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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 22 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 2 avril 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les douanes et le Code criminel, se réunit aujourd'hui, à 10 h 55, pour en faire l'examen.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui comme témoins des porte-parole du ministère du Revenu et du ministère de la Justice.

Messieurs, nous nous en remettons à vous. Je suis sûre que vous avez des observations à faire au sujet des témoignages que nous avons entendus jusqu'ici, et je sais que le sénateur Nolin a des questions à vous poser.

Sénateur Nolin, nous pourrions peut-être commencer par vos questions.

[Français]

Le sénateur Nolin: Avez-vous des remarques préliminaires ou voulez-vous que l'on aborde la question immédiatement?

M. Yvan Roy, avocat général principal, politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice: Mon intention était de répondre aux questions purement et simplement. Votre greffière a eu la gentillesse de me faire parvenir la transcription de certains des débats. Cela me donne une idée des questions qui me seront posées. J'ai fait un peu de préparation mais je pense que la meilleure chose est de répondre aux questions purement et simplement.

[Traduction]

Le sénateur Nolin: J'ai six questions. Je commencerai par les deux premières, puis je céderai la parole à mes collègues, après quoi je poserai les autres.

[Français]

Mes six sujets de questions sont les suivants: premièrement, la possibilité pour un agent de douane désigné d'arrêter sans mandat. C'est un peu à la mode devant notre comité les arrestations sans mandat. Pourquoi ne pas continuer un peu? Deuxièmement, il faut examiner les pouvoirs d'appliquer les dispositions du Code criminel sur la conduite avec facultés affaiblies. Troisièmement, les pouvoirs de détention des agents de douane désignés. Quatrièmement, l'interdiction d'opérer des recherches de preuve, des parties de pêche, ce phénomène est bien connu des avocats criminalistes. Cinquièmement, la décision, je présume administrative, de ne pas armer les agents de douane désignés. Sixièmement, c'est un domaine un peu plus large, tous les nouveaux pouvoirs conférés aux agents de douane désignés de faire respecter le Code criminel et d'autres lois fédérales qui créent des infractions criminelles.

Sur la question des arrestations sans mandat, il est connu que dans la multitude de personnes qui se présentent aux postes de douane, ce n'est qu'une infime partie de ces gens qui sont sous mandat d'arrestation exécutoire. C'est un pouvoir qui leur a été octroyé d'arrêter une personne, à tout le moins de la détenir, pour la remettre à un agent de la paix. Est-ce que cela vous crée quelques inquiétudes? Je présume que vous avez examiné ce projet de loi. Est-ce que vous ou vos adjoints ressentent certaines inquiétudes et, s'il y en a, lesquelles, j'aimerais bien les connaître.

M. Roy: Le gouvernement, de façon générale, et le ministère de la Justice de façon plus particulière, ont à coeur de s'assurer que les pouvoirs extraordinaires ne soient pas conférés à des gens qui n'en ont pas besoin. On part de ce principe. Ce principe guide nos pensées et notre politique de façon générale depuis déjà plusieurs années.

Ceci explique que l'on se refuse généralement à donner à tout un chacun un pouvoir d'agent de la paix. Associée à la notion d'agent de la paix, il y a une série de pouvoirs et de protections que le Code criminel confère en particulier à ces gens.

Dans le cas qui nous importe, il est devenu plutôt évident qu'au point d'accès au pays, là où des douaniers agissent, il y avait une nécessité de conférer à ces gens un pouvoir limité d'agir. Pourquoi? Parce que la loi est pour ainsi dire tournée en dérision dans ces endroits pour toutes sortes de raisons. D'abord et avant tout, elles sont d'ordre administratif.

Si on est obligé de laisser faire une série de choses au point d'accès au pays parce que l'on n'a pas les ressources voulues pour envoyer une auto de police à chaque fois qu'il y a une nécessité de cet ordre, qu'est-ce qui empêche ces individus qui sont déjà en place d'avoir certains pouvoirs supplémentaires? Ils ont déjà une formation assez complète dans le domaine de l'application de la loi. Qu'est-ce qui les empêche d'agir dans ce contexte mais qui continuerait d'être circonscrit, de manière à ne pas leur donner toute la panoplie des pouvoirs leur permettant d'agir à la grandeur du pays? Cette philosophie d'ensemble a donné son ton au projet de loi C-18 et au ministère de la Justice, nous avons été consultés.

Vous me demandez si cela nous a causé des préoccupations et la réponse est oui. Dans la balance des inconvénients et aussi dans la balance des points positifs, on en est venu assez rapidement à la conclusion qu'il y avait une nécessité de donner certains pouvoirs à ces gens. Il n'est pas normal qu'un agent à Lacolle, à Windsor ou dans l'Ouest canadien doive laisser passer quelqu'un en état d'ébriété évident parce qu'il n'est pas agent de la paix et ne peut pas agir en la matière. Ce n'est pas normal. On comprend mal pourquoi un agent de l'État ne pourrait pas agir. Il est certain qu'un douanier est un agent de l'État, il n'y a pas de doute là-dessus. On comprend mal comment un agent de l'État devrait se fermer les yeux et espérer que la personne ne finisse pas dans un fossé ou pis encore, qu'elle ne blesse ou ne tue quelqu'un.

Ce n'est pas normal. Sur cette base, il a été proposé par le ministre du Revenu, avec l'accord de ses collègues et à la suite des consultations avec les fonctionnaires, de limiter les pouvoirs qui seraient donnés à ces personnes aux points d'entrée aux fins de faire ce qui est absolument nécessaire.

Le sénateur Nolin: On sait tous qu'en matière d'arrestation sans mandat, les avocats se paient la traite quand les agents de douane désignés n'ont pas une formation suffisante pour être à l'affût des limites que leur impose le code, la jurisprudence et notre Charte. Quelles sont les limites d'application de ces pouvoirs?

On peut vouloir écrire la loi le mieux possible, mais il n'en reste pas moins qu'à la lecture du projet de loi, ce ne sont pas des agents de la paix. Leur pouvoir est large, mais cela ne fait pas d'eux des agents de la paix au sens de la définition du Code criminel. Certains de ces pouvoirs vont s'étendre à eux, mais ce sont des quasi-agents de la paix. Un des pouvoirs d'agent de la paix, c'est d'arrêter et de détenir quelqu'un, avec tout ce que cela comporte, y inclus le fardeau de protection des droits de la personne que l'on arrête.

M. Roy: Est-ce que l'on peut s'entendre vous et moi au départ que les personnes dont il est ici question sont déjà, dans une certaine mesure, des agents de la paix? Ce sont déjà des personnes qui peuvent agir en vertu de l'article 495 du Code criminel, article qui permet l'arrestation sans mandat.

Le sénateur Nolin: Par une personne qui n'est pas un agent de la paix.

M. Roy: Même à titre d'agent de la paix. Mais il pourrait procéder à une arrestation sans mandat lorsque l'infraction pour laquelle il veut faire cette arrestation est en vertu de la Loi sur les douanes. La définition d'agent de la paix au code prévoit que le douanier est un agent de la paix aux fins d'application de sa loi.

Le sénateur Nolin: Juste cela?

M. Roy: Je vous dis cela parce qu'il y a des limites intrinsèques au pouvoir d'arrestation sans mandat que le Code criminel donne à l'agent de la paix. L'agent de la paix ne peut pas arrêter quelqu'un pour le plaisir de la chose. Mieux encore, alors qu'il a les motifs requis pour procéder à l'arrestation sans mandat, il a aussi en vertu du code des limitations sur les cas où il devrait le faire. En d'autres mots, non seulement avons-nous à fixer une barre à l'axiome «a un motif raisonnable de croire que la personne a commis un acte criminel», mais en plus, le code dit qu'il ne devrait pas arrêter dans les cas suivants. Il en donne une série à l'article 495.

L'agent de la paix dont il est ici question, l'officier des douanes, a déjà la formation pour appliquer cet article puisqu'il est appelé à l'appliquer dans le cadre de sa loi à lui. Ce qui est proposé ici, c'est d'étendre ce pouvoir, donc d'utiliser cette formation et de la bonifier au besoin. Je ne prétends pas que la formation est parfaite. Ainsi on leur permettra de procéder dans le cas de l'arrestation sans mandat là où c'est nécessaire.

Un exemple par excellence a été utilisé par les gens qui se sont présentés devant vous. Quelqu'un est à la frontière et il quitte avec son enfant dont il a la garde, mais il a la garde uniquement pour la fin de semaine, et il a l'intention de disparaître pour de bon. Est-ce qu'il est normal que l'agent des douanes ne puisse pas intervenir pour se saisir de la personne et l'arrêter? Vous savez, entre la détention puis l'arrestation, la ligne est bien mince. Certains diraient qu'il n'y a pas de ligne.

Le sénateur Nolin: Oui, j'aurai des questions plus tard à ce sujet. Le projet de loi dit spécifiquement qu'il y a une détention et on ne sait pas pour combien de temps. Dans le code, lorsque l'on parle d'une arrestation par une personne autre qu'un agent de la paix, elle doit aussitôt remettre la personne à un agent de la paix. Dans notre projet de loi, il n'y a pas de limite.

M. Roy: Me permettez-vous de répondre immédiatement?

Le sénateur Nolin: L'agent de douane désigné n'est pas un vrai agent de la paix. Un paquet de pouvoirs s'étend à lui. Il va falloir que l'on éclaircisse cette question de délai. Si on veut un délai, qu'on le mette, c'est le temps. J'aimerais bien que l'on voie le mot aussitôt comme on le retrouve à l'article 94.3 du Code criminel. Quiconque n'étant pas un agent de la paix qui arrête une personne sans mandat doit aussitôt la livrer à un agent de la paix.

De la façon dont je lis le projet de loi C-18, c'est exactement cela. L'agent de douane désigné va détenir une personne qui veut entrer au Canada et qu'il a arrêtée, et doit la détenir en attendant de la remettre à un agent de la paix. Il y a pas mal de similitude entre les deux. Je vais vous laisser répondre.

M. Roy: Pour ce qui est de ce pouvoir d'arrestation sans mandat, l'agent de la paix -- on pourrait regarder les dispositions les unes à la suite des autres, mais ce serait peut-être un petit peu ennuyeux -- a cette barre qui est fixée. Dans certains cas, le code dit qu'il ne devrait pas arrêter la personne sans mandat. Mieux encore, le code prévoit que l'agent de la paix peut remettre quelqu'un en liberté sous la base d'un cautionnement. C'est prévu maintenant au code. Je vais aller un pas plus loin.

