Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 15 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 18 février 1998
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 heures, dans le but d'examiner le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les douanes et le Code criminel.
Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, nous allons entendre cet après-midi des représentants de Revenu Canada.
Vous avez la parole.
M. Paul Girard, directeur général intérimaire, Direction de la contrebande et des services de renseignements, Direction générale des douanes et de l'administration des politiques commerciales, Revenu Canada: Honorables sénateurs, Mme Tracy et moi avons participé à toutes les étapes de l'élaboration de ce projet de loi, et c'est pour cette raison que nous comparaissons devant vous aujourd'hui. Nous aimerions vous parler de l'importance que revêt ce projet de loi pour les Canadiens et les agents des douanes. Nous répondrons ensuite avec plaisir à vos questions.
Ce projet de loi constitue une des initiatives les plus importantes qu'ait entrepris le ministère depuis de nombreuses années. Il vise à combler le sérieux vide qui existe en matière d'application des lois pénales à la frontière.
À l'heure actuelle, les agents des douanes ne peuvent intervenir à la frontière dans le cas d'infractions criminelles graves, comme la conduite avec facultés affaiblies et l'enlèvement d'enfants. Quand je dis «à la frontière, je parle de la frontière canadienne, que se soient les postes frontaliers ou les aéroports, soit le premier point d'entrée.
[Français]
Même si nous pouvons féliciter les agents de leur succès dans l'aide qu'ils accordent à la police à cet égard, leurs efforts sont sérieusement limités en raison du manque d'autorisation législatif. Le projet de loi C-18 leur procurera l'outil législatif dont ils ont besoin pour contribuer pleinement au mandat de protection du ministère, un rôle que nous prenons très au sérieux.
Les mesures législatives proposées permettront aux agents de détenir et, au besoin, d'arrêter des personnes soupçonnées d'avoir commis ou en train de commettre une infraction criminelle.
[Traduction]
Dans le cas des personnes soupçonnées de conduite avec facultés affaiblies, par exemple -- une infraction qui préoccupe beaucoup les Canadiens -- le projet de loi autorisera les agents des douanes à détenir ces personnes et à faire un prélèvement d'haleine au moyen d'un petit appareil de détection. Il ne s'agit pas d'un alcootest qui, lui, continuera d'être administré par des techniciens qualifiés. Les personnes ayant un taux élevé d'alcool dans le sang seront détenues et confiées à la police.
Le projet de loi permettra également aux agents des douanes d'arrêter les personnes qui font l'objet d'un mandat et de les livrer aux autorités policières qui poursuivront l'enquête et intenteront des poursuites.
[Français]
Nous devons préciser que cette initiative ne cherche pas à faire des policiers de nos agents. Elle veut simplement leur offrir la possibilité d'aider davantage la police en leur accordant des pouvoirs d'intervention immédiate lorsqu'ils découvrent des infractions criminelles dans l'exercice de leur fonction douanière habituelle.
[Traduction]
Les agents des douanes possèdent déjà le pouvoir d'arrêter des personnes pour des infractions à la Loi sur les douanes. Le projet de loi étend ce pouvoir aux infractions touchant les autres lois fédérales. Cette mesure vise, comme je l'ai déjà mentionné, à combler un vide sérieux à la frontière. Nous n'avons pas le pouvoir de détenir les conducteurs aux facultés affaiblies; nous n'avons pas le pouvoir de détenir les personnes en possession de biens volés -- habituellement le véhicule dans lequel elles se trouvent --, qui sont soupçonnées d'enlèvement d'enfants ou qui font l'objet d'un mandat d'arrestation. Tout ce que nous pouvons faire pour l'instant, c'est de les laisser aller.
Le projet de loi exigera beaucoup de préparation, la santé et la sécurité de tous nos agents étant extrêmement importantes. Avant d'assumer ce nouveau rôle, les agents suivront des cours d'autodéfense et recevront une formation sur le recours à la force. Le ministère s'est engagé, en outre, à former les agents désignés pour qu'ils puissent identifier les infractions au Code criminel et aux autres lois connexes.
Une période de mise en oeuvre suivra la santion royale et la proclamation, par les deux chambres, du projet de loi. Cette période nous permettra de vérifier que les agents possèdent tous les outils voulus pour appliquer les nouvelles mesures.
Au cours des prochains mois, le ministère veillera également à doter les postes de douane de cellules adéquates pour que les suspects puissent être détenus en toute sécurité loin du grand public. Je ne cherche pas à être alarmiste. La plupart de nos postes sont déjà équipés de cellules puisque nos agents possèdent déjà un pouvoir d'arrestation. Toutefois, nous devons faire en sorte que tous les postes de douane à l'échelle nationale soient dotés de cellules. Comme nous ne pouvons pas toujours choisir l'endroit où ces personnes peuvent entrer au Canada, nous devons nous préparer en conséquence.
Revenu Canada est conscient de l'importance de cette initiative et de son impact sur le public canadien. Il nous tarde d'aller de l'avant avec ce projet de loi pour que nous puissions faire de notre pays un endroit plus sûr où vivre.
Je tiens à vous dire que ces modifications sont le résultat d'un mouvement qui part de la base. Les agents des douanes se sentaient frustrés du fait qu'ils étaient obligés de laisser aller des conducteurs aux facultés affaiblies. Tout ce qu'ils pouvaient faire, c'était d'essayer de les convaincre d'entrer dans leur bureau, de boire un café et d'attendre quelques heures. Si la personne refusait, ils n'avaient d'autre choix que de la laisser aller.
Au cours des dernières années, les agents des douanes se sont mobilisés et ont vigoureusement appuyé les efforts déployés par le ministère dans ce dossier. Nous tenons compte des incidents qui se produisent et qui illustrent la gravité du problème. Ces incidents se comptent par milliers.
Mme Maureen Tracy, directrice intérimaire, Division de l'élaboration des politiques, Direction de la contrebande et des services de renseignements, Direction générale des douanes et de l'administration des politiques commerciales, Revenu Canada: Honorables sénateurs, avant de vous expliquer les divers articles du projet de loi, j'aimerais revenir à ce que M. Girard a dit au sujet des pouvoirs que détiennent les agents des douanes.
À l'heure actuelle, les agents des douanes agissent comme des «agents de la paix» au sens de la définition du Code criminel. Toutefois, ils peuvent uniquement exercer leurs fonctions d'agent de la paix dans le cas d'infractions à la Loi sur les douanes, comme la contrebande, la sous-évaluation des biens importés et les infractions touchant l'importation et l'exportation de marchandises.
Ce projet de loi, qui est très succinct, ne renferme qu'une seule disposition de fond. Je vais d'abord commencer par vous décrire la nature de celle-ci.
Cette disposition vise à fournir aux agents des douanes désignés le pouvoir d'arrêter et de détenir des personnes qui ont commis une infraction au Code criminel et à d'autres lois fédérales. Ce pouvoir ne se limiterait plus aux infractions à la Loi sur les douanes, mais s'appliquerait à toute infraction commise en vertu d'une loi fédérale.
