seraient pas utilisés puisque les voyageurs contrôlés s'en vont aux États-Unis.
Le sénateur Di Nino: C'est aussi pour le bien de ceux qui sont en transit, qui économiseront du temps. En outre, cette loi garantira qu'il n'y a pas de malentendu quant aux pouvoirs et responsabilités respectifs des agents d'immigration et des douanes du Canada et de leurs homologues américains. Est-ce bien cela?
M. Preston: Tout à fait.
Le sénateur Di Nino: Avez-vous entendu des objections jusqu'à maintenant, à part ce que nous vous avons dit ici? Existe-t-il une faille que nous n'avons pas encore vue?
M. Preston: C'est un peu comme si, au sujet d'une partie de baseball, on ne mentionnait jamais qu'il s'agissait d'une partie sans coup sûr. Au risque de tenter le sort, je peux vous dire qu'il y a eu étonnamment peu de critiques. Nous avons soumis la mesure à des avocats spécialistes de l'immigration qui sont généralement très critiques à l'endroit du gouvernement quant aux droits des voyageurs et à la protection des immigrants mais, même s'ils ont critiqué par le passé, nous n'avons pas entendu parler d'eux sur cette question. La réponse est donc non, nous n'avons pas entendu de critiques.
Le sénateur Di Nino: Ai-je raison si je dis que les questions que vous nous avez lues et qui seraient posées à quiconque veut entrer aux États-Unis seraient exactement les mêmes, que la personne ait passé ou non par les services canadiens de douanes et d'immigration?
M. Preston: Essentiellement, oui. Nous avons préparé cette liste en tenant compte de la Charte des droits et suivant les conseils des Services frontaliers des douanes de Revenu Canada concernant le type d'information que désireraient obtenir les douaniers dans l'exercice de leurs fonctions.
Le sénateur Di Nino: Sommes-nous en train de créer une procédure supplémentaire pour les gens en transit? C'est le vrai sens de ma question.
M. Preston: Non, il n'y a pas de procédure supplémentaire, parce que cette information est fournie à l'agent qui remet le billet d'avion. Cette information est fournie de toute façon. S'il y a une procédure supplémentaire, elle est à la charge des compagnies aériennes, comme la loi le précise. Ce sont les compagnies aériennes qui doivent fournir l'information. Elles sont tenues de fournir d'avance aux douanes l'information que leur donne le voyageur.
Le sénateur Di Nino: Je crois que je n'ai pas bien posé ma question. Aujourd'hui, quand quelqu'un arrive à Vancouver de Hong Kong, il franchit les douanes canadiennes et c'est tout. Cette personne peut ensuite se diriger vers les douanes américaines. Vous nous avez lu une liste de renseignements que l'agent des douanes américain a le droit de demander.
M. Preston: Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Cette information est fournie avant l'arrivée de l'avion. Supposons que le vol part de Tokyo. Le transporteur aérien et l'employé qui a émis le billet d'avion fournissent un certain nombre de renseignements. On sait si les billets ont été payés comptant. On connaît aussi, pour prendre un autre élément de la liste, la destination des voyageurs. Tout cela s'applique. Le transporteur a tous ces renseignements concernant les passagers à bord de l'avion et il les fournit d'avance.
L'avantage découle du fait que les agents de douanes peuvent examiner ces renseignements et dire: «Nous ne sommes pas intéressés à accueillir aucun de ces passagers.» Vous vous retrouvez alors dans les situations que certains ont décrites un peu plus tôt. Bien que le précontrôle soit effectué au Canada, dans certains cas, on laisse les avions poursuivre leur trajet. Très peu de questions sont posées, car les agents américains, tout comme les agents canadiens, ne tentent de repérer que les voyageurs à risque élevé. L'objectif consiste à admettre les gens qui, de toute évidence, présentent peu de risques.
Le sénateur Di Nino: Le projet de loi ne touche pas à cet aspect de la question. La procédure serait la même sans ce projet de loi.