Le sénateur Nolin: Cela commence drôlement à ressembler à ce qui se passe de l'autre côté de la frontière, quand on va vers le sud. Ce sera un autre débat.

M. Roy: Je vous dirai que la loi prévoit aussi une limite de temps pendant laquelle un agent de la paix peut arrêter et détenir quelqu'un. C'est le 24 heures prévu au code. Vous êtes obligé comme agent de la paix de remettre la personne entre les mains de la justice à l'intérieur du 24 heures pour que la personne comparaisse devant un juge de paix. Cette limite va s'appliquer aussi bien aux agents désignés qu'aux agents de police.

L'intention des gens aux douanes est de pouvoir se saisir de la personne, de procéder aux vérifications de base et de remettre la personne entre les mains de la police locale, que ce soit la GRC, la police provinciale ou municipale. Si vous n'êtes pas satisfait de cela parce que vous aimeriez des garanties plus claires de la période de temps, je vous dirai que le 24 heures prévu au code s'applique directement à ces personnes. Ils ne pourront pas détenir cette personne pendant une période qui va dépasser le 24 heures. Ils sont obligés par la loi. Cela s'applique à eux comme cela s'applique aux autres.

Le sénateur Nolin: Je vais passer la parole à mes collègues, mais j'aurais une question sur les pouvoirs en matière de conduite avec facultés affaiblies. On parle de pouvoirs assez larges, entre autres, l'alcootest, la prise de sang, tous ces pouvoirs sont étendus aux agents désignés. J'ai la Charte en tête. Mes collègues avocats vont s'amuser à détruire l'autorité de ces gens.

Le sénateur Gigantès: J'ai six avocats dans ma famille. Vous voulez leur enlever leur gagne-pain?

Le sénateur Nolin: On va essayer de leur permettre de gagner leur salaire de façon respectueuse de la Charte.

Est-ce que c'est aussi une question de formation, parce que là c'est pointu?

M. Roy: Tout à fait.

Le sénateur Nolin: C'est une intrusion, et les livres de jurisprudence sont remplis d'exemples.

M. Roy: C'est remarquable tout le droit qui s'est fait au niveau de la conduite avec facultés affaiblies. Premièrement, on parlait d'une limite dans le temps et le code prévoit une limite encore plus serrée dans ces cas, soit une limite de deux heures.

Rappelons qu'il y a deux étapes possibles en vertu du code. Vous pouvez avoir des soupçons raisonnables que quelqu'un conduit avec des facultés affaiblies et lui faire passer un premier test de dépistage dont le résultat est obtenu immédiatement. On peut avoir raté, neutre ou réussi comme résultat. Si c'est raté, cela donne à l'agent de la paix les motifs raisonnables de croire que la personne est en état d'ébriété et conduit le véhicule avec facultés affaiblies. À ce moment on l'envoie passer l'alcootest. Le premier alcootest doit être passé à l'intérieur d'un délai de deux heures. Si les agents de douane ne sont pas en mesure de le faire, ils s'exposent à des difficultés. Toute preuve reçue par la suite risque fort d'être refusée. Les tribunaux ne voudront pas s'en saisir pour des raisons qui sont bien établies en droit.

Il est certain que si les agents de douane sentent le besoin d'agir dans ce domaine -- et la loi telle que passée ne requiert pas qu'ils le fassent, elle leur donne simplement le pouvoir de le faire -- ils seraient bien avisés premièrement d'avoir l'équipement.

Le sénateur Nolin: Mais la limite de deux heures va s'appliquer à eux. Ce sont eux qui ont le pouvoir de détention. S'ils ont un doute sur la personne détenue, à cause de la limite de deux heures, ils n'auront pas le temps d'appeler un agent de la paix pour l'aviser que cette personne, selon eux, a des problèmes.

M. Roy: Cela pourrait varier d'un endroit à l'autre. Probablement qu'à Windsor, c'est plus facile de le faire parce que le poste de police est à deux pâtés de maisons du centre de douane. Il y aura probablement d'autres endroits où cela ne sera pas possible. N'oublions pas que le fameux alcootest doit être opéré par une personne qualifiée ayant reçu la formation voulue en vertu du Code criminel.

Le sénateur Nolin: Le code prévoit la formation?

M. Roy: Absolument, elle est essentielle. Sans elle, il n'y a pas de possibilités d'utiliser ces instruments. Je vous dirai que si des douaniers, sachant qu'ils n'ont pas les qualifications, la formation ou les instruments nécessaires, détiennent quelqu'un pour une période de deux heures juste pour le plaisir, ils risquent d'avoir des difficultés.

Vous ne pouvez pas détenir quelqu'un sans avoir une raison pour le faire. Cela fait évidemment partie de l'encadrement qui doit leur être donné. On doit les prévenir des ces choses. Le projet de loi C-18 permet d'utiliser un pouvoir, mais il ne dit pas comment le pouvoir doit être utilisé. Le Code criminel va continuer à s'appliquer aux agents de douane comme il s'applique à d'autres agents de la paix.

Le sénateur Beaudoin: Je n'ai aucun problème pour la question des douanes. Il y a quand même des arrêts rendus par la jurisprudence qui touchent au pouvoir que vous donnez. La seule chose qui me préoccupe un peu est que l'administration de la justice pénale est provinciale, évidemment, et cela peut être impliqué ici indirectement.

Est-ce que vous avez consulté les corps de police? Le Québec et l'Ontario ont leur propre police alors que pour beaucoup d'autres provinces, c'est la Gendarmerie royale du Canada.

M. Paul Girard, directeur général intérimaire, Direction de la contrebande et des services de renseignements, Direction générale des douanes et de l'administration des politiques commerciales, ministère du Revenu: Oui, les consultations ont été extrêmement intensives avec toutes les provinces et quelques agents de police.

Le sénateur Beaudoin: Avez-vous discuté avec elles de ce projet?

M. Girard: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Il n'y a aucun problème?

M. Girard: Aucun problème.

[Traduction]

La présidente: Sénateur Beaudoin, nous pourrions peut-être continuer à discuter avec M. Roy pendant qu'il est ici. Les deux autres témoins ont des exposés à faire, après quoi nous pourrons leur poser des questions. Toutefois, il faudrait peut-être en finir avec la question posée par le sénateur Nolin et les questions supplémentaires.

Le sénateur Nolin: M. Roy aimerait ajouter quelque chose. Cette question a-t-elle fait l'objet de discussions avec votre homologue provincial, M. Roy?

M. Roy: Je me rappelle avoir attiré l'attention des hauts fonctionnaires sur cette question. Comme le savent les membres du comité et la présidente, plusieurs comités sont en place pour dialoguer avec les provinces. Les sous-ministres responsables de l'administration de la justice pénale se rencontrent périodiquement, comme d'autres fonctionnaires. La question a été portée à leur attention, mais elle n'a pas donné lieu à des préoccupations. Cela inclut évidemment nos amis du Québec.

[Français]

Le sénateur Joyal: L'approche que le sénateur Nolin a prise en s'adressant à M. Roy est importante. Selon les réponses que vous lui avez données et selon l'expérience que l'on peut en avoir, nous sommes en train de prendre une décision extrêmement importante. Nous allons transformer des personnes qui étaient des officiers aux fins de la Loi des douanes et des accises, donc qui avaient des pouvoirs et des responsabilités à l'intérieur de la Loi des douanes et des accises, et nous allons en faire des agents de la paix aux fins d'à peu près toutes les autres lois.

Vous-même avez donné l'exemple de la personne qui voudrait quitter avec son enfant, et je ne comprenais pas l'exemple parce que quand on quitte le pays, normalement il n'y a pas de contrôle aux douanes. Quand je traverse la frontière vers les États-Unis, personne ne m'arrête, il n'y a pas de formalités. J'en ai évidemment quand j'entre aux États-Unis, mais je n'en ai pas lorsque je quitte le Canada.

Si j'étais un parent en fuite avec un enfant, je pourrais peut-être être arrêté du côté américain, si tant est que l'information est rendue exécutoire aux États-Unis. Est-ce que cela signifie qu'il va y avoir un contrôle maintenant quand on va quitter le Canada?

M. Roy: Cela ne l'implique pas, mais il pourrait certainement y en avoir. Les pouvoirs qui existent en ces domaines sont généralement appliqués par les douaniers lors de l'entrée au pays. Vous avez des contrôles qui peuvent être exercés lorsque quelqu'un quitte le pays et on peut penser qu'il pourrait y avoir une situation similaire qui pourrait se présenter. Ce n'est certainement pas une situation habituelle et je ne voudrais pas suggérer que ce projet de loi implique qu'à l'avenir il y aura systématiquement des contrôles à la sortie. Ce n'est certainement pas le cas, mais en droit cela est possible.

Le sénateur Joyal: Votre exemple m'a troublé personnellement. Selon la pratique -- et je peux être naïf -- je croyais que lorsque je me présentais au poste frontalier des États-Unis, je pourrais être l'objet de questions poussées, alors que quand je quittais le Canada, j'avais l'impression que je le quittais libre frontière.

Évidemment, si je suis poursuivi par la police, je le comprends bien. Si je ne le suis pas, ce que vous me dites, c'est que l'officier de douane peut, par un contrôle ou une vocation qu'il se donnerait lui-même, me demander d'arrêter au poste frontalier du côté canadien pour une vérification. Est-ce que les amendements que nous adoptons actuellement nous soumettraient à cette nouvelle situation?

M. Roy: Premièrement, les amendements tels qu'ils sont présentement restreignent l'activité des douaniers aux postes frontaliers. Ils ne peuvent pas devenir des agents de la paix au centre d'achats que vous fréquentez ou à la pharmacie. Un agent de la paix au Canada a sa compétence 24 heures par jour, sept jours par semaine et généralement à peu près n'importe où, du moins à l'intérieur des limites de sa province. Ce n'est pas le cas avec ce projet de loi. La juridiction est restreinte aux postes de douane.

Deuxièmement, prenons juste à titre d'exemple la Loi sur les importations et les exportations. Il y a des objets qui ne peuvent être exportés du Canada. Si vous voulez en exporter, vous devez vous présenter au poste de douane afin d'obtenir les autorisations nécessaires.