Cette disposition donne également aux agents le pouvoir d'ordonner à une personne de fournir des échantillons d'haleine ou de sang s'ils la soupçonnent de conduite avec facultés affaiblies. Il s'agit-là d'un facteur important, puisque les agents seraient autorisés à ordonner à une personne de fournir des échantillons d'haleine et de lui faire subir ce que nous appelons un test de dépistage. Il ne s'agit pas d'un alcotest. Celui-ci continuerait d'être administré par les autorités policières. Il s'agit d'un test pour déterminer si la personne devrait ou non subir un alcotest.
Le projet de loi précise également que l'agent des douanes qui arrête une personne doit confier la garde de celle-ci à la police dès que cela est possible. Autrement dit, les agents des douanes ne seraient pas chargés de poursuivre l'enquête et d'intenter des poursuites. C'est ce que nous appelons une intervention immédiate: les agents des douanes prendraient les mesures qui s'imposent pour empêcher une personne de commettre un crime ou pour assurer la sécurité des citoyens, et confieraient ensuite le suspect à la police.
Pour ce qui est des agents désignés, ce ne sont pas tous les agents des douanes qui s'occupent des personnes qui essaient d'entrer au Canada. Certains agents sont affectés à des bureaux où ils s'occupent du traitement des déclarations douanières après coup. D'autres travaillent dans des bureaux de poste où ils ont pour tâche d'examiner les colis qui entrent au pays et d'imposer les droits requis.
Comme les pouvoirs d'application devraient uniquement être attribués aux personnes qui occupent des postes où l'exercice de tels pouvoirs s'impose, nous avons cru bon de préciser dans le projet de loi que le ministre pourrait désigner les agents des douanes qui auraient le pouvoir d'exercer cette fonction. Seuls les agents qui sont en contact avec les personnes qui essaient d'entrer au Canada seraient désignés.
Nous croyons, après avoir fait un calcul rapide, que cela représente environ deux tiers des 3 500 agents des douanes que l'on compte au pays. Cela ne comprend pas les agents qui s'occupent uniquement du contrôle des marchandises.
M. Girard: J'ajouterais que Revenu Canada serait obligé de fournir aux agents désignés la formation et le matériel requis pour qu'ils puissent assurer leur sécurité et celle des Canadiens, aux fins d'application du projet de loi. Il ne suffit pas seulement de désigner l'agent qui sera affecté aux premières lignes. Il faut aussi le former, l'équiper.
La présidente: Est-ce que cette formation s'ajouterait à celle qu'ils reçoivent déjà?
M. Girard: Oui. En toute justice, les agents reçoivent déjà une formation d'agent de la paix. Cette formation-ci serait plus poussée et leur permettrait d'intervenir dans le cas d'infractions précises.
La présidente: Comment cette formation plus poussée sera-t-elle financée?
M. Girard: Elle sera financée à l'interne, par le ministère. Nous avons effectué quelques calculs à cet égard. Le programme de formation coûterait, au début, jusqu'à 5,5 millions de dollars. Cela comprend les installations et la formation des agents. Nous avons un budget de plus de 2 milliards de dollars et nous croyons être en mesure de financer ce programme à l'interne par la gestion de caisse et en redéfinissant nos priorités au besoin.
Le sénateur Gigantès: Je présume que, dans le cadre de leur formation, les agents vont apprendre à manipuler correctement les éléments de preuve pour qu'ils demeurent admissibles devant un tribunal et à effectuer une arrestation dans les règles?
M. Girard: Oui. Nos agents reçoivent actuellement une formation dans ces deux domaines précis. Cette formation plus poussée leur permettra d'apprendre, dans le cas des infractions précises que nous mentionnons, à bien manipuler les éléments de preuve.
[Français]
Le sénateur Pépin: Vous avez mentionné, entre autres, que chaque poste des douanes devait avoir des cellules parce que dorénavant, les agents auront le droit de détenir les contrevenants. Cela me fait sourire un peu et je voudrais que vous m'expliquiez: vous avez dit qu'il va falloir donner cette possibilité à tous les postes des douanes. Lorsque l'on va aux États-Unis pendant des journées d'affluence comme les fins de semaine, plusieurs d'entre nous qui y allons régulièrement connaissons les petits postes où nous traversons au lieu de passer dans les postes importants. On passe par une petite route secondaire où il y a plusieurs postes qui nous dédouanent. On n'est pas les seuls à les utiliser, plusieurs contrevenants les utilisent également. Comme pensez-vous vous organiser? Est-ce que ce seront des postes avec un minimum de gens qui utilisent ce poste ou est-ce que tout le monde est mis sur le même pied?
M. Girard: Les cellules sont pour les terroristes ou les criminels. Nous avons découvert que les criminels et les terroristes utilisent les postes majeurs, pas nécessairement les petits postes à la frontière. S'il est nécessaire, nous auront des cellules à chacun de nos postes, mais nous avons aussi pris des arrangements avec les policiers locaux pour un service expéditif dans de telles situations qui, selon nos études, sont extrêmement rares.
Nos statistiques indiquent que les petits postes n'ont pas beaucoup d'incidents. Ce sont les postes comme Windsor, Lacolle ou des postes plus importants qui ont les plus importants.
Le sénateur Pépin: J'aurais pensé le contraire. Les agents des douanes sont-ils d'accord avec le projet de loi? Est-ce qu'ils ont été impliqués dans l'élaboration du projet de loi?
M. Girard: Oui, depuis le début, lorsque M. Gray était solliciteur général, il y a peut-être dix ans, nous avons rencontré dans un magasin Tim Horton's, à Windsor, quelques agents des douanes pour une discussion à ce sujet.
Le sénateur Pépin: Il semble y avoir une bonne collaboration entre les agents et les policiers. Vous avez expliqué qu'on confère de nouveaux droits aux agents des douanes. Ils vont appréhender les contrevenants et ils vont les remettre aux policiers. Est-ce que l'élaboration de ce projet s'est bien faite?
M. Girard: Les policiers sont d'accord avec ce projet, plus particulièrement ceux de Windsor, par exemple ainsi que la GRC qui s'occupe des aéroports. Les policiers à travers le Canada sont complètement d'accord. C'est plus facile pour eux d'avoir une première réponse des agents des douanes et de détenir les suspects ou les criminels jusqu'à l'arrivée des policiers. C'est plus efficace. Il est plus difficile de trouver un criminel après qu'il soit déjà parti. Il est plus facile pour les policiers d'avoir une réponse à la frontière.
Le sénateur Pépin: Comment vont fonctionner les agents des douanes qui s'occupent des marchandises contrairement à ceux qui s'occupent des gens qui passent aux postes des douanes? S'ils inspectent des marchandises, il n'y a peut-être pas un contrevenant à arrêter. Je ne comprends pas quel sera leur travail. Cela sera-t-il différent?
