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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 29 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 17 juin 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui est saisi du projet de loi S-15, Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement, se réunit aujourd'hui à 16 h 22 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Notre premier témoin est le sénateur Lynch-Staunton. Vous avez la parole, sénateur.

L'honorable John Lynch-Staunton, parrain du projet de loi: Je n'ai pas préparé de déclaration car je suppose que vous savez ce que nous avons dit, le sénateur Carstairs et moi-même, à propos de ce projet de loi. Je voudrais simplement vous donner un bref aperçu de l'objectif recherché par ce projet de loi et corriger certains rapports prétendant qu'il avait pour objet de se débarrasser de la sanction royale telle que nous la connaissons. S'il devait être adopté, ce projet de loi conserverait la cérémonie traditionnelle d'octroi de la sanction royale et offrirait une option à laquelle nous pourrions recourir lorsque celle-ci serait jugée plus opportune et plus pratique.

La sanction royale demeure. Ce projet de loi prévoirait toutefois des modalités d'octroi plus simples de la sanction royale. Pour le Sénat, cette question ne date pas d'hier. Dès 1983, le sénateur Frith avait présenté un avis d'interpellation sur l'opportunité de procéder autrement. Le comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (communément appelé le comité McGrath), créé après les élections de 1984, avait recommandé que de nouvelles modalités d'octroi de la sanction royale soient adoptées et le comité sénatorial permanent des privilèges, du règlement et de la procédure, présidé par le sénateur Molgat, avait recommandé des changements qui allaient dans le même sens.

Si vous lisez ce rapport, vous constaterez que l'idée elle-même avait été bien accueillie, mais qu'il y avait eu désaccord sur les moyens de la mettre en oeuvre. Enfin, une solution fut trouvée avec l'introduction du projet de loi S-19 qui ne vit jamais le jour à la suite de la prorogation de la Chambre prononcée moins de trois mois plus tard. Le projet de loi S-15, que vous avez sous les yeux, est quasiment une réplique exacte du projet de loi S-19.

Quant à l'historique de la sanction royale, rien dans notre Constitution n'exige une cérémonie d'octroi de la sanction royale en tant que telle. En l'occurrence, les dispositions qui s'appliquent sont les articles 55, 56 et 57 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui disposent simplement que la sanction royale peut être octroyée ou refusée. La description même de la cérémonie ne figure que dans Beauchesne. On ne la retrouve dans aucun texte de loi.

Le Canada est le seul pays à conserver la cérémonie officielle d'octroi de la sanction royale qui exige la présence ou de Sa Majesté ou du Gouverneur général ou de son suppléant ou de sa suppléante. Comme le fait remarquer le rapport McGrath:

Nous notons que le Canada recourt toujours à une pratique qui a été abandonnée par le Parlement du Royaume-Uni en 1967. En fait, aucun autre parlement du Commonwealth n'a conservé la procédure toujours en cours au Canada.

Après avoir fait ces observations en Chambre, je me suis demandé ce que faisaient les autres provinces. Comme vous le savez, elles n'ont qu'une Chambre et non pas deux. Malheureusement, je n'ai pas pu obtenir de résumé de l'usage en cours dans chacune d'entre elles. L'Alberta offre deux options, une en chambre même et l'autre chez le lieutenant-gouverneur. Le Manitoba et la Saskatchewan prononcent la sanction royale en Chambre. L'Ontario a recours aux deux méthodes mais semble de plus en plus opter pour la sanction royale dans les bureaux du lieutenant-gouverneur. Même au Canada, nous avons tendance à nous éloigner de la cérémonie traditionnelle.

Le sénateur Doody: En Nouvelle-Écosse, elle a encore lieu à l'assemblée législative.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le Royaume-Uni, dont notre système parlementaire s'inspire, n'exige plus la présence du souverain depuis 1541, date à laquelle des lords commissaires ont été nommés. En 1967, le Parlement britannique a adopté une loi sur la sanction royale qui maintient la cérémonie traditionnelle tout en prévoyant formulation de la sanction royale par écrit comme nous le proposons dans le projet de loi S-15.

Ce projet ne renferme aucun détail sur la manière de procéder à cette formulation par écrit. Ces détails seront arrêtés par ceux qui présideront aux cérémonies d'octroi de la sanction royale.

Comme le notait quelqu'un qui s'exprimait sur la sanction royale: la sanction royale est une formalité qui demeure nécessaire mais qui n'est rien d'autre qu'une formalité. Malheureusement, c'est ce qu'elle est devenue. Même si le Parlement est composé de trois entités, le Sénat, la Chambre des communes et la Couronne, la plupart des Canadiens s'intéressent désormais peu au rôle que joue la monarchie dans l'adoption des textes législatifs. Trop souvent, on constate que ces cérémonies sont peu fréquentées et qu'elles se déroulent sans que ceux qui y assistent s'y intéressent beaucoup.

Malheureusement, comme nous l'avons vu la semaine dernière lors de la dernière cérémonie d'octroi de la sanction royale, cet événement suscite davantage l'indifférence que le respect, événement qui, tout en étant grosso modo une formalité, n'en est pas moins nécessaire; de plus, elle devrait nous rappeler l'évolution subie par le régime parlementaire au cours de ce siècle.

Nous sommes nombreux à penser que, s'il y avait moins de cérémonies d'octroi de la sanction royale, nous aurions plus de respect pour ce qu'elles représentent. Des arguments d'ordre pratique militent en faveur de l'option proposée. Il est parfois difficile de trouver un suppléant qui pourra octroyer la sanction royale étant donné que ces suppléants sont soit le juge en chef soit un de ses adjoints, et les affaires de la Cour les occupent tellement qu'ils ne peuvent se déplacer au pied levé.

Dans quelques années, un problème surviendra lorsque la Chambre des communes s'installera dans l'édifice de l'Est du fait des rénovations qui auront lieu dans l'enceinte de la chambre. Or, si nous dépendons exclusivement de la cérémonie d'octroi de la sanction royale, la procession allant de l'édifice de l'Est à cet endroit sera plus long et il sera plus difficile pour certains d'assister à la cérémonie dans la chambre du Sénat. Lorsque les députés se réinstalleront à la Chambre des communes, on demandera alors au Sénat de déménager. Dans trois ou quatre ans, c'est pendant quelques années qu'il faudra parcourir cette distance supplémentaire entre les deux Chambres.

Pour toutes ces raisons, ce projet de loi respecte la tradition. Il respecte l'avis de nombreux Canadiens qui demeurent convaincus que certains de nos symboles et traditions doivent être respectés et conservés, mais il nous permet également d'être réalistes et, en proposant une solution de rechange, nous pourrons exécuter nos tâches avec moins de perturbations. En diminuant le nombre de cérémonies d'octroi de la sanction royale, peut-être arriverons-nous à redorer le blason de cette cérémonie qui, pour le moment, est malheureusement terni. Tel est le but recherché par ce projet de loi.

[Français]

Le sénateur Nolin: Sénateur Lynch-Staunton, lorsque je lis l'article 2 de votre projet de loi, dois-je comprendre qu'il sera toujours loisible au Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de requérir les formalités en usage aujourd'hui au-delà des limites prévues à l'alinéa a) de la version française?

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.

Le sénateur Nolin: Autrement dit, même si c'est après le premier projet de loi qui comporte une appropriation d'argent ou un autre type de projet de loi, le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, pourrait requérir qu'il y ait une sanction royale selon les formalités en usage actuellement?

Le sénateur Lynch-Staunton: Exact.

Le sénateur Nolin: Ce n'est pas limitatif à une seule fois?

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est un minimum dans une période donnée.

[Traduction]

Le sénateur Lewis: La procédure établie ici s'apparente quelque peu à ce qui existe déjà dans d'autres assemblées législatives. La sanction royale signifiée par écrit serait-elle alors transmise à chaque Chambre du Parlement?

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.

Le sénateur Lewis: La date de la sanction royale serait la date de la présentation de la déclaration la plus récente car, comme les deux Chambres du Parlement doivent être informées, il se peut qu'elle ne soit pas présentée le même jour. L'article 4 dispose:

La déclaration porte sanction dès qu'elle a été présentée devant les deux Chambres du Parlement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il n'est pas nécessaire que la Chambre siège. C'est une hypothèse de ma part, mais il faudrait se renseigner. Des rapports peuvent être déposés même si la Chambre ne siège pas.

Le sénateur Lewis: Suffirait-il d'un rapport? Quand une déclaration serait-elle présentée?

Le sénateur Nolin: Lorsque les deux Chambres en auront été officiellement informées.

Le sénateur Lewis: Cela signifie-t-il que cette déclaration pourrait être présentée même si les Chambres ne siègent pas?

Le sénateur Nolin: Je vous renvoie à la version française de l'article 2 du projet de loi.

[Français]

La déclaration porte la sanction dès qu'elle a été présentée devant les deux Chambres du Parlement.

Il y a un effet cumulatif tant que la déclaration n'a pas été présentée devant les deux Chambres, je présume que la date officielle de la sanction n'est pas atteinte. Ce sera lorsque les deux Chambres auront été notifiées.

Le sénateur Lynch-Staunton: La question à laquelle je n'ai pas de réponse est la suivante: est-ce que les deux Chambres doivent siéger pour la sanction royale?

Le sénateur Nolin: Non.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je pense que la réponse est oui, mais j'aimerais bien que ce soit vérifié. Il n'est pas nécessaire que les Chambres soient en session ou que les parlementaires siègent, pour que le dépôt de la déclaration soit fait devant les Chambres.

[Traduction]

Le sénateur Lewis: C'est précisément ce que je dis. Il faudrait le vérifier.

Mme Deborah Palumbo, conseillère juridique et notaire du Sénat, Cabinet du légiste et conseiller parlementaire, Sénat du Canada: Il faudrait que la Chambre siège.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il se peut qu'il y ait sanction royale demain alors que la Chambre des communes ne siège pas et ne siégera pas avant le mois de septembre. Cela signifie-t-il que les projets de loi pour lesquels la sanction royale a été signifiée n'entreront pas en vigueur avant septembre si cette procédure était jugée valide?

Le sénateur Lewis: C'est ce qui m'inquiétait.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est uniquement dans le cas d'une déclaration et non dans le cas d'une sanction royale traditionnelle. Si une chambre ne siège pas, on pourrait toujours se rabattre sur la cérémonie traditionnelle d'octroi de la sanction royale.

Le sénateur Lewis: Cela pourrait ne pas se produire, mais la situation deviendrait problématique si certaines mesures législatives devaient être adoptées et que les Chambres ne siégeaient pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Dans le cas d'une déclaration, il se peut qu'aucune d'entre elles ne siège. Comment alors pourrait-on donner la sanction royale?

Le sénateur Gigantès: Qu'est-ce qui inquiète le sénateur Lewis au juste?

Le sénateur Lewis: La date à laquelle la sanction royale est censée avoir été octroyée pourrait être importante car le projet de loi n'aurait force de loi qu'une fois la sanction royale donnée.

Le sénateur Gigantès: Et si la Chambre des communes ne siège pas?