À l'heure actuelle, il y a dans le cadre juridique canadien la possibilité de contrôle lorsque vous voulez quitter le pays. Ce n'est pas utilisé et cela deviendrait absolument onéreux, autant pour l'administration que pour les citoyens, d'être contrôlés à chaque fois qu'ils viennent pour quitter le pays. Prenons l'exemple de cet individu qui se présente à la frontière avec son enfant. On a l'information que cette personne s'en va aux États-Unis et qu'elle ne reviendra plus. Le douanier américain retourne la personne. On est à l'intérieur du poste frontalier. Est-ce que cet agent de la paix, aux fins de la Loi sur les douanes telle qu'elle existe présentement, a un pouvoir pour intervenir en l'espèce? La réponse est non, il ne peut pas. Ce sera de deux choses l'une: ou bien le douanier américain va se dire qu'il ne semble rien y avoir avec cette personne et il va la laisser passer, ou bien la personne va revenir du côté canadien, les agents de douanes ne peuvent pas agir et la personne se perdra dans le reste de la population. Dans ce cas particulier -- qui est très hypothétique mais qui pourrait arriver, ce n'est pas une hypothèse farfelue -- il faut, croyons-nous, que les agents de douane aient un pouvoir d'agir, sans avoir un policier qui soit assis dans le poste de douane au cas où cette situation se présenterait.

La même situation se présente dans le cas de conduite avec facultés affaiblies, sauf que dans ce cas, ce serait dans les deux sens. Si un individu arrive des États-Unis ou s'en va vers les États-Unis et que le douanier américain le voit dans un état d'ébriété avancé, il peut décider de le retourner. Est-ce que l'on doit ne pas agir? Cela apparaît comme étant un peu déficient et c'est dans ce cadre que l'on croit qu'un pouvoir d'agent de la paix, mais uniquement aux fins du cadre restreint géographiquement du poste de douane, devrait être accordé.

Le sénateur Nolin: Je pense qu'il est important d'établir que l'on n'a absolument rien contre l'objectif du projet de loi. On veut juste s'assurer que cela va s'appliquer dans les limites et le respect de nos autres lois. Surtout de ne pas devenir, je m'excuse de l'expression, orgiaque comme cela se passe en ce moment de l'autre côté de la frontière. Je pense que c'est trop.

Le sénateur Joyal: Dans le même sens, vous avez affirmé que les agents de douane auraient les pouvoirs d'un officier de police pour les fins de l'application de la Loi des douanes et des accises. Or mon expérience, encore une fois, des postes frontières est la suivante: les questions qu'on nous pose débordent l'application de la Loi des douanes et des accises. Je donne un exemple de ce que je me suis fait demander.

Si j'arrive et je conduis tel genre de voiture, on me pose la question: qui est le propriétaire du véhicule? La deuxième question: est-ce que je peux donner l'enregistrement du véhicule? On contrôle le véhicule, non seulement si c'est un véhicule rapporté volé, mais c'est un véhicule aux fins de la Loi sur le revenu. Donc on n'est plus sur la question de douanes et d'accises. Je vous parle d'un véhicule donc la plaque minéralogique est une plaque canadienne. Je vous pose la question parce que je crois que c'est extrêmement important que l'on sache vers quoi on se dirige. Cela signifie que dorénavant, le citoyen canadien qui se présente au poste frontalier pourra être susceptible de toutes sortes d'autres vérifications qui débordent largement la Loi des douanes et des accises. On n'en est plus à importer un véhicule qui est soupçonné frauduleux. On vérifie en définitive si le véhicule est un véhicule de plaisance ou un véhicule de compagnie. Si le véhicule est de compagnie, on vérifie si la déclaration d'impôt correspond à un véhicule déclaré pour des utilisations aux fins professionnelles ou personnelles. On déborde, on n'est plus dans la Loi des douanes et des accises, on utilise la présence de l'individu au poste frontalier pour faire une série d'autres vérifications. L'autre vérification pourrait être si le véhicule de l'individu est recherché pour des contraventions de vitesse non payées ou des billets de stationnement non payés. On pourra élargir le contrôle de l'individu sur une foule d'autres domaines qui débordent largement l'application de la Loi des douanes et des accises.

Je pense que si l'on doit voter ce projet de loi, et personnellement je n'ai pas d'objection à voter en faveur de ce projet de loi, on doit être extrêmement conscient des implications juridiques du fait que, dorénavant, le poste de douane n'est plus simplement un poste pour les fins de l'application de la Loi des douanes et des accises ou des fins criminelles comme telles, mais que l'on étend le contrôle possible sur toutes sortes d'autres lois fédérales ou même provinciales, sur la base de l'individu qui se présente devant nous.

On pose un geste qui, à mon avis, mérite d'être bien compris lorsqu'on va voter des dispositions comme celles-là qui ont des implications importantes sur les droits et les libertés des individus.

M. Roy: Je partage complètement et absolument vos propos. Je ne sais pas personnellement quelle est la justification pour le type de questions auxquelles vous référez et à l'expérience qui vous est arrivée. Est-ce que les agents des douanes administrent aussi une loi relativement à l'importation de véhicules construits aux États-Unis et que l'on avait des informations qu'il y en avait qui étaient pour passer la frontière sans avoir payé les taxes et autres droits qui sont dus? Quelqu'un qui va s'acheter un véhicule dans l'État de New York et qui revient parce que le prix est moins cher, est-ce que c'est la raison? Je ne saurais dire. Pour répondre de façon plus directe à votre question et au problème que cela vous cause, nous avons insisté pour que le paragraphe 4, à l'article 163.5 soit inclus de manière à restreindre l'action. Cet article se lit, et je cite:

[Traduction]

(4) L'agent des douanes désigné ne peut recourir à ses pouvoirs d'application de la présente loi uniquement pour rechercher des éléments de preuve d'infraction criminelle à une autre loi fédérale.

[Français]

Autrement dit, ce que le projet de loi essaie de faire, c'est de transposer en langage juridique une notion de «plain view». Qu'est-ce que la notion de «plain view»? C'est qu'un agent de la paix, dans le cadre de ses fonctions, doit pouvoir agir lorsqu'il constate avec ses sens qu'il y a eu une infraction à autre chose que ce pourquoi il est là.

Un cas qui est souvent utilisé pour illustrer cela, c'est le cas du policier qui fait une perquisition pour obtenir, par exemple, des documents dans le cadre d'une fraude, arrive sur les lieux et trouve une montagne de cocaïne sur la table. Est-ce qu'il doit se dire: «Je ne veux pas voir et je n'ai pas l'autorisation d'être là à ces fins»? Non. La loi prévoit que lorsque vous êtes là et que vous le constatez sans chercher qu'il y a cette autre infraction, vous pouvez agir. C'est un peu ce que l'on retrouve dans ce projet de loi.

Les douaniers ont le pouvoir d'agir à l'intérieur du cadre de leur loi d'application, c'est-à-dire la Loi sur les douanes et la Loi sur l'accise. Le paragraphe 4 essaie de dire que constatant d'autres infractions en droit fédéral, la personne est en état d'ébriété avancé, on a un véhicule qui est maculé de sang et l'individu, parce que c'est déjà arrivé, est lui-même maculé de sang, est-ce qu'on se doit de fermer les yeux? La réponse est non. On ne voudrait pas que les pouvoirs conférés aux agents de la paix leur permettent de faire des enquêtes du type de celles dont vous me parlez.

Le sénateur Joyal: Je comprends bien, mais vous utilisez un exemple extrême, à mon avis. Si l'individu arrive avec une hache, un couteau et des morceaux de corps sur le siège avant, il est bien évident que tout être raisonnable et normal va dire qu'il faut faire quelque chose. C'est différent. C'est un exemple extrême me direz-vous, et j'ai caricaturé à dessein le vôtre. Mais c'est différent de demander le numéro d'assurance sociale, de le poinçonner dans l'ordinateur et d'émettre le portrait de l'individu. Vous savez très bien que maintenant, avec les recoupements d'information, les plaques minéralogiques, les permis de conduire, les numéros d'assurance sociale et tous les autres numéros -- et Dieu merci! je n'ai rien contre l'utilisation des moyens modernes pour retracer les criminels, au contraire -- c'est tellement facile d'aller chercher une multitude d'informations supplémentaires. Pour vous caricaturer une telle situation, le douanier qui a devant lui quelqu'un qui est recherché pour des contraventions impayées, disons un montant minime de 110 $, et qui met cette personne sous état d'arrestation à la frontière pour une contravention due de 110 $.

Ses facultés ne sont pas affaiblies, il revient au pays, donc il accepte de se soumettre théoriquement aux lois du pays. C'est tout à fait différent que de dire que l'on donne à l'individu des pouvoirs pour se saisir d'un individu qui va commettre un acte criminel ou qui est sur le point de le commettre. Ce sont deux choses complètement différentes.

C'est la raison pour laquelle je vous demande jusqu'où, en pratique, cette garantie ne donne pas ouverture à toutes sortes d'autres vérifications parce que sur l'ordinateur de l'agent de douane, on aurait évidemment le portrait social de l'individu?

C'est le pouvoir de la restriction que vous exprimez au paragraphe 4 de l'article 465. Le recoupement d'information peut facilement être obtenu maintenant au poste frontière

M. Roy: Je ne chercherai certes pas à éviter la question en y répondant de façon technique mais je vais y répondre de façon technique.

On parle d'un texte de loi. L'agent de la paix n'a aucun pouvoir, en droit, de vous arrêter, sénateur Joyal, sur la rue, de vous poser des questions et de vous forcer à y répondre. Il n'a pas ce pouvoir. Il peut certes vous accoster sur la rue et vous dire: «Bonjour sénateur, est-ce que je peux vous poser deux questions?» Rien ne l'empêche de faire cela. Vous avez le droit de rester silencieux. Si vous n'avez rien fait et si vous prétendez n'avoir rien fait, il ne peut vous forcer à répondre à ces questions.

En droit, stricto sensu, l'agent de la paix qui a les nouveaux pouvoirs dont on parle ici n'a pas plus le pouvoir, parce qu'il est au poste de douane, de vous questionner sur votre vie, sur ce que vous avez fait, sur votre identité, qu'il ne l'aurait si vous étiez sur la rue. Le pouvoir de l'agent de douane est limité en tant qu'agent de la paix à l'application de sa loi. Les questions qui vous sont posées doivent l'être en fonction de la loi qu'il est chargé d'appliquer.

Si on se met à vous poser des questions qui n'ont rien à voir avec la Loi sur les douanes et que l'on vous dise: «Je suis agent de la paix, je peux vous poser ces questions», il n'est pas juste de dire que cette personne a ce pouvoir parce que ce pouvoir n'existe pas.