M. Girard: À l'intérieur, par exemple, ou dans une case postale?
Le sénateur Pépin: Ceux qui inspectent les marchandises, en quoi va consister leur travail? Comment peuvent-ils arrêter des gens?
M. Girard: Aujourd'hui, quand on trouve un paquet ou un colis avec de la drogue, par exemple, nous avons le pouvoir de saisir ces drogues. Nous téléphonons à la GRC pour les informer que nous avons trouvé de la drogue dans un paquet ou un colis, au bureau de poste ou dans un container marin. Pour les drogues, c'est la GRC. De temps en temps, nous trouvons des fausses cartes de crédit. Nous aurons le pouvoir de saisir ces cartes et d'appeler la GRC en même temps.
Mais il n'est pas nécessaire d'être agent de la paix pour pouvoir téléphoner à la GRC dans une situation comme cela. Les agents désignés seront à la frontière et les autres agents fonctionneront comme toujours.
Le sénateur Pépin: Vous avez expliqué tantôt que vous aviez un budget destiné à l'entraînement.
M. Girard: Oui.
Le sénateur Pépin: Cela va prendre combien de temps entre la promulgation de la loi et sa mise en application?
M. Girard:Entre six ou neuf mois.
Le sénateur Pépin: À travers le Canada?
M. Girard: Oui.
[Traduction]
La présidente: Tout va se faire en même temps, à travers le Canada?
M. Girard: C'est l'objectif que nous visons. Nous devons cependant faire preuve de souplesse. S'il existe des problèmes particuliers dans un endroit comme Windsor, où en raison du casino le flot de circulation est très intense la fin de semaine, nous pouvons, après une évaluation réaliste de la situation, décider de procéder par étapes. Nous savons qu'il y a des problèmes dans de nombreuses régions.
Je suggérerais en fait que, dès la proclamation du projet de loi, chaque bureau d'inspection primaire à la frontière applique les règles du programme RIDE. Ainsi, chaque personne saurait que, dès qu'elle franchit la frontière, elle pourrait être obligée de fournir un échantillon d'haleine.
Nous croyons que les incidents à la frontière vont, avec le temps, diminuer au point de disparaître. Les gens vont le savoir tout de suite. Je ne fais pas qu'émettre une simple. Il y a des corps policiers qui ont appliqué le programme RIDE à la frontière et les conducteurs ont été obligés de faire marche arrière.
Le sénateur Rossiter: Quelles répercussions la qualité d'agent désigné aurait-elle sur la classification d'un employé?
M. Girard: Nous sommes arrivés à la conclusion, après avoir examiné la question, qu'il n'y aurait aucune répercussion. Comme nous l'avons déjà mentionné, il s'agit ici de l'élargissement d'un pouvoir existant. On ne remarquera pratiquement aucune différence au niveau du système de classification du gouvernement fédéral. La désignation n'aura aucune répercussion sur la classification ou la rémunération des agents.
Le sénateur Rossiter: J'ai déjà traversé la frontière à des petits postes frontaliers entre le Nouveau-Brunswick et le Maine. Est-ce que ces postes existent toujours?
M. Girard: Oui, ils sont parfois ouverts huit heures par jour.
Le sénateur Rossiter: Est-ce que le trafic va augmenter à ces endroits?
M. Girard: Nous allons certainement surveiller la situation de près. Nous savons qu'il peut y avoir une augmentation du trafic. Il y a des gens qui essaient de passer des marchandises en contrebande. Nous avons en place des mécanismes, et je ne suis pas toujours prêt à les décrire en public, qui nous permettent de déterminer s'il y a des changements dans le débit de circulation. Nous pouvons utiliser ces mêmes mécanismes pour voir si les nouvelles mesures n'entraînent pas de changements. Nous pouvons aussi augmenter le nombre d'agents aux postes frontaliers et intervenir s'il y a un problème particulier. Nous évaluons constamment les risques.
Nos interventions sont souvent directement guidées par ces évaluations. Nous voulons instituer des contrôles frontaliers efficaces et efficients pour bien protéger les Canadiens.
Si des choses étranges se produisent à d'autres postes frontaliers -- par exemple, si le nombre de voitures qui traversent tous les jours la frontière passe de 8 à 16 -- nous allons analyser la situation pour voir si elle résulte de ce projet de loi.
Il nous arrive, à l'occasion, de changer les heures d'ouverture d'un poste ou d'accroître le nombre d'agents affectés à cet endroit pour éviter que des éléments indésirables ne passent la frontière. Nous faisons cela pour déjouer les gens. Nous effectuons parfois des inspections plus poussées pendant une certaine période pour voir s'il y a ou non un problème. Nous sommes très conscients de la situation qui existe dans les petits postes frontières. Nous allons pouvoir, grâce à ce projet de loi, renforcer nos procédés, procédures et évaluations des risques pour prévenir la contrebande de produits du tabac, de boissons alcoolisées et de personnes. Nous modifions notre approche, sans la changer complètement. C'est comme si, en plus de fabriquer des bicyclettes, nous décidions aussi de fabriquer des tricycles.
Le sénateur Rossiter: Ce sont les conducteurs aux facultés affaiblies qui semblent poser le plus de problèmes, n'est-ce pas?
M. Girard: Oui.
Le sénateur Rossiter: Est-ce que ces mesures ont également été prises en réponse aux préoccupations formulées par les forces policières provinciales?
M. Girard: C'est une situation qui les préoccupe. Elles déplorent le fait que nous communiquions avec elles après que le conducteur a quitté le poste frontière. Il ne serait pas juste de dire que ces mesures ont été adoptées uniquement à la demande des forces policières provinciales. Toutefois, elles appuient notre démarche.
Le sénateur Watt: Est-ce que les mesures prévues dans ce projet de loi s'appliqueraient également dans les aéroports?
M. Girard: Oui.
Le sénateur Watt: Certaines personnes font l'objet d'une vérification, d'autres non. Y aura-t-il des changements à ce niveau?
M. Girard: Aucun.
Le sénateur Watt: Les mêmes règles seront appliquées à la frontière?
M. Girard: Oui. Les agents à la frontière font face à deux types de situations. Je parle ici des conducteurs aux facultés affaiblies et des personnes en possession de biens volés. Les cas d'enlèvements d'enfants sont moins évidents, mais nos agents sont en mesure de repérer ces situations grâce à la formation qu'ils ont reçue. Ils peuvent aussi vérifier les mandats d'arrestation grâce à un terminal informatique qui est installé dans le bureau d'inspection primaire.
Dans les aéroports, les agents font surtout face à des cas présumés d'enlèvements d'enfants et à des cas de personnes faisant l'objet de mandats d'arrêt. On ne signale aucun cas de conducteur soupçonné de conduite avec facultés affaiblies, sauf s'il s'agit d'un pilote et nous ne voudrions pas être aux prises avec une telle situation.