M. Preston: Non, parce que le projet de loi prévoit que, dans le cadre du processus d'admission des voyageurs aux États-Unis, les transporteurs aériens doivent fournir ces renseignements aux autorités américaines. L'autre solution consisterait pour les voyageurs qui ne font que transiter par le Canada à se présenter non pas à la zone de précontrôle en transit, mais aux douanes du Canada. C'est ainsi que les choses se passent actuellement. Selon l'ancien système, les voyageurs se présentent aux douanes du Canada. Il y a donc un deuxième contrôle de ces gens à leur arrivée aux États-Unis.
Le président: Sénateur Di Nino, j'ai pensé à deux autres avantages, en plus de ceux que vous avez mentionnés. Vraisemblablement, le précontrôle des voyageurs et des marchandises à destination des États-Unis fera grimper le chiffre d'affaires des transporteurs aériens du Canada. De plus, Toronto devient au centre du continent un point d'entrée vers les États-Unis.
Le sénateur Di Nino: Quel sera l'avantage si les voyageurs ne font que transiter?
Le président: Il s'agit d'un grand aéroport, avec beaucoup de boutiques, mais nous n'aborderons pas cette question.
M. Preston: Ce seront les transporteurs qui profiteront des avantages. Le voyageur a le choix. Il peut prendre un avion américain et se rendre directement aux États-Unis ou il peut prendre un avion canadien et transiter par le Canada. Il choisira le trajet le plus direct ou le meilleur prix. Cela uniformise les règles du jeu.
Le sénateur Prud'homme: Je voudrais poser une question au sujet du précontrôle en transit. Qu'arrive-t-il si les Américains refusent de vous laisser entrer dans leur pays, pour une raison quelconque, même si vous ne faites que transiter par les États-Unis à destination de l'Amérique du Sud? Le sénateur Stollery sait à quel point il est difficile de se rendre en Amérique latine ou en Amérique du Sud à partir du Canada. Nous avons l'impression d'être des prisonniers. Donc, nous transitons par les États-Unis pour parvenir à la destination de notre choix. Supposons que, au poste de précontrôle de Montréal ou de Toronto, on vous refuse l'entrée aux États-Unis. Vous ne voulez que transiter par les États-Unis, non pas y séjourner.
M. Preston: Dès que vous atterrissez aux États-Unis, les Américains ont le droit de décider qui ils veulent accueillir chez eux, même parmi les voyageurs en transit. Prenons le cas des passagers à bord d'un vol direct vers Miami qui veulent se rendre en Amérique latine. La même chose s'applique. Les Américains peuvent leur refuser l'entrée dans leur pays.
Le président: Cela ne fait pas de différence dans un tel cas.
M. Preston: Cela ne fait pas de différence à quel niveau?
Le président: En d'autres mots, le précontrôle effectué à Montréal ou à Toronto ne comporte aucun inconvénient par rapport aux dispositions actuelles.
M. Preston: Non. En fait, pour répondre plus directement à la question, on vient de me dire que le salon de transit à Miami est doté d'une zone neutre, ce qui fait que les passagers peuvent se rendre en Amérique latine sans passer aux douanes américaines.
Le sénateur Robichaud: Vous ne passez pas aux douanes du tout.
Le sénateur Andreychuk: Oui, il le faut.
Le président: Honorables sénateurs, de toute évidence, nous ne pouvons obtenir des réponses à toutes nos questions ce soir. J'ai des noms pour la deuxième série de questions, mais, faute de temps, ces questions ne pourront être posées ce soir. Puis-je vous proposer de tenter d'obtenir copie du compte rendu de la séance d'aujourd'hui afin de pouvoir le consulter. J'ai l'impression que les témoins nous ont déjà fourni des réponses qui pourraient nous être utiles pour préparer la deuxième ronde de questions.