Le pouvoir conféré lorsque vous êtes agent de la paix est un pouvoir d'arrestation. Cette protection vous permet d'utiliser un certain niveau de force lorsque vous exercez ce pouvoir d'arrestation. Ce pouvoir est relatif à une certaine protection que vous avez si vous êtes en possession d'une arme à feu. Je comprends que Douane Canada n'a pas l'intention de doter ses agents d'armes à feu. Cela fait partie du portrait. C'est un pouvoir en matière d'écoute électronique. C'est un pouvoir en matière de conduite avec facultés affaiblies mais ce n'est jamais le pouvoir de vous forcer de répondre à leurs questions.

On peut vous forcer à répondre à des questions lorsque vous entrez au Canada en raison de la jurisprudence. Le sénateur Beaudoin en particulier va être familier avec l'affaire Simmons, où la Cour suprême du Canada a dit que l'on a un intérêt national à protéger nos frontières. On va nous permettre de poser des questions lorsque cela y correspond. On permet des questions en matière d'immigration et en matière de douane. En matière de «law enforcement» au sens large, le pouvoir n'est pas là.

Cette loi n'en fait pas plus. On voulait éviter d'entrer dans des débats à caractère technique ou avec des réponses trop techniques. On a voulu donner un signal clair au paragraphe 4. Le signal clair va donc encore plus loin que de dire: «Vous ne pouvez pas poser de questions et ne commencez pas des enquêtes avec les gens qui sont, à la frontière, un petit peu démunis.»

Je ne sais pas quel est votre sentiment lorsque vous revenez au Canada. Ce douanier semble avoir un pouvoir sur notre personne. On a voulu que le texte de loi soit clair pour leur signifier que leur pouvoir est limité à leur loi d'application. Si vous trouvez quelque chose qui est évident, agissez s'il vous plaît. C'est ce que le paragraphe 4 tente de dire.

Le sénateur Joyal: Dans mon esprit, il y a une différence très nette entre un citoyen qui marche sur la rue et qui est arrêté par un policier et un individu qui se présente à la frontière. Quand vous y arrivez, vous êtes dans un goulot, vous ne pouvez pas en sortir, c'est la porte pour entrer. Vous êtes d'une certaine façon empêché de communiquer, vous êtes littéralement dans un corridor qui n'a qu'une seule issue et dont le douanier détient la clé. Là-dessus, vous avez très bien exprimé votre sentiment.

Le sénateur Beaudoin: Vous êtes à sa merci.

Le sénateur Joyal: Vous ne pouvez pas aller ailleurs. Il y a une nette distinction entre un individu qui, se présente à la frontière à la vue et au su du douanier qui commet un acte criminel, comme la conduite avec facultés affaiblies et l'honnête citoyen qui se présente au poste de douane. On lui pose une seule question: «Donnez-nous une pièce d'identité sur laquelle il y a un numéro quelconque.» On le met dans l'ordinateur et en l'espace de quelques secondes, on a tout sur l'individu. Nommez-moi les gens qui vont refuser de donner une pièce d'identité où il y aurait un numéro? À quoi s'expose cette personne si elle refuse de donner la pièce d'identité en disant: «Voici ma carte, ma photo est là mais je cache le numéro qui apparaît sur la carte d'aide sociale»? Quel risque l'individu prend-il quand il se présente à la frontière?

Est-ce que le texte de loi que nous voulons adopter reflète ces moyens nouveaux qui permettent à un individu de se soumettre à un contrôle général sur ses droits et libertés quand il rentre au Canada? C'est à mon avis la question fondamentale.

M. Roy: J'ai la même préoccupation. Sans ce pouvoir, ils ne peuvent le faire. On a tous la même peur. Si je ne leur donne pas cette information, est-ce qu'ils vont fouiller mon auto et me retenir pendant une heure. Cette crainte psychologique à laquelle vous référez n'est pas augmentée ou diminuée par le projet de loi C-18. Celui-ci ne permet pas d'en faire plus maintenant que ce qui pourrait être fait à l'avenir par rapport à ce qui peut être fait maintenant. Mieux encore, pour éviter de laisser quelques doutes dans l'esprit de quiconque, le Parlement adopterait le paragraphe 4 de l'article 263.5 pour le dire on ne peut plus clairement. Si vous pensez utiliser ce pouvoir pour mener d'autres enquêtes et justifier ce type d'actions, vous ne pouvez pas le faire. C'est le Parlement qui le dit.

Qu'est-ce que vous pouvez faire? Dire que vous refusez et après cela entamer des poursuites contre le douanier qui aurait fait preuve d'un zèle intempestif? C'est un petit peu hypothétique comme remède. Qui va être intéressé à se défendre de cette manière en disant qu'il a été victime d'une utilisation abusive de pouvoir? Le remède existe en droit. Il n'y a pas de doute là-dessus. On se sent un petit peu forcé et on donne l'information qui nous est demandée.

Le sénateur Nolin: Si je comprends bien, ils ont déjà le pouvoir d'incursion dans nos vies privées en vertu de leur loi.

M. Roy: Ce n'est pas ce que je dis. Le pouvoir est en fonction de l'application des lois. C'est la Loi sur les douanes et l'accises. Je comprendrais mal qu'à la douane, quelqu'un me demande mon état marital, combien j'ai d'enfants et si je suis seul. Cela n'a rien à voir avec la Loi sur les douanes. Il doit y avoir une relation.

Le sénateur Nolin: Cela arrive fréquemment quand j'arrive aux douanes. On me demande si ce sont mes enfants, si c'est mon épouse. Je dis oui parce que c'est vrai. Mais cela pourrait ne pas être vrai. Est-ce qu'ils peuvent poser ces questions? S'ils les posent, je présume qu'ils en ont le pouvoir. Je comprends votre argument au paragraphe 4. C'est une sorte de protection générale, mais ils ont déjà le pouvoir.

M. Roy: Il y a un intérêt canadien à poser cette question suite à l'exemple que vous venez de mentionner. Sont-ce des immigrants illégaux ou non? Par exemple, je suis seul à passer aux douanes, j'arrive de France d'un voyage d'affaires et on se met à me poser des questions. Est-ce que vous êtes marié? Je ne suis pas certain qu'il y ait un intérêt national canadien à poser ces questions, autre que hypothétiquement: «Est-ce que vous êtes un immigrant? Avez-vous de la famille ici?» Le douanier peut avoir un doute sur votre identité.

Le sénateur Nolin: Y a-t-il une contradiction entre les paragraphes 4 et 2? Le paragraphe 2 concerne la conduite avec facultés affaiblies. Ce serait évident pour quelqu'un vraiment en état d'ébriété et qui a de la misère à conduire sa voiture.

M. Roy: La police ne peut pas, à l'heure actuelle au Canada, arrêter quelqu'un sur la rue, sans avoir de soupçons raisonnables et lui dire: «Je vais vous faire passer le test de dépistage.» C'est nécessaire. La Cour suprême a déclaré à de nombreuses reprises qu'on a le droit au pays d'avoir un barrage routier aux fins de demander aux personnes: «Monsieur, madame, comment allez-vous?» À ce stade, la police doit développer des soupçons raisonnables que la personne est dans un état d'ébriété. Si ce n'est pas le cas, on ne peut pas, en droit, vous forcer à passer le test de dépistage. Si, par ailleurs, on a des soupçons raisonnables, c'est-à-dire les yeux injectés de sang, l'haleine, et cetera, on vous fait passer le test et vous le ratez. La police a alors des motifs raisonnables de croire que vous avez les facultés affaiblies et on peut vous faire passer l'alcootest. Je ne vois pas de contradiction entre le paragraphe 2 et ce que vous avez là.

Si le douanier voit vos yeux injectés de sang, entend un langage incohérent et sent votre haleine, il a des soupçons raisonnables de croire que vous avez les facultés affaiblies. Il peut alors agir. Cela correspond tout à fait au paragraphe 4.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Selon moi, il y a un monde entre se faire arrêter sur la rue par un policier et aller soi-même au devant du policier. Si je me promène sur la rue et qu'un policier m'attrape par le bras pour me demander de subir le test, ce n'est pas comme si j'étais venu moi-même au policier pour lui demander de me faire passer le test. C'est tout à fait différent. Vous le savez bien.

M. Roy: Oui.

Le sénateur Joyal: Pourtant, c'est exactement ce que nous faisons lorsque nous nous présentons aux Douanes actuellement. L'agent des douanes pourra maintenant nous demander: «Avez-vous consommé de l'alcool au cours de la dernière heure?» En théorie, l'agent peut maintenant nous poser la question.

Le sénateur Nolin: Il la pose déjà.

Le sénateur Joyal: On ne me l'a jamais demandé, mais désormais, lorsque je me présenterai à la frontière, l'agent des douanes pourra me demander: «Avez-vous consommé de l'alcool durant la dernière heure?». Si je réponds par l'affirmative, il peut me demander combien j'en ai consommé. Si je réponds que j'ai consommé deux verres, il peut exiger que je me soumette au test.

Comme je l'ai dit, il y a tout un monde entre cela et se faire arrêter sur la rue et demander de passer un test administré par des policiers. L'agent des douanes est maintenant un agent de la paix aux fins d'application de la loi. Ce n'est pas la même chose.

La disposition que nous insérons dans le projet de loi est-elle suffisamment musclée pour traiter ce genre de nouvelle situation?

M. Roy: Précisons tout d'abord, sans équivoque, que l'agent de la paix, Monsieur ou Madame Tout-le-Monde ou l'agent des douanes qui vous pose cette question peut certainement la poser, mais rien dans la loi ne vous oblige à y répondre. Vous avez peut-être l'impression d'être obligé d'y répondre, en ce sens que votre refus aurait des conséquences, mais, en droit, rien ne vous oblige à répondre.

Aux fins de la présente discussion, l'exemple du conducteur à facultés affaiblies est utile parce que les tests de dépistage effectués au Canada actuellement ont lieu en des points -- quel que soit l'endroit où ils ont lieu -- dont on ne peut s'échapper. Le test s'effectue sur un pont, au bord de l'autoroute. Vous n'avez pas le choix. Il faut que vous attendiez votre tour au barrage routier. C'est la même chose à la frontière. Vous n'avez pas le choix. Soit que vous faites demi-tour et essayez de franchir la frontière à un autre poste, soit que vous patientez, que vous faites la queue et que vous finissez par rencontrer un agent des douanes.