Le sénateur Lewis: Le projet de loi dit bien que la déclaration de sanction royale doit être présentée devant les deux Chambres.

Le sénateur Gigantès: La sanction royale a déjà été octroyée à des projets de loi alors que la Chambre ne siégeait pas. La Chambre a envoyé un vice-président et un ou deux députés qu'elle a réussi à sortir des limbes quelque part à Ottawa.

Le sénateur Lewis: Ce projet de loi prévoit cependant une méthode qui serait différente de celle qui existe actuellement.

Mme Palumbo: Ce projet de loi est exactement le même que celui qui avait été présenté par le sénateur Murray il y a quelques années.

À propos de l'article 4, il semble que le sénateur Nolin ait raison dans la mesure où, si la déclaration portant sanction est présentée au Sénat d'abord alors que la Chambre des communes ne siège pas, cette date n'est pas la date de la sanction royale. Si la Chambre siège et qu'elle est présentée à la Chambre des communes, c'est cette date qui est retenue comme étant la date de la sanction royale.

Le sénateur Lewis: La date la plus récente. Si cette déclaration était présentée au Sénat cette semaine et que la Chambre des communes ne siégeait pas avant septembre, la date de la sanction royale interviendrait en septembre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez raison. Dans un cas comme celui-ci, on en reviendrait à la cérémonie traditionnelle d'octroi de la sanction royale.

Le sénateur Lewis: Il existe une procédure ici qui nous permet de déposer un rapport auprès du greffier. Si une disposition de ce genre existait, cela réglerait peut-être la question. On pourrait dire que la déclaration serait jugée avoir été présentée à la Chambre dès qu'elle est déposée auprès du greffier de chaque Chambre.

Le sénateur Doody: Cet article a vraisemblablement été rédigé sciemment, c'est-à-dire que si la Chambre des communes ou le Sénat désire participer au processus ou sanctionner un projet de loi, les deux Chambres devraient siéger. Si un projet de loi donné ne les intéresse pas particulièrement, on ne peut certainement pas s'attendre à ce que la sanction royale soit octroyée alors qu'aucune d'elles ne siège. Les deux Chambres du Parlement sont responsables de l'adoption du projet de loi de même que la monarchie. Si leurs membres font leurs valises et rentrent chez eux, j'aurai du mal à croire que le projet de loi en question devait être adopté de toute urgence.

Le sénateur Gigantès: Depuis que j'ai été nommé au Sénat il y a 14 ans et demi, chaque année, à la fin du mois de juin, lorsque nous octroyons la sanction royale à des projets de loi, et que quelqu'un de la Chambre des communes portant un chapeau de Président arrive accompagné de quelques fonctionnaires et d'un ou deux députés, ces projets de loi n'entrent jamais en vigueur avant septembre lorsque la Chambre des communes reprend ses travaux.

Le sénateur Lynch-Staunton: Une motion a été adoptée selon laquelle un nombre minimum de députés peut assister à la cérémonie comme si la Chambre des communes siégeait. Cette éventualité a été prévue.

La question qui se pose est la suivante: lorsque la Chambre des communes ne siège pas, le dépôt de la déclaration suffit-il à confirmer la sanction royale ou bien faut-il que la Chambre siège? L'article 3 dit: «dans les 15 premiers jours de séance». Cela suppose que la Chambre siège. Si tel est le cas, il est dès lors impossible de déposer la déclaration écrite à moins que la Chambre des communes ne siège, auquel cas on se rabattrait sur la cérémonie traditionnelle d'octroi de la sanction royale pour s'assurer qu'elle est confirmée à la date désirée.

Le sénateur Buchanan: Je n'y vois aucune difficulté car si la Chambre des communes a ajourné et qu'il faut octroyer la sanction royale à des projets de loi, il suffit d'utiliser la même méthode qui a toujours été utilisée. La sanction royale est octroyée au Sénat, point final. L'article 4 ne s'appliquerait qu'en cas de déclaration, et si la Chambre des communes ne siégeait pas, une déclaration serait impossible et il faudrait le faire de la manière habituelle qui est décrite à l'alinéa 2a).

Le sénateur Joyal: Aujourd'hui, en ma qualité de membre du comité, on m'a demandé de poser certaines questions au nom du sénateur Carstairs qui revoit l'application du projet de loi pour le compte du gouvernement. Elle a proposé -- le sénateur Lynch-Staunton le sait -- certains amendements dans le but de préciser certains objectifs du projet de loi. L'amendement proposé à l'article 3 aurait pour effet de supprimer la déclaration écrite. Je me rends compte que nous n'en sommes pas encore à l'examen article par article du projet de loi, mais je voudrais informer les sénateurs du cours des choses proposé par le gouvernement. On ne pourrait pas se rabattre sur la procédure traditionnelle. Je ne sais pas si cela convient au comité.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai reçu ces propositions d'amendement qu'hier soir et je n'ai qu'une question à poser. À première vue, je n'y vois aucun inconvénient.

La présidente: Nous devrions discuter de ces propositions d'amendement avec le sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur Lynch-Staunton: Peut-être devriez-vous entendre les autres témoins et passer ensuite à l'examen article par article et proposer l'amendement en question. Je pourrais redevenir un membre d'office du comité et participer à toute discussion.

La présidente: Nous ne pouvons présenter d'amendement tant que nous ne sommes pas à l'examen article par article. Nous devrions cependant, nous et nos témoins, être informés de leur teneur.

Le sénateur Joyal: L'interprétation de l'article 2 ne pose aucun problème. Le gouvernement semble être d'accord avec la portée de cet article. Lorsque vous avez présenté cet article, vous sembliez dire qu'il faudrait au moins deux sanctions royales pendant la session. Je suppose que l'interprétation que donne le sénateur Lynch-Staunton de l'alinéa 2b) du projet de loi est qu'il faudrait une cérémonie d'octroi de la sanction royale dans le cas du premier projet de loi à être introduit et une autre dans le cas du premier projet de loi de crédits à l'ouverture de chaque session du Parlement.

L'amendement proposé aurait pour objet de préciser que la cérémonie traditionnelle d'octroi de la sanction royale sera effectuée dans le cas du premier projet de loi présenté lors d'une session. J'ai l'intention de proposer un autre amendement qui aurait pour but de préciser que l'octroi de la sanction royale serait effectué dans le cas d'au moins un projet de loi chaque année civile que dure la session. Cependant, une session pourrait durer plus d'un an et cela s'est déjà vu. La sanction royale serait octroyée dans le cas du premier projet de loi présenté lors d'une session et dans le cas d'au moins un projet de loi chaque année civile subséquente de chaque session. Ainsi, la cérémonie d'octroi de la sanction royale demeurerait une tradition du Parlement et la déclaration écrite lui donnerait plus de souplesse. C'est ce que propose le gouvernement.

Le sénateur Lynch-Staunton: L'alinéa 2b) renvoie au premier projet de loi de crédits.

La présidente: Il dit: «or», dans la version anglaise.

Le sénateur Lynch-Staunton: Dans la version anglaise, l'alinéa 2b) dispose:

...unless the bill is the first appropriation bill or the first bill other than an appropriation bill...

Le sénateur Nolin: Dans la version française, on utilise le mot: «et».

La présidente: Je lis la version anglaise et ce serait exactement ce que le sénateur Joyal propose.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce devrait être: «and». C'est une erreur.

Lorsqu'il s'agit d'un projet de loi de crédits, le Président de la Chambre des communes, selon le libellé traditionnel, demande l'approbation de Son Excellence. Dans le cas d'un projet de loi ordinaire, cette participation de la part du Président de la Chambre des communes n'est pas nécessaire. Cet élément vient s'ajouter dans la sanction royale octroyée à un projet de loi de crédits, élément qui n'existe pas dans la procédure ordinaire. Si personne ne voit d'inconvénient à ce qu'on supprime «de crédits» et qu'on dise simplement le premier «projet de loi», cela me convient.

Le sénateur Joyal: L'objectif poursuivi par le projet de loi est de conserver la cérémonie, de préserver cette tradition pour qu'elle ne disparaisse pas des formalités en usage à la Chambre des communes. C'est également l'objet de la motion.

Un amendement serait proposé à l'article 2 pour que la sanction royale soit octroyée à au moins un projet de loi chaque année civile. Cet amendement serait repris à l'article 3 et, si le nouvel article 3 était adopté, il y aurait un nouvel article 7 qui ne serait qu'un amendement de pure forme rendu nécessaire par l'introduction du nouvel article.

Le sénateur Buchanan: L'article 7?

Le sénateur Joyal: L'article 7 serait nouveau. Il faudrait renuméroter les articles du projet de loi.

Le sénateur Buchanan: L'article 5 deviendrait 6 et puis viendrait 7.

Le sénateur Joyal: Oui, il faudrait renuméroter les articles.

Le sénateur Bolduc: Il y aurait un nouvel article 3 et vous avez dit qu'il n'y aurait pas de déclaration écrite. Quel en serait le libellé alors?

Le sénateur Joyal: Les amendements ont-ils été distribués?

Ce nouvel article a pour but de s'assurer qu'une déclaration écrite ne serait pas invalidée s'il n'était pas possible de tenir une cérémonie traditionnelle chaque année civile subséquente d'une session.

Le sénateur Buchanan: Il s'agit en fait de s'assurer que l'actuelle cérémonie d'octroi de la sanction royale aura lieu une fois par an.

Le sénateur Joyal: Oui. Cela ne changera rien à l'objectif poursuivi par le sénateur Lynch-Staunton, qui est de veiller à ce que le gouvernement puisse fonctionner et il est toujours possible, si le cas se présentait, de recourir à une méthode d'octroi de la sanction royale plus rapide. C'est ce qui explique le nouvel article 7.

Le sénateur Bolduc: J'ai peut-être tort, mais si je me souviens bien de notre longue discussion avec les sénateurs MacEachen et Stewart, la sanction royale octroyée au premier projet de loi de crédits chaque année est lourde de sens. Le sénateur Stewart n'est malheureusement pas ici pour expliquer son point de vue, mais il voudra peut-être s'entretenir avec vous.

Le sénateur Lynch-Staunton: La différence vient du fait que, avec un projet de loi de crédits, le Président de la Chambre, une fois la sanction royale octroyée au projet de loi ordinaire, se tourne vers le Gouverneur général et l'informe que les crédits ont été votés et demande humblement l'assentiment de Son Excellence. Ce cérémonial sert à souligner l'importance du rôle que joue la Chambre des communes dans l'établissement des crédits. Le greffier apporte alors le projet de loi devant, le lit et le rapporte.

Mme Palumbo: S'il en est question dans le projet de loi, c'est pour ne pas perdre de vue un jour la différence qui existe entre ces deux cérémonies.

Le sénateur Lavoie-Roux: À l'Assemblée nationale, le lieutenant-gouverneur assiste parfois à cette cérémonie.

[Français]

Le parrain du projet de loi ou la marraine et le porte-parole de l'opposition se rendaient chez le lieutenant-gouverneur.

[Traduction]

Une brève explication du projet de loi est donnée, puis la cérémonie officielle de signature a lieu.

Pourquoi ne pas s'adresser au Gouverneur général si la Chambre des communes ne siège pas?