Pendant que les sénateurs questionnaient les témoins, il m'est venu à l'esprit un autre problème. Je me demandais si d'autres intervenants, autres que ceux qui étaient représentés aujourd'hui, voudraient venir nous livrer leur opinion sur ce projet de loi. Certains ont déjà communiqué avec nous, mais d'après ce que nous avons pu déterminer, ils veulent tous venir appuyer l'adoption du projet de loi sous sa forme actuelle. Si c'est le cas, je ne sais pas à quoi nous servirait de recueillir leur témoignage. J'essaierai de tirer les choses au clair, si tous les sénateurs sont d'accord. De toute évidence, si un témoin potentiel veut venir appuyer le projet, s'il n'a aucune réserve à formuler ni aucun amendement à proposer, je ne crois pas qu'il serait bien utile au comité de l'entendre.
Le sénateur Andreychuk: Il y a encore un point qui me préoccupe. Si les compagnies aériennes vendent des billets à l'étranger et les agents de voyage font valoir aux voyageurs qu'il leur est avantageux de transiter par Vancouver, parce qu'ils n'entrent pas vraiment au Canada, mais peuvent se présenter directement aux douanes américaines, alors, c'est avantageux. Toutefois, que leur arrivera-t-il et leur dira-t-on ce qui leur arrivera si on leur refuse l'entrée aux États-Unis? Les témoins qui sont présents peuvent-ils répondre à cette question? Ce n'est pas tellement que je veux soulever une question de droit ou m'opposer à ce projet de loi, mais il faut penser aux aspects pratiques de cette mesure législative. Si les témoins peuvent répondre à ma question, alors, à mon avis, nous n'avons pas besoin de recueillir d'autres témoignages.
Le président: Ces témoins reviendront devant le comité, car j'ai sur ma liste le nom de deux autres sénateurs qui veulent leur poser des questions, ainsi que vous, sénatrice Andreychuk.
Le sénateur Grafstein: Je tiens à corriger le témoin. Il a déclaré, en réponse à une question du sénateur Whelan, que la position concernant l'article 100 est attribuable aux dirigeants politiques américains.
M. Preston: N'ai-je pas parlé des dirigeants politiques des deux côtés de la frontière? Si je ne l'ai pas fait, je m'en excuse. C'est une omission incroyable. Votre troisième collègue à votre droite a beaucoup contribué au processus, à l'instar de plusieurs autres sénateurs, dont vous-mêmes.
Le sénateur Grafstein: Je tenais à préciser que le comité canado-américain s'est montré très proactif dans ce dossier. Ce comité est formé de sénateurs et de députés. Ils ont été proactifs lorsque le projet de loi a été présenté au Congrès américain et ont contribué, en grande partie, à convaincre les membres du Congrès américain de retarder l'adoption de cette mesure législative pendant un certain temps.
M. Preston: Je voulais surtout insister sur le fait que nous avions des alliés aux États-Unis plutôt que sur le fait que nous, au Canada, appuyions l'adoption du projet de loi. Vous avez raison de le mentionner.
Le président: Je dois expliquer où le sénateur Grafstein veut en venir. Il intervient au nom du groupe parlementaire Canada-États-Unis, dont il est un membre actif. Il veut nous faire comprendre que vous avez commis une erreur presque fatale en omettant de l'associer, lui et les autres Canadiens, au groupe de sénateurs américains et de membres de la Chambre des représentants.
M. Preston: Je m'en excuse.
Le président: Merci beaucoup. Nous vous ferons savoir lorsque nous aurons besoin de vous rencontrer de nouveau.
Honorables sénateurs, notre prochain témoin est M. Roland Dorsay, des Lignes aériennes Canadien International.
M. Dorsay, vous avez entendu les témoignages qui nous ont été livrés cet après-midi. Appuyez-vous le projet de loi sous sa forme actuelle?
M. Roland Dorsay, directeur, Affaires internationales et réglementaires, Lignes aériennes Canadien International Ltée: Oui, sénateur, les Lignes aériennes Canadien appuient sans réserve le projet de loi sous sa forme actuelle.
Le président: Avez-vous des arguments qui nous inciteraient davantage à adopter le projet de loi et à lui permettre de recevoir la sanction royale?
M. Dorsay: Je serais très heureux de prendre quelques instants pour aborder les aspects commerciaux du projet de loi. Certains ont déjà expliqué pourquoi ils tenaient à ce que ce projet de loi soit adopté.