Au cours des 10 dernières années, nous avons remis plus de 550 enfants à leurs parents gardiens, grâce à la collaboration d'autres ministères comme les Affaires étrangères, le Commerce international, l'Immigration et la GRC.
La présidente: Donc, vous exercez déjà cette fonction à la frontière?
M. Girard: Oui.
Mme Tracy: Pour l'instant, comme l'a dit M. Girard, nous collaborons avec le ministère de l'Immigration et la GRC. Nous échangeons des renseignements avec eux. Nous communiquons et travaillons en étroite collaboration avec eux. Ce nouveau projet de loi va nous permettre d'intervenir immédiatement au lieu d'être obligés de transmettre l'information à la police, ou aux agents d'immigration dans le cas de non-résidents. Cela va simplifier et accroître notre efficacité.
Le sénateur Watt: Ma dernière question porte sur les produits du tabac et les boissons alcoolisées. Comme vous le savez, les Premières nations, surtout les Mohawks, font la contrebande de ces produits. Est-ce que ces mesures vont vous aider à capturer ces gens, ou est-ce qu'ils vont tout simplement changer de tactique?
M. Girard: Ce projet de loi ne vise pas à s'attaquer à ces problèmes. Nous possédons actuellement tous les pouvoirs dont nous avons besoin. Si nous décelons un cas de contrebande de cigarettes par exemple, nous unissons nos efforts, nous intervenons directement de concert avec les forces policières provinciales ou la GRC, au besoin, en vertu de la Loi sur les douanes.
Le sénateur Watt: Pourquoi ces pouvoirs n'ont-ils jamais été exercés contre les Premières nations?
M. Girard: Cornwall est une des régions les plus difficiles. Nous avons effectué de nombreuses saisies à cet endroit. Nos interventions ont été fort productives. Si Revenu Canada le voulait bien, nous pourrions ouvrir un des plus grands parcs de voitures usagées au pays parce que nous saisissons également les véhicules lorsque nous arrêtons les contrebandiers. Nous exerçons également un contrôle sur la circulation des marchandises.
Vous devez essayer de comprendre pourquoi je reste évasif. Je ne cherche pas à éluder vos questions. Nous exerçons un contrôle sur la circulation des produits, leur destination, leur provenance. Même si nous ne prenons aucune mesure quand les gens s'attendent à ce que nous agissions, des mesures finissent pas être prises, peut-être dans un endroit très inattendu, dans le but de saisir les produits que vous avez mentionnés.
Le sénateur Lewis: Le paragraphe 163.5(3) précise que l'agent des douanes désigné qui arrête une personne peut la détenir jusqu'à ce qu'elle soit confiée à la garde d'un agent de la paix. On n'indique pas dans cette disposition -- on le dit peut-être ailleurs, comme dans le code -- pendant combien de temps la personne peut être détenue. Autrement dit, si l'agent désigné arrête une personne et n'arrive pas à trouver un agent de la paix qui peut la prendre en charge ou qui accepte de le faire, l'accusé pourrait être détenu pendant une période indéterminée.
M. Girard: L'objectif ici, sénateur, n'est pas de garder des personnes en détention pendant une période indéterminée, mais d'agir rapidement et avec efficacité, conformément aux ententes conclues avec les forces policières travaillant à proximité du poste frontière.
En ce qui concerne les conducteurs aux facultés affaiblies, par exemple, le test de dépistage, le test préliminaire, prend environ une dizaine de minutes. L'administration de l'alcootest Borkenstein prend deux heures environ, en supposant que la police arrive rapidement sur les lieux. Nous avons hésité à inclure dans le projet de loi les mots «aussitôt que possible» ou «aussitôt que raisonnablement possible». Cependant, dans ce cas-ci, la protection accordée par la Charte est telle que nous ne pourrions pas détenir une personne pendant une période déraisonnable.
Les gens auxquels nous sommes confrontés ici constituent une menace à la société, parce qu'elles ont les facultés affaiblies, qu'elles ont enlevé des enfants, qu'elles font l'objet d'un mandat d'arrêt, qu'elles sont en possession de biens volés ou qu'elles commettent des actes de terrorisme. Nous voulons intervenir le plus rapidement possible, comme veulent le faire les forces policières locales. Le projet de loi ne fixe aucun délai, mais les jugements rendus en vertu du droit pénal et de la Charte indiquent que ces personnes devraient être confiées à la garde de la police le plus tôt possible.
Le sénateur Lewis: Je crois qu'il y a une disposition dans une autre loi, peut-être dans le code, qui dit qu'une personne détenue doit comparaître devant un juge avant un certain délai. Je me demande pourquoi vous n'avez pas inclus cette précision ici, parce que le projet de loi me donne l'impression que cette personne pourrait être détenue pendant une période indéterminée. Le paragraphe 503 précise que l'agent de la paix qui arrête une personne la fait mettre sous garde et, conformément aux dispositions suivantes, la fait conduire devant un juge de paix pour qu'elle soit traitée selon la loi.
Ces «dispositions suivantes» ne figurent pas ici. J'ai l'impression qu'il manque quelque chose, mais vous vous êtes peut-être déjà entendus avec les forces policières locales.
M. Girard: Vous avez raison, sénateur. Je voudrais revenir à une question qu'a posée plus tôt le sénateur Gigantès. Il faut assurer une certaine continuité. L'agent des douanes, qui exerce ses pouvoirs en vertu du Code criminel, intervient d'abord et confie ensuite la garde de la personne à la police. C'est elle qui doit conduire la personne devant un juge de paix dans le délai prévu.
Dans l'ensemble, les interventions de l'agent des douanes et de la police doivent se faire selon les dispositions du code, comme vous l'avez mentionné. Ils doivent collaborer ensemble.
Le sénateur Lewis: Je comprends l'objectif que vous visez et je ne m'y oppose pas, mais je me demande s'il ne manque pas ici un élément. Je suppose que la personne, une fois confiée à la police locale, est soumise aux règles provinciales sur l'administration de la justice. Toutefois, s'il y a cafouillage, la personne pourrait être détenue pendant une période indéterminée, et le projet de loi ne précise aucunement la marche à suivre dans un cas comme celui-là.
M. Girard: J'imagine que, d'abord, au moment d'être arrêtée ou placée en détention, la personne serait informée de ses droits en vertu de la Charte, et du fait qu'elle peut retenir les services d'un avocat. Je suis certain qu'un avocat bien avisé s'empresserait d'obtenir un bref d'habeas corpus pour que la personne soit remise en liberté ou conduite devant un juge de paix.
Le sénateur Lewis: On impose le fardeau de la preuve au prévenu, alors qu'il devrait plutôt être imposé à l'agent procédant à l'arrestation. Je regrette de ne pas avoir les dispositions du code qui traitent de cette question, parce qu'on y trouverait peut-être la solution à ce problème.