Le sénateur Lynch-Staunton: Lorsqu'elles seront établies, j'espère que les procédures exigeront la présence d'un ou de plusieurs membres de chaque chambre lorsque la déclaration sera présentée pour qu'ils puissent témoigner que cette cérémonie a bel et bien eu lieu au jour dit. Cela devrait faire partie des formalités.

Mme Palumbo: C'est ce qui avait été recommandé. Ce que le sénateur Lynch-Staunton recommandait faisait partie du rapport du sénateur Molgat dans les années 1980. Un comité au moins l'avait déjà recommandé.

La présidente: Notre attaché de recherche me dit que cela ne devrait pas figurer dans la loi, mais dans les règlements où toutes les modalités sont établies.

Le sénateur Bolduc: La situation est un peu différente car nous ne voyons pas souvent le Gouverneur général qui se déplace constamment de par le Canada tout entier.

Le sénateur Lavoie-Roux: Un juge de la Cour suprême peut le remplacer et d'ailleurs, c'est ce qui se produit le plus souvent maintenant.

Le sénateur Bolduc: Nous ne devrions pas demander à un juge de la Cour suprême d'octroyer la sanction royale à un projet de loi. Cela doit se faire quelque part au Parlement.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est la Cour suprême qui vient à nous.

Le sénateur Doody: J'ai une sensation de déjà vu. Nous sommes déjà passés par tout ce processus il y a quelques années.

[Français]

Le sénateur Nolin: Je voudrais revenir, si vous me le permettez, au paragraphe 2 alinéa a). Il est important que l'on maintienne cet aspect pour des raisons historiques. Dieu sait que notre pays a à c<#0139>ur les conventions qui entourent et complètent les lois. Il y a une importance historique derrière cette phraséologie des lois d'appropriation de crédits qu'aujourd'hui on a tendance à ignorer. Il serait malheureux que nous oublions cela à la faveur d'une procédure que l'on veut plus expéditive et plus respectueuse de la modernité. C'est un peu comme si on décidait d'abandonner la prérogative royale. J'aurais des problèmes avec l'amendement proposé par le gouvernement. Je comprends que le gouvernement veut aussi se joindre à un projet de loi qui veut moderniser la procédure. À mon avis, on irait un peu trop loin. Personnellement, je tiens à ce qu'on garde le protocole entourant la sanction royale, entre autres, pour le premier projet de loi de crédits. J'en fais un commentaire personnel.

[Traduction]

La présidente: L'alinéa 2a) me rassure quelque peu. J'ai l'intention de prêter mon appui à ce projet de loi sous sa forme modifiée, mais j'exprimerais certaines réserves personnelles car la sanction royale est le dernier vestige de la raison d'être de notre huissier du Bâton noir. C'est ce qui explique la présence d'un huissier du Bâton noir au Sénat et c'est un cérémonial tout à fait agréable.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je partage les réserves que vous exprimez, mais s'il y a moins de cérémonies, elles peuvent avoir lieu avec tout l'apparat qu'elles méritent en fonction de leur importance. Nous pouvons les annoncer à l'avance. Ce ne sera pas un carnaval ou un spectacle. La cérémonie explique le lien qui existe entre les deux Chambres et notre chef d'État. Comme vous l'avez vu la semaine dernière et que vous le verrez vraisemblablement demain, jeudi, elle est une source d'inspiration pour ceux qui y assistent pour la première ou la deuxième fois.

Le sénateur Joyal: Nous voyons rarement Sa Majesté ou le Gouverneur général qui représente Sa Majesté au Sénat. La Masse représente leur présence ou l'autorité qu'ils représentent dans notre régime de gouvernement. Ce sont des symboles. Lorsque l'huissier du Bâton noir marche derrière la Masse, il marche derrière le symbole de l'autorité. Nous ne devrions pas conclure, du fait que nous redéfinissons les formalités, que nous réduisons le rôle de cette personne dans notre histoire constitutionnelle.

La procession est l'élément le plus important. Elle nous rappelle, à nous et au public qui y assiste, que c'est la procédure selon laquelle les lois entrent en vigueur. La Masse nous impose le respect de certaines règles. C'est ainsi que le système s'est développé. Je suis tout aussi respectueux de l'institution lorsque la Masse est présentée et qu'elle repose sur la table que si nous étions honorés de la présence de la souveraine ou du Gouverneur général. Ce n'est certainement pas la même chose, mais je ne pense pas que nous réduisions pour autant le rôle de ces personnes.

Le sénateur Bolduc: Si la sanction royale n'a lieu qu'une ou deux fois par an, le Gouverneur général sera peut-être alors en mesure d'y assister.

La présidente: M. Aimers est notre témoin suivant. Vous avez la parole.

M. John Aimers, président du dominion, Ligue monarchiste du Canada: Je ne suis pas d'accord avec la portée du projet de loi et ce qui y a été ajouté, qui figure par mégarde dans le projet de loi proposé par le sénateur Lynch-Staunton.

Je ne doute pas un instant que le projet de loi S-15 a été proposé pour faciliter la gestion des affaires publiques et rentabiliser les choses. Cependant, comme c'est le cas de toute proposition simple, de nombreux problèmes apparaissent lorsqu'on en fait un examen plus serré. Nous estimons que ce projet de loi est contre-indiqué, inutile et malvenu.

Les promoteurs de cette loi prétendent qu'elle offre une option, une solution de rechange à la méthode actuelle d'octroi de la sanction royale. En fait, dès qu'on propose une option plus rapide, elle devient souvent la norme et ce, en raison des pressions qui existent et du manque de temps qui est votre lot quotidien ainsi que celui du monde d'aujourd'hui en règle générale. Nous pouvons tous citer des exemples de la vie publique où nous constatons qu'un précédent original se transforme en méthode établie. Les options ouvrent trop la porte à la discrétion et dépendent trop de la bonne volonté de chacun. Elles attachent trop peu d'importance à la cérémonie et au processus que nous étudions aujourd'hui.

Il y a quelques années, la Société canadienne des postes avait décidé d'offrir un choix aux acheteurs de timbres de la série ordinaire en proposant, outre le portrait de Sa Majesté, le drapeau canadien. Je dois ajouter qu'un organisme d'État loyal et respectueux de la Constitution n'aurait jamais forcé les Canadiens à faire ce choix. En reléguant les timbres portant effigie de la reine au fin fond de tiroirs obscurs et en offrant à tout venant les timbres frappés du drapeau sous une variété de formats, ce choix est devenu la règle ou presque. Ainsi, la sanction royale octroyée sans cérémonie deviendrait également rapidement la norme et serait considérée comme telle.

Les adeptes de ce projet de loi disent également que l'autre méthode d'octroi de la sanction royale serait plus commode pour le Gouverneur général ou son suppléant, de même que pour les sénateurs et députés. C'est peut-être le cas, mais ceux qui en sont partisans ont perdu de vue le fait, sans doute peu intéressant pour beaucoup en cette époque, que le service public est une charge et ce, à juste titre. Pour la même raison que nous ne versons pas aux sénateurs ou aux députés un traitement comparable à celui des dirigeants d'entreprise, la reine, partie intégrante de ce Parlement, pourrait être dérangée par le fait de devoir sortir de son lit le matin pour feuilleter les journaux, pour serrer la main du millième maire, pour accepter le dix millième bouquet d'un enfant qui a le trac, pour couper le cent millième ruban d'un musée, d'un hôpital ou d'une bibliothèque. S'il faut retenir une chose, c'est que la monarchie constitutionnelle tire sa valeur du sens du devoir et de l'obligation, les impératifs du service public passant avant les préférences et les désirs personnels.

Même si ce que ce projet de loi propose rendait la vie plus facile à Son Excellence ou aux juges de la cour qui le représentent normalement, ou même aux parlementaires en général, là n'est pas la question. On ne peut pas le comparer au désagrément encore plus important que serait non pas l'abandon des formalités et des cérémonies, mais l'invitation implicite à laisser de côté la réalité constitutionnelle qui les sous-tend et qui représente le fondement même de tout ce que nous apprécions dans ce dominion et que nous tenons souvent pour acquis.

Le Canadien moyen qui doit travailler 48 semaines par an ne pense sans doute pas que le calendrier des séances du Parlement est si chargé que l'heure prise ici ou là pour octroyer la sanction royale constitue un obstacle important à l'adoption de textes législatifs et aux débats de fond de ces Chambres. Après tout, les lois adoptées par le Parlement touchent et changent sérieusement la vie du Canadien moyen. Les lois ne devraient pas être promulguées avec célérité, mais avec solennité. Il est bon que les sénateurs et les députés s'arrêtent pour réfléchir à la signification de leurs actes, alors que le délégué de la reine octroie la sanction royale.

Dans les observations qu'elle a faites le 14 mai dernier et que vous pourrez trouver à la page 1515 des Débats du Sénat, le sénateur Carstairs a déclaré que cette loi ne modifiait que le cérémonial et la forme et non pas le fond et qu'elle n'aurait aucune incidence sur «l'office de la Reine», expression inélégante enchâssée dans la Constitution. Il se peut qu'elle ait raison sur le plan juridique, même si l'adoption de ce projet de loi pouvait être contestée devant les tribunaux. Mais elle n'a pas raison sur le plan moral et dans la réalité. Soustraire la reine, ou son représentant, à l'exécution normale d'une tâche accomplie par une présence physique, tâche que dicte également la Constitution, est une décision très grave. La sanction royale actuelle symbolise la souveraine, représentée par une personne dûment autorisée, qui donne son assentiment aux projets de loi après qu'ils ont été adoptés par les deux Chambres du Parlement.

La nouvelle méthode proposée, qui deviendrait la norme et qui serait accomplie chez le Gouverneur général, changerait ce symbolisme et cette procédure ressemblerait davantage à ce que fait le président américain lorsqu'il signe des projets de loi à la Maison-Blanche. On passerait donc d'un symbolisme monarchique fondamental à un symbolisme purement républicain, changement d'éclairage auquel les médias, et par conséquent le public ne manqueraient pas de s'intéresser.

Par contre, la procédure actuelle offre aux Canadiens une image symbolique appropriée de ce que représentent la Constitution et ses institutions. Ce symbolisme est important dans la mesure où il traduit l'identité canadienne. L'édulcorer équivaudrait à une érosion de nos institutions. La souveraine faite partie intégrante du Parlement tout comme le Sénat et la Chambre des communes. Dans quelle mesure peut-on dire que la présence de la reine sera tout aussi visible qu'auparavant si dorénavant on demande à son représentant de ne plus être sur place et de se décharger de ses responsabilités par courrier?

Là encore, pourquoi les Canadiens devraient-ils copier le Royaume-Uni et les autres pays du Commonwealth si l'usage en cours dans ces pays est de toute évidence inférieur au nôtre? Nous devrions nous efforcer d'établir un modèle dont le reste du Commonwealth voudra s'inspirer étant donné que leurs modalités d'octroi de la sanction royale sont, à notre avis, insatisfaisantes.