Quand des agents de la paix installent un barrage routier, le résultat est le même, pour vous. Ils ne peuvent pas vous poser des questions auxquelles vous ne voulez pas répondre. Vous n'êtes pas obligé de répondre à ces questions. Il faut que ce qu'ils ont observé leur donne des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise. Ils vous voient. Si vous avez des troubles d'élocution, vous éprouverez peut-être des difficultés. Si d'autres signes permettent de croire que vous conduisez avec des facultés affaiblies, vous aurez peut-être un problème. Ils ont donc des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise. Il vous faut alors subir le premier test. Si vous l'échouez, il vous faut ensuite vous soumettre à l'alcootest.

Le gouvernement laisse entendre que rien ne cloche. En toute franchise, pour ce qui est de la conduite en état d'ébriété, c'est la même chose que sur le pont du Portage, le vendredi soir vers 23 heures. Il n'y a pas de différence, selon votre humble serviteur.

Le sénateur Joyal: Il existe certaines réserves.

[Français]

Le sénateur Nolin: L'article 98 de la Loi sur les douanes vous donne ce pouvoir en ce moment?

M. Girard: Oui.

Le sénateur Nolin: Vous voulez étendre ce pouvoir par le projet de loi C-18?

M. Girard: Oui.

Le sénateur Nolin: Quand je le lis, je comprends votre problème. L'article 98 dit qu'il la soupçonne pour des motifs raisonnables de dissimuler sur elle ou près d'elle tout objet d'infraction effective ou éventuelle à la présente loi, tout objet permettant d'établir une pareille infraction ou toute marchandise d'importation ou d'exportation prohibée, contrôlée ou réglementée en vertu de la présente loi ou de toute autre loi fédérale. L'agent peut fouiller.

Lorsque le sénateur Joyal se fait poser des questions sur le véhicule ou le propriétaire, est-ce en vertu de cet article?

M. Girard: De temps en temps, ces questions semblent un peu étranges, mais elles ont pour but, par exemple, de trouver des véhicules américains qui ne doivent pas être importés au Canada. Ces questions semblent étranges mais sont nécessaires pour empêcher la contrebande.

[Traduction]

Par exemple, en ce qui concerne de nombreux véhicules motorisés construits aux États-Unis et importés au Canada, ce n'est pas toujours une question de douanes, mais plutôt de l'obligation qu'ont les Douanes d'appliquer par l'intermédiaire de la Loi sur les douanes 70 ou 80 autres textes législatifs pour faire en sorte que soient respectées les normes relatives aux émissions et toutes les autres exigences de Transports Canada.

Certaines autres questions que vous avez mentionnées ne voulaient peut-être pas laisser entendre qu'il ne s'agissait pas de votre famille. L'agent vous a peut-être mieux posé la question à la fin de votre visite ou à votre arrivée. Souvent, nous nous acquittons de notre fonction première, soit de l'immigration. La première question que se pose l'agent, c'est de savoir si vous êtes admissible. La deuxième est de savoir ce que vous entrez au pays avec vous. C'est pourquoi certaines questions peuvent sembler un peu étranges parfois. Il y aurait peut-être moyen de mieux les formuler, mais elles visent à appliquer la Loi sur les douanes et d'autres textes législatifs.

Le sénateur Joyal: Quand quelqu'un revient au Canada, l'écran d'ordinateur de l'agent affiche la date de son départ et la raison d'être du voyage. C'est du moins ce que j'ai pu moi-même constater. J'ai souvent fait l'objet de ces vérifications. Les questions qui m'ont été posées avaient manifestement pour objet d'éviter des fraudes fiscales. Elles n'étaient certes pas destinées à repérer le genre d'automobiles soupçonnées d'être importées sans acquitter les droits de douane.

J'ai appris, de conversations avec des amis qui conduisent des automobiles de luxe dans le cadre de leur emploi au sein d'une entreprise, qu'on leur pose certaines questions. Les renseignements qu'on leur demande, par exemple le numéro du permis de conduire, le certificat d'immatriculation du véhicule et des questions au sujet du fait que la personne voyage le week-end et s'absente durant trois jours, ne sont manifestement pas demandés à des fins de contrôle douanier, mais plutôt à des fins fiscales.

J'ai appelé mon comptable pour vérifier qu'il avait bel et bien déclaré l'automobile que j'utiliserais parce que je prévoyais un contrôle. Croyez-moi, je n'étais pas le seul à en avoir la nette impression. J'ai parlé à des amis qui sont dans la même situation.

M. Girard: C'est une observation valable. J'accepte la véracité de ce que vous dites sur parole. Il serait peut-être utile que nous nous rencontrions tous les deux pour en discuter parce que le genre de comportement que vous venez de me décrire, aux fins que vous avez précisées, ne relève certes pas du champ de compétence de Revenu Canada ou de Douanes Canada. En tant que haut fonctionnaire responsable du ministère, il faudrait que j'aie tous les détails de ces situations afin d'y voir. Si vous le voulez bien, je vous rencontrerai volontiers pour en discuter. L'esprit de la loi n'est certes pas d'exercer le pouvoir à de pareilles fins.

La présidente: Il est étrange que je n'éprouve aucune difficulté à franchir la frontière dans ma Ford Escort.

Vous pouvez peut-être maintenant faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions.

M. Girard: C'est avec plaisir que nous sommes ici aujourd'hui pour creuser avec vous le projet de loi C-18 et vous donner des précisions à son sujet. Nous avons eu l'avantage et l'occasion d'entendre le témoignage des représentants du CEUDA, c'est-à-dire de Customs Excise Union Douanes Accise, et du chef adjoint de la Police de Windsor, Michael Dagley. Nous nous sommes vivement réjouis de l'appui manifesté à l'égard du projet de loi tant par le syndicat que par le chef adjoint. De toute évidence, ils sont d'accord avec le ministère pour dire que les modifications envisagées dans le projet de loi C-18 aideront beaucoup à améliorer la sécurité des Canadiens.

Ces modifications sont cruciales et, fait tout aussi important, applicables. Elles mettent fin au besoin de longue date de protéger les Canadiens contre les dangers que représentent certaines personnes indésirables et les criminels.

Nous avons noté que l'engagement pris par le ministère de mettre en place les politiques, les moyens et l'information voulus pour bien mettre en oeuvre, avec succès, les nouveaux pouvoirs conférés aux agents préoccupaient les porte-parole de CEUDA. J'ai aussi remarqué que les questions du sénateur Nolin avaient rapport avec ce point. Il faudrait donc vider la question.

[Français]

Je tiens à vous assurer que Revenu Canada est bien conscient des répercussions des changements proposés pour les responsabilités et les pouvoirs des agents de douane. Nous sommes prêts et nous nous engageons à offrir la formation et les outils nécessaires pour que nos agents soient en mesure de s'acquitter de leurs responsabilités avec efficacité et en toute sécurité.

Tel que nous l'avons déjà mentionné au comité, les agents de douane sont des professionnels qualifiés. Ils font face à leurs responsabilités en faisant preuve d'enthousiasme. Nous sommes convaincus qu'avec une bonne formation, les agents désignés seront prêts à faire preuve du même professionnalisme envers leurs nouvelles responsabilités en vue de l'application du Code criminel.

Nous reconnaissons qu'une telle initiative ne peut être mise en oeuvre du jour au lendemain. Il faudra des politiques, des procédures et de la formation bien avant la proclamation du projet de loi.

Nous proposons la mise en <#0139>uvre du projet de loi C-18 neuf mois après la sanction royale, afin que les personnes jouant un rôle dans cette initiative aient le temps de se préparer.

[Traduction]

De nombreux préparatifs ont déjà été faits en prévision de ces nouvelles responsabilités. Comme nous l'avons dit la dernière fois que nous étions ici, le ministère a créé une équipe de mise en oeuvre qui examinera avec soin toutes les incidences du projet de loi C-18. Nous sommes très conscients du besoin d'offrir aux agents une formation plus poussée, de mettre en place des politiques et des procédures opérationnelles et d'adapter les normes de recrutement s'appliquant à ces employés. Il faudra aussi rénover quelque peu les installations existantes pour permettre la détention en lieu sûr, loin des autres voyageurs, des personnes suspectes. Nous nous sommes engagés à voir à toutes ces questions.

La question de la formation a fait l'objet de beaucoup de discussions durant les délibérations du comité. Les porte-parole de CEUDA ont accueilli avec scepticisme l'engagement pris par le ministère de former les agents en vue de les préparer à assumer ces nouvelles fonctions. Le chef adjoint Dagley a également dit que la formation était un élément clé du succès de cette initiative. Je vous assure à nouveau que Revenu Canada ne désignera pas des agents des douanes au sens du projet de loi C-18 tant et aussi longtemps qu'ils n'auront pas suivi avec succès les cours de formation qui s'imposent.

Il a aussi été question plusieurs fois de la sécurité des agents. À nouveau, je souligne que la santé et la sécurité des agents des douanes sont notre priorité numéro un. Nous sommes en train de mettre en oeuvre à l'intention de nos agents des politiques relatives à la protection du personnel et à l'utilisation de la force ainsi que de la formation à cet égard. Ces programmes de formation et ces politiques seront en place avant la mise en oeuvre du projet de loi C-18, et l'on ne demandera à aucun agent d'assumer ces nouvelles responsabilités sans avoir d'abord reçu la formation et après l'entrée en vigueur des nouvelles politiques.

L'armement des agents a suscité beaucoup de débats, tant au sein du gouvernement qu'à la Chambre des communes et au Sénat. Le gouvernement y a beaucoup réfléchi. Il reconnaît qu'il n'existe pas de bonne ou de mauvaise réponse à cette question. Vous aurez remarqué, j'en suis sûr, que les opinions à ce sujet sont nombreuses et variées. En bout de ligne, c'est une question de jugement, et le gouvernement est d'avis qu'il n'est pas nécessaire d'armer les agents.

Le CEUDA a souligné que l'armement n'avait pas fait l'objet d'une étude officielle depuis le début des années 80. Bien que ce soit vrai, cela ne signifie pas -- je le souligne -- que Revenu Canada et le gouvernement n'ont pas été vigilants dans l'étude de cette question. La santé et la sécurité des agents des douanes dans l'exercice de leurs fonctions font l'objet d'une évaluation et d'un suivi permanents. Rien dans ces évaluations ne nous a incités à recommander au gouvernement de revenir sur sa décision.