Mme Tracy: Si je puis me permettre, à l'heure actuelle, l'agent de la paix qui procède à une arrestation en vertu de l'article 495 du Code criminel, la disposition qui confierait un pouvoir d'arrestation aux agents des douanes, doit, en vertu de l'article 503 du code, conduire cette personne devant un juge de la paix le plus tôt possible et dans les 24 heures qui suivent son arrestation. La personne serait arrêtée et ensuite conduite devant un juge de paix par la police dans un délai de 24 heures, ou le plus tôt possible.
Nous aurions les pouvoirs et les obligations qui vont de pair avec ces pouvoirs, ce qui fait que la personne serait conduite devant un juge de paix dans un délai de 24 heures.
Le sénateur Lewis: Oui, mais ce n'est pas l'agent des douanes qui serait chargé de cette responsabilité en vertu du projet de loi, puisque ce dernier laisse entendre que l'agent des douanes peut garder la personne en détention.
Mme Tracy: Je pourrais peut-être lire une partie du paragraphe 503(1):
Un agent de la paix qui arrête une personne avec ou sans mandat, auquel une personne est livrée en conformité avec le paragraphe 494(3) [...] la fait mettre sous garde et, conformément aux dispositions suivantes, la fait conduire devant un juge de paix...
Le sénateur Lewis: Il est question dans ce paragraphe d'un agent de la paix, pas d'un agent des douanes.
Mme Tracy: Le projet de loi comporte une modification corrélative que j'aurais dû expliquer à la fin. Il s'agit d'une modification qui vise à inclure, à l'article 503 du Code criminel, un agent de la paix ou un agent des douanes désigné.
Le sénateur Lewis: Très bien. Cela répond à ma question.
Le sénateur Rossiter: Quand commence le délai de 24 heures? Est-ce dès que la personne est confiée au policier de la sûreté provinciale, à l'agent de la GRC ou à l'agent des douanes désigné?
M. Girard: Dès que la personne est arrêtée.
Le sénateur Watt: Puisque ce sont les agents des douanes qui vont détenir une personne pendant une période indéterminée, comme l'a dit le sénateur Lewis, quand la personne sera-t-elle informée de ses droits? Est-ce l'agent des douanes qui se chargera de cette tâche ou le policier?
M. Girard: Les agents des douanes procèdent à des arrestations et informent les personnes de leurs droits. Ils vont continuer de le faire. Ils y sont obligés et ils vont continuer de le faire dès le moment de l'arrestation.
Le sénateur Watt: Est-ce un nouveau pouvoir qu'on leur confie?
M. Girard: Le pouvoir d'arrestation dans le cas d'infractions au Code criminel est tout à fait nouveau.
Le sénateur Watt: Sans mandat?
M. Girard: Sans mandat. À l'heure actuelle, il y a des agents des douanes qui arrêtent des personnes sans mandat pour actes de terrorisme, trafic de stupéfiants, infractions relatives aux armes, des activités criminelles plus graves que ces autres types d'infractions si nous devions débattre de la question. Je ne veux pas sous-estimer ou surestimer l'objet du projet de loi, mais nous cherchons à combler un vide à la frontière. Nous voyons des conducteurs aux facultés affaiblies, des personnes accompagnées d'enfants que nous soupçonnons de faire l'objet d'un mandat d'arrêt, ou encore des personnes qui ne sont manifestement pas les propriétaires du véhicule qu'elles conduisent. Quand vous voyez une personne peu soignée au volant d'une Mercedes Benz, vous êtes tentez de lui poser des questions, mais vous ne voulez pas l'insulter. Toutefois, il peut y avoir d'autres facteurs qui peuvent vous inciter à pousser votre vérification plus loin.
Le sénateur Gigantès: Puis-je vous raconter une petite anecdote? J'étais doyen d'une faculté dans une université, et il s'est avéré que le fils d'un de mes professeurs était un important trafiquant de stupéfiants. Il était toujours très bien habillé et avait les cheveux bien coupés. Personne ne l'a jamais soupçonné de quoi que ce soit.
M. Girard: J'ai deux questions. Premièrement, s'est-il déjà fait prendre et, deuxièmement, quel est son nom?
Le sénateur Gigantès: Il a dit à son père, qui était déchiré parce qu'il ne savait pas s'il devait le dénoncer ou non: «Ne t'inquiète pas. Dès que j'aurai suffisamment d'argent, je vais cesser ces activités et mener une vie de luxe comme étudiant diplômé.» Il enseigne maintenant la philosophie dans une université située sur la côte ouest américaine.
J'aimerais revenir au paragraphe 163.5(4), qui précise que:
L'agent des douanes désigné ne peut recourir à ses pouvoirs d'application de la présente loi uniquement pour rechercher des éléments de preuve d'infraction criminelle à une autre loi fédérale.
L'agent des douanes désigné pourrait-il être seul au moment de procéder à une arrestation?
M. Girard: Oui.
Le sénateur Gigantès: Donc, si je suis l'avocat de la défense, je vais soutenir que c'est exactement ce qu'il a fait.
M. Girard: Cela dépend des faits propres à chaque cas. Si l'agent a détenu et arrêté une personne soupçonnée d'enlèvement d'enfant ou de conduite avec facultés affaiblies, je pense que les faits parleraient d'eux-mêmes. Cette disposition vise à empêcher les agents des douanes d'agir comme des agents de la paix. Les pouvoirs d'application ne s'étendent qu'aux infractions à la frontière. Nous avons essayé de les définir, de les restreindre. Nous ne voulons pas que les agents des douanes mènent des enquêtes sur des infractions au Code criminel qui ne surviennent pas à la frontière.
Le sénateur Gigantès: L'avocat de la défense va dire que l'agent des douanes a trouvé la substance illicite après avoir arrêté l'accusé et que, par conséquent, cette arrestation était illégale.
M. Girard: C'est ce qu'ils disent aujourd'hui, sénateur. Toutefois, la possession d'une substance illicite est une infraction qui relève de la Loi sur les douanes ou des autres lois que nous administrons, comme la Loi sur les stupéfiants, ou des lois qui régissent l'importation de matériel prohibé, comme la pornographie enfantine.
Le sénateur Gigantès: Cela ne s'appliquerait donc pas.
M. Girard: Non.
Le sénateur Gigantès: Il aurait de toute façon le droit de procéder à une fouille pour ce genre de choses.
M. Girard: Oui.
Mme Tracy: Les agents des douanes ont, actuellement, le pouvoir de procéder à des fouilles sans mandat, en raison de la nature de leurs fonctions. Cette disposition vise à les empêcher d'utiliser les pouvoirs extraordinaires qui leur sont confiés pour rechercher des éléments de preuve d'infraction criminelle, les fouilles effectuées en vertu du Code criminel étant, bien entendu, assujetties à des règles sévères. Les policiers à Ottawa ou à Toronto ne peuvent pas procéder à des fouilles comme le font les agents des douanes à la frontière. Nous voulions, par cette disposition, empêcher les agents des douanes d'utiliser ces pouvoirs extraordinaires pour recueillir des éléments de preuve d'infraction criminelle.