Il est d'une importance capitale que la procédure canadienne soit maintenue, même si cette procédure a été abandonnée à Westminster. Au Royaume-Uni, la souveraine accomplit fréquemment toute une série de tâches constitutionnelles en personne alors que Sa Majesté n'a pas inauguré de législature canadienne en personne depuis 1977 et que cela fait près de 60 ans que la sanction royale n'a pas été octroyée à Ottawa par un monarque et en l'espèce, c'était Sa Majesté George VI. Voilà un autre homme qui estimait peu commode de devoir exercer cette fonction royale au pied levé, mais qui l'a fait jusqu'au jour de sa mort.

La sanction royale est le point culminant d'un processus d'établissement de lois qui commence chaque session par le discours du trône. Lors de cette cérémonie, les trois composantes du Parlement sont réunies en un seul endroit. Elles se séparent à l'étape des débats, des discussions et des décisions. Pour la sanction royale, qui est la dernière étape de ce processus, elles sont de nouveau à juste titre rassemblées. Le changement proposé à la procédure d'octroi de la sanction royale diviserait le Parlement car ses diverses composantes ne seraient plus rassemblées, une sanction écrite étant adressée à chaque Chambre séparément.

Comme les sénateurs le savent, et c'est ce que vous avez en commun avec les médiateurs chevronnés ou les présidents de réunion, ce n'est qu'en personne, et non pas par des vidéoconférences ou des communications écrites, qu'on peut porter un jugement sur la valeur de ceux qui s'expriment. Le regard, le cran et la présence dégagée en disent long sur une personne. Ce sont des éléments tangibles. Tout comme le sont les tâches manuelles dans notre société, au sein de notre corps politique. Ces tâches manuelles, physiques effectuées en public pèsent lourd dans notre vie quotidienne et dans la conscience de la nation, qu'il s'agisse de couronner un souverain, de faire la révérence en présence d'un juge ou du président de la Chambre des communes, de faire la génuflexion devant un autel ou de se lever pour accueillir un invité chez vous ou dans votre bureau. De par ce qu'ils représentent, ces gestes polarisent un élément capital de la composition même de notre société. Même si vous octroyiez la sanction royale 100 000 fois, ce ne serait toujours pas suffisant. La présence de la monarchie nous rappelle à tous, à nous ses sujets, qu'il existe une autorité dans notre société qui se situe au-dessus des vicissitudes quotidiennes, du maquignonnage, de la sollicitation servile de voix et de la politique sectaire.

Le fait que la monarchie occupe cette position d'autorité assied le principe selon lequel nous sommes une nation régie par la suprématie du droit et non par les humeurs de dirigeants même éclairés. Cette position garantit que cette procédure est menée et représentée par un autre être humain, non par la présence d'une masse. Nous devons notre allégeance la plus profonde à un autre être humain, non à des abstractions, non à des symboles, quelle que soit leur importance. C'est une institution, personnifiée par une souveraine, représentée par le Gouverneur général, qui se tient à l'écart du menu fretin et qui, à juste titre, domine le simple cadre des débats de la vie politique partisane.

Dans le même ordre d'idées, je dirais que cette institution, le Sénat, tire une grande partie de sa valeur du fait qu'elle est éloignée des débats sectaires à la Chambre des communes. La monarchie, elle, est encore plus éloignée de ces débats. Elle rappelle à l'ensemble de la classe politique que son pouvoir ne lui appartient pas, mais qu'il lui est prêté pour un temps parfois bref et toujours imprévisible. Approuver de la tête pour signifier la sanction n'est pas un acte qui disparaîtra de mon vivant vraisemblablement. L'importance de la monarchie ne repose pas sur le pouvoir qu'elle pourrait exercer avec autorité; elle est, au contraire, le dernier recours contre ceux qui voudraient abuser de ce pouvoir. L'assentiment quasi automatique de la tête pourrait se transformer en un refus si les traditions et les lois de notre Parlement et de notre Constitution devaient être enfreintes. C'est la garantie la plus sûre contre tout exercice sans entraves du pouvoir par un exécutif politique composé d'élus assorti de son aréopage de mandarins.

À qui profite l'adoption de ce projet de loi? L'abolition virtuelle de la cérémonie d'octroi de la sanction royale qui suivrait l'adoption de ce texte de loi, cérémonie purement canadienne, ajoute-t-elle un iota de liberté à celle que les Canadiens possèdent déjà? Améliore-t-il d'un iota l'ignorance abyssale que manifestent les Canadiens envers leur Constitution et leur histoire? Améliore-t-il de quelque façon que ce soit la qualité des mesures législatives adoptées par la Chambre des communes et par le Sénat? Ce projet de loi ajoute-t-il quoi que ce soit? Au contraire, ce projet de loi ne perce-t-il le coeur d'une institution? Ne ramène-t-il pas le rôle de la reine et du Parlement à une banale tâche administrative accomplie dans un bureau fonctionnel distant de quelques kilomètres? Ne soustrait-il pas en fait un minuscule rappel à l'ordre à la classe politique au pouvoir?

Combien de fois en ce monde avons-nous constaté que l'abandon des formes de civilité entraînait tôt ou tard l'abandon de la civilité elle-même?

Ce projet de loi passe sous silence un autre aspect pratique et plutôt humain du rôle de la monarchie canadienne, celui de la réconciliation. Les textes de loi ont souvent été amèrement contestés, ont fait l'objet d'études et de débats pendant des années, avec pour point culminant leur adoption lente et litigieuse par les deux Chambres du Parlement. Il est rare que des mesures législatives même moins controversées n'inquiètent pas une partie de la population. N'est-il pas tout indiqué alors que la reine pourra jouer personnellement le dernier acte de ce processus, qui est de réconcilier, de calmer et de rassurer. Des centaines de milliers d'Ontariens ont écrit au lieutenant-gouverneur au sujet de certaines mesures législatives litigieuses adoptées par l'assemblée législative de l'Ontario. M. Diefenbaker, après un an d'âcres débats sur le drapeau national, était tout de même présent lorsqu'il fut hissé sur la colline du Parlement en janvier 1965. Ce drapeau avait été sanctionné par proclamation royale, et il a assisté à la cérémonie pour réconcilier, calmer, rassurer et nous rappeler que la primauté du droit était souveraine, que les coutumes, traditions et procédures du Parlement du Canada et de la Constitution canadienne avaient été respectées et que le débat populaire s'était transformé en une loi du Parlement, demandant à tous d'y obéir, quelles que soient leurs opinions personnelles et ce, pour le bien public. Tout aussi implicitement, cela leur rappelait que ces mêmes procédures, cette même primauté du droit, seraient défendues avec vigilance si les Canadiens voulaient présider à des changements ou à l'abrogation de cette loi, que ce soit au moyen de modifications adoptées par le Parlement ou à la suite d'élections.

En exprimant leurs points de vue, qu'ils soient populaires ou non, qu'ils aillent à l'encontre de la sagesse ambiante ou qu'ils déplaisent fortement au gouvernement du jour, les Canadiens n'ont pas besoin d'avoir peur des descentes de police, du jugement exécuté par un juge suborné mis en oeuvre par une armée politicisée pas plus que de la censure des lettres adressées au rédacteur en chef du journal The Globe and Mail ni de craindre pour le droit de parler librement devant ce comité. La plupart des pays du monde ne peuvent pas prétendre avoir les mêmes assurances pas plus qu'ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles. La plupart des pays du monde ne vivent pas sous une monarchie constitutionnelle.

Pourquoi ce Parlement chercherait-il à supprimer cet aspect visible des rouages de notre régime -- un régime qui garantit la liberté de l'ensemble?

Ce texte de loi passe sans doute sous silence le rôle social de la monarchie. Il enlève au fonctionnaire qui a peut-être travaillé avec acharnement pendant des années, même pour des textes de loi non litigieux, aux lobbyistes et aux députés, l'occasion de voir le résultat de leur travail. Je me suis fait dire que la tradition voulait qu'ils célèbrent leur prouesse en levant discrètement le coude derrière le trône.

La procédure actuelle pourrait-elle être améliorée? Sans aucun doute. Le public comprendrait mieux ce qui se passe si les sanctions royales étaient télévisées de temps à autre et si Son Excellence commençait par donner une brève explication de la signification de ce qui allait se dérouler. La présence plus fréquente du Gouverneur général rehausserait l'importance de ces occasions, et un effort délibéré en vue de rassembler tous ceux qui ont participé à l'élaboration et au processus législatif du projet de loi auquel la sanction royale est octroyée, afin d'être le témoin de l'événement et ensuite de célébrer, pourrait également rehausser le profil de cette cérémonie. Ces objectifs sont en partie conformes aux observations faites par le sénateur Lynch-Staunton le 28 avril dernier à la page 1364 des Débats du Sénat. On pourrait y donner suite en prévoyant une cérémonie tard dans l'après-midi tous les deuxième ou troisième jeudis du mois alors que le Parlement siège pour que Son Excellence puisse planifier ces cérémonies et accomplir cette importante responsabilité constitutionnelle devant un auditoire intéressé au premier chef pour ensuite les accueillir et les rencontrer dans un contexte social.

Rien n'empêcherait de recourir aux procédures qui existent actuellement pour octroyer la sanction royale à un projet de loi particulièrement urgent, pas plus que rien ne pourrait empêcher Son Excellence, d'après mon interprétation des lettres patentes, de nommer comme représentant quelqu'un qui ne soit pas un juge en vue d'octroyer la sanction royale à des projets de loi de temps à autre. Un compagnon éminent de l'Ordre du Canada ou un officier retraité de l'armée qui s'est particulièrement distingué pourrait remplir à merveille ce rôle. Les juges puînés de la Cour suprême risquent souvent de trouver peu commode d'assister aux cérémonies d'octroi de la sanction royale. Certains de ces juges ont exprimé une certaine gêne. La Charte leur confère un rôle plus militant dans l'interprétation à donner aux textes législatifs et je comprends que certains d'entre eux puissent se sentir en mauvaise posture lorsqu'ils octroient la sanction royale à des textes législatifs qu'ils seront peut-être appelés à sanctionner par la suite.

La Ligue monarchiste ne croit pas que ce comité doive prendre une décision hâtive sur la question de la sanction royale, en particulier lorsque la seule option offerte, outre le statu quo, est la déclaration écrite. Nous espérons que ce comité demandera à son personnel de recherche d'envisager diverses modifications issues de la tenue d'une cérémonie d'octroi de la sanction royale dans la Chambre du Sénat. La Ligue voudrait avoir l'occasion de présenter et de débattre avec le personnel diverses modifications et options qui permettraient de répondre aux inquiétudes légitimes soulevées par les sénateurs, outre l'option proposée par le projet de loi S-15. Ce comité devrait peut-être n'arrêter sa décision qu'à la fin de l'été, époque à laquelle il pourrait étudier, de façon plus détaillée, les diverses options offertes pour ne retenir que la meilleure.

Je pourrais dire au Sénat qu'il n'est pas nécessaire d'adopter un texte de loi sur ce sujet ou alors le Sénat pourrait se servir de l'expérience et de l'imagination qui lui sont propres pour recommander des façons de rehausser, plutôt que de réduire, la visibilité de notre monarchie parlementaire.