[Traduction]

Les agents ont toujours fait preuve d'un excellent jugement dans l'exécution de leurs responsabilités. Comme le disait le chef adjoint Dagley dans son témoignage, tous les agents d'application de la loi doivent évaluer les répercussions d'une situation donnée pour la santé et la sécurité, et ils reçoivent la formation nécessaire pour y parvenir. S'ils estiment qu'il y a un risque pour leur sécurité personnelle, ils doivent se retirer et obtenir du renfort. Les agents de douane ne sont pas différents. Revenu Canada ne s'attend pas à ce que ses agents s'exposent à un danger. Cela ne changera pas avec la mise en oeuvre du projet de loi C-18.

L'initiative sur les pouvoirs des agents a fait l'unanimité. Nous avons consulté les agents de douane, la CEUDA, les services de police et les groupes d'intérêt tels que les Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation et Child Find Canada.

Les consultations se poursuivent. Nous tiendrons compte des préoccupations et de l'avis des agents de douane. L'équipe de mise en oeuvre a déjà commencé des séances de consultation avec les employés et les représentants de la CEUDA d'un peu partout au pays -- de petits, moyens et grands bureaux de douane. Pratiquement tous les agents on fait part de leur appui pour le projet de loi et de leur enthousiasme afin de réussir la mise en oeuvre.

Un tel engagement est très encourageant. Cela démontre un appui général à l'égard de l'initiative sur les pouvoirs des agents. Le soutien des employés simplifiera notre travail préparatoire, car nous ne pouvons pas réussir sans eux.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Vous dites en être venu à la conclusion qu'il n'était pas nécessaire d'armer les agents. Que sont-ils censés faire lorsque leur sécurité est compromise?

M. Girard: S'il s'agit de leur sécurité personnelle, durant la formation, on leur enseigne de se retirer. Je ferai remarquer que, chaque année, dans l'exercice de leurs fonctions actuelles concernant les biens dont l'importation est interdite au Canada, ils saisissent plusieurs centaines d'armes de poing et d'armes automatiques une à la fois de personnes qui sont ou ne sont peut-être pas dangereuses et qu'ils ne sont eux-mêmes pas armés. Lorsque l'agent se sent menacé, que ce sentiment soit dû à la formation reçue ou à son instinct, il a tout notre appui s'il se retire et refuse de compromettre sa santé ou sa sécurité.

Le sénateur Beaudoin: S'il a besoin d'aide, peut-il rapidement obtenir des renforts?

M. Girard: Il prendra note de l'incident et communiquera immédiatement avec la police.

Le sénateur Beaudoin: Le poste de police pourrait se trouver loin.

M. Girard: C'est possible, mais la sécurité de cet agent n'est au moins pas menacée. Tout d'abord, on interdirait l'entrée au Canada de cette personne. Si elle décide de filer et d'entrer tout de même au Canada, elle aura commis une deuxième infraction, de sorte que la police serait incluse là aussi dans l'opération. De plus, dès qu'il y a passage illégal de la frontière au port, la GRC s'en mêle.

Le sénateur Lewis: L'article qui confère ces pouvoirs aux agents des douanes dit: «Dans le cadre de l'exercice normal de ses attributions à un bureau de douane, l'agent des douanes désigné». Tout le débat de ce matin me semble graviter autour des personnes qui entrent au Canada. Qu'en est-il de celles qui quittent le Canada? L'agent des douanes qui travaille à la frontière a-t-il des attributions normales à cet égard?

M. Girard: Il en a, en rapport avec les biens que cette personne a en sa possession, plutôt qu'avec la personne comme telle. Ainsi, nous exigerions un permis d'exportation avant d'autoriser la sortie à destination de certains autres pays de biens stratégiques.

Le sénateur Lewis: Il existe effectivement certaines restrictions.

M. Girard: C'est dans ces cas que l'agent assumerait son rôle.

Le sénateur Lewis: Au poste frontière de Windsor, par exemple, assure-t-on une surveillance des personnes qui quittent le Canada?

M. Girard: Non.

Le sénateur Lewis: Ce serait anormal?

M. Girard: Ce le serait effectivement.

Le sénateur Lewis: Si un agent des douanes constate qu'une personne manifestement en état d'ébriété est au volant d'un véhicule, il laisse le soin aux Américains, si j'ai bien compris, de prendre en charge la situation.

M. Girard: Les personnes qui quittent le Canada ne sont pas obligées de faire une déclaration, mais celles qui quittent le Canada en ayant en leur possession des biens sont obligées de déclarer les biens. Je ne voulais pas entrer dans les détails techniques, mais je soupçonne que, si une pareille situation se présentait dans un port moyen, l'inspecteur des douanes canadien en aviserait les autorités douanières américaines par téléphone.

Le sénateur Lewis: Il leur dirait qu'une personne ivre est sur le point de se présenter à leur frontière.

M. Girard: Nous les appelons aussi des personnes dangereuses. Trois mille livres d'acier peuvent être très dangereuses.

Le sénateur Lewis: Si l'agent des douanes constate la présence d'une arme à feu sur le siège d'une automobile à la frontière, cette arme tomberait-elle dans la catégorie des biens interdits? Se sentirait-il obligé de stopper le véhicule, pourrait-il le faire ou se contenterait-il simplement d'en aviser les autorités douanières américaines?

M. Girard: Nous mènerions certes une enquête sur la personne par la suite, si nous soupçonnions que des armes à feu sont exportées du Canada à la vue de tous, mais nous n'inspecterions pas les armes pour voir si elles sont interdites. La seule chose que nous pourrions faire serait de transmettre les renseignements et de mener par la suite une enquête interne au Canada non pas pour savoir s'il y a parfois eu infraction à la Loi sur les douanes comme telle, mais plutôt infraction à la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Nous ne ferions pas immédiatement enquête ni ne prendrions tout de suite des mesures. À nouveau, il serait peut-être dans le meilleur intérêt de nos agents canadiens de communiquer par téléphone avec les agents américains afin de leur signaler qu'une personne ayant une arme en sa possession est en train de franchir la frontière ou semble vouloir le faire. Après tout, nous avons les mêmes préoccupations.

Le sénateur Lewis: Ils pourraient aussi décider: «Parfait; bon débarras».

[Français]

Le sénateur Nolin: Monsieur Girard, vous venez de nous parler d'un délai de neuf mois entre la date de la sanction royale et la date de la mise en application de la loi. Est-ce que c'est l'intention du ministère de conclure des ententes avec des corps de police -- je pense surtout à des corps de police provinciaux et municipaux -- pour que la mise en oeuvre de cette loi se fasse de façon la plus harmonieuse possible? Est-ce que c'est votre intention de faire cela? Peut-être avez-vous déjà de telles ententes qui sont en train de se négocier.

[Traduction]

M. Girard: En termes pratiques, nous souhaitons certes avoir en place des accords, qu'ils soient officiels ou qu'il s'agisse de protocoles d'entente ou d'une entente tout court, avec tous les organes d'exécution de la loi. Nous avons l'intention d'avoir tout cela en place. Une grande partie de nos consultations a eu pour objet de faire en sorte que les délais d'intervention sont convenables. Nous sommes conscients de la limite de deux heures et des restrictions imposées par la Charte qu'a mentionnées M. Roy. Nous voulons faire en sorte d'agir dans les plus brefs délais.

Notre but est toujours le même, soit de protéger la population canadienne. Nous n'avons pas intérêt à garder ces personnes en détention plus longtemps qu'il ne le faut. Nous sommes pleinement conscients des restrictions. Nous souhaitons avoir en place des accords, soit verbaux soit fondés sur nos rapports de longue date avec les forces policières municipales, de manière à pouvoir agir le plus vite possible et dans le meilleur intérêt de la population canadienne. À nouveau, nous entretenons des rapports avec tous les organismes dont vous avez parlé aujourd'hui.

Il s'agit de conférer un pouvoir accru, non pas des pouvoirs entièrement nouveaux issus on ne sait d'où. Nous sommes confrontés à des personnes dangereuses tous les jours et nous sommes souvent appelés à demander l'aide de la police. Ces fonctions ne feront que s'ajouter à ce que nous faisons déjà.

[Français]

Le sénateur Nolin: Combien y a-t-il de postes frontaliers routiers entre le Canada et les États-Unis?

M. Girard: Trois cent soixante-cinq.

Le sénateur Nolin: Si on élimine les grandes villes -- j'ai surtout en tête les petits postes frontaliers entre le Vermont et le Québec parce que ce sont ceux que je fréquente -- est-ce que vous me dites que vous avez déjà, dans l'application actuelle de la loi, oublions le projet de loi C-18, vous avez des ententes de mise en oeuvre, de collaboration avec les corps de police municipaux et provinciaux?

M. Girard: Avec les petits postes frontaliers, c'est toujours avec la police provinciale. Il n'y a pas de municipalité près des postes frontaliers. Le problème qu'on essaie de résoudre aujourd'hui, c'est le problème avec les grandes villes, par exemple, Windsor et d'autres postes frontaliers. Les problèmes n'existent pas dans les petits postes frontaliers.

Le sénateur Nolin: La personne qui est en état d'ébriété, ne prendra pas le pont où elle sait qu'il y a un barrage, elle va prendre le pont où elle sait qu'il n'y a pas de barrage. Le «back road» va devenir la porte d'entrée au Canada pour les Canadiens qui reviennent à la maison après avoir pris un verre de trop aux Etats-Unis ou après avoir fait du ski et de l'après-ski jusqu'à des heures tardives. Ils vont alors chercher le poste frontalier où il n'y a personne la nuit. Je ne sais pas s'il en existe encore.

[Traduction]

M. Girard: Vous avez parfaitement raison. Un de nos domaines de compétence actuellement est de cibler l'évaluation et la gestion des risques. Nous pouvons appliquer les mêmes principes à tous les genres de port. De temps à autre, nous pouvons nous présenter dans un port comme celui que vous avez décrit et effectuer un contrôle sur une période de 24 heures afin de voir s'il y a un problème. Si nous constatons qu'il y en a effectivement un, l'opération se transforme en quelque chose se rapprochant du programme Ride, mais à des fins strictement douanières. Nous avons le moyen de surveiller les ports, souvent à distance, pour évaluer si, sous l'effet de cette initiative, l'achalandage s'accroît à un port qui se trouve peut-être à proximité d'un plus gros port. Dès que cela se produit, nous avons la marge de manoeuvre voulue pour intervenir rapidement -- en quelques heures seulement.

Le sénateur Nolin: La question de la Charte me préoccupe. Prenons l'exemple d'un agent travaillant dans un petit port qui est obligé de garder quelqu'un en détention. Cependant, nul ne répond aux appels au poste de la sûreté provinciale parce qu'il est trois heures du matin. Cela me préoccupe, car la personne détenue a des droits. Nous souhaitons faire en sorte que le projet de loi-C-18 ne viole pas ses droits. Habituellement, les lois sont bien faites, mais leur application est parfois boiteuse. Les avocats trouvent rapidement les failles.