Le sénateur Gigantès: Je suis sans doute naïf, mais si un de vos agents demande à voir l'intérieur d'un coffre de voiture et trouve de nombreuses taches de sang qui pourraient donner à penser qu'un meurtre a été commis, que fait-il?
M. Girard: Dans ce cas-là, sénateur, il communiquerait avec la police locale et lui transmettrait les renseignements.
Le sénateur Gigantès: Il ne détiendrait pas la personne?
M. Girard: Non.
Le sénateur Gigantès: Il communiquerait avec la police, lui fournirait une description de la voiture et le numéro de la plaque d'immatriculation, et lui dirait que le coffre est maculé de sang? Il ne détiendrait pas la personne dans ce cas-là?
Mme Tracy: Cela dépendrait des circonstances. Si l'agent a ouvert le coffre dans le but de vérifier une déclaration ou de s'assurer qu'il n'y a pas de drogues à l'intérieur, s'il l'a fait en application de la Loi sur les douanes et qu'il trouve des taches de sang, alors il n'y a pas de problème parce que cette disposition précise que les agents des douanes ne pourraient pas utiliser leurs pouvoirs dans l'unique but de rechercher des éléments de preuve d'infraction criminelle. Si ces taches sont trouvées dans le cadre d'une vérification effectuée en vertu de la Loi sur les douanes, il n'y aurait pas de problème.
Le sénateur Gigantès: Est-ce qu'il pourrait alors procéder à une arrestation?
Mme Tracy: Il y a toutes sortes de facteurs dont il faudrait tenir compte, comme par exemple si la personne est dangereuse et armée. Il y aurait d'autres facteurs à considérer. Il pourrait, techniquement ou juridiquement, procéder à une arrestation dans ces circonstances.
M. Girard: Notre position peut vous paraître contradictoire, mais c'est une question de jugement. Oui, si le coffre est maculé de sang ou ne contient quelques taches de sang, il faut faire appel à notre jugement. Le pouvoir des agents des douanes a été jugé intrusif, mais il a été qualifié de nécessaire par la Cour suprême du Canada, malgré les dispositions de la Charte. Ce pouvoir est important. Nous essayons de le protéger. Nous savons que nous leur confions le pouvoir d'arrêter des personnes en vertu du Code criminel, mais nous ne voulons pas créer l'impression que nous donnons aux agents le pouvoir d'ordonner à une personne de se ranger sur le côté parce qu'ils la soupçonnent de quelque chose qui n'a rien à voir avec des biens volés, des drogues, l'enlèvement d'enfants ou la conduite avec facultés affaiblies. Nous ne voulons pas cela.
Le sénateur Gigantès: Et s'ils trouvent une main coupée?
M. Girard: Cela pourrait être quelque chose de louche, mais rappelez-vous le cas de la personne qui a ramené le corps de son père dans un contenant rempli de glace.
[Français]
Le sénateur Pépin: Je suis nouvelle dans ce dossier. Peut-être l'avez-vous dit lors de votre présentation alors que j'étais absente, mais est-ce que les agents de douane des États-Unis ont ces mêmes droits ou privilèges que ceux que l'on va donner à nos agents désignés?
Mme Tracy: Oui, ils ont les mêmes pouvoirs, mais leurs lois criminelles sont de la responsabilité des individus des États. Mais ils ont ce pouvoir.
Le sénateur Pépin: Le même que nos agents auront avec cette loi. Vous avez mentionné qu'il y a des contrevenants qui passent de la drogue et des armes. Plusieurs d'entre eux sont des contrevenants habiles et souvent dangereux. Les agents désignés qui vont faire ce travail sont-ils protégés en ce sens? Est-ce que l'on a mis à leur disposition des choses pour les protéger; ils n'auront pas le droit au port d'armes. Est-ce qu'ils se sentent assez protégés pour entrer dans ces fonctions? Ils n'auront pas les mandats d'arrêt quand ils vont surprendre ces contrevenants. Comment vont-ils procéder avec le matériel mis à leur disposition pour leur sécurité?
Mme Tracy: La sécurité et la santé ou les protections légales?
Le sénateur Pépin: La sécurité des agents?
Mme Tracy: Nous avons les plans pour la formation comme M. Girard l'a mentionné plutôt. Nous avons des plans pour la force physique et pour la défense personnelle.
[Traduction]
Nous avons l'intention de donner à nos agents une formation sur le recours à la force pour qu'ils puissent assurer leur protection, et aussi aux fins d'application de la loi.
Nous n'avons aucunement l'intention d'exposer nos agents à des situations où leur sécurité personnelle pourrait être compromise. Nous ne l'avons jamais fait et nous n'avons pas l'intention de le faire. Nous ne connaissons pas encore tous les détails du programme, mais nous allons faire en sorte que les agents reçoivent une formation adéquate.
[Français]
Le sénateur Pépin: Si j'ai bien compris, les agents désignés, contrairement aux policiers, n'auront pas d'armes.
[Traduction]
Mme Tracy: Non, ils ne seront pas armés.
Le sénateur Gigantès: Comment vont-ils se protéger si la personne qu'ils sont en droit d'arrêter cache sous son bras un magnum qu'elle est prête à utiliser?
M. Girard: Sénateurs, nous saisissons tous les ans des milliers de magnums à la frontière.
Le sénateur Gigantès: Les agents des douanes, qui ne sont pas armés, saisissent des magnums?
M. Girard: C'est exact. J'ajouterai, en ce qui concerne ces pouvoirs particuliers, que si le mandat d'arrestation dont fait l'objet cette personne indique que celle-ci est «armée et dangereuse», nous n'avons pas l'intention de laisser nos agents intercepter cette personne. Ils vont faire preuve de discrétion. C'est le genre de formation que nous allons leur donner. Ils doivent dans ce cas-ci alerter la police et laisser passer la personne.
C'est une question de jugement dans chaque cas. C'est exactement le même jugement qu'un policier ou une policière en patrouille à Ottawa sont appelés à exercer s'ils voient une personne «armée et dangereuse». Ils appelleront du renfort, suivront la personne et demanderont à d'autres agents d'intervenir. L'idée n'est pas de toujours s'exposer au danger. Nous voulons être sûrs que cela ne se produira pas. Cela fait partie du travail que nous faisons. Nous formons les agents non seulement à intervenir dans certaines situations mais aussi à se sortir de certaines situations.
Le sénateur Gigantès: Est-ce qu'ils utiliseront ces nouveaux bidules d'où gicle une substance collante qui immobilise le malfaiteur en puissance?
La présidente: Nous considérerons cela comme une question facétieuse. Est-ce que chaque poste frontière a maintenant des cellules de détention provisoire?