Sous sa forme actuelle, ce projet de loi me donne à penser que ses adeptes se sont inconsciemment laissés prendre par un autre phénomène, par une attitude envers la monarchie qui est endémique à Ottawa. À quoi sert-elle? C'est un obstacle. Le Premier ministre amalgame les difficultés qu'il pourrait avoir avec les monarchistes aux troubles que lui causent les séparatistes. Et ainsi va le refrain insidieux de nos compatriotes républicains: nous ne l'acceptons que du bout des lèvres; nous tolérons la venue des membres de la famille royale de temps à autre, mais dans la même foulée, nous ferons tout ce que nous pourrons pour faire abstraction de la monarchie, pour réduire sa visibilité, ses symboles, son enseignement pour qu'un jour nous ne nous heurtions à aucun obstacle; rien ne nous empêchera d'exercer avec bienveillance notre pouvoir politique sans entraves.

Un problème se pose cependant. La population canadienne y verra tout aussi clair que le César de Shakespeare qui regardait de haut ce fin finaud de Cassius. Le public se rend compte que nos maîtres politiques n'auront jamais la tranquillité d'esprit voulue tant qu'ils seront entourés de leurs supérieurs, que la monarchie et la monarchie parlementaire tiennent le haut du pavé face à n'importe quel ordre du jour ou calendrier. La commodité est une attitude. À ceux qui cherchent à servir ce pays, je dirais qu'ils feraient mieux d'y réfléchir plutôt que de se contenter de le diriger. Ils devraient se demander si ce projet de loi encourage ce premier ou ce dernier objectif.

Le sénateur Carstairs: On dit parfois des catholiques qu'ils sont plus catholiques que le pape. La même observation vaut ici. Devrions-nous être plus royalistes que le roi?

En février dernier, j'ai passé une semaine avec les membres de la Chambre des lords et je leur ai parlé précisément de cette question. Ils se sont débarrassés de la procédure telle qu'elle s'applique au Canada. Ils estimaient que notre façon de faire était anachronique et quelque peu ésotérique et ne comprenaient pas pourquoi, en 1998, nous faisons toujours ce que nous faisons. Que répondez-vous à cela?

M. Aimers: Au Canada, il est d'une importance capitale que nous conservions ce que le Royaume-Uni considère peut-être comme une flagornerie archaïque ou inutile. Au Royaume-Uni, la reine, la souveraine, accomplit des tâches constitutionnelles tous les jours. Elle est physiquement présente.

Au Canada, cela fait plus de 20 ans que la reine n'a pas inauguré de nouvelle législature et 60 ans que le roi a octroyé en personne la seule sanction royale au Canada. Je prétends donc qu'il est plus important, en particulier pour le Canada, de conserver ce cérémonial. N'oublions pas que le régime sous lequel nous vivons nous a donné une des nations les plus libres et les plus prospères au monde. Nous faisons l'envie des autres nations, nous sommes une destination de choix pour un grand nombre de nos nouveaux compatriotes. Il est important que ces tâches soient accomplies en personne pour que la nation puisse voir que ce n'est pas par accident que le Canada a évolué ainsi. La vigilance, le maintien et la compréhension de ce système, valeurs qui ne sont pas largement partagées dans ce pays à l'heure actuelle, j'en conviens, doivent être encouragées et non le contraire.

Ce Parlement semble décourager la présence physique du Gouverneur général. Or, cela semble aller à l'encontre de ce processus de sensibilisation et de maintien de la visibilité d'un système qui demeure largement incompris ou peu compris dans de nombreuses régions du pays.

Je ne pense pas que cela signifie pour autant que nous soyons plus royalistes que le roi. Tout comme nous conservons de nombreux autres aspects de la monarchie, nous adaptons les symboles et les formalités qui sont propres à la monarchie aux circonstances particulières du Canada.

Le sénateur Bolduc: Si le projet de loi stipulait que la cérémonie traditionnelle aurait lieu lorsque le Gouverneur général peut être présent et qu'on fasse autrement lorsqu'il ne peut l'être, qu'en penseriez-vous?

M. Aimers: Je n'avais jamais entendu cette suggestion auparavant. Elle est intéressante et nous y consentirions peut-être. Diverses options doivent être présentées au comité avant que cette décision historique ne soit prise. Cette option serait très intéressante, si elle encourageait Son Excellence à être présent.

Le sénateur Carstairs: J'ai été nommée sénateur depuis bientôt quatre ans. J'ai toujours assisté à la sanction royale pendant cette période. Si je me souviens bien, le Gouverneur général n'y était qu'une seule fois.

Personnellement, j'ai beaucoup de mal à accepter que des juges octroient la sanction royale, car je n'aime pas ce mélange de responsabilités. S'ils sont appelés à interpréter les lois, ils ne devraient pas être là lorsque ces lois sont proclamées. Vous avez proposé d'autres mesures, mais permettez-moi de vous exposer un scénario tout à fait courant. La Chambre des communes a ajourné et nous ne savons pas quand le Sénat ajournera. Certains parmi nous préféreraient que ce soit le plus rapidement possible. En attendant, nous devons littéralement demander à quelqu'un d'attendre car, avant d'ajourner, nous devrons procéder à l'octroi de la sanction royale à certains projets de loi et ce n'est pas si simple. On ne peut pas dire à quelqu'un que ce sera peut-être à 15 heures, à 18 heures ou à minuit. Au Manitoba, nous avons convoqué le lieutenant-gouverneur à 4 h 30 du matin pour qu'il octroie la sanction royale à certains projets de loi. Est-ce raisonnable à notre époque?

M. Aimers: Ce n'est non seulement raisonnable, mais essentiel. Le service public n'est pas censé être une tâche commode. C'est un devoir. Il faut abandonner ses désirs personnels au profit du bien public. Nous devrions faire preuve d'un esprit créatif plus poussé lorsque nous nommons des représentants du Gouverneur général. On pourrait peut-être faire appel aux compagnons de l'Ordre du Canada ou à des gradés à la retraite. Je crois qu'ils considéreraient cette période d'attente pendant une semaine ou un mois comme un insigne honneur. Je ne peux imaginer de joie plus intense pour un citoyen que de représenter son souverain ou sa souveraine et cela permettrait d'élargir l'idée populaire de notre monarchie constitutionnelle qui est très démocratique. Cela la rendrait visible et abordable. Ce ne serait pas du tout un fardeau. La Ligue monarchique aurait quelques bénévoles à vous proposer.

Le sénateur Gigantès: J'ai servi le père de la reine. Je l'admire, elle et son grand-père, Édouard VIII. Des hommes politiques à l'esprit de parti l'ont empêché de détruire la monarchie. Vous semblez considérer l'esprit de parti avec un brin d'impatience si ce n'est de dégoût. Rappelez-vous l'époque où un gouvernement libéral avait demandé au roi d'Angleterre de composer une Chambre des lords favorable, ou de menacer de le faire, car la Chambre des lords bloquait la volonté de la Chambre élue. Le roi avait considéré cette proposition comme un acte de sagesse, mais elle avait été concoctée par des hommes politiques élus.

J'ai servi notre monarque constitutionnel, un cousin de cette famille royale d'Angleterre; il a brisé la Constitution et a perdu son trône. Son beau-frère n'a pas brisé la Constitution, est demeuré sur le trône d'Espagne et est un bon roi. Les Chambres élues de ces monarchies constitutionnelles en bonne et due forme ont fait de ces monarchies les institutions vénérables et stimulantes qu'elles sont aujourd'hui, alors je vous en prie, ne dénigrez pas la classe politique. Je n'en fais pas partie, mais elle a créé la monarchie constitutionnelle, et non la famille royale.

M. Aimers: Rien dans ce que j'ai pu dire n'était censé dénigrer la politique ou la classe politique. J'ai même fait allusion aux luttes et au sectarisme qui sont nécessaires, mais ce que je voulais dire, c'est que la nature abhorre le vide. Il est tout à fait naturel que le processus politique partisan cherche à accumuler le pouvoir plutôt qu'à s'en débarrasser.

La monarchie qui, effectivement, a évolué grâce à l'appui, à la participation et aux bonnes idées de la classe politique et autres couches de la collectivité, tire une partie de sa valeur du fait qu'elle soustrait, en bout de ligne, le pouvoir au processus partisan ou qu'elle refuse de donner son autorisation. Normalement, dans une monarchie constitutionnelle, nous sommes gouvernés par ceux que nous élisons. Personne ne contesterait ce fait en 1998. Pourtant, il existe des occasions extraordinaires qui nécessitent le déploiement des grands moyens. Que la monarchie serve de coupe-feu, à nous sensibiliser aux dangers qui existent ou à être brandie, l'histoire nous le dira.

Le sénateur Gigantès: Vous n'avez jamais vu de monarque formuler son désaccord de la tête et non son accord; moi, j'en ai vu un. Il m'est difficile d'accepter l'idée selon laquelle la monarchie est irréprochable. Cela dépend de la personne qui occupe le trône. Lorsque la monarchie est viciée, cela crée des bouleversements que les politiques arrivent parfois à arrêter.

Le sénateur Grafstein: Excusez-moi de ne pas avoir été ici plus tôt. J'aurais voulu entendre le sénateur Lynch-Staunton. Malheureusement, j'étais en Chambre. J'espère que j'aurai l'occasion de lire son témoignage. Je me suis dit que si M. Diefenbaker avait trouvé un projet de loi de cette nature provenant de son parti, il se serait posé de sérieuses questions à propos de ceux qui voudraient introduire une mesure de ce genre. Je me sens obligé, tâche ô ingrate, de défendre le fantôme de John Diefenbaker, ce que j'ai l'intention de faire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes à propos du drapeau non plus.

Le sénateur Grafstein: Il faut dire que M. Diefenbaker, après la décision prise, se tenait fier, droit et tout aussi respectueux du drapeau que n'importe quel autre Canadien. Je voudrais donc adopter la position de Diefenbaker, non pas en étant extrémiste mais en étant plus précis. Ce projet de loi me met mal à l'aise pour un certain nombre de raisons.

Premièrement, notre leader adjoint a parlé de la différence entre le Canada et le Royaume-Uni et a indiqué que ce pays s'était débarrassé d'une partie du cérémonial de la sanction royale. Il me semble évident que la reine au Royaume-Uni est très différente du symbolisme important que représente le Gouverneur général, qui est le représentant de la reine au Canada. Ce qui nous inquiète, c'est que le Gouverneur général ne remplit pas ses principales tâches constitutionnelles en Chambre.

Le sénateur Nolin: C'est sa première responsabilité.

Le sénateur Grafstein: Son autre principale responsabilité est d'être informé de l'état de la nation par son principal ministre, le premier ministre. Outre cette responsabilité, je ne peux pas penser à une autre responsabilité plus importante que celle d'octroyer la sanction royale aux lois de ce pays. Je ne vois pas pourquoi le Gouverneur général, qui fut membre de notre Chambre, ne considérerait pas cette responsabilité comme une de ses fonctions premières. Il préfère rendre visite aux enfants dans les écoles, ce qui est important, mais qui n'est pas indiqué à mon avis. Le Gouverneur général n'est pas suffisamment visible, même à Ottawa.