Pour les Lignes aériennes Canadien International et toute l'industrie canadienne du transport aérien, le précontrôle et le précontrôle en transit revêtent une importante cruciale, car ils facilitent les déplacements vers les États-Unis. Plus les déplacements sont simples, plus de gens voyagent, ce qui fait croître les échanges commerciaux, les déplacements et les activités touristiques.
Le secteur du transport aérien subit de grandes transformations. Comme tous ceux qui lisent les journaux ou qui voyagent beaucoup le savent, nous devenons de plus en plus une entreprise mondiale, qui s'intéresse tout autant aux réseaux internationaux qu'au transport des passagers entre le Canada et les pays étrangers.
Par le passé, le précontrôle a toujours grandement nui au secteur canadien du transport aérien. Cela s'explique par le fait que le précontrôle, même s'il est très commode aux yeux des consommateurs qui se rendent aux États-Unis à partir du Canada, a d'une certaine façon miné la capacité des transporteurs aériens canadiens d'être plus actifs sur le très vaste marché américain au sud de notre frontière. Le précontrôle en transit abolit cet obstacle.
Pour bien situer le contexte, disons que le transport aérien international assuré par les entreprises canadiennes représente environ 1,5 p. 100 du marché global, tandis que le transport aérien international assuré par les Américains représente environ 30 p. 100 du marché mondial. Le précontrôle en transit permet aux transporteurs canadiens d'aller chercher une plus grande part de ce marché. Les nouvelles dispositions nous offrent un avantage remarquable, car nous pourrons profiter de la procédure simplifiée qui découle du précontrôle en transit.
Le sénateur Robichaud: Cela signifie-t-il que les Canadiens pourront profiter de tarifs réduits?
M. Dorsay: D'une certaine façon, oui. Le secteur du transport aérien est une industrie de capital. Les aéroports et les avions coûtent cher. Le coût unitaire des aéroports et des appareils diminue lorsque le nombre de voyageurs augmente. Plus il y a de gens qui utilisent vos installations, moins le coût unitaire pour les passagers et pour l'industrie est élevé. Si le nombre de passagers sur les vols internationaux augmente de 20 à 40 p.100 à cause de la participation au marché américain, le coût unitiare baisse.
Le président: Avez-vous entendu des réserves au sujet de ce projet de loi?
M. Dorsay: Pas du tout, sénateur, certainement pas au sein du secteur canadien du transport aérien, où le projet de loi est très populaire.
Le sénateur Grafstein: L'Association du Barreau canadien a-t-elle examiné cette mesure législative? En général, tout projet de loi qui a des répercussions juridiques est examiné attentivement par le Barreau et par le sous-comité compétent du Barreau. Ce n'est pas le cas ici. Il me semble tout à coup que c'est une précaution que nous devrions prendre. Le Barreau a-t-il été consulté?
Le président: J'imagine que vous n'adressez pas votre question à M. Dorsay, mais au témoin précédent que j'ai déjà remercié pour sa participation.
M. Dorsay: En bref, je ne sais pas.
Le sénateur Whelan: Le sénateur Prud'homme a mentionné les vols directs. Les Lignes Canadien International offrent-elles des vols directs vers des pays de l'Amérique du Sud?
M. Dorsay: Nous offrons des vols quotidiens vers le Brésil et ces services s'étendent jusqu'en Argentine. Nous avons aussi des partages de code avec Santiago, au Chili.
Le sénateur Whelan: La publicité ne fait jamais de tort.
Le sénateur Andreychuk: Ces nouvelles dispositions vous obligeront-elles à modifier vos procédures? Vous pourrez dire aux voyageurs qu'ils seront en sol canadien, mais n'auront pas à se présenter aux services canadiens d'immigration. Toutefois, s'ils ne peuvent poursuivre leur voyage, pourront-ils faire une demande d'immigration au Canada?
M. Dorsay: Nous avons déjà apporté un certain nombre de modifications à nos procédures, mais pas exactement dans ce sens.