M. Girard: Non.
La présidente: Sur certaines des petites routes des Prairies où j'ai traversé la frontière, il n'y a aucune cellule de détention provisoire ni aucun corps policier ou juge de paix à 100 milles à la ronde, qu'un douanier pourrait contacter.
M. Girard: Ce sont toutes des situations uniques, mais on vise à doter chaque poste frontière avec personnel d'une cellule de détention provisoire. Aujourd'hui, lorsqu'il nous arrive de nous trouver dans des situations dangereuses, le détachement de police le plus proche est à une centaine de milles. Nous aurons besoin d'un protocole d'entente pour nous assurer de convenir des délais de réaction. Cela donne suite également aux préoccupations soulevées en ce qui concerne la question de la détention.
Toutes ces questions sont sur la table et sont en train d'être étudiées. Elles ont toutes été prises en considération dans la préparation de ce projet de loi. Nous savons qu'elles doivent être réglées. Nous sommes tout à fait conscients des droits que confère la Charte aux Canadiens et autres personnes qui reviennent au pays. Nous sommes au courant de ces droits. Nous visons à doter chaque poste frontière avec personnel d'une cellule de détention provisoire.
La présidente: Vous aurez un programme de construction ainsi qu'un programme de formation.
M. Girard: Oui, mais j'espère que vous ne pensez pas que nous allons construire des prisons partout. Les cellules sont relativement petites. Elles doivent répondre à certaines exigences concernant la sécurité de la personne arrêtée, de l'agent de détention et du public en général, pour éviter que des personnes dangereuses se promènent en liberté.
La présidente: Vous avez mentionné auparavant que les agents désignés ne se trouveront qu'à certains postes frontière ou points d'entrée comme les ports et les aéroports. Ce sera très limité.
M. Girard: C'est exact.
La présidente: Que se passera-t-il dans le cas d'un énorme bureau des Douanes comme celui de Mississauga où on traite des chargements de camions complets chaque jour? Cela ne s'appliquera pas à un établissement de ce genre?
M. Girard: La cargaison et le chauffeur font l'objet d'une vérification au premier point d'entrée. Si nous voulons les arrêter à l'une des fins prévues par la Loi sur les douanes ou le Code criminel, c'est à ce moment là qu'on le fera. Ils peuvent peut-être se rendre à un entrepôt d'attente ou à un entrepôt de douanes. Une fois qu'ils ont traversé la frontière, nous ne pouvons plus appliquer ces dispositions. Nous devons utiliser le ciblage, de l'information ou des renseignements anticipés si nous soupçonnons l'arrivée d'un chargement suspect.
Le sénateur Joyal: On vous a peut-être posé cette question, mais c'est un aspect sur lequel j'aimerais des précisions.
[Français]
Lorsqu'un citoyen canadien ou américain passe aux douanes américaines, le douanier américain dispose de la protection des lois américaines. Il est limité par le droit constitutionnel reconnu aux personnes aux États-Unis. Lorsque la même personne repasse la frontière canadienne, elle fait face à un douanier canadien qui a la protection des lois canadiennes. Dans quelle mesure les deux douaniers sont-ils dans une situation différente ou sont-ils limités l'un par rapport à l'autre vis-à-vis la personne qu'ils soupçonnent de se rendre responsable d'un trafic illégal d'armes ou de narcotiques?
En d'autres mots, quels sont les outils juridiques et les limites juridiques qui existent pour le douanier américain par rapport au douanier canadien? On entend souvent dire que l'on passe aux douanes canadiennes sans problème, c'est très rapide. Quand on entre aux Etats-Unis, c'est beaucoup plus serré. C'est une perception du public et elle est peut-être fausse, probablement, mais sur un plan strictement juridique, quelle est la situation du douanier américain par rapport à celle du douanier américain quant à ses pouvoirs et à ses restrictions juridiques?
[Traduction]
Mme Tracy: Les pouvoirs et les responsabilités des douanes américaines et canadiennes sont très semblables. Dans un autre but, nous avons examiné les procédures en vigueur aux États-Unis, particulièrement les amendes et les sanctions, mais aussi leurs pouvoirs et la façon dont ils s'acquittent de leurs tâches. Leurs systèmes sont très semblables à ceux de Douanes Canada. Nous avons bien entendu la Charte et tous les droits fondamentaux qu'elle confère aux Canadiens, mais les douanes américaines sont soumises à certaines restrictions. Elles doivent elles aussi respecter des normes très strictes en ce qui concerne les motifs raisonnables. Dans l'ensemble, sauf quelques exceptions mineures, nos activités sont très semblables. Notre fondement juridique est très similaire, de même que nos lois sur les douanes, aussi étonnant que cela puisse paraître.
Les différences de perception en ce qui concerne les douanes canadiennes et les douanes américaines ne sont pas législatives. Il ne s'agit pas d'une différence législative. C'est peut-être une différence dans l'orientation ou les priorités des organisations, mais cela n'a rien à voir avec le fondement législatif régissant leur fonctionnement.
Le sénateur Joyal: Lorsque vous dites que le fondement législatif est comparable, il le sera encore plus si le projet de loi est adopté. C'est ce que j'en déduis. Il ne sera pas aussi comparable tant que le projet de loi ne sera pas adopté. Pour l'instant, possédez-vous la même capacité ou avez-vous plus de restrictions à cause de la Charte canadienne? Ont-ils plus de restrictions à cause de la Constitution américaine?
Il s'agit de droit comparatif, et vous n'êtes peut-être pas en mesure de répondre à cette question de nature juridique. C'est sur la frontière américaine que se déroulent les principales activités du marché noir et de trafic de drogue. C'est pourquoi je vous demande quelle est notre situation parce que je veux savoir ce qui se passera à l'avenir à cet égard.
M. Girard: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il existe de fortes similarités entre la Constitution américaine et la Charte canadienne des droits et libertés en ce qui concerne les droits d'un individu qui est arrêté. Je ne suis toutefois pas en mesure de parler des différences subtiles qui existent.
En ce qui concerne les pouvoirs actuels, les douaniers procéderont à des arrestations et seront assujettis à la Charte pour les infractions qui relèvent de la Loi sur les douanes. Ils continueront d'être assujettis à la Charte pour les infractions qui relèvent du Code criminel et devront suivre les mêmes procédures qu'ils suivent à l'heure actuelle. Cependant, ils devront recevoir une formation supplémentaire destinée à les familiariser avec les règles de la preuve applicables aux infractions particulières prévues par le Code criminel, visées par ce projet de loi.
Le sénateur Joyal: Grâce au système informatisé, il est beaucoup plus facile d'échanger de l'information de part et d'autre de la frontière. Chacun sait que lorsque nous passons la frontière américaine, notre numéro de plaque minéralogique est inscrit dans l'ordinateur, de même que la date et l'heure et peut-être même les motifs et les raisons que nous donnons aux douaniers américains. Lorsque nous retraversons la frontière, parfois on nous pose des questions, parfois non. Le douanier a tout ce dont il a besoin devant lui pour pouvoir confronter quelqu'un qui a fait une déclaration peut-être incorrecte.