Je suis d'accord avec vous pour dire que la sanction royale devrait être télévisée et expliquée pour que les élèves en comprennent le sens. Les élèves tireraient davantage d'enseignements des explications télévisées de projets de loi qui seraient diffusées régulièrement sur la chaîne parlementaire que des discours prononcés devant des milliers d'entre eux par le Gouverneur général. Qu'en pensez-vous?

M. Aimers: Oui, en tant qu'ancien adjoint de M. Diefenbaker pendant deux ans ici, je suis sûr que vous n'aviez pas l'intention de critiquer le Gouverneur général. Son Excellence a suivi le modèle établi par les trois ou quatre derniers titulaires du poste en demandant à des juges de le représenter. D'autres options s'offrent. Je comprends ce que vous dites.

Le sénateur Grafstein: Je suis d'accord avec ceux qui estiment que les juges, en particulier les juges peu enthousiastes de la Cour suprême du Canada, ne devraient pas établir la suprématie du droit. En promulguant les lois et en établissant la primauté du droit, la reine dit, en fait, par l'intermédiaire de son représentant, qu'elle est en dessous de la loi. Elle se situe en dessous, et non au-dessus, de la suprématie du droit. Elle transmet la loi et accepte de la respecter. C'est ce symbole qu'elle représente par l'entremise de son représentant. Je m'inquiète que cela ne puisse se faire sans la présence physique du représentant de la reine. À mon avis, il n'est pas cohérent qu'un juge le fasse alors que la reine lui transmet la loi, la reine qui, elle-même, accepte de respecter cette loi.

C'est l'efficacité qui passe avant le symbolisme? Est-ce ce dont nous parlons? Deux désagréments ont été invoqués. On a dit qu'il serait peut-être peu commode que cinq ou six députés soient témoins de la sanction royale. Combien d'entre eux sont tenus d'y assister?

Le sénateur Nolin: Un.

Le sénateur Grafstein: Il y a toujours un ou deux députés en Chambre.

Le sénateur Nolin: Lorsque la Chambre ne siège pas, un député suffit.

Le sénateur Grafstein: Cette semaine, au moins une demi-douzaine de députés ainsi que tous les ministres sont ici. On ne peut pas dire que ce soit un grand dérangement. Êtes-vous d'accord ou non?

M. Aimers: Je suis tout à fait d'accord. C'est un privilège.

Le sénateur Grafstein: Un de nos problèmes, c'est que le public dédaigne les institutions publiques. Les opposants viennent de partout. Le Sénat fait face à un défi injuste en ce moment-ci. Même si, en fait, tout cela peut se faire pro forma en coulisses, comment pouvons-nous, nous sénateurs, justifier l'érosion du minimum de visibilité que nous avons en tant qu'élément essentiel du Parlement?

M. Aimers: Cela ne peut se faire, car si ce processus devient une fonction purement administrative qui se fait par retour du courrier, que reste-t-il? On ne verra qu'un tampon et non un être humain vivant qui nous est familier. C'est un être humain qui accomplit les fonctions qui représentent la collectivité tout entière.

Le sénateur Grafstein: Je le fais dans un esprit d'équité, de civilité et de respect pour la mémoire de M. Diefenbaker, avec lequel sur ce point précis et de cette façon précise, je serais tout à fait d'accord.

Le sénateur Buchanan: Je ne suis pas d'accord avec ce que dit le sénateur Grafstein. Je suis, et j'ai toujours été, un traditionaliste et un défenseur de notre régime de gouvernement et de la monarchie. La plupart des habitants de la Nouvelle-Écosse, probablement 80 p. 100 d'entre eux ou plus, le sont.

Chaque année durant les 24 ans que j'ai été premier ministre de la province, leader de l'opposition ou simple député à l'assemblée législative, deux événements majeurs se déroulaient. Chaque année, la législature était inaugurée avec pompe et apparat et le représentant de la monarchie était présent. Le lieutenant-gouverneur lisait le discours du Trône. Nous étions cordiaux les uns envers les autres et il y avait ensuite une réception. À la fin de la législature, le lieutenant-gouverneur en personne, au nom de la reine, octroyait la sanction royale à la plupart des projets de loi qui avaient été adoptés.

Cela se faisait chaque session de notre législature pour veiller à conserver et à consolider le régime parlementaire qui est le nôtre dans notre province, le monarque par l'intermédiaire du lieutenant-gouverneur étant présent. Tous les députés étaient là. C'était un grand événement. L'assemblée législative et les galeries étaient pleines. Les caméras de télévision tournaient pour que chacun sache que notre régime était une monarchie constitutionnelle. C'était important pour nous car nous sommes très attachés aux traditions.

La sanction royale était octroyée à la plupart de nos projets de loi à ce moment-là. Cependant, de temps à autre, certains projets de loi devaient être sanctionnés immédiatement et, lorsqu'il le pouvait, le lieutenant-gouverneur venait et octroyait la sanction royale. Ce système existe dans notre province depuis la Confédération.

L'ennui, c'est que lorsqu'il y a sanction royale, il est plutôt avilissant pour le juge en chef ou le juge de la Cour suprême et pour la monarchie d'avoir comme seuls témoins de cet événement une poignée de gens et peut-être cinq ou six députés qui attendent parfois avec impatience que la cérémonie se termine. Ce n'est pas un événement et pourtant ce devrait l'être.

Ce n'est pas un événement grandiose lorsqu'il y a deux Chambres. Il est facile de le faire en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, et encore au Nouveau-Brunswick et dans certaines autres provinces, je suppose, mais le tout est plus facile lorsqu'il n'existe qu'une Chambre. Je ne préconise certainement pas à l'heure actuelle l'abolition du Sénat. Comme disait l'autre: «J'ai changé d'avis».

Il serait peut-être préférable que le Gouverneur général octroie la sanction royale trois ou quatre fois par an pour les projets de loi importants, comme les projets de loi de crédits; nous pourrions ainsi dire à la population canadienne: «Nous maintenons et consolidons nos liens constitutionnels avec la monarchie en procédant ainsi.» C'est là le but de ce projet de loi. Sénateur Grafstein, je ne me départis aucunement de ma position traditionnelle sur la question de la sanction royale.

Ce n'est pas une question de dérangement. C'est avilissant pour la monarchie que de le faire de la façon dont nous le faisons tout le temps. Nous adoptons deux ou trois projets de loi en présence d'un juge et d'une poignée de gens et les médias s'en contrefichent maintenant. Mais les médias seraient présents si c'était un véritable événement, et nous pourrions en faire un événement s'il y avait un nombre suffisant de projets de loi importants. Les députés, les sénateurs et le Gouverneur général seraient tous présents. Depuis que je suis ici, je ne pense pas avoir vu le Gouverneur général octroyer la sanction royale à un projet de loi. Je suis un traditionaliste. Je crois en notre système.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous êtes monarchiste.

Le sénateur Buchanan: Ce projet de loi est important. Nous devrions conserver et consolider nos liens avec la monarchie et non pas la dédaigner ou l'avilir en octroyant la sanction royale devant une poignée de gens seulement.

Le sénateur Gigantès: Je suis d'accord avec ce que vous dites, mais je ne vois pas très bien pourquoi vous pensez que les députés viendront en plus grand nombre si la sanction royale n'est octroyée qu'une fois par an.

Le sénateur Buchanan: Je pense qu'un plus grand nombre de députés viendront si on en fait un véritable événement. Dans notre assemblée législative, tous les députés étaient là lors de l'inauguration ou de la clôture de la législature. C'étaient des événements grandioses et sérieux dans notre province; ils étaient télévisés et bien couverts par les médias. J'étais toujours très fier de me lever, de prendre les projets de loi et de les présenter au lieutenant-gouverneur qui les sanctionnait sur place devant les caméras de télévision. Le sénateur Moore a assisté à l'événement à de nombreuses reprises.

Le sénateur Grafstein: Le problème, c'est l'absence du Gouverneur général. Je suis sûr qu'un texte de loi quelconque dispose qu'en l'espèce, le juge en chef de la Cour suprême ou alors un juge de la Cour suprême peut remplacer le Gouverneur général. Grosso modo, cet événement commande de plus en plus l'indifférence car le Gouverneur général n'est pas tenu, de par la loi ou de par une norme plus élevée, d'y assister.

Que se produirait-il si le Gouverneur général était tenu d'y assister et que la sanction royale était reportée jusqu'à ce qu'il puisse le faire?

Le sénateur Buchanan: Je ne pense pas que cela puisse se faire.

La présidente: L'attaché de recherche me dit que c'est enchâssé dans la Constitution.

M. James R. Robertson, attaché de recherche, Bibliothèque du Parlement: La Constitution prévoit la nomination de représentants par le Gouverneur général. Les lettres patentes constituant l'office du Gouverneur général prévoient la nomination de représentants chargés de représenter le Gouverneur général et d'accomplir les tâches qu'il délègue. Ces droits ont été octroyés par la reine au Gouverneur général.

Le sénateur Grafstein: Mais cela ne signifie pas la Cour suprême du Canada.

M. Robertson: Comme M. Aimers l'a fait remarquer, nous n'avons trouvé aucun texte stipulant que la sanction royale doit être octroyée par les juges de la Cour suprême. Cependant, depuis la fin du XIXe siècle, la norme et la tradition ont toujours été de nommer les juges de la Cour suprême comme représentants.

Le sénateur Grafstein: Je n'y vois aucun inconvénient si cela se trouve dans la Constitution. On ne peut pas s'en mêler. Mais ne pourrions-nous pas adopter une résolution unanime disposant que le Sénat exige, dans la mesure du possible, que le Gouverneur général lui-même assiste à cette cérémonie? Cette demande n'aurait-elle pas une certaine force?

Le sénateur Buchanan: Je ne pense pas que cela soit possible.

Le sénateur Grafstein: Je vais le redire en termes plus diplomatiques. On ne peut pas exiger la présence de la souveraine ou du Gouverneur général, mais on peut dire qu'il serait dans l'intérêt du Sénat et par respect envers la suprématie du droit que, dans la mesure du possible, le Gouverneur général y assiste en personne. Si un représentant doit absolument y assister à sa place, nous pourrions peut-être nommer certains de ces représentants. Je parle ici d'une prérogative et non d'une invitation exécutoire.

M. Aimers: Je suis souvent en contact avec les adjoints du Gouverneur général et je peux vous dire qu'ils sont extrêmement sensibles à l'humeur politique du moment. Si on les informait sans ambages que la présence du Gouverneur général lors de la cérémonie de la sanction royale était considérée par le Parlement comme une fonction importante du rôle de la monarchie -- car, après tout, cela ne l'a pas été pendant 40 ans ou plus -- je ne peux pas concevoir que Son Excellence ne modifierait pas son agenda en conséquence.

Aucune mesure législative ne serait nécessaire puisque les lettres patentes de 1947 disent, si je ne m'abuse, qu'il peut nommer toute personne indiquée. Par conséquent, cela laisse la porte grande ouverte à toute suggestion, que ce soient mes propres suggestions ou celles d'autres personnes, sur les catégories de gens qui pourraient le faire.