M. Girard: Sénateur, nous en avons certes tenu compte. Durant des discussions antérieures avec votre comité, nous avons précisé que, dans certaines régions, il faudra en réalité construire des cellules de détention convenables. Comme mon ami, M. Roy, l'a dit, nous n'avons que deux heures pour administrer l'alcootest et 24 heures pour traduire la personne devant un juge de paix. Ces exigences nous lient tout autant que dans les autres circonstances, peu importe la taille du port.

Nous ne prévoyons pas que pareille situation sera courante. Mises à part les infractions pour conduite en état d'ébriété, nous ciblons, dans le projet de loi à l'étude, trois infractions graves. Il est fort possible que, durant une arrestation, nous demandions l'aide immédiate d'autres employés des douanes de manière à assurer la protection du public et à faire comprendre également à la police la nécessité d'intervenir avec efficacité et efficience.

[Français]

Le sénateur Nolin: Vous venez d'attirer mon attention sur un petit détail. Est-ce votre interprétation du projet de loi C-18, que vous allez vous traduire devant un juge de paix?

[Traduction]

M. Girard: Non, c'est à la police qu'il appartient de faire cela.

[Français]

Le sénateur Nolin: Vous avez un pouvoir de détenir la personne et de transmettre cette détention à un agent de la paix?

[Traduction]

M. Girard: Nous ne disposons cependant que de 24 heures en tout, sénateur.

[Français]

Le sénateur Nolin: Je comprends, mais c'est pour cela que tout à l'heure, je posais la question sur le mot «aussitôt» qui figure déjà dans le Code criminel. Aussitôt, cela veut dire «du moment que c'est possible de le faire». Donc cela veut dire que l'on doit avoir une configuration immobilière qui permet la détention de la personne et qu'aussitôt que l'on peut transmettre la détention à un agent de la paix autorisé, on le fait. C'était ma question à M. Roy sur la limite. Tout le monde doit s'entendre sur le fait que vous effectuez le début de la détention ou le commencement de la détention de 24 heures et le juge de paix est la fin du 24 heures, et qu'entre vous et le juge de paix, il y a un agent de la paix en vertu de l'article 2 du Code criminel.

Le sénateur Joyal: Monsieur Girard, avez-vous une entente avec la Sûreté du Québec ou l'Ontario Provincial Police selon laquelle vous pouvez échanger des informations sur les véhicules qui pourraient être recherchés?

[Traduction]

M. Girard: Il n'existe pas de pareil accord, sénateur. Nous avons en place un système de signalement, mais il ne porte que sur des véhicules ayant déjà enfreint la Loi sur les douanes, ce qui dénote une propension à le faire. Nous pouvons au besoin -- mais ce serait pousser le système à ses limites, ce que nous ne faisons pas d'office -- savoir quand un véhicule est sorti du Canada et quand il est rentré. Toutefois, de telles recherches ne sont pas courantes. Elles absorbent beaucoup de main-d'oeuvre et exigent un système très puissant.

Le sénateur Joyal: Le projet de loi à l'étude vous permet-il de conclure des accords avec les services de police? Grâce à l'informatique, il est très facile d'entrer le numéro de plaque minéralogique dans l'ordinateur et de faire afficher un code si le véhicule est recherché par la police pour une infraction ou pour une autre raison.

M. Girard: Il ne le prévoit pas comme tel, non. Il nous permet cependant d'arrêter les personnes à l'égard desquelles a été émis un mandat d'arrestation. Le Centre d'information de la police canadienne nous fournit ces renseignements dans ce que nous appelons les «avis de signalement». Ce n'est pas un moyen de réunir de l'information pour le compte des forces policières canadiennes. C'est plutôt l'inverse. Nous accédons à leur système pour voir si un mandat d'arrestation a été émis contre untel. C'est la méthode envisagée. Nous ne nous en servirions pas pour fournir de l'information aux forces policières canadiennes qui mèneraient ensuite des enquêtes. Ce n'est pas notre rôle.

La présidente: Le projet de loi à l'étude ne vous permet pas de vérifier n'importe quoi.

M. Girard: Non.

Le sénateur Joyal: Le véhicule fera peut-être l'objet de toutes sortes de vérifications au poste frontière pour voir s'il y a eu infraction. Il a peut-être servi entre autres à commettre un vol de banque ou des infractions au code de la route. Maintenant que vos agents des douanes ont des pouvoirs policiers, je crains que nous ne soyons en train de vous donner aussi le pouvoir de conclure des accords avec les services policiers vous autorisant à faire des recherches en fonction du numéro de plaque minéralogique du véhicule. Grâce à l'informatique, il est tellement plus facile de simplement taper le numéro. Dès que vous l'entrez dans le système, un code s'affiche immédiatement à l'écran. Nous savons cela.

M. Girard: En ce qui concerne les diverses situations que vous avez décrites, cela arrivera parfois, mais le plus souvent, la réponse est non. Évidemment, si la police nous avise que le véhicule a été volé, nous agirons puisque c'est l'un des objectifs du projet de loi à l'étude, c'est-à-dire de retrouver les biens volés. Si la police nous informe qu'un mandat a été émis contre vous, c'est aussi des raisons d'être du projet de loi à l'étude. Je conçois aisément d'une situation où vous pourriez avoir accumulé plusieurs contraventions non payées pour stationnement illégal, mais qu'il n'y a pas encore eu de mandat émis pour votre arrestation. S'il n'y a pas de mandat, vos contraventions nous laissent indifférents, et le projet de loi à l'étude ne nous confère pas le pouvoir d'agir. Par contre, si un mandat a été émis pour non-paiement des contraventions, votre nom apparaîtra à l'écran, comme vous le disiez. Nous parlons ici d'un mandat d'arrestation, non pas d'une contravention. Il ne faudrait pas mélanger les deux.

Le sénateur Joyal: Ce que vous êtes en train de dire a de l'importance parce que, quand ils tapent votre nom, ils tapent uniquement le nom de famille. Quand je réponds «Joyal», en raison de mon accent, ils cherchent immédiatement à savoir si je suis Canadien ou pas. Si l'agent des douanes a l'impression que je suis Canadien, il me demande immédiatement où j'habite, puis on passe à une autre série de questions.

Vous affirmez avoir désormais le pouvoir de vérifier si un mandat a été émis contre moi. Vous me demanderez donc plus que mon nom de famille. Vous voudrez connaître mon prénom, peut-être même l'initiale de mon second prénom, parce qu'il doit bien y avoir d'autres Joyal au Canada. On effectuera donc plus de vérifications et on posera plus de questions à la frontière que ce n'était le cas auparavant.

M. Girard: Ce serait effectivement le cas, mais les questions se limiteraient au strict nécessaire pour vérifier l'information et l'identité de la personne. Nous le faisons souvent actuellement à des fins de citoyenneté et d'immigration. Nous le ferions à l'avenir pour vérifier si un mandat d'arrestation a été émis. Toutefois, il n'est pas question de poser ces questions à tout un chacun, puis d'interroger l'ordinateur pour voir s'il y a un mandat émis en votre nom. Avant de pousser l'interrogatoire, il faut que le nom «Joyal» s'affiche à l'écran. Nous ne faisons pas une recherche tous azimuts. Si nous avons une préoccupation légitime, nous poserons quelques questions de plus. Nous cherchons à réduire au minimum l'intrusion dans votre vie privée.

L'idée n'est pas de permettre à nos inspecteurs de douanes d'exercer plus de pouvoirs qu'ils n'en exercent déjà. Ils ont déjà le pouvoir, et vous êtes tenu de répondre à toutes les questions raisonnables que pourrait vous poser un agent aux fins de l'application de la Loi sur les douanes. Vous êtes déjà obligé de le faire.

Le sénateur Joyal: Je le sais.

M. Girard: Nous n'ajoutons en parallèle que la possibilité de vous poser quelques questions de plus au sujet de votre second prénom afin de voir s'il y a un mandat d'arrestation. Cependant, avant d'amorcer le dialogue ou de commencer à poser des questions, il faut au départ soupçonner que pareil mandat existe. Nous ne cherchons pas à en savoir plus long.

Le sénateur Joyal: Avez-vous vérifié auprès du Commissariat à la protection de la vie privée que vous avez le droit de poser les questions que vous poserez désormais aux citoyens?

M. Girard: Pas à cet égard particulier, sénateur, mais nous avons certes une longue expérience de ces mêmes pratiques et processus en vertu de la Loi sur les douanes, et cela ne nous a jamais causé de difficulté.

Le sénateur Joyal: Je vous pose la question parce que, dans le passé, on m'a demandé mon nom, et j'ai répondu. Puis, la personne qui m'accompagnait s'est fait demander son nom, et elle a répondu. On nous a ensuite demandé: «Quelle est la relation entre vous deux?» Jugez-vous qu'il est essentiel de le savoir?

M. Girard: À nouveau, sénateur, il est souvent difficile de faire des conjectures au sujet de ce qui s'est peut-être produit à un certain moment donné, mais il me semble que l'agent posait simplement une autre question aux fins d'application de la Loi sur l'immigration. J'ignore les circonstances exactes, mais c'est ce que je supposerais au départ.

La présidente: Sénateur Joyal, puisque vous avez des préoccupations légitimes à cet égard, il conviendrait peut-être de rencontrer M. Girard plus tard.

Le sénateur Moore: J'ai une question qui se greffe au dernier point soulevé par le sénateur Nolin. Comment s'effectue le décompte de la durée de détention?

M. Girard: Les minutes sont comptées dès l'arrestation.

Le sénateur Moore: L'heure d'arrestation est-elle consignée quelque part?

M. Girard: Voilà où intervient la formation que nous recevons. Je vais vous expliquer comment nous procédons actuellement. Il est très important que nous tenions un journal des événements. Tout comme les autres agents de la paix, nos agents ont en leur possession le petit calepin noir réglementaire dans lequel ils tiennent leur journal. C'est dans ce calepin que serait notée l'heure de l'arrestation.

Le sénateur Moore: La personne détenue en recevrait-elle copie?

M. Girard: Elle ne recevrait pas copie du calepin. Cependant, elle ne peut pas ne pas connaître le moment auquel elle a été arrêtée, puisqu'on lui dit: «Vous êtes en état d'arrestation». On lui fait ensuite la lecture des droits que lui confère la Charte.