Avez-vous des ententes avec les États-Unis? Par exemple, que se passe-t-il si un douanier américain estime que quelqu'un devrait être surveillé? Pour une raison quelconque, cette personne éveille ses soupçons. Quelqu'un peut avoir un physique menaçant ou conduire une motocyclette qui ressemble à celles utilisées par les Hell's Angels. Cette question a peut-être déjà été posée.
La présidente: Selon notre loi, pouvons-nous le faire? Devrions-nous le faire?
M. Girard: Nous avons une série d'ententes avec divers pays, y compris les États-Unis, selon lesquelles si nous percevons ou s'ils perçoivent une menace pour l'autre nation souveraine, il leur incombe de l'en informer. Par exemple, si on guette l'arrivée d'un terroriste connu -- pas nécessairement quelqu'un qui a l'air aussi honnête que le sénateur -- c'est un renseignement qui nous intéresserait certainement.
Les moyens par lesquels cette information est transmise ou la rapidité avec laquelle nous pouvons l'obtenir constitue ce que j'appellerais une question de nature opérationnelle, dont je ne voudrais pas forcément discuter. Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas que je veuille me montrer évasif, mais je tiens à renseigner le comité autant que je le peux sans mettre le reste du monde, par ces délibérations, au courant de la nature exacte de ces opérations.
Bien des gens ont eu l'impression d'avoir été arrêtés pour une raison en particulier. Plusieurs de vos observations à cet égard, sénateur, sont tout à fait correctes. Cependant, ce n'est pas ce que nous considérons un pouvoir à la «Big Brother». C'est habituellement pour une raison importante et habituellement pour des infractions graves, pas pour une cartouche de cigarettes.
La présidente: Si un parent ou une personne avec un enfant dans la voiture passe la frontière à partir des États-Unis sans éveiller les soupçons du douanier américain mais que le douanier canadien pense qu'il s'agit d'un cas suspect d'un parent qui enlève un enfant des États-Unis, que se passerait-il?
M. Girard: Vous demandez s'ils entrent au Canada?
La présidente: Oui.
M. Girard: Le projet de loi nous donnerait le pouvoir d'intervenir.
La présidente: Nous pouvons donc intervenir au Canada plutôt que de les renvoyer à la frontière et d'alerter les douanes américaines?
M. Girard: Il serait préférable de ne pas les renvoyer à la frontière américaine parce qu'ils pourraient essayer d'échapper aux douanes américaines, même si nous téléphonons pour les prévenir. Cela nous donne la possibilité d'agir en collaboration avec nos collègues du sud ou d'intervenir nous-mêmes. Il ne fait aucun doute que si le véhicule avait une plaque de l'Ontario ou du Québec, nous ne manquerions pas d'intervenir s'il s'agissait d'un citoyen canadien ou d'un immigrant reçu qui relève de notre compétence.
L'enlèvement d'enfants est une question qui ne cesse de préoccuper nos administrations. Nous sommes heureux de constater que ce projet de loi confirmera et améliorera nos pouvoirs à cet égard s'il est adopté par les deux chambres. Nous avons de nombreux moyens de nous occuper de cas d'enlèvement d'enfants. Bien des gens dévoués répondront à des téléavertisseurs 24 heures par jour et téléphoneront au poste frontière le plus proche. Un parent hystérique pourrait téléphoner à la police. La police renverrait le parent aux douanes et dans les 15 minutes, le poste frontière le plus proche pourrait être alerté.
Dans la grande majorité de ces cas, l'auteur de l'enlèvement, c'est l'un des parents, pas un étranger.
La présidente: Je connais une personne qui, il y a des années, a réussi à faire arrêter le père de son enfant à la frontière parce qu'il était en train de l'enlever.
Le sénateur Joyal: Je reviens à la perception selon laquelle la frontière canadienne est plus amicale que la frontière américaine. Est-ce en grande partie attribuable à l'éthique des douaniers comparativement à l'attitude des Américains en général, même à la frontière canadienne? J'utiliserai un exemple qui, à mon avis, illustre bien cet argument.
La dernière fois que j'ai traversé la frontière américaine, j'étais assez bien habillé. J'avais l'air d'un citoyen moyen pas trop menaçant. Pourtant, on m'a demandé si on avait déjà pris mes empreintes digitales au Canada. C'était la première fois que je me faisais poser ce genre de questions. Comme je traverse la frontière très régulièrement, j'ai été très étonné qu'on me pose cette question. Bien que cela n'ait pas été fait de façon impolie, lorsqu'une personne vous demande si on a déjà pris vos empreintes digitales, cela équivaut à vous demander si vous avez déjà été soupçonné d'une infraction criminelle. C'est une question que les douaniers ou les inspecteurs canadiens de l'immigration posent rarement aux Canadiens, à moins qu'ils aient eu des démêlés avec la justice.
Soumettez-vous les gens à ce genre d'interrogatoire? Comment administrez-vous vos responsabilités pour que notre perception diffère selon que nous traversons la frontière dans un sens ou dans l'autre?
M. Girard: Il y a deux façons de répondre à cette question. Le Canada est un pays commerçant. Il dépend beaucoup du tourisme. Il dépend beaucoup des services de livraison au moment adéquat à ses principales usines automobiles, qui constituent une part importante de notre bien-être économique. Dans ces circonstances, plus nous pourrons nous montrer agréables, lors du traitement des chargements et des personnes, tout en maintenant une capacité adéquate d'application de la loi à la frontière, mieux ce sera pour nous.
Au niveau local, nous formons nos douaniers pour qu'ils soient à l'affût de certains indices et qu'ils posent des questions en conséquence. Au Canada, notre première intervention est une intervention au niveau de l'immigration pour le compte de Citoyenneté et Immigration Canada.
L'admissibilité au Canada est le premier critère auquel doit satisfaire une personne. La possibilité qu'une personne fasse entrer des marchandises en contrebande est un autre facteur à prendre en considération. Il est possible que certains facteurs politiques interviennent et ce n'est sûrement pas de mon ressort. Ce peut être une question de politique américaine et ce n'est sûrement pas de mon ressort. Un sénateur d'un État donné peut avoir un intérêt particulier à ce que quelque chose se produise, ou la raison peut être différente.
Cependant, au Canada, nos douaniers ont reçu la consigne de se montrer amicaux, de vous souhaiter un bon retour au Canada, d'être cordiaux et polis et de faire leur travail qui est très difficile et qu'ils font d'ailleurs très bien, de la manière la moins importune possible.
Je ne suis pas en mesure de vous expliquer pourquoi mes collègues de l'administration douanière des États-Unis adoptent ou non une approche particulière.
La présidente: Sur ces bonnes paroles, nous mettrons fin à cette réunion. Je tiens à remercier les témoins d'avoir comparu devant nous.
La séance est levée.