La présidente: Peut-être devrions-nous le faire sous forme de questions et non de déclarations.

Le sénateur Grafstein: Si le Gouverneur général était présent, pensez-vous que les sénateurs continueraient de ne pas assister à cette cérémonie comme c'est actuellement le cas lorsqu'il s'agit d'un simple juge de la Cour suprême du Canada?

Le sénateur Buchanan: Un plus grand nombre de sénateurs et de députés seraient peut-être présents. M. Aimers a dit qu'il était important qu'un être humain vivant soit présent et ce serait soit le Gouverneur général soit le juge en chef. L'ennui, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de sénateurs ou de députés présents en chair et en os. Un comité mixte de la Chambre et du Sénat pourrait peut-être être chargé de veiller à ce que ces liens soient maintenus et à ce que, lorsque la sanction royale est octroyée à certains projets de loi, le Gouverneur général soit présent et à ce que nous y assistions également en grand nombre.

La présidente: Cela dépasse un peu la portée de ce projet de loi et nous en avons discuté pendant longtemps.

Le sénateur Bryden: J'ai écouté avec intérêt certains des propos fantaisistes qui ont été prononcés ici. Je voudrais revenir sur la suggestion qu'a faite le témoin sur la nécessité d'être plus créatifs lorsque nous cherchons des représentants de la reine. Doit-on l'être? Dans le cas de son projet sur le millénaire, je me demande si le Sénat ne pourrait pas profiter des techniques de pointe qui existent actuellement pour amener la reine au Sénat même en organisant une téléconférence. Nous pourrions le faire pour la sanction royale, au moins une fois par an pour le discours du trône, comme le sénateur Lynch-Staunton l'indique dans ce projet de loi. Nous remplirions les galeries, en y mettant beaucoup d'enfants, et nous demanderions aux députés de venir. Il y aurait un échange de points de vue. Nous verrions non seulement la reine consentir de la tête, nous pourrions l'entendre dire: «Oui, j'accepte.» Si le besoin s'en faisait sentir, elle pourrait arriver à Westminster Abbey dans son carrosse et nous pourrions voir tout cela. Nous pourrions en faire un grand événement. Il se peut que beaucoup de gens y assistent si le tout se déroule bien. Ce que je veux dire, c'est que si nous devons être créatifs, pourquoi ne pas nous projeter dans le nouveau millénaire?

Nombreux sont ceux qui défendent la monarchie et le rôle qu'elle joue. À juste titre ou non, la monarchie est perçue comme étant rétrograde. Alors, pourquoi ne pas être avant-gardistes et profiter de ces techniques qui évoluent rapidement? Qu'en pensez-vous?

M. Aimers: Absolument. La monarchie a survécu et a prospéré du fait de sa capacité d'adaptation. De temps à autre, le prince de Galles ou tout autre membre de la famille royale pourrait représenter la reine. Ce que vous proposez aurait l'avantage de mettre l'accent sur notre identité. Si nous devons un jour avoir des discussions intelligentes sur le caractère souhaitable de cette institution, elles doivent reposer sur des données qui n'existent pas encore. Il y aurait une foule de néo-Canadiens, d'Autochtones, en particulier des jeunes; tous les éléments de notre collectivité seraient rassemblés sous la monarchie. Votre suggestion apporterait une nouvelle vie à cette institution et c'est ce que doit faire ce comité. Si vous adoptez ce projet de loi aujourd'hui, cette option disparaît.

La présidente: Toutes ces suggestions sont excellentes, mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est ce projet de loi. Nous devons l'examiner. En l'absence de toute autre question adressée à notre témoin, nous allons passer à l'étude article par article du projet de loi. Je vous remercie infiniment d'avoir comparu.

L'article 1, le titre abrégé du projet de loi, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La présidente: Adopté.

L'article 2 est-il adopté?

Le sénateur Joyal: J'aimerais proposer un amendement à l'article 2. Je suppose que mes collègues ont une copie des amendements proposés sous les yeux.

Je propose:

Que le projet de loi S-15, à l'article 2, soit modifié par substitution, aux lignes 13 à 15, page 1, de ce qui suit:

«loi présenté lors d'une session».

Le sénateur Buchanan: Je ne m'oppose pas vraiment à ce que vous proposez. Cela inclut-il le projet de loi de crédits cependant?

Le sénateur Joyal: Si c'est le premier.

Le sénateur Lynch-Staunton: Aucune distinction n'est établie.

Le sénateur Joyal: En effet. Le premier projet de loi est le premier projet de loi. Si c'est un projet de loi et si c'est le premier qui provient de la Chambre des communes, la sanction royale sera alors octroyée à celui-là.

Le sénateur Buchanan: Il faudrait prévoir une sanction royale officielle.

La présidente: L'article 2, sous sa forme modifiée, est-il adopté?

Le sénateur Lynch-Staunton: Il est plus intéressant que ce soit le projet de loi de crédits qui soit sanctionné qu'un projet de loi ordinaire. Si cela ne s'applique qu'à un seul projet de loi, envisageriez-vous le premier projet de loi de crédits?

Le sénateur Bolduc: C'est ce que je voulais proposer.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous nous demandons si le motionnaire voulait bien accepter l'ajout des mots «de crédits», si bien que l'amendement disposerait:

«loi de crédits présenté lors d'une session.»

La présidente: Vous voulez parler du premier projet de loi de crédits.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.

Le sénateur Buchanan: Le premier projet de loi à nous parvenir de la Chambre des communes pourrait très bien être un projet de loi inoffensif et sans substance et dans ce cas, il serait inutile de demander au Gouverneur général d'octroyer la sanction royale à ce genre de projets de loi. Les projets de loi de crédits sont différents cependant.

Le sénateur Joyal: Il se pourrait, par exemple, que ce soit un projet de loi mettant fin à une grève et nous savons tous dans quel contexte ces projets de loi sont parfois adoptés. J'ai été député pendant longtemps; certains projets de loi faisaient l'objet de débats houleux, non seulement par nous mais au sein du public également. Associer le Gouverneur général ou son représentant à ce type de loi pourrait être malvenu.

La présidente: Acceptez-vous de changer le libellé de l'article?

Le sénateur Joyal: Oui. En voici le texte:

«loi de crédits présenté lors d'une session.»

La présidente: L'article 2, sous sa forme modifiée et remodifiée, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La présidente: Adopté, à l'unanimité.

L'article 3 est-il adopté?

Le sénateur Moore: En lisant l'article, je ne suis pas sûr que le libellé de l'amendement traduira ce que nous essayons de faire avec exactitude. Voici ce que dit l'article 3:

La déclaration est présentée devant chaque Chambre du Parlement par son Président...

N'est-ce pas par le Président de chaque Chambre?

Le sénateur Buchanan: Parlons-nous de l'article 3 ou de l'article 3 sous sa forme modifiée?

Le sénateur Lynch-Staunton: L'article 3 tel qu'il figure dans le projet de loi.

Le sénateur Moore: Sénateur Buchanan, l'amendement porte sur la dernière partie de la phrase.

La présidente: Je ne vois pas de problème, c'est grammaticalement correct car le mot «chaque» apparaît avant les mots «par son président».

Y a-t-il un amendement à l'article 3?

Le sénateur Joyal: Je propose:

Que le projet de loi S-15, à l'article 3, soit modifié par substitution, aux lignes 19 à 21, page 1, de ce qui suit:

«dent ou le suppléant de celui-ci.»

[Français]

Le sénateur Nolin: Vous éliminez le délai de quinze jours. C'est l'objectif.

Le sénateur Joyal: C'est cela.

[Traduction]

La présidente: L'article 3 sous sa forme modifiée est-il adopté?

Des voix: Oui.

La présidente: Adopté.

Les articles 4 et 5 sont-ils adoptés -- c'est-à-dire, honorables sénateurs, les articles qui sont numérotés 4 et 5 dans le projet de loi initial, car aucun nouvel article n'a encore été proposé.

Le sénateur Buchanan: Voulez-vous revenir en arrière et proposer vos amendements?

Le sénateur Joyal: Je propose:

Que le projet de loi S-15 soit modifié:

a) par adjonction, après la ligne 16, page 1, de ce qui suit:

«Formalités traditionnelles

3. L'octroi de la sanction royale s'effectue selon les formalités visées à l'alinéa 2a) au moins une fois par année civile.»

b) par renumérotation des articles subséquents.

La présidente: Avant de voter, nous devrions tout d'abord nous entendre pour savoir si nous allons adopter les articles 4 et 5, les premiers articles pour lesquels il n'y a pas d'amendement, car cet amendement-ci renumérote les autres articles.

Les articles 4 et 5 sont-ils adoptés?

Des voix: Oui.

La présidente: Adoptés.

Le nouvel article 3, proposé par le sénateur Joyal, est-il adopté?

Des voix: Oui.

La présidente: Adopté.

Le sénateur Joyal: J'aimerais proposer:

Que le projet de loi S-15 soit modifié par adjonction, après la ligne 27, page 1, de ce qui suit:

«Inobservation de l'article 3

7. Nulle sanction royale n'est invalide du seul fait de l'inobservation de l'article 3 au cours d'une année civile.»

La présidente: Voulez-vous en discuter?

Le sénateur Buchanan: Je crains que ce ne soit le début de la fin et qu'on n'en vienne à n'exiger aucune sanction royale une année. M. Aimers y a fait allusion. Si une année, la sanction royale n'est octroyée que par déclaration écrite et non par le Gouverneur général ou le juge en chef, ou quelqu'un d'autre, l'année suivante, dirons-nous: «Eh bien, les sanctions royales de l'année dernière n'étaient pas invalides»?

Le sénateur Joyal: Si cela devenait la norme, dans deux ans, nous invoquerions le nouvel article 7 qui est proposé ici. Le changement que vous suggérez interviendrait. Ce n'est pas là l'intention du motionnaire. Son intention était de conserver la tradition courante, mais si, pour toutes sortes de raisons, cela ne se produisait pas une année, le gouvernement estime que cela ne devrait pas entraîner de toute évidence l'invalidité des lois. C'est un amendement purement administratif car les motionnaires du projet de loi ont tout à fait l'intention de poursuivre la tradition chaque année.

La présidente: Ainsi, si la prorogation du Parlement était prononcée plus tôt que prévu, tard dans l'année, il n'y aurait pas de problème.

Le sénateur Joyal: Exact.

[Français]

Le sénateur Nolin: Est-ce que les mots «les observations de l'article 3» font partie d'un titre?

Mme Lank: C'est une note marginale.

Le sénateur Nolin: C'est la note marginale. Cela ne fait pas partie de la loi?

Mme Lank: Exactement. Cela ne fait pas partie du projet de loi.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: C'est tout simplement une question de présentation.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je crois que l'article 3 sera en marge et qu'il y aura un nouvel article 3, si bien que les articles 3, 4 et 5 deviennent maintenant 4, 5 et 6. Le nouvel article 7 dispose qu'en cas d'inobservation de l'article 3, la sanction royale n'est pas invalide. Il n'y a pas de sanction et aucune raison valable n'est donnée. Je trouve cette mesure plutôt draconienne; elle invalide sans raison.