Le sénateur Nolin: Lui dit-on qu'elle peut se procurer les services d'un avocat?

M. Girard: Naturellement!

Le sénateur Moore: Lui dit-on: «Vous êtes en état d'arrestation à compter de 12 h 30» ou plutôt: «Vous êtes en état d'arrestation»? Cette personne ne porte peut-être pas de montre. Lui précise-t-on l'heure? Le moment à partir duquel se fait le décompte me préoccupe.

M. Girard: Cette question du moment exact auquel a lieu l'arrestation a souvent donné lieu à d'intéressants débats en common law. Dans les cas de cette nature, le suspect, c'est-à-dire la personne détenue, sera avisé qu'il est en état d'arrestation. Si la personne ignore à quelle heure elle a été arrêtée et que l'agent l'a notée dans son calepin, si on a l'impression qu'il y a eu un oubli à cet égard, je suis certain que tout s'éclaircira quand la personne exercera son droit de communiquer avec un avocat.

Le sénateur Moore: Le détenu est remis à un policier qui s'occupe de le traduire devant un juge de la paix dans les 24 heures.

M. Girard: Effectivement, dans les 24 heures.

Le sénateur Moore: Ce policier reçoit-il aussi un acte rédigé qui précise l'heure de l'arrestation pour qu'il sache que le décompte a commencé une heure avant son arrivée et qu'il lui reste une heure, s'il veut faire subir un alcootest au détenu?

M. Girard: Nous sommes conscients de cette exigence. Nous la considérons comme un élément clé. Nous savons que les policiers en sont aussi conscients, puisqu'ils travaillent sous ce régime depuis des années. Lorsque la personne arrêtée est confiée aux policiers, les documents qui l'accompagnent comprennent ces renseignements très pertinents que nous considérons absolument névralgiques lorsqu'il s'agit de faire subir un alcootest en raison de la stricte limite de deux heures et que nous considérons tout aussi névralgique, mais un peu moins pressante lorsqu'il s'agit de traduire le détenu devant un juge de la paix dans les 24 heures. Nos agents recevront une formation complète à cet égard.

Votre suggestion a du bon. Nous envisagerons la possibilité d'inclure dans la formation l'assurance que la personne arrêtée est avisée de l'heure de son arrestation. C'est un point intéressant.

Le sénateur Moore: Il serait intéressant pour la défense. Monsieur Roy, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Roy: Oui, j'aurais des précisions à donner au sujet de l'arrestation et de ce qui peut arriver. Je rappelle aux honorables sénateurs que la Charte prévoit déjà des règles très strictes d'exécution de la loi lors d'une arrestation. Chaque personne a le droit, lors de son arrestation ou de sa mise en détention, d'être informée promptement des motifs de cette arrestation ou mise en détention, de retenir les services d'un avocat, de s'entretenir avec lui sans plus tarder et d'être informée de ce droit. Les agents d'exécution de la loi sont obligés de communiquer ces renseignements à la personne lorsqu'ils l'arrêtent. Il y a «arrestation» quand vous empêchez quelqu'un d'aller où il veut.

En fin de compte, la période de 24 heures dont nous parlons est peut-être une habile diversion. La personne détenue ou arrêtée communiquera avec un avocat. Si elle n'est pas traduite devant un juge de la paix dans les 24 heures, l'avocat fera une requête d'habeas corpus et réclamera fort probablement des dommages-intérêts. Les droits des détenus et des personnes arrêtées sont bien protégés par la loi. Fait plus important encore -- et je suis content que M. Girard vous en ait parlé -- , la formation qui sera offerte aux agents des douanes sera très claire à cet égard. Il faut qu'elle le soit.

Le sénateur Moore: D'autres témoins nous ont dit que les cas de conduite avec facultés affaiblies étaient très fréquents. Le fait d'être capable de répondre aux exigences du Code criminel dans les deux heures est utile. Quelqu'un doit avoir cela par écrit quelque part. C'est tout ce que je dis.

M. Roy: Bien sûr!

Le sénateur Corbin: On a créé de grandes attentes chez le public voyageur avec le principe du libre-échange et des frontières ouvertes. Toutefois, ces principes ne sont pas encore mis en oeuvre. En fait, nous semblons suivre la tendance inverse, aller à contre-courant de ce qui fait en Europe à cet égard. Avez-vous des observations à nous faire à ce sujet?

M. Girard: La situation européenne est quelque peu différente parce qu'on a maintenant doté l'Union européenne de frontières externes. On peut se déplacer librement d'un pays à l'autre au sein de l'Union même. Par contre, il n'est pas plus facile d'entrer en Europe que d'entrer au Canada. Nous avons les mêmes exigences et les mêmes règles.

Si vous parlez du facteur temps, il me semble que l'examen initial sur la route ne devrait pas prendre plus de 20 secondes, en moyenne, mais il y a toujours des exceptions. Le trafic commercial attribuable aux grandes industries comme celle de l'automobile franchit la frontière sans être stoppé, moyennant une documentation minimale ou un échange de données électronique. J'oserais dire que nous n'avons rien à envier aux Européens en termes d'efficacité, d'efficience et de rapidité.

Parallèlement, les employés de notre Direction de la contrebande et des services de renseignements sont très dévoués et travaillent fort à évaluer les risques et à en cibler la gestion de manière à ne pas entraver la rapidité des échanges commerciaux, à permettre aux personnes de franchir la frontière le plus efficacement possible, tout en protégeant les Canadiens.

Dans le cadre du mandat que nous confère le projet de loi à l'étude, il faut voir à la protection des Canadiens et de la société canadienne. Les comportements que nous cherchons à prévenir préoccupent tous les citoyens canadiens. Selon nos données statistiques et la recherche effectuée, y compris certaines preuves anecdotiques, quand il est de notoriété publique dans des régions comme celles de Windsor et de Sarnia que chaque guérite est dotée d'un agent qui peut exiger un échantillon d'haleine s'il a des motifs raisonnables de croire que la personne a des facultés affaiblies, le nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies à la frontière a tendance à chuter sensiblement.

La présidente: Pour faire la synthèse, j'ai une question au sujet du domaine crucial de la formation. Des représentants de Customs Excise Union Douanes Accises nous ont affirmé avoir appris que des fonctionnaires de Revenu Canada étaient en pourparlers avec la GRC concernant la signature d'un protocole d'entente relatif au partage des responsabilités à la frontière, mais que ces pourparlers de haut niveau avaient échoué. Quelle est la situation actuelle? Ces pourparlers de haut niveau seront absolument cruciaux au processus de formation.

M. Girard: Cela se peut bien. Je ne peux pas dire que je dispose du même avantage que le syndicat. Par conséquent, je ne suis peut-être pas en aussi bonne mesure que lui de répondre à votre question.

L'amorce de pourparlers et de négociations avec nos amis de la GRC en ce qui concerne la formation et les compétences requises, que ce soit pour demander leur aide et profiter de leur expérience à cet égard ou simplement pour les consulter, ne cause certes pas de difficulté. Les pourparlers auxquels fait peut-être allusion le syndicat -- et je fais des conjectures -- portaient peut-être sur la question beaucoup plus générale de l'examen des programmes du gouvernement qui a été entrepris il y a quelques années. Il porte peut-être sur la distinction entre la patrouille de la frontière entre les différents postes-frontières -- qui relève de la GRC -- et les postes-frontières comme tels, qui relèvent des Douanes.

Je peux seulement ajouter que, à mon avis, les pourparlers qui, selon le syndicat, auraient échoué ne sont pas le reflet de la formation efficace offerte à nos agents en ce qui concerne les besoins essentiels repérés et qu'ils ne l'entravent pas.

Le sénateur Joyal: Si les États-Unis persistent à vouloir exiger des visas des Canadiens qui entrent chez eux, les agents des douanes à la frontière canadienne disposeront des mêmes renseignements à leur écran d'ordinateur, n'est-ce pas? En d'autres mots, les deux pays peuvent échanger de l'information figurant dans les banques de données quand vous franchissez la frontière pour entrer aux États-Unis. Pouvez-vous me le confirmer?

M. Girard: Non. Les ordinateurs ne sont pas reliés entre eux. Par contre, il existe des accords d'aide mutuelle qui nous permettent de demander des renseignements précis sur certaines personnes. Il faut que ces demandes soient liées aux fins d'application de la Loi sur les douanes selon les accords et les traités d'aide mutuelle passés, dans ce cas-ci, avec les États-Unis. Il ne nous serait pas possible d'accéder d'office à leurs banques informatisées. Nous n'avons pas d'accès par modem, comme vous l'avez mentionné plus tôt, pas plus qu'eux. S'ils nous demandent des renseignements sur une personne en particulier, il faut qu'ils justifient cette requête. De la même façon, si nous demandons des renseignements, nous devons justifier chaque requête par des motifs strictement douaniers.

Les mêmes exigences s'appliquent pour tous les autres pays avec lesquels nous avons passé des accords d'aide mutuelle. Ces accords sont très clairs. Ils précisent bien qu'il faut que la requête soit liée à des fins d'application de la Loi sur les douanes et justifiée, au besoin. De plus, les renseignements ainsi obtenus ne peuvent pas être partagés avec des tiers sans la permission de celui qui a fourni les données. Nous n'avons pas couramment accès aux données que vous avez décrites; cet accès est très limité.

Le sénateur Joyal: En d'autres mots, s'il fallait déposer des demandes de visa auprès des États-Unis -- et il faudrait probablement y décrire le véhicule ou la façon dont la frontière sera franchie -- , l'information figurerait dans la banque de données américaine utilisée à la frontière.

M. Girard: C'est exact. Les renseignements ne figureront pas dans les ordinateurs canadiens. Il faudrait que nous ayons une raison valable de demander ces renseignements et justifier chaque demande. Nous ne pourrions pas demander que toute la banque de données nous soit transférée. Il faudrait que nous soyons justifiés de demander des renseignements particuliers.

La présidente: S'il n'y a plus de questions, je tiens à remercier toutes les personnes ici présentes.

Plaît-il aux honorables sénateurs de passer à l'étude article par article du projet de loi?

Le sénateur Lewis: Je propose que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement.

La présidente: Le sénateur Lewis propose que le comité saute l'examen article par article du projet de loi C-18. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord!

La présidente: La motion est adoptée.

Le sénateur Lewis: Je propose que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement.

La présidente: Les membres du comité sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord!

La présidente: La motion est adoptée, et il sera fait rapport du projet de loi sans amendement.

La séance est levée.


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