À tous nos comptoirs d'enregistrement à l'étranger, nous avons affiché des avis dans plusieurs langues -- en anglais, en français et dans la langue locale -- pour informer les voyageurs de la procédure de précontrôle en transit et des mesures que nous nous attendons qu'ils prennent. Nous les avisons qu'ils ne sont pas obligés de suivre cette procédure.
Le sénateur Andreychuk: Ferez-vous de la publicité pour annoncer ce nouveau service, que la plupart des gens désirent obtenir? Ils veulent tous un contrôle rapide, mais il y a un inconvénient, car s'ils se voient refuser l'entrée aux États-Unis, ils ne sauront pas ce qui les attend. Leur direz-vous à quoi ils doivent s'attendre? Certains voyageurs devront subir deux contrôles.
M. Dorsay: Certaines personnes devront peut-être subir deux contrôles, mais pour l'instant, tous ceux qui se rendent aux États-Unis en transitant par le Canada subissent deux contrôles. Pour certains, la procédure demeurera inchangée. Pour la vaste majorité, elle sera simplifiée.
Le sénateur Andreychuk: Le consommateur a le droit de connaître les répercussions de cette procédure. Ces répercussions seront-elles clairement expliquées?
M. Dorsay: Je crois qu'elles le sont sur les avis affichés à tous nos comptoirs à l'étranger.
Le sénateur Andreychuk: Vous préciserez très clairement que, si les voyageurs sont refoulés par les agents de douanes américains, ils devront s'astreindre aux lois canadiennes en matière de douanes et d'immigration?
M. Dorsay: Oui, je crois que c'est ce qui figure sur les affiches.
Le sénateur Robichaud: Quelles répercussions aura une zone neutre pour les passagers en transit sur vos opérations? Les mêmes que le précontrôle?
M. Dorsay: Une zone neutre pour les passagers en transit est essentiellement un endroit où les voyageurs qui transitent par le Canada peuvent attendre leur vol de correspondance. Comme bien d'autres services en transit offert dans d'autres aéroports internationaux, cette zone permet aux passagers d'acheter des produits exempts de droits de douane et peut-être de prendre une douche et de se détendre avant de prendre l'avion. C'est simplement un service qui leur est offert.
Le sénateur Robichaud: Le précontrôle en transit n'encouragera-t-il pas aussi les Américains à utiliser les services de votre compagnie aérienne?
M. Dorsay: Absolument. Le précontrôle en transit plaira grandement à de nombreux Canadiens qui pourront se rendre dans un tiers pays en passant par le Canada, mais également à un très grand nombre d'Américains qui partent de villes qui ne sont pas dotées d'un aéroport international. Si vous vivez, par exemple, à Buffalo, il est tout aussi facile de voyager en passant par l'étranger, disons par Toronto, qu'en passant par Chicago; en fait, c'est souvent plus pratique, car les aéroports américains ont tendance à être plus congestionnés que les aéroports canadiens.
Dans le cas des voyages d'entrée, de nombreux voyageurs trouveront beaucoup plus pratique de subir l'inspection américaine au Canada qu'aux États-Unis. Si vous êtes déjà entré aux États-Unis par l'un de leurs grands aéroports, comme ceux de Los Angeles, de Miami, de New York ou de Chicago, vous savez que les files devant les comptoirs des agents de douanes sont beaucoup plus longues qu'au Canada.
Le président: Merci beaucoup, Monsieur Dorsay.
Honorables sénateurs, je propose de lever la séance. Nous informerons les témoins du gouvernement de la date à laquelle nous aurons besoin de les rencontrer de nouveau. Je tenterai de déterminer si la position des autres personnes qui veulent venir témoigner est sensiblement la même que celle que vient d'énoncer M. Dorsay. Si c'est le cas, je ne vois pas à quoi servirait de demander à des gens de Vancouver, par exemple, de se déplacer pour venir nous rencontrer.
Le sénateur Whelan: Vous devriez leur demander de vous envoyer une lettre.
Le président: Le sénateur Whelan suggère que je leur demande de m'envoyer une lettre dans laquelle ils expliqueraient leur position. C'est une bonne idée. C'est ce que fera le comité.
La séance est levée.