Le sénateur Joyal: C'est peut-être une façon plus directe de le dire pour répondre aux arguments présentés par le sénateur Buchanan. D'un autre côté, ce que le sénateur Milne a dit est une réalité également. Le gouvernement ne veut certainement pas se trouver dans une situation où toutes les mesures législatives sont invalidées du seul fait que la sanction royale n'a pas été octroyée de la façon traditionnelle cette année-là. Pour toutes sortes de motifs, une telle situation pourrait se produire en raison du calendrier de l'année. Les circonstances n'auront peut-être pas présidé à l'octroi de la sanction royale de façon traditionnelle. Grosso modo, c'est à cela que tient le problème.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pouvez-vous imaginer quelque situation que ce soit où 365 jours ne suffiraient pas à organiser une cérémonie d'octroi de la sanction royale? Il y a toujours une sanction royale au bout de quelques mois, lorsque le Parlement siège évidemment. Vous semblez proposer une façon de surseoir légalement à la cérémonie traditionnelle d'octroi de la sanction royale sans avoir à donner de raison valable. Dans un premier temps, vous dites qu'il y en aura une chaque année civile et dans un deuxième temps, vous dites que s'il n'y en a pas, cela a peu d'importance.

Le sénateur Gigantès: Si cet article est supprimé, le gouvernement sera obligé d'organiser une cérémonie d'octroi de la sanction royale une fois par an. Il y a 365 jours par an pour le faire. Je pense que nous pouvons la caser quelque part. Nous ne siégeons que 70 jours par an.

Le sénateur Joyal: Je comprends votre argument, et il est fondé. Nous ne devrions pas faire indirectement ce que nous ne voulons pas faire directement. Nous ne devrions pas permettre quelque chose que nous ne voulons pas voir se réaliser. Je me rends compte que l'argument présenté par le gouvernement est fondé également et il existe sans doute une meilleure façon de formuler cet amendement si les membres du comité et les sénateurs ne sont pas contents ou satisfaits. Mais je ne suis pas en mesure de vous dire que nous devons le laisser tomber parce que nous n'atteignons pas notre objectif.

Le sénateur Bolduc: Pourquoi ne pas le suspendre? Nous le changerons en Chambre. Cela vous donnera le temps de demander une explication à quelqu'un qui en sait davantage sur le sujet que nous.

Le sénateur Buchanan: Suggérez-vous cela en raison de la prorogation du Parlement?

La présidente: Soit nous l'adoptons soit nous ne l'adoptons pas, mais il a été proposé. Je ne pense pas que nous puissions suspendre une partie d'un projet de loi et en faire rapport. Nous devrions l'adopter ou ne pas l'adopter et ensuite laisser à la Chambre le soin de faire ce qu'elle veut lors de la troisième lecture.

[Français]

Le sénateur Nolin: Sénateur Joyal, si je comprends bien l'intention de cet amendement, ce serait la situation suivante: nous sommes à la fin du mois de juin, il y a des lois qui n'ont pas reçu la sanction royale et pendant l'ajournement d'été, le premier ministre décide de proroger la législature. Qu'arrive-t-il de ces projets de loi?

Le sénateur Joyal: Cela pourrait être invoqué comme étant une raison pour alléguer l'invalidité de la loi. C'est essentiellement une question technique. L'objectif est de prévoir un argument technique, exactement comme celui que vous venez d'exprimer. Si on peut trouver une autre façon plus rigoureuse pour prévenir la situation que le sénateur Buchanan a exprimée, je ne crois pas que le gouvernement ait aucune objection à cela. Il faut protéger le sens, l'objectif fondamental du projet de loi. C'est essentiellement pour faire face à la situation que vous venez de décrire.

Le sénateur Gigantès: Mais si ce problème est connu, est-ce que le premier ministre ne prendrait pas soin d'avoir une sanction royale avant de proroger?

Le sénateur Nolin: Il l'aurait par déclaration parce que ce serait la normalité, alors que parce qu'il n'a pas rencontré la condition d'une sanction royale traditionnelle minimale une fois par année, il se trouverait dans une impasse. Il ne pourrait pas proroger. C'est une prérogative qu'il a en vertu de la Loi du Parlement.

Le sénateur Gigantès: Qu'il le fasse au commencement de l'année.

Le sénateur Nolin: Peut-être que nous pouvons adopter cet article avec dissidence et nous aurons un débat à l'étape de la troisième lecture.

[Traduction]

Le sénateur Lynch-Staunton: Je peux très bien imaginer qu'un jour un gouvernement minoritaire adopte des textes de loi courants et qu'il tombe après un vote sur un projet de loi de crédits. On a eu recours à la déclaration écrite et, pour une raison ou pour une autre, des élections ont lieu ou le Parlement reprend ses travaux l'année civile suivante. Par inadvertance, le gouvernement n'a donc pu, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, tenir une cérémonie traditionnelle d'octroi de la sanction royale pendant ces 12 mois. Ainsi, toutes les raisons sont bonnes.

Le sénateur Joyal: La suggestion avancée par le sénateur Nolin est valable. Nous pourrions adopter le projet de loi et, lors de la troisième lecture, nous aurons le temps d'y réfléchir et de proposer un libellé plus strict. Nous ne voudrions pas introduire une échappatoire dans le projet de loi, ce qui aurait pour effet d'aller à l'encontre du but recherché en toute bonne foi par nous tous.

La présidente: Lorsque quelqu'un propose un amendement qu'il veut ensuite retirer, il peut le faire à condition qu'il y ait consentement unanime. S'il désire retirer son amendement, le sénateur Joyal peut le faire et nous pouvons poursuivre l'étude du projet de loi et le modifier lors de la troisième lecture.

Le sénateur Grafstein: Un vrai problème se pose en cas de gouvernement minoritaire ou lorsqu'un gouvernement choisit de déclencher immédiatement des élections, ce qui s'est déjà produit. C'est une prérogative et c'est clair. Une façon de régler ce problème serait peut-être de dire qu'aucune sanction royale n'est invalide. En passant, je propose cela sous réserve de mon droit de m'opposer au projet de loi tout entier.

Nulle sanction royale n'est invalide pour quelque raison que ce soit sauf si l'article 3 proposé n'est pas respecté pendant deux années civiles. Un problème évident se pose si le gouvernement ne le fait pas en deux ans. Si vous disiez deux ans, cela permettrait de voir venir avant les élections. Personne ne peut être pris en souricière de la sorte.

À la veille des élections, le gouvernement doit toujours s'occuper de projets de loi de crédits. Au dernier moment, quelqu'un rappelle au premier ministre qu'il doit faire adopter ces projets de loi de crédits avant de faire quoi que ce soit d'autre. Une sonnerie quelconque devrait prévenir le premier ministre que c'est là une condition préalable. C'est peut-être ça, la solution.

La présidente: Si nous proposons des amendements de ce genre sans vraiment y réfléchir pleinement, il serait peut-être préférable de le faire lors de la troisième lecture plutôt que maintenant. Sénateur Grafstein, vous êtes membre votant de ce comité.

Le sénateur Moore: Je demanderais aux parlementaires les plus anciens autour de la table si effectivement une année pourrait s'écouler sans projets de loi de crédits?

Le sénateur Nolin: Cela dépend de la date de fin d'année.

Le sénateur Grafstein: C'est possible.

Le sénateur Bolduc: Ça c'est produit en 1988.

Le sénateur Moore: Il n'y a pas eu de projets de loi de crédits cette année civile-là?

Le sénateur Buchanan: Il a fallu un mandat spécial. Cela s'est produit dans les années 1970.

Le sénateur Nolin: Pourquoi ne pas adopter ce projet de loi et attendre la troisième lecture pour que nous y voyions plus clair ?

Le sénateur Moore: Je pensais simplement que s'il y avait un projet de loi de crédits une fois par an, il n'y aurait pas de problème. Ce serait inutile car il faudrait de toute façon tenir la cérémonie traditionnelle.

La présidente: Le sénateur Nolin a trouvé une bonne solution. Nous allons voter l'amendement.

Le nouvel article 7 est-il adopté?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente: Adopté, à la majorité des voix.

Le titre est-il adopté?

Des voix: Oui.

La présidente: Le projet de loi sous sa forme modifiée est-il adopté?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Le sénateur Grafstein: Je m'abstiens.

La présidente: Adopté, à la majorité des voix.

Puis-je faire rapport du projet de loi sous sa forme modifiée au Sénat?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Le sénateur Grafstein: Je m'abstiens.

Si je m'abstiens, c'est parce que je me sens un peu gêné de faire opposition au projet de loi. Je ne savais pas que j'avais été nommé membre de ce comité et je ne veux pas m'ingérer dans le processus de prise de décisions. Veuillez prendre note de mon abstention.

Le sénateur Buchanan: À la majorité des voix, l'article 7 proposé fait désormais partie du projet de loi.

La présidente: C'est exact.

Le sénateur Buchanan: S'il avait fait l'objet d'un vote, il n'aurait pas été adopté.

La présidente: Le vote a eu lieu et l'article a été adopté à la majorité des voix.

Le sénateur Buchanan: Je n'ai rien adopté.

La présidente: Vous n'étiez pas d'accord.

Le sénateur Buchanan: Si vous aviez compté le nombre de voix, il me semble évident que l'article 7 proposé n'aurait pas été adopté.

Le sénateur Grafstein: Pourquoi, parce que je me suis abstenu?

Le sénateur Buchanan: Non, parce qu'il y aurait eu sept voix.

La présidente: Je crois que vous comptez des voix qui n'auraient pas dû l'être.

Le sénateur Buchanan: Pourquoi pas?

La présidente: Par exemple, si le sénateur Lynch-Staunton avait eu l'intention de voter, alors le sénateur Berntson n'aurait pas pu voter.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne vote pas en l'absence de l'autre membre d'office du comité.

Le sénateur Buchanan: Le nouvel article 7 n'aurait pas été adopté. Je pensais que le vote portait sur le projet de loi en tenant compte des amendements que nous avions acceptés et en laissant de côté le nouvel article 7 pour qu'il soit ajouté au projet de loi lors de la troisième lecture.

La présidente: Je crois avoir énoncé clairement l'objet du vote, sénateur Buchanan, car j'ai dit: «Le nouvel article 7 est-il adopté?», et il l'a été à la majorité des voix, avec une abstention.

Le sénateur Gigantès: Il peut être modifié lors de la troisième lecture.

[Français]

Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Joyal a préparé un amendement pour demain après-midi.

[Traduction]

Le sénateur Bolduc: Ce serait plus sage de procéder ainsi.

Le sénateur Joyal: Je voudrais confirmer que je m'engage à parler au gouvernement pour m'assurer que l'observation présentée par mon honorable collègue, selon laquelle nous ouvririons une porte qui aurait pour conséquence de modifier l'objectif recherché par le projet de loi -- qui est de tenir une cérémonie traditionnelle d'octroi de sanction royale chaque année --, soit réglée de façon satisfaisante lors de la troisième lecture.

La présidente: Bien.

Merci, honorables sénateurs. C'est ainsi que nos travaux prennent fin.

La séance est levée.


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